Ces idées qui gouvernent le monde - L'avenir de l'industrie automobile
L'industrie automobile en France, comme dans l'ensemble des pays de l'Union Européenne, a progressé légèrement en 2023 après les années de disette du Covid et ses perspectives d'avenir sont contrastées. L'incertitude qui pèse sur cette industrie européenne est à l'aune de facteurs macro-économiques préoccupants : croissance faible, concurrence forte et manipulée par la volatilité des coûts de main d'oeuvre, des matières premières et des investissements. Une voiture de performances équivalentes, selon qu'elle est fabriquée en Chine ou en Europe a un coût de fabrication et de vente qui peut varier de 30 à 40%.L'industrie automobile est le parfait reflet de la situation industrielle européenne et cela est particulièrement vrai pour la France. Comme chacun sait, nous payons le prix de la désindustrialisation de ces dernières décennies. Ainsi, la France produisait 3.2 millions de véhicules en 1999 et seulement la moitié aujourd'hui, la filière a perdu 100 000 emplois et nous avons rétrogradé de la 2e à la 3e place pour la vente de véhicules après l'Allemagne et l'Espagne.Enfin, l'industrie automobile doit s'adapter à un triple choc, le choc climatique avec la production accélérée de véhicules électriques et hybride, l'Europe a fixé à 2035 la fin de la production de véhicules thermiques légers ; le choc numérique et digital avec des véhicules connectés et automatisés ; un choc sociétal pour faire du transport un service de mobilité, individuel et connecté. Sommes-nous prêts ? Comment nous adapter à la concurrence internationale ? et que faut-il changer pour y arriver ?Émile Malet reçoit :Luc Chatel, ancien ministre de l'Éducation nationale, directeur de la Plateforme de l'Automobile (PFA) Christian Saint-Etienne, économiste, professeur au CNAM Vincent Salimon, président de BMW France Yann Vincent, président d'Automotive Cells CompanyDavid Amiel, député de Paris - Ensemble pour la RépubliquePrésenté par Emile MALETL'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP - Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5Suivez-nous sur les réseaux !X (ex-Twitter) : https://x.com/lcpFacebook : https://fr-fr.facebook.com/LCPThreads : https://www.threads.net/@lcp_anInstagram : https://www.instagram.com/lcp_an/TikTok : https://www.tiktok.com/@LCP_anNewsletter : https://lcp.fr/newsletterRetrouvez-nous sur notre site : https://www.lcp.fr/#LCP #assembleenationale #Politique
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00:00Générique
00:02...
00:23Bienvenue dans ces idées qui gouvernent le monde,
00:26l'avenir de l'industrie automobile.
00:29L'industrie automobile en France,
00:31comme dans l'ensemble des pays de l'Union européenne,
00:34a progressé légèrement en 2023,
00:37après les années de diète du Covid,
00:40et ses perspectives d'avenir sont contrastées.
00:43L'incertitude qui pèse sur cette industrie européenne
00:46est à l'aune de facteurs macroéconomiques préoccupants.
00:50Une croissance faible,
00:52une concurrence forte et manipulée
00:55par la volatilité des coûts de main-d'oeuvre,
00:58des matières premières et des investissements.
01:00Une voiture de performance équivalente,
01:03selon qu'elle est fabriquée en Chine ou en Europe,
01:06a un coût de fabrication et de vente
01:09qui peut varier de 30 à 40 %,
01:12ce qui a poussé les Etats-Unis à doubler les droits de douane
01:16sur le véhicule électrique, mais pas que.
01:19Que fera l'Europe ?
01:21L'industrie automobile est le parfait reflet
01:23de la situation industrielle européenne,
01:26et cela est particulièrement vrai pour la France.
01:29Comme chacun sait,
01:31nous payons le prix de la désindustrialisation
01:35de ces dernières décennies.
01:37Ainsi, la France produisait
01:39plus de 3 millions de véhicules en 1999
01:43et seulement la moitié aujourd'hui.
01:45La filière a perdu 100 000 emplois,
01:48et nous avons rétrogradé de la deuxième à la troisième place
01:52pour la vente de véhicules après l'Allemagne et l'Espagne.
01:56Enfin, l'industrie automobile doit s'adapter à un triple choc.
02:00Le choc climatique,
02:01avec la production accélérée de véhicules électriques et hybrides.
02:06L'Europe a fixé à 2035
02:08la fin de la production de véhicules thermiques légers.
02:13Un choc numérique et digital,
02:15avec des véhicules connectés et automatisés.
02:18Un choc sociétal,
02:20pour faire du transport un service de mobilité
02:23individuel et collecté.
02:26Sommes-nous prêts ?
02:27Comment nous adapter à la concurrence internationale
02:31et que faut-il changer pour y arriver ?
02:34C'est ce que nous allons voir avec mes invités que je vous présente.
02:38Luc Châtel, vous avez été ministre de l'Education nationale,
02:42notamment, et président de la plateforme de l'automobile.
02:47David Amiel, vous êtes député de Paris.
02:50Vincent Salimont, vous êtes président de BMW France.
02:54Yann Vincent,
02:56vous êtes président d'Automobile Sales Company,
02:59une giga-factory qui associe à la fois Total Énergie,
03:03Stellantis et Mercedes,
03:05et Christian Saint-Etienne, économiste et professeur au CNAM.
03:18Vous venez de voir cette citation de Lucas Demeo,
03:21qui reflète assez bien la compétition internationale.
03:25Un premier commentaire.
03:26Au regard de cette compétition,
03:29est-ce qu'il y a un avenir
03:30pour l'industrie automobile française et européenne ?
03:34Pour commencer, comment va notre industrie automobile,
03:38M. Luc Châtel ?
03:39L'industrie automobile traverse
03:42la plus grande transformation de son histoire.
03:45Elle a pris un virage historique en Europe,
03:47puisqu'elle a décidé de passer à l'électrique,
03:50avec une décision prise par les autorités européennes.
03:54C'est une décision réglementaire.
03:57Ce n'est pas une décision de marché ou d'innovation.
04:00C'est une décision des pouvoirs publics européens,
04:03qui ont décidé de changer de modèle.
04:06Pendant 100 ans, nous avons fabriqué des véhicules thermiques,
04:09qui étaient le modèle qui avait émergé au début du XXe siècle.
04:13Dorénavant, à partir de 2035,
04:15nous ne produirons en Europe plus que des véhicules électriques.
04:19C'est un changement absolument considérable.
04:22Est-ce que ça remet en cause l'existence de notre industrie automobile ?
04:27C'est un danger, évidemment, mais ça peut être une opportunité.
04:31Je vais vous faire une confidence.
04:33C'est un danger, parce qu'on estime qu'il va y avoir
04:36beaucoup de pertes, disparitions d'entreprises
04:39dans la filière de sous-traitance,
04:41perte de 65 000 emplois dans la filière automobile en France.
04:44En même temps, ça peut être des opportunités.
04:47L'industrie automobile va se réinventer.
04:49Il n'y a jamais eu autant de projets industriels
04:52dans l'automobile en France depuis 50 ans.
04:54Les constructeurs ont annoncé des investissements
04:57dans des chaînes de production de l'électrique.
05:00La R5 sera fabriquée dans les Hauts-de-France.
05:02Stellantis produit des moteurs électriques en Lorraine.
05:05Vous avez des projets sur Valeo avec Renault
05:08sur le moteur sans métaux rares.
05:10Vous avez des projets de piles à combustible,
05:13de réservoirs d'hydrogène avec plastique au miome,
05:16d'extraction de lithium.
05:17Bref, vous avez aujourd'hui une effervescence
05:20pour être au rendez-vous de cette mutation historique.
05:23Ce sont des investissements.
05:24En Europe, on estime que dans les trois ans,
05:27il y aura environ 100 milliards d'euros d'investissements
05:30dans la filière électrique automobile.
05:32On va y venir. David Amiel,
05:34est-ce que le pouvoir politique accompagne
05:37de manière satisfaisante cette transformation ?
05:40C'est un objectif impératif.
05:42Vous le rappeliez au début,
05:44et Luc Châtel en disait un mot également.
05:46On a eu, dans le cadre du véhicule thermique,
05:48avant même cette bascule vers le véhicule électrique,
05:51une très forte désindustrialisation.
05:53Tout au long des années 2000,
05:55on a perdu des centaines de milliers d'emplois
05:58dans notre filière.
05:59On a reculé en termes de parts de marché en France.
06:02On a perdu ces parts de marché
06:04car on était moins compétitifs que d'autres pays,
06:07d'abord en Europe, par rapport à l'Allemagne,
06:09et par rapport à des concurrents étrangers.
06:12La première étape, c'est de soutenir la compétitivité
06:15de l'automobile.
06:16C'est ce qu'on a commencé à faire depuis 2017,
06:18avec des baisses de charges, des baisses d'impôts,
06:21qui ont permis de restaurer une part de la compétitivité.
06:25Et puis, il y a cette grande transformation
06:27que vous évoquiez vers le véhicule électrique.
06:30Il y a beaucoup d'enjeux, beaucoup de défis,
06:33de formations, d'investissements,
06:35de structuration de la filière, on y reviendra.
06:37Mais il y a aussi une opportunité économique
06:40pour reconquérir notre souveraineté
06:42et se libérer des dépendances actuelles
06:44de notre économie, en particulier aux hydrocarbures.
06:47L'année dernière, en 2023,
06:48on avait un déficit commercial d'à peu près 100 milliards d'euros.
06:5260 milliards d'euros, à peu près,
06:54étaient liés aux importations d'hydrocarbures,
06:56beaucoup de pétrole et du gaz.
06:58Sortir de cette dépendance-là
07:00pour profiter de notre production d'électricité en France,
07:03c'est un gage important de souveraineté,
07:05et de souveraineté dans l'automobile,
07:07puisque le risque qu'on a devant nous,
07:09c'est d'avoir, et vous y faisiez référence,
07:12de véhicules électriques produits hors d'Europe.
07:14Cette révolution existe dans le monde entier.
07:17On doit se doter des moyens
07:18de produire ces véhicules en Europe.
07:20On va essayer d'avoir le point de vue de chacun.
07:23Christian Saint-Etienne,
07:25de manière synthétique,
07:27que représente l'industrie automobile en France
07:31par rapport à l'économie nationale ?
07:33De manière synthétique.
07:35Au niveau européen, je viens à la France après,
07:38au niveau européen, l'industrie automobile,
07:40c'est 7 % du PIB de l'Union européenne.
07:44Elle contribue...
07:45Le PIB, c'est le Produit Intérieur Brut,
07:47c'est-à-dire la somme de production de biens et services
07:50dans une année.
07:52Et elle contribue...
07:54Donc c'est 7 % du PIB,
07:55mais c'est 30 % de la R&D européenne.
07:59Et c'est une contribution de 100 milliards d'euros
08:03à l'excédent extérieur de l'Union européenne.
08:08Donc c'est une industrie tout à fait considérable,
08:11d'autant plus qu'elle occupe 13 millions de travailleurs.
08:14Ça, c'est au niveau européen, sachant que...
08:17Vous l'avez dit en pointillé
08:20dans votre introduction tout à l'heure,
08:22mais dans un contexte
08:25où l'industrie automobile européenne, jusqu'ici,
08:28a plus ou moins résisté aux évolutions mondiales,
08:30même si on assiste, au plan mondial,
08:33à un transfert de la production incroyable vers l'Asie,
08:36l'Asie, en 2023,
08:38c'est à 60 % de la production mondiale de voitures,
08:42alors qu'il y a 20 ans, pour simplifier, ils n'existaient pas.
08:46Donc, dans le cadre de cette transformation,
08:49il y a un phénomène spécifique à la France,
08:51c'est l'effondrement de notre production automobile
08:55depuis 20 ans.
08:56Alors, je parle sous le contrôle de Luc Châtel,
08:59mais il y a 20 ans,
09:02la production d'automobiles contribuait
09:05pour 20 milliards d'euros d'excédent
09:07dans la balance commerciale française.
09:10Aujourd'hui, c'est 20 milliards de déficit.
09:12Donc, ces 40 milliards de bascules
09:15sont un élément clé de la bascule française dans le déficit.
09:19Et aujourd'hui, la production automobile française
09:25est tombée en dessous de celle de la Slovaquie ou de la Tchéquie.
09:30Et en 2023, nous avons produit
09:32deux fois moins d'automobiles que l'Espagne,
09:34qui n'existait que...
09:35On va rentrer dans le détail.
09:37Donc, il y a deux phénomènes pour synthétiser.
09:43Une bascule énorme de la production automobile vers l'Asie,
09:46notamment en Chine, qui est devenue le premier producteur mondial.
09:49Et pour ce qui nous concerne en France,
09:51un effondrement français spécifique,
09:53alors même que nous avons deux grandes constructeurs.
09:55Christian, juste une petite précision.
09:57Vous avez dit qu'au niveau européen,
09:59cette industrie automobile restait bénéficiaire.
10:03Est-ce que, disons de manière schématique,
10:07c'est toujours bénéficiaire aussi pour la France ?
10:09Non. Justement, pour la France,
10:12on est passé d'un excellent 20 milliards à un déficit de 20.
10:16Donc, pour nous, c'est une vraie question stratégique.
10:21Comment on relance la production de véhicules automobiles,
10:25sachant que dans les petites camionnettes,
10:30on continue d'avoir...
10:32Véhicules utilitaires légers.
10:34Voilà, on continue d'avoir une position significative.
10:37On va préciser.
10:38Sur votre question, c'est une industrie stratégique pour la France.
10:42Pourquoi ? Parce que, d'abord, historiquement,
10:44je rappelle que c'est la France qui a inventé l'automobile
10:46à la fin du 19e siècle,
10:48ensuite qu'elle a été une grande nation automobile
10:50tout au long du 20e siècle,
10:51mais surtout parce qu'aujourd'hui,
10:52ça pèse en termes de création d'innovation.
10:57Christian Saint-Etienne rappelait l'importance
11:00dans la R&D en Europe.
11:02En France, les plus grands dépôts de brevets
11:04viennent des entreprises de la filière automobile.
11:06C'est 350 000 emplois dans l'industrie
11:08et 500 000 dans les services.
11:10Et c'est 4 000 PME avec un tissu industriel exceptionnel
11:14en termes d'innovation, en termes de créativité,
11:17en termes de savoir-faire, d'expertise.
11:20Donc, c'est ça qu'il faut absolument maintenir dans notre pays.
11:23Alors, écoutez, on a la chance d'avoir aussi
11:26des producteurs,
11:28constructeurs, producteurs,
11:31à la fois de véhicules automobiles et de batteries.
11:34Alors, je voudrais vous poser la question, tous les deux.
11:3810 millions ou un peu plus de véhicules produits
11:42en 2023 dans l'Union européenne,
11:4515 millions en 2018,
11:47c'est-à-dire qu'on a perdu beaucoup.
11:50Est-ce que c'est rattrapable, aujourd'hui ?
11:53Est-ce que c'est souhaitable ?
11:55Est-ce que la loi du nombre doit jouer
11:58pour l'industrie automobile, M. Salimont ?
12:01Alors, très clairement, c'est rattrapable.
12:04Et effectivement, et je vous éleverai à moitié plein,
12:07comme M. Chattel, comme M. le ministre,
12:09c'est souhaitable.
12:10Je crois qu'il faut plus parler d'Europe,
12:13en tout cas, je parlerai plus d'Europe que de France,
12:15parce qu'il ne faut pas regarder que notre nombril.
12:18Comment on arrive à combler ce décalage ?
12:21On a des talents en France, on a des talents en Europe,
12:23on a de la technologie en Europe.
12:25Je vois le BMW Group, qui est leader du segment premium
12:28tant au niveau mondial qu'au niveau français.
12:31Il faut savoir que toute la recherche,
12:34ou la plupart, la grande majorité,
12:35de la recherche et développement est établie en Europe,
12:38y compris pour les cellules, pour les batteries.
12:41Tout le développement est fait en Europe.
12:44Donc, on a cette capacité de pouvoir être compétitif
12:47par rapport à la concurrence.
12:48Et ce qui est important, c'est justement
12:50de développer les bons produits,
12:52de développer des produits
12:54qui correspondent aux besoins des clients.
12:56On a beaucoup parlé des constructeurs,
12:58de la réglementation,
13:00mais on a peu parlé des utilisateurs.
13:02C'est vrai qu'il faut les écouter, les utilisateurs.
13:05Je crois qu'il y a un élément important, justement,
13:08pour pouvoir renforcer l'Europe
13:11en termes de capacité de production et de compétitivité
13:14par rapport aux autres constructeurs,
13:16c'est qu'on puisse échanger tous ensemble.
13:18Monsieur Salimont, juste une question.
13:21Si l'industrie automobile est stratégique,
13:25est-ce qu'il est normal
13:27que de grands constructeurs européens
13:30produisent de grandes marques
13:34en les fabriquant en Chine ?
13:35Est-ce que ça a du sens ?
13:38Oui. Pourquoi ?
13:40Parce que nous sommes là pour aussi
13:43développer une mobilité durable.
13:45Je vais vous répondre pour le BMW Group.
13:48Nous avons une stratégie de produire
13:50là où nous vendons les voitures.
13:52Donc, globalement, les SUV,
13:54qui sont plutôt des véhicules américains,
13:56sont produits en grande majorité
13:58dans notre usine des Etats-Unis,
14:00à Spartenburg.
14:01Des produits qui sont plus pour le marché chinois
14:04sont produits sur le marché chinois.
14:06Des produits qui répondent aux besoins du marché européen
14:09sont produits sur le marché européen.
14:11Il n'y a pas une volonté de délocaliser
14:14juste pour faire des économies
14:15ou pour des raisons logistiques.
14:18Justement, nous souhaitons coller
14:21aux besoins de chaque région,
14:23de chaque continent.
14:25C'est important aussi pour la protection de la planète
14:28parce que le fait de localiser la production
14:31là où les produits se vendent
14:33et aussi de localiser la production des cellules,
14:35le montage, l'assemblage des batteries
14:38quand on parle de véhicules 100 % électriques,
14:40le fait de le faire dans les régions
14:42où les produits sont utilisés,
14:44ça évite d'avoir des transferts
14:46et de l'émission de CO2 qui ne sert à rien.
14:48Merci. M. Yann Vincent,
14:50je vais aller plus loin avec vous
14:52sur le véhicule électrique
14:54parce que le véhicule électrique,
14:57pour une grande partie de son prix,
15:00de sa construction, c'est les batteries.
15:03Alors, un peu moins de 15 % de véhicules électriques
15:06dans l'Union européenne.
15:08Je parle aujourd'hui de production.
15:1017 % en France.
15:12Mais si on associe l'hybride et l'électrique,
15:15on double la mise à 30 %.
15:17Bien sûr, il y a des disparités géographiques.
15:20Est-ce que... Alors, plusieurs questions.
15:23Est-ce que, grâce à la nouvelle impulsion
15:28dans la construction de Gigafactory,
15:30on va arriver à doper,
15:33à booster la production de véhicules électriques
15:37en France et en Europe ?
15:39Et à votre avis,
15:41est-ce que vous êtes gêné
15:43par la bureaucratie bruxelloise
15:47quand on dit qu'on fait une programmation
15:51comme quoi les véhicules légers thermiques,
15:54il n'y en aura plus en 2035 ?
15:56Est-ce que tout ça est très favorable
15:59aux véhicules électriques ?
16:00Est-ce que l'on va favoriser le marché ?
16:03Je pense qu'il faut revenir à la raison
16:06de la création d'Automotive Sales Company,
16:09donc ACC, en 2020.
16:11En 2020, PSA,
16:14SAFT Total,
16:15constatent que la régulation sur le CO2
16:19va obliger mécaniquement les constructeurs
16:21à augmenter leur part de véhicules électrifiés
16:24dans leur mix produit
16:27et réalisant que la batterie,
16:30c'est 40 % du coût d'un véhicule,
16:33décident, réalisent que ces 40 %
16:37ne peuvent pas rester dans les mains
16:40des seuls constructeurs asiatiques
16:42puisqu'il y a 15 ans, 20 ans,
16:45la Chine a décidé de basculer à l'électrique,
16:49de favoriser la constitution d'un écosystème.
16:52Jusqu'en 2020, 2021,
16:55toutes les batteries venaient d'Asie, de Chine ou de Corée.
16:59Donc PSA et SAFT Total
17:03ont décidé de créer ACC
17:05pour être en capacité de concevoir
17:08et de fabriquer les batteries
17:10sur le territoire européen.
17:12Depuis, on a été rejoint par Mercedes.
17:15On est aujourd'hui 1 600 personnes.
17:17On a effectivement commencé à produire
17:21dans notre première gigafactorie dans les Hauts-de-France.
17:24On commence à livrer à Stellantis.
17:27Et donc, il est évident que c'est un facteur positif
17:31pour les constructeurs européens.
17:33Nos deux actionnaires ne veulent pas se retrouver
17:37dans les mains exclusives de fournisseurs asiatiques.
17:40C'est la raison pour laquelle...
17:42A quel délai vous allez fournir
17:45des batteries au même prix
17:48que les batteries chinoises ?
17:50C'est pas une question mathématique,
17:54mais c'est quand même...
17:55C'est une très bonne question.
17:57C'est vous-même qui avez dit
18:00que ça représente 40 % du prix.
18:02Non, mais sur le coût de la batterie,
18:04j'estime qu'on a un écart qui est de 10 à 15 %
18:08par rapport aux meilleurs fabricants chinois.
18:11Quand est-ce qu'on le rattrapera ?
18:14Je pense qu'avant la fin de la décennie,
18:16on est au niveau de ces meilleurs.
18:18Alors, monsieur David Damien,
18:20une question se pose.
18:22Monsieur Biden, président des Etats-Unis,
18:26a décidé que les droits d'entrée et droits de douane,
18:31on appellera ça comme on veut,
18:32pour les véhicules électriques, mais pas que ça,
18:35pour les batteries, pour les panneaux solaires, etc.
18:39On doublerait quasiment la taxe d'entrée.
18:43Est-ce qu'il faut faire pareil, à votre avis, en Europe,
18:48pour doper notre industrie automobile,
18:51notamment dans le domaine de la décarbonation ?
18:55Il faut être moins naïf à l'égard des importations chinoises.
18:58Il y a plusieurs instruments...
19:00Naïf, c'est une question...
19:02Il y a plusieurs instruments qu'on peut mettre en place.
19:05Il y a les aides qu'on donne aux ménages
19:08pour pouvoir acheter des véhicules,
19:10ce qu'on appelle le bonus écologique,
19:12qu'on a, depuis l'automne, réformé
19:14pour qu'il soit ciblé vers les constructeurs européens,
19:17la production en Europe,
19:18en excluant la plupart des véhicules chinois.
19:21Le résultat a été majeur.
19:22Ce qu'on voit entre l'automne et ce printemps-là,
19:25en quelques mois, c'est une baisse très importante
19:28des parts de marché chinoises.
19:30Sur le marché français, on était à peu près autour de 30 %
19:33sur les droits de douane.
19:35Allez-y.
19:36Une seconde.
19:37Quand une ménagère,
19:38mais un ménager, si on peut utiliser cette expression,
19:42va dans une grande surface,
19:45on sait que pour une partie des ménages français,
19:49à partir du 20, ça devient tangent,
19:52il n'y a plus grand-chose dans le porte-monnaie.
19:54C'est sûr que quand vous allez
19:56dans un magasin de grande consommation,
19:58vous avez des produits,
20:00vous avez tendance à acheter le moins cher.
20:02Et on sait que la Chine dope...
20:07d'une manière combinatoire
20:10ses produits de consommation.
20:12Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
20:14C'est la première réponse qu'on a mise en place depuis l'automne,
20:17c'est de donner un coup de pouce financier
20:19pour baisser le prix des voitures produites en Europe
20:22par rapport à celles en Asie.
20:24La deuxième manière de le faire,
20:26au-delà des bonus qu'on donne au niveau français,
20:29c'est de pouvoir agir au niveau européen.
20:31Il faut avoir des enquêtes anti-dumping
20:33pour pouvoir identifier ce qui relève
20:35de pratiques de distorsion de concurrence,
20:38dont on subodore tous, qu'elles sont massives en Chine
20:40et sur lesquelles il faut appliquer des droits de douane.
20:44Et il y a ce mécanisme qu'on a mis en place,
20:46une grande victoire française à l'automne,
20:48la taxe carbone aux frontières,
20:50qui cible un certain nombre de matières premières.
20:53Il est important que cette taxe carbone
20:55soit étendue au secteur automobile,
20:57aux voitures assemblées,
20:59et que si une voiture est produite en Chine
21:01en utilisant de l'électricité
21:03qui vient de centrales à charbon
21:04avec des émissions de gaz à effet de serre considérables,
21:07elle soit massivement taxée pour dissuader son importation en Europe.
21:11Il faut se battre très rapidement,
21:13sinon, et vous avez rappelé les droits de douane
21:16évoqués par les Américains,
21:17le risque, c'est d'avoir un déversement
21:19de voitures asiatiques vers l'Europe
21:21lié à la fermeture progressive du marché américain.
21:24C'est pourquoi on se bat avec ma force politique
21:27de la taxe carbone aux frontières aux automobiles produites en Chine.
21:31Christian Saint-Etienne, une précision économique.
21:34Droits de douane doublés aux Etats-Unis
21:37pour le véhicule électrique.
21:39Si, demain, l'Europe prenait la même décision,
21:44est-ce qu'il y aurait des conséquences économiques négatives ?
21:47Est-ce que c'est tout bonus
21:51pour la France et l'Europe si on faisait pareil ?
21:54Est-ce qu'il y aura des interférences
21:56qui nous empêcheraient de prendre une décision aussi brutale,
22:01d'un point de vue uniquement économique ?
22:04C'est une question, un, faussement simple,
22:06deux, c'est au niveau européen que ça se décide.
22:09Les droits de douane, c'est plus la France,
22:11puisqu'on a délégué la politique commerciale à l'Union européenne
22:15quand on a écrit le traité de Rome.
22:18Alors, ceci étant,
22:21il faut aller directement dans le sujet stratégique.
22:25Du fait de l'affaiblissement de la France
22:27sur le plan industriel, économique et politique depuis 15 ans,
22:29c'est l'Allemagne qui dirige l'Europe.
22:31Et l'Allemagne a une politique mercantiliste,
22:34qui est de protéger sa propre industrie.
22:36Alors, l'Union européenne a viré sa cutie en partie depuis 3 ans.
22:41Depuis 70 ans, la politique européenne,
22:43c'était une politique de commerce sans réciprocité.
22:46On se rend bien compte que c'est devenu insupportable.
22:49Et donc, l'Europe est en train de mettre en place
22:51un certain nombre d'instruments
22:53pour aller vers un peu plus de réciprocité.
22:56Lorsque Juncker a quitté la tête de la Commission européenne
23:00il y a 4 ans, dans son dernier discours,
23:02il a dit, ce qui est stupéfiant, psychédélique,
23:05il a dit que les Européens ont accès à 2 %
23:09du marché de la commande publique en Chine
23:11et les Chinois à 92 % de la commande publique en Europe.
23:14La commande publique en Europe, c'est 10 points de PIB,
23:17le produit intérieur brut, et en Chine, ça doit être 30 %.
23:20C'était le patron de la Commission européenne,
23:23il dit 100 par temps après 2 mandats.
23:25On a envie de se dire, c'est quand même toi
23:27qui aurais dû faire quelque chose là-dessus.
23:29Là, on commence à bouger depuis 2 ou 3 ans,
23:32mais sur le sujet spécifique qui nous concerne aujourd'hui,
23:35les Américains avaient des droits de douane de 40 ou 50 %.
23:39J'ai un doute sur le chiffre, mais c'est à peu près l'ordre.
23:42Et donc, Biden double à 100 %.
23:46En Europe, actuellement, on a eu une enquête...
23:49Il double après avoir mis des milliards d'investissements
23:55sur l'économie verte.
23:58Oui, alors, je termine sur le premier point.
24:00Il y a une enquête actuellement qui montre
24:03que l'impact des subventions,
24:07et c'est pas seulement des subventions directes,
24:10mais indirectes, notamment, il faut le dire,
24:13le système financier chinois est au service du gouvernement,
24:17il peut faire des prêts concessionnels
24:19qui contribuent, en plus des subventions,
24:22à l'essor de l'industrie chinoise.
24:24Quand on prend tous ces éléments en compte,
24:27pour l'instant, au minimum,
24:29l'écart de compétition entre la Chine et l'Europe,
24:32c'est 30 à 40 %.
24:34Or, à la demande des Allemands,
24:36on évoque une compensation au maximum de 20 à 25 %.
24:40On va voir comment ça va être traité
24:44au niveau du Conseil européen,
24:46sachant que c'est quand même la Commission qui décide.
24:49Le deuxième élément que vous évoquiez à l'instant,
24:52c'est qu'effectivement, dans la transition écologique
24:55depuis le Green Deal de 2019,
24:57l'Europe a choisi une approche
25:00essentiellement par la réglementation et l'interdiction,
25:03comme l'interdiction des véhicules thermiques en 2035.
25:08Les Américains ont choisi
25:09une politique d'incitation et d'investissement.
25:12Et c'est mon dernier mot,
25:14la combinaison d'une politique extrêmement puissante
25:19d'incitation et d'investissement sur le marché américain
25:22plus des droits de douane,
25:24ça va contribuer à un essor considérable
25:26de la production aux Etats-Unis.
25:28Et comme le disait mon camarade de droite, le député,
25:31le risque, c'est un déversement massif
25:34de ce qui ne sera pas envoyé aux Etats-Unis vers l'Europe.
25:36Donc, on est à un point de danger stratégique majeur
25:39au niveau européen.
25:40Justement, je voudrais préciser ce point avec vous, Luc Châtel.
25:44Bien sûr, vous dirigez la plateforme de l'automobile,
25:48mais vous avez été un homme politique et vous le restez.
25:53Alors, vos congénères,
25:57tout le monde considère que l'Europe bureaucratise
26:02là où les Etats-Unis stimulent
26:06et la Chine va de l'avant.
26:09Quelle est la responsabilité que vous attribuez
26:13aux dictates, si on peut utiliser ce terme un peu fort, européens,
26:18dans la désindustrialisation de l'Europe,
26:21et notamment, plus spécialement en France,
26:25et avec quelles conséquences sur notre industrie automobile ?
26:28Mais sans langue de bois...
26:29Je crois que ce qui se passe sur l'automobile
26:32est l'illustration d'une Europe qui prend les sujets
26:36par les mauvais bouts.
26:38Comme Christian Stathien vient de le dire,
26:40on prend le sujet par la réglementation
26:43et non pas par l'innovation, par l'investissement dans l'innovation,
26:48par un grand plan stratégique d'investissement dans l'industrie
26:51ou par le consommateur.
26:53C'est ça, le problème.
26:54Le problème, c'est qu'on décide unilatéralement
26:58de choisir une technologie.
26:59C'est les commissaires de Bruxelles qui choisissent la batterie.
27:03Ce n'est pas les industriels ni les consommateurs.
27:06C'est un petit sujet, parce que maintenant qu'on a la règle,
27:09il va falloir qu'on ait les clients en face.
27:12Avec une véhicule électrique, c'est plus cher,
27:14on n'a peut-être pas les bornes de recharge,
27:16on n'aura peut-être pas les voitures.
27:18Ca, c'est un sujet.
27:20Nous, nous militons pour un vrai pacte européen
27:24pour l'automobile et pour l'industrie,
27:27qui serait des engagements mutuels.
27:29Je viens de signer, au nom de la filière automobile française,
27:32un contrat de filière avec l'Etat.
27:35Qu'est-ce que c'est ?
27:37Ce sont des engagements mutuels sur cinq ans.
27:41Nous, nous engageons à multiplier par quatre
27:43le nombre de véhicules électriques vendus en quatre ans.
27:46On est passé de 200 000 l'année dernière...
27:48A 800 000.
27:50A 800 000.
27:51Et l'Etat, en contrepartie, s'engage à pérenniser les bonus,
27:56s'engage à maintenir des aides à l'innovation.
27:58Ce sont des engagements mutuels.
28:00Nous avons besoin de la même chose en Europe.
28:02Les industriels font un effort historique, massif,
28:05c'est quand même hallucinant, ce truc.
28:08C'est-à-dire que l'Europe,
28:09leader des moteurs thermiques dans le monde,
28:12choisit de se s'aborder.
28:14En gros, je suis les meilleurs, j'essaye d'arrêter,
28:16et je choisis la technologie que je ne maîtrise pas,
28:19dont je ne maîtrise pas toute la chaîne de valeur,
28:22qui est celle pour laquelle les Chinois maîtrisent
28:24l'ensemble de la chaîne de valeur depuis dix ans.
28:27C'est un peu curieux.
28:28Et en face, il n'y a pas de plan stratégique
28:31d'investissement dans l'innovation,
28:34dans la compétitivité, dans les ressources humaines,
28:37et le sujet des droits de douane,
28:39c'est-à-dire des échanges avec les autres terrains de jeu.
28:42Sur les droits de douane, je répondrais à la chose suivante.
28:45Un monde idéal, c'est un monde où il y a le moins de droits de douane.
28:48Qu'est-ce qui a sorti de la pauvreté
28:51des centaines de millions de gens depuis 25 ans ?
28:55C'est le commerce mondial, avec des abaissements progressifs,
28:59je ne suis pas le co-professeur d'économie,
29:01mais des abaissements progressifs de droits de douane.
29:04A condition que personne ne subventionne.
29:06A condition qu'il y ait une concurrence loyale.
29:09Tout le sujet est là-dedans.
29:11L'Europe est le marché le plus ouvert du monde.
29:13Dans l'automobile, 10 %.
29:1510 %. Voilà.
29:17Donc, on peut venir en France,
29:19arriver avec des voitures,
29:21on va trouver un réseau de concessionnaires
29:23assez facilement, on va faire de la publicité
29:26et on aura seulement à payer 10 % de droits de douane.
29:29Je veux dire, on est le marché le plus ouvert.
29:31Alors que nous savons que, par ailleurs,
29:33d'autres Etats subventionnent à outrance leur industrie.
29:37Ce que nous voulons, ce sont des règles équitables,
29:40loyales. C'est ça, le sujet.
29:42On a besoin d'Europe, en campagne européenne,
29:44une Europe stratège, une Europe qui voit loin,
29:47et pas une Europe qui résonne uniquement
29:49par la réglementation.
29:51Alors, dans ce domaine du progrès,
29:55si on peut dire, on a la chance, comme je le précisais au début,
29:58d'avoir des constructeurs.
30:00On évalue, à 250 milliards d'euros,
30:05la décarbonation de l'industrie européenne
30:09de l'automobile.
30:10A votre avis, M. Salimon et M. Vincent,
30:15qui doit mettre la main à la poche
30:18pour payer cet investissement ?
30:20Parce que les Etats-Unis, on a parlé des droits de douane,
30:24mais ils ont, avec leur fameux Induction Act,
30:27c'est plusieurs centaines de milliards,
30:30et avec la campagne électorale actuelle,
30:32ça double, ça triple, etc.
30:34Nous, d'où allons-nous sortir ces 250 milliards ?
30:39Et est-ce que vous les avez besoins
30:41pour la décarbonation de l'industrie automobile ?
30:44On a besoin de moyens, c'est clair.
30:46Comment vous les voyez ? Je vous en prie.
30:48Pour terminer, sur l'ouverture des frontières
30:51ou la réglementation qui est très lourde,
30:53on voit ce qui se passe avec le Brexit.
30:55Luc le disait, dès qu'on ferme les frontières,
30:58c'est jamais au bénéfice de ceux à l'intérieur des frontières.
31:02Il faut plus travailler sur l'exploitation des talents,
31:05la technologie. On peut retrouver une souveraineté européenne,
31:08y compris sur des véhicules à zéro émission.
31:10On n'en parle pas, mais l'hydrogène est une solution.
31:13On a des voitures hydrogènes qui roulent...
31:16Pas beaucoup.
31:17Mais on en a autant que ce qu'on avait
31:19de voitures 100 % électriques à batterie il y a 15 ans.
31:22On a commencé à commercialiser des voitures électriques
31:25avec le BMW i3,
31:26mais cinq ans avant, on testait déjà...
31:28Je vous interromps et après, vous reprenez votre propos.
31:31Vous dites, il y a 15 ans, mais il y a 20 ans,
31:34la Chine n'avait pas d'industrie automobile.
31:36Vous voyez comment ça va très vite.
31:39Et pourquoi, chez nous, ça ne va pas très vite ?
31:42Parce que la réglementation est là.
31:44Je rejoins votre deuxième point, justement, le point du budget.
31:48Bien évidemment, il faut des moyens.
31:50Je pense et je suis convaincu qu'on doit tous travailler,
31:54on doit tous investir, on a besoin de ressources,
31:56et on doit tous investir dans ces ressources
31:59comme on doit tous travailler ensemble.
32:01C'est un point que j'essayais d'aborder tout à l'heure.
32:04Nous avons adhéré, et je suis membre du conseil d'administration,
32:07de l'Alliance pour la décarbonation de la route.
32:10C'est quoi le principe de l'Alliance pour la décarbonation de la route
32:13de François Gemmène, qui est un membre du GIEC ?
32:16C'est que tous ensemble, nous mettions autour les constructeurs,
32:20les fabricants de cellules, les politiques, les start-up,
32:23les associations de constructeurs et représentants de filières,
32:27qu'on soit tous autour de la table pour justement trouver les moyens
32:31d'être compétitifs par rapport à la concurrence.
32:33En plus, on peut gagner de l'argent, puisque, en termes de rentabilité,
32:37nous avons la rentabilité correspondant à nos objectifs,
32:40qui nous permet de réinvestir chaque année 5 à 6 %
32:43de notre chiffre d'affaires, et c'est indispensable.
32:46Si on veut pouvoir être compétitifs et développer des batteries
32:50qui nous permettent d'avoir 30 % d'autonomie en plus,
32:53on a une nouvelle voiture qu'on va sortir en 2026
32:55et une nouvelle génération de batteries
32:57avec près de 900 km d'autonomie,
32:59avec 300 km de recharge en 10 minutes,
33:02donc on se rapproche du confort, en fait,
33:04de l'utilisation d'un véhicule thermique.
33:06Donc on peut le faire quand on a de l'argent,
33:09quand on est rentable, on peut investir et on doit investir,
33:12mais on doit réfléchir tous ensemble pour pouvoir trouver
33:15les meilleures solutions nous permettant d'être compétitifs.
33:18Merci de ces précisions. Yann Vincent,
33:21en ce qui concerne les batteries,
33:23c'est pas uniquement une boîte.
33:25Il y a les batteries, mais il y a des investissements
33:29très importants à ce niveau-là.
33:32Il y a également, on a parlé d'autoroutes
33:36permettant des bornes de recharge dans toute l'Europe.
33:39Il y a aussi le fait qu'on voudrait avoir
33:42des batteries plus performantes, etc.
33:45Comment vous voyez le plan d'investissement ?
33:48Parce que dans ces 250 milliards,
33:50il y a une bonne partie qui va aller là-dessus,
33:53aménagement du territoire, performance des batteries, etc.
33:57Je ne sais pas ce qu'est la décomposition
33:59de ces 250 milliards. Ce que je sais,
34:01c'est que nous, on va investir 7,5 milliards.
34:04On est dans une industrie qui est extrêmement capitalistique.
34:08La première usine que l'on a démarrée dans les Hauts-de-France,
34:12elle nous aura coûté un peu moins d'un milliard d'euros.
34:15On va en construire huit autres en Europe.
34:20Et évidemment, ces montants financiers
34:23extrêmement significatifs
34:25ont supposé le support de la puissance publique.
34:30On a touché, de la part des autorités françaises,
34:35nationales, régionales, un petit peu moins d'un milliard,
34:38860 millions.
34:40On devrait toucher un peu moins de 500 millions en Allemagne.
34:44Et en Italie, on regarde encore.
34:46Et il est évident qu'on a besoin, pour faire cela,
34:49de s'appuyer sur des actionnaires qui sont extrêmement solides.
34:55J'ajouterais un commentaire sur le point des tarifs
35:00et des barrières douanières.
35:02C'est une question qui est tout sauf évidente.
35:04Tout sauf évidente.
35:06Est-ce que les barrières nous protégeraient ?
35:10Peut-être, mais tous les équipements
35:12pour fabriquer des batteries viennent de Chine ou d'Asie.
35:16Tout le graphite est raffiné en Asie.
35:20Et il y a tout un tas de...
35:22Et on a une sécurité d'approvisionnement
35:25pour ces matières premières et tous ces produits qui viennent d'Asie ?
35:29On est en train de la constituer.
35:30Et ces matériaux critiques ?
35:32Ou est-ce qu'on est dépendants, comme on l'était pour les masques,
35:36avec le Covid, au début de la pandémie ?
35:39C'est toute la difficulté de cette transformation.
35:42On est loin d'être sécurisés à 100 %.
35:44L'Europe était souveraine.
35:46Elle maîtrisait l'ensemble de la chaîne de valeur.
35:49On avait les meilleurs forgerons, les meilleurs fondeurs,
35:54les meilleurs mécaniciens pour produire, fabriquer un moteur diesel.
35:59On décide de choisir une autre technologie.
36:02Or, on ne maîtrise pas toute la chaîne de valeur.
36:05On n'a pas de métaux rares.
36:07On regarde l'extraction de lithium, etc.
36:10Après l'extraction, il y a le raffinage.
36:12Il y a la production de cellules, de batteries.
36:15Et après, il y a la déconstruction...
36:18On n'avait pas les hydrocarbures.
36:20Oui, mais vous avez toute une chaîne de valeur
36:23qu'il faut reconstituer.
36:25C'est ce que la filière automobile fait.
36:27ACC, il y a cinq ans, ça n'existait pas.
36:29Donc c'est un exemple assez...
36:34emblématique de cette transformation.
36:36Au début de l'émission, il y a des investissements massifs.
36:39La vraie question, c'est une course contre la monde.
36:43L'automobile est extrêmement concurrentielle.
36:46Vous avez des géants mondiaux, des continents,
36:49les Etats-Unis, la Chine, le Japon.
36:52Et l'Europe, c'est au milieu de la compétition.
36:56Vous êtes les champions du monde de football.
36:58Vous dites que cette année, on va faire Roland-Garros.
37:02On change les règles, on va faire Roland-Garros.
37:04C'est ça, ce qui se passe.
37:06Donc, il faut être sacrément agile
37:08et avoir des capacités d'investissement
37:11et d'innovation assez inouïes.
37:14C'est une industrie qui a su montrer,
37:16à travers des crises régulières, une sacrée résilience.
37:19-"Résilience", ça, vous l'avez dit.
37:21Je voulais juste faire un point pour les auditeurs,
37:24les téléspectateurs, en tout cas, ma position.
37:27On n'est pas anti-chinois.
37:29Et quand on dit droit de douane,
37:32c'est pas pour exclure les Chinois,
37:34c'est pour, éventuellement, les obliger à faire
37:37ce qu'ils ont fait, il y a 20 ans, vis-à-vis des Européens,
37:40c'est de leur dire...
37:41C'est 40 % de droit de douane si vous produisez en Chine,
37:46mais vous pouvez venir en Europe, on les exclut pas.
37:49C'est d'ailleurs la politique française
37:51de se tourner vers les producteurs chinois
37:53et de leur dire, venez mettre vos usines de batterie
37:56et vos usines de construction de voitures électriques en Europe.
37:59Le deuxième, c'est que quand on met des droits de douane,
38:03c'est pas forcément 40-50 % Ad vitam aeternam.
38:06On peut aussi dire, c'est 40 % pour 10 ans,
38:09le temps de favoriser la transition.
38:11On peut d'ailleurs même imaginer de préannoncer
38:13que 10 ans plus tard, ça passe à 20.
38:16Voilà, donc, l'idée, c'est d'avoir une politique stratégique,
38:19comme le disait Luc Châtel, ce qu'on n'a pas.
38:22On a pris une décision en silo,
38:24qui est une décision réglementaire en silo,
38:26sans études d'impact,
38:28ce qui est reconnu par tout le monde,
38:30y compris par la Commission européenne,
38:32et sans réflexion stratégique derrière.
38:34Je vais vous laisser prendre part à cette discussion,
38:37mais en précisant également un point.
38:39Le président de la République, Emmanuel Macron,
38:43a fait savoir,
38:45dans plusieurs discours, plusieurs interventions,
38:49que le temps de la réindustrialisation était venu
38:52et qu'il y avait une réindustrialisation en cours.
38:56Mais quand on se base sur les simples données économiques,
39:00on s'aperçoit que l'industrie pèse 8, 9 %,
39:04peut-être un peu plus dans le produit intérieur brut,
39:08alors qu'en Allemagne, il est de 20 %.
39:12Est-ce que vous pensez qu'on peut corriger ça
39:15dans une mandature ?
39:16Qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
39:19Parce que l'industrie automobile, quelque part,
39:22fait partie de la réindustrialisation.
39:25On ne peut pas séparer les deux choses.
39:27Mais le redressement industriel est en cours.
39:29Depuis 2017, on a eu plus d'usines qui ouvraient
39:32que d'usines qui fermaient.
39:33C'est un changement historique majeur
39:35par rapport aux années 2000.
39:38D'ailleurs, les exemples qu'on a de la création
39:41de ces gigafactories, de ces grandes usines
39:43de construction de batterie électrique,
39:46sont assez emblématiques.
39:47Si on veut aller plus loin,
39:49il y a la politique menée au niveau français.
39:51Luc Châtel a fait référence au travail
39:53entre l'Etat et les constructeurs automobiles,
39:56qui s'est traduit par un contrat récemment signé.
39:58Et il y a le niveau européen.
40:00Entre les mâchoires d'acier américaines et chinoises,
40:03on a besoin d'Europe.
40:04On a besoin d'Europe pour mener des projets industriels,
40:07un peu comme on a réussi à faire Airbus
40:10pour casser le monopole de Boeing dans l'aéronautique
40:13dans la deuxième partie du XXe siècle.
40:15Les exemples qu'on a en matière de gigafactories
40:18vont, dans ce sens-là, d'avoir cet Airbus des batteries.
40:21C'est un changement majeur de philosophie européen
40:23que la France a arraché.
40:25Je vous interromps juste une petite seconde.
40:27On ne joue pas dans la même cour,
40:29les Français et les Allemands.
40:31Nous sommes un maximum à 10 %
40:36d'industrie dans le produit intérieur brut.
40:38Les Allemands sont le double, à 20 %.
40:41On n'est pas dans la même cour à ce domaine.
40:43On a plus besoin de réindustrialiser
40:46que les Allemands.
40:47Est-ce que là, il n'y a pas un effort supplémentaire à faire
40:52pour, je dirais, pas rattraper,
40:55mais au moins se situer au niveau de l'Italie,
40:57qui est à 15 ou 16 % ?
40:59Bien sûr, c'est notre volonté.
41:01C'est une des premières raisons
41:02pour lesquelles on avait décroché par rapport à l'Allemagne.
41:05C'était les raisons de compétitivité.
41:07Le coût du travail était bien plus élevé en France qu'en Allemagne.
41:11Les impôts sur les sociétés de la production
41:13étaient bien plus élevés en France qu'en Allemagne.
41:16Le coût du travail en France est inférieur au coût du travail
41:19en Allemagne désormais.
41:21Ce n'était pas le cas il y a quelques années.
41:23Mais cette dynamique est en cours.
41:25Je reviens sur le niveau européen.
41:27Vous l'avez rappelé, ça va au-delà même des aides à l'achat,
41:30qui sont importantes.
41:32C'est la question des infrastructures,
41:34de la production d'énergie.
41:35Si on veut basculer vers la voiture électrique,
41:38il faut qu'on ait la capacité à produire de l'électricité.
41:41On a besoin d'investissements européens.
41:43Le président a proposé un plan d'investissement
41:46de 1 000 milliards d'euros
41:47pour soutenir la réindustrialisation
41:49au niveau européen.
41:50C'est faire pour la réindustrialisation
41:53ce qu'on a réussi à faire au moment du Covid
41:55et de l'effondrement économique.
41:57Pourquoi l'Allemagne accepterait
42:00de mutualiser des investissements
42:02dans un domaine où elle est déjà à 20 % ?
42:05L'Allemagne a besoin de pouvoir réinventer son modèle.
42:08Il est très fragilisé.
42:09Il s'appuyait sur quoi, historiquement ?
42:11Vers des exportations très fortes vers la Chine,
42:14d'automobiles et de machines-outils,
42:16qui est de moins en moins important.
42:18C'était le début de nos discussions que la Chine se développe.
42:21Vers l'importation de gaz russe, on a vu depuis l'Ukraine
42:24à quel point ce modèle était fragilisé.
42:26Vers des externalisations vers les pays de l'Est,
42:29qui se développent et sont moins rentables.
42:31L'Allemagne a, elle aussi, de manière différente,
42:34mais elle aussi besoin de se réinventer.
42:36Les projets qu'on mène sur les batteries,
42:38on les mène aussi avec les Allemands.
42:40On a un changement important de philosophie
42:42au niveau européen depuis trois ans,
42:44à l'initiative de la France.
42:46C'est vers ça qu'on doit accélérer.
42:48Monsieur Salimon, une petite question,
42:50pas polémique, mais quand même intéressante.
42:53Pour le véhicule électrique,
42:55il y a une marque qui émerge.
42:58Elle a quelques difficultés, maintenant,
43:00mais elle a été emblématique, c'est Tesla.
43:04Mais bon, à votre avis, c'était justifié.
43:09Et est-ce que sur le plan esthétique,
43:12de l'esthétique industrielle du design,
43:16on ne peut pas contrecarrer ça ?
43:18Parce qu'il n'y a pas que Tesla,
43:20il y a les produits...
43:23Les constructeurs français et européens
43:26sont au moins à un même niveau.
43:29Comment vous expliquez ce design de la mode ?
43:32Est-ce qu'il n'y a qu'un effet de mode ?
43:34Alors, je n'ai pas l'habitude de parler de la concurrence,
43:37donc je ne vais pas parler de Tesla.
43:39Par contre, je veux parler de la force des constructeurs européens,
43:42du groupe que je représente.
43:44Aujourd'hui, on a vraiment les moyens,
43:46on a des produits qui sont largement compétitifs
43:48aux constructeurs que vous avez cités.
43:50Il y a un élément dont on n'a pas parlé,
43:52parce qu'on a peu parlé des consommateurs,
43:55et il faut parler des techniciens,
43:58il faut parler des emplois qu'on a...
44:00On va venir là-dessus.
44:02Et ça, c'est un élément important,
44:04parce que la transition sur l'électrique
44:06impose énormément de formations,
44:08énormément de transformations au niveau des équipes.
44:10C'est ce qu'on fait chez BMW,
44:12on investit 400 millions d'euros ces dernières années
44:14pour transformer nos usines de thermique à électrique.
44:17Et là, je reviens par rapport à votre question,
44:20presque polémique, mais qui ne l'est pas,
44:22c'est que la force de nos constructeurs,
44:24c'est le service client.
44:26Je ne veux pas parler de l'autre constructeur,
44:28mais je peux vous assurer que chez moi,
44:30comme chez d'autres constructeurs et des constructeurs français,
44:32le service client est clé, l'expérience client est clé,
44:36et ce n'est pas toujours le cas pour tous les constructeurs.
44:38La preuve, c'est que nous avons des réseaux de distribution.
44:41En France, BMW, c'est 7 000 collaborateurs dans le réseau
44:44qui sont au service des clients au quotidien.
44:47Et ce n'est pas toujours le cas pour les nouveaux opérateurs
44:50qui arrivent sur le marché automobiliste.
44:52Luc Châtel et Yann Vincent,
44:54je voudrais en venir maintenant aux compétences.
44:57L'industrie automobile, on l'a vu,
45:00nécessite des investissements importants,
45:03également en matière de formation et de compétences.
45:07Est-ce que l'Union européenne est en mesure, aujourd'hui,
45:11de pourvoir à tous les nouveaux emplois,
45:14que ce soit dans l'industrie automobile
45:19comme dans le domaine des batteries et plus largement ?
45:24Est-ce qu'au niveau des emplois, on peut les produire ?
45:27Et qu'est-ce qu'on va faire des emplois
45:30sacrifiés par les innovations technologiques ?
45:33D'abord, la bonne nouvelle, c'est que, je parle de la France,
45:37les Français ont une bonne image de l'industrie automobile
45:41et ils ont envie d'y travailler, en particulier les jeunes.
45:4466 % des jeunes, 2 jeunes sur 3,
45:47ont une bonne image de l'industrie automobile.
45:50Ca peut être loin de certains clichés qu'on entend ici ou là.
45:54Deuxième élément, nous avons rappelé depuis le début de cette émission,
45:58la transition, la transformation,
46:00qui est une transformation des métiers.
46:02Quand vous passez du moteur thermique à l'électrique,
46:05vous avez des pans entiers, des pièces qui vont disparaître,
46:08des moteurs, et donc vous avez des métiers et des entreprises
46:11qui sont en danger.
46:13Et depuis 3-4 ans, nous anticipons cette transformation.
46:17Et dans le cadre du contrat de filière,
46:19que nous venons de signer avec l'Etat, avec les régions,
46:22nous avons des programmes d'accompagnement des salariés.
46:25Nous avons trois cas de figure.
46:27Les gens vont perdre leur emploi car le métier disparaît,
46:30car on n'a plus besoin de la technologie, de la pièce de l'entreprise.
46:34Vous avez une deuxième cas de figure,
46:36c'est des entreprises qui vont se transformer
46:38avec cette évolution de la batterie,
46:41mais aussi d'autres évolutions.
46:43On parlait tout à l'heure du véhicule connecté,
46:46du véhicule autonome.
46:47Donc les métiers dans l'industrie traditionnelle changent.
46:50Vous avez un troisième sujet,
46:52qui est l'émergence de nouveaux métiers de l'automobile
46:55liés à l'électrique.
46:57Nous étions avec Yann Vincent il y a quelques mois
47:00pour inaugurer une école de la batterie dans les Hauts-de-France,
47:04où on propose à des ouvriers qui étaient à Douvrin
47:06sur une chaîne d'assemblage automobile,
47:10après 400 heures de formation,
47:12d'aller devenir opérateur chez ACC, par exemple.
47:15Donc c'est une transformation totale de leur métier.
47:18Et là, il y a des investissements absolument massifs
47:21qui sont réalisés.
47:22Et je ne vois pas là aussi
47:24assez d'accompagnement,
47:26de vision européenne sur ces sujets-là.
47:29Elle existe en France, de la part de tous les acteurs.
47:32Les industriels, avec l'Etat, avec les régions,
47:34avec l'ensemble des acteurs, se mettent autour de la table
47:38et cofinancent ces programmes.
47:40On n'a pas assez de vision européenne.
47:42Qu'en pensez-vous, M. Vincent ?
47:44Je vous donnerai la parole.
47:46On crée une industrie qui n'existait pas en Europe.
47:49Donc évidemment, c'est difficile.
47:51Mais je voudrais souligner plusieurs points.
47:54Notre première usine, on l'a construite à Billy-Berthelot-Douvrin
47:58sur les terres de la Française de Mécanique.
48:01La Française de Mécanique fabrique des moteurs...
48:03fabrique des moteurs thermiques.
48:06Et donc, évidemment, cette activité va aller baissant,
48:09va aller décroissant dans le temps.
48:11Et donc, en s'installant là-bas,
48:13on apporte une solution, peut-être pas totale,
48:16mais à ce qui aurait été, dans quelques années,
48:19un drame social.
48:20Et on a d'ores et déjà, dans les effectifs dans cette usine,
48:23des gens qui travaillaient à la Française de Mécanique
48:26qui ont effectivement été au travers d'Electromob
48:29pour se former, pour apprendre ce nouveau métier.
48:31Ensuite, on a été chercher des gens dans le monde entier.
48:36Aujourd'hui, dans les 1 600 personnes dont j'ai parlé,
48:39qui sont dans les effectifs d'ACC,
48:41on a à peu près une quarantaine de nationalités.
48:44On a des Coréens, on a des Japonais,
48:47on a quelques Chinois,
48:49pour accélérer cet apprentissage.
48:52Et puis enfin, on travaille évidemment
48:55avec l'ensemble des entités académiques.
48:59C'est le CEA,
49:01c'est les entreprises industrielles européennes
49:05pour arriver à rattraper le plus vite possible.
49:08M. Stalimant, vous voulez dire quelque chose ?
49:11Le 100 % électrique, c'est aussi des nouveaux métiers,
49:14des opportunités.
49:15C'est le digital.
49:16Il y a beaucoup de développements digitaux.
49:18On va avoir un affichage tête haute
49:20sur la totalité du parabrise de la voiture.
49:22Tout ça, ça crée des métiers.
49:24Un 2e élément dont on ne parle pas
49:26et qui fait partie du développement de la mobilité durable,
49:28c'est le recyclage, le circulaire.
49:29Maintenant, les voitures ne sont plus broyées.
49:32On a des créations d'emplois aussi
49:34parce que le circulaire est clé
49:36dans la composition des voitures.
49:38Aujourd'hui, chez BMW, c'est 22 %
49:40de matières déjà recyclées dans nos véhicules neufs.
49:43Il faut le faire aussi avec le cobalt
49:45et le nickel.
49:46Pourquoi ? Parce que justement,
49:48si on dépend trop de la Chine
49:50sur des matières premières
49:53nécessaires à la fabrication des batteries,
49:55récupérons ce qui est déjà dans nos véhicules
49:57pour pouvoir les réutiliser dans les voitures neuves.
50:00David Damien ?
50:01Un élément très important sur les emplois
50:03qu'apporte cette révolution de la voiture électrique,
50:06c'est d'abord que c'est des emplois mieux rémunérés en moyenne
50:09que les emplois des services.
50:10C'est extrêmement important aussi pour le pouvoir d'achat,
50:13pour la mobilité sociale de pouvoir les développer.
50:15Et puis, ça recrée aussi des emplois
50:17dans des territoires qui avaient été fracassés
50:19par la désindustrialisation des années 80, 90, 2000.
50:22C'est exactement ce qu'on voit
50:24dans l'ensemble du Nord de la France,
50:25qui avait connu un déclassement spectaculaire
50:28et un chômage de masse terrible à partir des chocs pétroliers.
50:31C'est une opportunité très importante.
50:33Et puis, en termes de souveraineté,
50:35c'est ce que vous évoquiez sur les métaux,
50:37il faut insister sur la différence fondamentale
50:39entre la voiture thermique et électrique.
50:41Dans la voiture thermique, par définition,
50:43vous ne pourrez jamais être souverain,
50:45puisque vous aurez besoin d'importer massivement en Europe,
50:48du pétrole.
50:49Le pouvoir d'achat des Français est dicté
50:51par les Russes, par le Moyen-Orient.
50:53On a vu les chocs pétroliers,
50:54les aléas du prix à la pompe,
50:56le déficit grandissant de notre balance commerciale.
50:58La voiture électrique, on peut être souverain,
51:00parce qu'on peut réussir à maîtriser ces chaînes de valeur,
51:03on peut réussir à maîtriser cette batterie,
51:05on est en train de le construire,
51:07on pourra maîtriser le raffinage.
51:09On sait que ça fait partie des choses
51:11sur lesquelles la Chine a un monopole très important,
51:13mais il n'y a pas de raison structurelle, technologique,
51:15que l'Europe ne puisse pas, à son tour,
51:17être une puissance importante dans le raffinage.
51:19Ça fait partie des priorités qu'on devrait apporter
51:21au niveau européen.
51:22Je voulais faire une remarque.
51:24Effectivement, on crée de nouveaux emplois
51:26dans la filière électrique, mais on en perd énormément
51:28dans la filière thermique.
51:29En net, on va certainement plutôt réduire le nombre d'emplois.
51:32Moins 65 000.
51:33Voilà.
51:34Donc, néanmoins, c'est une des raisons supplémentaires
51:37d'accélérer dans l'électrique pour limiter les dégâts.
51:40Mais sur la souveraineté, c'est une question fondamentale.
51:44En réalité, avec la décision sur la voiture électrique,
51:49de la façon dont elle a été prise,
51:50c'est-à-dire de façon réglementaire
51:53et pas par l'innovation ou par le marché,
51:56on a créé quelque chose qui est stupéfiant
51:58sur le plan stratégique et politique
52:00dans les 70 ans d'existence de l'Europe.
52:02C'est un Buy China Act.
52:04On a été incapables de faire un Buy European Act
52:07pendant 70 ans.
52:09Et notamment, il n'y a pas que les Allemands,
52:11mais les Néerlandais et d'autres pays
52:13sont toujours opposés à un Buy European Act.
52:15Et on réalise un Buy China Act.
52:17Et en termes de souveraineté, c'est vrai qu'on passe
52:19d'une dépendance des pays du Moyen-Orient
52:23à une dépendance vis-à-vis de la Chine.
52:25Mais la Chine, c'est un pays totalitaire
52:28qui a une vision stratégique de domination mondiale.
52:31Dans le Moyen-Orient...
52:33Non, mais l'essentiel du pétrole vient du Moyen-Orient.
52:36Et le Moyen-Orient, on a une quinzaine de pays
52:38dont la sécurité dépend en partie de nous.
52:41C'est pareil, les parts de marché chinoises,
52:43en France, elles reculent ce premier trimestre.
52:45On peut se faire reculer, c'est la différence fondamentale.
52:47Mais BID est en train de se développer.
52:50Ecoutez, il nous reste très peu de temps.
52:52C'est important de voir que derrière toutes ces questions,
52:55parce qu'il y a l'automobile, mais il y a plein d'autres secteurs
52:58où il faut pas que l'Europe répète ses décisions réglementaires
53:02sans analyse des effets stratégiques et de marché.
53:07Donc, ce dont on parle, c'est au fond une réplique
53:10de ce qui s'est passé dans le monde agricole.
53:12On a eu une révolte sur le plan des agriculteurs au mois de janvier.
53:15Dans le monde automobile, parce que les constructeurs sont puissants.
53:20Mais c'est important que ce qui se passe dans le secteur automobile
53:24serve de leçon aussi au niveau européen.
53:26Juste une précision, peut-être à la fois industrielle et politique,
53:32à Luc Châtel et David Amiel, en deux mots.
53:36Il y a un bonus qui est accordé pour le véhicule électrique.
53:41Bon, il est modulé aujourd'hui.
53:43On l'a supprimé en Allemagne.
53:46Ca a fait chuter la vente.
53:49Est-ce que vous êtes favorables au maintien du bonus
53:53dans sa substance financière, par oui ou non ?
53:56Je crois que la réponse est dans la question.
53:59L'Allemagne a démontré dans les faits
54:01qu'il fallait un accompagnement de la demande
54:04au moins jusqu'à ce que le prix...
54:06Il y a une convergence entre le thermique et l'électrique.
54:09Nous l'avons dit au gouvernement, il nous faut un certain nombre d'années
54:12pour qu'il y ait une pérennisation du bonus.
54:15Et ne pas le changer tous les 4 matins.
54:17Il a changé 15 fois en 5 ans.
54:19Sur ce point, en très peu de temps...
54:21Je suis d'accord avec ce que vient de dire Luc Châtel.
54:24Il faut donner de la visibilité sur le bonus.
54:26C'est un instrument important pour soutenir nos industriels.
54:29Le fait de le réserver comme on l'a fait aux producteurs européens
54:32est extrêmement important pour notre compétitivité.
54:35Merci, messieurs, pour cette brillante conversation.
54:38Je pense que les téléspectateurs tireront beaucoup d'enseignements.
54:42Sur un sujet qui est important,
54:45on l'a évoqué sur un plan industriel,
54:47sur un plan réglementaire.
54:49On aurait pu en parler aussi d'un point de vue sociologique,
54:52mais on aura l'occasion d'en reparler.
54:55Avant de vous quitter, je voudrais signaler
54:58la lettre à l'Europe de Lucas de Méo,
55:01qui est plaidoyé pour une industrie automobile soutenable,
55:05inclusive et compétitive,
55:07qui montre quand même que certains freins
55:09viennent de la bureaucratie européenne
55:13et qu'on aurait intérêt à suivre,
55:16en tout cas dans la démarche business,
55:19à la fois les Etats-Unis et la Chine.
55:22Alors, il y a quelques ouvrages qui sont sortis aussi
55:26sur l'automobile, de Laurent Castagnet,
55:29La ruée vers la voiture électrique,
55:31chez Eco-Société.
55:33Il y a aussi Tintin et les autos européennes,
55:36les voitures de légende, chez les éditions Moulinsard.
55:39Est-ce que vous avez un livre à proposer ?
55:42-"La souveraineté industrielle",
55:44d'Élie Cohen. Je trouve que ça rejoint
55:47tout à fait le débat que l'on a eu.
55:50A la fois des mots qui étaient grossiers
55:53il y a encore quelques années,
55:55qui reviennent sur le terrain,
55:57souveraineté, planification stratégique industrielle.
56:00On a besoin de cela au niveau de l'Europe,
56:02et c'est ce qui est dans le livre d'Élie Cohen.
56:04Je vous remercie de cette précision
56:07à laquelle je pense que vous adhérez tous.
56:09Avant de nous quitter, il me reste à vous remercier,
56:12à remercier l'équipe de LCP
56:15et de vous laisser avec cette pensée
56:19d'Ursula von der Leyen, vous allez voir,
56:22qui est en phase avec ce que nous avons dit.
56:25Le marché est inondé de voitures électriques chinoises
56:29dont le prix est maintenu artificiellement bas
56:31par des subventions publiques massives.