Ces idées qui gouvernent le monde - Remise en cause du travail

  • l’année dernière
Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcript
00:00 ...
00:23 -Le travail, c'est la santé.
00:27 Rien faire, c'est la conserver.
00:31 Les prisonniers du boulot
00:35 font pas de vieux os.
00:38 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:41 Nous allons vous parler de la remise en cause du travail.
00:45 La chanson d'Henri Salvador,
00:47 dont vous venez d'écouter le fameux refrain,
00:50 si populaire à la fin des années 60,
00:52 a l'actualité d'une fable de La Fontaine.
00:55 C'est dire si elle exprime une vérité passée,
00:58 mais qui demeure contemporaine.
01:00 En témoigne la vivacité critique
01:02 à l'égard du prolongement de l'âge de la retraite,
01:05 tant le rapport au travail a changé
01:07 dans nos sociétés de consommation et de loisir.
01:10 Première clarification,
01:12 la dimension anthropologique du travail
01:15 recouvre des potentialités sociales distinctes.
01:19 Entre le salarial, les travailleurs indépendants,
01:22 les professions libérales, les agriculteurs,
01:25 les ouvriers, etc.
01:26 A cela s'ajoute la modification des conditions de travail,
01:30 la dématérialisation due au télétravail,
01:33 l'automatisation des tâches,
01:35 les nouveaux modes d'organisation
01:37 où travail et non-travail se chevauchent.
01:40 Il n'est pas, il n'est plus aisé de définir
01:43 une identité sociale et professionnelle du travail
01:47 parce que la valeur émancipatrice et progressiste du travail
01:51 fait concurrence à un nouvel art de vivre
01:56 plus individualisé et qui place la vraie vie,
02:01 sans qu'on sache ce que cette expression hédoniste signifie
02:06 et recèle avant le travail.
02:08 De tout cela, nous allons vous parler
02:10 avec mes invités que je vous présente.
02:13 Clara Guémard, vous êtes dirigeante d'entreprise
02:17 et vous êtes cofondatrice de Reis,
02:20 vous nous direz ce qu'est Reis.
02:22 Alain Wilmer, vous êtes économiste
02:25 et directeur de la chaire TDTE,
02:28 Transition démographique, transition économique.
02:33 Jean-Claude Mailly, vous êtes ancien secrétaire général
02:36 de Force ouvrière.
02:37 Et Nicolas Meyère-Rossignol, que nous avons avec nous
02:41 et que je remercie en visioconférence,
02:44 qui est maire de Rouen, président de la métropole.
02:48 Et vous êtes également premier secrétaire délégué
02:51 du Parti socialiste.
02:53 Alors, vous venez de voir cette citation d'Éric Ciotti.
03:05 "Je suis là de ce bashing permanent du travail
03:08 "et de cette éloge de la paresse portée par l'extrême-gauche."
03:12 On est en plein dans l'actualité.
03:14 Derrière la réforme des retraites,
03:17 qui a fait l'objet d'une procédure de 49-3,
03:19 et les motions de censure qui ont été rejetées,
03:22 la réflexion s'oriente désormais sur le travail.
03:26 Ce qu'il en est et ce qu'il sera,
03:29 quel lien faites-vous entre la question des retraites
03:33 et la remise en cause du travail ?
03:35 Jean-Claude Mailly.
03:36 -La seule question qu'il faut se poser,
03:39 c'est pourquoi des salariés, si l'on parle des salariés,
03:43 ne veulent pas travailler plus longtemps ?
03:46 C'est la raison qu'ils font.
03:48 Il y a les questions de pénibilité, pénibilité physique,
03:52 qu'ils ne se sentent pas bien dans leur peau,
03:55 qu'ils sont moins bien rémunérés.
03:57 Il y a des gens prêts à travailler plus longtemps.
04:00 Le problème, c'est ceux qui sont les plus percutés
04:03 par le projet de réforme du gouvernement,
04:06 à savoir les populations les moins qualifiées
04:09 et aussi ce qu'on appelle les catégories intermédiaires,
04:13 les classes moyennes.
04:15 Ce sont ceux-là qui ont...
04:18 Enfin, difficulté dans leur relation de travail.
04:21 Ils expriment de nouvelles aspirations différentes.
04:24 Et puis, aussi, je pense que la crise pandémique
04:28 a transformé certaines choses.
04:30 Le développement, par exemple, du télétravail,
04:33 mais le télétravail ne concerne pas tout le monde.
04:37 C'est un économiste Bruno Pallier
04:39 qui fait la distinction entre les cerveaux et les servants.
04:43 Les cerveaux sont les essentiels pendant la crise sanitaire,
04:46 ceux qui ne pouvaient pas télétravailler.
04:49 Et c'est ceux-là qui sont les moins payés.
04:52 Ca pose un problème à la fois de politique globale
04:55 vis-à-vis du travail et de l'évolution du rapport au travail.
04:59 -Clara Guémard, quel lien voyez-vous
05:02 dans le malaise social et la question du travail ?
05:05 -Le malaise est beaucoup plus profond
05:08 que simplement l'approche du travail.
05:11 C'est la question de sens.
05:13 Quel sens on donne à sa vie ?
05:15 Quelles priorités on donne à sa vie ?
05:17 Et c'est vrai que tout le cheminement
05:20 qu'on a eu depuis les années 70,
05:22 avec la standardisation, la mondialisation,
05:27 le fait que dans les grandes entreprises,
05:30 on ait fait des fonctionnements transversaux,
05:34 dans le jargon, on appelle ça "matriciel",
05:37 a à la fois donné le sentiment que les gens étaient remplaçables,
05:41 interchangeables,
05:42 c'est ce qu'a très bien expliqué Cynthia Fleury,
05:45 et que, finalement, la matrice était plus importante
05:48 que les personnes.
05:50 Ce qui me semble essentiel, c'est qu'aujourd'hui,
05:53 on le voit dans la vitalité des startups,
05:56 des jeunes entreprises,
05:57 dans la vitalité du métier qu'on fait,
06:00 puisque nous sommes des investisseurs.
06:03 Avec Gonzague de Blinière, on a créé une société d'investissement
06:07 qui investit dans les entreprises en croissance.
06:10 On a la chance d'être dans le vivier
06:14 qui fourmille et qui est créatif,
06:17 mais toutes les personnes, hommes et femmes,
06:20 qui sont entrepreneurs,
06:22 ils cherchent à construire du sens.
06:25 C'est d'ailleurs pour ça qu'ils se développent énormément
06:28 sur des sujets, sur la biodiversité, le changement climatique.
06:32 -Je voudrais vous poser une question personnelle.
06:35 Vous avez dirigé une très grande entreprise.
06:38 -Oui.
06:40 -Aujourd'hui, vous êtes dans une petite entreprise.
06:43 Est-ce que c'est par rapport à ce que vous venez de dire
06:47 que vous avez quitté ce grand machin
06:50 pour quelque chose de plus humain
06:52 et qui a plus de sens que le...
06:54 -C'est pour plusieurs raisons.
06:56 D'abord, parce que j'avais envie d'aider mon pays.
06:59 Il y avait beaucoup de "french bashing",
07:02 cet article de Libération qui disait à jeunes de France
07:05 "Barrez-vous, l'avenir est ailleurs".
07:08 On s'est dit qu'on avait eu la chance de réussir grâce à la France,
07:12 d'autant plus que je suis une femme et que j'ai eu beaucoup d'enfants.
07:16 C'est un pays qui m'a permis de travailler
07:18 et d'être père de famille, ce qui n'est pas vrai
07:21 ni en Allemagne, ni en Espagne, dans les pays voisins.
07:24 On s'est dit ce qu'on pouvait faire pour aider notre pays.
07:28 On a voulu créer quelque chose qui permettait d'accompagner
07:31 ceux qui créent des emplois, les jeunes entrepreneurs.
07:35 C'est un investissement qui permet d'investir dans les entreprises
07:39 et de donner la moitié de ce qu'on gagne à des jeunes entrepreneurs.
07:43 C'était plutôt l'idée de se dire comment, nous,
07:46 on peut participer au fait que les gens,
07:48 non seulement y aient de la création d'emplois,
07:51 mais d'emplois pour lesquels les gens sont heureux de travailler.
07:55 Nous, on a aujourd'hui démarré à deux,
07:58 on a 90 personnes. -Vous êtes revenue.
08:00 Vous avez quitté 30. -Je voudrais dire
08:03 une chose importante, c'est qu'on est à parité totale.
08:06 Quand on a démarré, les gens nous ont dit
08:09 "qui vous allez recruter qui va donner 50 % de ce qu'il gagne ?"
08:12 Aujourd'hui, on est 90, on a démontré que la générosité
08:15 était un moteur économique et les gens viennent chez nous
08:19 parce que nous sommes porteurs de sens.
08:21 -Vous avez quitté la... -Général Electric.
08:24 -En 2016. -En 2016.
08:26 Alors, Nicolas Meillard-Rossignol,
08:28 vous avez entendu parler
08:31 de manque de sens du travail.
08:34 Vous, qui êtes à la tête,
08:37 ou à, j'allais dire, en collaboration
08:40 d'un parti important, le Parti socialiste,
08:43 est-ce que vous constatez que le travail manque de sens aujourd'hui
08:49 et quel lien vous faites entre l'agitation sociale
08:55 liée à la réforme des retraites et la question du travail ?
09:00 -D'abord, si vous permettez de corriger un point,
09:05 je ne parlerai pas d'agitation sociale.
09:08 C'est une protestation qui, de mon point de vue,
09:11 est parfaitement légitime.
09:13 Ce n'est pas une agitation.
09:15 Je referme la parenthèse.
09:17 Sur le travail,
09:20 oui, à la question du sens,
09:22 pour moi, je dirais que, particulièrement depuis la crise Covid,
09:27 et on le voit aussi dans la crise qu'on vit en ce moment sur les retraites,
09:31 il y a trois mots-clés qui me frappent.
09:33 Il y a d'abord la question de la soutenabilité au travail,
09:37 ce que dit notamment Dominique Méda,
09:39 mais c'est un sujet de débat qui convoque de nombreux intellectuels.
09:43 On le voit à travers le débat sur la pénibilité, par exemple,
09:47 et plus largement.
09:49 Comment est-ce qu'on peut accepter de continuer d'exercer des métiers
09:53 qui, pour certains, sont reconnus comme pénibles,
09:56 et d'autres ne le sont pas, alors que plus personne ne veut y aller ?
09:59 Je pense, par exemple, à l'hôpital public
10:01 ou à certains métiers dans le secteur de l'enfance ou de l'éducation.
10:04 Quand les gens ne veulent plus y bosser,
10:07 c'est notamment parce qu'il y a une forme d'insoutenabilité,
10:10 en particulier quand l'âge avance.
10:12 Donc, d'abord, la question de la soutenabilité au travail,
10:15 qui, pour moi, est un des grands sujets
10:17 que pose notre rapport au travail aujourd'hui,
10:20 avec l'évolution notamment démographique.
10:22 Deuxièmement, ce que vous avez dit sur le sens donné au travail.
10:26 Je ne dirais pas qu'il y a une perte de sens,
10:29 je dirais qu'il y a une recherche de sens.
10:31 On le voit très bien chez les jeunes,
10:33 les manifestations des ingénieurs de l'agro, de Polytechnique,
10:36 de Normale Sup, et bien au-delà,
10:39 des jeunes salariés qui veulent trouver un engagement.
10:42 On l'a vu, par exemple, dans les débats sur la loi PACTE,
10:45 sur les entreprises à mission, les entreprises à objet social étendu,
10:48 ce qu'on appelle la RSE, et parfois ses déviances.
10:51 Mais il y a quand même une forme de pression salariale
10:55 qui est bienvenue, et pas qu'en France,
10:57 qui est assez globalisée maintenant,
10:59 pour qu'y compris dans le secteur privé,
11:01 on s'oriente vers des métiers et des travaux
11:04 qui aient du travail, qui aient plus de sens.
11:07 Et puis, il y a une troisième notion
11:09 que, pour ma part, je me garderais bien de définir,
11:11 mais qui est, d'une certaine façon, le bonheur au travail,
11:14 ou l'émancipation au travail,
11:16 c'est-à-dire comment est-ce qu'on s'épanouit dans le travail
11:20 et par le travail ?
11:22 Il y a la question de la loi PACTE,
11:24 il y a la question du travail socialiste,
11:26 il y a la question du temps de travail,
11:28 mais il n'y a pas que ça.
11:31 Il y a aussi, par exemple, la représentation
11:33 des salariés dans l'entreprise, dans la gouvernance de l'entreprise.
11:35 Ça aussi, c'est une forme d'émancipation et d'épanouissement.
11:37 Je dirais qu'il y a la question de la valorisation des métiers,
11:40 de l'utilité sociale-écologique des métiers,
11:43 parce qu'on voit qu'avec l'évolution du monde,
11:45 certains métiers devraient probablement être plus valorisés
11:47 qu'ils ne le sont.
11:49 Tout à l'heure, j'ai entrainé à parler
11:52 de métiers qui ne sont pas absolument certains,
11:54 je crois même tout à fait le contraire.
11:56 Et on voit aussi que par rapport à la transition écologique,
11:58 il y a des métiers, et peut-être aussi des nouveaux métiers
12:00 qui sont de plus en plus essentiels pour le coup
12:02 et en tout cas mal valorisés dans notre société.
12:05 Donc je ne veux pas être trop long,
12:07 mais l'insoutenabilité de métiers et du travail,
12:09 c'est clairement un sujet
12:11 qui pour l'instant n'est pas suffisamment travaillé,
12:13 si je puis me permettre ce jeu de mots.
12:16 Le sens et la recherche de sens au travail,
12:18 et ça, c'est pour moi quelque chose d'intéressant,
12:20 parce que c'est une façon de rassembler
12:22 des forces, pas que publiques,
12:24 mais publiques et privées et citoyennes
12:27 vers un même objectif, par exemple,
12:29 celui de la transition sociale écologique.
12:31 Et puis enfin, effectivement, cette question si difficile
12:33 de bonheur et d'émancipation par le travail,
12:35 je dis qu'elle est si difficile
12:38 parce qu'elle réclame aussi un projet politique,
12:40 et elle pose la question de la place,
12:42 notamment des entreprises, pas uniquement,
12:44 mais notamment des entreprises dans nos sociétés.
12:46 -M. Meilleur-Rossignol,
12:49 notre émission n'est pas sur les retraites,
12:51 mais sur le travail.
12:53 Mais vous êtes un responsable politique important.
12:56 Très brièvement,
12:58 au malaise social actuel,
13:02 quelle issue vous verriez
13:05 pour que la tension baisse ?
13:09 Mais brièvement,
13:12 parce que le sujet est le sens du travail.
13:16 Je vais vous répondre par deux syllabes.
13:19 Retrait.
13:21 Retrait national.
13:23 -Bon, alors,
13:26 puisque vous restez sur le retrait,
13:28 je vais demander à M. Villemeur
13:30 cette question démographique que vous connaissez bien.
13:33 Est-ce qu'elle plombe le régime des retraites ?
13:36 Et comment on peut faire le lien
13:41 avec la question du travail ?
13:44 -Alors, effectivement,
13:46 la population française vieillit.
13:50 C'est un phénomène qui existe depuis plus de 10 ans.
13:53 Ce qui veut dire très concrètement
13:55 qu'il y a de plus en plus de personnes de plus de 60 ans,
13:58 de plus en plus de retraités.
14:01 En même temps, il y a de moins en moins de jeunes
14:04 qui arrivent sur le marché du travail.
14:06 Ce qui est tout à fait bénéfique,
14:08 c'est qu'il y a de plus en plus de gens qui travaillent.
14:12 Ce qu'on n'a pas dit assez, c'est que depuis 7 à 10 ans,
14:15 il y a de plus en plus de jeunes qui travaillent,
14:18 il y a de plus en plus de seniors qui travaillent,
14:21 et que tout ça est très positif.
14:25 Mais il n'en demeure pas moins qu'effectivement,
14:28 il est évident qu'il y aura un problème
14:31 de financement des retraites dans les 10 prochaines années.
14:34 Même si actuellement, il n'y a pas un déficit très important,
14:37 il va de soi qu'il y aura un déficit.
14:40 Il y a des estimations de 10, 15 milliards dans les 10 ans.
14:43 C'est pour ça qu'en tant qu'économiste,
14:47 je pense qu'il fallait faire une réforme des retraites.
14:50 -Et l'argument financier vous paraît consolider
14:54 la nécessité d'une réforme,
14:57 à savoir que la France est très endettée,
15:01 la hausse des taux d'intérêt est dans,
15:05 il y a besoin d'avoir une cagnotte.
15:08 C'est d'ailleurs ce qu'ont reproché les syndicats.
15:11 -Il y a besoin, dans les 10 ans qui viennent,
15:14 d'assurer le financement des retraites.
15:16 Si on ne veut pas baisser les retraites
15:19 dans les 10, 15 ans qui viennent,
15:21 il faut, face à cette vague démographique,
15:23 face au vieillissement de la population,
15:25 il faut effectivement faire une réforme des retraites.
15:28 C'est pas pour ça que je pense qu'il fallait faire cette réforme.
15:32 On avait pris position, du côté de la chaire,
15:36 Transition démographique, Transition économique,
15:39 pour une réforme des retraites, il y a plus d'un an,
15:42 qui met au départ la réflexion et le débat sur le travail,
15:45 les conditions de travail,
15:48 avant de faire cette réforme des retraites.
15:51 On avait souligné l'importance de réfléchir
15:54 sur les conditions de travail,
15:56 l'importance de la formation des seniors, par exemple,
15:59 qui est absolument insuffisante en France.
16:03 On avait mis le doigt sur l'importance d'un débat
16:07 sur le travail.
16:09 Je trouve que, de ce point de vue-là,
16:12 les pouvoirs publics semblent s'engager
16:15 dans une réflexion sur les conditions de travail,
16:19 sur la formation, et ça me paraît une excellente chose.
16:22 -M. Mailly, vous vouliez peut-être dire quelque chose.
16:25 -Oui, c'est ce que je veux dire.
16:27 Quand on regarde sur les marchés financiers,
16:31 je pense pas qu'aujourd'hui,
16:33 les principales inquiétudes sont la réforme des retraites en France.
16:37 Si on regarde le taux d'intérêt à 10 ans,
16:40 c'est, je crois, 0,15 ou 0,20.
16:42 C'est pas grand-chose.
16:44 -Ils en ont à plein financier.
16:47 -Je pense que, depuis le début,
16:49 tous les arguments utilisés par le gouvernement
16:52 sont tombés à l'eau.
16:54 Tout le monde a prouvé que c'était pas une réforme juste.
16:57 C'est pour financer la santé ou l'école,
17:00 et le gouvernement va aux retraites.
17:02 Tous les arguments ont été démontés, d'une certaine manière.
17:06 Alors, si, effectivement, à terme,
17:08 moi, je ne conteste pas qu'à terme,
17:11 après, pas à 30 ans, les prévisions à 30 ans n'ont guère de sens,
17:14 mais s'il y a des problèmes financiers,
17:17 il faut regarder ces problèmes financiers.
17:20 Mais il y a d'autres moyens pour régler ces problèmes financiers
17:24 que de reculer l'âge autoritairement.
17:27 Je veux rappeler une chose qu'on ne souligne pas.
17:30 L'âge de la retraite est plus tardif.
17:32 Si on présente les choses autrement,
17:35 quel est l'âge en France où on peut prendre sa retraite à taux plein ?
17:39 C'est 67 ans. Ne l'oublions pas.
17:41 Et si on a tous nos trimestres et 62 ans, on peut partir.
17:45 En Allemagne, c'est 65 ans.
17:47 Mais on peut partir à partir de 63 ans
17:50 avec au moins 35 ans de cotisation, avec une décote à ce moment-là.
17:54 Donc, voilà, c'est pas...
17:56 -On va revenir sur la question du travail.
17:59 Alors, monsieur Meier-Rossignol,
18:02 il n'y a pas qu'Éric Ciotti,
18:05 patron des Républicains, pour défendre le travail.
18:10 Fabien Roussel du Parti communiste a pu dire
18:13 "La gauche doit défendre le travail
18:16 "et ne pas être la gauche des allocations
18:19 "et des minimas sociaux."
18:21 À quoi Sandrine Rousseau a rétorqué
18:25 "La valeur travail est clairement une valeur de la droite."
18:29 Où vous situez-vous sur la valeur travail,
18:32 monsieur Meier-Rossignol ?
18:34 Par rapport à ce climat, à ce clivage idéologique.
18:40 -Oui, je sais pas si c'est un clivage idéologique
18:43 ou si c'est une battle de punchline, en bon français,
18:47 parce que là, on est plutôt dans ce registre, franchement.
18:50 D'abord, les cotisations, c'est un salaire différé.
18:54 C'est un choix politique de permettre à une société
18:58 et aux uns et aux autres dans cette société
19:01 d'avoir une partie de son salaire prélevé
19:04 pour pouvoir en profiter plus tard ou à d'autres moments
19:07 quand c'est plus difficile, plus pénible,
19:10 pour des raisons de santé, de vieillesse, de prévoyance.
19:14 Donc franchement, si c'est ça, un mauvais choix,
19:17 je l'assume, mais après, il y a la question de curseur.
19:21 À quel niveau de cotisation ?
19:23 Le principe d'avoir une forme de solidarité,
19:26 je pense qu'il n'est pas contesté par la gauche.
19:29 Ensuite, sur la question de la valeur travail.
19:32 Là, il me semble qu'il y a un faux débat.
19:35 Si on veut être un peu provocateur,
19:38 le travail en soi n'est pas une valeur.
19:40 Le goût de l'effort peut être une valeur.
19:43 Mais le travail en tant que tel, c'est un facteur.
19:47 C'est un facteur de quoi ?
19:49 Un facteur d'émancipation, de libération,
19:52 d'émancipation individuelle pour la classe ouvrière.
19:56 Mais aussi de valoriser la dignité humaine
19:59 par la qualité du travail rendu.
20:01 Par exemple, les agents des services publics,
20:04 les infirmiers et infirmières, les premiers de corvée.
20:08 Donc la vraie question qui est derrière,
20:10 ce n'est pas les pour ou contre le travail,
20:13 la France qui se lève tôt, etc.
20:16 Ça me paraît très manichéen comme débat.
20:19 En revanche, je crois que c'est ce que revendiquent la gauche
20:23 et les socialistes.
20:25 De quelle façon notre société, dans le projet politique,
20:28 et quand je dis "notre société",
20:30 c'est pas uniquement la société française,
20:33 c'est la société européenne,
20:35 de quelle façon nous valorisons ce qui fait du sens,
20:39 l'utilité, j'aime bien cette expression,
20:42 l'utilité sociale-écologique des métiers et du travail derrière.
20:46 -M. Meillard-Rossignol, je voudrais quand même
20:49 que vous précisiez votre pensée au niveau d'un diagnostic politique.
20:54 Qu'est-ce que vous pensez de ceux qui disent
20:57 que les milieux ouvriers et populaires
21:00 se sont sentis trahis par une partie de l'idéologie de gauche
21:06 sur la fin du travail et abandonnés par la gauche
21:09 sont allés rejoindre l'extrême droite ?
21:12 Est-ce que c'est quelque chose qui existe ?
21:15 En plus, ça devrait vous parler,
21:18 parce que vous avez aussi, j'allais dire,
21:21 une carrière d'ingénieur de très haut niveau.
21:24 Est-ce que vous constatez, vous faites ce diagnostic-là ?
21:28 -Ce que l'on constate...
21:30 Moi, je suis maire de Rouen.
21:32 Rouen, c'est une ville populaire, industrielle, portuaire,
21:36 comme une bonne partie du nord-ouest de la France,
21:39 comme la Somme.
21:40 Je rappelle toujours qu'Enin-Beaumont,
21:43 qui est connu aujourd'hui pour être un des bastions
21:46 du Rassemblement national, c'est juste à côté de Noël-Godot,
21:50 qui est la patrie, ou le village natal, si je dis pas de bêtises,
21:54 de la CGT.
21:55 Donc, effectivement, notamment dans cette partie de la France,
21:59 qu'est-ce qu'on voit ?
22:00 On voit qu'il y a eu une forme de...
22:03 Comment dire ?
22:04 De désenchantement, de désillusion, de violence, de colère,
22:08 effectivement, d'ouvriers, de catégories dites "populaires".
22:13 Je le vois très bien à Rouen,
22:15 qui ont eu le sentiment d'avoir été abandonnés
22:18 dans la mondialisation.
22:20 Chez moi, c'est la raffinerie Petroplus qui ferme,
22:23 ce sont des usines qui ferment, c'est la désindustrialisation.
22:27 Et puis, pour reprendre Bruno Latour,
22:29 d'être des migrants de l'intérieur,
22:32 que le pays les abandonne de l'intérieur.
22:34 Là où ils habitent, il n'y a plus de maternité,
22:37 plus de postes, plus de services publics, plus de trains.
22:41 Donc, oui, il y a eu une forme de sentiment d'abandon,
22:45 à la fois européen et national,
22:47 l'Europe devenant un problème plus qu'une solution, etc.
22:51 C'est vrai, je n'ai rien à cacher là-dessus,
22:54 on a tous notre part de responsabilité à gauche,
22:57 notamment les socialistes,
22:59 sur retravailler et reproposer une offre réellement populaire
23:02 sur le pouvoir de vivre,
23:04 sur la protection des catégories sociales
23:07 qui vivent et qui veulent vivre dignement de leur travail.
23:11 C'est vrai, notamment dans les années 90-2000,
23:14 la gauche a pu se perdre, singulièrement les socialistes.
23:17 Ceci dit, on en est revenu largement,
23:20 sur l'offre politique à gauche en général,
23:23 et socialiste en particulier.
23:25 Vous allez trouver sur la question sociale-écologique,
23:28 sur les nouveaux services publics dans les territoires dits ruraux,
23:32 ou, comme on l'appelle, périphériques,
23:35 des propositions très concrètes qui vont dans ce sens-là.
23:38 Mais c'est un travail de très longue haleine,
23:41 et ça va prendre du temps, bien entendu.
23:44 C'est un enjeu majeur, parce que le pays est clivé là-dessus.
23:48 -Je vais démarrer sur cette utopie de la fin du travail.
23:51 C'est quelque chose qu'on constate en France,
23:54 et aussi à l'étranger, parce qu'avec votre carrière de dirigeante,
23:58 vous avez pu côtoyer l'étranger,
24:01 et vous avez rappelé vous-même
24:03 que vous avez un lien avec l'étranger.
24:06 -Oui, j'ai un lien avec l'étranger.
24:08 J'ai une carrière internationale qui m'a permis de voyager
24:12 et de travailler avec beaucoup de nationalités différentes.
24:17 On parle beaucoup du désenchantement,
24:20 du...
24:21 du refus du travail.
24:25 Je pense que le sujet est très différent de ce qu'on dit,
24:29 parce que quand on regarde, on cite beaucoup
24:31 les jeunes de l'agro qui n'ont pas voulu prendre grand classement
24:36 et ne pas rentrer dans des grands groupes internationaux,
24:39 quand ils disent, en caricaturant,
24:41 on imagine qu'ils veulent aller sur le plateau du Larzac
24:45 et des chèvres, il n'y a pas de métier plus fatigant
24:48 que d'être berger.
24:49 C'est 70 heures par semaine, c'est pas les 35 heures.
24:53 Au fond, ce qu'il y a dans la jeunesse,
24:57 et on voit aussi qu'il y a beaucoup de jeunes
24:59 qui ne veulent plus être salariés,
25:02 ils veulent être soit entrepreneurs,
25:04 soit intermittents du spectacle,
25:06 soit sur des métiers où ils sont libres de leur choix,
25:10 de ce pourquoi et pour qui ils veulent travailler.
25:13 Donc il y a une contestation du salariat tel qu'on l'a conçu
25:16 et construit en France, parce qu'on a fait du salariat
25:19 l'espèce de modèle clé qui fait que c'est grâce à ça
25:23 qu'on peut avoir un prêt, une place dans la société.
25:26 On voit aujourd'hui émerger de nouvelles formes de travail
25:29 qui correspondent à leurs aspirations.
25:32 Vous avez parlé tout à l'heure du bonheur ou de l'accomplissement.
25:36 Aujourd'hui, les jeunes, ils veulent...
25:38 Ils ont beaucoup... Ils ne peuvent pas accepter
25:41 de travailler pour quelque chose dont ils ont le sentiment
25:45 que ça va abîmer encore plus la planète,
25:47 abîmer encore plus la biodiversité.
25:50 Ils cherchent, au-delà du sens personnel,
25:52 ils disent "ce qui me frappe dans la jeunesse d'aujourd'hui",
25:56 et je pense que ça touche toutes les générations.
25:59 On voit bien l'émergence des marchés bio,
26:01 les gens qui veulent manger bien,
26:04 qui veulent repenser leur façon de vivre,
26:06 moins consommer, consommer français, plus intelligemment.
26:10 C'est une remise en cause d'une société qui nous a un peu abêtis,
26:14 d'une société de consommation,
26:16 tout s'asimute toujours plus, toujours plus,
26:18 avec l'idée que c'est pas en ayant les placards pleins
26:22 qu'on est plus heureux, mais c'est en accomplissant un travail
26:25 qui a du sens et qui est bien payé.
26:28 C'est tout le sujet de notre société,
26:30 c'est qu'elle ne sait pas, aujourd'hui,
26:33 payer au juste prix ce qui apporte,
26:35 et Chabahy l'a très bien dit,
26:37 apporte une vraie force vive nécessaire au pays.
26:41 On peut parler des agriculteurs, des infirmières, tout ça.
26:44 Je suis d'accord avec vous que ce serait intéressant
26:48 d'avoir un sujet sur...
26:50 C'est quoi le travail ?
26:51 C'est quoi la contribution à la société ?
26:54 On est tous foutus pareil, on est très différents,
26:57 mais on a envie de réussir et de partager la réussite.
27:01 On a envie de transmettre à nos enfants,
27:04 à ceux qu'on aime, etc.
27:06 Donc, de repenser, d'arrêter de penser
27:08 qu'il n'y a que le salariat
27:10 et qu'il y a d'autres formes d'expression du travail,
27:14 c'est cette révolution.
27:15 -Merci. Alain Villemeur, vous avez deux cultures
27:19 sur le travail, entre les générations,
27:21 entre les... -Oui.
27:23 Mais je voudrais revenir quand même sur, effectivement,
27:27 le travail et le fait que les Français travaillent
27:30 de plus en plus.
27:31 Il faut quand même pas l'oublier,
27:34 c'est-à-dire que depuis 10 ans,
27:36 en gros, il y a 500 000 jeunes qui travaillent,
27:39 de 20 à 30 ans, qui travaillent, en plus,
27:42 il y a 10 ans.
27:44 Il y a 1,3 million de seniors qui travaillent,
27:47 et ça contribue à la réduction du chômage.
27:51 On a quand même été, depuis les années 80, 90,
27:55 dans une culture, finalement, de la fatalité du chômage.
27:58 Et le chômage est descendu de 10 % à environ 7 %.
28:02 Donc, je crois qu'il y a eu tout un débat, là,
28:06 sur le travail depuis deux mois,
28:08 sur une étude liée à une étude de l'IFOP
28:11 et de la Fondation Jean Jaurès,
28:13 qui prétendait qu'il y aurait une épidémie de flemmes.
28:17 Les Français seraient-ils devenus flemmards ?
28:20 Je crois que la réalité s'inscrit en faux.
28:22 Il n'y a pas de flemmes chez les Français.
28:25 Au contraire, ils plébiscitent le travail,
28:28 depuis 10 ans.
28:31 Alors, maintenant, je crois que le travail,
28:33 surtout au travers des jeunes générations,
28:36 est en train d'évoluer.
28:38 Ils ont de nouvelles exigences, ce qui a été rappelé.
28:41 Ils veulent plus de sens au travail,
28:43 qu'il soit conciliable avec les conditions de vie,
28:46 sociales, familiales.
28:48 Et je crois que c'est le défi qui est devant nous.
28:51 Et ça me semble tout à fait justifié.
28:55 ...
29:02 -Vous venez de voir ce que dit Jean-Pierre Le Goff.
29:05 La société de consommation et de loisir
29:08 a bouleversé le rapport au travail.
29:10 M. Mailly, l'importance du temps libre,
29:14 comme l'épanouissement personnel,
29:16 contribue à établir
29:19 une nouvelle hiérarchie des activités sociales.
29:23 A votre avis, est-ce que cette nouvelle hiérarchie,
29:26 elle est perçue de la même manière
29:29 par l'ensemble du monde du travail ?
29:31 -Non.
29:32 Écoutez, moi, c'est Sandrine Rousseau
29:35 qui a ressorti le droit à la paresse.
29:38 Je pense que c'était une forme de provocation,
29:41 parce que ressortir...
29:43 Je rappelle que le droit à la paresse,
29:45 formule de Paul Lafargue, c'était au moment,
29:48 fin du 19e, où les syndicats réclamaient les 3 8,
29:52 8 heures de repos. On en est loin.
29:54 Non, le travail est une activité importante
29:57 pour l'individu, quel qu'il soit.
29:59 Après, il faut qu'il puisse y prendre un plaisir,
30:02 qu'il se sente utile, qu'il s'émancipe.
30:05 C'est ça qui est important.
30:07 Après, qu'il y ait...
30:09 Enfin, rappelez-vous,
30:11 Keynes expliquait qu'on travaillerait tous 30 heures, etc.,
30:15 et de moins en moins,
30:16 compte tenu des élocutions du programme.
30:19 Ce n'est pas le cas,
30:20 mais on a quand même, globalement,
30:22 une durée du travail partout,
30:24 ce qui a diminué en durée,
30:26 permis par les gains de productivité,
30:29 permis par toute une...
30:30 Ce qui permet d'avoir plus de temps libre.
30:33 Mais ce qui change beaucoup en ce moment,
30:36 c'est qu'effectivement, si on prend un seul exemple,
30:39 c'est celui du télétravail,
30:41 avec le télétravail, qui s'est fortement développé,
30:44 il y a un repositionnement, vie publique, vie privée, etc.
30:48 Et ça a évolué.
30:50 En général, les entreprises,
30:51 c'est entre un, deux, trois jours de télétravail qui sont accordés.
30:55 Ca dépend des entreprises.
30:57 Et dernier point, qui m'apparaît également important,
31:01 oui, il y a, c'est une partie des plus jeunes,
31:04 recherche...
31:05 Pas de salariat.
31:06 Ils veulent être freelance.
31:08 Mais le problème, c'est être freelance,
31:11 mais pouvoir avoir accès à une protection sociale,
31:14 être payé correctement,
31:15 parce que quand vous êtes salarié,
31:18 vous avez le code du travail, la subordination juridique,
31:21 mais beaucoup de jeunes, etc.,
31:23 qui sont en subordination économique,
31:26 qui n'ont pas le droit à une protection sociale.
31:29 C'est ça qu'il faut travailler, cette quête d'autonomie,
31:32 y compris pour les salariés.
31:34 Beaucoup de salariés considèrent...
31:37 Claire Guémard l'expliquait,
31:39 les nouveaux modes de gestion ou de management dans les entreprises,
31:43 voudraient avoir plus d'autonomie dans leur travail.
31:47 -M. Villemeur,
31:48 il y a une question qu'on pourrait évoquer
31:51 avec l'informatisation des tâches.
31:54 Les nouvelles pratiques managériales,
31:58 comme l'informatisation des tâches, sont remises en cause.
32:02 Au cours d'une émission ici, l'économiste Daniel Cohen
32:06 a démonté, en quelque sorte, l'informatisation des tâches
32:10 en disant que sa portée atteinte aux relations sociales.
32:16 Vous êtes d'accord avec ça ?
32:17 -Je serais plus partagé.
32:21 L'informatisation,
32:22 ça engendre des bénéfices exceptionnels.
32:25 On en bénéficie tous sur le plan communication, etc.
32:29 Ca engendre pour les économistes
32:31 aussi un effet de polarisation du marché du travail.
32:35 Vous avez de plus en plus de gens qualifiés,
32:38 qui sont demandés par les entreprises,
32:41 et vous avez aussi de plus en plus de gens peu qualifiés,
32:45 qui sont également demandés.
32:47 Ca pose un redoutable problème.
32:49 C'est que la classe moyenne, les compétences moyennes,
32:52 sont en train de diminuer.
32:54 Ca provoque un ressentiment, je pense, important
32:58 dans ces catégories.
32:59 Donc, au-delà du problème, effectivement,
33:02 de l'autonomie grâce à l'informatisation,
33:05 il faut prendre en compte cette dimension
33:08 de l'informatisation, de l'arrivée des nouvelles technologies,
33:13 qui modifie complètement les relations de travail,
33:16 qui modifie les catégories qui en profitent,
33:19 les plus qualifiées, celles qui en souffrent,
33:23 les moins qualifiées.
33:24 -Clara Guémard ?
33:26 -Je vais agir, parce qu'il faut se méfier
33:29 des calculs un peu définitifs et simplistes.
33:32 Je me souviens qu'il y a quelques années,
33:34 avec l'émergence de la digitalisation,
33:37 on disait que ça allait supprimer au moins 300 000,
33:41 et que le chômage allait exploser.
33:43 C'est tout le contraire.
33:45 On n'a jamais eu autant d'emplois disponibles en France.
33:49 -On parle de la qualité de la relation sociale.
33:52 -Je voulais simplement dire qu'on avait ce statement,
33:56 si je puis dire, cette affirmation
33:59 que la digitalisation allait créer le chômage,
34:02 et maintenant, on a cette affirmation
34:05 que la digitalisation allait...
34:08 Bien sûr, ça change la façon dont on travaille,
34:10 mais c'est toujours la même chose.
34:13 En même temps, ça facilite considérablement la tâche.
34:16 Ca permet le télétravail, ça permet aux gens...
34:19 Comme l'a dit Jean-Claude Bailly,
34:22 nous, dans notre entreprise,
34:24 on a deux jours de télétravail.
34:26 C'est très apprécié des jeunes, je peux vous le dire.
34:30 Et pas seulement.
34:32 Ca donne... Ca offre...
34:34 Des potentialités incroyables.
34:37 Et surtout, ce qu'il faut bien voir,
34:39 c'est que loin de l'informatisation,
34:42 maintenant, on est dans la deep tech,
34:45 on est dans la technologie qui est rapportée à l'industrie.
34:49 Je veux juste donner un exemple.
34:51 Nous, on accompagne des start-ups.
34:54 Je ne vais pas en décrire beaucoup,
34:57 mais grâce à l'image satellite,
34:59 grâce aux drones
35:02 et grâce à l'intelligence artificielle,
35:04 aujourd'hui, on arrive à mesurer et à quantifier
35:08 quand on replante des sols dans des endroits miniers,
35:11 sur les bords des routes, etc.
35:13 Et donc, recalculer la reforestation,
35:16 la biodiversité, etc.
35:18 Ca, c'est des trucs qui ne coûtent pas cher,
35:21 alors qu'avant, ça demandait une armée de gens,
35:24 il fallait qu'ils se sement eux-mêmes.
35:27 Maintenant, on se sème avec des drones.
35:29 C'est vraiment un ordinateur.
35:31 Ca touche toute l'industrie.
35:33 Aujourd'hui, quand on arrive à faire des jumeaux numériques
35:37 dans les entreprises, qui permettent de savoir exactement
35:41 où se trouve tel tuyau, comment le changer, le réparer, etc.,
35:45 ça fait des économies de maintenance, de complexité, etc., énormes.
35:49 Donc, la technologie, elle apporte évidemment un bienfait
35:53 qui fait qu'on peut faire moins de tâches répétitives, etc.
35:57 Maintenant, après, tout est toujours dans la façon
36:00 dont on gouverne l'entreprise,
36:02 quelle responsabilité on a vis-à-vis de ses salariés.
36:06 Quand on parle de donner du sens à l'entreprise,
36:09 c'est aussi la façon dont on célèbre les réussites,
36:12 dont on partage la réussite,
36:14 on partage la valeur,
36:16 dans la manière dont on reconnaît l'importance
36:20 et, justement, l'irremplaçabilité de chaque individu.
36:26 La fonction, elle est interchangeable,
36:28 mais chaque individu va l'exercer d'une façon différente.
36:32 C'est donc ce retour à la place essentielle
36:35 de la personne dans l'entreprise.
36:37 -M. Meilleur-Rossignol,
36:39 vous pourrez peut-être dire un mot sur l'informatisation du travail,
36:44 mais je voudrais vous faire réagir
36:47 sur une enquête de l'Institut Montaigne
36:50 concernant la satisfaction au travail,
36:53 une récente enquête.
36:55 Les résultats sont plutôt optimistes,
36:58 mais dès lors que cela concerne les salaires en bas de l'échelle
37:03 ou de moindre qualification, ça n'est pas le cas.
37:07 Est-ce que vous craignez qu'à ce niveau,
37:11 c'est-à-dire là où il y a l'acmé, en quelque sorte,
37:14 de la contestation sociale,
37:16 on aille vers un travail à deux vitesses,
37:20 on classe les sous-qualifiés et les sur-qualifiés ?
37:24 Est-ce qu'on va vers ça aujourd'hui
37:26 avec une responsabilité de l'informatisation,
37:30 si je puis dire,
37:32 comme accès plus facile au travail ?
37:36 -Oui, c'est intéressant, votre question,
37:41 parce que je voudrais faire un lien
37:43 entre cette étude de l'Institut Montaigne
37:46 et le petit échange qu'il y a eu précédemment
37:49 sur le numérique
37:52 et l'évolution de certains types de métiers et du travail
37:56 dans les fonctions tertiaires et les créations de valeurs,
37:59 notamment liées au gain de productivité
38:02 et plus largement à l'informatique,
38:04 aux technologies d'information et de la communication.
38:07 En fait, sans être trop négatif,
38:10 ce qu'on constate sur le terrain,
38:12 en particulier sur des villes
38:14 comme celle que j'ai l'honneur d'administrer,
38:17 comme Rouen,
38:19 c'est que vous avez une forme d'accroissement
38:22 des inégalités symboliques du travail.
38:25 Je m'explique.
38:27 Vous avez d'un côté, ce qui a été dit tout à l'heure,
38:30 des métiers tertiarisés, de plus en plus numérisés,
38:34 mondialisés, bien payés,
38:36 moins pénibles, en tout cas sur les pénibilités classiques physiques,
38:40 parce qu'il y a d'autres sujets,
38:43 le burn-out, la laisse électronique, je passe,
38:46 plutôt bien valorisés dans notre société,
38:49 et puis de l'autre côté, avec du télétravail,
38:52 avec des évolutions perçues, en général positivement,
38:55 et de l'autre côté,
38:56 c'est pour ça que je parle d'une forme d'étirement
39:00 et d'accroissement des inégalités symboliquement
39:03 avec une humiliation plus forte,
39:05 vous avez toujours les gars qui bossent dans les abattoirs,
39:08 les infirmières qui doivent porter des corps à 3h du matin
39:11 aux urgences qui sont complètement saturées,
39:15 vous avez toujours des réalités qu'on veut plus ou moins voir
39:18 et qui ne sont pas bien voir,
39:20 je pense aux questions de pénibilité liées à la santé mentale,
39:23 aux hôpitaux psychiatriques, par exemple,
39:25 qui sont encore des sujets tabous
39:28 avec des formes de travail très mal valorisées dans nos sociétés,
39:31 voire tabous,
39:32 on pourrait parler des prisons, vous voyez ce que je veux dire.
39:35 Donc l'ensemble du corps social
39:37 et des différents types de travail et de métiers associés
39:41 s'étirent en termes de possibilités, de potentialités,
39:44 avec d'un côté des potentialités permises par la technique,
39:47 par la technologie, par la science,
39:49 et notamment le numérique, qui augmente,
39:51 et qui sont même fascinantes,
39:54 et de l'autre côté, une forme d'humiliation
39:57 et de sous-valorisation.
39:59 Et ça, c'est un vrai défi pour les pouvoirs publics
40:02 et les entreprises aussi,
40:04 parce que ça veut dire avoir une action beaucoup plus volontariste,
40:08 en lien avec les corps intermédiaires,
40:10 et en particulier avec les forces syndicales,
40:12 pour mieux protéger et valoriser les corps,
40:15 et donc, en même temps,
40:17 pour mieux baser les premiers de corvée,
40:21 et finalement, les oublier de ce monde d'après.
40:24 Parce qu'ils existent toujours, en réalité.
40:26 Souvent, on dit qu'il n'y a plus de classe ouvrière,
40:28 mais il y a une classe ouvrière.
40:30 Elle est peut-être plus morcelée, plus fragmentée,
40:33 moins visible, moins soudée, moins tout ce que vous voulez,
40:35 mais elle existe.
40:36 Et on a toujours besoin de déplacer des colis.
40:38 Alors maintenant, je vais vous choquer peut-être,
40:40 mais c'est peut-être des migrants uberisés
40:43 qui sont effectivement sans condition de sécurité sociale, etc.
40:45 Et qui nous cachent les yeux,
40:47 et qu'on ne regarde pas ce sujet en face,
40:49 ou est-ce qu'au contraire, on les affronte ?
40:51 Donc, il faut à la fois tenir compte, effectivement,
40:54 et c'est plutôt positif,
40:56 des évolutions liées à la technique sur des métiers
40:58 qui nous permettent de penser fortement les attentes,
41:00 et de répondre aux attentes, notamment de la jeunesse,
41:02 sur le sens et la qualité qu'on donne au travail,
41:05 sur les nouvelles porosités
41:07 entre monde professionnel et personnel.
41:09 Mais il faut aussi, en tout cas,
41:11 je crois que c'est le rôle de la gauche,
41:14 de dire que celles et ceux sans qui notre société ne fonctionne pas.
41:17 - Merci, alors. Jean-Claude Mailly.
41:19 Je vais vous donner la parole également, Clara Guemma.
41:22 On est là sur une question de fond. Qu'est-ce que vous en pensez ?
41:25 - Oui, d'abord, je pense qu'il n'est pas question de dire
41:28 qu'il faut arrêter l'informatisation ou les nouvelles technologies.
41:31 Après, il faut regarder comment les choses sont gérées,
41:33 regarder s'il y a des problèmes d'éthique, etc.
41:35 C'est autrement. Vous avez plein de métiers
41:37 très pénibles qui ont disparu grâce à la robotisation.
41:42 Vous visitez une chaîne dans l'automobile aujourd'hui,
41:45 vous voyez finalement peu de gens sur la chaîne.
41:48 Ca, c'est permis par les gains de productivité à la robotisation.
41:52 C'est vrai que ça peut générer
41:54 une plus forte individuation des relations sociales.
41:57 Quand vous êtes en télétravail, vous êtes chez vous.
42:01 Mais toutes les entreprises ont bien compris,
42:03 les salariés le demandent aussi, d'un moment de collectif.
42:06 C'est indispensable.
42:08 Par rapport à ce que disait Nicolas Maillard-Rossignol,
42:11 c'est un problème de fond.
42:13 La manière dont on reconnaît, en France comme ailleurs,
42:17 les métiers dits "essentiels", "invisibles",
42:21 ceux qu'on applaudissait pendant la pandémie...
42:24 En fait, dans les années 60,
42:26 certains économistes, américains notamment,
42:28 ont considéré que ces métiers de service,
42:31 partant en général d'une étude des métiers artistiques,
42:34 et une mauvaise extension ensuite,
42:36 considéraient que c'étaient des métiers improductifs.
42:39 Donc, étant des métiers improductifs,
42:41 c'était les autres qui devaient les rémunérer.
42:44 On a baissé... On n'a pas rémunéré correctement
42:47 tous ces métiers depuis longtemps.
42:49 C'est encore vrai en France. Quand le président de la République
42:52 dit qu'il faudra travailler sur les négociations de salaire
42:55 au niveau des branches, et encore des branches inférieures au SMIC...
42:59 Je me souviens avoir porté ce dossier en 2008.
43:02 Vous voyez ? On est en 2023.
43:04 On avait, à l'époque, obtenu une loi.
43:07 Le ministre du Travail était Xavier Bertrand,
43:09 mais cette loi qui a été votée, elle n'est jamais sortie
43:12 parce qu'il n'y a pas eu les décrets d'application.
43:15 Ca veut dire qu'on n'a toujours pas réglé ce problème.
43:18 C'est un exemple parmi d'autres.
43:20 Ce sont des gens qui, eux, ne peuvent pas télétravailler,
43:23 qui ont des horaires, des difficultés dans leur métier,
43:27 et qui, en plus, sont mal payés.
43:29 Ca, ça fait partie des urgences.
43:31 Et dernier point, je suis d'accord avec ce que vous avez dit,
43:34 c'est que les catégories en emploi, en tous les cas,
43:37 ce ne sont pas ceux qui sont les mieux formés,
43:40 ce ne sont pas ces catégories difficiles,
43:42 ces métiers existeront encore, c'est entre les deux.
43:45 -Jean-Paul Mailly, un mot sur les syndicats.
43:48 Qui se syndique le plus ?
43:50 Ces catégories qui sont un peu en bas, si je puis dire,
43:55 de l'échelle, ou ceux qui sont plus avancés ?
43:58 -Je vais répondre différemment, si vous le permettez.
44:02 -Sans jugement moral de ma part.
44:04 -C'est assez réparti. -Personne ne juge.
44:06 -Là où la syndicalisation est beaucoup plus difficile,
44:10 c'est dans le monde des start-up ou chez les GAFA.
44:14 Effectivement, là, c'est une syndicalisation
44:17 beaucoup plus difficile, ce sont des populations plus jeunes,
44:20 qui, en général, essaient de s'en sortir tout seuls.
44:23 S'il y a un problème, ils regardent sur Internet,
44:26 ils savent lire une convention collective ou autre.
44:29 Donc, là, ce sont des milieux à conquérir pour le syndicalisme.
44:33 -Il n'y a pas un aggiornamento à faire au niveau des syndicats
44:36 pour tenir compte de ces évolutions ?
44:39 -Ils ont... Vous savez, comme je le dis souvent,
44:42 les organes syndicales, ce sont des exercices démocratiques permanents.
44:47 C'est un paquebot.
44:48 Vous le faites pas virer comme ça,
44:50 mais c'est de plus en plus pris en considération
44:53 par la plupart des organisations.
44:55 -Clara Guemars, je crois que vous voulez...
44:58 -Je voulais réagir à ce qu'a dit tout à l'heure le maire de Ronds.
45:03 Parce que c'est tout à fait juste, le diagnostic qui est posé
45:09 sur le fait que les métiers qui sont essentiels
45:12 et qui sont les seuls qui resteront,
45:14 parce qu'il faut pas se tromper, la digitalisation...
45:17 Je sais pas si vous avez entendu parler de JADGBT,
45:20 ça permet de remplacer pas mal de gens qui font du marketing,
45:24 qui font de la communication, etc.
45:26 Donc, les vrais métiers qui resteront toujours,
45:29 c'est ceux qui vont planter les patates,
45:32 c'est ceux qui vont soigner les gens,
45:34 porter les colis, faire marcher les trains, etc.
45:37 Ca, c'est des métiers réels.
45:39 Mais ce que je voulais simplement dire
45:41 et que je trouve extrêmement intéressant,
45:44 c'est que vous avez toute une génération de jeunes
45:47 qui font partie, a priori, de l'élite,
45:49 parce qu'ils ont fait des grandes écoles, etc.,
45:52 qui vont dans ces métiers-là, qui font de la restauration,
45:56 qui ouvrent des usines pour fabriquer des vêtements faits en France,
46:00 pour fabriquer de la bière faite en France,
46:03 pour fabriquer des T-shirts faits en France, etc.,
46:06 et qui reviennent vers la petite industrie,
46:09 ce qui est permis justement par la technologie,
46:12 et qui se réapproprient ces métiers
46:14 et y mettent du savoir-faire,
46:16 qui est du savoir-faire lié à leurs études
46:19 et à leurs compétences, à la fois commerciales, internationales.
46:23 Ils vont tout de suite à l'international, etc.
46:26 Donc, l'espoir que je vois, c'est que ces métiers soient revalorisés
46:30 et que, aujourd'hui, dans une classe d'âge de jeunes,
46:33 qui sont à priori ceux qui vont bâtir la France de demain,
46:36 ils s'intéressent à ces métiers,
46:39 parce que c'est des métiers qui les enracinent,
46:42 qui leur donnent du sens et qui, parce qu'on le dit pas assez,
46:45 est une réponse à l'enjeu climatique,
46:48 qui est l'obsession de la jeunesse,
46:50 et qui devrait être notre obsession à tous.
46:53 Quand on parle de la valeur travail, on devrait la revisiter.
46:57 Le GIEC nous le répète tous les jours,
46:59 c'est repenser notre système économique, notre système productif
47:03 en fonction de ce 1,5 % ou 2 % climatique,
47:06 ce que font les jeunes.
47:07 -Merci. Alain Villemeur ?
47:09 -Oui. Les pouvoirs publics vont lancer le débat
47:12 sur les conditions de travail et sur l'information.
47:16 Je crois qu'il faut qu'ils le lancent aussi sur les rémunérations.
47:20 Je rejoins ce que disait Jean-Claude Mailly.
47:23 Il y a en France des métiers essentiels
47:26 qui sont mal rémunérés.
47:28 Et qui sont mal rémunérés
47:30 par rapport aux autres pays européens.
47:33 Quand vous comparez les rémunérations
47:36 des enseignants et des soignants,
47:39 ils sont beaucoup moins bien payés
47:41 que dans les autres pays européens, qu'en Allemagne.
47:45 Un seul chiffre, les enseignants, en débutant,
47:48 ils sont payés 40 % de moins qu'en Allemagne, par exemple.
47:51 Les soignants, c'était également le cas.
47:54 D'où, je crois, les vraies difficultés de recrutement
47:57 qui existent actuellement.
47:59 Et qui peuvent engendrer des situations tout à fait dramatiques
48:03 au niveau de l'enseignement,
48:05 et puis des hôpitaux, des EHPAD, etc.
48:08 -Concernant le salariat, aujourd'hui,
48:11 qui représente quand même
48:13 une part importante de l'éventail du travail,
48:17 l'un des grands reproches qui est fait,
48:20 ça vise le rapport hiérarchique
48:22 qui est de plus en plus contesté.
48:24 Est-ce qu'il y a une alternative à l'autorité, Clara Guémard ?
48:28 -C'est pas la question de l'autorité,
48:31 c'est l'autorité qui est une autorité hiérarchique,
48:34 et pas une autorité de compétence.
48:36 Aujourd'hui, vous avez des jeunes qui sont, pour certains,
48:40 bien plus compétents que leurs supérieurs.
48:43 La plus grande qualité d'un dirigeant,
48:45 c'est l'humilité et d'accepter qu'il ne sait pas tout
48:49 et qu'il ne peut pas tout.
48:51 La compétence du dirigeant, ce n'est pas le savoir,
48:54 c'est le savoir, exercer leur compétence
48:57 et avoir des responsabilités et les respecter.
49:00 C'est un changement de paradigme dans le fonctionnement de l'autorité.
49:04 -Votre avis ? Alain Villemeur, là-dessus ?
49:07 -Je partage complètement cet avis.
49:09 Nous avons en France, dans les entreprises,
49:12 une culture trop hiérarchisée.
49:14 Il faut revoir le fonctionnement de ces entreprises
49:17 et les rendre plus horizontales, plus apprenantes.
49:20 C'est ce qui se passe dans d'autres pays européens.
49:24 Il y a un défi pour les entreprises et le management.
49:27 -Oui, Jean-Claude Mayer.
49:29 -Je suis d'accord également avec ce qu'a dit Clara Guemard.
49:32 Un bon dirigeant, c'est quelqu'un qui est reconnu,
49:36 son autorité est reconnue et qui sait s'entourer.
49:39 -Oui, alors, Nicolas Mayer-Rosignol,
49:42 sur cette question de l'autorité,
49:44 est-ce qu'il y a une alternative ?
49:46 Qu'est-ce qu'il faut changer à ce niveau-là,
49:49 ou pas changer, d'ailleurs ?
49:52 -Moi, je fais une suggestion, mais qui n'est pas si originale.
49:56 C'est de renforcer le rôle et la place
49:59 que peuvent occuper les salariés
50:02 dans la gouvernance de l'entreprise.
50:04 Ca a évolué, je ne veux pas être manichéen,
50:07 mais reconnaissons que, par rapport à d'autres pays en Europe,
50:11 par rapport à d'autres modèles de société,
50:14 la France n'est peut-être pas le plus en avance là-dessus,
50:17 à travers leurs représentants, les syndicats,
50:21 à travers peut-être d'autres formes,
50:23 dans les pactes de gouvernance de ces entreprises.
50:26 Il me semble qu'il y a quelque chose à faire,
50:29 parce que là encore, sinon, on se retrouve avec des situations
50:32 qui peuvent être vécues comme des humiliations symboliques,
50:36 là non plus, sans faire de manichéisme.
50:38 Vous avez vu récemment les annonces
50:41 sur les augmentations de salaires de tels ou tels dirigeants.
50:44 Bon, il en a le droit, c'est son autorité,
50:47 mais ça relève plus d'une forme d'humiliation
50:50 et mettre plus de gouvernance,
50:52 avec plus de salariés dans cette gouvernance,
50:55 ça me paraît un enjeu majeur pour demain.
50:58 -Merci.
50:59 Écoutez, il nous reste quasiment...
51:01 Le temps est complètement écoulé.
51:03 J'ai peut-être quelques minutes, très brèves d'ailleurs,
51:07 pour vous présenter une bibliographie.
51:10 Alors, un livre de Daniel Susskind,
51:15 "Un monde sans travail".
51:17 Vous voyez, cette utopie de la fin du travail inspire.
51:22 Et on verra ici comment l'évolution,
51:27 notamment numérique, reconfigure le monde du travail.
51:31 Alors, Nicolas Meyère-Rossignol,
51:34 vous avez publié avec Guillaume Bachelet
51:37 "La gauche après la crise.
51:39 "Quelle gauche et quelle crise ?" en deux mots.
51:42 Parce qu'on peut se poser la question.
51:46 -Je dois dire que ce livre a été publié en 2010.
51:49 Donc, avec un peu d'érision, la gauche était déjà...
51:52 -Ca a changé, aujourd'hui ?
51:54 -Bah, écoutez, en 2010, elle était en crise,
51:56 et en 2012, elle a gagné.
51:58 En 2022, 2023, la gauche est toujours en crise.
52:01 En 2027, on verra.
52:02 -C'est un signe de bonne santé, ça ?
52:04 -Vous savez ce que c'est.
52:06 Je vais vous répondre par le mot de Churchill.
52:09 Le vrai succès, c'est d'aller d'échec en échec
52:12 avec toujours le même enthousiasme.
52:14 -Merci.
52:15 Jean-Claude Bailly, vous avez publié un livre
52:18 qui s'appelle "Manif et chuchotement".
52:20 Est-ce que vous continuez à chuchoter
52:22 à l'oreille d'Emmanuel Macron ?
52:25 -Ah non, non, non, plus du tout.
52:27 Je n'ai plus eu de contact avec lui depuis que je suis parti.
52:31 -Et est-ce que vous chuchotez à l'oreille
52:33 des responsables de force ouvrière ?
52:36 -Ecoutez, moi, je suis partisan, je suis parti,
52:39 ceux de débrouille, s'ils ont besoin, ils m'appellent,
52:42 mais c'est pas moi...
52:44 Je ne veux pas être le vieux con qui donne ses conseils.
52:47 -OK, on l'a bien compris.
52:48 Clara Guémard, vous avez publié avec Berenice Brindstedt,
52:52 je sais pas si je prononce bien,
52:54 "Faut qu'on parle, le monde a changé".
52:57 Franchement, c'est...
52:59 De quel changement vous voulez...
53:01 -C'était un livre, donc c'est ma fille,
53:04 mais l'idée, c'était d'évoquer le sujet du travail,
53:08 le sujet du rapport à la consommation,
53:10 enfin, tous les grands thèmes
53:12 qui ont porté mai 68
53:14 et sur lesquels les jeunes, la jeune génération,
53:17 notamment les millenniums, recontestent tout.
53:20 De toute façon, ils nous jugent très sévèrement.
53:23 C'était un dialogue pour montrer qu'on s'aime beaucoup
53:26 entre générations, mais on ne se comprend pas
53:29 et on ne parle pas la même langue.
53:32 Tout le sujet qu'on a aujourd'hui sur la valeur du travail,
53:35 sur les retraites, sur la façon d'appréhender notre vie en société
53:39 vient du fait que la génération montante
53:42 nous sommes complètement trompés. C'est l'objet de ce livre.
53:45 -Merci. Je voudrais rappeler, j'ai cité l'étude
53:48 de l'Institut Montaigne sur les Français et le travail.
53:53 Cette étude a été faite par l'économiste Bertrand Marino.
53:57 Est-ce qu'Alain Wilmer, vous avez un livre à suggérer ?
54:01 -Non. Enfin, nous, on a publié avec Jean-Hervé Lorenzi
54:07 un livre, il y a un an, chez Odile Jacob,
54:09 qui s'appelle "La grande rupture".
54:12 Derrière, c'est l'idée qu'il faut faire face
54:14 à la transition démographique,
54:16 transition numérique, et la transition écologique,
54:20 dont on n'a pas beaucoup parlé, mais qui est un défi considérable.
54:24 Considérer les trois défis, c'est l'enjeu, à notre avis,
54:28 de ces 10 prochaines années.
54:30 -Il me reste à vous remercier, madame.
54:32 Merci, messieurs, d'avoir participé à cette émission.
54:36 Evidemment, elle n'est pas exhaustive sur la question du travail.
54:41 On aura l'occasion d'en reparler.
54:43 Merci à l'équipe d'LCP,
54:44 qui a permis la réalisation de cette émission.
54:49 Avant de nous quitter, je voudrais vous laisser
54:52 avec ce clin d'oeil de Simone de Beauvoir.
54:55 "C'est par le travail que la femme a en grande partie franchi
54:59 "la distance qu'il a séparé du mal.
55:03 "C'est le travail qui peut seul lui garantir
55:06 "une liberté concrète."
55:08 Vous êtes d'accord, Clara Guemba ? -Oui, je suis d'accord.
55:12 -OK. -Il n'y a pas que le travail.
55:15 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
55:18 Générique
55:21 ...

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