Ces idées qui gouvernent le monde - Ukraine - Israël : les nouvelles guerres de civilisation

  • il y a 8 mois
L'invasion de l'Ukraine par la Russie a commencé le 24 février 2022, elle se solde par des centaines de milliers de morts de part et d'autre et si la résistance ukrainienne a stoppé les envahisseurs, la guerre dure encore et place l'Europe en difficulté stratégique.
La tentative d'invasion d'Israël par le Hamas le 7 octobre 2023 a provoqué le pire pogrome connu par l'Etat hébreu depuis la Shoah, une guerre s'en est suivie et se poursuit avec ses morts et ses destructions.
Quoi de commun entre ces deux conflits, éloignés géographiquement, mais qui s'apparentent par de nombreuses similitudes géopolitiques, socio-culturelles, militaires, stratégiques et qui témoignent d'un désordre mondial sans précédent qui relèvent d'affrontements de civilisation.
Ce sont des guerres de civilisation par ce qu'elle s'exercent sur un temps long de l'histoire, mettent en jeu des passions de foule exacerbées par des nationalismes ambiants, font plus que des dégâts collatéraux par leur possible extension régionale - qui en Europe, qui au Moyen-Orient - voire mondiale. Mais aussi par ce que les guerres Ukraine - Russie et Israël - Gaza s'inscrivent en matière de soutien et de clivage civilisationnel dans la dualité politique des rapports de force mondiaux avec en ligne de mire un affaiblissement de l'Occident et un regroupement hétéroclite de régimes autoritaires nommé Sud global.

Émile Malet reçoit :
Edouard Guillaud, amiral, ancien chef d'état-major des armées, CEMA (2010-2014)
Philippe Gélie, journaliste, rédacteur en chef du service étranger, Le Figaro
Galia Ackerman, historienne, journaliste, essayiste
Claude Moniquet, analyste géopolitique, directeur de l'European Strategic Intelligence and Security Centerr
Jérôme Guedj, député PS

L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.

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Transcription
00:00 Générique
00:01 ...
00:24 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:27 Ukraine, Israël, les nouvelles guerres de civilisation.
00:31 L'invasion de l'Ukraine par la Russie
00:34 a commencé le 24 février 2022.
00:37 Elle se solde par des centaines de milliers de morts
00:40 de part et d'autre, et si la résistance ukrainienne
00:44 a stoppé les envahisseurs, la guerre dure encore
00:48 et place l'Europe en difficulté stratégique.
00:51 La tentative d'invasion d'Israël par le Hamas,
00:55 le 7 octobre 2023, a provoqué le pire pogrom
00:59 connu par l'Etat hébreu depuis la Shoah.
01:02 Une guerre s'en est suivie et se poursuit
01:05 avec ses morts et ses destructions.
01:07 Quoi de commun entre ces deux conflits,
01:10 fort éloignés géographiquement,
01:13 mais qui s'apparentent par de nombreuses similitudes
01:16 géopolitiques, socio-culturelles, militaires, stratégiques,
01:20 et qui témoignent d'un désordre mondial sans précédent,
01:25 relevant d'affrontements de civilisations.
01:28 Pourquoi ce sont des guerres de civilisations ?
01:31 Tout simplement parce qu'elles s'exercent
01:34 sur le temps long de l'histoire.
01:36 Elles mettent en jeu des passions de foules,
01:38 exacerbées par des nationalismes ambiants,
01:42 font plus que des dégâts collatéraux
01:44 par leurs possibles extensions régionales,
01:47 qui en Europe, qui au Moyen-Orient,
01:50 voire mondial.
01:51 Mais aussi parce que les guerres Ukraine-Russie
01:55 et Israël-Gaza
01:57 s'inscrivent en matière de soutien
02:00 et de clivage des grandes nations
02:02 dans la dualité politique des rapports de forces mondiaux,
02:06 avec en ligne de mire un affaiblissement de l'Occident
02:10 et un regroupement très hétéroclite
02:13 de régimes autoritaires
02:15 nommés Sud global.
02:18 Partons.
02:19 Pour en parler, je vous présente mes invités.
02:22 Edouard Guillot, vous êtes amiral,
02:24 ancien chef d'état-major des armées
02:27 de 2010 à 2014.
02:30 Philippe Gelly, vous êtes journaliste,
02:33 rédacteur en chef du service étranger
02:35 au journal Le Figaro.
02:37 Galia Ackermann, vous êtes historienne,
02:39 journaliste et essayiste.
02:41 Claude Moniquet, que nous avons en visioconférence,
02:45 vous êtes analyste géopolitique,
02:48 directeur de l'European Strategic Intelligence
02:52 and Security Centre.
02:53 Pardon pour l'accent.
02:55 Jérôme Gage, vous êtes député,
02:58 Parti socialiste.
02:59 Vous venez de voir cette citation
03:11 de Volodymyr Zelensky.
03:14 "L'impérialisme russe,
03:16 "anciennement soviétique et auparavant tsariste,
03:19 "a toujours vocation
03:21 "à des extensions territoriales.
03:24 "Après avoir annexé la Crimée en 2014,
03:27 "le Donbass poursuivre, et plus encore aujourd'hui,
03:31 "est-ce à dire que la Russie est mal à l'aise
03:34 "dans un territoire bordé de frontières
03:37 "et cherchera toujours à s'agrandir ?"
03:40 Galia Ackermann.
03:41 -C'est un peu inscrit, si vous voulez,
03:45 dans la matrice de l'Empire russe,
03:49 qui avait vocation, affichée par plusieurs tsars,
03:53 de s'agrandir.
03:55 Je crois que c'était Catherine II qui disait
03:58 que l'État russe, pour se défendre,
04:01 doit nécessairement s'élargir.
04:03 Et c'est surtout le XIXe siècle
04:06 qui a connu des élargissements spectaculaires
04:09 sur l'Asie centrale, l'Extrême-Orient,
04:12 aussi les frontières occidentales de la Russie.
04:16 Donc, il n'y a rien de nouveau là.
04:20 -Sauf qu'en 1990-91, il s'est retréci.
04:24 -Il s'est retréci à plusieurs reprises,
04:26 il faut le savoir, parce que, déjà,
04:29 après la révolution de 1917,
04:33 Lénine n'a pas réussi à conserver
04:36 tous les territoires de l'Empire russe,
04:39 il y a eu toujours des griefs vis-à-vis de la Pologne
04:42 et des pays baltes, et de la Finlande en particulier.
04:45 Maintenant, en 1991,
04:48 l'Union soviétique se décompose,
04:51 Hiltzine accepte l'idée des frontières existantes,
04:55 et puis, quand Poutine arrive au pouvoir,
04:58 les idées revanchistes font peu à peu leur chemin.
05:03 Et maintenant, on parle même,
05:07 de façon encore informelle,
05:09 de la reconquête d'Alaska,
05:12 sans parler de l'Ukraine.
05:14 -Merci, Galia.
05:15 Philippe Gély, est-ce que c'est le propre de l'impérialisme
05:19 que d'élargir ces frontières ?
05:21 Aujourd'hui, on connaît des pays qui n'ont pas de frontières,
05:24 mais il y a énormément de contestations frontalières.
05:28 Est-ce que tous ces pays ont une tendance impérialiste ?
05:32 -Impérialisme et expansionnisme
05:36 sont souvent de pair, en effet,
05:38 mais la question que ça pose, à mon sens,
05:40 c'est celle de ce qu'on met en face.
05:44 C'est-à-dire que la Russie a,
05:47 je pense, comme le dit Galia,
05:50 ces espèces de gènes un peu expansionnistes,
05:54 mais aussi cette culture de mettre tous les Russes
05:57 sous le même chapeau, sous le même parapluie.
06:00 Partout où il y a des Russes, c'est la Russie.
06:03 Il n'y a pas non plus des Russes dans le monde entier.
06:06 Vladimir Poutine, en campagne électorale,
06:09 a déclaré récemment, et ça figure sur des affiches à Moscou,
06:13 que les frontières de la Russie ne s'arrêtent nulle part.
06:16 Pour nous, ça paraît un peu vertigineux,
06:19 mais je pense que c'est une figure rhétorique assez banale
06:23 dans la psychologie politique russe.
06:27 Toute la question est de savoir
06:29 si, en face, il y a des Européens forts,
06:32 une OTAN forte,
06:34 des Américains présents,
06:36 capables de dire aux Russes,
06:39 "Là, pour vous, c'est la ligne que nous traçons
06:42 "et que vous ne pouvez pas dépasser."
06:44 Bien sûr, il y a le cas de l'Ukraine,
06:46 où la ligne a été dépassée.
06:48 -D'un point de vue militaire,
06:50 qu'est-ce que vous en dites, Amiral ?
06:52 -C'est assez compliqué.
06:55 On a des parallèles à faire
06:57 entre ce qui se passe à Gaza, d'un côté,
06:59 et ce qui se passe en Ukraine.
07:03 Ce que ces deux conflits nous montrent,
07:05 et c'est là où on en arrive,
07:08 en suite, aux civilisations qui sous-tendent les Etats,
07:11 c'est, d'abord, que la paix n'est pas définitivement acquise.
07:16 On se souvient de l'affaire des dividendes de la paix,
07:19 et c'est un combat permanent,
07:21 ce que le monde occidental avait totalement oublié.
07:24 Le réveil est assez brutal.
07:26 La deuxième chose que ça nous montre,
07:29 c'est que la technologie ne remplace pas tout.
07:32 L'art de la guerre n'a pas fondamentalement changé,
07:34 les outils qu'on utilise sont différents.
07:37 Si la technologie remplaçait tout,
07:39 les Ukrainiens qui ont bénéficié de la technologie occidentale
07:42 auraient remporté plus de victoires,
07:44 donc le facteur humain reste absolument prégnant,
07:47 et le Hamas aurait été détecté avant.
07:52 On voit bien que ça devient une affaire de renseignement,
07:55 mais c'est encore le facteur humain.
07:57 C'est rassurant de se dire que l'homme reste au centre de la boucle,
08:01 c'est quelque chose que nous avions oublié.
08:03 Et donc, à partir de là,
08:06 oui, on peut basculer sur les civilisations,
08:10 mais la civilisation russe, fondamentalement,
08:13 n'est pas si différente de la civilisation ouest-européenne.
08:16 Par contre, très différente de la chinoise, de l'indienne,
08:19 voire même plus différente de ce qu'il y a en Amérique du Sud.
08:23 C'est sous ces temps qu'il faut regarder.
08:25 -Jérôme Gouet, je voudrais, bien sûr,
08:27 vous laisser répondre sur la question des frontières,
08:31 mais en l'abordant à travers les deux conflits.
08:34 Si on prend le conflit israélo-palestinien,
08:38 on sait bien qu'il est parsemé de crises et de guerres,
08:42 et il n'y a jamais eu d'accord territorial,
08:45 malgré la décision de l'ONU, en 1948,
08:49 d'attribuer à la fois Israël aux Palestiniens,
08:52 malgré les accords d'Oslo.
08:54 L'une des revendications phares palestiniennes,
08:58 telle qu'elle s'est exprimée après le 7 octobre,
09:01 c'était "from the river to the sea",
09:04 de la rivière du Jourdain à la Méditerranée.
09:08 En somme, un État palestinien
09:11 qui effacerait de facto Israël.
09:14 Revendication reprise tout récemment par Khaled Meshal,
09:20 l'un des dirigeants les plus importants du Hamas.
09:25 De surcroît, cet impérialisme-là
09:28 se nourrit d'un ingrédient religieux
09:31 qui s'appelle la Houmma, ou communauté islamique.
09:35 Comment sortir, à votre avis,
09:38 de cet absolutisme territorial ?
09:40 -D'abord, en rappelant,
09:43 c'est le point commun aux deux conflits,
09:47 la question des frontières,
09:49 dont on pouvait penser
09:51 qu'elles n'étaient peut-être plus aussi centrales
09:54 dans les relations internationales,
09:57 qu'une forme de stabilisation des frontières
09:59 pouvait résulter. J'appartiens à cette génération
10:02 qui avait 20 ans au moment de la chute du mur de Berlin,
10:06 où on nous expliquait que la fin de la guerre froide
10:09 allait permettre la fin de l'histoire,
10:12 la victoire de la démocratie libérale,
10:15 du modèle de l'économie de marché.
10:18 C'est tout le contraire qui s'est passé.
10:20 Et donc, on a vu resurgir, comme jamais,
10:24 la contestation des frontières à travers le monde.
10:27 On parle de ces deux endroits,
10:29 parce que ça a été l'atteinte à l'intégrité territoriale
10:33 de l'Ukraine par la Russie,
10:35 eu égard les deux protagonistes,
10:37 et l'un d'entre eux, membre du Conseil de sécurité de l'ONU,
10:40 garant de la charte de l'ONU,
10:42 qui, elle-même, garantit les frontières.
10:45 Là, on était dans la contradiction absolue
10:48 de ce nouvel ordre mondial.
10:50 L'expression n'est plus utilisée,
10:52 on l'utilisait beaucoup il y a 20 ans.
10:54 Donc, cette question des frontières
10:56 et le fait d'en invoquer, du coup,
10:59 le droit international est absolument crucial.
11:02 Dans le cas Israël-Gaza,
11:05 je pense qu'il faut quand même apporter un petit bémol.
11:09 "From the river to the sea",
11:11 c'est-à-dire la destruction de l'Etat d'Israël,
11:14 c'est la revendication du projet théocratique
11:19 porté par le Hamas.
11:21 Le problème qu'on a aujourd'hui,
11:24 c'est que le reste de l'expression politique palestinienne
11:27 qui devrait et pourrait passer par l'autorité palestinienne
11:31 est totalement démonétisé, décrédibilisé, inaudible.
11:35 La question des frontières,
11:37 pour aller droit au but,
11:40 là-bas, elle passe à un moment donné,
11:43 une fois qu'on a dit que l'attaque terroriste du Hamas
11:46 est insupportable, condamnable,
11:48 le pogrom, vous l'avez rappelé,
11:50 mais elle remet...
11:51 Elle rend inévitable la question des frontières
11:55 d'un Etat palestinien et de la reconnaissance
11:58 d'un Etat palestinien et donc d'une solution politique.
12:01 Je veux ajouter un point,
12:02 parce que c'est une question qui se pose
12:05 vu le choix du thème de débat que vous avez retenu.
12:08 Est-ce que dans les deux cas,
12:09 on est dans des guerres de civilisation ?
12:12 Je suis très méfiant, je vous parlais du Nouveau Ordre mondial
12:15 début des années 90,
12:16 je pense à Samuel Huntington,
12:18 on nous théorisait le choc des civilisations.
12:21 -On parle d'un choc. -J'imagine,
12:23 parce qu'en filigrane,
12:24 il y a quand même cette idée aussi
12:26 qui a pu être utilisée par certains,
12:28 que c'est le combat du bien contre le mal.
12:31 Si on est dans le combat du bien contre le mal,
12:33 on ne peut plus faire de géopolitique,
12:36 de relations internationales,
12:37 et on a un surplomb moral terrible
12:40 qui rend inatteignable la complexité
12:42 des relations internationales.
12:44 C'est pour ça que je récuse un peu le terme.
12:47 -Jérôme Getsch, on va en parler,
12:49 parce que là, on avait décliné un point commun,
12:51 c'est la question des frontières.
12:53 Philippe Gellier, est-ce qu'il n'y a pas un autre point commun
12:57 en prenant la question de la démographie ?
12:59 Parce que si on prend les deux conflits,
13:02 on s'aperçoit qu'il y a des déplacements de population.
13:05 Si on prend l'Ukraine,
13:06 on pense qu'il y a 10 millions d'Ukrainiens déplacés
13:11 depuis la guerre,
13:12 pour des raisons... à cause de la guerre.
13:15 Et si on prend le conflit à Gaza,
13:17 vous avez la population du nord et du sud d'Israël
13:21 qui est aujourd'hui déplacée,
13:22 et vous avez les déplacements de population à Gaza.
13:25 Comment vous appréhendez cette question ?
13:28 -C'est l'effet de la guerre. -Oui.
13:30 -Vous avez parlé d'impérialisme, tout à l'heure,
13:32 impérialisme russe, vous avez laissé entendre
13:35 qu'il y avait un impérialisme du Hamas,
13:37 ça me fait penser qu'il y a un impérialisme
13:40 du puissant et du faible,
13:41 parce que l'impérialisme du Hamas ne remet pas en cause
13:45 les populations qui se serrent de la démographie.
13:47 -Non. Les déplacements de population
13:50 sont le résultat des bombardements massifs
13:52 sur des zones habitées par des civils,
13:55 dans les deux cas.
13:57 Le problème qu'on a, en l'occurrence,
13:59 c'est que, et si conflit de civilisation il y a,
14:02 du moins, si on nous le reproche,
14:04 c'est parce que, dans un cas,
14:05 on juge que c'est inacceptable que la Russie envahisse l'Ukraine
14:10 et bombarde les populations civiles du Donbass,
14:13 et, dans l'autre cas, un certain nombre
14:15 de décideurs occidentaux
14:17 justifient que les représailles
14:19 contre les crimes du Hamas
14:22 soient opérées de la manière dont elles le sont
14:25 par Israël, qui a la main,
14:28 qui a la puissance militaire, en l'occurrence.
14:31 Je ne dis pas que le Hamas est inoffensif,
14:33 loin de là, mais la supériorité militaire
14:36 est clairement du côté d'Israël.
14:38 Ce que vous disiez sur l'impérialisme du Hamas,
14:41 on peut aussi le retourner et poser la question
14:43 de l'impérialisme israélien,
14:45 puisqu'il y a aussi des extrémistes en Israël
14:48 qui disent la même chose, Israël, du Jourdain à la mer.
14:52 Donc, là, je ne mets pas,
14:54 sur un parallèle absolu,
14:56 les deux situations, mais, effectivement,
14:59 leurs causes sont différentes, leurs ressorts sont différents.
15:02 Après, dans les manifestations qu'entraîne la guerre,
15:05 il y a beaucoup de points communs. -Claude Bonniquet,
15:09 on a une question à la fois des frontières, de la démographie
15:12 et du lien entre les deux conflits.
15:14 Qu'en pensez-vous ?
15:15 -Sur le lien entre les deux conflits,
15:17 surtout, je pense que ce qui fait la force de la Russie,
15:21 aujourd'hui, c'est notre faiblesse.
15:23 C'est le fait qu'après la fin de la guerre froide,
15:26 l'Europe s'est gentiment assoupie
15:29 dans le beau, magnifique rêve du soft power,
15:31 en pensant qu'on pouvait tout régler
15:33 par la diplomatie, le commerce international,
15:36 et par l'extension de la démocratie.
15:38 On voit bien, aujourd'hui, avec ce Sud global
15:41 auquel on faisait allusion, que le modèle démographique
15:44 ne séduit pas tout le monde, que certains Etats
15:47 qui ne sont pas démocratiques, comme la Chine,
15:49 comme l'Inde, dont le côté démocratique
15:52 peut être discuté, ne fonctionnent pas si mal que ça,
15:55 et donc, peuvent attirer
15:58 une partie de l'opinion mondiale.
16:01 On a oublié qu'en définitive,
16:03 et c'est vrai, malheureusement, ce ne sont l'histoire,
16:06 on est au XXIe siècle,
16:08 on est dans une période qui devrait être assagie,
16:11 l'histoire reste ce qu'elle est,
16:13 et dans l'histoire, les conflits se règlent le plus souvent,
16:16 malheureusement, par la guerre et la violence.
16:19 C'est une réalité qu'on a oubliée.
16:21 Nous le sommes désarmés, on a envoyé des signaux de faiblesse,
16:24 et on le voit très bien aujourd'hui,
16:26 à la fois dans notre réponse à ce qui se passe en Ukraine
16:30 et dans les divisions qui peuvent exister
16:32 dans le soutien que nous apportons à Israël.
16:35 -Claude Bolliqué, juste, à votre avis,
16:37 une précision. Nous allons aborder le cas de l'Iran
16:41 un peu plus avant, dans l'émission,
16:44 mais ce que vous avez dit concernant l'Occident
16:48 et l'affaiblissement de l'Occident,
16:50 la Russie en a profité, à votre avis,
16:53 et sans développer plus largement la question,
16:57 est-ce que vous pensez que l'Occident s'est montré faible
17:00 vis-à-vis de l'Iran, et l'Iran en a profité
17:03 avec ce conflit du 7 octobre ?
17:05 Est-ce que vous faites un parallèle entre les deux ?
17:08 -Je pense que malheureusement, l'Europe s'est montrée faible
17:12 par rapport à l'Iran autour des questions
17:14 des négociations nucléaires, où on a bien vu,
17:17 et je serai très court, on a bien vu et s'est prouvé
17:20 par le rapport de l'agence atomique,
17:22 après rapport de l'agence atomique,
17:24 depuis des années, depuis 20 ans, l'Iran se moque du monde,
17:28 l'Iran trompe les inspecteurs,
17:29 l'Iran dissimule un programme qui a des finalités militaires,
17:33 et on continue en Europe à dire qu'il faut discuter.
17:36 Il y a un moment, je pense effectivement,
17:38 je dis pas qu'il faut bombarder l'Iran,
17:41 mais cette idée, effectivement, chez les Iraniens,
17:44 a clairement entraîné la conclusion
17:48 que l'Europe était faible et que la seule puissance
17:51 à laquelle il fallait compter, c'était les Etats-Unis.
17:54 -Qu'en pensez-vous, l'amiral Edouard Guillaume ?
17:57 -Je suis complètement d'accord.
17:59 Plutôt qu'une guerre entre civilisations,
18:01 c'est une guerre faite à ce que nous pourrions appeler
18:04 la civilisation occidentale. Pourquoi est-elle faite ?
18:07 Parce que les hommes étant ce qu'ils sont,
18:10 c'est toujours la loi du plus fort qui va vouloir prévaloir,
18:13 qui va tenter de prévaloir.
18:15 Nous nous sommes montrés, globalement et collectivement,
18:18 assez faibles. Ca donne le conflit en Ukraine,
18:21 ça donne Gaza et ça peut donner d'autres points de friction
18:24 dans le monde. -Galia Kerman ?
18:26 -Je voudrais peut-être faire deux remarques.
18:30 D'une part, il y a souvent confusion
18:33 entre le problème palestinien,
18:35 qui est un problème véritable et très ancien, déjà,
18:39 et le Hamas et les revendications du Hamas,
18:42 qui veut tout simplement la destruction d'Israël.
18:45 Il faut quand même rappeler que l'autorité palestinienne,
18:48 au moins officiellement,
18:50 ne veut pas de destruction d'Israël
18:52 et reconnaît l'existence de l'État d'Israël,
18:57 de même que plusieurs pays arabes,
18:59 pas tous, bien sûr.
19:01 Donc, ce qui se passe en cas du Hamas,
19:05 c'est qu'une organisation terroriste,
19:07 reconnue comme telle par les États-Unis et l'Europe,
19:11 s'est emparée d'un État,
19:12 et donc l'État qui était installé à Gaza,
19:15 on peut le comparer, par exemple, à Daesh
19:18 ou, plus anciennement, à Al-Qaïda,
19:21 et il a toujours été reconnu
19:24 par l'ensemble des pays occidentaux
19:26 comme légitime l'intention de détruire ces États terroristes.
19:33 Ce qui se passe actuellement, ce n'est pas une vengeance,
19:36 ce n'est pas une réponse, tout simplement,
19:41 à cette attaque purement terroriste,
19:44 le pogrom qui a eu lieu le 7 octobre de l'année dernière,
19:50 c'est qu'Israël a compris que,
19:52 tant que le Hamas n'est pas éradiqué dans la bande de Gaza,
19:57 il n'y a pas de cohabitation possible.
20:02 Maintenant, on peut discuter,
20:04 est-ce que toutes les mesures prises par Israël
20:07 sont justifiées ou non,
20:08 mais essentiellement, c'est une guerre
20:12 contre une entité terroriste
20:15 qui prône la destruction totale d'Israël.
20:18 -On va contextualiser ça, Jérôme Gretsch.
20:22 -Donc, d'une part, c'est ça,
20:25 et ensuite, c'est vrai que...
20:28 Voilà, je réagis
20:30 à ce qui vient d'être dit par l'amiral,
20:33 qu'en effet, les deux conflits
20:38 n'étant pas, pour moi, conflits entre civilisations...
20:42 -Vous allez voir qu'on va avancer dans ce domaine.
20:45 Je voudrais revenir sur cette question.
20:50 1990, 1991,
20:53 la chute du communisme, la chute du mur de Berlin,
20:57 on a pensé, on s'est trompé,
21:00 qu'on pouvait démocratiser la Russie.
21:04 La chute de l'Etat islamique,
21:09 on a pensé que les pays arabos-musulmans
21:13 se réconciliaient avec la démocratie.
21:17 Les conflits sont toujours là,
21:19 que ce soit en Syrie, en Irak,
21:21 on voit l'explosion du Hamas, etc.
21:24 A votre avis,
21:25 ça prouve que l'histoire est irrationnelle,
21:30 dans le cas, on le voit,
21:32 et on voit comment on s'est trompé.
21:35 Par rapport à cette histoire irrationnelle
21:38 et qui produit des crises un peu partout dans le monde,
21:43 le politique que vous êtes ne se dit pas
21:46 que c'est une défaite politique.
21:49 Parce qu'il n'arrive pas,
21:51 on n'arrive pas à influer
21:54 sur la conflictualisation du monde.
21:57 -Cela renvoie à ce que je disais.
21:59 Je ne veux pas donner l'impression
22:02 d'avoir la nostalgie de la Guerre froide,
22:04 dans laquelle les deux figures tutélaires,
22:07 l'URSS et les Etats-Unis,
22:09 s'assuraient au moins des souverainetés territoriales
22:13 et des intégrités,
22:15 n'étaient pas partie prenante elles-mêmes.
22:18 Je réinsiste sur ce point.
22:19 L'implication directe de la Russie
22:22 dans le conflit avec l'Ukraine,
22:24 c'est une bascule fondamentale.
22:26 On n'est plus dans des conflits par alliés
22:30 ou par territoire interposé, en Afghanistan ou ailleurs.
22:34 Je ne veux pas avoir la nostalgie de cette période-là,
22:37 évidemment, parce qu'il fallait sortir
22:40 de la menace qu'elle pouvait représenter.
22:42 Mais c'est vrai qu'on a probablement pêché
22:45 un peu de l'autisme dans la chute du mur de Berlin.
22:49 D'ailleurs, dans cette décennie qui aurait dû être
22:52 celle de la construction de ce nouvel ordre mondial,
22:55 la décennie entre 89 et 2001,
23:00 parce qu'à ce moment-là, on a une autre bascule,
23:03 le 11 septembre 2001,
23:04 avec la nature ayant horreur du vide,
23:06 l'irruption, cette fois-ci, de celle des revendications.
23:10 C'est ça que je trouve intéressant,
23:12 dans ce qui se passe entre Israël et Gaza.
23:15 Là, on a une revendication de nature identitaire religieuse
23:20 qui s'impose et qui matrice la totalité
23:24 des relations internationales.
23:27 En disant cela, je ne veux pas, pour autant,
23:29 je redis ce que j'ai dit,
23:31 c'est le terme de guerre de civilisation,
23:33 il y a toujours ce risque... -N'ayez pas peur des mots.
23:37 -Non, mais j'ai pas peur des mots.
23:39 Je dis juste que si on le fait, le risque,
23:42 c'est le conflit entre le bien et le mal,
23:45 et l'assignation du bien à l'Occident
23:47 et du mal à ce sud global.
23:49 C'est en filigrane ce qui peut transpirer.
23:51 -On va en parler.
23:52 Philippe Gély, on a parlé de l'Iran.
23:55 L'Iran livre des drones à la Russie.
24:00 Ces drones ont massacré la population ukrainienne.
24:04 L'Iran arme le Hezbollah,
24:07 arme le Hamas, arme les Houthis.
24:09 Sincèrement, à votre avis,
24:12 qu'est-ce que veut l'Iran
24:14 et qu'est-ce que peut l'Iran dans ce conflit
24:17 et dans ces deux conflits ?
24:19 -Si on prend le cas de l'Iran,
24:22 à mon sens, il s'inscrit assez bien dans votre thématique,
24:25 parce que six conflits de civilisation, il y a,
24:28 je pense qu'il se joue entre l'Ouest et le reste.
24:32 Je crois plus à l'Ouest global qu'au Sud global,
24:36 qui est, en fait, beaucoup plus hétéroclite
24:39 que l'Ouest global.
24:40 Dans l'Ouest global, il y a aussi Israël,
24:42 ce ne sont pas des concepts géographiques.
24:45 En face de l'Ouest global,
24:46 il y a des puissances
24:48 dont la force s'exprime essentiellement
24:52 par leur capacité de nuisance.
24:53 Je mets dans cette catégorie la Russie,
24:56 qui est une puissance à la hauteur de sa capacité de nuisance,
24:59 et on voit qu'elle est grande.
25:01 Et l'Iran, il en va de même.
25:04 Et donc, dans leur...
25:05 A mon sens, je ne suis pas sûr, d'ailleurs,
25:08 que l'Ouest global dont on parle
25:10 paye sa naïveté ou sa faiblesse.
25:12 Il paye aussi sa domination du monde.
25:15 Pendant des décennies, après la Deuxième Guerre mondiale,
25:18 on a imposé un système, un ordre international
25:21 qui avait beaucoup de vertus,
25:23 mais dont on n'a pas toujours respecté nous-mêmes les règles,
25:26 quand les Etats-Unis ont envahi l'Irak
25:29 ou quand Israël ne respecte pas les résolutions de l'ONU,
25:32 et il y en a eu des dizaines qui lui demandaient
25:35 de respecter les territoires conquis après 1967.
25:38 Et donc, aujourd'hui, on paye, d'une certaine manière, la facture.
25:42 Je ne dis pas que c'est bien fait pour nous,
25:45 mais on est face à ces puissances qui ont une grande capacité
25:48 de nuisance, et c'est le cas de l'Iran,
25:50 qui active tous ses relais, d'ailleurs,
25:52 probablement en collusion plus ou moins étroite avec la Russie.
25:56 On voit bien que ce qui se passe au Moyen-Orient
25:59 est une espèce d'aubaine pour Poutine dans sa guerre en Ukraine.
26:03 Et, alors, à une époque,
26:05 George W. Bush parlait de l'axe du mal.
26:08 Benjamin Netanyahou a repris cette expression ces derniers temps.
26:12 On ne va pas rentrer dans cette rhétorique-là,
26:16 mais on voit bien que si "un frontement civilisationnel",
26:19 entre guillemets, il y a,
26:21 pour moi, il est entre ces deux groupes de forces.
26:24 Pour autant, je pense qu'une guerre de civilisation,
26:28 c'était, par exemple, entre les empires austro-hongrois
26:31 et ottomans. Là, oui, on pouvait parler de guerre
26:34 de civilisation. Aujourd'hui, c'est plutôt une guerre
26:37 pour reprendre sa place ou rééquilibrer
26:40 les équilibres mondiaux.
26:42 -Galia Kerman, est-ce que vous pouvez dire
26:45 ce que vous pensez de ce rôle de trait d'union de l'Iran ?
26:48 -Je pense que l'Iran a ses propres intérêts.
26:53 Pour Israël, il a proclamé officiellement
26:57 le désir de détruire Israël.
27:01 C'est son objectif prononcé, donc il est tout à fait normal
27:05 qu'il soutienne tous les mouvements terroristes
27:08 que vous avez déjà énumérés.
27:10 Quant à la Russie, c'est un partenariat stratégique
27:15 d'une autre nature.
27:16 L'Iran n'a aucun intérêt particulier en Ukraine,
27:20 mais il est partenaire de la Russie,
27:24 qui développe son énergie nucléaire,
27:27 et ils ont beaucoup de projets de coopération.
27:31 Il y a aussi cette idée, en effet,
27:34 dont Philippe a parlé,
27:36 d'affaiblir, voire de détruire l'Occident.
27:41 Ca, c'est une revendication idéologique
27:45 qui n'est pas en soi strictement civilisationnelle pour nous,
27:51 parce que quand on parle d'un conflit de civilisation,
27:55 il faut que les deux parties soient en conflit.
27:58 Nous, on n'est pas en conflit avec...
28:00 -Mais vous n'ayez pas peur des mots.
28:03 -Voilà, mais la Russie, par exemple,
28:07 a ouvertement proclamé, ça fait partie de sa doctrine,
28:10 maintenant, qu'il faut détruire l'Occident,
28:13 qu'il y a une civilisation occidentale
28:16 et une civilisation russe, ce qui est faux à propos,
28:19 parce que la civilisation russe, historiquement,
28:22 fait partie, comme ça a été déjà signalé ici,
28:25 de l'Ukraine.
28:26 Mais ce que je veux dire, c'est que...
28:29 C'est que...
28:30 Il y a...
28:32 Il y a...
28:33 Comment dirais-je ?
28:35 Le combat affiché contre l'Occident
28:39 par la Russie.
28:41 Pour l'Iran, pour des raisons aussi idéologiques
28:44 et religieuses, il est important de combattre
28:47 également l'influence occidentale.
28:50 -Je vous ai entendu, Galia.
28:51 Je voudrais poursuivre sur cette question avec vous,
28:54 Edouard Guillaume.
28:56 L'Iran, aujourd'hui,
28:59 a obtenu une victoire avec le 7 octobre.
29:02 La fin...
29:05 L'impossibilité d'établir des relations
29:08 entre Israël et l'Arabie saoudite
29:10 qui auraient concrétisé une apothéose
29:13 des accords d'Abraham noués par Trump.
29:16 A votre avis, si Trump est réélu,
29:18 est-ce que quelque chose peut changer dans ce domaine ?
29:24 Parce qu'on sait quelle était sa position vis-à-vis de l'Iran.
29:27 -Je pense qu'il va falloir que tous,
29:30 nous relisions l'un de ses livres,
29:32 qui était "L'art de la négociation",
29:34 "The art of the deal".
29:36 Trump est un homme d'affaires
29:38 qui a toujours considéré qu'il fallait négocier.
29:41 On l'a vu avec l'affaire des accords d'Abraham.
29:46 Donc oui, une élection de Trump
29:49 rebattrait les cartes.
29:50 Mais il y a une chose qui ne va pas changer,
29:53 c'est que l'Iran, comme la Russie,
29:55 et Mme Ackermann vient de le rappeler,
29:58 a des buts de guerre affichés,
30:00 ou le Hamas, la destruction d'Israël,
30:02 c'est bien connu.
30:04 Quels sont les buts de guerre du bloc occidental ?
30:07 Quand on répond "les buts de guerre",
30:09 on a toujours besoin de buts de guerre
30:12 pour savoir comment passer de la stratégie générale
30:15 à la stratégie militaire et à la tactique.
30:17 Quels sont les buts de guerre de l'Occident global ?
30:20 Les valeurs ?
30:21 Allez expliquer ça à quelqu'un qui n'a pas d'eau,
30:24 d'électricité ou qui a une histoire multimillénaire
30:28 mais qui n'a rien à voir avec celle de l'Europe.
30:30 Nous n'avons pas encore été capables,
30:34 nous, occidentaux,
30:35 et le bloc occidental est assez large,
30:37 j'aime bien l'idée de "Ouest global",
30:40 nous n'avons pas encore été capables
30:43 de déterminer quels étaient nos buts de guerre,
30:45 alors que, d'une certaine façon, c'est nous qui sommes agressés.
30:49 Nous, globalement.
30:50 -Claude Moniquet veut intervenir.
30:53 -Oui.
30:54 Sur l'Iran, mon impression,
30:56 c'est que la Russie a un intérêt direct face à l'Europe,
31:01 qui est de nous écarter, d'écarter l'Europe
31:04 et surtout le temps de ses frontières,
31:06 de construire un espèce de glacis à partir d'anciens pays,
31:10 des pays qui appartenaient anciennement à l'Union soviétique,
31:13 comme l'Ukraine, peut-être demain la Moldavie ou la Géorgie.
31:17 La stratégie de l'Iran est différente.
31:19 Elle est dirigée essentiellement contre les pays sunnites du Golfe,
31:23 contre l'Arabie saoudite et contre les autres pays sunnites,
31:26 et contre Israël.
31:28 Quand l'Iran s'attaque à l'Occident,
31:30 et l'Iran s'attaque à l'Occident,
31:32 je vous rappelle qu'en octobre 83,
31:34 les Iraniens, par Hezbollah interposé,
31:38 ont assassiné 200 soldats américains
31:40 et 68 soldats français à Beyrouth.
31:43 Je vous rappelle les attentats commis par l'Iran à Paris
31:46 entre 2015... Pardon, entre 1986 et 1987.
31:51 Donc, quand l'Iran nous attaque,
31:55 c'est pour nous éloigner de la scène moyenne orientale.
31:58 L'Iran voit bien que nous sommes...
32:00 Enfin, l'Ouest global dont nous parlions,
32:02 les Etats-Unis et une partie de l'Europe,
32:04 nous sommes non seulement les soutiens d'Israël
32:07 et des amis d'Israël ou des alliés,
32:09 mais nous sommes aussi des alliés du monde arabe modéré,
32:12 du monde sunnite du Golfe.
32:14 C'est pour ça que les Iraniens veulent nous écarter
32:17 par tous les moyens de cette région
32:19 pour se retrouver dans une espèce de huis clos
32:22 où il y aurait, eux, les pays sunnites et Israël.
32:25 Leur but aussi, par rapport aux pays sunnites,
32:27 c'est de montrer, via leur soutien en Hamas,
32:30 qu'ils sont les seuls, aujourd'hui, à réellement soutenir,
32:33 je mets des guillemets, la cause palestinienne.
32:36 Donc c'est une stratégie à tiroir
32:38 qui est assez typiquement iranienne,
32:40 mais qui peut fonctionner et qui fonctionne.
32:43 Quand on voit qu'on a, sur la question du Hamas,
32:45 quand même l'Iran qui soutient, qui arme,
32:49 qui finance une organisation
32:51 qui est directement issue des frères musulmans,
32:54 qui sont ce que le sunnisme a de plus extrémiste,
32:56 c'est quand même assez étonnant.
32:58 -Merci. Vous vouliez dire un mot là-dessus, Jérôme ?
33:01 -Je pense que dans les deux conflits,
33:03 puisqu'on cherche des points de convergence,
33:06 cette question des buts de guerre est essentielle.
33:09 Elle est clairement identifiée,
33:12 vous l'avez dit, du côté de la Russie,
33:15 le but de guerre, c'est de se glisser
33:18 dans ce qu'on évoquait au début de l'entretien,
33:20 à savoir de repousser les frontières de l'Empire russe,
33:24 a fortiori, quand il a le sentiment, à tort ou à raison,
33:27 qu'il est menacé, ce qui pose aussi la question
33:30 de la manière dont nous concevons le rôle, aujourd'hui, de l'OTAN.
33:34 Il ne faut jamais oublier,
33:36 si tu ne dis pas ça pour trouver des circonstances atténuantes,
33:39 évidemment, à la Russie,
33:42 mais que la manière dont le changement de nature de l'OTAN,
33:47 en tous les cas, à travers l'extension
33:49 jusqu'aux frontières de la Russie,
33:52 de cette alliance, a pu,
33:54 encore une fois, je le pense, à tort,
33:57 a fourni le prétexte,
34:00 et donc, c'était une interprétation à tort pour la Russie
34:03 pour se glisser dans ces buts-là.
34:05 Les buts du Hamas, ils sont identifiés.
34:09 Casser le rapprochement, ça a été rappelé,
34:12 entre Israël et le prolongement des accords d'Abraham,
34:15 et donc, probablement, même casser la possibilité
34:19 réellement d'une solution à deux Etats
34:21 pour utiliser ce quiste palestinien,
34:23 comme un facteur de déstabilisation globale.
34:26 Donc, nos adversaires, en tous les cas,
34:29 leurs buts sont identifiés.
34:32 En réponse, c'est là que nous avons une grande difficulté.
34:35 Du côté israélien,
34:38 c'est le problème de Benyamin Netanyahou aujourd'hui,
34:41 c'est que quand on a deux buts de guerre,
34:43 à un moment contradictoire, libérer tous les otages,
34:46 il ne faut pas oublier qu'ils sont la prolongation de ce pogrom,
34:50 et en même temps, démilitariser,
34:53 éradiquer, neutraliser le Hamas.
34:56 Les deux buts de guerre ne sont pas atteignables,
34:59 à tel point qu'on a le sentiment avec Netanyahou
35:02 que le but de la guerre, la fin de la guerre, si j'ose dire,
35:05 c'est presque une guerre sans fin,
35:08 une guerre qui s'auto-alimente elle-même.
35:12 -Je vous ferai remarquer, Jérôme Goetz,
35:14 que l'ensemble des pays occidentaux
35:18 considèrent que le Hamas est un groupement terroriste
35:21 et qu'après le 7 octobre,
35:23 l'ensemble des pays occidentaux a considéré
35:26 qu'il fallait détruire le Hamas.
35:28 -Mais qu'est-ce que ça veut dire, détruire le Hamas ?
35:31 Quand vous avez Gadi Yandak, dans le cabinet de guerre israélien,
35:35 qui dit que nos buts de guerre ne sont pas identifiés,
35:38 on ne peut pas gagner la guerre.
35:40 -Je vous rappelle cette chose-là.
35:42 Générique
35:44 ...
35:56 -Alors, revenons à notre débat.
35:59 Ces conflits, parmi d'autres conflits à haute intensité,
36:03 ont des répercussions mondiales qui ébranlent l'économie,
36:07 les sociétés, accroissent le désordre mondial.
36:10 Nous sommes tous d'accord là-dessus.
36:12 Je vais vous expliquer le soutien
36:14 de franges politiques dites progressistes
36:18 et du wauquisme,
36:20 une forme de convergence, d'ailleurs, intersectionnelle
36:23 entre le wauquisme et une gauche très progressiste,
36:28 un irrédentisme islamopolitique
36:31 et, symétriquement,
36:34 l'appui de très nombreuses nations à la Russie.
36:38 Philippe Gély.
36:39 -Ce débat...
36:40 -Ah oui, parce qu'on est là, dans cette...
36:43 -Le général, mais...
36:45 Non, ce que je pense, c'est qu'on est dans le piège
36:49 du double... du deux poids, deux mesures,
36:52 ce que les Anglo-Saxons appellent le double standard.
36:55 C'est une accusation qui nous est faite
36:59 à laquelle on peut très difficilement échapper,
37:02 parce que ceux qui vous disent, dans un cas,
37:06 vous considérez qu'il est légitime
37:09 de mener une guerre...
37:11 très brutale, de bombardements,
37:16 y compris sur une ville comme Gaza, la ville de Gaza,
37:19 au nom des représailles et de l'objectif
37:22 jugé légitime d'éradiquer le Hamas,
37:25 de notre côté, vous avez Poutine,
37:28 qui tient un discours parallèle.
37:30 Il dit qu'en Ukraine, il y a un régime nazi.
37:32 Nous, on n'est pas d'accord,
37:34 on estime que c'est de la propagande de bas étage,
37:37 mais sur la scène mondiale, c'est perçu,
37:40 il y a une certaine équivalence dans l'analyse
37:43 qu'on peut faire de ces deux discours.
37:46 Et donc, il y a, dans nos sociétés,
37:50 des courants,
37:53 que vous les appeliez "wokisme" ou autre,
37:55 qui considèrent que nous sommes piégés
37:58 par ce deux poids, deux mesures,
38:01 que ce deux poids, deux mesures existe,
38:03 on peut vouloir y échapper, mais c'est très difficile,
38:06 et que, d'autre part,
38:09 ceux que nous défendons,
38:10 si nos arguments sont valides
38:12 pour dénoncer l'invasion brutale
38:16 et les crimes de guerre commis par Poutine en Ukraine,
38:19 nous devrions aussi dénoncer la politique israélienne
38:22 militariste et belliciste d'un gouvernement
38:25 qui ne veut pas partager la terre.
38:27 -Vous reconnaissez que les soutiens socioculturels
38:30 sont identifiés d'un côté comme de l'autre ?
38:33 -Oui, enfin, c'est pas...
38:36 -C'est ce qu'on en observe.
38:37 -C'est pas non plus une exclusivité, me semble-t-il.
38:40 Il y a des tas de gens qui se posent la question
38:43 de savoir comment soutenir validement,
38:45 de manière cohérente,
38:48 la résistance ukrainienne.
38:50 Quand un jeune Ukrainien tire un cocktail Molotov,
38:53 lance un cocktail Molotov sur un char russe,
38:56 c'est un héros. Quand un jeune Palestinien
38:59 fait la même chose sur un char israélien,
39:01 c'est un terroriste. Cette contradiction-là,
39:04 c'est ce que nous, en tant que société occidentale,
39:07 nous devons se défendre. -Votre cartographie
39:10 ne tient pas. Je ne crois pas que l'extrême droite
39:13 européenne et française notamment
39:15 peut être identifiée au wokisme dont vous parliez à l'instant.
39:18 Or, les sympathies à l'endroit du régime poutinien,
39:22 elles viennent, en France, en tous les cas,
39:25 de cette mouvance-là,
39:26 davantage que du wokisme ou de la gauche socioculturelle.
39:30 -Elle existe aussi à l'extrême gauche.
39:32 -La gauche n'est pas la gauche dans son ensemble.
39:35 Ca ne vous a pas échappé. -Oui, Galia Therman.
39:38 -Moi, je pense que Philippe Gélier a tort,
39:40 parce qu'on ne peut pas, absolument pas,
39:44 mettre sur le même plan l'action militaire
39:47 qui est menée en Ukraine et celle qui est menée
39:50 dans la bande de Gaza. Pourquoi ?
39:52 Parce que vous faites abstraction de qui est l'agresseur
39:55 et de qui est l'agressé, là.
39:57 Dans le cas de la Russie, c'est la Russie qui est agresseur,
40:01 donc on assiste à une légitime défense.
40:04 Dans le cas du Hamas,
40:06 c'est donc de pseudo-Etats créés dans la bande de Gaza,
40:10 c'est Hamas l'agresseur,
40:12 et c'est l'action d'Israël
40:15 qui, en principe, est défensive,
40:18 même si on peut discuter de tel ou tel épisode.
40:20 Il faut pas... -Je ne peux pas exprimer
40:23 mon opinion personnelle. J'ai dit comment la lecture était faite.
40:27 -C'est pas ce que... -On va le laisser
40:29 exprimer son opinion personnelle après.
40:32 -C'est parce que, je l'ai déjà dit au début de cette émission,
40:38 on fait une confusion monumentale
40:41 entre la Palestine, les droits du peuple palestinien
40:46 et l'Etat terroriste créé par le Hamas.
40:50 Même si une grande partie de l'opinion publique palestinienne,
40:54 en désespoir de cause, soutient l'action de Hamas,
40:58 c'est pas la même chose.
40:59 Je pense qu'il faut, une fois pour toutes, trancher entre...
41:03 -J'ai vécu 5 ans à Jérusalem,
41:04 mais j'étais correspondant à cette région.
41:07 Je ne fais pas la confusion. -Non, bien sûr.
41:10 -En tout cas, on peut avoir des opinions
41:12 qui sont divergentes. Claude Bonniquet.
41:14 -Oui, je dois dire que ce qui m'a étonné,
41:17 Jérôme Guedj, j'ai raison de le souligner,
41:19 dans l'extrême-gauche, pas dans la gauche,
41:22 puisqu'il y a des gens de gauche qui soutiennent Israël,
41:25 qui ont critiqué certaines méthodes utilisées par Israël
41:28 et certains excès de la guerre. C'est un débat parallèle.
41:32 Ce qui m'a surpris, ou pas vraiment,
41:34 d'ailleurs, dans les positions de l'extrême-gauche,
41:37 c'est cette confusion entre défendre
41:39 les civils palestiniens, la population palestinienne,
41:43 défendre, théoriquement, l'autonomie
41:45 et la liberté de la Palestine, et défendre le Hamas.
41:48 Ce sont des choses qui sont non seulement différentes,
41:51 mais contradictoires. Le Hamas est sans doute
41:54 le pire ennemi de la cause palestinienne.
41:56 Il faut être très clair là-dessus.
41:58 En le soutenant, quand on voit ces jeunes
42:00 qui défilent dans la rue en criant "de la rivière à la mer",
42:04 on a tous vu, ce serait drôle si c'était pas triste,
42:07 qu'ils ont du mal à... La mer, ils la situent à peu près,
42:10 certains pensent que c'est la mer rouge,
42:12 mais le fleuve, quand on leur dit "quel fleuve",
42:15 on est un peu perdus. C'est triste.
42:17 Ca montre qu'on a mal expliqué les choses,
42:20 ça montre qu'il y a eu énormément de propagande
42:23 qui visait non pas, de nouveau, à défendre la Palestine,
42:26 ce qui est une cause tout à fait juste.
42:28 Moi, depuis toujours, quand je vis en Israël,
42:31 c'était ma position, je suis pour une solution,
42:33 une paix à deux Etats, c'est la seule qui soit raisonnable.
42:37 Aucune garantie apportera la paix.
42:39 La seule garantie, c'est que si on ne va pas vers cette solution
42:42 aux deux Etats, on continuera à avoir la guerre pour 1000 ans.
42:46 Il faut dire que le Hamas est l'ennemi de la cause palestinienne
42:49 et dénoncer le Hamas, qui est une organisation
42:52 qui est terroriste et quasiment génocidaire.
42:55 -Edouard Griot ? -Il y a un autre point,
42:57 je pense, qu'on confond un tout petit peu.
42:59 Le Hamas, on l'assimile à la bande de Gaza.
43:03 Le Hamas existerait sans la bande de Gaza.
43:06 Le Hamas a fait son nid dans un territoire,
43:09 mais le Hamas, en réalité, on voit bien
43:12 qu'il n'en a rien à faire de perdre ou pas Gaza.
43:15 Lui, il se reconstituera ailleurs, il migrera,
43:18 et ça restera une organisation.
43:20 Ce sont les frères musulmans qui font penser,
43:23 liés aux frères musulmans, issus des frères musulmans,
43:26 dont le but est la destruction d'Israël, d'une part,
43:29 et le but général des frères musulmans,
43:31 c'est d'avoir un islam politique régnant sur le maximum
43:34 de territoires de la planète.
43:36 Donc, il faut bien séparer, en plus, à mon avis,
43:39 la question de la bande de Gaza,
43:41 ce qui amène les problèmes de destruction,
43:43 les victimes collatérales, tout ce qu'on veut,
43:46 et tout ce qui est épouvantable en opération militaire
43:49 et urbanisée, de l'attaque et la volonté affichée,
43:54 et qui me paraît normale, d'ailleurs,
43:56 de vouloir détruire le Hamas en tant que tel.
43:59 Ce sont deux aspects différents. On a tendance à dire
44:02 que si Israël prend tout Gaza ou réoccupe tout Gaza,
44:04 comme il l'a fait il y a quelques années,
44:07 il n'y a plus de Hamas. Non, c'est pas vrai.
44:09 Il y aura toujours un Hamas. Il ira ailleurs.
44:12 D'ailleurs, les autres Etats arabes n'ont aucune envie
44:15 de le voir arriver chez eux.
44:17 -Mais Edouard Guillaume, vous pensez que la vocation
44:20 du monde arabe, c'est de secréter un extrémisme islamiste ?
44:24 -Non, pas du tout. -Et alors ?
44:26 -Non, mais ce qui se passe pour l'instant,
44:29 les Etats arabes et musulmans,
44:31 arabes-musulmans, en général,
44:33 soutiennent assez peu,
44:35 et on le sait bien, la cause palestinienne,
44:38 ça, on le voit depuis 30, 40 ans,
44:41 et ne la ressortent que quand ça leur apporte
44:43 un gain diplomatique ou un gain de politique étrangère
44:47 ou d'un grand international.
44:48 Finalement, ça arrange un peu tout le monde que...
44:51 Il y a un prurite qui s'est créé, il est à Gaza,
44:54 il reste à Gaza. -Claude Bonniquet
44:56 voulait intervenir. -Je reconnais
44:58 que c'est horrible. -Je suis d'accord
45:00 avec ce que vient de dire l'amiral Guillaume.
45:02 Je pense qu'il y a un but de guerre israélien,
45:05 c'est de dire qu'on va détruire le Hamas,
45:07 ce qui ne veut pas dire grand-chose.
45:09 L'offensive israélienne peut très fortement affaiblir le Hamas.
45:13 Une série d'autres mesures, légalement discutables,
45:16 qui vont se poursuivre, entre autres,
45:18 dans des pays où sont réfugiés, dans les régions du Hamas,
45:21 peuvent affaiblir l'organisation.
45:24 En tant qu'idée, elle va continuer à exister
45:26 et elle s'incarnera d'une manière ou d'une autre,
45:29 soit dans le Hamas, soit dans un autre mouvement.
45:32 Le monde arabe n'a pas tant à sécréter l'extrémisme,
45:35 il y a des courants extrêmement modérés dans le monde arabe,
45:38 mais il y a, et on ne peut pas le nier,
45:41 en tout cas depuis 20 à 30 ans,
45:43 il y a une tendance salafiste, frère musulman,
45:46 extrémiste, qui est importante, minoritaire, mais importante,
45:49 et qui continuera à s'exprimer.
45:51 Le Hamas ne sera pas totalement détruit,
45:53 il ne sera pas éradiqué, il sera affaibli.
45:56 Et au moment où il sera affaibli, il faut en profiter
45:59 pour faire avancer les négociations,
46:01 les possibilités de cette paix
46:03 ou de cette neutralisation du conflit
46:05 avec une négociation en deux Etats,
46:08 avant que le Hamas, son successeur, ait les possibilités.
46:11 -Merci, Claude. Je voudrais aborder la question
46:14 que vous avez soulignée dès le départ, Jérôme Getsch,
46:17 sur la question de pourquoi ces guerres
46:20 sont des guerres de civilisation.
46:22 On doit à Samuel Huntington
46:26 une prévision contestée sur le conflit des civilisations.
46:30 Certains ont considéré que c'était exact,
46:34 d'autres ont considéré que c'était erroné.
46:37 Mais au regard des conflits actuels,
46:40 on en a parlé depuis un moment,
46:43 quoi penser de la prévision reprise
46:47 par de nombreux observateurs
46:50 que les conflits les plus étendus
46:52 que nous observons
46:54 appartiennent à des entités culturelles différentes ?
46:58 Vous êtes d'accord avec ça ?
47:00 -Non, je vous redis que je récuse
47:02 l'idée du choc des civilisations.
47:04 -Non, on ne parle pas du choc des civilisations.
47:07 -Ou du conflit de civilisations. -Est-ce qu'aujourd'hui,
47:10 les conflits opposent des entités culturelles différentes,
47:14 au regard de la polarisation du monde ?
47:18 -Non, le meilleur contre-exemple, on l'a évoqué,
47:21 je ne considère pas que l'Ukraine et la Russie
47:23 participent d'identités culturelles différentes.
47:27 C'est d'ailleurs ça qui est terrible,
47:29 c'est que nous avons un conflit sur le sol européen,
47:32 entre Européens avec des spécificités
47:34 et des histoires particulières.
47:36 -Mais l'Ukraine vous est plus proche
47:38 de la Russie culturellement, oui ou non ?
47:41 -Très sincèrement, jusque-là.
47:43 Aujourd'hui, l'Ukraine m'éproche quand elle dit
47:45 "mon avenir", face à la menace que représente la Russie,
47:49 "mon avenir, c'est de demander l'adhésion à l'Union européenne".
47:52 Ca verra le jour dans 15, 20 ans.
47:54 Moi, je suis un Européen qui croit, en effet,
47:57 que les espaces de coopération
47:59 sont ceux qui permettent précisément de sortir.
48:02 Rappelez-vous, pendant des années,
48:04 on a considéré qu'il y avait une identité boche
48:07 et une identité française qui étaient incompatibles
48:10 et qu'on a réussi à les mettre dans un creuset commun,
48:13 celui de la construction européenne.
48:15 Oui, je récuse les chambres de civilisation,
48:18 parce que derrière, je vois bien la petite musique,
48:21 je le redis, qui est celle du camp du bien et du mal.
48:24 Je ne sais pas qui décide, vous avez donné le même exemple,
48:27 qui décide d'être dans le bien ou le mal.
48:30 -Je vous donnerai de mettre de l'eau à votre moulin.
48:33 Regardez un des endroits
48:35 où il y a l'un des plus grands risques de guerre mondiale,
48:38 c'est Taïwan.
48:39 Entre Taïwan et la Chine, on doit parler de conflit de civilisation ?
48:43 -Philippe Gélid, sincèrement, je vous pose la question
48:46 à titre personnel.
48:48 Vous êtes plus proche de Taïwan culturellement
48:50 ou de la Chine culturellement ?
48:52 C'est une vraie question.
48:54 -C'est une question à laquelle il n'y a pas de réponse.
48:57 -Mais si, il y a une réponse.
48:59 -Pour moi, il n'y a pas...
49:00 -D'appartenance culturelle.
49:02 -C'est un conflit politique entre la démocratie et le communisme,
49:07 la démocratie de Taïwan étant soutenue
49:09 par les démocraties européennes et surtout américaines,
49:13 et le régime communiste chinois s'alliant
49:15 avec le régime autoritaire en Russie.
49:18 -Est-ce qu'il y a des affiliations culturelles ?
49:20 -Non, pour moi, c'est pas un conflit de civilisation.
49:23 Ce sont des chocs de puissance, des jeux de puissance.
49:26 -Sur ce point...
49:28 -Depuis quelques années, la Russie a une idée
49:31 qui a été empruntée à l'extrême droite.
49:34 Bon, maintenant, tout le régime est extrême droite,
49:37 mais ça date encore de quelques années,
49:40 quand le philosophe Alexandre Dugin,
49:42 que tout le monde maintenant connaît,
49:45 a proclamé qu'en fait,
49:46 il y a plusieurs grandes civilisations dans le monde,
49:50 que la Russie est un état de civilisation
49:53 et que la civilisation occidentale
49:56 ne doit pas être prépondérante,
49:59 elle doit être au même titre que les autres civilisations
50:02 et que donc, eux, c'est une civilisation occidentale
50:06 perverse, délétère, impérialiste, etc.,
50:10 mais bon, on va les laisser dans leur fanche.
50:14 Mais il faut que tout soit à l'égalité,
50:17 ce qui veut dire aussi que chaque cordonnier
50:20 est maître chez soi.
50:22 Si la civilisation chinoise, traditionnellement,
50:25 est autoritaire, eh ben, c'est comme ça.
50:27 Si la civilisation russe, ou ce qu'ils appellent
50:30 la civilisation russe, est contre LGBT,
50:35 eh bien, ainsi soit-il.
50:37 Et donc, ce qui se passe en Ukraine,
50:42 c'est pas même...
50:43 Oui, on peut dire que c'est un conflit entre civilisations,
50:47 la pseudo-civilisation russe et la civilisation occidentale,
50:51 par le corps de l'Ukraine interposé.
50:54 Ça, c'est leur interprétation,
50:56 c'est combattre l'Occident en la personne de l'Ukraine.
50:59 -On a très peu de temps.
51:01 Je voudrais avoir aussi deux autres avis.
51:05 Je crois qu'on vous a entendus. Vous voulez conclure votre propos ?
51:08 -Oui, ce que je veux dire,
51:11 c'est que le propos russe est encore plus pernicieux.
51:15 Il considère que l'Ukraine n'a pas ni civilisation,
51:20 ni Etat, ni culture propre,
51:22 que c'est une sorte de variation avec la Russie,
51:25 qu'il faut la détacher de l'Occident,
51:27 conquérir, même en la détruisant.
51:30 -En somme, effacer l'Ukraine, ils l'ont déjà dit.
51:33 Edouard Guillot, sur ce point, pas de guerre froide,
51:36 mais on constate une polarisation du monde.
51:38 -On constate une polarisation avec une dimension
51:41 que, à mon avis, nous n'avons pas abordée,
51:44 qui est la dimension religieuse.
51:46 Moscou se voit comme la nouvelle Rome,
51:49 et je vais paraphraser Poutine,
51:51 tout ce qui est orthodoxe, c'est russe.
51:53 C'est-à-dire que la moitié des Balkans est russe, par exemple.
51:57 La religion, c'est le marxisme,
52:01 l'énigmisme chinois,
52:04 leur serre de religion.
52:06 On a parlé de l'Iran tout à l'heure,
52:09 c'est le chiisme, et puis les Frères musulmans,
52:12 je parle pas des pays, mais les Frères musulmans,
52:15 c'est une forme de sunnisme.
52:17 Et ceci sous-tend, à chaque fois, la civilisation,
52:20 vous avez une religion ou l'équivalent d'une religion,
52:24 plus une histoire commune, plus des aspects culturels communs.
52:27 -Merci d'avoir apporté. Claude Bonniquet,
52:29 il nous reste moins d'une minute sur ce point
52:32 et sur cette polarisation du monde.
52:35 -Je crois que la polarisation n'est pas entre civilisation et culture,
52:39 elle est entre modèles politiques.
52:41 D'un côté, vous avez une partie du monde
52:43 qui croit, malheureusement, à sa restreinte,
52:46 qui croit à la démocratie et au droit international,
52:49 et de l'autre, vous avez des gens qui n'y croient pas.
52:52 Et je pense que le deuxième problème,
52:54 c'est que nous, l'Occident global, comme vous disiez,
52:57 on n'a pas été toujours à la hauteur de nos idéaux,
53:00 à la hauteur de ce que nous devrions être,
53:02 et ça a entraîné la désinfection d'une partie de gens
53:05 qui ne sont pas les acteurs principaux du Sud global,
53:08 mais qui sont les suiveurs, qui vont se retrouver derrière
53:11 la Russie, la Chine ou d'autres pays,
53:13 parce qu'ils pensent que ce sont eux qui sont plus à même
53:16 de les défendre qu'entre nous,
53:19 et qui pratiquent trop souvent le deux-poids-deux-mesures.
53:22 -Merci, Claude Baudiquet.
53:24 Alors, écoutez, il me reste peu de temps,
53:26 sinon, pour vous présenter quelques livres
53:29 qui traitent du sujet que nous avons évoqué,
53:31 Bruno Tertrais, "La guerre des mondes",
53:34 paru aux éditions de l'Observatoire,
53:37 "Le retour de la géopolitique et le choc des empires".
53:41 Je voudrais rappeler votre livre,
53:44 "Galia Ackermann",
53:46 que vous avez publié avec Stéphane Courtois,
53:49 "Le livre noir" de Vladimir Poutine.
53:53 Claude Baudiquet, je voudrais rappeler
53:56 que vous avez publié "Djihad et islamisme"
53:59 en Belgique, aux éditions Jourdan-Leclerc.
54:03 En un mot, mais pas vraiment en 20 secondes,
54:06 comment se porte le djihadisme d'ambiance
54:09 à Molenbeek et dans toute la Belgique ?
54:12 -Il se porte aussi bien qu'à Roubaix-Tourcoing
54:15 ou qu'à la Banlieue de Toulouse ou dans celle de Londres.
54:18 Il y a un mouvement salafiste qui existe,
54:20 qui continue à croître, moins fortement qu'il y a 5 ou 6 ans,
54:24 mais qui est toujours là, dont une partie prône le djihad armé.
54:27 -On n'a pas plus de temps. Excusez-moi, Claude.
54:30 Merci. Je vais terminer avec vous, Jérôme Goetsch.
54:33 Vous avez été l'objet d'une cabale antisémite.
54:36 Alors, encore sur ce sujet-là,
54:39 cette cabale intervient au moment
54:41 où les actes antisémites sont très nombreux.
54:44 On ne va pas faire l'histoire de l'antisémitisme,
54:47 il n'en est pas question, mais à votre avis,
54:49 quelle est la marque de fabrique politique
54:52 de l'antisémitisme qui vous a visé ?
54:54 -Il est universel.
54:56 Ce que j'ai reçu, quand on me traite de youpin,
54:59 je ne peux pas savoir si ça vient de l'antisémitisme profond,
55:03 de l'histoire de l'extrême droite en France,
55:07 je ne peux pas savoir si ça vient du nouvel antisémitisme,
55:11 de l'islamisme radical.
55:13 Par contre, il y a une chose,
55:15 et on le voit dans les conflits internationaux,
55:17 à la fin du fin, il reste des antisémites.
55:20 -Vous associez l'islamo-gauchisme à ça ?
55:23 -Je viens de vous le dire.
55:24 C'est quelque chose qui est partagé
55:27 par tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre,
55:29 mettent en question les piliers de la République,
55:32 et parfois, ça se croise et ça se parle aux uns aux autres.
55:36 -Merci, madame, merci, messieurs,
55:38 d'avoir participé à cette émission.
55:40 Merci à l'équipe de LCP
55:43 qui l'a réalisée.
55:46 Avant de nous quitter, je vous laisse avec cette pensée.
55:50 Les puissances occidentales n'ont pas de meilleur moyen
55:54 de servir la paix du monde
55:56 que de rester droites et fermes.
55:59 Edouard Guillaume, c'est qui, ça ?
56:01 -"It rings a bell", comme on dit en français.
56:03 -C'est le général de Gaulle.
56:05 -Oui.
56:06 -Auprès de Cori.
56:08 ...

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