• l’année dernière
La laïcité est une marque de fabrique culturelle et démocratique spécifiquement française. Si la France s'est constituée de plusieurs France(s) cousues ensemble, le vivre ensemble a pour langage commun, depuis la Révolution française et plus précisément depuis la loi de 1905, cette fameuse laïcité. Depuis, de nombreuses adaptations ont vu le jour et elles sont rendues nécessaires parce que l'islam politique entre autres oppositions et pour ne pas parler de l'islamo-gauchisme, conteste les institutions et les valeurs républicaines. Dernier épisode en date, Gabriel Attal, ministre de l'éducation nationale a décidé d'interdire de nos écoles le port de l'abaya pour les femmes et le qamis pour les hommes. Cela rappelle l'affaire du voile, les foulards à Creil en 1989 et pour suivre la loi de 2004 faisant interdiction de porter des signes religieux ostentatoires à l'école.Nous évoquerons bien entendu comment s'articule aujourd'hui la laïcité au sein de l'éducation et les tensions engendrées, nous ferons aussi une contextualisation de cette laïcité malmenée au regard d'une société française où se développent les communautarismes, les radicalismes, les particularismes identitaires, la violence des jeunes, le wokisme de toutes sortes de minorités agissantes, la montée des partis extrémistes et ce que Laurent Bouvet a nommé l'insécurité culturelle. Émila Malet reçoit :Catherine Kintzler, philosophe, universitaire ; spécialiste de la laïcitéFrédéric Salat-Baroux, avocat, ancien Secrétaire général à la Présidence de la République Houria Abdelouahed, psychanalyste, professeur des UniversitésMichel Gurfinkiel, ancien rédacteur en chef de Valeurs actuelles, éditorialiste au New York SunVincent Peillon, ancien Ministre de l'Éducation nationalePrésenté par Émile MALETL'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Émile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP Assemblée nationale : https://bit.ly/2XGSAH5Et retrouvez aussi tous nos replays sur notre site : https://www.lcp.fr/Suivez-nous sur les réseaux !Twitter : https://twitter.com/lcpFacebook : https://fr-fr.facebook.com/LCPInstagram : https://www.instagram.com/lcp_an/TikTok : https://www.tiktok.com/@LCP_anNewsletter : https://lcp.fr/newsletter#LCP

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00:00 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:26 La laïcité menacée.
00:28 La laïcité est une marque de fabrique culturelle
00:30 et démocratique, spécifiquement française.
00:33 Si la France s'est constituée
00:35 de plusieurs Frances cousues ensemble,
00:38 le vivre ensemble a pour langage commun,
00:41 depuis la Révolution française,
00:43 et plus précisément depuis la loi de 1905,
00:46 cette fameuse laïcité.
00:48 Depuis, de nombreuses adaptations ont vu le jour
00:51 et elles sont rendues nécessaires
00:54 parce que l'islam politique, entre autres oppositions,
00:57 et pour ne pas parler de l'islamo-gauchisme,
01:00 contestent les institutions et les valeurs républicaines.
01:03 Dernier épisode en date.
01:05 Gabriel Attal, ministre de l'Education nationale,
01:08 a décidé d'interdire de nos écoles
01:11 le port de l'abaya pour les femmes
01:13 et le camis pour les hommes.
01:15 Cela rappelle l'affaire Duvoil,
01:17 les fameux foulards à Creil en 89,
01:20 et poursuivre la loi de 2004
01:23 faisant interdiction de porter des signes religieux
01:26 et ostentatoires à l'école.
01:28 Nous évoquerons, bien entendu,
01:30 comment s'articule aujourd'hui
01:33 la laïcité au sein de l'éducation
01:35 et les tensions engendrées.
01:38 Nous ferons aussi une contextualisation
01:41 de cette laïcité,
01:42 malmenée au regard d'une société française
01:45 où se développent les communautarismes,
01:48 les radicalismes, les particularismes identitaires,
01:51 la violence des jeunes,
01:53 le wauquisme de toutes sortes de minorités agissantes,
01:56 la montée des partis extrémistes
01:58 et ce que Laurent pouvait nommer
02:01 l'insécurité culturelle.
02:04 Vous êtes conviés, chers invités,
02:06 à un véritable challenge
02:08 pour rasculter ce désenchantement de la laïcité.
02:11 Je vais vous présenter.
02:13 Frédéric Salabarou, vous êtes avocat,
02:15 ancien secrétaire général
02:17 à la présidence de la République.
02:19 Vincent Péillon, vous êtes ancien ministre
02:22 de l'Education nationale
02:23 et actuellement à la Cour des comptes.
02:26 Catherine Kinsler, vous êtes philosophe,
02:28 universitaire et spécialiste de la laïcité.
02:32 Ourya Abdelouahed, vous êtes psychanalyste,
02:35 professeur des universités
02:37 et en visioconférence depuis Jérusalem,
02:40 Michel Gurfinkel, ancien rédacteur en chef
02:43 de Valeurs Actuelles et Actuelle,
02:45 éditorialiste au New York Sun.
02:48 Musique rythmée
02:50 ...
02:56 Alors, une question
02:58 d'emblée sur l'actualité brûlante.
03:01 Les meurtres des enseignants,
03:03 Samuel Paty, il y a trois ans,
03:06 et récemment de Dominique Bernard,
03:09 interviennent dans un contexte
03:11 de djihadisme d'atmosphère,
03:14 selon Gilles Kepel.
03:15 Qu'en pensez-vous, Vincent Péillon ?
03:17 -Je pense d'abord
03:21 qu'on vit des drames en France
03:24 que nous n'avions pas vécus depuis longtemps,
03:27 dans l'éducation nationale, mais vous vous en souvenez aussi ailleurs,
03:31 qu'un certain nombre de nos concitoyens,
03:33 en fonction de leur lien, soit à l'école,
03:36 qui est, quand on attaque l'école,
03:38 on attaque une idée de la République,
03:40 mais aussi en fonction de leur confession,
03:43 juifs, souvenons-nous des attentats,
03:45 il y a eu des enfants français-juifs tués dans une école.
03:49 Donc nous vivons un moment
03:50 que nous n'avions pas vécu depuis très longtemps
03:53 et cette notion tragique, on la voit les jours où on se parle,
03:57 ne doit pas être sous-estimée, car nous avions oublié
04:00 pourquoi ces quelques décennies,
04:03 que l'histoire est tragique.
04:05 Après la Seconde Guerre mondiale, la guerre a eu lieu,
04:08 on a reconstruit une unité nationale, d'ailleurs,
04:11 le gaullo-communisme, la laïcité, qui n'était pas contestée,
04:14 mais aussi beaucoup de principes qu'avaient en commun
04:17 la gauche et la droite françaises.
04:19 Ce temps est en train de passer,
04:21 c'est dans ces moments où quelque chose s'en va,
04:24 quelque chose naîtra, mais nous sommes dans l'entre-deux,
04:27 et cet entre-deux est violent, tragique, parfois répugnant.
04:31 Les enseignants, aujourd'hui,
04:33 sont extrêmement atteints, tous,
04:36 par ce qui s'est passé,
04:39 et je crois que, de foi,
04:41 et je crois qu'on doit faire preuve, là,
04:44 d'unité nationale autour de ce sujet,
04:46 pas chercher non plus à l'instrumentaliser trop,
04:51 mais réfléchir comment nous pouvons,
04:53 effectivement, avec la force de l'Etat,
04:56 avec l'intelligence de la République,
04:58 eh bien, éviter que cela se produise
05:01 et que cela gangrène,
05:02 car ça peut gangréner de plein de points de vue.
05:05 -Merci. Vous partagez
05:07 cette position, Frédéric Salabaron.
05:10 -Bien sûr. Je pense que le fait
05:13 que ces actes inqualifiables se passent à l'école
05:17 n'est pas le fruit du hasard.
05:20 Pour des minorités agissantes,
05:22 l'école, c'est le coeur des valeurs de la République.
05:25 Le fait que ce soit des professeurs
05:27 qui sont attaqués, c'est le symbole.
05:30 Évidemment, la culture est absolument essentielle.
05:33 Derrière ça, il y a une remise en cause
05:35 des valeurs de la République
05:37 et une remise en cause plus large des valeurs occidentales.
05:41 Donc, ça veut dire que, face à ça,
05:43 il faut à la fois beaucoup de respect,
05:45 beaucoup de fermeté,
05:47 car ce qui est en jeu est fondamental.
05:49 -Catherine Kitzler ?
05:51 -Oui, bien sûr, je partage cette analyse.
05:54 Il faut... Je voudrais simplement rappeler
05:57 qu'en 2015, dès 2015,
05:59 l'Etat islamique avait publié un appel
06:03 pour tuer des professeurs, particulièrement en France.
06:07 Donc, avant l'assassinat de Samuel Paty.
06:11 Je pense que l'intégrisme religieux
06:16 et le totalitarisme en général
06:18 ne détestent rien tant que l'école et la laïcité.
06:22 La laïcité, c'est le contraire de l'intégrisme.
06:25 Il faut rappeler que le principe de laïcité
06:28 ne s'applique pas à tout le monde.
06:30 Il y a une dualité du régime laïc.
06:32 Dans la société civile,
06:34 tout le monde peut afficher des appartenances
06:38 dans le cadre du droit commun.
06:40 Le principe de laïcité s'applique à un domaine précis, délimité,
06:45 à savoir la puissance publique et l'école.
06:48 Bien entendu, avec certaines nuances.
06:50 Peut-être qu'on y reviendra.
06:52 Elles ne détestent rien tant que l'école,
06:55 parce que l'école est le lieu, en principe,
06:57 de la transmission du savoir.
06:59 Et le savoir, il n'y a pas d'autre autorité que le savoir
07:02 pour le savoir. Il est immanent à lui-même.
07:05 C'est comme l'association politique républicaine.
07:08 Elle ne s'autorise que d'elle-même.
07:10 C'est émancipateur.
07:12 -Ouriah Abdalouahed, qu'est-ce que vous pensez ?
07:15 -Le savoir, c'est la liberté.
07:17 Et aussi, je pense à Anna Arendt,
07:19 pas de pensée sans liberté.
07:21 Et donc, par rapport à Samuel Paty,
07:23 je me souviens, le lendemain,
07:25 j'avais un cours d'anthropologie à des étudiants à Paris 7.
07:28 À l'époque, j'étais à Paris 7.
07:30 Et j'étais extrêmement affectée,
07:32 d'abord parce qu'il s'agissait de l'assassinat d'un collègue,
07:36 d'un être humain, c'est un acte barbare.
07:38 Et moi-même, je suis enseignante.
07:40 Je travaille sur des sujets très houleux.
07:43 Et donc, je me suis dit, comment aborder les choses
07:46 avec mes étudiants ?
07:47 On était arrivés à Durkheim,
07:50 et là, je me suis dit,
07:51 pour parler de la religion comme fait social,
07:54 je vais introduire Ibn Khaldun.
07:57 Et là, je vous assure, les étudiants étaient vraiment aux anges
08:00 de découvrir qu'il y avait aussi des penseurs
08:03 qui n'avaient rien à voir avec ces...
08:07 Effectivement, ces gens qui sont, pour une pensée, fanatiques,
08:11 qui sont en train d'assassiner le savoir.
08:14 Mais ce qui, je trouve intéressant, là,
08:16 c'est qu'on aborde la question de la laïcité,
08:21 et tout de suite, il y a ce qui interroge la laïcité,
08:24 c'est-à-dire l'islam fanatique.
08:26 – Oui, alors on va avoir l'avis de Michel Gurfinkel sur ce point.
08:30 Le journaliste que vous êtes observe quoi ?
08:34 – J'observe qu'en effet, jamais, peut-être,
08:41 depuis très longtemps, la laïcité n'a été d'actualité politique en France.
08:47 Je m'explique.
08:48 Je suis très méfiant vis-à-vis des concepts.
08:54 Je crois que c'est un défaut français de confondre les mots et les choses,
08:58 et plus exactement, de dissimuler les choses derrière les mots.
09:03 Si nous essayons de voir historiquement, sociologiquement,
09:09 ce que c'est que la démocratie, on est tenté de dire
09:11 que la démocratie, c'est un moyen d'éviter la guerre civile.
09:14 Selon la formule célèbre de Kipling,
09:17 il n'y a que deux manières de gouverner, casser les têtes ou les compter.
09:21 Et je crois que la laïcité, historiquement,
09:25 ça servait à éviter les guerres de religion,
09:28 ou à mettre fin aux guerres de religion.
09:30 C'est ça le véritable fondement de l'attitude laïque
09:35 dans les sociétés occidentales,
09:37 et peut-être dans d'autres sociétés occidentales.
09:38 La laïcité, à mon sens, ne naît pas avec la Révolution française,
09:43 ni même avec la Révolution américaine, qui était légèrement antérieure.
09:46 Elle naît avec les traités de Westphalie,
09:51 qui introduisent un concept révolutionnaire,
09:54 c'est que chaque État de la chrétienté, en réalité,
09:58 a le droit d'avoir sa propre religion.
10:01 À partir de ce moment, on désacralise l'État,
10:06 et on ouvre un espace nouveau
10:09 qui rend, au sein d'un État, d'une façon ou d'une autre possible,
10:14 une coexistence entre plusieurs formes de religion,
10:19 ou en tout cas dans la communauté des États européens,
10:22 qui rend possible cette chose.
10:24 -Merci. Alors, Catherine Kisseler, restons dans l'actualité.
10:28 La Constitution, en France,
10:33 fait l'objet de beaucoup de toilettages.
10:36 C'est pareil pour la laïcité.
10:38 Est-ce que vous pensez que, face à ce qu'on appelle
10:42 l'islamo-gauchisme,
10:43 est-ce que ça provoque
10:47 ce que Jean-Pierre Le Goff appelle
10:49 "une société malade de la peur
10:52 "et qui engendre une laïcité auto-censurée ?"
10:57 Evidemment, ça pose la question
10:59 de tous ces professeurs qui s'auto-censurent.
11:01 Les sondages sont effrayants.
11:04 -D'abord, je voudrais rappeler
11:06 que cette origine historique qui vient d'être évoquée,
11:10 moi, j'introduirais quand même une nuance,
11:13 c'est que la laïcité, à la différence de la tolérance,
11:16 ne juxtapose pas les religions, les communautés.
11:20 C'est déjà un très grand progrès,
11:22 mais elle instaure un espace zéro.
11:24 Les Français comptent à partir de zéro
11:27 et non pas à partir de un.
11:29 C'est un de mes collègues qui m'a suggéré
11:31 cette comparaison avec l'annumération.
11:34 C'est un espace zéro.
11:35 Ce n'est pas un éventail d'appartenances
11:38 qui pourraient éventuellement se cohabiter,
11:41 mais ça rend possible les différentes appartenances
11:45 et aussi la non-appartenance.
11:47 La non-appartenance est une condition.
11:49 Je voulais revenir sur ce point,
11:51 parce que ça a été vraiment inventé,
11:53 et là, c'est à partir de la Révolution française
11:56 que ça commence, avec le mariage civil, etc.
11:59 Pour aborder votre question,
12:01 oui, c'est pas une laïcité auto-censurée,
12:05 c'est une auto-censure qui évite les problèmes,
12:08 tout simplement.
12:10 Les professeurs sont confrontés
12:13 à des intrusions, il faut dire,
12:15 des intrusions de toutes sortes,
12:17 qu'au fond, une série de dispositions réglementaires
12:21 sur l'école, qui ont introduit les associations,
12:24 qui ont donné beaucoup de pouvoirs aux parents,
12:27 et finalement, les professeurs sont confrontés
12:30 à ce que j'appelle...
12:31 C'est ce que j'appelle "renvoyer l'école à son extérieur".
12:34 L'école est constamment confrontée à des demandes sociales,
12:38 comme si elle devait les satisfaire toutes,
12:41 et comme si elle devait répondre à ces demandes sociales.
12:44 -Elles doivent s'adapter à la modernité.
12:46 -Alors que le coeur du métier, c'est l'instruction,
12:50 c'est le savoir, ce sont des dispositifs centraux
12:53 qui permettent de faire face aux différentes évolutions.
12:56 -C'est ce que vous avez vu, on vous a entendu.
12:59 -Les professeurs sont confrontés à ça,
13:01 ils sont des coupables idéaux quand ça ne marche pas.
13:04 -Vous avez été ministre, vous êtes enseignant,
13:08 vous avez également fait de l'enseignement,
13:11 les profs ont peur, comme dit Aubin,
13:14 c'était également le cas à votre époque ?
13:17 -Pour faire un peu avancer le sujet,
13:19 je voudrais lancer quelques idées comme ça.
13:22 D'abord, il ne faut pas avoir une fausse conception,
13:25 celle des ignorants, sur la laïcité.
13:27 Sachez, mon cher Emile, que jusqu'en 1923,
13:30 l'époque des barbus, il y a les devoirs envers Dieu
13:33 dans les instructions officielles de la France,
13:36 et on n'a pas arraché les crucifix des écoles,
13:38 on s'est accommodés.
13:40 Ceux qui ont fait la grande loi libérale de 1905
13:42 n'étaient pas anti-religieux, loin de là,
13:45 ce n'étaient pas des laïcards.
13:47 Si déjà, on évitait ces sottises,
13:49 on verrait que la laïcité,
13:50 qui doit reposer sur l'assentiment intérieur,
13:53 pourrait séduire plus, à mon avis, de jeunes gens.
13:57 Deuxièmement, vous avez parlé de l'islam,
13:59 et vous, l'islamo-gauchisme.
14:01 C'est les listes macartistes que j'ai vues
14:03 comme directeur de recherche de CNRS,
14:06 circulées en France.
14:07 C'est pas très joli, la dénonciation,
14:09 et mon histoire personnelle fait que je ne l'aime pas.
14:12 J'ai été ministre, vous l'avez rappelé,
14:15 mais j'ai été confronté au problème de l'islam radical et politique,
14:18 mais aussi, lorsque j'ai voulu introduire,
14:21 comme tous les grands pays occidentaux,
14:23 où il n'y a pas de femmes ingénieurs,
14:26 il y a pas de femmes scientifiques,
14:27 une lutte contre les stéréotypes de genre...
14:30 Là, on est sur les contenus de savoir.
14:32 C'est pas l'islam, j'en avais un peu,
14:34 radical, que j'avais en face de moi.
14:37 C'est aussi des catholiques exacerbés français,
14:39 d'une violence sans limite, et qui ont fait reculer le gouvernement.
14:43 Il n'est pas revenu là-dessus,
14:45 que le dispositif égalité fille-garçon
14:48 a été supprimé en 2015, après mon départ.
14:50 Ils n'ont pas tenu sur quelque chose
14:52 qui concernait les savoirs,
14:54 et j'entends maintenant, président, ministre, Premier ministre,
14:57 toutes les mêmes qui l'ont supprimé, dirent qu'il y a un problème
15:01 d'égalité fille-garçon dans l'école française.
15:04 Il faut complexifier notre point de vue
15:06 si on ne veut pas commettre des erreurs considérables.
15:09 Mon plus grand souci, lorsque j'ai à la fois relancé
15:12 l'enseignement moral et civique, que j'avais appelé "moral laïque",
15:16 et en même temps affiché la charte de la laïcité,
15:19 la première dans tous les établissements de France,
15:22 c'est que ce qui me souciait le plus,
15:24 c'est que beaucoup de petits Français,
15:26 qui n'avaient pas la même histoire que la mienne,
15:29 voyaient la République et la laïcité
15:31 comme quelque chose qui était leur adversaire,
15:34 par l'émancipation, mais quand on peut en parler de ça,
15:38 une oppression, une domination possible.
15:40 -Une question d'assent. -Je finis juste là-dessus.
15:43 Comme la laïcité intérieure, telle que je la vois,
15:46 c'est être capable de douter aussi de ses propres assurances,
15:50 c'est cartésien, dans le fond, la laïcité,
15:52 je me suis interrogé sur est-ce qu'on fait bien ?
15:55 Faut-il pas faire autrement ?
15:57 Il faut les faire venir à cette laïcité.
15:59 Nous voyons bien qu'aujourd'hui,
16:01 je pense, comme vous, je vous ai lu,
16:03 qu'il y a deux dangers pour la laïcité.
16:05 Le danger, je dirais, de toutes les intolérances,
16:08 des extrémismes, des fanatismes,
16:10 mais le danger d'un certain nombre de gens
16:13 qui croient être des laïcs, mais qui, comme mon maître,
16:16 qui a quand même fait l'établissement de la République,
16:19 sont des nouveaux inquisiteurs,
16:21 créent une nouvelle orthodoxie, de nouveaux dogmes,
16:24 et ne sont pas dans cette pensée interrogative et inclusive
16:27 qu'est la laïcité. -Une précision,
16:29 on va pas rester longtemps là-dessus,
16:32 pourquoi l'enseignement des faits religieux
16:34 n'a pas fonctionné ?
16:35 Vous étiez ministre, est-ce qu'on pouvait pas...
16:38 -C'est avant. -Avant, déjà, ça n'a fonctionné.
16:41 -C'est une très belle idée, je dois vous dire,
16:44 mais qui, dans notre pays, n'a pas été compris
16:46 d'un certain nombre de gens qui pensent être laïcs
16:49 en combattant le fait religieux.
16:51 Ensuite, nous avons un énorme problème de formation
16:55 des enseignants sur ce sujet, qui ne s'en sont pas saisis.
16:59 Vous savez, si vous prenez l'histoire
17:01 de l'école républicaine, très souvent,
17:03 et c'est le cas, d'ailleurs, de la morale laïque,
17:06 elle a été voulue par certains, on pourrait en faire l'histoire,
17:09 parce que la laïcité est plus complexe,
17:12 mais ça n'a pas marché.
17:13 Ce qui est facile à enseigner, c'est l'instruction civique,
17:17 les droits, les devoirs, etc.
17:18 -Un marxiste ou un libéral peut enseigner l'économie,
17:22 on aurait pu enseigner les faits religieux
17:25 sans appartenance religieuse.
17:27 -Sur ce que vous appelez l'économie,
17:29 il y a des normes polémiques sur l'enseignement
17:31 des sciences économiques. -Je voudrais poser...
17:34 -C'est une vraie difficulté d'enseignement.
17:37 -Dans l'actualité, Frédéric Salabarro,
17:39 monsieur Attal, ministre de l'Education nationale,
17:44 a interdit la baïa et le camis.
17:46 Mais est-ce que ça n'allait pas de soi
17:49 si on se réfère à la loi de 2004,
17:52 à laquelle vous étiez associé
17:55 à l'époque de la présidente Chirac ?
17:57 -Oui, bien sûr, c'est l'application de la loi de 2004,
18:00 mais je voudrais revenir sur...
18:02 Le problème, c'est qu'on plonge aujourd'hui
18:05 laïcité interdite et interdite contre l'islam.
18:09 C'est pas ça, la laïcité.
18:11 Ca préexiste, sans doute, à la Révolution,
18:13 mais c'est une loi de liberté,
18:15 de croire ou de ne pas croire,
18:17 sans contrainte et sans pression.
18:21 Et la laïcité, le problème, c'est qu'elle est pas comprise,
18:24 elle est pas enseignée, on n'est pas formé à la laïcité.
18:28 La laïcité est contre personne.
18:30 Prenons des exemples.
18:33 L'interdiction du voile à l'école.
18:37 On parle du voile à l'école,
18:38 mais c'est également l'interdiction des kippas
18:41 pour les juifs.
18:42 Le voile n'est pas une obligation religieuse,
18:45 le kippa est une obligation religieuse.
18:48 Donc, ça concerne toutes les religions.
18:50 Si on prend le catholicisme,
18:53 qui reste la religion majoritaire en France,
18:55 quand on interdit les crèches dans les mairies
19:00 ou dans le Morbihan, la statue de Jean-Paul II,
19:02 qui est surmontée d'une croix, c'est le même principe.
19:06 Aucune des religions ne se retrouve surtout...
19:08 -Un pays a des traditions, Frédéric Salabarou.
19:11 -Mais la laïcité, c'est le fait de préserver
19:15 l'espace public, ça n'est pas contre l'islam,
19:18 ce n'est pas des principes de contrainte,
19:21 ce sont des principes qui permettent à chacun
19:23 de vivre dans la liberté.
19:25 Pour revenir à la baïa,
19:26 je crois que c'est important de partir de ça.
19:29 Il faut d'abord expliquer ce qu'est la laïcité.
19:32 C'est pas n'importe quel principe.
19:34 L'article 1er de notre Constitution dit
19:36 "la France est une république indivisible,
19:39 "laïque, démocratique et sociale."
19:42 Le laïc vit en deuxième.
19:44 C'est un principe fondamental.
19:46 Et pour revenir à la baïa,
19:48 oui, quand on regarde l'exposé des motifs de la loi de 2004,
19:51 dit "tous les signes ou tenues ostensibles sont interdits",
19:57 c'est-à-dire ceux qui font reconnaître
20:00 la personne qui les porte immédiatement
20:02 en fonction de sa religion.
20:04 C'est le cas de la baïa.
20:05 -Vous parlez de neutralité.
20:07 Quand on se promène en France,
20:10 dans les villages,
20:12 dans les grandes villes,
20:14 c'est ponctué d'églises partout.
20:16 On en trouve partout.
20:18 Les vacances scolaires ont lieu...
20:20 -Emile... -Bon, donc,
20:22 est-ce qu'on doit faire fi
20:24 des traditions religieuses d'un pays ?
20:26 -La laïcité, ce n'est pas contre les religions.
20:29 Au contraire, c'est un cadre qui permet à chacune des religions,
20:33 d'ailleurs, de ceux qui croient ou qui ne croient pas,
20:36 de s'exprimer.
20:37 C'est certainement pas, aujourd'hui,
20:39 on va pas être à rebours des choses,
20:41 mais on va pas être à rebours de la laïcité.
20:44 On va pas être à rebours de la laïcité.
20:46 On va pas être à rebours de la laïcité.
20:48 On va pas être à rebours de la laïcité.
20:51 -Au contraire.
20:52 -On va pas être à rebours de la laïcité.
20:54 -On va pas être à rebours de la laïcité.
20:56 -On va pas être à rebours de la laïcité.
20:59 -On va pas être à rebours de la laïcité.
21:01 -On va pas être à rebours de la laïcité.
21:04 -On va pas être à rebours de la laïcité.
21:06 -On va pas être à rebours de la laïcité.
21:09 -C'est une chose que j'aime beaucoup, croire ou rêver.
21:12 Donc, effectivement, la laïcité
21:14 ne convoque pas l'obligation d'une croyance chrétienne, etc.
21:21 C'est la liberté offerte à chacun de croire ou de ne pas croire,
21:26 sans vraiment que le ne pas croire entraîne des répressions,
21:31 comme dans certains pays, ou décapitations, ou autres.
21:34 Alors, par rapport à cette histoire de Abaya,
21:39 donc moi, je la prononce à l'arabe, l'Abaya,
21:42 il y a deux questions qui me viennent.
21:44 Je m'interroge d'abord sur la régression du féminisme en France.
21:48 Je me dis, comment se fait-il ?
21:50 Moi, quand je suis venue étudiante en France,
21:52 l'Abaya n'existait pas, le voile n'existait pas,
21:55 le burguigny n'existait pas,
21:57 et la question religieuse n'existait pas.
22:00 Ce qui faisait l'union ou la relation entre les étudiants,
22:03 là, je parle de mon passé d'étudiante,
22:06 c'était être passionnée par le cinéma,
22:08 par la psychanalyse, par la littérature,
22:11 c'est-à-dire des choses qui faisaient lien et non pas qui séparaient.
22:15 Donc, d'abord, la régression du féminisme en France.
22:18 Et deuxièmement, l'Abaya, donc moi, j'ai écrit beaucoup sur ça,
22:21 d'abord, n'existe pas dans le Coran,
22:24 et donc, quand Offred dit "c'est un fait civilisationnel",
22:27 mais absolument pas,
22:29 et donc, là, je dirais, en tant que psychanalyste,
22:35 parce que ça concerne quand même les adolescentes,
22:38 donc aussi, quelle est cette attitude adolescente
22:43 en lien avec le corps,
22:46 sachant que le corps est lié au pulsionnel, à la sexualité,
22:50 à la question de libidina,
22:51 la question de la honte de montrer mon corps, etc.
22:55 Donc, c'est une façon qui est, en même temps,
22:58 qui consiste à cacher et à montrer,
23:01 donc liée aussi à certaines…
23:04 Quelque chose qui est en train aussi de venir au devant de la scène
23:09 sans qu'on sache ce que c'est,
23:10 c'est la question de l'identité religieuse.
23:13 Et c'est là où il y a problème.
23:15 Ca veut dire quoi, une identité religieuse,
23:17 sachant que l'identité, c'est un processus,
23:20 c'est une fabrique, elle est en marche,
23:22 donc la question de l'Abaya,
23:24 elle englobe une complexité
23:27 qui n'est pas réduite à quelque chose qu'on appelle
23:30 fait civilisationnel.
23:32 -Parce qu'il n'est pas civilisationnel.
23:34 -Je voudrais qu'on sorte un peu de la théorie
23:37 et qu'on rentre dans ce qui existe.
23:39 Pardonnez-moi.
23:40 "Si la communauté musulmane de France
23:42 "s'inscrit pour l'essentiel dans le vivre ensemble,
23:46 "on observe, parmi la jeunesse qui en est issue,
23:50 "à la fois une haine antifrançaise
23:53 "et de l'antisémitisme."
23:55 Catherine Kinsler.
23:56 -Ecoutez, je vais quand même réagir
23:59 à ce que je viens d'entendre, qui est très riche,
24:02 mais ce n'est pas sans rapport avec votre question.
24:05 Il me semble que ce qui est ciblé,
24:08 ce sont des tests à partir d'incompréhensions
24:12 ou d'incompréhensions entretenues.
24:14 La laïcité comme interdiction, etc.
24:18 Non. Je voudrais rappeler ce que j'appelle
24:21 la respiration laïque.
24:23 Nous avons deux domaines,
24:24 le domaine de la société civile,
24:26 où tout le monde peut afficher ses appartenances,
24:29 l'autorité publique et l'école, où il faut les suspendre.
24:32 C'est une respiration. L'école offre une double vie.
24:35 -On est bien d'accord, mais ce qu'on observe aujourd'hui...
24:39 -C'est cette double vie qui est récusée par l'intégrisme.
24:42 L'intégrisme veut que la vie soit uniforme,
24:44 qu'elle soit la même partout.
24:46 J'ai coécrit avec Elisabeth Badinter,
24:49 Alain Finkielkraut, Régis Debray et Elisabeth de Fontenay,
24:52 en 1989, le fameux appel "Prof, ne capitulons pas".
24:56 C'était une déclaration d'anti-intégrisme,
24:59 cette déclaration-là,
25:00 puisqu'on disait, voilà, si vous permettez
25:03 l'intrusion de tous les affichages,
25:05 au fond, des identités, on dirait aujourd'hui,
25:08 qui se signalent par des tags,
25:10 au fond, qui sont comme des...
25:12 On construit son identité comme une pizza
25:14 avec des ingrédients disponibles.
25:16 Ce n'est pas comme ça qu'on construit une identité.
25:19 On se cherche, on doute.
25:21 Si vous autorisez cela, vous donnez raison à tous ceux
25:24 qui disent, par exemple, aux jeunes filles voilées,
25:27 "Tu dois te voiler partout, tout le temps."
25:29 C'est comme ça que je verrai les choses.
25:32 Et donc, si nous avons aujourd'hui
25:34 cette vague d'intégrisme,
25:37 eh bien, c'est précisément
25:39 cette tendance
25:42 à vouloir installer la même loi partout.
25:45 Il n'y a, pour moi, qu'une parole,
25:47 qu'une tendance, et tous ceux qui s'y opposent
25:50 doivent être éliminés.
25:51 Alors, éliminés politiquement, idéologiquement,
25:54 physiquement, nous le voyons.
25:56 -Oui. Merci.
25:57 Michel Gurfinkel, comment vous voyez,
26:00 puisque vous voyagez beaucoup,
26:03 cette montée de l'antisémitisme
26:06 et de l'antifrance dans les banlieues françaises ?
26:09 -Je me bornerai à dire que c'est un fait sociologique.
26:15 C'est un fait sociologique, on peut l'expliquer
26:18 de mille et une manières.
26:20 Il y a les idées abstraites
26:23 et il y a, à côté,
26:25 la culture en tant que bouillon de culture,
26:29 en tant que condensation
26:32 de...
26:34 de tous les mythes,
26:36 de toutes les pulsions
26:38 qui ont pu exister dans l'histoire humaine.
26:41 Le bouillon de culture ne s'éteint jamais.
26:44 Est-ce que les idées
26:47 que je qualifie d'abstraites, parce qu'elles sont raisonnées,
26:51 ont le moyen de discipliner le bouillon de culture ?
26:53 C'est le point essentiel.
26:55 Est-ce que nous n'avions pas une certaine pratique
26:58 qui nous permettait de le faire jusqu'à...
27:01 peut-être une génération de nous ?
27:03 Est-ce que nous n'avons pas perdu cette pratique ?
27:07 Cette pratique suppose, bien entendu, de l'autorité.
27:10 Elle suppose de la verticalité,
27:12 elle suppose de la souveraineté,
27:15 elle suppose que l'Etat dise, à un moment ou à un autre,
27:19 "Eh bien, voilà comment je veux que les choses existent",
27:23 et que l'Etat, également,
27:25 travaille à constituer un consensus autour de sa décision.
27:28 -L'autorité politique est remise en question,
27:31 n'est-ce pas, Vincent Peillon ?
27:33 -Toutes les autorités sont remises en question.
27:35 Pour aller dans le sens de ce que vous disiez,
27:38 il y a un nouveau féminisme, qui est beaucoup plus radical
27:41 que celui qu'a connu ma génération et peut-être la vôtre.
27:44 -Le féminisme n'a pas disparu,
27:46 on voit que beaucoup s'en inquiètent dans les universités.
27:49 -Il avait disparu, mais par rapport à ce qu'il y a quelques années,
27:53 le burguigny, c'était des choses qui n'existaient pas.
27:56 -Elles n'existaient pas dans le regard de ceux qui commentent.
28:00 Quand vous êtes en responsabilité d'une nation,
28:03 vous devez faire vivre tout le monde ensemble.
28:05 Dans cette rentrée scolaire,
28:07 il manque plusieurs milliers de professeurs devant les élèves.
28:11 Ils n'ont pas trouvé d'inscription.
28:13 -Il faut des professeurs.
28:14 M. Attal a interdit, et très bien, la BAYA.
28:17 Je l'ai rencontrée et il l'a rendue publique.
28:20 Combien de cas sur 12 millions d'élèves ? 200.
28:22 Si l'on regarde dans les journaux le traitement de ces 200 cas,
28:26 qu'il fallait peut-être traiter, je n'ai pas de sujet là-dessus,
28:29 par rapport au traitement de l'absence de professeurs
28:32 dans nos lycées, d'inscriptions, c'est scandaleux.
28:35 Quand on veut gérer un pays, au nom de l'intérêt général
28:38 et d'une certaine idée de la France,
28:41 premier mot de nos instructions officielles,
28:43 l'école, en instruisant, éduque à la liberté.
28:46 On se préoccupe autant de mettre des professeurs bien formés
28:49 que de stigmatiser certains et ne traiter que de ces problèmes.
28:53 Donc, il faut les traiter avec fermeté,
28:55 mais il faut quand même mesurer quel abaissement intellectuel
28:58 et d'action publique.
29:00 C'est de ne pas se poser les grandes questions
29:02 concernant la formation de nos professeurs,
29:05 leur recrutement, leur présence dans les établissements,
29:08 leur existence, et sans doute aussi les disciplines
29:11 que l'on enseigne. -Vous êtes d'accord
29:13 quand Gabriel Attal dit que les manquements
29:18 aux valeurs républicaines excluent les élèves
29:21 qui s'en inspirent et qui sont porteurs de...
29:25 -Les élèves et... -Et les enseignants.
29:27 -Et les adultes et les hommes politiques
29:30 qui se trouvent dans des situations curieuses.
29:32 J'ai connu un président qui considérait
29:35 que l'imam, le rabbin, etc. valait mieux
29:37 que l'imam. Donc, il faut mesurer
29:39 que c'est pas à l'école de résoudre tous les problèmes.
29:42 Les problèmes sont aussi dans la société.
29:44 L'abaissement intellectuel est dans la société.
29:47 Il ne faut pas chercher quelques boucs émissaires.
29:50 Il faut de l'autorité, mais il faut les contextualiser.
29:53 La dernière chose que je voudrais dire,
29:55 c'est pour notre génération.
29:57 Moi, je l'ai vécu comme professeur à Nanterre,
30:00 dans ce lycée très difficile, mais c'était il y a déjà 30 ans.
30:03 C'est récemment... -On va parler, d'ailleurs,
30:06 de cette époque. -C'est que les grands récits...
30:09 J'ai une famille communiste.
30:11 Beaucoup de Juifs intellectuels étaient communistes.
30:14 J'ai été élevé par des gens comme ça.
30:16 Le socialisme a fait rêver des gens.
30:18 Le gaullisme a tenu des gens.
30:20 Mais il faut regarder les choses en face.
30:22 Ces grands récits se sont effondrés.
30:24 La promesse républicaine n'a pas été tenue pour certains.
30:28 Peut-être une histoire se redécouvre.
30:30 Nous avons tout ça à gérer,
30:31 et une jeunesse sur notre territoire à gérer.
30:34 C'est plus complexe que uniquement des bouts de tissu,
30:37 200 personnes et la stigmatisation d'une population.
30:40 C'est toute notre histoire nationale qu'il faut réécrire ensemble,
30:44 en étant capable de trouver une place à chacun.
30:47 -Michel Gurfinkel, vous voulez intervenir ?
30:49 -Oui, je...
30:50 Par rapport à ce que Vincent Péillon
30:53 vient de dire sur son successeur,
30:56 Gabriel Attal.
30:57 Gabriel Attal, de toute évidence,
30:59 a procédé à son interdiction de la baïa
31:02 parce qu'il savait au préalable,
31:04 il y a eu des sondages dans ce sens
31:07 qui datent du mois de juin, sauf erreur,
31:09 qu'il y avait une majorité écrasante,
31:13 écrasante en France,
31:15 pour l'interdiction de ce signe ostensible et ostentatoire,
31:22 non seulement d'une religion,
31:24 mais d'un fondamentalisme, d'un extrémisme religieux.
31:29 Quand le ministre de l'Éducation nationale
31:33 a effectivement pris sa décision,
31:35 qui d'ailleurs se réduit à l'application de la loi
31:39 telle qu'elle existe,
31:41 nous avons à nouveau pu mesurer le soutien
31:45 que celle-ci rencontrait dans l'opinion,
31:50 puisque, disons que le soutien est allé de,
31:54 je cite de mémoire, mais c'est très facile à vérifier,
31:56 de 90 % à droite
32:00 jusqu'à 79 % chez les électeurs socialistes.
32:04 -On le prendra après. Frédéric Salabarro.
32:09 -La question que vous posez,
32:10 je prends un peu de temps pour répondre,
32:13 elle est fondamentale.
32:14 Je ne suis pas convaincu, mais n'en débattons pas,
32:17 qu'il y ait une généralisation du sentiment anti-France.
32:20 Mais à supposer, il y a deux terrains
32:23 sur lesquels on doit agir.
32:24 D'abord, la défense du modèle français.
32:28 On prend deux secondes avec un peu de recul,
32:30 et c'est valable aussi pour le wokisme.
32:33 Mais dans quel pays,
32:35 quand un enfant naît,
32:37 il est pris en charge par l'Etat ?
32:39 Il y a des aides immédiatement.
32:41 On peut accoucher gratuitement dans un hôpital.
32:44 L'éducation est gratuite.
32:46 Quand il y a des accidents de la vie,
32:48 la société, la vieillesse n'est plus synonyme de misère.
32:52 Qu'on soit riche ou pauvre,
32:54 quand on a un cancer, on est soigné avec une grande qualité.
32:57 Mais il faut d'abord que ça soit dit.
32:59 C'est-à-dire, ce pays, avant de lui cracher dessus,
33:02 il faut commencer par lui dire merci.
33:04 C'est le premier point.
33:06 Et ça, ça n'est pas dans la parole politique.
33:08 La deuxième chose, c'est l'autorité.
33:10 Il faut faire un peu d'histoire.
33:12 Prenons la laïcité.
33:14 Mais en 1905 jusqu'en 1909,
33:16 le pape Pidis
33:18 prend une bulle
33:20 pour considérer que la loi est inacceptable.
33:24 Des cardinaux disent
33:27 qu'il ne faut pas appliquer la loi.
33:30 Les personnes qui l'appliqueront,
33:32 leurs enfants ne pourront pas faire la première communion
33:35 dans un pays qui a 90 % de catholiques.
33:37 Qu'est-ce que fait l'Etat ?
33:39 L'Etat envoie des cardinaux, des évêques,
33:42 des centaines de prêtres,
33:43 en application de l'article 31 de la loi de 1905,
33:46 devant le tribunal correctionnel, et ils sont condamnés.
33:50 C'est aussi ça, l'autorité.
33:51 C'est pas la même période,
33:53 mais l'autorité,
33:55 que ce soit dans la sphère de la société
33:58 ou à l'école, doit s'imposer.
34:00 Il y a des règles.
34:01 On peut aujourd'hui poursuivre,
34:03 c'est l'article 433 du Code pénal,
34:06 tout ce qui est menace
34:08 vis-à-vis de personnes dépositaires
34:10 de l'autorité publique.
34:12 Donc, ce qui doit être fait,
34:15 c'est d'abord la défense de notre modèle
34:17 et l'autorité...
34:18 Le professeur ne peut pas tout faire,
34:20 mais c'est à l'Etat d'aider le professeur.
34:23 C'est le rapport entre la justice, la police et l'autorité
34:27 qui doit rentrer de manière républicaine
34:30 aussi dans l'école.
34:31 Mais les défis qu'on a
34:32 sont pas tellement plus lourds à assumer
34:36 que ceux de 1909,
34:38 quand 90 % d'un pays qui est catholique
34:41 et un pape qui dit "n'appliquez pas la loi"
34:43 et que les grands prélats le disent en chair,
34:46 c'est compliqué,
34:47 et pourtant, la République a fait face.
34:49 Vous disiez que c'est une question d'autorité de l'Etat.
34:52 C'est fondamentalement une question d'autorité de l'Etat,
34:55 mais dans ce cas-là, de plus noble.
34:57 -Catherine Kinsler. -Je remercie d'avoir rappelé
35:00 que c'est un acte unilatéral de la puissance publique
35:03 qui s'impose et nous avons besoin de renouveler cet acte,
35:06 quel que soit les...
35:09 Devant les obstacles.
35:10 Alors, je voulais simplement dire qu'il faut instruire,
35:15 il faut recruter les professeurs sur un haut niveau,
35:17 mais il faut aussi leur donner les conditions
35:20 pour travailler la sérénité.
35:22 Et ces obstacles, ces tests auxquels ils font face
35:25 et auxquels ils essayent de répondre les uns par évitement les autres
35:29 parce que, en ayant suivi ce fameux pas de vague,
35:33 comment le leur reprocher
35:34 quand ils sont constamment en but à des critiques ?
35:38 Et plus que cela même,
35:41 c'est une litotte.
35:43 Donc il faut que cette autorité s'impose.
35:46 Je ne suis pas choquée par ce traitement de la BAYA
35:48 parce que ce sont les obstacles qu'il faut traiter.
35:51 Il faut les lever, ces obstacles,
35:53 et vous avez raison de nous rappeler
35:55 comment fonctionne cette autorité.
35:57 Je voulais simplement dire, j'ai dit tout à l'heure,
36:00 l'école doit offrir une double vie à chaque élève.
36:03 Moi, je suis fille d'immigrés.
36:05 Ma tante, qui était d'origine italienne,
36:07 était très contente de l'école.
36:09 C'était pas une élève extraordinaire,
36:11 mais elle sentait qu'elle était traitée à l'école
36:14 pour elle-même, qu'on levait toute autre considération
36:17 sur ce qu'elle était, sur son origine, etc.
36:20 Je me rappelle une très belle parole
36:23 du drabin Delphine Orvilleur,
36:25 qui a dit au micro d'une radio publique,
36:29 je crois que c'est en 2018,
36:30 la promesse républicaine qui nous a été faite,
36:33 c'est que chacun, soit, puisse se développer lui-même
36:37 à la première personne du singulier.
36:39 Et ça, c'est ce genre de choses qu'il faut rappeler aussi
36:42 avec toutes les dispositions républicaines.
36:46 Nous ne le faisons pas assez.
36:48 Il y a peut-être une autoflagellation,
36:50 qui est une mode depuis longtemps, d'ailleurs,
36:53 mais il faut arrêter.
36:54 -Henri-Arne Delwahed, là-dessus, sur l'autorité ?
36:57 -Je suis professeure, donc je ne peux vraiment
37:00 que aller dans ce sens-là,
37:02 mais je peux donner des exemples,
37:04 puisque tout à l'heure, tu nous as invités à donner des exemples.
37:08 Il nous arrive, des fois,
37:10 de faire face à des discussions avec des étudiants
37:14 qui disent qu'on ne veut pas entendre le mot "pulsion"
37:17 parce que ça heurte notre religion.
37:20 Et on se trouve, là, vraiment porteurs,
37:23 on va dire, de connaissances, d'un savoir,
37:25 et en plus, comme professeur,
37:27 on est bien entendu psychanalyste ou psychologue,
37:30 donc on a affaire à des expressions de la pulsion
37:33 et ses avatars, comme disait Freud,
37:36 et des fois, comme je disais tout à l'heure,
37:38 je tombe des nues parce que vraiment,
37:41 c'est des discours qui commencent à revenir,
37:44 mais de façon assez massive, et à nous menacer.
37:48 Alors, en ce qui me concerne,
37:50 en ce qui me concerne,
37:51 donc moi, j'ai écrit beaucoup de...
37:54 comme ça, sur la question du déshéritage dans l'islam,
37:57 la question du foulard, etc.
38:00 Et je me pose jusqu'à présent la question
38:03 parce qu'effectivement, il y a un islam radical fanatique
38:08 qui est extrêmement dangereux,
38:10 qui menace non seulement le vivre ensemble,
38:13 mais qui nous menace nous aussi,
38:15 qui menace aussi les pays arabes, etc.
38:18 Et ce qui est vraiment, ce qui me chagrine,
38:20 c'est que cet islam fanatique, radical, abject,
38:26 il met à l'arrière aussi
38:29 tous les autres aspects de la culture arabe,
38:32 mais aussi tous les aspects de l'islam.
38:35 Alors, pour avoir traduit le "Diwan" de la poésie arabe classique,
38:38 je vois que la poésie, c'est une chose,
38:41 que la philosophie, c'est une chose,
38:43 la mystique, c'est quelque chose d'extraordinaire,
38:46 et on arrive devant quelque chose d'ultra,
38:49 même pas conservateur, il faut trouver un autre mot,
38:53 un wahhabisme qui nous tue, nous aussi,
38:56 et c'est celui-là qui s'impose.
38:58 Et alors, la question... -Pas trop long,
39:00 parce que le temps avance et on a beaucoup de questions.
39:04 -Cette question, je reviens à la question adolescente
39:07 avec la Abaya, comment se fait-il que ces jeunes,
39:09 qui ne connaissent pas l'arabe, qui ne peuvent pas lire le Coran,
39:13 qui... -Il y a des influences extérieures.
39:16 -Oui, mais c'est quand même...
39:18 C'est des sujets, il faudrait complexifier,
39:21 et c'est des sujets extrêmement importants.
39:23 -Michel Gourfinquiel. -Je disais simplement,
39:26 en réponse aux observations de...
39:30 de notre ami Payon sur la décision de Gabriel Attal
39:35 d'interdire l'Abaya à l'école,
39:38 que, visiblement, le ministre avait tenu compte
39:42 de l'opinion publique avant de prendre sa décision,
39:47 puisqu'il y a eu des sondages spécifiques sur cette...
39:50 Voilà. Et que, par la suite, quand il a pris sa décision,
39:54 cette décision a été massivement appuyée
39:59 par l'opinion publique française, y compris, par exemple,
40:03 chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon,
40:06 qui sont censés être les moins hostiles
40:10 à la place, disons, de l'islam dans la société française.
40:14 Je pense que le débat sur la laïcité
40:19 est faussé, en réalité, pour une raison très simple.
40:23 -Pas trop long, cher Michel, parce qu'on a peu de temps.
40:26 -Les guerres de religion ne sont pas
40:29 des guerres sur un dogme,
40:31 elles sont des guerres sur un mode de vie.
40:34 Ce qui a été fondamental, par exemple, en France,
40:37 dans le vieux débat entre l'Église catholique et les laïcs,
40:41 c'était pas une question de dogme, c'était la question du divorce.
40:44 Et je crois que le vrai problème que nous avons devant nous,
40:50 ce n'est pas un problème de compatibilité
40:52 de la religion islamique avec le cadre républicain français,
40:57 c'est une question de mode de vie.
40:59 Y a-t-il, dans l'opinion française,
41:02 la perception que leur mode de vie est en danger ?
41:05 Y a-t-il, dans d'autres milieux de la société française,
41:08 la volonté, le projet d'imposer un autre mode de vie ?
41:12 Voilà la véritable question.
41:14 Musique rythmée
41:17 ...
41:20 -Une question politique et idéologique
41:23 qui nous concerne tous.
41:26 Le mouvement de mai 68
41:29 a été un mouvement révolutionnaire.
41:33 Les émeutes de juillet 2023
41:38 ont été une incandescence
41:41 que certains considèrent comme révolutionnaire
41:44 et d'autres comme violente.
41:46 Est-ce que vous diriez,
41:47 parce que vous avez rappelé
41:49 que vous étiez de famille communiste,
41:53 que le gauchisme culturel
41:56 des années 68
41:58 a préparé la violence de l'islamo-gauchisme, aujourd'hui ?
42:03 -Bon, les violences, on voit bien
42:08 que le ton même des débats, quand on aborde ces questions,
42:11 c'est qu'on cherche la violence.
42:13 On cherche pas l'apaisement, on cherche à désigner les ennemis.
42:17 C'est un moment de l'histoire.
42:18 On en parlera peut-être mieux dans quelques décennies.
42:22 Moi, ce que je crois, pour ajouter une nouvelle idée
42:25 sur les gens qui étaient présents chez Jaurès,
42:27 chez Charles Renouvier, chez Ferdinand Buisson,
42:30 le créateur du Parti socialiste,
42:32 le créateur du Parti radical socialiste,
42:35 c'est la gauche, qui sont aussi les artisans
42:37 de cette belle loi libérale de 1905,
42:40 et souvent des confessions minoritaires
42:42 qui ont voulu s'arranger.
42:44 -Vous savez que Pascal Horry rappelle
42:46 que l'antisémitisme trouve ses sources
42:48 à l'extrême droite et dans les franges de l'extrême gauche.
42:52 -Ca a toujours été le cas, très tôt, Poudon, etc.
42:55 On parle de Jaurès et de Buisson,
42:57 même s'il y a certains textes de Buisson.
42:59 Mais la question que je veux soulever,
43:02 c'est que chez les artisans de la laïcité française
43:05 et bien de la loi de 1905,
43:07 la laïcité, c'est un principe,
43:09 liberté de conscience, séparation des Eglises et de l'Etat,
43:13 c'est aussi derrière une philosophie,
43:16 et cette philosophie, elle s'accompagne d'une idée
43:21 qui est que la justice sociale, l'égalité,
43:24 fait partie de ce qui est nécessaire
43:26 pour développer cette instruction chez chacun.
43:29 Il ne faut pas sous-estimer,
43:31 dans un pays où les fractures sociales,
43:33 les fractures territoriales, sont aussi puissantes
43:36 que chez nous, y compris dans l'école.
43:38 Je vais vous dire une chose,
43:40 puisque vous êtes très attentif à la laïcité.
43:42 Il y a 600 000 élèves dans les lycées professionnels.
43:45 Le dernier gouvernement qui a fait des gesticulations
43:48 extraordinaires avec M. Blanquer sur ces sujets
43:51 a exprimé l'histoire et la culture générale
43:54 à ces jeunes gens, qui, croyez-moi,
43:56 viennent plus de banlieue que du 7e arrondissement.
43:59 Est-ce une bonne chose ? Non, car je crois,
44:01 comme ça a été dit, qu'il faut enseigner la République,
44:04 qu'il faut instruire la laïcité,
44:06 mais là, on s'est dit, ces gens-là,
44:09 c'est pas la peine, on retire des heures.
44:11 Je ne suis pas contre qu'il n'y ait pas de malentendu
44:14 entre nous, cette histoire d'Abaya.
44:16 Je suis pour qu'on parle aussi de toutes les autres questions
44:20 qui nous viennent bien, que ne faire que le débat agonistique
44:23 sur la laïcité permet aussi de ne pas parler de plein de problèmes,
44:27 l'accroissement des inégalités dans notre système scolaire,
44:30 le décrochage d'instructions de la France par rapport à d'autres pays.
44:34 Ce sont des sujets massifs.
44:36 Parlons de l'Abaya, 200 jeunes filles, très bien,
44:39 mais parlons du reste, sinon la France va décrocher.
44:42 -Là-dessus, Frédéric Salabarou ?
44:44 -Je pense que... Je suis tout à fait d'accord.
44:47 Ce que je veux dire, c'est l'importance,
44:49 dans ce débat, de l'islamo-gauchisme.
44:51 -Est-ce qu'on peut le sourcer
44:54 par rapport au gauchisme radical ?
44:57 Jean-Pierre Le Goff dit qu'il était teinté de violence
45:00 et de nihilisme dès ses sources.
45:02 -Oui, mais d'abord, la différence entre 2004 et aujourd'hui,
45:06 c'est qu'en 2004, il n'y avait pas l'islamo-gauchisme,
45:10 et donc c'était un débat qui n'était pas troublé
45:13 par cette intrusion par la gauche,
45:16 si tant est que ça soit de la gauche,
45:18 l'islamo-gauchisme,
45:20 dans le débat sur la laïcité.
45:22 Et effectivement, la question, aujourd'hui,
45:26 c'est la nature de cet islamo-gauchisme
45:29 qui interroge par rapport à la tradition de gauche.
45:32 Je pense qu'il faut encore faire un pas
45:35 pour le comprendre, de la laïcité
45:37 jusqu'à tout ce débat qualifié de terrorisme
45:40 ou pas, par rapport à ce qui s'est passé en Israël.
45:44 Derrière ça, il y a une question
45:46 qui est, au fond, les valeurs de la gauche,
45:49 et Vincent Péillon, qui a écrit un magnifique "Jaurès"
45:53 comprendra, il y a la gauche d'avant l'affaire Dreyfus
45:57 et la gauche d'après l'affaire Dreyfus.
46:00 Avant l'affaire Dreyfus, il y a une sorte de radicalité
46:03 qui fait qu'on ne juge pas une personne
46:05 en fonction de ce qu'il est ou ce qu'il a subi,
46:08 mais en fonction de sa classe sociale.
46:10 Avec l'affaire Dreyfus, la gauche, au fond, dit
46:13 que la question n'est pas de savoir où est Dreyfus,
46:16 mais à partir du moment où il est victime d'une injustice,
46:19 cette injustice nous concerne tous,
46:22 et c'est le basculement avec "Jaurès", un peu gai,
46:24 de la gauche idéologique,
46:27 qu'on pourrait qualifier aujourd'hui de plus gauchiste,
46:30 avec une base antisémite très forte,
46:33 vers une gauche humaniste.
46:34 Aujourd'hui, tout le problème de l'islamo-gauchisme,
46:38 c'est de porter...
46:39 C'est cette régression
46:41 qui consiste à tout idéologiser
46:43 jusqu'à perdre des choses fondamentales,
46:46 ce qui nous réunit à travers la laïcité,
46:49 de présenter cette valeur de liberté
46:51 comme une valeur d'interdiction, d'asservissement
46:54 et d'aliénation,
46:56 et de, à nouveau, juger les personnes,
47:00 non en fonction de ce qu'ils ont vécu
47:03 et des drames qu'ils peuvent avoir vécu,
47:05 mais en fonction du positionnement
47:07 dans une logique très abstraite et très idéologique.
47:10 Voilà. Au même titre qu'il faut avoir
47:12 un combat sur le terrain de la laïcité,
47:15 il faut avoir un combat sur le terrain
47:17 de cet islamo-gauchisme, et singulièrement
47:19 des gens qui sont inscrits à gauche.
47:23 C'est un combat fondamental.
47:25 Nous, à droite, dans les années 80,
47:27 il a fallu assumer un combat vis-à-vis de l'extrême droite.
47:31 C'est valable aujourd'hui pour la gauche.
47:33 C'est la même logique de combat pour des valeurs fondamentales.
47:37 -Quand des rives des Insoumis
47:40 ont en tant que qualifiés et assignés
47:43 le CRIF, le Conseil représentatif
47:46 des institutions juives de France,
47:49 à l'extrême droite, et qu'on décide
47:51 que Fabien Roussel, le leader communiste,
47:54 c'est Doriot, est-ce que c'est la faillite
47:57 quand même d'un certain discours laïque ?
47:59 -Peu importe. C'est d'abord un terrain de combat politique.
48:03 Au fond, ils sont en train de retrouver,
48:06 il faut toujours faire de l'histoire en France,
48:08 ils ont trouvé le jacobinisme de 1794,
48:12 c'est-à-dire qu'il faut des complots,
48:14 des coupables, des guillotines.
48:16 Mais ce combat-là, il faut l'assumer, bien sûr,
48:20 qu'il faut remettre les choses à leur place.
48:22 Le CRIF, on peut contester ce qu'il peut dire,
48:25 mais c'est un vrai débat, mais il est hors de question,
48:28 et c'est tout le problème des Insoumis,
48:31 c'est que la réalité n'est plus regardée
48:34 en fonction de ce qu'elle est,
48:36 mais en fonction d'une classification intellectuelle
48:39 qui fait qu'on en oublie la personne.
48:42 Et en arriver à ne pas être capable
48:45 de dire "acte de terrorisme", "acte de barbarie",
48:49 c'est montrer à quel point cette dérive est devenue dangereuse,
48:53 et dans ces cas-là, il faut la combattre
48:55 sur le terrain des principes,
48:57 et c'est d'abord un enjeu pour la gauche,
48:59 la gauche jaurassienne. -C'est un très vieux débat.
49:02 Je vous mets un mot pour aller dans son sens,
49:05 mais je vais donner une clé de lecture
49:07 sur cette affaire Mélenchon et l'affaire Dreyfus.
49:10 Vous voyez bien ce qui est insupportable
49:13 dans l'attitude de la France insoumise,
49:15 et d'un certain nombre de gens,
49:17 car ils ne sont pas tous sur cette position.
49:20 C'est qu'ils confondent la logique de justice,
49:22 qui veut dire qu'il y a un individu
49:24 et des choses qu'on ne peut pas accepter,
49:27 politique, morale, etc., et la logique de domination.
49:30 C'est comme la logique de classe,
49:32 il y a des dominants et des dominés,
49:34 et on s'excuse par ça. C'est la même chose
49:37 qu'on avait au 19e, et qu'on a exactement depuis une quinzaine
49:40 de jours. Il y a des gens qui continuent de penser
49:43 qu'il y a des principes universels de justice
49:46 qui valent moins que cette logique-là.
49:48 Cette gauche-là ne s'en remettra pas.
49:50 Elle n'en se remettra pas car notre pays ne l'acceptera pas,
49:54 et que les électeurs de gauche majoritaire ne l'accepteront pas.
49:57 C'est le même débat, vous avez raison de le dire,
50:00 c'est ce moment où des principes moraux,
50:03 au sens des droits de l'homme, car le socialisme français
50:06 est un socialisme libéral, sont bafoués par des logiques
50:09 qui ne voient exclusivement... Elle existe,
50:12 mais qui ne prend pas le pas sur ces principes.
50:15 -Vous savez, Vincent Peillon, vous qui connaissez bien l'histoire,
50:18 à l'échelle humaine de Léon Blum, quand on lui a reproché
50:22 de ne pas avoir envoyé l'armée française
50:26 dans la guerre d'Espagne, il a dit
50:28 que le contexte ne le permettait pas
50:31 parce que mes amis étaient de moins en moins socialistes
50:34 et de plus en plus nationaux.
50:35 Vous voyez l'histoire. Catherine Kinsler.
50:38 -Je voudrais dire que, bon, en 2004,
50:40 effectivement, ça n'apparaissait pas sous forme d'islamo-gauchisme,
50:44 mais il faudrait peut-être regarder,
50:46 je ne sais pas si c'est toujours sur le site parlementaire,
50:51 les débats de la commission Stasi, les auditions,
50:54 et regarder l'évolution des personnes
50:57 qui siégeaient dans cette commission
50:59 et qui n'étaient pas toutes à droite
51:01 quand elles étaient contre la loi de 2004.
51:03 Je remonte à 89, puisque ça, c'est mon expérience personnelle.
51:08 Eh bien, en 89, il y en a qui se sont amusés
51:10 à éplucher les noms et sur les consonants,
51:13 à dire "Kinsler", "Finkelkraut", "Badinter", "Tientien".
51:17 Donc, on avait quand même une petite...
51:20 une petite musique qui se jouait là.
51:23 Et je pense aussi rappeler
51:27 que nous nous sommes fait traiter carrément de fachos,
51:30 de fascistes, cet appel.
51:33 Et il y avait beaucoup de gens de gauche,
51:35 dans cette position, notamment,
51:38 je rappelle que la Fédération de l'Education nationale
51:41 était tout à fait...
51:44 Nous l'avons trouvée en face de nous.
51:46 Il faut rappeler ça.
51:47 Vincent Péllion a raison, je crois,
51:50 de rappeler la différence entre logique de domination
51:53 et logique de justice, parce que la lecture en termes
51:56 de justice, c'est tout. -Merci.
51:58 -En termes d'injustice. -Il nous reste deux minutes.
52:01 Un mot, si vous voulez,
52:02 Henria Abdeloued. -Je rejoins
52:04 tout à fait votre point de vue.
52:06 Effectivement, il y a de plus en plus de précarisation,
52:10 il y a de plus en plus de fissures au niveau du tissu social.
52:14 Et moi, j'apprends vraiment que les études...
52:18 Enfin, que les élèves de banlieue ou du système professionnel
52:21 n'aient plus de culture générale.
52:24 Moi, je suis scandalisée, mais il y a quelques années,
52:27 j'avais proposé, parce que j'étais auditionnée
52:30 par... aussi, par le Parlement,
52:33 sur la question de l'éducation,
52:35 moi, je crois en l'éducation.
52:37 J'ai dit qu'il fallait quand même enseigner,
52:40 par exemple, Avicenne, Averroës,
52:42 faire entrer des auteurs comme Asia Djabbar,
52:46 Amin Mahalouf, sur identité meurtrière, etc.
52:49 Et ça, vraiment, ça contribuerait
52:53 à ce qu'on appelle le vivre ensemble,
52:55 aussi, entre les étudiants et les élèves.
52:58 -Merci. Peut-être que vous serez entendue
53:00 par le ministère de l'Education nationale.
53:02 Michel Gurfinkel, un mot, parce qu'on arrive au terme...
53:06 L'horloge nous indique qu'on est au terme de l'émission.
53:10 -Un jour, un ami américain m'a dit,
53:14 ce qui est formidable avec la France,
53:16 c'est que c'est l'éternel pays de l'affaire Dreyfus.
53:19 Il voulait dire par là que c'est un pays
53:22 où les querelles sont ce qu'elles sont,
53:24 mais où les mobilisations pour sortir de ces querelles
53:28 sont également ce qu'elles sont.
53:30 C'est une singularité française
53:32 qui, finalement, nous honore et nous permet d'espérer.
53:37 -Merci d'avoir terminé sur ce mot d'espérance.
53:41 Je crois que René Char disait
53:43 "Résistance n'est qu'espérance", vous voyez.
53:46 Donc, les deux mots vont ensemble.
53:48 Il me reste, à vous rappeler, mais très rapidement,
53:51 une bibliographie.
53:52 Alors, Catherine Kinsler, "Pensez la laïcité",
53:56 c'est votre credo.
53:58 -C'est pas un credo, ce sont des principes.
54:00 -Justement. -C'est pas une religion civile.
54:03 C'est le contraire. -On peut en parler.
54:05 -Vous restez toujours... -Oui.
54:07 Je ne remets rien de ce qui a été écrit là-dedans.
54:11 -Très bien. Je rappellerai que Jean-Pierre Le Goff
54:14 vient de publier "Mes années folles".
54:16 C'est un itinéraire fort intéressant.
54:18 Il a été quasiment un casseur en mai 68
54:22 et aujourd'hui, il considère que c'était de la pure brutalité.
54:27 On en pensera ce qu'on veut,
54:29 mais c'est...
54:31 C'est intéressant.
54:32 Alors, Frédéric Salabarou,
54:34 on a déjà parlé de votre "Bloom le magnifique".
54:38 Pouvez-vous dire un mot sur ce que vous préparez ?
54:40 -C'est autre chose.
54:42 Je prépare un livre sur la bataille de la Bérezina,
54:46 qui est l'occasion de réinterroger le parcours de Napoléon,
54:50 notamment à l'aune des valeurs de la Révolution,
54:53 et de son vainqueur, Alexandre Ier, qui est aussi à découvrir.
54:56 -Alors, Ourya Abdelwahed,
54:58 on a déjà parlé aussi de votre livre,
55:01 "Face à la destruction,
55:03 "psychanalyse en temps de guerre".
55:05 Un mot pour nos téléspectateurs.
55:08 -C'était mon travail clinique avec les réfugiés syriens.
55:11 Comment est-ce qu'on travaille ?
55:14 Comment se fabriquent des séances avec des gens
55:17 qui sont vraiment des...
55:19 Enfin, qui ont tout perdu, j'allais dire.
55:21 -Alors, Michel Gurfenquiel,
55:23 vous avez un livre en préparation sur l'hébraïsme politique ?
55:28 -Tout à fait, tout à fait, en effet.
55:30 L'hébraïsme politique, qui est ce phénomène un peu oublié,
55:34 mais tout à fait fondamental,
55:36 par lequel l'Europe, ce qu'on appelle "moderne",
55:38 c'est-à-dire l'Europe du XVIe siècle au XVIIIe siècle,
55:42 a essayé de résoudre ses problèmes internes
55:46 en recourant non seulement à la Bible hébraïque,
55:50 mais aussi, et c'est tout à fait intéressant,
55:53 à la tradition juive,
55:56 à la tradition thalmudique et rabbinique.
55:58 Voilà. C'est un phénomène
56:00 qui a touché les plus grands intellectuels de cette époque.
56:03 -Merci, Michel Gurfenquiel.
56:05 Ce qui vous fait plaisir, Vincent Peillon.
56:07 -On a enfin traduit en France le livre de Nelson
56:10 "La République des Hébreux",
56:12 et le débat se lance sur ce modèle moderne,
56:15 libéral du XVIIe, XVIIIe, XVIIe siècles,
56:17 qui est le retour à la Bible hébraïque,
56:19 à cette République des Hébreux, qu'on trouve chez Bossuet,
56:23 finalement chez Rousseau, et qui a inspiré le modèle moderne
56:26 politique, mais qui avait disparu de la mémoire collective.
56:30 L'histoire se réécrit toujours. -Vous pouvez rappeler
56:33 le titre de votre livre ? -Le mien, c'est autre chose,
56:36 c'est sur le judaïsme français.
56:38 "Jérusalem n'est pas perdu", sur Joseph Salvador.
56:41 -C'est paru au bord de l'eau. -La République des Hébreux
56:44 d'Eric Nelson est un très grand livre,
56:46 enfin disponible en France. -Merci.
56:48 Il me reste à vous remercier d'avoir participé
56:52 à cette émission.
56:54 Il me reste à remercier l'équipe de LCP,
56:57 qui a permis la réalisation de cette émission.
57:01 Avant de vous quitter, je voudrais vous laisser
57:05 avec cette citation. Vous me direz si vous reconnaissez
57:08 son auteur.
57:09 Vous avez un nom ?
57:28 -Oui. -Et vous ?
57:30 C'est l'actuel président de la République,
57:32 Emmanuel Macron.
57:34 ...

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