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Quoiqu'on pense de la réforme des retraites, elle a cristallisé un malaise social qui parait durable. L'emploi répétitif du 49.3, auparavant et pour cette réforme, a mis la représentation parlementaire en ébullition. Au malaise social s'est ajoutée une crise politique, mais pas de crise de régime parce que la Constitution de la Vème République a prévu de pouvoir gouverner par temps de crise. Certes, certains en appellent à une VIème République mais sans qu'on discerne le contenu de leurs revendication institutionnelles, un retour à la IVème n'apparaît pas plus convaincant. Reste la tentation bien française d'une bougeotte institutionnelle, alors que les Etats-Unis n'ont pas changé de Constitution depuis deux siècles et demi, la France en est à sa 15ème Constitution depuis 1789 et la Vème République initiée par la réforme de Général de Gaulle au pouvoir a fait l'objet de 24 remaniements. On prête à l'actuel Président Emmanuel Macron la volonté politique de remanier à son tour la constitution. Dans quelles directions ? Et pour en faire quoi ?

Pour en parler Émile Malet reçoit :
- Dominique Reynié, Politologue, professeur à Sciences Po, président de Fondapol
- Dominique Rousseau, Juriste, professeur de droit constitutionnel
- Olivier Passelecq, Professeur de droit à l'IPAG de l'Université Paris Panthéon Assas
- Marie-Noëlle Lienemann, Sénatrice, ancienne ministre

Présenté par Emile MALET
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00 Générique
00:02 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:27 Réformer les institutions, pourquoi faire ?
00:31 Quoi qu'on pense de la réforme des retraites,
00:33 elle a cristallisé un malaise social qui paraît durable.
00:37 L'emploi répétitif du 49-3,
00:40 auparavant et pour cette réforme,
00:42 a mis la représentation parlementaire en ébullition.
00:46 Au malaise social s'est ajoutée une crise politique,
00:49 mais pas de crise de régime,
00:51 parce que la Constitution de la Ve République
00:55 n'a pas prévu de pouvoir gouverner par tant de crises.
00:58 Certes, certains en appellent à une sixième République,
01:02 mais sans qu'on discerne le contenu
01:04 de leurs revendications institutionnelles.
01:07 Un retour à la quatrième République n'apparaît pas plus convaincant.
01:11 Reste la tentation bien française d'une bougeotte institutionnelle,
01:15 alors que les Etats-Unis n'ont pas changé de Constitution
01:19 depuis deux siècles et demi.
01:21 La France en est à sa 15e Constitution,
01:25 depuis 1789.
01:27 Et la Ve République,
01:28 initiée par la réforme du général de Gaulle en 1958,
01:33 a fait l'objet de 24 remaniements.
01:36 On prête à l'actuel président Emmanuel Macron
01:40 la volonté politique de remanier à son tour la Constitution.
01:44 Dans quelle direction et pour en faire quoi ?
01:47 Nous allons voir cela avec mes invités,
01:50 que je vous présente.
01:51 Marine Noël Lindemann,
01:53 vous êtes sénatrice et vous êtes ancienne ministre.
01:57 Dominique Reynier,
01:58 vous êtes politologue, professeur à Sciences Po
02:01 et président de Fondapol.
02:03 Olivier Paslec, vous êtes professeur de droit
02:06 à l'IPAC de l'université Paris-Panthéon-Assas.
02:10 Et Dominique Rousseau,
02:11 vous êtes juriste et professeur de droit constitutionnel.
02:15 ...
02:22 Vous venez voir cette citation de Jean-Louis Bourlange.
02:26 Elle est pleine d'humour.
02:28 "Il n'était pas sain de faire du président, à la fin,
02:31 "le symbole de l'Etat et le chef du gouvernement,
02:33 "le roi d'Angleterre et son Premier ministre."
02:37 La question qui se pose,
02:38 et qu'on a vue au moment de la réforme des retraites,
02:42 c'est qu'il y a cette tendance de verticalité du pouvoir
02:46 qui a occasionné un grand mécontentement
02:49 et laisse apparaître le chef de l'Etat
02:52 comme s'il était le seul et vrai détenteur
02:55 du pouvoir politique.
02:56 Qu'en pensez-vous, Marie-Noëlle Limnan ?
02:59 -C'est la raison pour laquelle,
03:01 disons qu'intrinsèquement, dès l'origine,
03:04 la Ve République cristallise une vision du pouvoir
03:08 qui me paraît pas positive pour le pays.
03:12 Considérer que l'élection d'un seul homme
03:14 avait quand même l'essentiel des pouvoirs,
03:17 et d'autant plus avec toute une série de choses
03:20 comme le quinquennat et la version du calendrier,
03:23 qui fait qu'on a une confusion
03:25 entre un président qui préside et un gouvernement
03:28 qui gouverne, de fait, une majorité,
03:30 je pense que cette image-là est très néfaste
03:34 parce qu'elle empêche de produire l'idée
03:38 que le peuple français, c'est dans sa collectivité,
03:41 dans sa complémentarité,
03:43 dans la capacité de décision collective,
03:45 qu'il doit trouver ses choix, ses orientations,
03:48 ses voies d'avenir. -On va décliner.
03:50 Vous allez voir les différents aspects.
03:53 -Ca a aussi d'autres impacts dans d'autres domaines.
03:56 L'idée du chef d'entreprise tout puissant,
03:58 que les corps intermédiaires n'ont pas beaucoup d'importance,
04:02 que le collectif est secondaire
04:04 par rapport à la délégation d'un pouvoir à un homme,
04:07 nous affaiblit collectivement
04:09 dans notre sens des responsabilités
04:11 et dans nos capacités à décider ensemble.
04:13 -Vous êtes d'accord pour dire que cette verticalité du pouvoir
04:17 auberge en quelque sens
04:19 la dimension démocratique du pouvoir ?
04:22 Dominique Régnier ?
04:23 -Je partage assez largement ce que vient de dire
04:26 madame Manoël Linnemann.
04:28 J'avais envie de dire, au fond,
04:30 la verticalité du pouvoir,
04:31 c'est pas fait pour être exercé en haut, si je puis dire.
04:35 Il y a bien sûr une fonctionnalité
04:37 à cette élection du chef de l'Etat,
04:39 à cette forme d'autorité,
04:41 elle peut être d'une grande nécessité,
04:43 mais ça suppose d'en faire un usage
04:46 plutôt exceptionnel de grands moments d'arbitrage
04:50 et d'orientation du pays,
04:51 et je vais m'en tenir là pour pas prendre trop de temps,
04:55 mais en revanche, et là, je suis encore une fois
04:58 d'accord avec ce qui vient d'être dit,
05:00 l'organisation du partage dans la société.
05:03 Il est clair, de mon point de vue,
05:04 que les collectivités locales
05:06 n'ont pas suffisamment de responsabilités,
05:09 que la décision publique n'est pas partagée
05:12 avec suffisamment de corps intermédiaires,
05:14 y compris le monde associatif et de l'entreprise.
05:17 Il y a tout un système de coopération,
05:19 je dirais, qui est à l'abandon, inhibé,
05:22 et qui apporterait sans doute beaucoup au pays.
05:24 -Oui, Dominique Rousseau voulait intervenir là-dessus.
05:28 -Je serai peut-être un peu plus nuancé,
05:30 parce que je pense que ce que vous avez décrit
05:33 ou la citation de Jean-Louis Bourlange
05:35 se réfère davantage à la pratique politique
05:38 de la Vème République qu'au texte de la Constitution de 1958.
05:45 Si on lit le texte de 1958,
05:48 le chef de l'Etat n'est pas Premier ministre,
05:50 il est chef de l'Etat.
05:52 Vous avez le discours de Michel Debré,
05:54 du 27 août 1958, au Conseil d'Etat,
05:56 qui explique très bien que le président de la République
06:00 n'a pas de pouvoir de décision.
06:02 Il a un pouvoir de solliciter d'autres pouvoirs.
06:05 -Oui, mais là, vous êtes dans la Constitution.
06:08 Oui, mais est-ce que vous n'avez pas été choqué
06:11 que sur la réforme des retraites,
06:14 l'homme visé n'était que Macron,
06:16 c'est-à-dire le président de la République,
06:19 et non pas tout le gouvernement qui est incriminé par ça ?
06:22 -Mais parce que depuis 1958,
06:24 et pour des raisons à la fois historiques,
06:26 la guerre d'Algérie et à la fin de la guerre d'Algérie,
06:30 la révolution de 1962 qui donne une majorité aux partis gaullistes,
06:33 il y a eu ce que certains appellent une dérive,
06:36 d'autres appellent ça une violation du texte même
06:39 de la Constitution, qui fait que...
06:41 -On va y venir. -Que ce soit Emmanuel Macron,
06:44 Nicolas Sarkozy, que ce soit Giscard d'Estaing...
06:46 Souvenez-vous de Giscard d'Estaing en 1969,
06:49 dénonçant l'exercice solitaire du pouvoir.
06:52 Donc, si vous voulez, c'est pas une spécificité
06:54 d'Emmanuel Macron que toute la grogne,
06:59 la colère ou la constatation se porte
07:02 sur le président de la République.
07:04 -Olivier Paslec, c'est justement là-dessus
07:06 qu'il faut préciser les choses.
07:08 La Constitution de la Ve République
07:11 avait un caractère bâtard, ce mot,
07:14 et de l'ancien président, Georges Pompidou,
07:17 pour exprimer la dimension hybride
07:20 de la Constitution de 58,
07:23 qui, rappelons-le dans son article 3,
07:25 mettait au même niveau la démocratie
07:28 représentative, c'est-à-dire les élections législatives,
07:32 et une forme de démocratie directe avec le référendum.
07:36 Le déséquilibre, aujourd'hui, est patent,
07:39 puisque le recours au référendum est quasi obsolète.
07:42 Qu'en pensez-vous ?
07:43 -Oui, l'article 3 de la Constitution
07:46 l'énonce bien.
07:47 "La souveraineté nationale appartient au peuple
07:50 "qu'il exerce par ses représentants et par le référendum."
07:53 Effectivement, cette Constitution est fondée sur deux piliers.
07:57 La démocratie représentative, la démocratie directe.
08:00 Mais, malheureusement,
08:02 le référendum est tombé quasi en 18-8.
08:05 Il n'y en a eu que neuf depuis 65 ans,
08:08 quatre par le général de Gaulle,
08:10 ensuite, ça a été un peu dévoyé,
08:12 deux référendums importants qui ont eu beaucoup de tenue,
08:15 qui ont donné lieu à des débats de grande qualité
08:18 sur Maastricht et sur la Constitution européenne.
08:21 Cela dit, on a contourné après
08:23 par, évidemment, le vote d'autres dispositions.
08:26 Mais moi, je veux dire juste, très rapidement,
08:29 une conviction que j'ai, qui est très profonde,
08:32 et c'est que ce ne sont pas les institutions
08:34 qu'il faut remettre en cause,
08:36 mais ceux qui s'en servent.
08:38 Et ceux qui s'en servent, en ce moment,
08:40 ils s'en servent mal.
08:42 Et je pense qu'ils ont accru
08:45 cet exercice solitaire du pouvoir,
08:47 parce que, finalement, le président de la République,
08:50 aujourd'hui, apparaît comme très isolé.
08:52 Et précisément, tout dont converge vers lui,
08:56 il prétend être Jupiter, Dieu des dieux,
08:59 maître de la foudre,
09:00 mais maintenant, c'est le tonnerre qui lui tombe sur la tête.
09:04 -Justement, précisons à ce sujet la chose.
09:08 Si la pratique référendaire est tombée en désuétude,
09:13 à votre avis, c'est parce que les différents présidents
09:16 de la République qui n'en ont pas fait usage
09:19 craignaient d'être désavoués ?
09:21 Dominique Régnier.
09:23 -Je ferai une...
09:25 Une remarque...
09:26 Je trouve que c'est très convergent,
09:28 même si chacun prend soin de se distinguer un peu.
09:32 En réalité, c'est très convergent,
09:34 il y a un problème d'usage.
09:36 Et si on pense à l'usage, il faut l'inscrire dans l'histoire.
09:40 Il me semble, c'est tout à fait contestable,
09:43 ce que je vais dire,
09:44 mais il me semble que nous entrons dans une époque,
09:47 on sait que c'est sûr,
09:49 où il va falloir prendre des décisions
09:53 beaucoup plus compliquées que celles que nous prenions.
09:57 Si je fais référence à la situation budgétaire,
10:00 au déficit, etc., c'est un argument qui peut être reçu.
10:03 Je ne vois pas, dans ce contexte,
10:06 quelles décisions pourraient être prises
10:09 avec l'assentiment du souverain dans le cadre d'un référendum.
10:13 Les grandes décisions que nous devons prendre
10:15 sont désagréables, qui ne passeront pas
10:18 si nous les adoptons par référendum,
10:20 les gens ne voudront pas.
10:22 C'est pour ça que la décision n'est pas nécessaire.
10:24 Au fond, le référendum, c'était très bien
10:27 pour les époques de croissance forte,
10:29 de démographie très favorable
10:31 et de redistribution programmatique quasiment universelle,
10:34 même si les partis tardent à se caler
10:37 sur ce nouvel agenda historique.
10:39 Et maintenant...
10:40 D'ailleurs, c'est cette remarque que je ferai
10:42 sur le débat de fond.
10:44 Je ne sais pas quelle institution, quel agencement,
10:47 quelle république, 6e, 7e, 8e ou 10e,
10:49 nous permettrait de faire adopter par le Parlement
10:53 et encore moins par la population,
10:55 une réforme comme celle que nous voulons.
10:57 -Justement... -Au bout du moment,
10:59 avec les meutes. -Oui, alors, justement...
11:02 -C'est un montant de l'argent. -Oui.
11:04 On va essayer de vous départager, si je puis dire.
11:07 Si le référendum ne peut pas être initié
11:12 par un président de la République aujourd'hui,
11:15 on a ce référendum d'initiative partagée
11:19 qui apparaît comme un ersatz politique de substitution.
11:23 Ca vous convainc, Saddam Hussein,
11:25 c'est-à-dire que, puisqu'on arrive,
11:27 le président ne veut pas s'exposer,
11:30 c'est comme s'il y avait un transfert de responsabilité
11:34 vers l'hypothèse de 5 millions,
11:37 ou quasiment, d'électeurs.
11:40 -Il y a un problème particulier de la France
11:43 à l'égard du référendum.
11:45 C'est le référendum qu'a instauré la République,
11:49 mais c'est aussi le référendum qui a fait tomber la République.
11:52 Et donc, la France a une culture du référendum
11:56 qui est plus plébiscitaire,
11:58 et par conséquent, il y a une espèce de recul,
12:02 de distance, de méfiance à l'égard de la pratique référendaire.
12:06 On l'a vu en 1946, on l'a vu en 2005.
12:10 Donc, il y a une réserve à l'égard de la pratique référendaire.
12:15 Vous parlez du référendum d'initiative partagée.
12:18 Lorsque vous discutez avec ceux qui l'ont établi
12:20 lors de la commission Baladur,
12:22 ils l'ont organisé pour que ça ne marche jamais.
12:25 Ils le disent, ils l'avouent.
12:27 C'est tellement compliqué...
12:29 -C'est une sucette qui a été donnée au peuple ?
12:31 -Il a fallu faire une concession,
12:33 montrer qu'on ouvrait, justement,
12:36 on élargissait le champ du référendum.
12:39 Alors, on l'a élargi, comment dire, textuellement.
12:42 C'est-à-dire, on a permis qu'il y ait un référendum
12:46 sur d'autres questions que les questions institutionnelles.
12:49 Mais vous avez bien dit référendum d'initiative partagée.
12:53 C'est-à-dire, à qui on donne la clé ?
12:55 On donne la clé aux parlementaires,
12:57 parce qu'il faut qu'il y en ait un cinquième qui signe,
13:01 et ceux qui peuvent le fermer,
13:02 parce que même s'il y a les 4,9 millions de signatures,
13:06 ils peuvent empêcher le référendum en examinant la proposition.
13:09 Donc, initiative partagée,
13:11 initiative parlementaire, en réalité.
13:14 -Oui, mais là, constitutionnellement,
13:16 il n'y a pas un vice de forme ?
13:17 C'est-à-dire que des électeurs proposent quelque chose
13:21 qui peut être retoqué par l'Assemblée nationale ?
13:23 -Ce sont les parlementaires qui proposent.
13:26 -C'est bidon. -Marie-Noëlle Linnemann ?
13:28 -C'est complètement bidon, ce rite.
13:30 Vous avez raison, ils ont été construits
13:33 pour donner l'illusion.
13:34 Il n'y a rien de pire que les institutions
13:37 qui donnent des illusions.
13:38 Il faut que ce soit clair.
13:40 Je pense que dans la période où nous sommes,
13:43 en France, mais c'est vrai particulièrement en France,
13:46 il y a un problème de capacité pour le peuple
13:48 de pouvoir se faire entendre.
13:50 Et que l'équilibre...
13:52 -Mais vous êtes sénatrice, vous représentez le peuple.
13:55 -Non, mais attendez, l'équilibre des pouvoirs,
13:58 justement, de ce point de vue, de la cinquième,
14:00 était intéressant, c'est qu'il y a la représentation
14:04 et, par moment, la nécessité du référendum,
14:06 le peuple souverain qui discute.
14:08 Si on avait voté le traité constitutionnel,
14:11 au Parlement, il aurait été massivement approuvé,
14:14 le traité européen, la Constitution européenne,
14:17 massivement approuvé, alors qu'il a été fortement contesté
14:21 par le peuple français.
14:22 Vous ne pouvez pas durablement installer un système
14:25 où ça croît les différences de point de vue.
14:28 Pour ma part, je pense que le champ référendaire
14:31 doit être repensé dans nos institutions.
14:34 Bien sûr, à l'initiative du président de la République.
14:37 Je pense qu'il faut ouvrir un champ référendaire
14:40 à l'initiative du Parlement lui-même,
14:42 qui, en son sein, peut se sentir divisé,
14:45 pas suffisamment conforté dans son point de vue
14:48 et doit pouvoir saisir le peuple,
14:50 et l'initiative populaire ou citoyenne
14:52 n'est pas partagée.
14:54 La vraie question, c'est le champ référendaire
14:57 jusqu'où on l'ouvre dans chacun des domaines.
15:00 Par exemple, je ne trouverais pas sain
15:03 qu'on puisse ouvrir le champ référendaire
15:05 sur les territoires de l'Etat,
15:08 que l'on puisse ouvrir le champ référendaire
15:10 sur les droits fondamentaux... -Qui en déciderait ?
15:13 -Si vous décidez... -C'est la Constitution ?
15:16 -La Constitution définirait le champ référendaire
15:19 ouvert à chacune... -La Constitution définit
15:22 le champ référendaire. -Est-ce que l'immigration
15:25 ferait partie du champ référendaire ?
15:27 -C'est une bonne question. -On peut se poser la question.
15:31 -Ca fait partie des débats. -C'est une réforme
15:33 de la politique sociale ? -Je pense que,
15:36 par exemple, quand ça s'attaque aux droits fondamentaux,
15:39 dire "interdit d'avoir des minarets",
15:41 enfin, des mosquées, en France, par exemple,
15:44 ça me paraîtrait pas pouvoir être mis en référendum
15:47 parce qu'on s'attaque aux droits fondamentaux.
15:50 -Mais est-ce que vous mettriez l'immigration dedans ?
15:53 -Personnellement, j'ai pas une folle envie
15:55 d'avoir un débat sur l'immigration.
15:58 -C'est le peuple. -C'est ce que j'allais vous dire.
16:01 D'un autre côté, il y a rien dans nos textes fondamentaux,
16:04 qui ne doivent pas pouvoir être contestés,
16:06 qui pourraient le mettre en oeuvre.
16:08 Je ne suis pas pour le fermer à l'avance.
16:11 -C'est là le problème. -Oui, Dominique Rousseau.
16:14 -C'est là le problème du référendum.
16:16 Je me souviens qu'en 1984, je crois,
16:18 le président Mitterrand voulait ouvrir la possibilité
16:22 d'un référendum aux problèmes de société.
16:24 -Le référendum sur le référendum.
16:26 -Ca avait été retoqué par le Sénat, à l'époque, notamment.
16:30 Mais moi, j'ai beaucoup de réticences
16:34 à l'égard du référendum.
16:36 Et d'une certaine manière, ce que vous venez de dire
16:39 montre qu'il y a des réticences.
16:41 On dit "oui, OK sur le référendum",
16:43 mais pas sur toutes les questions.
16:45 Où le peuple est souverain, où il n'est pas souverain.
16:48 Si on dit que le peuple est souverain,
16:51 on le laisse se prononcer sur tout.
16:53 Le peuple peut se prononcer par référendum
16:55 et décider de... -Dominique Rousseau,
16:58 on dit que sur la peine de mort, un référendum ne serait pas passé.
17:01 -C'est bien pour ça que je vous dis...
17:04 -Je n'en ai discuté
17:05 avec François Mitterrand. -C'est bien pour ça
17:08 que je vous dis que la question du référendum
17:10 est peut-être un faux instrument de la démocratie
17:13 et un vrai instrument du populisme.
17:16 -Mastrice a été bien.
17:17 -Non, parce que... Pourquoi Mastrice est différent ?
17:20 Parce qu'il y a eu d'abord, comment dire,
17:24 un vrai débat qui a conduit au référendum.
17:28 Moi, je suis contre les référendums secs.
17:30 Or, dans notre société d'aujourd'hui,
17:34 avec les réseaux sociaux, avec les fake news,
17:36 avec tout ce qu'on voit,
17:38 il me semble difficile d'organiser un référendum,
17:41 quel que soit le domaine,
17:43 à partir d'un débat sérieux, rationnel,
17:45 et qui ne soit pas pollué par...
17:47 -Attendez, laissez-moi vous poser une question de droit.
17:51 Olivier Paslec, à votre avis,
17:53 sur cette question du référendum,
17:57 telle que la proposition vient d'être énoncée
18:00 par madame Lindemann,
18:02 à savoir qu'il émanerait pas du président de la République,
18:06 mais qu'il émanerait du Parlement, par exemple.
18:09 La proposition viendrait du Parlement.
18:11 Est-ce qu'on peut imaginer une double signature, par exemple,
18:14 sur la question du référendum ?
18:16 Et est-ce que, constitutionnellement,
18:19 ça peut se faire ? -Bon, très vite.
18:21 D'abord, le référendum d'initiative parlementaire
18:26 existe dans l'article 11, ça peut être une proposition du Parlement.
18:30 Je vais essayer de faire une proposition,
18:32 parce que je savais que Dominique Rousseau
18:34 n'était pas favorable au référendum.
18:37 Je suis beaucoup plus favorable au référendum.
18:39 On pourrait soit adopter un vrai référendum
18:42 d'initiative citoyenne, réclamé à corps et à cri
18:45 par les Gilets jaunes, le référendum d'initiative citoyenne,
18:49 c'est bien quelque chose qui venait bien, vraiment, du peuple.
18:53 Donc, on pourrait faire un vrai référendum
18:55 d'initiative citoyenne, comme en Italie,
18:57 pour abroger une loi ou pour adopter une loi,
19:00 avec 500 000 électeurs.
19:02 C'est une première possibilité. -Électeurs ou signataires ?
19:06 -Électeurs.
19:07 Électeurs.
19:09 Sinon, on peut également revoir ce fameux référendum
19:12 d'initiative partagée, qui, d'ailleurs,
19:15 était avant le comité Balladur, prévu dès le comité Vaudel.
19:18 Mais, alors, à ce moment-là, il faudrait, je crois,
19:22 raccourcir les délais,
19:24 c'est-à-dire que ça ne dure pas 18 mois,
19:27 mais, par exemple, beaucoup moins,
19:29 qu'on laisse, je crois, un cinquième des parlementaires,
19:33 mais qu'on abaisse, précisément, là aussi, peut-être,
19:36 à 500 000 ou 1 million le nombre d'électeurs
19:39 qui doivent soutenir la proposition.
19:42 Et, à ce moment-là, réduire les délais,
19:45 pas neuf mois, c'est trop long. Il faut laisser ça six mois.
19:48 Et ensuite, surtout, éviter ce qu'il y a actuellement
19:51 dans la Constitution, c'est que si jamais,
19:54 après, le Parlement s'en empare, il n'est même pas obligé
19:57 de se prononcer, vous vous rendez compte,
19:59 alors c'est fini, on n'en parle plus.
20:02 C'est une usine à gaz, et je dirais même,
20:04 c'est une tromperie.
20:06 -Alors, Dominique Régnier, qu'est-ce qu'il faut faire,
20:10 puisqu'il n'y a pas de bon référendum ?
20:12 -Moi, au fond, je vous ai dit mon sentiment principal.
20:17 Je crois que l'époque est au référendum
20:21 par l'évolution de la société et ce qui a été dit,
20:24 notamment sur sa politisation conflictuelle
20:27 par les réseaux sociaux, une espèce de besoin que l'on sent.
20:30 Je ne sais pas exactement la profondeur de ce besoin,
20:33 mais il est très visible, très perceptible,
20:35 dans une partie de la société politique française.
20:38 C'est peut-être 4, 5, 10 millions,
20:40 c'est pas 49 millions d'électeurs, mais c'est quand même beaucoup.
20:44 Et de l'autre côté, je crois que soit les questions
20:47 qui seraient posées à l'initiative du peuple
20:49 embarrasseraient beaucoup de monde,
20:51 y compris les personnes favorables au référendum,
20:54 parce qu'on pourrait arriver sur des sujets délicats,
20:57 soit sur des grandes décisions à prendre,
21:00 qui seraient difficiles, le peuple s'y opposerait par référendum,
21:03 alors que ce serait une décision nécessaire.
21:06 Il existe des décisions nécessaires,
21:08 et il arrive que ce soit impopulaire.
21:10 -Je comprends votre raisonnement,
21:13 mais c'est pas un problème de retraite.
21:15 On peut se fixer comme objectif que nos comptes de retraite soient
21:18 équilibrés. J'espère que les trois quarts
21:21 ou les neuf dixièmes des gens pensent qu'il faut
21:24 que le système de retraite soit équilibré.
21:26 Sauf que nous faire croire qu'il n'y a qu'une seule réforme possible...
21:30 Je ne dis pas que les autres seraient favorables,
21:33 mais quand on dit que c'est défavorable,
21:36 ça fait mal à qui ? Et lesquels ? Et comment on arbitre ?
21:39 -C'était dans le programme politique du candidat.
21:42 -On n'est pas en train de débattre.
21:44 Je veux dire que le référendum lui-même,
21:46 il peut très bien, même pour des décisions délicates,
21:50 être pris parce qu'on aura trouvé des solutions
21:54 qui apparaîtront comme plus justes.
21:56 -Je vais le dire autrement.
21:58 On a 160 milliards de déficit.
22:00 C'est énorme.
22:01 Il va sans doute falloir prendre une série de décisions
22:04 objectivement nécessaires et, je crois, hélas, impopulaires.
22:08 Là, je vois pas comment on peut faire rentrer le référendum
22:11 dans un jeu pareil.
22:12 -Croyez-vous que, durablement,
22:14 on peut multiplier les décisions impopulaires ?
22:17 -On ne l'a pas fait du tout.
22:19 C'est un peu l'idée.
22:20 -Oui. -Dominique Rousseau.
22:22 -Si on fait un référendum,
22:23 vous allez dire que je suis embêtant en tant que juriste,
22:27 mais le peuple qui se prononce,
22:30 est-ce que c'est le souverain ou le corps législatif ?
22:33 Il y a plusieurs peuples.
22:35 Le peuple qui va voter une loi sur les retraites,
22:38 l'immigration, la peine de mort,
22:40 est-ce que c'est le peuple en tant que souverain
22:42 ou en tant que législateur ?
22:44 Si c'est le peuple en tant que législateur,
22:47 on peut envisager l'hypothèse
22:49 que le vote qui sortirait du référendum
22:52 pourrait être la loi qui sortirait...
22:54 Il pourrait être soumis au contrôle du Conseil constitutionnel.
22:58 Imaginez que le peuple vote pour le rétablissement
23:01 de la peine de mort.
23:02 Le Conseil constitutionnel pourrait censurer
23:04 la loi adoptée par le peuple,
23:06 parce que c'est pas le souverain qui se serait prononcé,
23:10 mais le corps législatif, dans la personne du législateur.
23:13 Il y a le peuple souverain et le peuple législateur.
23:16 -Mais ils se confondent en période de violence sociale.
23:19 -Il faut que ce soit au moment de la question.
23:21 -Ils se confondent pas. -Si la question
23:24 est considérée comme anticonstitutionnelle,
23:26 parce qu'une fois votée, elle serait anticonstitutionnelle,
23:30 c'est en amont du référendum. -On peut le faire en amont.
23:33 -On peut le faire aussi en amont. -Il y a des fois des pratiques
23:37 qui font jurisprudence.
23:38 Prenons, par exemple, la période de cohabitation.
23:41 A l'époque du président Mitterrand,
23:43 vous étiez ministre, Marine Noël Lindemann.
23:46 Le domaine de la défense et de la politique extérieure,
23:49 domaine réservé, ça n'existe nulle part dans la Constitution.
23:53 -Nulle part. -Est-ce qu'il faudrait
23:55 pas parlementariser cette chose-là ?
23:57 Qu'en pensez-vous, Olivier Paslec ?
24:00 Parce que c'est une pratique, finalement,
24:02 j'allais dire extra-constitutionnelle.
24:05 Et pourtant,
24:06 tous les présidents l'ont adoptée après,
24:08 parce que c'était plus pratique pour eux.
24:11 -Dans ma conception, le référendum,
24:13 c'est pas utilisé quotidiennement. -C'est pas tous les quarts d'heure.
24:17 -Il faut qu'on soit clair.
24:19 La réforme des retraites, on comprend pourquoi
24:21 le président Macron ne l'a pas utilisée.
24:24 Il savait que le vote aurait été négatif.
24:26 Alors, sinon, écoutez,
24:28 moi, ce que je voulais dire, simplement, très vite,
24:31 c'est que non seulement la Constitution est hybride,
24:34 mais le régime de la Ve République est à géométrie variable.
24:37 Il montre qu'il peut être plus équilibré qu'il n'est actuellement.
24:41 C'est la période dite de cohabitation.
24:43 Le président se trouve confronté à une majorité parlementaire
24:47 qui lui est opposée. Ca s'est produit à trois reprises.
24:50 Et là, alors, on retrouve l'essence même
24:52 de la Constitution et du régime, qui est parlementaire.
24:56 C'est un vrai régime parlementaire, la Ve République.
24:59 On n'a pas besoin d'une révolution pour le remplir.
25:02 Un, exécutif bicéphale, oui.
25:05 Droits de dissolution, oui.
25:07 Responsabilité du gouvernement devant le Parlement, oui.
25:10 C'est un régime parlementaire.
25:12 D'ailleurs, ça plaît plutôt à l'opinion.
25:14 L'opinion aime bien ce rééquilibrage des pouvoirs.
25:17 La cohabitation permet de reparlementariser le régime.
25:20 -Ca, c'est pas la Quatrième République ?
25:22 -Non, parce qu'on a le parlementarisme rationalisé.
25:26 Mais malheureusement, là, je vais dire quelque chose d'horrible,
25:29 c'est qu'on a assisté à un parlementarisme brutalisé.
25:32 -Vous êtes d'accord avec ça, Dominique Régnier,
25:35 sur ce retour au parlementarisme
25:38 qui s'exerce en période de cohabitation,
25:41 mais pas en période de plein pouvoir ?
25:43 -Pas en période de plein pouvoir, ni malheureusement
25:46 dans une période où la majorité est relative
25:49 et où nous avons tous honnêtement espéré,
25:51 il y a un an, que nous allions faire
25:54 une expérience étonnante en France, mais heureuse,
25:57 d'un parlementarisme raisonnable, construit...
26:00 -Oui, mais regardez... -C'est un charivari permanent.
26:03 -Si on regarde... Juste, Marie-Noël,
26:05 j'ai une question pour vous.
26:07 Si on regarde ce qui s'est passé
26:09 dans notre passé récent,
26:12 qu'il s'agisse de la CSG ou même de la Constitution,
26:16 ça a été voté sans majorité absolue.
26:20 Et donc, ça veut dire que la Ve République
26:23 est assez souple pour permettre,
26:26 y compris dans des périodes de cohabitation
26:29 ou des périodes où il n'y a pas de majorité,
26:31 de faire fonctionner la politique.
26:33 -Oui, mais alors, justement,
26:35 moi, je pense que la vraie question,
26:38 c'est est-ce que le président,
26:39 est-ce que le Premier ministre procède
26:42 de la nomination du président
26:44 ou est-ce qu'il est issu du Parlement,
26:47 d'un accord majoritaire au Parlement ?
26:50 Parce que ça change, d'une certaine façon, tout.
26:53 Dans la mesure où, premièrement,
26:56 c'est sûr que si le président a la majorité à 100 %,
26:59 il peut faire... -Il fait ce qu'il veut.
27:02 -La Chambre de l'Horizon,
27:03 ils font ce qu'ils veulent.
27:05 -C'est pas du parlementarisme, nécessairement.
27:08 -Voilà. Mais par contre,
27:10 pourquoi je suis pour que le Premier ministre
27:12 soit issu du Parlement ?
27:14 J'aime pas toujours ce que font les Allemands,
27:17 mais il y a un truc sur lequel ils ont plutôt raison.
27:20 C'est-à-dire qu'en début de mandat,
27:22 il y a un accord majoritaire,
27:25 des composantes du Parlement,
27:26 qui vont mettre en oeuvre des politiques
27:29 qui sont évidemment des compromis.
27:31 Avec, s'il faut faire les réformes des retraites,
27:34 alors oui, on va ponctionner les grosses entreprises.
27:38 Vous voyez ce que je veux dire ? Il y a un compromis global.
27:41 Or, nous faisons en permanence l'économie de cela.
27:45 -Dominique Rousseau,
27:46 est-ce que vous pensez que cette solution à l'allemande
27:50 était possible... -C'était pas totalement
27:52 l'allemande. -...après la réélection
27:54 d'Emmanuel Macron ?
27:56 Comment aurait-il pu constituer
27:58 cette coalition, en quelque sorte, majoritaire ?
28:03 -Il aurait... -Avec le RN d'un côté,
28:06 les Insoumis de l'autre,
28:08 LR, qui était sur une autre position.
28:10 C'était introuvable.
28:12 -C'est ce qu'a dit Dominique Régnier.
28:14 Il y avait, comment dire, la possibilité
28:17 de passer à un parlementarisme raisonnable,
28:21 à un apprentissage du compromis,
28:24 de la conciliation.
28:25 Ce que font les Allemands, le SPD, les libéraux,
28:28 je crois, et les écolos,
28:30 qui ont mis... -Le beau destac
28:32 n'est pas l'Assemblée nationale.
28:34 -Ce n'est pas de faire totalement commun.
28:36 -Nous, on a une culture bonapartiste, jacobine.
28:39 Il faut que ce soit le chef qui détermine le programme
28:43 et les autres se mettent derrière sans concession.
28:46 Le problème des retraites, c'est que le président de la République
28:52 a voulu que sa réforme soit celle du gouvernement.
28:55 S'il avait laissé le gouvernement,
28:57 excusez-moi, article 20-21,
28:59 déterminer la politique du pays,
29:01 le Premier ministre aurait pu discuter
29:04 avec les groupes parlementaires
29:06 et trouver un consensus sur un programme de réforme.
29:09 -C'est ce qui s'est passé. -Non.
29:11 -Elle n'est pas arrivée.
29:12 -Le président de la République a dit que c'était sa réforme.
29:16 C'est sa réforme qui va passer.
29:18 Débrouillez-vous pour la faire passer au Parlement.
29:21 Si on était dans un régime parlementaire,
29:24 le président de la République aurait laissé
29:26 la Première ministre essayer de trouver un compromis
29:29 avec les différents groupes sur la question de la réforme.
29:33 Là, on a été bloqué.
29:34 Comme ça venait du président de la République,
29:37 le LR ne pouvait pas dire "OK, j'y vais",
29:39 le RN ne pouvait pas, etc.
29:42 Donc, on a eu un parlementarisme...
29:44 On a eu une possibilité de parlementarisme raisonnable
29:48 bloqué par le président de la République.
29:51 -On a vu la citation d'Emmanuel Macron.
30:01 "Je veux graver la liberté des femmes
30:03 "de recourir à l'IVG dans la Constitution."
30:06 Alors, il n'y a pas que l'IVG.
30:08 On prête au président de la République
30:11 différentes modifications.
30:15 Est-ce que vous pensez que, sur la réforme électorale,
30:18 par exemple, moins de parlementaires,
30:21 ça peut vous concerner au Sénat ou à l'Assemblée nationale,
30:25 l'institution de la proportionnelle intégrale
30:28 ou plus substantielle qu'elle ne l'a été,
30:31 le vote obligatoire, le quinquennat,
30:34 deux questions à propos de tous ces changements.
30:38 Est-ce qu'il relève de la Constitution ?
30:40 Qu'est-ce qui relève de la Constitution ?
30:43 Qu'est-ce qui relève d'une loi ordinaire ?
30:45 Et qu'est-ce qu'il est opportun de faire et de raisonnable ?
30:49 Qui veut commencer ?
30:50 -Je peux tout de suite répondre, parce que j'allais le dire.
30:54 Tout ce qui concerne le système électoral
30:56 pour les élections des députés, c'est la loi.
30:59 C'est la loi ordinaire.
31:00 C'est pas une loi organique pour le système électoral.
31:04 Le seul système électoral dans la Constitution,
31:07 c'est pour le président.
31:08 Pour changer le mode d'élection des députés,
31:11 l'ordre ordinaire suffit.
31:13 Proportionnel, c'est une question, il faut qu'on en débatte.
31:16 Mais moi, je pense que parmi toutes les propositions,
31:19 si j'ai pas l'occasion de le redire d'ici là,
31:22 j'en ai une pour aller dans le sens d'une reparlementarisation.
31:26 Ca a l'air de rien, c'est un petit peu aussi une bombe,
31:29 mais je pense qu'il faut supprimer l'article 19.
31:32 C'est-à-dire que désormais, tous les pouvoirs du président,
31:35 tous les pouvoirs du président sont contre-signés.
31:39 Alors là, ça aura un effet très important,
31:41 parce qu'à ce moment-là, évidemment,
31:43 le pouvoir passe progressivement de celui qui signe
31:46 à celui qui contre-signe, en laissant, bien sûr,
31:49 à ce moment-là, à son rôle principal,
31:52 l'article 5 pour le président de la République,
31:54 d'être un arbitre, redevenir un arbitre.
31:57 Comme l'a dit Dominique Rousseau,
31:59 quand l'article 20, le gouvernement détermine
32:02 et conduit la politique de la nation,
32:04 qui est donc respectée en cohabitation,
32:07 eh bien, le devienne la règle
32:09 et que le président reprenne de la hauteur
32:12 et cesse d'être, effectivement,
32:14 une sorte de monarque absolu de droit,
32:16 je ne dirais pas divin, bien sûr, mais de droit constitutionnel.
32:20 -Dominique Régnier, là, on a étendu les choses.
32:23 Donc, qu'est-ce qui est opportun de faire ?
32:26 Et est-ce qu'on peut, j'allais dire,
32:30 diluer le pouvoir présidentiel
32:32 en faisant contre-signer toutes les nominations,
32:36 par exemple ? -Tout, c'est tout.
32:38 Ca existe déjà. -Qu'est-ce que vous en pensez ?
32:41 -C'est une idée, je pense, très riche,
32:45 qui serait féconde,
32:47 mais je voulais répondre à votre question,
32:49 comme nous l'avons vue à l'écran,
32:52 de la situation du président Macron.
32:54 -L'IVG. -Je suis très inquiet
32:56 de cette évolution du rapport à la Constitution,
32:59 c'est-à-dire une évolution qui consiste
33:02 à vouloir inscrire,
33:05 dans la loi fondamentale,
33:07 des décisions qui ont été prises,
33:09 qui ne sont pas menacées en France,
33:11 et au motif qu'il s'est passé quelque chose ailleurs.
33:14 -Aux Etats-Unis. -C'est inquiétant.
33:16 C'est d'autant plus inquiétant que chaque président,
33:20 chaque candidat, même, maintenant,
33:22 aura un objet de révision à présenter dans son programme.
33:26 Cela devient un objet politique comme un autre.
33:29 Evidemment, inutile d'imaginer ce que ça crée comme précédent.
33:33 Rien n'empêchera une personne élue, plus tard, à l'Elysée,
33:38 de défaire ce que les autres croyaient consolider.
33:41 Je terminerai en faisant une remarque.
33:44 On dit que la cinquième, elle ne marche pas toujours,
33:47 mais combien de révisions l'ont abîmée ?
33:50 Combien de décisions ont été prises
33:52 sans en mesurer réellement les conséquences possibles ?
33:55 Je pense au quinquennat,
33:57 à l'inversion du calendrier électoral,
33:59 à l'impossibilité de faire un troisième mandat consécutif,
34:03 c'est une vraie question, après tout, le peuple peut en décider.
34:06 -La preuve, c'est n'importe quoi.
34:08 -C'est compliqué pour un président, on le savait,
34:11 mais c'est compliqué de gouverner
34:13 quand on ne peut pas se représenter.
34:15 C'est absolument indémêlable.
34:17 Nous avons fait beaucoup de révisions qui étaient,
34:20 moi, je les ai vécues comme ça, en tout cas,
34:23 présentées souvent comme dans l'air du temps,
34:26 quelque chose qui devait s'imposer par le rythme du monde, du moment.
34:30 Et à la fin, on a des résultats qui sont catastrophiques,
34:33 et là, on est en train d'en faire l'expérience amère.
34:36 Tout ce qui nous aurait été bien utile comme pouvoir,
34:39 par exemple, la cohabitation, si elle est vertueuse,
34:42 en effet, la prouve.
34:43 Ca pourrait se produire s'il y avait une dissolution,
34:46 mais sinon, ça ne se produit pas, on n'y était pas loin,
34:50 mais il n'y a pas de majorité, même de loin, relative.
34:53 -Bien sûr. -Il n'y a rien.
34:54 -Il y a une impasse politique. -Le premier groupe,
34:57 si on veut globaliser, après Macron, c'est 150 députés de gauche,
35:01 c'est pas une majorité, donc on est impuissant.
35:03 Mais non plus, la réélection étant impossible,
35:06 le président est plus faible.
35:08 Nous créons nous-mêmes le dysfonctionnement
35:10 d'une cinquième.
35:11 -Marie-Noëlle Wiedemann, je vais vous donner la parole,
35:15 mais je vais vous provoquer un petit peu, finalement,
35:18 ce que proposent les insoumis aujourd'hui.
35:22 Je sais que vous ne faites pas partie des insoumis,
35:25 mais vous n'êtes pas éloignée, vous êtes à gauche de la gauche.
35:28 -Ah oui, je suis à gauche, vraiment à gauche.
35:31 -C'est pas un reproche que je vous fais,
35:33 mais est-ce que, finalement, ce qu'on voit aujourd'hui
35:36 en disant que les décisions de l'exécutif
35:39 ne sont pas les décisions du peuple,
35:41 est-ce qu'on n'est pas en train de revenir
35:43 à ce que disait en son temps André Léniel,
35:46 "Vous avez juridiquement tort,
35:48 "mais juridiquement raison."
35:50 -Vous avez juridiquement tort
35:51 parce que vous êtes minoritaire.
35:53 -Non, je ne suis jamais abrogée. Je suis une vieille républicaine.
35:57 Je fais partie de la gauche républicaine,
35:59 vieille tradition juridicienne, je crois aux institutions.
36:03 -Donc, est-ce que vous vous distinguez,
36:05 aujourd'hui, des revendications des insoumis ?
36:08 -Ca dépend. -Votre voix porte.
36:10 Vous êtes considérée comme étant à la gauche de la gauche.
36:13 -S'il s'agit de redéfinir le champ référendaire,
36:16 personnellement, je pense qu'il faut élargir le champ référendaire.
36:20 Pour couper court à l'idée qu'on n'a pas le temps
36:23 pour voter sans avoir beaucoup travaillé,
36:25 je trouve qu'on pourrait prendre au moins exemple sur la Suisse
36:29 sur l'idée de la journée référendaire.
36:31 C'est-à-dire qu'on sait à l'avance qu'il y a une journée
36:35 où on fait les référendums et qu'à ce moment-là,
36:38 il y a une préparation du débat politique
36:40 pour que ce ne soit pas l'air du temps, à l'instant T, etc.
36:43 Ca, premier point. Deuxièmement,
36:45 je crois que le Parlement, je crois beaucoup au Parlement,
36:49 je suis totalement contre les mandats révocatoires
36:52 de l'élection, je suis pour qu'on renforce le Parlement
36:55 et de ce point de vue, je pense que la façon
36:58 dont le Premier ministre est choisi,
37:00 c'est-à-dire par le vote du Parlement
37:02 et pas par la désignation du président,
37:05 me paraît essentielle.
37:06 Je suis aussi pour limiter le champ
37:09 de l'intervention du président,
37:11 qui doit garder une partie de recours
37:13 et une partie de grand arbitre,
37:17 et même, pour être franche,
37:19 d'une certaine présence à l'étranger.
37:21 Je pense que c'est quand même assez bien accepté
37:24 par les Français, même si je suis effondrée
37:27 de la faiblesse des débats politiques actuels
37:29 au sein du Parlement sur la politique étrangère de la France.
37:33 -C'est pareil sur le budget. -Il y aurait beaucoup à dire.
37:36 Donc, la troisième chose que je crois très importante,
37:40 c'est qu'on ne peut pas faire des révisions constitutionnelles
37:43 tous les quarts d'heure.
37:45 Il y a des moments de temps politique
37:47 où il faut se reposer des questions sur des choses,
37:50 sur, par exemple, les droits fondamentaux
37:53 inscrits dans la Constitution.
37:55 Et de ce point de vue, je trouve que la question de l'IVG,
37:58 c'est pas seulement une question d'opportunité,
38:01 parce qu'il y a des risques.
38:03 Je pense qu'il y a toute une série de droits
38:06 qui ne sont plus suffisamment inscrits dans la Constitution
38:10 comme des garanties durables.
38:12 Et je prends un exemple qui n'est même pas d'actualité
38:15 aux yeux des gens, c'est le droit au logement.
38:18 Vous avez, dans la Constitution,
38:20 le droit à la propriété.
38:23 Le droit au logement est considéré
38:25 comme de valeur constitutionnelle.
38:27 Mais quand il y a un arbitrage à faire
38:29 entre un droit constitutionnel et un droit...
38:32 -C'est sur la propriété que ça s'exerce.
38:35 -Et notamment quand il s'agit d'exproprier,
38:37 quand il s'agit de...
38:39 Comment dire ?
38:40 ...de réquisitionner, des choses comme ça.
38:43 Mais je peux vous assurer que dans toute une série de jugements,
38:47 ça ne s'impèse. Il y a des moments où il faut se dire
38:50 quels sont les droits constitutionnels,
38:52 par exemple la garantie de ces données personnelles.
38:55 Il y a peut-être un travail, et là, il faut un travail de profondeur
38:59 pendant quelques années pour redéfinir le champ
39:02 des droits fondamentaux garantis par la Constitution.
39:05 -Sur les données personnelles, on pourrait constitutionnaliser
39:09 la protection des données personnelles,
39:11 mais la puissance publique, même sous cette forme-là,
39:15 c'est pas la puissance américaine et chinoise.
39:17 -Vous avez des tas de droits.
39:19 Si on fait quand même le RGPD... -Ca, c'est rien du tout.
39:22 -C'est bien le but aussi de savoir qu'est-ce que la nation a décidé
39:26 qui étaient ses missions collectives de garantir des droits.
39:30 -Il peut pas sur le numérique,
39:32 parce que c'est chinois et américain.
39:34 -Il doit s'en donner les moyens.
39:36 -Bon, alors, sur ce toilettage...
39:38 Je vais vous passer la parole.
39:40 Sur ce toilettage qui est proposé,
39:42 oui, Olivier Pastein... -Juste un mot rapide
39:45 pour dire que, en réalité, juridiquement,
39:47 les droits fondamentaux, les libertés les plus essentielles,
39:51 ne sont pas inscrites dans la Constitution.
39:53 Elles sont dans le bloc de la Constitution,
39:56 dans le préambule. Ca n'ajoutera pas grand-chose
39:58 de rajouter l'IVG. C'est juste ça que je voulais dire.
40:02 Mais je pense que, comme on avance dans le débat,
40:05 il faut que les téléspectateurs soient conscients
40:07 que tout ce qu'on dira a très peu de chances
40:10 d'être approuvé dans les mois qui viennent.
40:12 Mais voilà, ce sont des pistes pour l'avenir.
40:15 -Oui, Dominique Rousseau,
40:17 est-ce que vous pensez qu'il serait plus juste,
40:21 pour calmer un peu, j'allais dire, la fronte populaire,
40:25 de faire rentrer ces droits...
40:28 Les sociétés évoluent.
40:32 L'IVG fait partie, aujourd'hui, d'une évolution majeure,
40:36 comme d'autres réformes sociétales,
40:39 et au regard du côté pernicieux,
40:42 comme dirait l'économiste Daniel Cohen du numérique,
40:46 est-ce qu'il n'y a pas à toiletter la Constitution
40:50 pour raffermir ces droits fondamentaux ?
40:53 -Alors, toiletter, on l'a dit,
40:56 elle a été beaucoup toilettée, plus ou moins bien, d'ailleurs,
41:00 depuis 1958.
41:02 On parle de la Ve ou de la VIe République,
41:05 mais en 58, le président a été élu pour sept ans,
41:09 maintenant, c'est cinq ans, une fois renouvelable.
41:11 Il a été élu par un corps électoral,
41:13 maintenant, par le suffrage universel.
41:16 En 58, l'Assemblée nationale siégeait en deux sessions
41:19 de trois mois, maintenant, c'est à l'année.
41:22 Il n'y avait pas de conseil constitutionnel
41:25 où il était tout petit, il n'y avait pas de QPC,
41:28 il n'y avait pas de contrôle a priori.
41:30 Autrement dit, on parle de la Ve République,
41:33 mais le cadre constitutionnel a complètement changé.
41:37 Donc, un toilettage supplémentaire
41:39 risquerait d'arriver à un espèce de bricolage institutionnel,
41:43 ce qui fait qu'on ne sait plus exactement
41:46 ce que la Constitution nous dit de nous-mêmes.
41:52 N'oubliez pas que la Constitution,
41:54 c'est pas simplement un texte technique
41:56 qui répartit les compétences entre président,
41:58 Premier ministre, parlement.
42:00 La Constitution, c'est aussi ce qui donne une identité à une société.
42:04 C'est une sorte de miroir dans lequel on se regarde.
42:07 On dit "Tiens, j'ai tel droit, j'ai tel droit."
42:10 Moi, ce qui me frappe, ce qui m'intéresse,
42:12 et évidemment, ce qui m'interroge,
42:14 parce que je le prends aussi comme interrogation,
42:17 c'est que tous les mouvements sociaux,
42:19 à un moment donné,
42:21 demandent à ce que leurs revendications
42:24 soient inscrites dans la Constitution.
42:26 Je suis content en tant que constitutionnaliste.
42:29 Les gens qui défilent dans la rue
42:31 pour le respect de la biodiversité,
42:33 il faudrait que ça rentre dans la Constitution.
42:36 Les femmes, il faut que ça rentre dans la Constitution.
42:39 -Il est déjà juste pour les femmes.
42:41 -Pourquoi les mouvements sociaux
42:43 ont toujours un débouché constitutionnel ?
42:45 Je préfère qu'ils aient un débouché constitutionnel
42:48 qu'un débouché violent.
42:50 Ca me paraît plus positif.
42:51 En ce sens, la Constitution est ce qui donne son identité.
42:56 C'est le texte dans lequel une société se reconnaît.
42:59 Il y a une phrase de Benjamin Constant,
43:02 qui me...
43:03 Comment dire ?
43:05 Qui anime ma réflexion de constitutionnaliste
43:08 et qui disait, de mémoire,
43:11 "Tant que les idées et les institutions
43:15 "sont de niveau,
43:16 "les institutions subsistent."
43:19 Mais quand les idées et les institutions
43:21 ne sont plus au même niveau, à ce moment-là, dit-il...
43:24 -Oui, voilà. -Et je pense que,
43:26 pour terminer, je pense que nous sommes dans un moment
43:29 où les institutions ne sont plus
43:32 au niveau des idées.
43:35 Et que, par conséquent, il faut modifier les institutions
43:39 pour les mettre au niveau...
43:41 Les idées, disait Benjamin Constant,
43:43 on pourrait dire l'esprit du siècle ou l'esprit du moment,
43:47 et l'esprit du moment fait que les citoyens,
43:51 la société, a tort ou a raison.
43:53 La société demande à être associée à la fabrication des lois.
43:57 -Oui, mais je vais vous poser...
43:59 -Vous n'avez pas d'institution qui permet aux citoyens
44:02 de faire la fabrication. -Il y a une question qui fâche
44:05 et à laquelle, peut-être, je vais vous demander de trancher.
44:09 Aujourd'hui, dans ce qu'on appelle la société multiculturelle,
44:13 il y a un délayage.
44:14 Par exemple, en ce qui concerne la violence régalienne,
44:18 est-ce qu'elle doit être le monopole de la police ?
44:22 Cette chose-là est contestée, aujourd'hui.
44:24 -Non. C'est pas contesté, ça.
44:26 C'est contesté parce qu'on ignore.
44:28 -Vous avez, aujourd'hui, dans le débat politique français,
44:32 vous n'avez pas, aujourd'hui, unanimité
44:35 pour considérer que la violence régalienne...
44:38 -C'est un effondrement de la culture politique.
44:41 -Vous considérez, Dominique Régnier,
44:43 que ce qui est proposé par une partie de la classe politique
44:46 est un effondrement démocratique ?
44:48 -C'est une incompréhension fondamentale
44:51 de ce qu'est le pouvoir... -Laissez-le parler.
44:54 -Je vous laisse la parole après.
44:55 C'est un effondrement de la définition...
44:58 Les gens, parfois, pensent à Max Weber.
45:00 Il est mort en 1920. Les auteurs l'ont écrit avant lui,
45:03 Baudin et d'autres.
45:05 Avant encore, le pouvoir, pour être souverain,
45:09 il faut qu'il ait la maîtrise du recours légal à la violence.
45:13 -A la violence légitime. -Sinon, il n'est pas
45:16 le pouvoir souverain. S'il y a un pouvoir plus fort
45:18 par la violence, c'est là qu'elle se trouve à l'Etat.
45:21 C'est une logique, c'est même pas une invention,
45:24 c'est un mécanisme logique. Il est insensé de dire
45:27 qu'on pourrait avoir un système dans lequel l'Etat
45:30 serait le monopole de la violence légale.
45:32 -Vous n'êtes pas d'accord ? -Je ne suis pas d'accord,
45:35 mais la question, c'est est-ce que la violence est proportionnée ?
45:39 Est-ce qu'il n'y a pas abusus ?
45:40 Le débat, actuellement, je n'entends pas beaucoup,
45:43 il y a des anards, des black blocs,
45:45 mais le gros de la population française,
45:48 même quand elle conteste la police, pour une part,
45:51 c'est vieux comme éreude en France,
45:53 on n'aime pas spontanément la police,
45:55 et en même temps, on considère qu'on en a impérativement besoin,
45:59 ce que je ressens n'est pas du tout la contestation
46:02 de la violence légitime de l'Etat
46:04 quand il doit garantir la sécurité des personnes
46:07 et l'intérêt général.
46:09 La vraie question, c'est l'abusus.
46:11 C'est jusqu'où on provoque...
46:13 -Et comment on mesure ça, l'abusus ?
46:15 -Parce qu'il y a des règles, justement.
46:18 La violence doit être proportionnée,
46:20 il faut faire la preuve, peut-être qu'il y a des choses
46:23 à réfléchir sur, faire la preuve qu'on a fait
46:26 de la prévention suffisante.
46:28 -La violence proportionnée à un incendie des policiers ?
46:31 C'est une question que je pose.
46:33 -Je suppose qu'il trouve les moyens de le faire arrêter.
46:36 -Il faut y aller sacrément,
46:38 parce que si on vous met le feu...
46:40 -Il y a d'autres pays qui sont aujourd'hui
46:42 à confronter au même sujet,
46:44 qui ont des stratégies de distanciation,
46:46 des stratégies policières différentes.
46:49 Ce débat est légitime.
46:50 -Ce serait un discours public moins compréhensif.
46:53 -Je veux bien que tout soit de la faute de la gauche.
46:56 -C'est pas ça. -Ce que je veux dire par là,
46:58 c'est que, historiquement, en France,
47:01 un rapport à la violence est quand même assez étrange.
47:04 -Oui. -Olivier Passé...
47:05 -Je reste convaincue qu'il faut...
47:08 -Je voulais... -Vous voulez dire
47:10 au secours d'Emile Mallet, simplement.
47:12 C'est vrai que la France insoumise remet en cause
47:15 cette violence, ce monopole, la violence légitime.
47:18 -Pas vraiment. -Mélenchon règle des comptes.
47:20 On sait bien qu'il a eu des mailles à partir avec la police.
47:24 -Il veut s'opposer de toute façon à la police,
47:26 et d'où les slogans "tout le monde déteste la police".
47:29 -Mais c'est en 68, déjà. -Ah bah, la Mauvaise République.
47:33 C'est le plus récent de ces slogans.
47:35 -Attendez, 30 secondes.
47:36 Il faut aussi relativiser tout ça,
47:38 même si je suis pas du tout dans ce genre-là.
47:41 Ce que je veux dire par là, c'est qu'en mai 68,
47:44 CRSSS, "Ah bah, la police",
47:46 personne n'aime la police. -J'ai vécu ça.
47:48 -Est-ce que pour autant, la société française
47:51 est devenue plus anti-police
47:53 qu'elle ne l'était avant ? -On croit pas.
47:55 -Non, c'est pas la question.
47:57 -Ca n'a pas remis en cause le principe
47:59 de la légitimité de la police et de l'Etat,
48:02 et de la justice,
48:03 de garantir le poids de la violence.
48:06 -Sur ce point-là, vous vous êtes pas exprimé.
48:08 Sur cette violence...
48:10 -Je me suis pas exprimé,
48:12 parce que je pense que ce qui a été dit me paraît juste.
48:15 C'est normal que l'Etat ait le monopole
48:18 de la violence légale légitime,
48:21 et c'est également normal que l'Etat fasse un usage
48:24 proportionné de la violence.
48:26 Que voulez-vous dire d'autre ?
48:28 C'est le bon sens même,
48:30 et il suffit de...
48:32 Comment dire ? A la fois que le ministre de l'Intérieur,
48:35 il faut aussi que le Parlement joue son rôle
48:39 dans le contrôle éventuellement des abus faits par...
48:43 -Et de la discussion sur la stratégie policière.
48:46 -La police. Donc, les deux, pour moi,
48:49 oui, l'Etat doit avoir et doit continuer à avoir
48:53 le monopole de la violence légitime,
48:55 mais en contrepartie,
48:57 il faut qu'il en fasse un usage proportionné.
49:00 Que voulez-vous dire d'autre ?
49:02 -Ecoutez, on va essayer quand même de terminer sur une note...
49:06 -Revenons sur les réformes constitutionnelles.
49:09 -Sur les réformes, il y en a peut-être une ou deux
49:12 où il y a un consensus.
49:14 Pourquoi on peut pas avancer dans ce domaine-là ?
49:17 Par exemple, au cumul des mandats.
49:19 On entend de tous bords, à droite et à gauche,
49:22 considérer qu'il faudrait rétablir le cumul des mandats.
49:26 Deuxième chose, sur l'inversion du calendrier des élections
49:30 entre législative et présidentielle,
49:32 là aussi, il semblerait qu'il y ait une volonté,
49:36 d'un côté comme de l'autre, de bouger.
49:39 Qu'est-ce qui est faisable et qu'est-ce qui n'est pas faisable
49:42 et qu'est-ce qui serait opportun aujourd'hui d'avancer
49:46 pour faire unité nationale ?
49:48 Vous avez deux minutes chacun et ça permet de conclure notre émission.
49:52 -A vous. -Dominique Rousseau.
49:54 -Je reste partisan du non-cumul des mandats,
49:58 dans la mesure où un parlementaire
50:00 ne représente pas sa circonscription,
50:03 il représente la nation.
50:05 Et que, par conséquent, un parlementaire,
50:08 un parlementaire élu à Marseille,
50:11 ne doit pas défendre les intérêts de Marseille,
50:14 il doit défendre les intérêts de la nation.
50:16 Il faut qu'il y ait une séparation
50:18 entre ceux qui ont à gérer les affaires locales
50:21 ou régionales et ceux qui ont à gérer
50:24 les affaires nationales.
50:26 Une des raisons du déclin du Parlement
50:28 tient précisément au fait que les parlementaires
50:31 sont tellement imprégnés par le souci de défendre
50:34 les intérêts locaux de leur circonscription
50:36 qu'ils oublient l'intérêt national.
50:39 Donc, de ce côté-là, moi, je pense qu'on doit continuer...
50:43 -Et sur l'inversion de calendrier ?
50:45 -Ca, si vous voulez, c'est de la chiknode.
50:47 C'est-à-dire que vous ne pouvez pas traiter
50:50 la question de l'inversion du calendrier électoral
50:53 sans traiter la question, un, de la durée du mandat,
50:57 deux, des pouvoirs...
50:59 -Et vous êtes pour la durée du mandat,
51:02 un mandat à 7 ans ou deux ?
51:04 -Moi, je considère, si vous voulez,
51:06 que la durée du mandat importe peu.
51:09 Dans tous les pays où le président est élu par le peuple,
51:13 je dis bien "élu par le peuple",
51:14 ce n'est pas le président qui dirige,
51:17 mais le Premier ministre.
51:18 Par conséquent, il n'y a pas un lien mécanique
51:21 entre élection populaire et hyperprésidentialisation.
51:24 -Donc, il faut les distinguer.
51:26 -Il faut les distinguer.
51:28 Et si vous demandez une réforme, ce que je proposerais,
51:31 c'est que le président de la République
51:33 ne préside plus le Conseil des ministres,
51:36 que le Conseil des ministres se tienne à Matignon,
51:39 sous la présidence du Premier ministre,
51:41 et on retrouverait le président dans une position d'arbitre.
51:45 -Merci, Olivier Passelet.
51:46 -Dominique Rousseau rejoint ce que je disais tout à l'heure.
51:50 Si, évidemment, une vraie réforme révolutionnaire
51:54 serait de supprimer les pouvoirs propres
51:57 du président de la République, car tous les autres pouvoirs,
52:00 même ceux du domaine réservé,
52:02 sont des pouvoirs contre-signés.
52:04 C'est la pratique qui a fait que le président
52:07 a finalement à dominer les institutions,
52:09 mais c'est pas dans la Constitution.
52:11 La Constitution peut avoir une pratique
52:14 totalement parlementaire, équivalente,
52:16 et je suis heureux de l'avoir entendu,
52:18 à d'autres pays d'Europe où le président de la République
52:21 est élu au suffrage universel direct,
52:24 mais où il n'exerce pas, je le répète,
52:26 cette monarchie absolue de droits constitutionnels.
52:29 -Merci, Olivier Passelet.
52:31 On a une minute, Marine Ouellet-Liedmann.
52:33 -On est d'accord sur l'idée que l'important,
52:36 c'est de redonner un Premier ministre à un Parlement
52:39 qui est un Parlement qui est un Parlement qui est un Parlement.
52:43 Je vais parler d'un sujet peu évoqué.
52:45 -On a peu de temps. -Je vais vous expliquer.
52:47 Tout le monde se plaint en France que la loi, c'est de la bureaucratie.
52:51 La nature de la loi et du règlement,
52:54 tel qu'il est défini dans nos traditions législatives,
52:57 bureaucratise l'Etat et, par ailleurs, rend difficile
53:00 la prise en compte du réel sur les différents territoires,
53:04 et pousse à l'idée que la loi doit s'adapter au territoire.
53:08 Moi, je pense que c'est une grave menace.
53:10 La loi doit rester unique dans notre République,
53:13 mais il faut que la loi soit plus structurée
53:15 en laissant davantage de marge de manoeuvre
53:18 que le réglementaire, aujourd'hui, corset.
53:21 -Merci, Marine Ouellet-Liedmann.
53:23 Je sais pas si vous avez été influencée
53:25 par la personne qui est en face de vous,
53:27 qui s'appelle Anna Arendt, qui disait que,
53:30 dans une société, quand la loi se bureaucratise en bureau,
53:33 il y a danger pour la démocratie.
53:36 Dominique Régnier, sur les deux points,
53:38 et on termine là-dessus.
53:39 -Rapidement, avec des remarques de politologues
53:42 à l'adresse de mes collègues publicistes,
53:45 ce qu'ils savent très bien,
53:46 et vous le savez aussi, madame la sénatrice,
53:49 quand on touche aux institutions,
53:51 même si c'est un détail, les effets systémiques
53:54 sont souvent impressionnants. Je donne deux exemples.
53:57 Un premier exemple, on peut revenir au cumul des mandats
54:01 si on veut rapprocher, par exemple, par hypothèse,
54:04 les députés des besoins plus locaux du peuple.
54:07 Si on ne le fait pas, parce qu'on dit que c'est pas nécessaire,
54:10 il faut faire attention à ce qu'on fait avec le scrutin.
54:13 La proportionnelle, dont on parle souvent,
54:16 éloigne beaucoup, etc. C'est une première remarque.
54:19 Ma deuxième remarque est sur ce qui a été évoqué
54:22 par mes collègues, que je trouve intéressant,
54:24 sur ces réformes qui changeraient le pouvoir du président.
54:28 Ca aurait un avantage énorme, je trouve,
54:30 c'est que ça sélectionnerait peut-être d'autres profils
54:34 qui sont plus utiles. Je pense que ce serait très utile
54:37 au pays que nous ayons des profils...
54:39 Au fond, ceux qui ne se sont jamais présentés,
54:41 qui n'y sont pas arrivés, c'était parfois des profils
54:44 très différents de ceux qui y sont arrivés.
54:47 Je vais penser à Rocard, à Baladur, à Delors, à Barr.
54:50 C'est intéressant de voir que ce ne sont pas les mêmes profils.
54:54 C'est peut-être pas une bonne chose que nous ayons un système
54:57 qui, promettant la royauté, sélectionne des profils
55:00 qu'on peut faire le plus facilement. -On va terminer là-dessus.
55:04 -Belle conclusion. -Voilà. Merci.
55:07 -Je ne suis pas de votre avis. -Merci, madame.
55:10 Merci, madame. Merci.
55:11 -Si on parle de Paris, c'est ce qu'on veut.
55:14 -Il me reste à vous présenter une brève bibliographie.
55:18 Je rappelle, Olivier Pastec,
55:20 vous avez publié avec Francis Hamon
55:23 un ouvrage sur le référendum en Europe,
55:26 "Bilan et perspective", depuis, vous n'avez pas changé d'idée.
55:30 -Non. -Dominique Rousseau,
55:32 "Sythèse pour la démocratie continue",
55:34 chez Odile Jacob.
55:37 C'est quoi, cette démocratie continue, en deux mots ?
55:40 -Tout simplement, c'est une démocratie
55:42 qui ne s'arrête pas entre deux moments électoraux,
55:45 donc elle est continue, et qui ne s'arrête pas,
55:48 comme on disait, aux portes de l'entreprise,
55:50 ni aux portes de la famille, mais c'est une démocratie
55:54 dont les principes se diffusent dans l'ensemble de la société
55:57 et ne restent pas simplement au niveau de l'Etat.
56:00 -Marie-Noëlle Lindemann,
56:02 vous avez publié, il y a quelques années,
56:04 "Merci pour ce changement",
56:06 il s'agissait de quoi, aux éditions du moment ?
56:09 -Je publie beaucoup de choses, en général, je plaide
56:12 pour ce changement institutionnel, car quand je regarde
56:15 l'exercice de la gauche au pouvoir, même avec, par exemple,
56:18 sous Jospin, qui n'était pas président,
56:22 je vois les fragilités structurelles
56:25 du fait qu'il n'y ait pas besoin d'un accord parlementaire
56:28 entre l'ensemble des forces de la majorité
56:31 et qu'on soit balloté en fonction des événements
56:33 sans qu'il y ait un accord politique d'ensemble
56:36 qui trouve son équilibre.
56:38 Et à un moment ou à un autre, le peuple se décroche
56:41 des forces politiques, et il y a toujours des crises,
56:45 on finit toujours des fins de mandat,
56:47 quels qu'ils soient, dans des mauvaises situations.
56:50 -Merci. Alors, Domique Régnier,
56:52 je rappelle qu'à fond d'Apolle,
56:55 vous publiez de nombreuses études sur tous les sujets politiques
56:59 et que vous-même, vous avez coordonné
57:02 un ouvrage, "Le XXIe siècle du christianisme".
57:06 -Je n'ai pas changé d'avis.
57:08 -Et vous n'avez pas... Voilà.
57:10 Vous n'avez pas changé d'avis, je vois.
57:12 Ecoutez, il me reste à vous remercier
57:15 d'avoir participé à cette émission.
57:17 Merci à l'équipe de LCP.
57:20 Et avant de nous quitter, je vous soumets cette citation.
57:23 "Si l'on se lance dans un mécano bavard et déclamatoire
57:27 "décroché des réalités historiques,
57:30 "le retour à la 4e République
57:35 "deviendra effectif et irrémédiable."
57:39 Voilà, c'est une citation d'Arnaud Tessier.
57:42 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
57:45 Générique
57:47 ...
57:49 [SILENCE]

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