Ces idées qui gouvernent le monde - Afrique-France : Faut-il évacuer les bases militaires en Afrique ?

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Beaucoup de pays africains qui aujourd'hui cultivent un sentiment anti-français se sont éloignés de l'ancien pays colonisateur à travers un putsch militaire. C'est notamment le cas du Mali, du Burkina Faso, du Niger, le cas du Gabon qui vient de changer de régime par la voie putschiste s'est pour l'heure épargné d'une vindicte anti-française. Les putschs en Afrique sont d'une banalité reproductive, il y en eût plus de 200 depuis les indépendances africaines intervenues dans les années 1960. Reste cette énigme, ou plutôt ce retournement de paradigme qui voit se substituer à la défunte Francafrique une anti-France populiste, pleine de ressentiments vis-à-vis de l'ancien pays colonisateur et cherchant à se débarrasser de toute présence militaire tricolore - appelée à la rescousse pour combattre le terrorisme djihadiste. D'où vient et pourquoi cette attitude anti-française qui peut faire tache d'huile et contagion dans les pays africains abritant encore des forces militaires françaises, à savoir la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Gabon, Djibouti, le Tchad. D'où notre question : Faut-il évacuer ces bases militaires ? Au-delà du ressentiment, nous cherchons à évoquer les questions stratégiques - l'Afrique est un carrefour convoité par de nombreuses puissances, le contexte géoéconomique liée à une mondialisation créant de nouveaux rapports de dépendance et de prédation. Est-ce que l'Afrique dispose de moyens pour se défendre et assurer sa sécurité ? Et aussi, de s'interroger sur une diplomatie française qui de la Lybie au Maghreb s'avère erratique et infructueuse avec ou sans base militaire. Émile Malet reçoit :Aminata Dramane Traoré, femme politique et écrivaine malienneNiagalé Bagayoko, politologue, enseignante à Sciences Po, African Security Network Bruno Clément Bollée, Général, Ex-directeur de la coopération de sécurité et de défense au Quai d'OrsayAntoine Glaser, journaliste, essayisteRoger Kuitche, Colonel retraité de l'armée du CamerounPrésenté par Emile MALETL'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5Et retrouvez aussi tous nos replays sur notre site : https://www.lcp.fr/Suivez-nous sur les réseaux !Twitter : https://twitter.com/lcpFacebook : https://fr-fr.facebook.com/LCPInstagram : https://www.instagram.com/lcp_an/TikTok : https://www.tiktok.com/@LCP_anNewsletter : https://lcp.fr/newsletter#LCP

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Transcription
00:00 Générique
00:01 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:26 Afrique, France.
00:29 Faut-il évacuer nos bases militaires en Afrique ?
00:32 Beaucoup de pays africains,
00:34 qui, aujourd'hui, cultivent un sentiment anti-français,
00:38 se sont éloignés de l'ancien pays colonisateur,
00:41 comme on dit, à travers un putsch militaire.
00:44 C'est notamment le cas du Mali, du Burkina Faso, du Niger.
00:48 Le cas du Gabon est un peu spécial,
00:51 parce qu'il a changé de régime par la voie putschiste,
00:56 mais sans sentiment ou sans vindicte anti-française.
00:59 Les putschs en Afrique sont d'une banalité reproductive.
01:03 Il y en eut plus de 200
01:05 depuis les indépendances africaines intervenues dans les années 60.
01:10 Reste cette énigme,
01:12 ou plutôt ce retournement de paradigme
01:15 qui voit se substituer à la défainte France-Afrique
01:19 une anti-France populiste,
01:21 pleine de ressentiment vis-à-vis de l'ancien pays colonisateur
01:25 et cherchant à se débarrasser
01:27 de toute présence militaire tricolore,
01:30 pourtant appelée à la rescousse
01:33 pour combattre le terrorisme djihadiste.
01:36 D'où vient et pourquoi cette attitude anti-française,
01:40 qui peut faire tâche d'huile et contagion
01:43 dans les pays africains,
01:45 abritant encore des bases militaires françaises,
01:48 à savoir la Côte d'Ivoire, le Sénégal,
01:51 le Gabon, Djibouti, le Tchad ?
01:54 D'où notre question du jour.
01:56 Faut-il évacuer ces bases militaires ?
02:00 Au-delà du ressentiment,
02:02 nous chercherons à évoquer,
02:04 avec les questions stratégiques,
02:06 n'oublions pas que l'Afrique est un carrefour
02:08 convoité par de nombreux pays
02:11 et de nombreuses puissances émergentes,
02:13 évoquer le contexte géoéconomique
02:17 lié à une mondialisation
02:19 créant de nouveaux rapports de dépendance et de prédation.
02:23 Est-ce que l'Afrique dispose aujourd'hui
02:26 des moyens pour assurer sa sécurité ?
02:30 Et aussi de s'interroger sur une diplomatie française
02:34 qui, de la Libye au Maghreb,
02:37 s'avère erratique et bien souvent infructueuse,
02:41 avec ou sans bases militaires.
02:43 Pour en parler, je vous présente mes invités.
02:46 Antoine Glazer, vous êtes journaliste, essayiste
02:50 et vous consacrez à l'Afrique depuis longtemps.
02:53 Niagale Bagayoko, vous êtes politologue,
02:56 vous enseignez à Sciences Po
02:58 et vous avez également une fondation,
03:00 je crois l'African Security Network.
03:03 Alors, nos autres invités sont en visioconférence.
03:07 Alors, je présenterai le général Bruno Clément-Bollet.
03:12 Bonjour, général.
03:13 Vous êtes ex-directeur
03:15 de la coopération de sécurité et de défense au Quai d'Orsay.
03:19 Aminata Draman Traoré,
03:22 nous vous avons, j'allais dire en visio,
03:24 mais en vérité par téléphone.
03:26 Vous êtes une femme politique et écrivaine malienne
03:30 et le colonel Roger Kuitche,
03:33 colonel de réserve dans l'armée camerounaise,
03:37 et nous vous avons en visio depuis Yaoundé.
03:40 Alors, j'allais dire question d'ambiance.
03:51 Antoine Glazer, est-ce qu'on peut dire,
03:53 est-ce qu'on peut dire aujourd'hui
03:55 de l'implantation et du développement
03:58 du terrorisme en Afrique ?
03:59 -Je sais pas ce qu'on peut dire du terrorisme en Afrique.
04:03 À l'évidence, même les bases militaires françaises
04:06 ou la présence militaire française,
04:08 il faut quand même se rappeler que la France
04:11 est la seule puissance extérieure au continent
04:13 à avoir des bases permanentes encore en Afrique,
04:16 à l'exception de Djibouti,
04:18 où il y a le monde entier, chinois, américain...
04:21 -Les Américains ne sont pas partout.
04:23 -Tournés vers l'Indo-Pacifique.
04:25 Mais en ce qui concerne le continent africain,
04:28 c'est vrai que la France est la seule puissance
04:31 à avoir encore des bases permanentes.
04:33 C'est vrai que les Africains reprochent à la France
04:36 de ne pas avoir soldé cette période postcoloniale
04:39 des indépendances de 1960
04:42 jusqu'à la fin de 1989-90,
04:46 la fin de l'Union soviétique, de l'Empire soviétique
04:49 sur ce continent.
04:50 Comme la France n'a pas soldé, finalement,
04:52 cette présence de l'armée française
04:55 a servi de cache-misère à une présence française
04:58 qui était globalement en déshérence.
05:00 Ca veut dire que ces militaires, ces bases militaires
05:03 ont laissé croire que la France était encore chez elles en Afrique,
05:07 que c'était encore elles qui drivaient le continent,
05:10 alors que l'Afrique est totalement mondialisée.
05:13 Je pense qu'il y a une espèce de hiatus.
05:15 C'est vrai que la question du maintien des bases
05:19 pose la question des relations entre la France et l'Afrique,
05:23 puisque ces militaires étaient hors sol
05:25 par rapport aux réalités du terrain.
05:27 -Alors, écoutez, sur cette question du terrorisme,
05:30 madame Niagale Bakayoko,
05:33 quelle est votre perception de ce qu'il en est,
05:36 du terrorisme en Afrique ?
05:37 On parlera des autres sujets après, mais sur le terrorisme.
05:41 -Alors, tout d'abord, il faut s'interroger
05:44 sur ce que l'on place sous ce vocable de terrorisme,
05:49 puisqu'il ne faut pas oublier
05:51 qu'on a affaire à des mouvances extrêmement diversifiées
05:57 qui ont eu tendance à être trop souvent réduites
06:01 les unes aux autres,
06:02 alors qu'il y a des affrontements entre elles.
06:05 C'est très important de mettre cet élément en avant,
06:08 notamment si l'on prend le cas du Sahel.
06:11 Vous avez une opposition
06:13 entre les groupes affiliés à l'Etat islamique
06:17 et les groupes affiliés à Al-Qaïda,
06:19 qui se combattent les uns et les autres.
06:22 Cette variable est fondamentale,
06:24 mais par ailleurs, on s'aperçoit qu'on a beaucoup trop réduit
06:28 à cette lutte contre ces groupes armés terroristes dits gâtes,
06:34 les difficultés sécuritaires expérimentées par le continent,
06:40 alors que l'on assiste également à l'émergence
06:43 de milices d'autodéfense,
06:45 de groupes communautarisés
06:48 qui s'affrontent de rébellions politico-militaires,
06:52 certaines indépendantistes, d'autres non,
06:55 au regain, bien sûr, du prétorianisme sur le continent.
06:59 Donc c'est cet ensemble d'éléments
07:01 qu'il faut prendre en considération
07:04 pour lutter contre ces insurrections
07:07 qui ont une composante djihadiste,
07:10 mais dont certains groupes se présentent, au contraire,
07:14 comme combattants avant tout les Etats,
07:16 jugés corrompus et partenaires de l'Occident,
07:19 et se posent en protecteurs des populations.
07:23 La problématique n'est pas aussi simple.
07:25 Cette guerre contre le terrorisme a été perdue partout,
07:28 qu'il s'agisse de l'Afghanistan ou du Moyen-Orient.
07:31 Elle a été perdue au Sahel,
07:33 car ce vocable est beaucoup trop simpliste.
07:36 -On vous a entendu là-dessus.
07:38 Colonel Roger Kuitche,
07:40 quelle est votre analyse de la présence
07:42 et de la prégnance du terrorisme
07:45 aujourd'hui dans le continent africain,
07:47 plus spécialement peut-être dans le Sahel ?
07:50 -Juste une précision avant de répondre à votre question.
07:54 Je ne suis pas à la réserve, mais à la retraite.
07:56 J'ai épuisé ma période de réserve.
07:58 Je suis dégagé de toutes les obligations militaires.
08:02 Je suis à la retraite.
08:04 Ceci dit, poser le problème du terrorisme en Afrique,
08:09 dans le cadre de cette mission, dans le titre,
08:12 dont l'objet phare, c'est les bases africaines en Afrique,
08:15 c'est vouloir peut-être lier la présence
08:18 des bases militaires françaises en Afrique au terrorisme.
08:21 -Contre le terrorisme, elles sont là pour ça.
08:24 -Elles sont là pour ça, mais d'où vient le terrorisme ?
08:28 Si on recule dans le temps,
08:30 comme le paie Balibranche jusqu'au 1er omni,
08:33 le terrorisme n'est arrivé qu'en Afrique.
08:35 Qu'est-ce qui se passait avant ?
08:37 Les troupes françaises étaient en Afrique
08:39 longtemps avant l'arrivée du terrorisme.
08:42 Alors, s'elles étaient là avant l'arrivée du terrorisme,
08:45 elles y étaient pourquoi ?
08:47 Le terrorisme en Afrique aujourd'hui,
08:49 pour répondre à votre question,
08:51 il est prégnant, mais depuis quelque temps,
08:54 je crois que les États africains se donnent les moyens
08:58 de faire face à cette pandémie,
09:01 à cet hivre.
09:03 L'Afrique, aujourd'hui, a juste besoin
09:06 de pas grand-chose pour venir à bout du terrorisme
09:09 partout où il se trouve.
09:11 C'est ce que nous pensons.
09:13 -Mais est-ce que vous pensez que le terrorisme
09:16 est contagieux jusqu'à l'intérieur des États ?
09:20 -Il faudrait savoir que le terrorisme
09:25 est au départ une doctrine.
09:30 C'est au départ une doctrine et qu'on ne tue pas une doctrine.
09:33 C'est des idées qui circulent.
09:35 Des idées qui circulent.
09:36 Pourquoi ? Sur la base de certaines revendications
09:39 faites aux autorités et qui entraînent parfois
09:42 la radicalisation de certaines parties prenantes.
09:46 Ce n'est que des individus qui peuvent diffuser leurs idées
09:51 à travers les frontières pour que le terrorisme prenne.
09:54 Mais n'oubliez pas que le terrorisme originel
09:58 n'existe pratiquement pas, il n'existe pas,
10:01 mais les bandits de grands chemins
10:04 prennent pour manteau le terrorisme pour agir.
10:08 Oui, les idées peuvent circuler d'un pays à l'autre,
10:11 mais l'import et la signification,
10:13 tant que les idées djihadistes et autres ne sont pas assimilées,
10:17 vont connaître des limites.
10:19 -Oui, alors, le général Clément Bollé,
10:22 on vous retrouve là.
10:24 Est-ce que les bases militaires françaises
10:27 anciennes et présentes étaient là et sont là
10:30 pour lutter contre le terrorisme ?
10:33 Nous sommes là à ce niveau de la conversation.
10:35 -Oui, alors, peut-être un petit mot,
10:38 juste pour revenir sur le terme de terrorisme,
10:41 parce qu'on le dévoie beaucoup en ce moment,
10:43 un petit peu partout, compte tenu de l'ampleur
10:46 des événements qui y sont liés.
10:48 Le terrorisme, je rappelle que c'est un mode d'action.
10:51 Le terrorisme dont nous parlons en Afrique actuellement,
10:55 ce sont des religieux extrémistes
10:58 qui ont pris comme mode d'action, pour faire valoir leur extrémisme,
11:02 le principe du terrorisme.
11:04 Le terrorisme a inspiré la terreur auprès des populations.
11:08 Les bases françaises en Afrique,
11:10 actuellement, il y a 6 000 militaires français en Afrique,
11:15 répartis sur quatre bases.
11:17 C'est les bases qu'on connaissait hier
11:19 et qui ont été revisitées et très fortement dégraissées,
11:23 les effectifs ont été très fortement diminués
11:25 ces dernières années.
11:27 Il nous reste le Sénégal, la Côte d'Ivoire,
11:30 le Gabon et Djibouti.
11:31 Ce total, c'est à peu près 3 000 soldats.
11:35 Il faut rajouter à ça les éléments français du Sahel,
11:38 qui sont répartis entre Niger, de moins en moins,
11:41 et le Tchad, qui sont à peu près 2 500.
11:44 Il faudrait rajouter la petite mission Coram,
11:47 la mission maritime qui est dans le golfe de Guinée,
11:49 avec 500 personnes, à peu près.
11:51 Et puis, en fond de tableau,
11:53 on a aussi le dispositif de coopération militaire,
11:56 qui n'est pas très important quantitativement,
12:00 mais qui, qualitativement,
12:01 de par la position qu'on se groupe,
12:03 ces coopérants dans les systèmes sécuritaires en Afrique,
12:07 représente un dispositif qu'il ne faut pas négliger.
12:10 Voilà.
12:12 Ces bases françaises,
12:13 tu voulais le participer-t-elle au terrorisme ?
12:16 Oui, dans la mesure où elles coopèrent
12:19 avec les Etats dans lesquels elles sont installées.
12:21 Par ce biais-là, elles coopèrent.
12:23 Mais ce n'est pas, aujourd'hui, de la coopération
12:27 du type de celle qu'on a vécue au travers de Barkhane.
12:31 Mais peut-être un mot sur à quoi servent-elles,
12:34 ces bases françaises ?
12:37 -On va y venir, Gérard. -On va y venir.
12:39 -Je voudrais avoir l'avis de Mme Aminata Traoré, là-dessus,
12:44 vous, sur la persistance du terrorisme en Afrique.
12:48 A quoi vous l'attribuez ?
12:49 Je vous rappelle qu'on vous a par téléphone.
12:54 -Oui, je commence par dire
12:57 que c'est un mot impasse,
13:01 fourre-tout.
13:03 Le débat fait rage à ce sujet, en ce moment, en France,
13:07 à la faveur du conflit israélo-palestinien.
13:12 Je crois que la même perspicacité devrait s'imposer
13:16 dans l'analyse de ce dont il s'agit en Afrique.
13:20 Parce que moi, ce que je sais,
13:22 si je me réfère aux réalités de mon pays, le Mali,
13:27 en son nom, la France est revenue avec armes et bagages
13:31 à imposer son narratif,
13:34 sa stratégie.
13:36 Elle a échoué.
13:38 C'est ce qui a amené le peuple malien
13:42 qui avait accueilli l'opération Serval
13:45 avec enthousiasme,
13:47 à demander le départ de Barkhane et de l'aménagement.
13:50 Donc, cela doit être clair.
13:52 Dès les années 60, le président Modi Wakeita
13:56 a demandé le départ de l'armée française.
13:59 Le dernier soldat français est parti.
14:02 La réalité du Mali,
14:03 les autres pays qui sont aujourd'hui,
14:06 qui abritent des bases militaires,
14:08 ce n'est pas le cas du Mali.
14:09 Donc, l'intervention militaire de la France au Mali,
14:14 au nom d'un phénomène qu'on appelle le terrorisme,
14:17 lui a valu ce que vous appelez
14:22 "sentiment anti-français".
14:24 Ce n'est pas lié au coup d'Etat.
14:27 C'est antérieur.
14:29 C'est lié d'abord à l'échec de ce type d'intervention militaire
14:33 dans le cadre de la lutte contre un phénomène
14:36 qu'on appelle le terrorisme islamiste.
14:38 -Mme Traoré, je voudrais quand même
14:40 qu'on éclaircisse quelque chose.
14:42 Vous avez évoqué le Moyen-Orient.
14:44 La position française, c'est que le Hamas
14:47 est un groupe terroriste.
14:49 Et en même temps, il y a un soutien
14:52 pour la création de deux Etats et au peuple palestinien.
14:56 Est-ce que vous considérez qu'en Afrique,
15:00 le califat et tout ce qui est venu comme terrorisme
15:04 après la disparition de Kadhafi
15:10 a amené en Afrique un terrorisme de nature islamiste ?
15:15 -D'abord, il n'y a pas de califat.
15:18 -Il y avait un califat avant.
15:20 Je vous cite.
15:22 Notre ministre, Lecornu, a déclaré
15:27 que la recrudescence du terrorisme
15:30 nous laisse craindre que l'implantation d'un califat,
15:33 que nous avons réussi à entraver et repousser.
15:36 Vous n'êtes pas d'accord avec cette opinion ?
15:39 C'est la position française.
15:41 -C'est absolument faux.
15:43 C'est le narratif français qui a permis
15:46 de fédérer les opinions à son intervention.
15:52 Je voudrais que 10 ans plus tard,
15:54 qu'on se rende à l'évidence.
15:55 Si vous voulez éviter, comme vous l'avez dit en introduction,
15:59 l'exemption à l'échelle du continent
16:01 du sentiment anti-français,
16:03 il faut vraiment sortir de l'inaudibilité
16:07 qui caractérise la France,
16:09 qui est le manque total d'objectivité.
16:12 On ne nous écoute pas.
16:13 Vous êtes dans l'interprétation,
16:16 mais je vous dis ce que je regrette.
16:19 Je ne suis pas d'accord avec ce diagnostic de M. Lecornu.
16:23 Nous sommes dans une impasse liée au fait
16:25 que les solutions ne sont pas en face des maux
16:28 dont souffre l'Afrique.
16:30 -Merci, Antoine Glaser, sur ce point-là.
16:33 Il semblerait qu'il n'est pas d'accord sur...
16:36 -Non, mais il fallait à un certain moment donné
16:39 que la France justifie sa présence militaire
16:42 vis-à-vis, finalement, des citoyens français
16:44 en disant "attention, le terrorisme
16:47 "va venir de cette zone sahélo-saharienne".
16:49 C'est faux. On n'a jamais vu un Malien
16:52 faire un acte terroriste en France.
16:54 Ça a toujours été beaucoup plus nos banlieues.
16:56 Qu'il y ait un certain nombre de citoyens français
16:59 qui soient allés au Proche Moyen-Orient,
17:01 c'est une autre histoire.
17:03 Il y a un amalgame incroyable dans cette zone sahélo-saharienne
17:07 entre ce qui a été dit par le général Bruno Clément-Bollet,
17:10 entre les coupeurs de route,
17:12 où les gens, les trafics en tout genre.
17:14 Cette zone, c'est une très grande zone
17:17 de trafics en tout genre,
17:18 que ce soit la drogue, le trafic humain, etc.
17:22 Un certain nombre de jeunes, bien sûr,
17:24 ont été pris en main par des groupes islamistes
17:27 mais ils cherchaient simplement du travail.
17:29 Donc, il n'y a pas de califat ni quoi que ce soit.
17:32 Et puis, il y a une chose dont personne ne parle,
17:35 c'est que c'est une période historique...
17:38 -L'intervention de la France
17:39 à l'époque de la présidence Hollande au Mali,
17:42 c'est faite pour combattre le terrorisme.
17:45 -C'est pour empêcher un petit groupe,
17:47 un certain nombre, effectivement, de djihadistes,
17:50 d'ailleurs, d'où la France avait une responsabilité,
17:53 avec l'assassinat du colonel Kadhafi,
17:55 qui sort rentré de Libye,
17:57 des Touaregs qui, effectivement, étaient des indépendantistes,
18:01 qui se sont alliés avec des gens de l'Al-Qaïda,
18:03 du Maghreb islamique,
18:05 ce qui a donné le soutien de l'islam et aux musulmans.
18:08 Mais c'était un petit groupe.
18:10 Si la France serait descendue,
18:12 la France servale serait partie, il n'y aurait eu aucun problème.
18:15 Mais quand les gens ne connaissent pas,
18:18 ils ne se rendent pas compte qu'il y a une islamisation.
18:21 Il ne faut pas confondre le terrorisme
18:23 avec l'islamisation de cette zone,
18:25 depuis la Mauritanie jusqu'au Soudan,
18:27 mais avec des wahhabites, avec des gens,
18:30 avec des prosélytismes saoudiens,
18:32 Qataris, des Emiratis, ça veut dire...
18:34 -Et sans imprégnation terroriste.
18:36 -Bien sûr qu'il y a des noyaux terroristes,
18:39 mais c'est pas l'essentiel.
18:41 C'est le retour, c'est la période postcoloniale,
18:44 on rentre dans une nouvelle période historique,
18:47 c'est l'Afrique des Africains,
18:49 mais il y a une diversité, même entre eux.
18:52 Et je veux dire, c'est vrai que tu as raison.
18:56 Quand tu dis que, par exemple, Al-Qaïda et le Maghreb islamique,
19:00 ils combattent avec l'Etat islamique au Grand Sahara,
19:02 il y a aussi un certain nombre...
19:04 Ils se combattent entre eux.
19:07 C'est une situation très complexe,
19:09 et il faut comprendre que c'est une période historique
19:12 qui change. -Général Clément Bollé,
19:14 comment vous défendez, dans ce cas-là,
19:17 les interventions françaises,
19:19 si elles n'étaient pas là pour lutter contre un terrorisme ?
19:22 -Alors, peut-être,
19:25 on risque de vous surprendre,
19:27 mais je crois qu'au départ de cette affaire,
19:30 donc 2012-2013,
19:32 il me semble, pour ma part,
19:34 qu'il y a peut-être eu une erreur d'analyse
19:37 et qu'on a confondu les causes et les conséquences.
19:40 Globalement, je suis parfaitement en phase
19:43 avec ce que vient de dire Antoine Glaser.
19:46 J'ai peur qu'on ait fait du terrorisme,
19:50 qui commençait à descendre vers Bamako,
19:52 l'unique cause de la déstabilisation
19:55 de toute cette région-là.
19:56 Mais je pense que ça n'était pas la cause,
19:59 ça n'était qu'une conséquence,
20:00 la conséquence de tout ce que vient d'expliquer
20:03 Antoine Glaser, d'une zone complètement laissée à l'abandon,
20:07 une absence d'Etat quasi totale,
20:09 où l'Etat ne rend plus plus ses missions régaliennes
20:12 d'éducation des jeunes,
20:14 de santé des populations,
20:16 de résolution des problèmes sociaux,
20:19 et donc, dans ce magma et dans cette anarchie globale,
20:22 le terrorisme qui descendait avait beau jeu de faire son lit.
20:25 Et j'ai peur que l'analyse qu'on en ait faite
20:29 se soit concentrée quasi uniquement
20:32 sur cette affaire de terrorisme,
20:35 oubliant le reste.
20:36 Et donc, la réponse que nous avons donnée pendant des années,
20:39 jusqu'à 2021, 2022, n'a été quasiment que sécuritaire,
20:43 au détriment d'une vision globale
20:46 qui nous aurait permis d'apporter des réponses
20:49 outre-sécuritaires,
20:51 mais des réponses politiques,
20:53 économiques, sociales,
20:56 et c'est tout ça qui a manqué.
20:58 Je crois que...
20:59 Je mets pas du tout en faute les militaires,
21:02 qui ont, à mon sens, très bien fait ce qu'on leur demandait.
21:06 Je remets en cause l'analyse, au départ,
21:09 de notre engagement, qui a fait
21:11 qu'on a fait du problème sécuritaire,
21:14 du problème du terrorisme,
21:16 l'unique cause de ce qu'il fallait défendre.
21:18 Donc, quand vous avez qu'une cause,
21:20 vous donnez des réponses à la cause,
21:23 et la seule réponse que nous avons donnée,
21:25 puisque notre analyse était courte,
21:27 a été sécuritaire.
21:28 -Diaga et Bagaioco, sur ce point-là ?
21:30 -Ce que je trouve très intéressant,
21:33 dans cette discussion, c'est que nous sommes
21:35 cinq intervenants qui ont une convergence absolue
21:38 dans leurs analyses. C'est-à-dire qu'on ne nie pas
21:41 qu'il y a des actes de nature terroriste
21:44 dans cette zone, bien entendu,
21:46 mais d'abord, les actes qui sont commis
21:48 n'ont rien à voir avec le terrorisme
21:51 tel qu'on a pu l'expérimenter en Europe.
21:53 Il y a eu très peu d'attentats ciblant des civils,
21:56 dans les villes, notamment.
21:58 Ce sont plutôt les populations qui sont
22:00 les premières victimes de ces différents groupes djihadistes.
22:04 C'est la première chose.
22:05 On ne va pas nier non plus que l'emprise
22:08 de ces insurrections djihadistes
22:11 s'étend maintenant au-delà du Sahel,
22:13 pour toucher notamment les pays côtiers,
22:15 voire certaines zones de l'Afrique centrale
22:19 et de l'Est.
22:20 Ce que l'on souligne tous, je pense,
22:24 c'est qu'on ne peut pas considérer
22:26 que le mot de "terrorisme" suffit à résumer
22:30 la réalité sécuritaire de cette zone.
22:32 C'est le premier élément.
22:34 D'autre part, la présence militaire française
22:37 est bien antérieure, comme l'a dit le colonel tout à l'heure,
22:41 à cette problématique dite "terroriste"
22:45 et a donc d'autres explications
22:50 La question qui se pose aujourd'hui
22:53 et de savoir pourquoi il y a un tel rejet de la France,
22:57 c'est notamment parce que la France a affirmé
23:00 être en mesure d'éradiquer le terrorisme,
23:03 alors que la crise sécuritaire est beaucoup plus large
23:07 et excède bien entendu non seulement les moyens de la France,
23:10 mais ceux de tous les partenaires internationaux.
23:13 On voit l'échec des Nations unies, de l'Union européenne,
23:16 de la Russie sur le plan sécuritaire,
23:19 qui n'inverse pas la situation,
23:21 parce qu'une fois de plus,
23:23 les manifestations sont beaucoup plus larges
23:27 et je pense qu'il est important que nos dirigeants
23:30 aussi le prennent en considération,
23:33 parce que l'insécurité ne cesse de progresser,
23:37 mais les réponses trop militarisées, notamment,
23:40 ne permettent pas d'y répondre.
23:42 -Mme Aminata Traoré, vous voulez intervenir ?
23:45 Je rappelle que vous êtes en liaison radio.
23:49 -Oui. Je crois qu'il faut en finir également
23:53 avec cette idée selon laquelle
23:56 la zone est laissée à l'abandon
24:00 par des Etats faibles, faillis, ainsi de suite.
24:04 C'est totalement insuffisant
24:07 pour rendre compte des causes structurelles
24:10 du phénomène dont il s'agit,
24:13 pour rendre compte de la lame de fond
24:17 qui fait que ce dont il s'agit,
24:20 appelons-le terrorisme pour l'instant,
24:23 se répand.
24:24 On donne l'impression en ce moment
24:26 aux Etats côtiers et au reste de l'Afrique
24:28 que circonscrire le mal au Sahel
24:30 les mettra à l'abri, justement,
24:32 de tout ce que nous déplorons aujourd'hui.
24:35 Il ne s'agit pas de l'abandon,
24:39 il ne s'agit pas que de l'incapacité de ces Etats.
24:42 Ce sont des Etats.
24:44 Si nous occultons le contexte
24:48 dans lequel ce phénomène a surgi,
24:51 et parallèlement au phénomène migratoire,
24:53 je parle de la migration comme elle se déroule en ce moment,
24:56 c'est lié à l'échec lamentable
24:59 du modèle économique mis en oeuvre dans ce pays.
25:02 Les programmes d'ajustement structurel
25:04 qui ne permettent pas, qui n'ont pas permis,
25:06 et tout ce qui se poursuit en ce moment,
25:09 qui ne permet pas de créer d'emplois,
25:11 de répondre aux besoins existentiels des gens,
25:14 poussent les pouces dans les bras
25:16 de ce que vous voulez, toutes sortes de trafiquants,
25:19 dont ceux qui recrutent ces jeunes-là
25:21 et pourront faire des combattants
25:23 d'une cause qu'eux-mêmes ne définissent pas.
25:27 Donc, il y a énormément de malentendus
25:30 autour de cette affaire-là,
25:31 tant qu'on n'aura pas compris,
25:32 justement, à la faveur du basculement du monde
25:35 qui est en cours,
25:36 que la France a cruellement besoin de l'Afrique,
25:39 qu'il ne s'agit pas du sauvetage du Mali,
25:41 du Burkina, du reste du continent,
25:44 il s'agit du sauvetage de la France elle-même.
25:47 -Merci, madame.
25:49 Merci, madame. Je vais demander l'avis
25:51 du colonel Roger Kwietschey là-dessus,
25:53 et vous me dites, colonel, dans ce cas-là,
25:56 pourquoi avoir fait venir la milice Wagner,
25:59 si ça n'est pas pour lutter contre du terrorisme ?
26:02 -Alors, madame, j'avais d'abord voulu rebondir
26:07 sur l'inaudibilité dont a parlé, je crois, madame Aminata.
26:12 Je pense que ce genre, ce type d'émission
26:15 permet d'étirer des leçons pour améliorer l'avenir.
26:20 Et cette inaudibilité est un véritable problème.
26:25 Comment ne peut-on pas se rendre compte
26:28 qu'en Afrique, aujourd'hui,
26:29 on assiste au déploiement des dynamismes
26:33 de plus ou moins affirmés
26:35 tendant à la liquidation des systèmes coloniaux de prédation ?
26:39 Les rébellions idéologiques,
26:42 et parfois militaires, le montrent à suffisance.
26:45 Ne pas le voir, c'est se poser encore une surprise stratégique.
26:49 Mais les bases militaires,
26:54 j'ai essayé de parcourir un peu les missions des militaires en Afrique.
26:58 La mission, c'est de protéger
27:01 les ressentissants français sur le territoire,
27:05 africain, et protéger les intérêts français.
27:09 Quid des intérêts du pays hot ?
27:11 Ça, c'est dans tous les pays,
27:15 que ce soit les éléments français, ou les éléments licorne.
27:18 L'opération licorne.
27:21 Qu'est-ce qu'ils font en Afrique après tous ces événements ?
27:23 Le véritable problème vient de ce qu'il n'y a pas,
27:28 j'allais dire une sorte de deal pour comprendre exactement
27:30 quels sont les besoins.
27:31 Dès l'Afrique, comment c'est les problèmes ?
27:33 Dès l'Afrique, des missions militaires anormalement longues,
27:37 sans objectifs précis déterminés dans le temps,
27:40 et des objectifs mesurables dans le temps.
27:43 Alors, si vous posez la question de savoir pourquoi Varnais,
27:48 avant Varnais, l'Afrique existait, l'Afrique se battait.
27:52 Aujourd'hui, si la France ne veut pas se rendre compte
27:55 de la nécessité de la multipolarité,
27:58 et d'essayer de se battre, de se conformer aux réalités,
28:02 au monde qui change, pour accepter la multipolarité
28:05 et tous les autres partenaires qui sont là,
28:07 ce serait vraiment difficile pour tout le monde.
28:10 Tout le monde a besoin de tout le monde pour se bâtir.
28:14 - Oui.
28:15 - Pour venir là-dessus, j'ai dit, les missions françaises en Afrique,
28:19 elles sont arrivées, on les a bien accueillies,
28:21 mais elles sont anormalement longues,
28:23 elles n'ont pas d'agenda bien défini.
28:27 J'ai regardé tout à l'heure, il y a environ 5 630 militaires français
28:32 en Afrique. Mais c'est pourquoi...
28:33 - Oui, mais colonel, permettez que je vous interrompe.
28:37 Si on regarde les échanges économiques
28:42 entre l'Afrique et le reste du monde,
28:45 la France est très loin derrière des pays comme la Chine.
28:49 Donc, en matière de prédation, la France est donc très, très loin
28:53 de cette prédation qui peut venir de l'Asie.
28:56 La question que je vous pose, c'est que,
28:59 est-ce que les forces qui viennent de Chine, de Turquie, de Russie,
29:05 vous pensez qu'elles sont là uniquement par philanthropie ?
29:09 - Personne n'est dupe pour penser qu'il y a de la philanthropie.
29:13 Les États n'ont pas d'amis, les États n'ont que des intérêts.
29:17 Si la France est restée longtemps en Afrique,
29:19 c'est parce qu'elle avait vu son intérêt.
29:20 Mais le véritable problème,
29:21 c'est que nous constatons aujourd'hui avec le recul,
29:24 que la France a très peu pris en compte les intérêts des Africains.
29:28 La France a été inaudible par rapport aux intérêts des Africains.
29:31 Je viens de lire là qu'on a publié un rapport, je vous en prie,
29:35 qu'on a publié un rapport de l'Assemblée nationale
29:38 sur la raison du sentiment anti-français.
29:40 Moi, je ne dirais pas sentiment anti-français.
29:42 La relation avec la France, c'est un héritage qu'on assume.
29:46 Nous parlons le français.
29:47 Moi, je dirais un sentiment anti-politique française.
29:50 Nous aimons bien la France, nous parlons le français.
29:52 Nous avons beaucoup d'amis en France,
29:55 donc ce n'est pas un sentiment français en tant que tel.
29:57 Dans ce rapport,
29:59 il me paraît qu'on dit qu'il faut rebâtir
30:03 les relations avec la France à travers
30:05 une aide au développement réorienté
30:08 et une efficacité de l'aide publique au développement
30:13 et une offre stratégique et militaire.
30:15 C'est ce que nous attendons.
30:16 Depuis 60 ans,
30:18 très peu d'armées africaines qui ont évolué avec la France
30:23 disposent de matériel français pour faire face au djihadisme.
30:27 -Colonel, le général Clément Bollé veut réagir là-dessus.
30:31 Général, vous avez entendu ce qui a été dit.
30:35 La France, dans sa présence en Afrique,
30:38 n'a pas défendu les intérêts africains.
30:41 Comment vous réagissez quand vous entendez cela ?
30:44 -J'ai trouvé les propos du colonel Kouitché très intéressants.
30:48 Il a trouvé des choses, des réalités
30:51 qui nous remontent peut-être un peu à la figure aujourd'hui.
30:55 Effectivement,
30:56 les missions de la présence militaire française,
30:59 c'est d'abord la protection des intérêts vitaux,
31:02 dont les ressortissants,
31:03 les intérêts économiques qui sont assez minimes,
31:06 pour ceux qui connaissent la partie,
31:08 il faut le reconnaître aujourd'hui,
31:10 et les intérêts de puissance.
31:12 C'est ça qui est extrêmement important aujourd'hui.
31:15 La France, qui se fait une puissance moyenne
31:17 à vocation mondiale sans l'Afrique,
31:19 aura du mal à assumer ça.
31:21 Je suis tout à fait d'accord avec le colonel.
31:24 La France a besoin d'une relation particulière avec l'Afrique
31:27 et elle doit la soigner
31:29 et se faire comprendre du continent africain.
31:31 C'est peut-être ça, justement,
31:33 qui a... -Oui, mais le colonel a dit
31:36 que la France n'a pas pris en considération
31:39 les intérêts africains.
31:40 Qu'est-ce que vous répondez à cela, vous, comme général ?
31:44 -J'y venais, cher monsieur.
31:47 J'y venais.
31:48 En fait,
31:49 quand nous expliquons aujourd'hui
31:51 la présence militaire française en Afrique,
31:54 on ne se focalise que sur nos intérêts,
31:56 les intérêts que nous défendons et la raison pour lesquels ils sont là.
32:00 Et jamais, quasiment, nous n'expliquons
32:03 quels intérêts l'Afrique peut retirer
32:07 de cette présence militaire.
32:09 Je me rappelle avoir, au début des années 2000,
32:12 été à l'Elysée en charge des dossiers de sécurité en Afrique.
32:15 Nous avons eu exactement le même problème
32:18 que la situation en Côte d'Ivoire.
32:20 En 2002, quand nous sommes intervenus
32:22 pour séparer les rebelles du Nord
32:25 et les gens du Sud,
32:27 les forces d'armée du Sud,
32:29 on a été constitués d'abord en Côte d'Ivoire,
32:32 on nous a demandé de quoi nous mêlions-nous.
32:36 Ensuite, ça s'est répandu dans les journaux
32:38 de toutes les capitales africaines
32:41 et on était incapables d'expliquer pourquoi,
32:43 quel était l'intérêt de la présence militaire française
32:47 pour l'Afrique, pour les Africains.
32:49 C'est un dossier très lourd que j'ai eu à porter à l'Elysée,
32:52 car j'étais en charge de la situation sécuritaire en Afrique,
32:56 et pour lequel la réponse que nous avons donnée
32:58 fait que nous avons couplé notre présence militaire française
33:02 à la montée en puissance des forces africaines en attente.
33:05 On a donné très clairement, comme mission à chacune de nos bases,
33:10 de se mettre à la disposition des sous-régions africaines
33:13 pour aider à la montée en puissance
33:17 de ce qu'on appelle la force africaine en attente.
33:20 L'Union africaine, avec les sous-régions,
33:22 a décidé de faire monter en puissance
33:24 une force interafricaine au niveau de chacune des sous-régions.
33:28 La base du Sénégal se mettait à la disposition de la CDAO,
33:31 la base de Djibouti à la disposition de...
33:34 Euh...
33:35 De la... Pardon.
33:37 -De Ligade. -De Ligade, oui, pardon.
33:40 Le Gabon à la disposition de la CEC.
33:44 Et la base de la Réunion,
33:47 puisque nous n'avons pas de présence historique en Afrique australe,
33:51 la base de la Réunion se mettait à la disposition de la SADC.
33:55 J'ai eu à aller expliquer ce dispositif à l'Union africaine
33:59 à chacune des sous-régions.
34:00 Je peux vous dire que dans les mois qui ont suivi,
34:03 tout s'est calmé parce que nous avions répondu
34:07 à l'interrogation africaine.
34:08 "Pourquoi êtes-vous présent aujourd'hui,
34:10 "vous, militaires français, en Afrique ?"
34:13 Cet effort-là, il serait bon de le refaire aujourd'hui
34:17 pour que notre présence, si nous la maintenons,
34:20 soit acceptée.
34:21 -Merci, général.
34:23 Bien, nous allons poursuivre notre conversation.
34:37 Alors, il y a un paradoxe.
34:39 Les coups d'Etat en Afrique, Mali, Burkina Faso, Niger,
34:42 ça a été rappelé, se sont accompagnés
34:44 d'un sentiment anti-français,
34:47 alors que la France afrique, il faut bien le reconnaître,
34:50 aujourd'hui, est un encéphalogramme plat,
34:53 ou même quasiment disparu.
34:56 Est-ce que, à votre avis,
34:58 Nagale Bakayoko,
35:01 est-ce que ce sentiment anti-français
35:05 était lié à la présence des bases militaires ?
35:09 -En tout cas, il s'agit du symbole,
35:12 avec le franc CFA, qui est le plus souvent brandi aujourd'hui,
35:17 pour dénoncer une présence
35:20 qui est perçue comme beaucoup trop intrusive
35:23 dans les affaires régaliennes des Etats africains.
35:28 Mais il y a eu plusieurs éléments
35:31 qui ont amené à ce que je suis d'accord avec le colonel.
35:35 Il convient, à mon avis, davantage de qualifier
35:38 ce sentiment de rejet de la politique étrangère
35:41 de la France en Afrique
35:42 plutôt que de sentiment anti-français en tant que tel,
35:45 parce que ce sont précisément tous ces attributs
35:49 perçus comme la survivance d'un système
35:53 qui a démontré son inefficacité,
35:56 qui sont remis en cause aujourd'hui.
35:58 On a suffisamment parlé de la lutte contre le terrorisme.
36:02 Pourquoi est-ce qu'il y a rejet aujourd'hui ?
36:05 Parce qu'on estime, dans les opinions publiques africaines,
36:08 que la France, malgré les moyens dont elle affirmait disposer,
36:12 s'est révélée tout à fait incapable
36:14 de contenir l'expansion des insurrections djihadistes
36:19 ou commettant des actes terroristes.
36:22 Mais, par ailleurs, on reproche aussi à la France
36:25 sa collusion avec un certain nombre de régimes
36:28 qui n'étaient que des démocraties de façade,
36:31 voire son indulgence envers des régimes militaires,
36:35 poutchistes, comme le Tchad, par exemple,
36:38 et sa sévérité envers d'autres.
36:40 C'est son double discours, les doubles standards qu'elle utilise,
36:44 qui sont remis en cause.
36:45 Enfin, on lui reproche aussi la façon
36:49 dont, formellement, elle s'adresse,
36:51 par le biais de ses plus hautes autorités,
36:54 aux acteurs africains, qu'il s'agisse des sociétés civiles
36:58 ou des autorités étatiques,
36:59 à travers un discours qui apparaît
37:01 comme beaucoup trop moralisateur ou paternaliste.
37:05 C'est, à mon avis, cela qui nourrit
37:08 le sentiment de rejet de la politique
37:10 menée par la France en Afrique.
37:13 -Merci. Alors, colonel Kouitché,
37:15 je voudrais avoir votre avis là-dessus.
37:18 Les bases militaires françaises
37:20 ne sont plus là, au Mali, au Burkina, au Niger.
37:24 Concernant la mondialisation économique,
37:27 la France est complètement distancée
37:29 par des pays comme la Chine,
37:32 la Russie, la Turquie, etc.
37:35 Pourquoi persiste, alors, dans ce cas-là,
37:39 un sentiment anti-français ?
37:41 La France-Afrique est plus là,
37:43 les bases militaires sont plus là.
37:45 On revoit ce qu'a été
37:49 la politique française en Afrique.
37:51 Donc, à mon avis, c'est à l'Afrique
37:54 à refonder sa politique sans la France.
37:56 On ne peut pas demander à continuer
37:59 avec un pays avec lequel on a souhaité
38:03 rompre des liens militaires
38:05 et amoindrir les liens économiques.
38:08 -Pourquoi est-ce qu'on a souhaité rompre ces liens ?
38:11 Le général a parlé tout à l'heure
38:13 de la réorientation des missions des bases françaises
38:18 en Afrique dans le cadre de la montée en puissance
38:21 des forces en attente.
38:23 Mais désolé, on donne le tout.
38:25 Je dis qu'il y a eu une faible volonté
38:27 des Français de puissamment équiper
38:31 les armées africaines.
38:32 Plus de 60 ans de formation,
38:35 les équipements aujourd'hui dans les armées africaines
38:37 dirigés par la France ou bien formés par la France
38:41 ont encore des équipements bêtistes.
38:43 Moi, je peux vous dire que nous sommes,
38:45 tous les pays africains, nous sommes profondément jaloux
38:47 de tout ce qui est donné à l'Ukraine.
38:49 Donnez-nous le tiers de ce qui a été donné à l'Ukraine
38:51 et nous allons combattre le terrorisme,
38:53 notamment les moyens aériens.
38:56 Donc, si les relations sont rompues,
39:00 laissez-les rester.
39:02 Laissez-les rester.
39:03 Et puis, cette grosse arnaque du français...
39:06 -Mais on ne vit pas en se faisant suppurer le passé, colonel.
39:10 -Non, on ne peut pas avancer sans tenir compte du passé.
39:16 La rupture n'est pas brutale.
39:18 Encore que je vous ai dit que ce n'est pas un sentiment français
39:22 en tant que tel. Non, c'est un sentiment
39:24 anti-politique français.
39:26 Nos relations avec les Français restent.
39:29 Nos relations avec les Français restent,
39:31 mais il faudrait les réorienter dans l'intérêt des Africains.
39:34 Aujourd'hui, ce doit être du win-win.
39:37 Ce doit être du win-win.
39:38 Ces bases africaines, dans leur conception initiale,
39:43 ne nous servent pas à grand-chose.
39:45 Puisqu'on vous l'a démontré tout à l'heure,
39:47 nous ne voyons pas nos intérêts dans la présence des bases.
39:49 -Je vous pose la question,
39:51 et elle va être posée à tous nos intervenants.
39:54 Est-ce que vous êtes favorable, aujourd'hui,
39:56 à ce que la France évacue toutes ses bases militaires,
40:00 à savoir en Côte d'Ivoire, au Sénégal, au Gabon, à Djibouti ?
40:04 Puisque la question est posée... -Dans l'intérêt supérieur...
40:10 Quand on fait le bilan de la présence de ces forces militaires,
40:14 le Mali n'a pas recouvré l'intégralité de son territoire.
40:21 En RCA, on a toujours des conflits intercommunautaires,
40:27 dont le résultat est vraiment marginal, dans ces conditions.
40:31 Moi, je pense que dans l'intérêt supérieur de la France,
40:34 ces bases doivent être retirées, et c'est déjà trop tard.
40:37 -Toutes ces bases ?
40:39 -Toutes ces bases. Encore que l'Afrique n'est pas un pays.
40:43 L'Afrique n'est pas un pays.
40:45 Comme vous dites "France-Afrique", Afrique-France.
40:47 L'Afrique n'est pas un pays.
40:48 L'Afrique est un continent qui a plusieurs pays,
40:50 et effectivement, les bases n'existent pas
40:53 sur tous les États africains,
40:55 dont à la fin, ce sera géré au cas par cas,
40:57 en fonction des intérêts de chaque pays.
41:00 Mais mon sentiment personnel,
41:02 ancien militaire ayant combattu les terrorismes
41:05 dans certains points de l'Afrique,
41:07 moi, je pense que le bilan ne nous permet pas aujourd'hui
41:10 d'accepter la présence des bases françaises
41:12 si leurs missions ne sont pas réorientées
41:14 dans l'intérêt des Africains, comme l'a dit le général.
41:17 -Vous entendez, Antoine Grézère,
41:20 ce que dit le colonel,
41:21 il faut évacuer toutes les bases militaires.
41:23 -Il faut...
41:25 -Quel est votre point de vue ?
41:27 -Mon point de vue, c'est qu'il faut déjà comprendre
41:30 pourquoi ces bases étaient là.
41:31 Ces bases, elles étaient là dans une période historique
41:35 très particulière,
41:36 dont on a l'impression que tout le monde a oublié,
41:38 ces 30 ans où, finalement, même les propres alliés de la France
41:42 étaient très contents que la France
41:44 soit au nom de la lutte contre l'Union soviétique,
41:47 pendant toute cette période de guerre froide en Afrique,
41:50 la France assurait, finalement,
41:53 pour l'Occident, assurait la sécurité
41:57 contre l'Union soviétique,
41:58 de 1960 jusqu'à la chute du mur de Berlin,
42:01 1945, mais ça a continué jusqu'à la chute du mur de Berlin.
42:05 Si on prend en compte cette période historique
42:07 qu'on appelle, pour faire court,
42:09 ce système intégré de la France-Afrique,
42:11 où la France avait ses bases militaires,
42:14 mais du point de vue économique,
42:16 elle avait le pétrole, l'uranium,
42:17 elle avait les marchés à 50-60 %,
42:19 parce que ses propres alliés, comme l'Allemagne,
42:22 l'Allemagne est devenue
42:24 le premier exportateur de l'Europe vers l'Afrique.
42:26 La France, l'armée, elle avait ce système intégré.
42:29 Maintenir des bases permanentes en Afrique,
42:32 pendant que la France a continué à faire le gendarme,
42:35 après cette période, c'est les autres qui faisaient le business.
42:39 Il faut, à un certain moment donné,
42:41 en tenir compte. La France n'a pas vu l'Afrique se mondialiser.
42:44 On parle toujours de la Russie, de Wagner,
42:47 mais vous avez les Turcs qui proposent des drones,
42:49 vous avez les Américains qui ne sont pas partis du Niger
42:53 alors que la France s'est fait virer du Niger.
42:55 La France n'est pas seule.
42:57 On parle toujours de la France-Afrique.
42:59 C'est une période historique, mais maintenant, c'est terminé.
43:02 Open bar pour tout le monde.
43:04 -On va rester sur les bases militaires.
43:06 Général Clément Bollé, vous avez entendu
43:09 ce qu'a dit le colonel Kuitchet, ce qu'a dit Antoine Glaser.
43:13 Est-ce que la France doit évacuer toutes ses bases militaires
43:16 en Afrique ?
43:18 Je vous poserai une question qui est corrélative à ce point-là.
43:22 Est-ce qu'on resterait, dans ce cas-là,
43:25 une grande puissance, même si c'est...
43:27 On nous considère aujourd'hui comme une puissance moyenne.
43:31 J'aimerais avoir votre avis, très clairement,
43:33 sur ces bases militaires.
43:35 -Oui, mais je vais, bien sûr, vous le donner.
43:38 Euh...
43:39 Je pense qu'aujourd'hui,
43:41 il y a effectivement ce sentiment antifrançais
43:44 qui se focalise, comme l'a très bien dit Nia Gallé,
43:47 sur l'image du militaire,
43:48 parce que c'est le bouc émissaire facile,
43:51 parce qu'il est très visible,
43:52 les drapeaux de Français dans les rues d'Abidjan,
43:55 tout ça est très visible.
43:57 Et le problème, quand même, qu'on rencontre aujourd'hui,
44:00 c'est que chaque base militaire française
44:03 est un îlot d'exaspération de la rue africaine.
44:06 C'est ça qu'on vit aujourd'hui.
44:07 Je suis encore une fois absolument d'accord
44:10 avec ce qu'a dit l'analyste d'Andouane Glazer.
44:13 Ces temps ont vécu.
44:14 Maintenant, j'ai l'impression que, dans ce débat,
44:17 on fait pas...
44:19 Soit on maintient les bases,
44:22 soit on les évacue.
44:23 Mais il y a peut-être un dispositif intermédiaire
44:26 qui fait que repenser...
44:28 Repenser notre façon de gérer les affaires sécuritaires,
44:31 les dossiers sécuritaires français en Afrique,
44:34 repenser la forme de notre présence,
44:36 pourquoi s'en priver ?
44:38 Pourquoi ne pas le faire en corrélation
44:40 avec nos partenaires africains
44:42 pour que cette présence revisitée, reformée ?
44:44 Je parlais tout à l'heure
44:46 d'un dispositif de coopération militaire.
44:48 Peut-être que c'est là-dessus
44:50 qu'il faut réorienter un engagement français.
44:53 Mais pour répondre, en tout cas, clairement à votre question,
44:57 moi, je pense que l'heure des bases françaises en Afrique
45:01 a vécu et finie.
45:03 Et que maintenir une base française en Afrique,
45:06 c'est se mettre en...
45:08 C'est créer un îlot des aspirations.
45:11 On le voit bien dans les rues du Sénégal,
45:13 dans les rues de Dakar, dans les rues de Dabijan.
45:16 Regardez ce que pense l'opinion publique.
45:18 Il ne faudrait pas que ça se termine comme au Niger.
45:21 Moi, je crois que si on anticipe ça,
45:24 si on comprend bien ça, si on analyse bien ça,
45:26 et que si on réfléchit
45:28 à inscrire un engagement sécuritaire
45:32 pensé en relation avec nos partenaires africains,
45:36 notamment en y soulignant leur intérêt,
45:38 et tout ça inscrit dans une nouvelle politique africaine
45:42 de la France, avec sa dimension développement,
45:45 avec sa dimension économique, avec sa dimension sociale,
45:48 aurait tout son sens.
45:50 En tout cas, je suis farouchement opposé
45:53 à ce que la France rompt ses relations avec l'Afrique.
45:56 -Merci, général.
45:57 Madame Aminata Traoré, vous voulez intervenir sur ce point
46:01 et sur... Merci aussi de nous donner votre point de vue
46:05 sur la présence ou la fin de ces bases militaires en Afrique,
46:10 bases militaires françaises.
46:12 -C'est mon tour ? -Oui, c'est à vous.
46:16 -D'accord.
46:17 Non, je voudrais juste,
46:19 par rapport au sentiment anti-français,
46:22 rappeler que les sanctions
46:25 imposées au Mali par la CEDEAO
46:29 ont joué un rôle déterminant
46:31 dans la colère de la région,
46:33 non seulement au Mali,
46:35 dans différents pays et jusqu'au niveau de diaspora.
46:39 Et ça, c'est extrêmement important,
46:41 en raison de ce qu'on appelle aujourd'hui la punition collective.
46:44 Elle est aujourd'hui infligée au peuple du Niger
46:47 au nom du retour à l'ordre constitutionnel normal.
46:50 Maintenant, pour ce qui est des bases militaires,
46:54 moi, je pense qu'il faut vraiment être à l'écoute
46:58 de toutes ces... Vous ne pouvez pas vous imaginer
47:02 les dynamiques qui sont en cours ici,
47:04 comment les gens sont sortis, pourquoi les gens sont sortis.
47:07 Alors, quand on pense que la guerre,
47:10 en tout cas l'intervention militaire,
47:12 n'a pas tenu ses promesses,
47:14 dans le cas du Mali, en tout cas,
47:16 et certainement d'autres pays sahéliens,
47:18 et qu'il fallait que la France parte,
47:20 c'est là qu'il faut entendre.
47:22 Moi, je ne suis pas jaloux
47:26 des moyens militaires donnés à l'Ukraine.
47:29 Je crois que ce qui convient le mieux, le plus,
47:32 aujourd'hui, à une région du monde comme l'Afrique,
47:35 c'est, comme l'Union africaine l'a dit,
47:38 mais sans pouvoir faire quoi que ce soit,
47:40 faire taire les armes, tout comme on plaide aujourd'hui
47:43 pour le cessez-le-faire en Palestine,
47:45 il faut faire taire les armes en Ukraine, en Palestine,
47:48 au Congo et au Sahel.
47:50 Nous avons cruellement besoin de ces moyens.
47:53 La guerre ne profite qu'au lobby de l'armement.
47:57 C'est la seule industrie qui marche aujourd'hui,
48:00 qui crée des emplois.
48:01 C'est le lieu par excellence du business.
48:03 -Merci, madame Aminata Traoré.
48:07 -Je vais terminer.
48:09 -Oui, Ndiaghalé. -Je peux terminer ?
48:11 -Oui, terminez, parce qu'on a peu de temps.
48:13 -Non, je m'excuse.
48:15 Peut-être que mes arguments ne plaisent pas,
48:18 mais je veux juste dire que toutes ces guerres
48:20 sont les guerres de la mondialisation prédatrice.
48:23 Il faut faire taire les armes. -Merci.
48:26 -Alors, Ndiaghalé Bagayoko,
48:27 je voudrais quand même vous poser cette question géostratégique.
48:32 Que l'Afrique veuille reprendre son destin en main,
48:35 on le comprend.
48:36 Qu'elle veuille le faire hors d'une présence militaire française,
48:40 ça semble même,
48:43 aujourd'hui, un avis favorable.
48:46 Vous l'avez entendu, le général Clément Bollé.
48:49 Mais l'Afrique va aussi vers d'autres pôles géostratégiques.
48:53 Des pays comme l'Afrique du Sud, l'Ethiopie,
48:57 ont rejoint les briques,
48:59 où il y a la Chine, la Russie,
49:02 des pays comme l'Iran et d'autres pays
49:05 qui ne sont pas neutres dans les conflits mondiaux
49:07 et qui même les attisent,
49:09 parce que l'Iran est impliqué dans le terrorisme islamiste,
49:13 la Russie est impliquée dans le désastre ukrainien
49:17 et on voit des pays africains rentrer là-dedans.
49:21 Comment vous voyez cette Afrique de demain
49:25 hors une présence française,
49:27 mais sous influence
49:31 d'autres continents ?
49:33 -Plus en démoins, l'Iran n'est absolument pas impliqué
49:36 dans le terrorisme en Afrique,
49:38 quelle que soit la façon dont on prend l'équation.
49:43 On peut parler éventuellement des puissances telles...
49:46 -L'Iran est impliqué dans le terrorisme
49:50 à travers les Houthis, le Hamas...
49:52 -Ce serait plus pour l'Afrique l'Arabie saoudite...
49:55 Si on parle de l'Afrique, l'Arabie saoudite ou le Qatar
49:58 ont plus d'influence sur l'islamisation.
50:02 -Des pays africains sont rentrés dans le groupe des briques
50:05 où l'Iran est rentré en présent temps.
50:08 -C'était simplement pour mentionner ce point-là.
50:11 Ce qui est très important, c'est que, pour moi,
50:14 ce qui se produit d'historique,
50:16 comme le dit Antoine Glaser,
50:18 c'est cette volonté des Etats africains
50:20 de diversifier leurs partenariats et de maximiser leurs intérêts.
50:24 Et, à mon sens, cela n'exclut absolument pas la France.
50:28 Aujourd'hui, on est dans une période de crispations intenses,
50:33 mais je pense que, d'ici quelques années,
50:36 quatre ou cinq ans tout au plus,
50:38 il y aura cohabitation de différents partenaires.
50:41 Vous parlez de la Russie. Il est intéressant,
50:43 si on prend le cas de la Libye, de voir que la Russie,
50:46 à travers Wagner, soulignons-le,
50:48 soutenait le même camp, à savoir celui du maréchal Haftar,
50:52 que la France. Donc, ce type de partenariat
50:56 très opportuniste de la part des Etats africains,
50:59 qui renvoie tout simplement à la politique,
51:01 à la réelle politique de tout Etat dans le monde,
51:04 fait qu'à mon avis, des partenaires de nature très différente
51:09 vont cohabiter les uns à côté des autres
51:12 dans les coopérations, notamment militaires,
51:14 qui vont se mettre en place dans les années à venir
51:17 entre le continent africain
51:19 et différentes zones géographiques de par le monde.
51:23 -Antoine Gazer, vous partagez cette vision géopacifique...
51:27 -Pas géopacifique, Ndiaghelle, elle n'a jamais dit...
51:30 -Géopolitique, on va dire.
51:32 -Elle dit simplement, et je suis d'accord avec elle,
51:35 que les Africains prennent en compte ce qu'on n'a pas pris en compte,
51:39 on a continué à croire qu'on était chez nous,
51:42 dans nos 13 anciennes colonies.
51:44 C'est-à-dire que les Africains prennent en compte
51:46 toutes les opportunités qui s'offrent à eux.
51:49 Vous avez raison, il y a une répartition des tâches en Afrique,
51:53 entre les Chinois, qui font vraiment le business,
51:57 les Russes, qui font aussi une partie de la sécurité,
52:00 mais c'est de la faute de la France,
52:02 qui s'est retirée des pays comme le Centre-Afrique,
52:05 à un moment donné, qu'a laissé arriver Wagner,
52:08 qui a abandonné le terrain,
52:09 les Russes qui ont fait les négociations
52:12 avec les Etats-Unis. Vous avez raison de parler,
52:14 on a parlé beaucoup géopolitique,
52:16 mais vous avez raison de parler de géoéconomie,
52:19 parce qu'à mon avis, l'Afrique va redevenir
52:22 totalement géostratégique sur le plan des matières premières.
52:25 Des pays comme la RDC le sont déjà pour le tantal et autres,
52:29 mais vous avez le lithium,
52:30 je sais que les Américains en Centre-Afrique
52:33 regardent des gisements de terres rares.
52:36 Donc on est dans une période historique,
52:38 il faut que la France prenne en compte
52:40 la mondialisation de l'Afrique.
52:42 C'est pour ça que c'est quelque chose qui...
52:45 C'est une question historique, et ce boomerang
52:47 que se prend la France sur les sentiments antifrançais,
52:51 vous dites que vous n'avez plus d'intérêt,
52:53 et il y a des sentiments antifrançais,
52:55 mais c'est ce retour de l'impensé, comme on dit.
52:59 -Bien, on va s'arrêter là.
53:01 Il y a beaucoup de questions qu'on pourrait poser,
53:04 on aurait pu continuer, mais on fera une prochaine émission
53:07 sur ce sujet-là.
53:09 Je voudrais vous remercier, mais avant de vous remercier,
53:13 je voudrais vous citer une brève bibliographie.
53:16 Alors, Aminata Traoré,
53:18 vous avez publié "L'Etot ou l'Afrique
53:20 dans un monde sans frontières".
53:22 On a eu l'occasion d'en parler.
53:24 On a vraiment très peu de temps.
53:27 En deux mots,
53:28 qu'est-ce que vous vouliez dire
53:30 dans cette "Afrique dans un monde sans frontières" ?
53:33 Vraiment en deux mots, parce qu'on a très peu de temps.
53:36 -Non, je voulais juste dire
53:39 que le monde est en train de changer
53:44 et qu'on nous a parlé d'un monde sans frontières,
53:47 mais en réalité, il n'y a que des murs.
53:50 -Bien, voilà, une définition.
53:53 Antoine Glazer, vous avez publié
53:55 parmi vos nombreux ouvrages sur l'Afrique
53:58 "Arrogant comme un Français en Afrique".
54:00 Vous dénoncez cette arrogance.
54:02 -C'est ce qui m'a surpris en tant que journaliste.
54:05 Je ne suis pas expert.
54:07 Ce qui m'a surpris, c'est comment la France
54:09 a exporté sur tout un continent
54:11 toute sa science, son savoir-faire,
54:13 sa constitution en dehors de sa langue
54:15 et a contrôlé complètement les Etats
54:18 à ce nombre de pays et n'a pas appris de l'Afrique.
54:21 Je pense qu'il faut changer le logiciel,
54:23 s'intéresser à l'Afrique, aux Africains.
54:26 Ce qui m'était intéressé,
54:27 c'est les systèmes de parenté en Afrique.
54:30 Inverser totalement le logiciel.
54:32 -Merci, Antoine.
54:33 Ndiagale Bagayoko, ce n'est pas un livre,
54:35 mais vous avez publié une étude
54:37 sur le multilatéralisme sécuritaire africain
54:40 à l'épreuve de la crise sahélienne.
54:43 -Oui, parce qu'il n'y a pas que la France
54:46 qui est rejetée sur le continent africain,
54:48 il n'y a pas que les autres partenaires internationaux
54:51 comme les Nations unies.
54:53 Il y a aussi une très forte remise en cause
54:55 des acteurs multilatéraux comme l'Union africaine,
54:58 comme la CDEAO, comme la CEAC,
55:01 qui ont, elles aussi, démontré leur incapacité
55:04 à faire face à la crise sécuritaire actuelle.
55:07 Donc, la remise en cause est globale
55:09 et ne concerne pas que la France.
55:11 -Il me reste à vous remercier.
55:12 Merci, mesdames, merci, messieurs,
55:15 d'avoir participé à cette brillante conversation
55:19 et prospective, puisque des choses
55:23 ont été émises aujourd'hui.
55:25 Je voudrais remercier l'équipe de LCP,
55:28 qui a permis la réalisation de cette émission.
55:31 Et avant de nous quitter,
55:33 je vous rappelle cette pensée de Jean-Marie Bockel,
55:37 un ancien ministre français,
55:40 qui a été touché personnellement,
55:43 puisqu'il a perdu un fils dans les combats en Afrique.
55:46 "Les coups d'Etat en Afrique n'améliorent en rien
55:49 "la situation des pays concernés,
55:52 "au contraire."
55:56 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
55:59 ♪ ♪ ♪
56:01 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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