• l’année dernière
La laïcité est de tous les combats politiques, idéologiques, socio-culturels et même religieux. C'est devenu un mot fourre-tout qui traduit d'abord le malaise de la société française. De son école, des services publics et autres producteurs de biens communs, partout où s'exerce des discriminations et des pressions, des comportements très singuliers qui remettent en cause le vivre ensemble. Mais est-ce que le trans-genrisme et la laïcité, font cause commune ? Si tout est laïc, qu'est-ce que la laïcité ?
Au début de la laïcité, à sa source, il y a la fameuse loi de 1905 qui établit une liberté de conscience entre croyants et non croyants, la séparation de l'Eglise et de l'Etat et le livre exercice des cultes, tout cela dans le respect de l'ordre public. Mais d'interprétation en interprétation et à l'aune d'évènements symboliques et tragiques, on pense bien sûr à la décapitation de l'enseignant Samuel Paty le 16 octobre 2020 ou auparavant à l'affaire du foulard de Creil, la laïcité est devenu une sentinelle démocratique, un bouclier contre l'islamisme radical, le respect de la liberté d'expression, un viatique républicain de l'apprentissage de la liberté, de l'égalité et de la fraternité. Cette extension du domaine de la laïcité renforce t'elle sa prégnance socio-culturelle ou à contrario est-elle le constat de l'affaissement de la politique au profit des communautarismes et de la tenaille identitaire. C'est ce que nous allons voir avec mes invités :

Émile Malet reçoit :
- Iannis Roder, professeur d'histoire
- Smaïn Laacher, sociologue, professeur des Université
- Laetitia Strauch-Bonart, rédactrice en chef et essayiste, l'Express
- Emmanuel Maurel, député européen, fondateur de la GRS (gauche républicaine et socialiste)

L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00 Générique
00:01 ...
00:24 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:27 La laïcité a-t-elle réponse à tout ?
00:29 La laïcité est de tous les combats politiques,
00:32 idéologiques, socioculturels et même religieux.
00:35 C'est devenu un mot fourre-tout
00:37 qui traduit d'abord le malaise de la société française,
00:41 de son école, des services publics
00:43 et autres producteurs de biens communs,
00:46 partout où s'exercent des discriminations
00:49 et des pressions,
00:50 des comportements très singuliers
00:52 qui remettent en cause le vivre-ensemble.
00:54 Mais est-ce que le transgenreisme, par exemple,
00:57 la lutte contre le conspirationnisme, etc.,
01:00 font cause commune avec la laïcité ?
01:03 Si tout est laïque, alors qu'est-ce que la laïcité ?
01:07 Au début de la laïcité, disons à sa source,
01:10 il y a la fameuse loi de 1905
01:13 qui établit une liberté de conscience
01:15 entre croyants et non-croyants,
01:17 la séparation de l'Eglise et de l'Etat
01:20 et le libre exercice des cultes,
01:22 tout cela dans le respect de l'ordre public.
01:25 Mais d'interprétation en interprétation,
01:27 et à l'aune d'événements symboliques et tragiques,
01:30 on pense bien sûr à la décapitation
01:32 de l'enseignant Samuel Paty, le 16 octobre 2020,
01:36 ou auparavant, l'affaire du foulard de Creil.
01:40 La laïcité est devenue une sentinelle démocratique,
01:43 un bouclier contre l'islamisme radical,
01:46 le respect de la liberté d'expression,
01:49 un viatic républicain de l'apprentissage
01:51 de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.
01:55 Cette extension du domaine de la laïcité
01:58 renforce-t-elle sa prégnance socioculturelle
02:02 ou, à contrario, est-elle le constat
02:04 de l'affaissement du politique et de la politique
02:08 au profit des communautarismes
02:10 et de la tenaille identitaire ?
02:12 C'est ce que nous allons voir avec mes invités.
02:15 Alors, Yanis Roder,
02:17 vous êtes professeur d'histoire,
02:19 directeur de l'Observatoire de l'Education
02:22 et de la Fondation Jean Jaurès,
02:25 et Smahine Lachère, je vous présente,
02:27 vous êtes sociologue, professeur des universités,
02:30 directeur de l'Observatoire du fait migratoire
02:33 et de l'asile à la Fondation Jean Jaurès.
02:36 Laëtitia St-Bonnard,
02:38 vous êtes rédactrice en chef et essayiste.
02:41 Vous êtes rédactrice en chef à L'Express.
02:44 Et Emmanuel Morel,
02:46 qui est avec nous en visioconférence,
02:49 vous êtes député européen,
02:52 fondateur de la gauche républicaine et socialiste.
02:55 Musique rythmée
02:58 ...
03:02 Alors, commençons par la laïcité pour tout,
03:07 la laïcité partout.
03:09 Vous connaissez tous le proverbe
03:11 "qui trop embrasse mal étreint".
03:14 A faire de la laïcité un bouclier contre tous les maux,
03:18 n'y a-t-il pas un risque de confusion sociale ?
03:21 Et d'inefficacité politique ?
03:24 M. Morel, qu'en pensez-vous ?
03:26 -Déjà, je trouve qu'on a tendance, ces derniers temps,
03:30 à coller systématiquement à la laïcité un adjectif.
03:34 On parle de laïcité ouverte, stricte, moderne, inclusive,
03:37 exigeante, apaisée, positive.
03:40 La première des choses, c'est de dire
03:42 que la laïcité n'a pas besoin d'adjectif pour être définie.
03:46 Elle vise tout simplement à ce que la société politique
03:49 détermine ses propres règles sans se référer
03:52 à une vérité révélée,
03:53 c'est-à-dire indépendamment des préceptes d'une religion.
03:57 C'est ça, la laïcité, au départ.
03:59 C'est une société qui se veut émanciper
04:01 de la tutelle de tous les clergés.
04:04 Là où vous avez raison,
04:05 j'ai bien aimé votre expression "extension du domaine
04:08 "de la laïcité", c'est qu'évidemment,
04:11 ce concept, ce principe a été pensé
04:13 à la fin du 19e, au début du 20e siècle.
04:16 Les choses ont depuis beaucoup évolué.
04:19 Et quand je disais "débarrasser de la tutelle
04:22 "des autorités ou des clergés",
04:24 c'est pas que les religions,
04:26 ça peut être l'autorité du marché,
04:28 ça peut être ce à quoi vous faisiez allusion,
04:32 le communautarisme.
04:34 C'est vrai que la laïcité, c'est un peu étendu,
04:37 mais ce qui compte, c'est le principe de base,
04:40 c'est-à-dire on sépare strictement la politique de la religion.
04:44 Et ça, c'est très important, surtout en ces temps
04:47 où on a un regain de la religiosité
04:49 dans les sociétés occidentales, et pas seulement occidentales.
04:53 -Qu'en pensez-vous, Yanis Roder ?
04:55 Vous partagez ce...
04:57 -Oui, je partage ce qui vient d'être dit par Emmanuel Morel.
05:00 Je pense qu'en effet,
05:02 ce qui a été pensé à partir de la Révolution française
05:06 et jusqu'à la fin du 19e siècle,
05:08 et la mise en place de cette loi de séparation
05:11 de l'Eglise et de l'Etat, est toujours effectif aujourd'hui,
05:15 et c'est un vrai...
05:17 Un vrai atout de la République française,
05:21 d'avoir su justement mettre en oeuvre
05:23 cette double émancipation,
05:25 dont Emmanuel Morel a parlé, en réalité,
05:27 c'est-à-dire cette émancipation du politique
05:30 vis-à-vis du religieux, et d'autre part,
05:33 cette émancipation du religieux vis-à-vis du politique.
05:36 Cette neutralisation, en fait, est extrêmement importante
05:39 dans le cadre de la société apaisée
05:41 que nous appelons régulièrement "nos voeux".
05:44 -Vous êtes tous d'accord là-dessus,
05:46 Smaïd Lachère ? Vous partagez le juriste que vous êtes ?
05:50 -Oui, oui, je partage...
05:53 Je partage les avis qui viennent d'être donnés.
05:56 D'abord, la laïcité a une longue histoire,
05:59 une très, très longue histoire.
06:01 Les historiennes nous l'ont appris.
06:03 Il est vrai que la laïcité,
06:06 le mot,
06:08 est très polysémique, aujourd'hui.
06:11 C'est un enjeu de débat
06:13 et de polémique,
06:15 mais il est vrai que,
06:18 si je me réfère au titre de votre...
06:21 de l'émission d'aujourd'hui,
06:24 est-ce que la laïcité peut tout ?
06:26 Non seulement elle ne peut pas tout,
06:28 mais ce n'est pas son rôle de pourvoir à tout
06:32 ou d'essayer de construire
06:34 des solutions quasiment intemporelles et universelles.
06:38 Mais il est indéniable
06:40 que la laïcité à la française
06:43 est une donnée très, très importante,
06:48 qui est au fondement de la société
06:50 dans laquelle nous vivons.
06:52 -Laëtitia Strauss-Bonharia a une question
06:55 que je voudrais vous poser.
06:57 Vous, vous avez fait un reportage,
06:59 à travers un très beau livre,
07:01 sur la France.
07:03 Vous avez rencontré beaucoup de Français.
07:05 Est-ce qu'ils vous ont beaucoup parlé de laïcité
07:08 ou vous avez le sentiment
07:10 que c'est plutôt un concept
07:13 dans les sénacles,
07:15 disons, bien-pensant et influent ?
07:18 Mais au niveau des Français,
07:20 est-ce que vous avez senti la prégnance,
07:23 l'importance de cette notion ?
07:25 -Je pense que la notion est déjà connue depuis longtemps.
07:30 Elle est connue par tout le monde,
07:34 même si tout le monde n'est pas forcément capable
07:37 de la comprendre précisément.
07:39 Elle fait partie de l'histoire française.
07:42 En fait, la laïcité, c'est la sécularisation,
07:45 dans sa version française,
07:47 la sécularisation qui est le refus
07:49 de l'intervention du religieux en politique,
07:51 qui s'est passé à peu près partout en Europe
07:54 et aux Etats-Unis,
07:55 dans des modalités à chaque fois différentes.
07:58 Après, pour répondre aussi à la question
08:01 que vous posez dans l'émission,
08:03 je pense qu'on a tendance à brandir le terme,
08:06 quand on ne sait pas quoi dire d'autre,
08:08 et on pense que ça va être une solution
08:12 pour un certain nombre de difficultés
08:15 qu'on peut rencontrer,
08:16 et notamment le fait religieux,
08:18 qui connaît en effet une nouvelle jeunesse en France,
08:21 notamment du fait de la présence de musulmans
08:25 dans notre pays.
08:26 Moi, ce qui tend à me gêner
08:29 dans la conception française de la laïcité,
08:32 c'est qu'elle signifie parfois la détestation du religieux,
08:36 ou son incompréhension, sa mise à distance.
08:39 Je pense qu'à l'origine, ça n'était pas ça.
08:42 A l'origine, c'était la neutralité de l'Etat.
08:45 Aujourd'hui, dans le débat français,
08:47 beaucoup de gens brandissent la laïcité
08:49 simplement parce qu'ils sont antireligieux.
08:52 En France, je constate qu'il y a souvent
08:54 une méconnaissance du fait religieux,
08:57 qui est assez peu enseignée, en fait, à l'école.
09:00 Or, à mon avis, on ne peut pas comprendre
09:02 la laïcité et la sécularisation
09:04 si on ne comprend pas ce qu'est la religion
09:07 et pourquoi nos sociétés ont évolué
09:09 de façon à mettre à distance la religion.
09:11 -Oui, alors on va parler de la religion
09:14 et on va même parler du fait religieux.
09:16 Mais restons, si vous voulez,
09:19 quelques instants sur la laïcité
09:22 et ses problèmes.
09:24 Dans la société française,
09:26 et notamment dans le domaine de l'école,
09:30 est-ce que vous pourriez dire, monsieur Roder,
09:33 ce qui relève d'un engagement laïc à l'école ?
09:38 Parce que c'est une vraie question.
09:40 On en parle sans arrêt. -Vous appelez ça
09:42 "engagement laïc à l'école". -On parle de l'école
09:45 laïque et républicaine. C'est quoi, un engagement laïc ?
09:48 -Un engagement laïc de qui ? Des enseignants ?
09:50 -Des enseignants, des enseigners.
09:52 -Les enseignants, vous savez... -De l'administration.
09:56 -Si on parle de l'administration et des enseignants...
09:59 -Ca voudrait dire qu'on va à l'école
10:01 avec un engagement laïc.
10:03 -On ne va pas à l'école avec un engagement laïc.
10:05 On est fonctionnaire de la République.
10:08 À partir du moment où on est fonctionnaire,
10:10 on se doit d'être neutre. C'est ce que dit la loi de 1905.
10:13 -Si vous êtes neutre, les élèves doivent être neutres ?
10:16 -Non, ce n'est pas ce que dit la loi.
10:18 Les élèves n'ont pas à être neutres.
10:21 Les élèves peuvent exprimer oralement
10:24 et aussi par des signes discrets leur conviction,
10:27 parfois même leur appartenance religieuse, s'ils le souhaitent.
10:31 Il n'y a pas de neutralité...
10:33 -Les enseignants peuvent le faire aussi ?
10:36 -Non, les enseignants, eux, se doivent d'être neutres
10:39 parce que l'idée qu'il y a derrière cette neutralité de l'Etat,
10:43 c'est que chaque personne qui se trouve en face d'un fonctionnaire
10:47 doit être traité de la même manière qu'un autre
10:50 et qu'un fonctionnaire n'a pas à tenir compte
10:53 et ne doit pas montrer de signes.
10:55 -Est-ce qu'il n'y a pas un problème à dire qu'on est neutre ?
10:59 Prenez, par exemple, dans la sexualité,
11:01 il y a des hommes et des femmes.
11:03 On considère qu'il y a une troisième catégorie,
11:05 le sexe neutre. Vis-à-vis des élèves,
11:08 quand vous dites "je suis neutre",
11:10 vous pensez qu'ils acceptent cette chose-là ?
11:12 -Ils n'ont pas le choix, en réalité.
11:14 Un fonctionnaire doit être neutre.
11:18 C'est axiologique, cette neutralité du fonctionnaire.
11:21 Je crois pas qu'il y ait à discuter là-dessus.
11:24 Maintenant, qu'est-ce que ça veut dire, l'école laïque ?
11:27 Le temps de l'école, chaque...
11:29 Je ne parle pas des fonctionnaires,
11:31 je parle des élèves, parce qu'ils vont à l'école laïque.
11:34 Chaque élève met en suspens le temps,
11:37 le temps de l'école, ses appartenances premières
11:40 pour se mettre en situation de recevoir
11:42 les enseignements qui vont lui être prodigués.
11:45 Ces enseignements, et c'est là où se situe la laïcité
11:48 dans l'enseignement, donc la laïcisation de l'enseignement,
11:51 vont reposer sur la raison et sur la science,
11:54 pas sur une vérité révélée.
11:56 -M. Morel, vous, en tant que député,
11:59 vous considérez que vous devez être neutre en tant que député ?
12:03 C'est-à-dire que vous êtes un parlementaire neutre
12:07 du point de vue de la laïcité ?
12:09 -Je suis un parlementaire laïque,
12:11 c'est-à-dire que je ne fais pas état
12:13 de mes éventuelles convictions,
12:15 mais ça va pas de soi, je suis parlementaire européen,
12:18 donc ça ne va pas de soi au niveau européen.
12:21 Vous l'avez bien dit, la laïcité à la française,
12:24 que nous, nous chérissons et que nous considérons
12:26 comme une condition du vouloir vivre ensemble,
12:29 ça ne va pas de soi dans les autres pays européens.
12:32 Vous avez des pays où il y a des religions d'Etat,
12:35 où les cultes sont subventionnés,
12:37 et où il est tout à fait normal
12:38 que des élus affichent leurs convictions religieuses,
12:42 participent à des cérémonies religieuses, etc.
12:44 C'est pas le cas en France, et je voudrais juste réagir
12:47 à ce qu'a dit madame à l'instant, parce que je crois...
12:51 -Madame Franck-Bonnat.
12:52 -Voilà, il est bon de rappeler que, en aucun cas,
12:55 la laïcité ne suppose l'hostilité de la République
12:58 envers les religieux, mais pas non plus
13:00 la négation du fait social religieux.
13:03 Je crois qu'au contraire, c'est très important
13:05 d'apprendre et de savoir qu'il existe différents cultes,
13:09 différentes histoires et cultures,
13:13 mais je crains quand même que le problème aujourd'hui
13:16 ne soit pas que la laïcité soit instrumentalisée
13:19 contre les religions, c'est surtout qu'il y a
13:22 plus de religieux qui mettent à mal
13:24 et qui contestent le principe de la laïcité,
13:26 et pas seulement les fondamentalistes islamiques,
13:29 comme on le dit parfois, il y a d'autres,
13:32 les charismatiques, les évangélistes,
13:34 certains catholiques intégristes,
13:36 et d'autres qui combattent la laïcité,
13:40 et c'est en ça, à mon avis, qu'il faut absolument la défendre.
13:44 Dernière chose, sur l'école, très important, évidemment,
13:47 je reviens pas sur ce qui a été dit, je le partage,
13:50 mais quand même, ce qu'il faut bien dire,
13:53 c'est que là aussi, on a une forme d'offensive
13:55 contre l'école laïque.
13:58 Alors, il y a des exemples dramatiques,
14:00 vous y avez fait allusion, mais au-delà de ça,
14:03 il ne faudrait pas que, de façon insidieuse,
14:06 on remette en cause des enseignements
14:09 qui sont fondés, oui, c'est vrai, sur la science,
14:12 sur la raison, et qui, par définition,
14:14 ne reconnaissent aucun dogme ou aucune vérité dite révélée.
14:18 Ça, c'est très important, parce qu'évidemment,
14:21 il en va de ce qui est le rôle même de l'école,
14:24 c'est-à-dire former des citoyens éclairés
14:27 dans la liberté absolue de conscience.
14:29 Donc là, il y a besoin d'une vigilance,
14:31 et c'est pour ça que moi, j'ai une conception
14:34 quand même militante de la laïcité,
14:36 pas passive, en aucun cas hostile aux religieux,
14:39 mais quand même, de rappel d'un certain nombre de principes
14:42 qui, pour moi, sont la condition même du vivre ensemble.
14:46 -Vous dites "laïcité à la française", vous avez raison.
14:49 Nous, nous ne sommes pas comme les Anglo-Saxons,
14:52 qui considèrent que la société, c'est une juxtaposition
14:55 de communautés. La France s'est construite différemment,
14:58 la République s'est construite différemment,
15:01 et je pense que c'est bien qu'on le rappelle.
15:04 -Oui, Ismaël Lachère. -Oui, je voudrais juste
15:06 faire trois remarques.
15:08 La première, c'est celle concernant...
15:16 ce que peuvent penser ou ce que pensent
15:18 les Français de la laïcité.
15:20 D'abord, "les Français", c'est un terme beaucoup trop général.
15:24 Je ne sais pas de qui on parle quand on parle des Français.
15:27 Est-ce qu'on parle des patrons du CAC 40 ?
15:30 Est-ce qu'on parle des...
15:32 des ingénieurs ? Est-ce qu'on parle des femmes ?
15:36 Je ne sais pas ce que c'est, mais si je devais avoir recours
15:41 à mon expérience personnelle, je suis sociologue,
15:44 donc je fais du terrain depuis les années 80,
15:47 et il y a eu une époque où on ne parlait pas de laïcité,
15:52 où il n'était pas question de laïcité,
15:54 où la laïcité n'était pas un enjeu politique,
15:58 où la laïcité n'était pas un principe de division
16:03 entre les Français.
16:04 Même auprès des étrangers,
16:09 même auprès de gens que l'on qualifie d'immigrés
16:12 ou d'enfants d'immigrés.
16:14 C'est après les années 80,
16:17 et je pense qu'il y a eu un tournant, c'est 2001,
16:20 et c'est ce qui s'est passé aux Etats-Unis en 2001.
16:25 C'est d'ailleurs à ce moment-là qu'on a vu,
16:27 pour la première fois en France,
16:29 autant de Corans partir dans les librairies.
16:34 Bon.
16:35 Le deuxième point, c'est la place et le statut
16:39 de la religion dans une société.
16:42 Or, nous sommes en France,
16:44 une histoire très particulière de ce point de vue-là,
16:47 et je pense que la laïcité,
16:52 c'est d'abord et avant tout, fondamentalement,
16:56 la liberté de croire ou de ne pas croire.
16:58 Bon. Et en demandant à l'Etat la plus grande neutralité.
17:03 En fait, l'Etat est agnostique.
17:04 Il ne sait pas ce qu'est une croyance.
17:07 Il n'a pas à croire ou à faire croire
17:10 tel ou tel dogme religieux.
17:13 Le dernier point, c'est,
17:17 à propos de la laïcité et de l'école,
17:21 bon, c'est un thème extrêmement important.
17:24 Alors, moi, je n'emploierai pas la notion d'offensive,
17:29 parce que l'offensive,
17:31 c'est quand même une configuration très particulière.
17:35 Ce sont des stratégies qui sont pensées,
17:38 c'est des modalités d'envahissement
17:41 de l'espace, d'institution.
17:43 Je n'irai pas jusque-là.
17:45 En revanche, aujourd'hui plus qu'hier,
17:49 la question de la laïcité est un enjeu,
17:51 et pas seulement pour... -Oui, mais,
17:53 il faut préciser ça pour nos téléspectateurs.
17:57 La question de la laïcité revient très souvent
18:02 par rapport à des problèmes esthétiques,
18:05 rencontrés à l'école.
18:07 Est-ce que vous considérez
18:09 que les tenues, certaines tenues vestimentaires,
18:13 sont un dérapage,
18:16 quelque part induisent un dérapage religieux,
18:19 ou c'est simplement une conduite esthétique ?
18:22 -Ca dépend de quel vêtement vous parlez.
18:24 Là, il faut être extrêmement précis.
18:27 -Je vous laisse dire de quel vêtement ?
18:29 -Si vous parlez du dernier vêtement
18:33 qui a fait l'objet de... -Par exemple.
18:36 -...de polémiques,
18:37 je crois qu'il est inutile de faire preuve
18:41 d'hypocrisie collective ou de mensonge à soi.
18:44 Ce vêtement,
18:47 euh...
18:49 La baïa, est un vêtement
18:51 dont la signification fondamentale
18:54 est une signification religieuse.
18:57 C'est pas la peine de se mentir à soi-même.
19:02 Le vêtement en soi et pour soi
19:06 peut ne pas avoir de signification particulière,
19:09 mais là, à l'évidence, il a une signification particulière,
19:14 une signification religieuse,
19:16 une signification qui dit publiquement
19:18 l'appartenance à une vision du monde
19:22 et à une relation aux institutions
19:25 que l'on considère,
19:27 je dis bien que l'on considère,
19:29 comme des institutions qui restent étrangères
19:33 à la vision du monde,
19:35 des gens qui portent cet habit
19:37 qui dit à haute et intelligible voix
19:39 "Nous ne sommes peut-être pas forcément pareils,
19:42 "il y a peut-être autre chose de plus important,
19:45 "de plus puissant, au-dessus de la République
19:48 "et des lois de la République."
19:50 -La dernière chose que vous venez de dire
19:52 est très intéressante.
19:54 Certainement, chez les musulmans, en France,
19:56 il y a différentes attitudes.
19:58 Il y a cette attitude,
20:00 et puis il y a, chez d'autres,
20:01 une attitude beaucoup plus séculière.
20:04 Ce que j'essayais de dire,
20:05 qui a peut-être été mal compris par M. le député,
20:08 c'est aussi que, face à une vision du monde
20:11 comme celle que vous décrivez,
20:12 la réponse n'est pas de dire "c'est la laïcité, point",
20:16 parce que ça ne marchera pas.
20:17 Mon idée, c'est de dire que, face à des gens
20:20 qui sont convaincus par l'importance de la religion,
20:23 qui pourrait être plus importante que tout le reste,
20:26 qui pourrait être un peu différemment.
20:29 Je ne crois pas que la confrontation,
20:31 que l'imposition de la laïcité fonctionne.
20:34 Je pense que ça prend du temps,
20:35 qu'il faut vraiment expliquer ce que c'est.
20:38 Par ailleurs, la question se pose aussi...
20:40 J'ai l'impression qu'on ne se met pas dans la tête de ces personnes.
20:44 Quand ces personnes sont confrontées à nous,
20:47 qui sommes très laïques et sans aucune religion,
20:50 pour qui le christianisme n'a plus d'importance,
20:53 il peut y avoir chez eux aussi un sentiment d'étrangeté,
20:56 aussi, ou d'incompréhension face à une culture
21:00 où la religion est quand même moins importante,
21:03 même dans la sphère privée.
21:05 La question que nous pose la laïcité, à mon avis,
21:08 aussi, c'est qu'en est-il d'un pays
21:10 où le christianisme n'a plus du tout la place qu'il avait avant ?
21:13 Pour moi, ce sont des questions qui nous sont posées à nous.
21:17 -Très bien. Yanis Roder, vous vouliez dire quelque chose ?
21:20 -Je vais nuancer ce que disait Smaïn Lachère
21:23 sur la question de l'offensive.
21:25 Si ma mémoire ne me fait pas défaut,
21:27 votre journal "L'Express", je crois,
21:30 avait sorti une note des services, je ne sais plus quels services,
21:33 qui, justement, montrait qu'il y avait sur les réseaux sociaux
21:37 une offensive et qui était vraiment calculée, a priori,
21:40 parce qu'on retrouvait des éléments de langage,
21:43 aussi bien à Toulouse, à Grenoble ou à Lille,
21:45 portés par des jeunes filles,
21:47 pour justifier le port de ces abayas,
21:49 de ce dont vous parliez, Smaïn Lachère.
21:52 L'élément de langage identique, à droite, à gauche,
21:56 c'est qu'il y a quelque part, quelque chose qui, derrière,
22:00 sans vouloir tomber dans le complotisme,
22:02 mais qui tire quelque part les ficelles
22:04 et qui, en tout cas, cherche à instrumentaliser
22:07 les revendications identitaires ou communautaires de ces jeunes.
22:11 C'est la première chose.
22:12 La deuxième chose, pour continuer dans ce que vous disiez,
22:18 il y a évidemment un effort de pédagogie à faire sur la laïcité.
22:22 C'est ce que disait Smaïn Lachère.
22:24 Mona Ouzouf disait dans un livre en 1982,
22:26 "La laïcité, c'est réglé, même les catholiques."
22:29 Bon, dix ans plus tard, boum,
22:31 donc, on n'est plus du tout...
22:32 Enfin, dix ans plus tard, c'est-à-dire après l'affaire de Creil,
22:36 en 89, en réalité, où il y a eu des affaires du foulard avant,
22:40 mais qui n'avaient pas été publicisées.
22:42 Creil, c'est 89, donc, là, on se rend compte que non,
22:45 c'est pas si simple que ça, c'est pas accepté par tout le monde.
22:49 Jusqu'à aujourd'hui, nous avons une vraie question.
22:52 Il faut faire oeuvre de pédagogie
22:54 en rappelant systématiquement, je crois,
22:57 cette idée de liberté dont parlait Smaïn Lachère.
22:59 La laïcité, il faut la présenter de manière positive.
23:03 C'est vrai que les élèves, la plupart du temps,
23:05 quand vous demandez ce qu'est la laïcité,
23:08 ils vous disent "interdiction".
23:10 Il faut retourner la chose.
23:11 Ils disent "non, pas interdiction, liberté."
23:14 Liberté de conscience, liberté de culte,
23:16 et il faut mettre cela absolument en avant.
23:19 Il faut former les enseignants, et il faut très bien les former.
23:23 -M. Morel, je voudrais, avec vous,
23:26 évoquer une question qui fâche.
23:29 Est-ce que vous accordez du crédit
23:34 politique à la notion d'insécurité culturelle,
23:39 évoquée par un républicain,
23:42 Laurent Bouvet,
23:44 qui considère que
23:47 certains citoyens,
23:49 se considérant comme des citoyens de souche,
23:53 peuvent ressentir une insécurité culturelle
23:56 quand ils ne retrouvent pas, si vous voulez,
23:59 leur précaré,
24:03 la France qui était la leur,
24:05 celle de leurs grands-parents, etc.
24:08 -Là, on s'éloigne un tout petit peu du débat.
24:13 Il se trouve que Laurent Bouvet était un ami très cher.
24:16 C'était, hélas, il y a maintenant plus d'un an.
24:20 Il avait forgé ce concept,
24:23 qui a d'ailleurs fait beaucoup débat,
24:25 qui a été contesté par un certain nombre de collègues à lui.
24:29 Mais je pense que Laurent Bouvet
24:32 était un observateur assez fin
24:34 de ce qui se passait dans la société.
24:37 Et justement, je rebondis sur l'histoire de l'offensive.
24:41 Moi, je maintiens qu'il y a une offensive,
24:44 et que cette offensive, souvent,
24:47 elle commence par l'école. Pourquoi ?
24:49 Parce qu'il y a des courants religieux,
24:52 qui sont des courants fondamentalistes,
24:54 rigoristes, qui visent à imposer
24:57 une certaine vision de la société,
24:59 et à considérer que toute personne supposément
25:02 appartenant à leur communauté
25:05 doivent agir de la sorte.
25:07 Donc oui, il y a du prosélytisme,
25:10 oui, il y a des provocations,
25:13 et oui, nous devons nous défendre,
25:15 non pas parce que la laïcité serait
25:17 quelque chose de violent ou d'excluant,
25:19 mais précisément, c'est très important,
25:22 ce qu'a dit M. Rohder à l'instant,
25:24 parce que nous nous défendons la liberté.
25:27 La liberté, c'est la liberté de croire,
25:29 mais aussi de ne pas croire.
25:31 Je veux la liberté pour les incroyants,
25:33 pour les agnostiques... -M. Morel,
25:36 est-ce qu'il y a ce prosélytisme au sein du Parlement européen ?
25:40 -Alors, oui, alors, nous avons été confrontés,
25:43 en effet, à plusieurs cas.
25:44 D'abord, vous avez le prosélytisme traditionnel
25:47 des catholiques, notamment, qui viennent de l'Est,
25:50 vous voyez bien, la Pologne et d'autres pays,
25:53 pour qui l'Europe n'est que chrétienne, en réalité.
25:58 Et donc, il y a des tentatives répétées
26:02 pour imposer une vision totalement univoque
26:06 de l'Union européenne,
26:07 dont le seul héritage serait chrétien.
26:10 Mais vous avez aussi, plus récemment,
26:12 des institutions européennes qui,
26:14 sous prétexte de valoriser la diversité
26:18 au sein de l'Union européenne,
26:20 se sont mis à faire de la publicité
26:22 pour le port du hijab, par exemple,
26:25 avec une campagne financée par le Conseil de l'Europe
26:28 qui disait "la beauté dans le hijab",
26:30 "la liberté dans le hijab",
26:32 que nous avons contesté, nous, députés européens,
26:35 parce que, justement, nous voulons une société
26:38 qui reconnaît le fait religieux et la diversité culturelle,
26:41 mais qui ne fasse pas de publicité
26:43 pour une fois ou pour une autre fois.
26:45 -Est-ce que vous considérez
26:47 que la corruption financière évoquée dernièrement
26:50 est aussi une atteinte à la laïcité ?
26:53 -Vous faites allusion au Qatar-Ghetto,
26:57 c'est-à-dire qu'il y a des allégations très graves
27:00 à l'encontre de collègues
27:01 qui auraient été corrompus par le Qatar.
27:05 Je vais vous dire la vérité, là, bon,
27:07 c'est déjà une affaire de gros sous.
27:10 Mais quand même, là où vous avez peut-être raison,
27:13 c'est que le Qatar a une stratégie politique
27:15 très sophistiquée
27:17 au sein du monde occidental,
27:21 qui consiste, bien sûr,
27:22 à financer un certain nombre de structures,
27:25 à acheter un certain nombre d'institutions,
27:28 de clubs de football, etc.,
27:30 pour faire aussi la promotion
27:33 d'une certaine idée de la foi,
27:36 et en l'occurrence, une idée très rigoriste,
27:39 voire même agressive.
27:40 Je finis juste un mot,
27:42 parce que je veux pas oublier, sur l'école,
27:46 et sur ce que madame Strauch-Bonnard disait,
27:49 il faut pas donner l'impression aux croyants,
27:52 et notamment les jeunes,
27:54 qu'on est dans le mépris ou dans le dénigrement.
27:58 Je partage tout à fait cet avis,
28:01 mais il faut quand même faire preuve
28:03 d'un minimum de pédagogie et de rappeler,
28:05 au sein de l'école, que la foi ne saurait prévaloir
28:08 sur le savoir.
28:09 Pourquoi je dis ça ?
28:11 Parce que, et ça, c'est un phénomène nouveau,
28:13 on est quand même obligés
28:16 de rappeler un certain nombre de choses
28:18 scientifiques et rationnelles.
28:20 Le monde n'a pas été créé en sept jours,
28:23 Adam et Eve ne sont pas nos arrière-grands-parents,
28:27 la Terre n'est pas plate, etc., etc.
28:30 Pourquoi je dis ça ?
28:32 Oui, non, mais parce qu'à la faveur
28:34 des réseaux sociaux, des fake news,
28:37 et aussi de la prégnance
28:40 de certaines idéologies religieuses,
28:43 on en revient à remettre en cause
28:45 des choses fondamentales
28:46 dans l'apprentissage du savoir.
28:48 Forcément, il faut se défendre,
28:50 et forcément, il faut se défendre
28:52 quand il y a une offensive,
28:54 c'est ce que nous faisons toutes et tous.
28:56 Les Français sont attachés à la laïcité.
28:58 -Rosa Cotter, M. Morel.
29:00 -Mais là...
29:01 Bon, c'est un petit peu exagéré,
29:03 parce que j'ai pas vraiment défendu
29:06 la lecture religieuse de la création du monde,
29:08 mais c'est le cas,
29:09 ça ne dépend pas que du modèle laïc.
29:11 Dans tous les pays occidentaux
29:13 et plein d'autres pays,
29:15 on fait la différence entre la science,
29:17 la raison et la foi.
29:19 Là, je veux dire, le sujet n'est pas...
29:21 Voilà un exemple
29:23 où on est en train de demander à la laïcité
29:26 quelque chose qui n'est peut-être pas son rôle.
29:29 La distinction entre la science et la foi,
29:32 il me semble qu'elle est de l'ordre de la sécularisation,
29:35 c'est un phénomène plus large.
29:37 -M. Lachère, je vais vous donner la parole,
29:39 pour vous dire que si c'est pour aborder
29:42 les questions religieuses, on va les aborder en deuxième partie.
29:46 -C'est...
29:47 Je ne voulais pas aborder la question de la religion,
29:50 d'abord parce que j'ai pas de compétences particulières
29:53 n'étant pas théologien,
29:55 et n'ayant pas fait d'études de théologie.
29:57 -Vivons une société où tout le monde s'exprime sur tout.
30:01 -En revanche, ce qui me semble important,
30:04 c'est cette notion d'offensive.
30:06 C'est une notion importante
30:09 parce qu'elle a des effets performatifs.
30:11 Les mots ont leur importance.
30:14 Je...
30:16 Non pas que je récuse totalement,
30:19 mais je...
30:20 Je suis très prudent sur la notion
30:24 parce que l'offensive, pardon,
30:27 suggère qu'il y a un bastion à prendre.
30:29 Bon. Or, je suis pas sûr
30:32 qu'il y ait un bastion à prendre.
30:35 Et puis, et alors là, je fais le sociologue,
30:38 je voudrais voir et je voudrais savoir
30:41 dans quels établissements
30:44 il y a ce type de pratiques,
30:47 ce type de conduite,
30:50 qui est une conduite de confrontation
30:53 et d'affrontement à l'égard de l'institution scolaire.
30:57 Où se trouvent ces établissements ?
31:00 Qui porte cette abaya ?
31:02 D'où viennent les gens qui portent cette abaya ?
31:05 Est-ce une immigration récente ?
31:08 Est-ce une vieille immigration ?
31:10 Personne ne le sait pour le moment
31:12 parce que tout le monde est focalisé sur le vêtement.
31:15 Mais la dimension sociologique,
31:18 le vêtement recontextualisé,
31:20 l'histoire de ce vêtement,
31:22 pas en l'air, c'est pas une histoire stratosphérique,
31:26 c'est une histoire qui a un sens
31:30 parmi les populations qui...
31:32 Qui pensent que cette abaya
31:37 doit...
31:39 doit être vue par tout le monde,
31:42 quel que soit le lieu, quelle que soit l'institution.
31:46 Donc il faut voir de plus près.
31:49 Et je voudrais juste préciser que,
31:52 en tout cas, pour ce que je sais,
31:54 donc c'est pas un savoir...
31:59 C'est pas un savoir qui ne peut pas être remis en cause,
32:02 mais les jeunes femmes qui portent cette abaya
32:06 sont des jeunes filles
32:09 qui sont nées en France, hein.
32:11 Qui sont nées en France.
32:13 Donc... Et d'ailleurs, peut-être, peut-être,
32:16 sont-elles même en désaccord avec les parents.
32:20 Bon, ça non plus, on ne le sait pas.
32:22 Mais ils ne viennent pas d'un autre pays.
32:27 Ils ne sont pas issus d'un autre continent.
32:29 Et surtout, surtout,
32:31 il faut être sérieux quand on parle de ces choses-là.
32:34 Je défie quiconque de me dire
32:39 que les jeunes femmes qui portent l'abaya
32:44 aient une quelconque culture religieuse.
32:47 Et je suis intimement persuadé
32:50 que ce savoir approximatif,
32:53 ce savoir totalement bricolé,
32:56 ce savoir ad hoc pour faire face à l'institution,
33:00 en fait, c'est de la deuxième, troisième ou quatrième main
33:04 de gens qui, effectivement, là,
33:06 peuvent y voir une manière d'entrer
33:10 dans une institution très importante
33:12 pour récupérer des gens qui incarnent l'avenir.
33:16 Et donc, ils ne sont pas dans une offensive
33:19 à l'égard de l'institution scolaire.
33:21 Ils sont dans des stratégies... Enfin, c'est pas des stratégies.
33:25 Ils sont dans des tactiques de petits pas
33:27 pour conquérir le plus d'espace possible dans la société.
33:31 -On vous a entendu.
33:32 Musique rythmée
33:34 ...
33:39 -Alors, écoutez, on va maintenant rentrer de plein pied
33:43 dans les relations entre laïcité et religion.
33:47 En France, d'après les statistiques actuelles,
33:51 mais qui sont valables pour les dix dernières années,
33:55 on considère qu'il y a à peu près 35 à 40 % de croyants,
33:59 moins de non-croyants,
34:01 31 %, bon, 15 % d'agnostiques.
34:04 Bon, ces chiffres varient un peu,
34:07 mais il y a quand même une stabilité.
34:10 Comment faire pour assurer une présence du religieux
34:15 sans porter atteinte à la laïcité
34:20 et au regard du fait que l'enseignement des faits religieux
34:24 qui a été prôné n'est pas une réussite ?
34:26 Laëtitia Strasbourg.
34:28 -Vous répondez en partie à la question.
34:30 Je pense que l'enseignement du fait religieux
34:33 devrait être plus importante.
34:35 Moi, dans mon cursus scolaire,
34:37 qui n'est pas si loin que ça,
34:39 je n'ai rien appris sur la religion,
34:41 et je le regrette,
34:43 parce que ce sont des faits de civilisation
34:46 et on ne peut pas considérer
34:48 que des milliers et des milliers d'années
34:51 de vie humaine avec une forte pratique religieuse
34:55 ne représentent rien,
34:56 même si aujourd'hui, nous sommes très loin de tout ça
35:00 pour différentes raisons.
35:01 Donc, je pense qu'on devrait avoir une attitude
35:04 un peu plus humble vis-à-vis du fait religieux,
35:07 et je le dis moi-même, sans être pratiquante
35:10 ou affiliée à une religion.
35:11 -On peut être pratiquant, rassurez-vous.
35:14 Si vous l'étiez, vous ne seriez pas excommunié de ce plateau.
35:18 -Je ne défends pas ma paroisse, en l'occurrence.
35:21 Mais le fait religieux a beaucoup à nous apprendre,
35:24 notamment parce que dans les textes religieux,
35:26 il y a quand même...
35:28 Il y a des éléments de sagesse aussi
35:30 qui n'ont pas disparu de nos sociétés.
35:32 On n'a pas... Le monde n'a pas recommencé
35:35 au moment des Lumières.
35:36 D'ailleurs, même selon certains philosophes,
35:39 les Lumières, peut-être, n'auraient pas existé
35:42 sans... des éléments religieux,
35:44 notamment le christianisme,
35:46 parce que, déjà, dans le christianisme,
35:49 il y a la racine de la sécularisation,
35:51 c'est-à-dire la séparation entre l'Etat,
35:55 le public et le privé.
35:57 Ce sont des choses passionnantes
35:59 qu'on n'apprend pas, parce qu'on a peur de la religion.
36:02 On a peur de la religion.
36:04 -Monsieur Roder, vous êtes enseignant.
36:07 Est-ce que vous arrivez à enseigner
36:10 les versets du Talmud,
36:14 les hadiths du Coran,
36:17 les Évangiles, est-ce que vous arrivez à le faire
36:21 d'une manière laïque ?
36:22 -Vous savez... -Et quel sens a-t-il ?
36:25 Comment faut-il s'y prendre ?
36:27 -Je n'en ai pas, en tant que fonctionnaire de la République.
36:30 Je dois suivre les programmes scolaires.
36:32 Ils ne me demandent pas d'enseigner
36:35 ce que dit le Talmud, ce que dit le Coran
36:37 ou ce que disent les Évangiles.
36:39 En revanche, tous ces ouvrages
36:42 peuvent être des sources
36:44 et sont vus et utilisés
36:46 comme des sources, à l'instar d'autres...
36:49 -Pardonnez-moi, monsieur Roder,
36:51 quand vous parlez de...
36:52 Je prends de certains préceptes.
36:56 "Tu ne tueras point,
36:57 "tu aimeras ton prochain comme toi-même,
37:00 "tu pratiqueras la charité", etc.
37:03 Ca a quand même un substrat religieux.
37:07 Est-ce que vous l'évoquez,
37:09 quand vous leur enseignez ces choses-là ?
37:11 -Oui. Vous savez,
37:14 je crois, et c'est très important,
37:17 d'abord qu'il faut absolument
37:20 recontextualiser ces histoires-là.
37:23 Il faut les remettre dans le contexte historique.
37:26 A partir de là, on peut aborder ces questions-là
37:30 en disant que ce livre dit cela,
37:33 voilà ce que cela signifie pour ceux qui adhèrent à cela,
37:36 mais vous devez vous mettre en retrait
37:39 et avoir cette position, on va dire, scientifique,
37:42 ce regard qui se veut un regard objectif,
37:45 et distancier. Ca, c'est absolument essentiel.
37:48 On peut tout enseigner à partir de cette attitude-là.
37:52 C'est ce qu'on demande à un enseignant,
37:54 cette distance, cette distanciation
37:56 et cette neutralité vis-à-vis du discours qu'il vient de lire.
38:00 C'est important. Je voudrais revenir sur quelque chose.
38:04 Ce qui me semble important, aujourd'hui,
38:06 c'est que nous avons un corps enseignant qui,
38:09 en grande partie, dans l'enseignement public,
38:11 est très détaché de ces questions religieuses.
38:14 Parce qu'ils sont passés par la même école que madame,
38:17 ces enseignants, souvent n'ont jamais entendu parler
38:21 de religion et de ce que cela signifie.
38:23 Et donc, parfois, ont du mal à comprendre
38:26 ce que peut avoir de profond
38:29 la foi et de fort,
38:32 c'est-à-dire de dynamique qu'elle peut porter.
38:35 Il y a quelque chose qui se passe parfois dans les classes
38:38 qui est une espèce, finalement, de confrontation
38:41 qui peut rester apaisée, mais d'incompréhension.
38:44 Quand on a un regard sur une religion,
38:49 ou sur la croyance, de manière générale,
38:51 qui est un regard un peu exotique,
38:53 on regarde ça un peu, "Il croit encore",
38:56 ça arrive, c'est comme ça,
38:57 on a du mal à comprendre ce que disent certains élèves
39:00 et ce à quoi ils s'attachent.
39:02 Je crois que c'est un vrai problème.
39:04 D'où l'intérêt, me semble-t-il,
39:07 de penser un enseignement laïque d'effet religieux ?
39:09 Ca veut dire quoi ? Je le dis en 30 secondes.
39:12 Ca veut dire, quelles sont les visions du monde
39:16 qui président à ces...
39:19 -Monsieur Roderre,
39:20 quand on nous enseigne l'économie, par exemple,
39:23 on peut avoir un enseignant qui est marxiste ou libéral
39:29 et on ne s'interroge pas s'il est marxiste ou libéral.
39:33 -Vous pensez que les élèves ne s'interrogent pas ?
39:36 -Je vous pose la question.
39:37 Pourquoi c'est plus difficile avec la religion ?
39:40 On a peur des religions ?
39:42 -Pour ce que je viens de vous dire,
39:44 je pense qu'il y a une grande ignorance
39:47 dans le corps enseignant.
39:48 Je ne devrais pas, bien sûr,
39:50 le sociologue Kessmahine Lachère comprend
39:53 qu'il ne faut pas généraliser, évidemment,
39:55 mais d'une manière générale, quand même,
39:58 on penserait que le corps enseignant dans l'école publique
40:01 est très éloigné de ces questions.
40:03 Il y a une gêne,
40:05 il y a peut-être une insécurité intellectuelle
40:08 quand on aborde ces questions-là,
40:10 d'autant plus que vous avez parfois des élèves en face
40:13 qui peuvent être vindicatifs,
40:15 ça arrive, Emmanuel Morel l'a dit,
40:17 et je suis assez d'accord avec ça.
40:19 Donc, voilà, il y a une...
40:21 Oui, un malaise, un malaise.
40:23 Et donc, il y aurait un gros travail de formation à faire
40:26 sur ces questions-là.
40:28 Après, sur la question de l'économie,
40:30 il y a moins d'enjeux, on va dire,
40:33 mais c'est pas parce que...
40:34 Enfin, vous savez, on a assassiné, vous l'avez dit,
40:37 on a décapité un enseignant sur des questions religieuses,
40:41 pas sur des questions économiques, donc les enjeux ne sont pas les mêmes.
40:45 -Ecoutez, monsieur Spahidlacher, on va laisser l'école de côté
40:49 et je voudrais interroger peut-être le juriste que vous êtes
40:53 sur un point précis
40:55 concernant la liberté d'expression.
41:00 La liberté d'expression,
41:02 c'est un principe révolutionnaire
41:05 qui date de plus avant la loi sur la laïcité.
41:09 Est-ce que vous considérez que, par exemple,
41:13 à l'Assemblée nationale, dans les débats,
41:16 quand on se jette plus que des noms d'oiseaux,
41:19 quand il y a des dérives verbales,
41:22 est-ce que c'est...
41:24 Quand il y a d'autres dérives verbales
41:27 sur les réseaux sociaux,
41:29 est-ce que ça, ce sont des atteintes à la laïcité,
41:32 puisque tout est mis sous le couvert
41:34 d'une défense de la laïcité ?
41:36 -Oui. Alors, pour des raisons de méthode,
41:41 je séparerais quand même l'Assemblée nationale
41:44 des réseaux sociaux.
41:46 Je suppose qu'on n'y dit pas la même chose,
41:49 que les débats ne sont pas organisés de la même manière
41:53 et on ne se lâche pas de la même manière
41:56 à l'Assemblée nationale que sur les réseaux sociaux.
42:00 Moi, je pense qu'on peut tout dire
42:04 dès lors que ce qui est dit
42:09 n'est pas un discours qui appelle à la haine
42:12 et n'est pas un discours qui trouble l'ordre public.
42:16 -Mais ça, c'est un principe général.
42:19 -C'est pas un principe général,
42:21 ça peut être un principe qu'on fait sien
42:24 et qui peut produire des effets d'autocensure.
42:29 Je n'insulte pas...
42:33 Si j'étais député,
42:35 je n'insulterais pas quelqu'un
42:38 parce qu'il a une couleur de peau
42:40 qui serait différente de la mienne,
42:42 je n'insulterais pas quelqu'un
42:44 parce qu'il fait partie des 89 députés du Front national.
42:47 Et voyez-vous...
42:49 Alors, je le dis, c'est même public,
42:53 si on vient me serrer la main,
42:56 si quelqu'un du Front national vient me serrer la main,
42:59 je ne lui refuserai pas ma main
43:01 parce qu'une main qui est donnée,
43:04 c'est une main qui est désarmée,
43:06 c'est une main qui n'a pas d'arme,
43:08 et donc je vois pas pourquoi je refuserais
43:11 de lui serrer la main,
43:13 même si on ne va pas dîner ensemble
43:15 et même si on ne prend pas le café ensemble.
43:17 Donc la liberté d'expression
43:19 est quelque chose d'extrêmement précieux,
43:22 que l'on peut remettre en cause à chaque moment.
43:26 C'est quelque chose qui a été douloureusement...
43:30 -Vous dites que vous êtes pour la liberté d'expression
43:33 jusqu'au droit au blasphème ?
43:35 -Absolument, vraiment,
43:37 alors là, sans aucune hésitation possible.
43:39 Et je dis même qu'on peut offenser
43:42 des croyances
43:45 ou on peut...
43:46 Je...
43:47 Mettons de côté le mot "offenser".
43:50 On peut critiquer radicalement
43:53 les croyances, les dogmes...
43:56 -Oui, mais certains considèrent
43:57 que c'est un trouble à l'ordre public.
44:00 -Non, critiquer la religion n'est pas un trouble à l'ordre public.
44:04 A ce moment-là, vous supprimez Charlie Hebdo.
44:06 Non, non.
44:07 Le...
44:10 Le blasphème est, si je puis dire,
44:13 si je puis m'exprimer ainsi,
44:15 est blasphématoire si on s'en prend aux personnes,
44:18 c'est-à-dire aux croyants.
44:20 Si on s'en prend aux dogmes,
44:22 si la critique s'exerce et se déploie
44:26 à l'égard des dogmes,
44:29 à l'égard des croyances,
44:31 à l'égard des visions du monde, il n'y a pas de...
44:34 -On vous a entendu.
44:35 M. Morel, je sais que vous voulez intervenir là-dessus,
44:38 mais je voudrais ajouter une question
44:40 parce que ça nous permettrait d'avancer dans le débat.
44:44 L'intolérance religieuse
44:46 conduit à la répression de jeunes femmes
44:49 en Afghanistan et aux meurtres en Iran,
44:53 où des gens sont assassinés
44:57 et quelquefois sauvagement.
44:59 On pourrait considérer,
45:01 c'est ce que nous considérons, comme des crimes d'Etat.
45:04 Est-ce qu'à votre avis, ça justifie un droit
45:08 et un devoir international d'ingérence ?
45:12 -C'est une très vaste question
45:15 qu'on ne réglera pas en cinq minutes.
45:18 -Le point de vue du législateur que vous êtes
45:21 est intéressant et important,
45:23 puisque vous êtes à la fois un législateur
45:26 et avec une casquette européenne.
45:28 -Le législateur considère qu'il faut sanctionner
45:32 et sanctionner durement les pays qui se livrent
45:35 à de tels agissements, ce qui est fait à l'encontre de l'Iran,
45:38 mais aussi de l'Afghanistan avec le retour des talibans.
45:42 Donc, à la fois sanction et puis soutien,
45:45 soutien inlassable aux femmes et aux hommes,
45:48 parce qu'en Iran, c'est quelque chose de formidable,
45:51 c'est que la mobilisation des femmes
45:53 est soutenue par les jeunes hommes,
45:55 qui, au péril de leur vie,
45:57 parce qu'on parle d'une jeunesse martyrisée,
46:00 défend le droit de vivre libre.
46:02 Donc, ça, c'est la première chose.
46:04 La deuxième chose, vous avez dit "droit au blasphème",
46:07 mais en France, il n'y a pas de droit au blasphème,
46:10 parce que le blasphème, ça n'existe pas.
46:13 La loi française ne reconnaît pas le blasphème
46:15 et nous sommes un État laïque,
46:17 il n'y a pas de religion d'État, donc il n'y a pas de blasphème.
46:21 Mais s'il y a bien une tradition française
46:23 qu'il faut perpétuer et qu'il faut chérir,
46:26 c'est le droit à l'irrévérence, à la satire,
46:29 à la critique fut-elle radicale
46:32 des dogmes, des religions et des clergés ?
46:34 Justement, si on a été aussi nombreux à se mobiliser
46:37 au moment du drame de Charlie Hebdo,
46:39 c'est parce que je pense que les assassins
46:42 avaient aussi touché quelque chose de spécifiquement français,
46:45 qui date de très loin,
46:47 Voltaire et même avant, jusqu'à Rabelais,
46:49 qui consiste à moquer parfois les dogmes
46:52 et ceux qui les professent.
46:55 Enfin, dernière chose,
46:56 parce que je pense que c'est une question très importante,
47:00 je crois qu'il faut enseigner le fait religieux,
47:02 comme on enseigne tous les récits fondateurs des civilisations.
47:06 C'est très important de connaître la Bible,
47:09 comme c'est très important de connaître Homère,
47:11 pour une raison simple aussi,
47:13 parce qu'à partir du moment où s'ouvre au monde de l'art,
47:16 la peinture, la littérature, la musique,
47:19 il est bien sûr qu'on va retrouver
47:21 des éléments de la Bible, du Nouveau et de l'Ancien Testament.
47:24 Je suis, par exemple, un fanatique de Jean-Sébastien Bach.
47:28 Jean-Sébastien Bach est pétri de culture religieuse.
47:31 Nicolas Poussin en peinture, c'est pareil.
47:33 C'est bien, donc, de connaître les dogmes
47:37 qui ont inspiré les oeuvres,
47:38 mais tout en ayant, et là, je rejoins totalement M. Roderre,
47:42 ce qu'il a appelé, je crois, un regard objectif et distancié.
47:46 C'est là que c'est parfois compliqué.
47:48 Je reviens encore une fois à Mme Rouche-Bouchard,
47:52 qui va croire que je veux absolument débattre avec elle.
47:55 Ce n'est pas vrai, mais elle dit que science et foi,
47:58 le débat est réglé depuis longtemps.
48:00 Mais ce n'est pas vrai.
48:02 Aujourd'hui, cela ne va pas de soi.
48:04 Je vais vous prendre un pays qui est spécialiste
48:06 d'une forme de relativisme, les Etats-Unis d'Amérique,
48:10 où certains Etats, aujourd'hui, ne tolèrent pas
48:13 qu'on enseigne...
48:14 Qu'on enseigne...
48:16 Certaines choses en biologie et en histoire
48:19 au nom du créationnisme.
48:21 Je m'excuse, mais c'est un combat qui est encore d'actualité.
48:24 -Je n'ai pas du tout dit ça.
48:26 -Vous avez dit... -Elle va vous répondre.
48:28 -Non, mais je crois que vous avez dit
48:30 que le débat entre science et foi a été réglé.
48:33 D'ailleurs, aujourd'hui, la menace des putancèles
48:36 des créationnistes,
48:38 c'est que d'une certaine gauche woke...
48:41 Pardon, je ne pensais pas évoquer ça,
48:43 mais qui nie aussi les vérités scientifiques
48:46 au nom de l'idéologie. -Je suis d'accord.
48:48 On ne doit pas nier les vérités scientifiques
48:51 au nom des idéologies. -Ce que j'ai essayé de dire,
48:54 c'est que ça n'est pas propre à la laïcité
48:57 de vouloir séparer la science et la foi.
48:59 Et j'ajouterai aussi que...
49:02 Peut-être que ça va moins vous plaire,
49:04 qu'il y a beaucoup de grands scientifiques
49:07 qui sont aussi très croyants,
49:09 au sens où la séparation entre science et foi
49:11 se fait parfois à l'intérieur des individus.
49:14 C'est cette complexité de l'être humain
49:16 que je trouve intéressante.
49:18 Après, face à certaines difficultés,
49:20 on est très loin de cet enjeu-là,
49:22 et l'enjeu, il est plus compliqué,
49:25 mais en même temps plus simple,
49:26 qui est de dire que vous laissez la foi
49:29 en votre fort inférieur
49:30 et vous apprenez la science,
49:32 parce que c'est comme ça
49:34 que nos sociétés fonctionnent.
49:36 Mais on n'est pas tellement en désaccord.
49:39 -Je voulais juste, mais c'est très court,
49:41 je voulais juste rectifier,
49:43 ou plus exactement préciser ce que j'avais dit tout à l'heure
49:47 sur la question du blasphème.
49:49 En fait, la question du blasphème, ou le problème du blasphème,
49:53 c'est d'abord un problème des dévots,
49:55 c'est pas du tout le problème des blasphémateurs.
49:59 C'est d'abord le problème des gens qui se sentent blasphémés.
50:03 -Le monde évolue.
50:05 Il n'est pas dicté uniquement
50:08 par l'universalisme français.
50:10 On observe ce communautarisme partout
50:13 et on observe une division du monde, aujourd'hui,
50:17 entre des pays autoritaires,
50:19 avec, quelquefois, de véritables dictatures.
50:23 Est-ce qu'à votre avis,
50:25 au regard de cette évolution stratégique,
50:27 socioculturelle,
50:29 la laïcité française doit-elle rester immuable,
50:33 une exception culturelle,
50:35 ou nécessitent-elles quelques adaptations ?
50:38 Laëtitia Chosonard.
50:40 On a un peu de temps, mais c'est un peu la conclusion,
50:44 si vous voulez, qu'on voudrait dire, donner.
50:47 -Mais j'ai du mal à voir en quoi la laïcité doit être reliée
50:51 à des problématiques internationales.
50:53 Vous semblez relier les deux.
50:56 -Oui, parce que la France est dans le monde...
50:59 -Oui, mais... -Oui, c'est...
51:01 La culture n'est pas que française.
51:04 -Oui, bien sûr, mais c'est pas parce que des dictatures
51:07 s'affirment qu'on a varié sur notre position sur la laïcité.
51:11 On a déjà des débats intérieurs suffisamment complexes
51:14 entre gens qui sont d'ailleurs plus ou moins d'accord.
51:17 Enfin, moi, je vois pas forcément un enjeu international,
51:23 à moins que j'ai mal compris votre question.
51:26 -Vous ne voyez pas la possibilité
51:28 de variations anthropologiques, en quelque sorte,
51:31 par rapport à ce qui se passe dans le monde aujourd'hui ?
51:34 -Ce qui est vrai au niveau international,
51:37 c'est qu'il y a une pression, notamment par la presse
51:40 nord-américaine, par exemple, sur la laïcité française,
51:43 qui ne comprend pas, je pense, au New York Times,
51:46 au Washington Post, qui ne comprennent pas
51:48 ce que veut dire la laïcité française,
51:51 et qui, de fait, défendent un autre modèle culturel
51:54 et donc, par conséquent, un autre modèle politique.
51:57 Mais je suis d'accord avec ce que vous venez de dire.
52:00 Et alors ? Les Américains ont le droit de penser ce qu'ils veulent.
52:03 Ils n'ont pas notre histoire, la profondeur de notre histoire,
52:07 et ils n'ont pas notre conception républicaine.
52:12 C'est une autre conception.
52:14 Nous nous sommes construits sur cette idée,
52:16 sur cette conception, et donc, au cœur de laquelle
52:19 nous trouvons la laïcité, je ne vois pas pourquoi,
52:22 parce qu'il se passe des choses en Amérique du Nord
52:25 ou il se passe d'autres choses ailleurs,
52:27 nous aurions à changer de ce modèle.
52:30 Voilà, je pense que ce modèle, il a fait justement ses preuves.
52:33 Nous vivons, jusqu'à preuve du contraire,
52:36 dans une société beaucoup plus apaisée
52:38 que la société nord-américaine,
52:40 et je crois que la laïcité n'y est pas étrangère.
52:43 -M. Lagère, sur ce point.
52:44 -Si on reste dans le Nord,
52:46 bien évidemment, ces débats sont importants,
52:49 et la question de l'universalisation de l'universel,
52:53 effectivement, est un débat qui ne cesse...
52:56 qui ne cesse de...
53:00 de circuler dans les pays du Nord.
53:02 Mais si vous descendez,
53:03 si vous allez dans les pays du Sud,
53:06 et pour une ère géopolitico-culturelle
53:10 que je connais un peu,
53:11 qu'est le monde arabe, par exemple,
53:14 la question de la laïcité,
53:16 pour certains,
53:18 et pour de plus en plus de personnes,
53:21 est un enjeu extrêmement important.
53:23 Je pense en particulier... -On peut pas développer...
53:26 -Oui, mais pourtant, je vous assure,
53:29 c'est important, parce que, voyez-vous,
53:31 si on devait faire preuve de solidarité, par exemple,
53:34 avec les femmes afghanes, avec les Iraniennes, etc.,
53:38 eh bien, il faut penser que,
53:41 dans ces pays-là,
53:43 pour certaines fractions de ces populations,
53:46 l'universel existe, la laïcité peut exister,
53:49 et la laïcité, c'est tout simplement
53:51 la disjonction entre le temporel et le spirituel.
53:54 -Merci. M. Morel, un point, si vous voulez,
53:56 pour conclure, sur...
53:58 Est-ce que ça doit rester immuable,
54:01 ou vous, qui êtes au contact
54:03 de 27, voire plus,
54:07 de pays européens,
54:08 est-ce qu'il y a quelque chose à bouger
54:11 ou ça doit rester...
54:13 -D'abord, j'abonde totalement
54:14 dans le sens de M. Lachère.
54:16 Je suis président de la délégation Maghreb
54:19 au Parlement européen, et je peux vous dire,
54:21 pour bien fréquenter les sociétés civiles
54:23 des pays du Maghreb, que la question de la laïcité,
54:26 du rapport à la religion, ne va pas de soi,
54:29 et qu'il y a des gens, aujourd'hui,
54:31 qui se battent pour conquérir ce type de droit.
54:34 Mais je finirais en reprenant ce que vous avez dit,
54:36 vous avez parlé d'universalisme.
54:38 Et justement, au moment où se multiplient
54:41 les différentialismes,
54:43 au moment où accroît parfois
54:45 ce qu'on appelle le relativisme,
54:47 il est bien de redire,
54:48 que ce soit français ou non,
54:50 il est bien de redire qu'il y a des principes
54:52 qui sont universels. Ce que nous prouve
54:55 le combat des femmes iraniennes, par exemple,
54:57 c'est qu'il y a des principes universels
55:00 qui valent partout dans le monde,
55:02 et pas seulement sur tel ou tel territoire.
55:04 C'est une leçon formidable,
55:06 parce qu'aujourd'hui, l'universalisme
55:08 est contesté, à droite, aussi parfois à gauche,
55:11 et il faut qu'il y ait de plus en plus de gens
55:14 qui s'y confondent. -Merci beaucoup.
55:16 Je dois vous présenter une brève bibliographie.
55:19 Smaïne Lachère, vous avez publié
55:23 "L'affaire Mila, victimes, agresseurs,
55:27 "haine en ligne",
55:28 à Fondation Jean Jaurès et Loeb.
55:31 Je voudrais également signaler un autre ouvrage
55:35 que vous avez publié,
55:37 et qui s'appelle "Jugez la terreur,
55:39 "le procès des attentats de janvier 2015",
55:43 à Loeb.
55:44 Laetitia Stross-Bonard,
55:47 nous avons déjà présenté votre livre
55:49 au cours d'une émission précédente.
55:51 On l'a évoqué au cours de l'émission,
55:54 "De la France".
55:55 C'est à la fois édité par Perrin et Presse de la Cité,
55:59 donc c'est, j'allais dire, une balade, enfin, une balade.
56:02 C'est une excursion quasiment ethnologique
56:07 et culturelle de ce que sont les Français aujourd'hui.
56:12 Alors, je voudrais...
56:14 M. Yanis Roder,
56:16 vous avez publié un livre,
56:18 alors, dont on a beaucoup parlé, en tout cas,
56:21 au cours de cette émission,
56:23 à savoir "La jeunesse française, l'école et la République".
56:28 C'est le témoignage de votre exercice professionnel.
56:32 -C'est pas seulement le témoignage,
56:34 c'est aussi une analyse de beaucoup d'enquêtes
56:37 sur ces questions-là.
56:38 -Donc une analyse de beaucoup d'enquêtes,
56:41 donc vous voyez, on part du particulier,
56:44 mais à l'universel,
56:46 et je dois signaler aussi,
56:49 puisqu'on a parlé de Laurent Bouvet,
56:52 "Portrait d'un intellectuel engagé",
56:55 ça a été publié aux éditions de l'Observatoire.
56:59 M. Morel, vous voulez signaler un livre ?
57:02 Vous avez publié plusieurs ouvrages
57:04 qui sont pas tout à fait dans le cadre de la laïcité,
57:07 mais je vous laisse en signaler un seul, si vous voulez bien,
57:10 avant de terminer cette émission.
57:12 -D'abord, j'ai contribué au livre sur Laurent Bouvet,
57:15 je vous recommande vraiment ce livre, j'y ai fait un long article.
57:19 Je vais vous recommander un livre pratique,
57:21 "Le maire et la laïcité, réponse pratique",
57:24 c'est un avocat, Philippe Bluteau, qui est très talentueux
57:27 et qui répond à toutes les questions pratiques
57:30 que peuvent se poser les élus, mais aussi les citoyens,
57:33 sur la laïcité au quotidien. C'est très bien fait
57:35 et en plus, tout un rappel de la jurisprudence
57:38 des juridictions administratives.
57:40 -Merci beaucoup.
57:41 Je voudrais vous remercier, madame, messieurs,
57:44 d'avoir participé à cette émission.
57:47 Je voudrais remercier l'équipe de LCP
57:50 et, avant de vous quitter,
57:51 je voudrais vous laisser avec cette pensée,
57:54 je voudrais rendre hommage ici à Samuel Paty,
57:57 et donc je vous laisse avec cette pensée.
58:00 C'est un débat essentiel de convaincre
58:03 la jeunesse de la puissance de nos valeurs universelles
58:07 et de la laïcité synonyme de liberté.
58:11 L'enseignant Samuel Paty est mort pour avoir défendu cette liberté.
58:17 C'est une pensée, une citation de Manuel Valls.
58:21 ...

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