La baisse de la natalité est un phénomène mondial, avec de grandes disparités géographiques, socio-culturelles, en fonction de la pyramide des âges, des pratiques sexuelles et d'une kyrielle de facteurs touchant aux conflits, à l'immigration, aux politiques familiales et aux classes sociales. Avec toutefois un bémol, cette baisse de la natalité n'empêchera pas une augmentation substancielle de la population mondiale dans les prochaines décennies.
Pour nous en tenir d'abord à la France, 2023 constitue un tournant avec une très forte baisse de la natalité. Nous sommes passés sous le seuil de 700 000 naissances avec un indicateur de fécondité baissé à 1,68 enfant par femme. Et cela alors que notre pays faisait figure de champion de la natalité au sein de l'Union européenne. Du désir d'enfant qui se serait émoussé à une baisse de la fertilité qui viendrait avec l'âge et aussi à l'insuffisance de lieux d'accueil pour nos bébés, nous ferons le point avec mes invités. Nous chercherons également à analyser ce qu'il en est de par le monde en nous penchant sur le renouvellement vital nécessaire à la survie des sociétés.
Émaile Malet réçoit :
- René Frydman, médecin, gynécologue, obstréticien, professeur des Universités, à qui on doit Amandine, le premier bébé-éprouvette français.
- Hervé Le Bras, démographe, enseignant-chercheur à l'Ecole polytechnique, l'INED et l'EHESS.
- Christine Vahdat, gynécologue, obstétricienne, membre du Conseil de l'ordre des médecins.
- Julien Damon, sociologue, professeur associé à Sciences Po.
Présenté par Emile MALET :
L'actualité dévoile chaque jour un monde qui s'agite, se déchire, s'attire, se confronte... Loin de l'enchevêtrement de ces images en continu, Emile Malet invite à regarder l'actualité autrement... avec le concours d´esprits éclectiques, sans ornières idéologiques pour mieux appréhender ces idées qui gouvernent le monde.
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Pour nous en tenir d'abord à la France, 2023 constitue un tournant avec une très forte baisse de la natalité. Nous sommes passés sous le seuil de 700 000 naissances avec un indicateur de fécondité baissé à 1,68 enfant par femme. Et cela alors que notre pays faisait figure de champion de la natalité au sein de l'Union européenne. Du désir d'enfant qui se serait émoussé à une baisse de la fertilité qui viendrait avec l'âge et aussi à l'insuffisance de lieux d'accueil pour nos bébés, nous ferons le point avec mes invités. Nous chercherons également à analyser ce qu'il en est de par le monde en nous penchant sur le renouvellement vital nécessaire à la survie des sociétés.
Émaile Malet réçoit :
- René Frydman, médecin, gynécologue, obstréticien, professeur des Universités, à qui on doit Amandine, le premier bébé-éprouvette français.
- Hervé Le Bras, démographe, enseignant-chercheur à l'Ecole polytechnique, l'INED et l'EHESS.
- Christine Vahdat, gynécologue, obstétricienne, membre du Conseil de l'ordre des médecins.
- Julien Damon, sociologue, professeur associé à Sciences Po.
Présenté par Emile MALET :
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NewsTranscription
00:00 Générique
00:01 ...
00:23 -Bienvenue dans "Ces idées qui gouvernent le monde".
00:27 "Anatomie de la chute de la natalité".
00:30 La baisse de la natalité est un phénomène mondial
00:33 avec de grandes disparités géographiques,
00:36 socio-culturelles,
00:38 en fonction de la pyramide des âges, des pratiques sexuelles
00:41 et d'une kyrielle de facteurs touchant au conflit,
00:44 à l'immigration aussi, aux politiques familiales
00:47 et aux classes sociales.
00:49 Avec toutefois un bémol.
00:50 Cette baisse de la natalité n'empêchera pas
00:53 une augmentation substantielle
00:56 de la population mondiale dans les prochaines décennies.
00:59 Pour nous en tenir, d'abord à la France.
01:02 2023 constitue un tournant
01:05 avec une très forte baisse de la natalité.
01:08 Nous sommes passés sous le seuil de 700 000 naissances,
01:12 avec un indicateur de fécondité
01:15 baissé à 1,68 enfant par femme.
01:19 Et cela alors que notre pays faisait figure
01:22 de champion de la natalité au sein de l'Union européenne.
01:26 Du désir d'enfant, qui se serait émoussé
01:29 à une baisse de la fertilité, qui viendrait avec l'âge,
01:33 et aussi à l'insuffisance des lieux d'accueil pour nos bébés,
01:37 nous ferons le point avec mes invités.
01:40 Nous chercherons également à analyser
01:42 ce qu'il en est de par le monde
01:44 en nous penchant sur le renouvellement vital
01:47 nécessaire à la survie des sociétés.
01:50 Avec nos intervenants, que je vais vous présenter,
01:53 nous allons ausculter l'anatomie de cette chute de la natalité.
01:59 René Friedman, vous êtes médecin, gynécologue, obstétricien.
02:04 Vous êtes professeur des universités.
02:06 On vous doit Amandine, qui ne connaît pas Amandine,
02:10 le premier bébé éprouvette français.
02:13 Hervé Lebrat, vous êtes démographe,
02:15 enseignant-chercheur à l'école polytechnique,
02:18 d'où vous êtes sorti.
02:20 Vous enseignez à l'INED et à l'école des hautes études
02:23 en sciences sociales.
02:25 Christine Vadat, vous êtes gynécologue,
02:28 obstétricienne, membre du Conseil de l'ordre des médecins.
02:32 Nous vous avons en visioconférence.
02:35 Julien Damon, vous êtes sociologue
02:38 et professeur associé à Sciences Po Paris.
02:43 Musique rythmée
02:46 ...
02:50 Une question toute simple pour commencer.
02:54 René Friedman, avez-vous été surpris
02:56 par cette forte baisse de la natalité en 2023 en France
03:01 et à quoi l'attribuez-vous ?
03:03 -Objectivement, oui.
03:05 Elle n'était pas attendue.
03:07 Il y a 50 000 enfants de moins de 23 ans,
03:11 de 2023 à 2022.
03:13 En fait, il se passe un phénomène
03:16 que vous avez évoqué de cause multiple,
03:19 dont on va discuter.
03:20 Et puis, il faut distinguer quand même deux choses.
03:23 Il y a, d'une part,
03:25 les couples qui décident de ne pas avoir d'enfants,
03:29 et c'est vrai que c'est un pourcentage en augmentation,
03:32 et puis, ce qui est un peu plus sur mon terrain,
03:35 il y a un peu cette partie de la population
03:38 qui voudrait absolument un enfant,
03:41 mais un peu trop tard.
03:42 Vous avez évoqué dans votre présentation
03:45 le côté "trop tard",
03:46 et il est vrai que ça doit vraiment marquer
03:49 toutes les réflexions autour de la natalité.
03:52 Il y a une baisse de l'horloge biologique féminine,
03:56 qui est majeure.
03:58 Et comme la société change,
04:00 ce n'est pas les techniques qui changent,
04:03 mais la société qui change,
04:04 on est confronté à une avancée dans l'âge du désir d'enfant,
04:08 à quelques années, où ça peut être possible
04:11 et où c'est plus difficile.
04:13 -Et vous, Christine Vadaz,
04:15 vous avez été surprise par cette baisse de la natalité ?
04:19 -Oui, bien sûr.
04:21 On a tous, professionnels, été surpris,
04:24 d'autant que ça nous...
04:26 Les maternités remontaient ce sentiment de...
04:29 Cette baisse qu'ils percevaient dans leur activité,
04:33 les amenant parfois même à fermer
04:36 ce qui n'était jamais arrivé,
04:38 des lits dans certaines maternités privées,
04:41 même à Paris.
04:42 Je rejoins ce qui vient d'être dit par le professeur Friedman.
04:46 On est confronté à des patients de...
04:48 Alors, ça, c'est tout à fait nouveau pour moi,
04:51 c'est vraiment les 2-3 dernières années,
04:53 des patients qui expriment très tôt,
04:56 même célibataires,
04:57 mais à partir de 25 ans,
04:59 leur désir de stérilisation définitive,
05:04 avant même d'envisager
05:06 la possibilité d'une rencontre de couple,
05:09 qui décide très clairement.
05:11 C'est un facteur très nouveau
05:13 qui s'ajoute à ce qui vient d'être dit
05:15 par le professeur Friedman,
05:17 qui est ce désir de premier enfant très tardif
05:21 et favorisé actuellement
05:24 par la cryoconservation ovocitaire sociétale,
05:28 qui également amène des femmes
05:31 à réfléchir et à différer,
05:34 souvent pour des raisons professionnelles,
05:37 ce premier enfant en étant...
05:39 En faisant, donc, ses...
05:41 En ayant recours à ses cryoconservations.
05:44 -On va rentrer dans le détail,
05:46 mais alors, Hervé Lebrun,
05:49 vous êtes démographe,
05:50 et je poserai la même question à Julien Damont,
05:53 qui est sociologue.
05:55 Ce qui vient d'être dit,
05:58 "retard",
06:00 oui, mais le décalage est trop grand.
06:02 Donc, comment...
06:05 Quelle a été votre surprise, à vous, de démographe,
06:08 face à cette chute de la natalité ?
06:10 La France était proche de deux...
06:12 Un indice de fécondité qui était très proche
06:15 de deux enfants par femme,
06:18 et là, on est à 1,68.
06:20 -Oui, mais ça s'est produit en deux temps,
06:22 et qui ont sans doute pas les mêmes causes.
06:25 C'est-à-dire qu'on était encore à deux enfants par femme, en 2012,
06:29 et puis, ça s'est mis à baisser, mais très lentement,
06:32 et on arrivait, en 2022,
06:34 on était à 1,8.
06:36 -Vous voyez, la baisse est importante.
06:38 Est-ce qu'un décile est de l'an ?
06:40 -C'était une baisse chaque année.
06:42 Si vous comptez sur 10 ans, c'était une petite baisse.
06:46 C'était 0,02 enfants pour entrer dans les maths.
06:49 Et puis, tout d'un coup,
06:50 il y a une baisse vraiment importante,
06:53 pratiquement 0,14,
06:55 c'est-à-dire de 7 % l'année 2023.
06:58 Alors, je pense que les explications
07:00 sont assez différentes.
07:02 La baisse lente, elle a vraiment des explications profondes.
07:06 Je pense que Julien Damon aura aussi
07:08 des explications sociologiques,
07:10 mais il y a aussi...
07:12 Ca s'observe dans toute l'Europe.
07:14 Il y a une convergence de l'ensemble des fécondités européennes.
07:18 -Hervé Lebrun, la baisse très forte, brutale,
07:21 elle était liée à quoi ?
07:23 La crise, aux guerres, aux pouvoirs d'achat ?
07:25 Un exemple, simplement.
07:27 -Non, non, c'est pas...
07:28 C'est extrêmement bizarre.
07:30 Pourquoi c'est bizarre ?
07:32 Parce que quand on regarde les pays autour de nous...
07:35 -On va en parler. -Oui, mais la baisse n'a pas lieu.
07:38 Elle n'a pas lieu, la baisse brutale de 7 %,
07:40 elle a lieu un an avant, en Italie,
07:42 un an avant, en Allemagne,
07:44 un an avant, en Angleterre.
07:46 Et d'autre part, on voit que c'est quand même...
07:49 Plus un pays avait encore une fécondité relativement élevée,
07:53 plus la baisse a été forte.
07:55 Il y a une sorte d'alignement de l'ensemble, au fond,
07:58 des fécondités en Europe, autour de 1,55 %.
08:01 -Oui, mais alors, Julien Damon,
08:03 je voudrais quand même une réponse pour nos téléspectateurs.
08:07 La baisse brutale.
08:10 La baisse brutale.
08:12 Qu'est-ce qui peut l'expliquer ?
08:14 -Je vais decevoir les téléspectateurs
08:16 en disant que c'est une réponse plus globale
08:19 sur les évolutions de la fécondité.
08:21 Il faut bien admettre que c'est de temps en temps inexplicable.
08:25 On ne sait pas l'éventualité de la dernière baisse.
08:27 On pourra tenter de trouver l'effet qui aura fonctionné
08:30 en termes explicatifs, mais ça ne marchera pas trop.
08:33 J'aimerais cependant pondérer la période
08:36 dans laquelle nous nous trouvons.
08:38 Il y a une période où on se dit "c'est horrible,
08:41 "on a un niveau de fécondité extrêmement bas",
08:43 et il se trouve que, sous le contrôle d'un expert,
08:46 nous sommes au niveau de fécondité que nous connaissions
08:49 au début des années 90, à un yacht après.
08:52 Pendant une dizaine d'années, la fécondité a baissé.
08:55 D'autres périodes ont suivi pendant lesquelles ça a beaucoup remonté,
08:59 qu'on a cherché à expliquer de façon multivariée, multifacette.
09:03 C'est vrai que, de façon qui préoccupe,
09:05 en France, ça baisse beaucoup, avec ce phénomène d'alignement
09:09 sur ceux avec lesquels nous étions en compétition.
09:12 -On ne saura pas pourquoi il y a eu cette chute brutale.
09:15 -Il faut se dire qu'il y a des mystères derrière la fécondité.
09:18 -On ne sait même pas pourquoi il y a eu le baby-boom.
09:21 -Pourquoi ? -Ecoutez, on va...
09:23 -L'émission est terminée. -On va essayer de poursuivre,
09:26 puisqu'on n'a pas une réponse catégorique,
09:29 et comme vous dites, peut-être que l'explication
09:32 n'est pas tautologique. En tout cas, il n'y en a pas.
09:35 René Friedman, sur une question que beaucoup se posent,
09:39 est-ce que vous pensez que, d'un point de vue psychologique,
09:44 gynécologique, le désir d'enfant s'est émoussé ?
09:47 -Ah non, non.
09:49 Le désir d'enfant ne s'est pas émoussé.
09:51 Il est reporté à un moment où ça sera plus difficile
09:56 de le réaliser,
09:57 pour les raisons que j'évoquais,
09:59 c'est-à-dire la stricte physiologie anatomique
10:02 qui fait que les femmes ont une ménopause,
10:04 les hommes n'en ont pas, mais les femmes ont une ménopause,
10:08 et on a une baisse de la fertilité, de la fabrication
10:11 et du potentiel des ovules à partir de, on va dire,
10:14 38, 39, 40, surtout après 40.
10:16 Et comme le désir d'enfant est repoussé,
10:19 ou bien la vie a changé,
10:21 on se retrouve avec un nouveau compagnon,
10:23 et à ce moment-là, le laps de temps
10:25 dans lequel on peut programmer, avoir envie à deux,
10:29 d'avoir un enfant et puis le réaliser,
10:31 c'est quelques années.
10:33 -Oui, mais, René Friedman, j'aimerais une précision.
10:36 Ce désir d'enfant,
10:38 est-ce qu'il faut y croire ?
10:40 C'est-à-dire, est-ce que les femmes ont un désir d'enfant ?
10:43 Est-ce que ce désir...
10:45 Et comment on peut repousser si on a un désir ?
10:49 Parce que réaliser son désir, on en a envie tout de suite.
10:53 -Non, mais attention, désir d'enfant,
10:55 vous savez, il y a beaucoup de jeunes filles
10:57 qui se programment avec deux, trois ou un enfant.
11:01 -Ca, c'est pas du désir, c'est un programme nataliste.
11:04 -Oui, mais c'est quand même l'idée,
11:06 par rapport à celles et à ceux qui disent
11:08 "moi, je ne veux pas d'enfant",
11:10 il y a un désir, il y a une ébauche d'un désir.
11:13 Après, il y a la réalisation,
11:15 le moment où on veut passer aux actes.
11:17 On est dans une société où ça doit se réaliser tout de suite.
11:20 C'est là où ça commence à se crisper,
11:22 je dirais, parce qu'entre le désir exprimé d'immédiateté
11:26 et la possibilité de le faire, c'est pas toujours si simple.
11:30 Alors, on a dit, en plus, il y avait ce fameux slogan
11:33 "un enfant quand je veux, si je veux",
11:35 maintenant, il faut rajouter "si je peux".
11:38 Parce qu'on est confrontés à une période,
11:40 encore une fois, où c'est pas si simple,
11:42 malgré les programmes médicaux dont on parlera.
11:45 -Alors, Christine Vada, est-ce que vous pouvez nous dire,
11:49 dans votre cabinet, quand une femme vient vous voir
11:53 et vous dit "j'ai un désir d'enfant",
11:56 pas tout de suite, pas maintenant,
11:59 qu'est-ce que vous lui dites ?
12:01 -Eh bien, justement, maintenant, je peux lui dire
12:04 qu'elle peut faire une autoconservation ovocitaire.
12:07 C'est même un devoir d'information que nous avons nos gynécos de ville,
12:11 d'expliquer à nos patientes qu'effectivement,
12:14 si elles veulent penser à faire un enfant après 37, 38,
12:19 vers 40 ans, il faut qu'elles envisagent,
12:22 aux alentours de 35 ans,
12:24 de faire une autoconservation ovocitaire.
12:27 Et c'est vrai que nous sommes confrontés
12:29 à beaucoup de patientes qui expriment très fortement
12:32 un désir d'enfant. "Oui, je veux un enfant,
12:35 "mais j'arrive pas à trouver le compagnon."
12:38 -Pardonnez-moi, l'autoconservation ovocitaire,
12:41 d'après ce qui m'a été dit, ça marche pas du premier coup.
12:44 -Quelquefois, il faut tenter ça deux fois, trois fois,
12:47 voire cinq fois pour que ça fonctionne.
12:49 Et est-ce que vous pouvez dire aux téléspectateurs
12:52 ce qu'est cette autoconservation, en gros ?
12:55 Décrivez le mécanisme. -Alors, en France,
12:58 la nouvelle loi de bioéthique a autorisé
13:02 la cryoconservation ovocitaire,
13:04 c'est-à-dire la congélation des ovocytes
13:08 jusqu'à 37 ans.
13:09 Il y a des pays où on va plus loin,
13:11 mais pour donner le maximum de chance
13:13 à une qualité optimale des ovocytes,
13:16 c'est limité à 37 ans.
13:18 Et c'est autour de 35 ans,
13:20 mais le professeur Friedman,
13:22 je parle sous son contrôle,
13:24 je pense qu'on fermera,
13:27 c'est aux alentours des 35 ans que ça fonctionne le mieux.
13:31 Et les patientes vont suivre, dès le début des règles,
13:34 un traitement pour stimuler leurs ovaires
13:37 qui va permettre d'avoir pas mal d'ovocytes,
13:41 de follicules, chaque ovulation, chaque cycle spontané,
13:45 il y a simplement la production d'un follicule.
13:48 Là, il va y avoir un recrutement de nombreux ovocytes
13:52 qui vont être ponctionnés,
13:54 comme si on allait faire une fécondation in vitro,
13:57 mais au lieu d'être utilisés immédiatement
13:59 pour être mis au contact des spermatozoïdes,
14:02 ils vont être congelés
14:03 pour que la patient puisse les réutiliser
14:06 quand elle le désirera,
14:08 toujours avec des limites d'âge dans notre loi de bioéthique.
14:11 Ces ovocytes congelés,
14:13 parfois, au premier traitement,
14:17 les patientes vont avoir un nombre trop limité d'ovocytes,
14:21 et à ce moment-là, il va y avoir un deuxième cycle
14:25 qui va être proposé à la patiente,
14:27 parfois un troisième, j'ai jamais entendu parler de cinq cycles,
14:31 mais pour avoir le maximum d'ovocytes récupérés,
14:35 et donc le maximum de chance.
14:37 Mais je voudrais, si vous le permettez,
14:40 Emile, revenir sur juste une chose.
14:42 Moi, je suis assez étonnée,
14:44 et mes consoeurs et confrères en ville,
14:47 pareil, par l'expression très décomplexée des patientes
14:52 sur "je ne veux pas d'enfants".
14:54 Très jeunes, 25 ans, les patientes affirment
14:57 "je ne veux pas d'enfants, je veux obtenir
14:59 "une stérilisation définitive", qui est tout à fait possible,
15:03 et ça, c'est quelque chose de très nouveau.
15:06 C'était peut-être des patientes qui ne l'exprimaient pas
15:09 et qui n'ont pas existé. J'ai quand même le sentiment
15:12 qu'on est face à une petite augmentation
15:15 de ces patientes qui réclament cette stérilisation.
15:19 -Merci, Christine.
15:20 Alors, la question que je voudrais vous poser,
15:23 c'est est-ce qu'il y a une responsabilité,
15:26 dans ce domaine, des progrès de la science ?
15:30 Autrement dit, PMA,
15:32 GPA, grève d'utérus,
15:35 clonage, thérapie génique, cellulaire,
15:38 et j'en passe. Est-ce qu'à votre avis,
15:41 devant ces progrès scientifiques, on se dit,
15:45 "Bah, écoutez, laissons la science faire son travail
15:49 "et...
15:50 "Est-ce qu'on peut responsabiliser,
15:54 "en quelque sorte, cette baisse de la natalité ?"
15:57 -Je vais faire deux remarques,
15:59 y compris sur ce qui vient d'être dit.
16:02 La première remarque, et ça tient compte
16:04 de ce que disait René Friedman, c'est,
16:07 si on tient compte de ce qu'on appelle la fécondabilité,
16:10 c'est-à-dire la probabilité d'une conception
16:12 au cours d'un cycle, on connaît sa valeur
16:15 âge par âge, et effectivement, elle diminue
16:18 à partir de 35 ans, et assez vite.
16:20 Mais même en tenant compte de cela,
16:23 si on modélise combien, étant donné l'âge
16:25 auquel les femmes ont des enfants,
16:27 actuellement, en France,
16:29 si elles ne pratiquaient aucune contraception,
16:32 combien elles auraient d'enfants ?
16:34 Le chiffre, c'est un peu plus de 5 enfants.
16:37 Donc, là, disons, l'explication majeure
16:39 de la faible ou de la baisse de fécondité
16:42 est quand même assez largement sociale,
16:44 sans nier ce qui a été dit, mais elle est assez largement
16:47 d'ordre social. C'est un premier point.
16:50 Le second point, effectivement, il y a une mutation.
16:53 Disons que la France, et j'ai fait une allusion au baby-boom,
16:57 on explique le baby-boom, non pas par le retour
16:59 des familles nombreuses, mais par le fait
17:02 que la proportion de familles sans enfants
17:05 a nettement diminué, brutalement, dans l'après-guerre,
17:08 et on attribue en partie ça
17:10 à la propagande contre l'enfant unique,
17:12 qui a été très forte dans l'entre-deux-guerres.
17:15 Et à ce moment-là, je pense qu'on est en train d'assister
17:18 à la fin de cette propagande, au fond,
17:21 où l'enfant unique s'ennuie,
17:23 l'enfant unique ne se développe pas,
17:25 une partie, d'ailleurs, de la politique, je dirais,
17:28 de crèche et de la politique maternelle.
17:30 C'était dans l'idée, il faut que l'enfant,
17:33 l'ange vin-valon, il faut que l'enfant se développe
17:36 au contact d'enfants de son âge.
17:38 Je crois que c'est en train de se terminer,
17:41 ce qui expliquerait en partie ce qui vient d'être dit
17:44 par madame la médecin. -A votre avis,
17:46 Julien Damont,
17:47 comment vous interprétez, d'un côté,
17:52 ces progrès scientifiques,
17:54 en même temps, les nouveaux modes de vie ?
17:57 Comment ça interfère, si je puis dire,
18:00 et ça donne carrément "je ne veux pas d'enfant" ?
18:03 -Oui.
18:04 Progrès scientifique, le principal d'entre eux,
18:07 c'est la contraception. Progrès social, c'est l'éducation.
18:10 Les deux combinés, l'accès à la contraception
18:13 et l'accès à l'éducation, expliquent les évolutions
18:16 de la fécondité partout et sur tendance très longue.
18:19 Progrès scientifique, c'est la PMA.
18:22 Nous sommes sous le regard de deux experts.
18:24 Il faut avoir à l'esprit que la PMA,
18:26 c'est 3 % des enfants, des nouvelles naissances.
18:29 3 % des nouvelles naissances, ça fait tout petit,
18:32 ça se passe dans le secondaire.
18:34 Le dernier élément chiffré comme ça,
18:36 c'est vrai qu'on repère, dans les enquêtes qui sont faites
18:40 auprès des Français,
18:41 "Qu'est-ce qui vous conduirait à avoir plus ou moins d'enfants ?"
18:45 Cette entrée selon laquelle on ne voudrait pas d'enfants
18:48 et on passait par la case stérilisation,
18:50 ça reste, même si cela progresse dans votre cabinet,
18:53 extrêmement marginal, qu'il s'agisse des femmes,
18:56 et encore plus marginal, mais certains le demandent aussi,
19:00 la stérilisation masculine.
19:02 Ca veut dire que la science compte,
19:04 et compte énormément, on l'a dit, pour la contraception,
19:07 pour aujourd'hui, l'accès, ce désir d'enfant,
19:11 à des âges peut-être trop reculés,
19:13 mais c'est très social, tout ceci,
19:15 et c'est très lié à l'organisation générale
19:17 des politiques d'accueil de l'enfance,
19:20 de zéro à 18 ans,
19:21 et de l'accueil de la petite enfance,
19:23 de zéro à 3 ans, et dernière chose,
19:25 sur les changements de conception. -On va en parler.
19:28 -C'est ce à quoi aspirent tous.
19:30 -Prenez Friedman. Une précision.
19:33 Il y a un an, au cours d'une émission
19:36 avec un thème analogue
19:38 dans "Ces idées qui gouvernent le monde",
19:42 j'avais produit un sondage
19:45 montrant que les relations sexuelles
19:47 dans les jeunes générations diminuaient.
19:50 Or, cela se confirme
19:52 par des sondages récents
19:54 montrant que dans les jeunes générations,
19:57 on avait même, j'allais dire, un phénomène dystopique,
20:00 c'est-à-dire 40 % des jeunes
20:04 entre 15 et 24 ans, par exemple,
20:07 en 2023, n'avaient pas eu la moindre relation sexuelle.
20:11 En tout cas, relation sexuelle,
20:15 disons, avec pénétration, etc.
20:18 Comment est-ce que ça joue aussi
20:21 sur la baisse de la natalité ?
20:23 Et comment vous interprétez ça ?
20:26 -Je crois pas que ça joue sur la baisse de la natalité.
20:29 -Alors, quel est le commentaire que vous feriez à ce niveau ?
20:33 -Je crois que c'est un thème à part,
20:35 qui est du bien-être et de la confiance dans une société
20:39 et du mode de relation entre des genres différents
20:43 et des objectifs différents.
20:45 On quitte un peu, à mon sens,
20:47 on quitte un peu le terrain.
20:49 J'aurais aimé revenir, avant de rebondir sur cette question,
20:53 sur ce qui a été dit sur l'apport de la technologie.
20:57 Parce que je crois que...
21:00 D'ailleurs, on voit bien comment on a parlé
21:03 de l'autoconservation tout à l'heure.
21:05 On a parlé, finalement, en décrivant la méthode,
21:08 comme si c'était une méthode qui marchait à 100 %.
21:12 Elle ne marche pas à 100 %,
21:13 puisqu'on a dit qu'il fallait plusieurs prélèvements.
21:17 C'est déjà ça, mais on est loin.
21:19 -Juste, je vous coupe très rapidement.
21:21 Est-ce que, dans les ovocytes
21:23 qui vont en cryoconservation,
21:26 on peut sélectionner les ovocytes
21:30 qui seront plus fécondables que d'autres ?
21:32 Est-ce qu'il y a une sélection ? -Oui, il y en a une,
21:35 mais elle est très grossière. -On peut...
21:38 -Elle est très grossière.
21:39 Il y a des ovocytes mal formés qu'on ne va pas utiliser.
21:42 -Vous arrivez à les voir au microscope ?
21:45 -Oui, bien sûr. On a une maturité des ovocytes
21:47 ou on n'en a pas.
21:49 Mais parmi les ovocytes... -Pardon de vous avoir...
21:51 -C'est pas grave. Parmi les ovocytes matures,
21:54 on ne sait pas distinguer ceux qui vont se développer
21:57 et ceux qui ne le feront pas.
21:58 Donc, justement, mon message, et c'est un peu le sens du livre,
22:02 c'est que les technologies qui se développent
22:04 et celles qui sont promises dans l'avenir
22:07 ne résolvent pas tout.
22:08 En particulier, l'autoconservation,
22:10 ça ne marche pas à tous les coups.
22:12 Beaucoup de femmes ont conservé, mais ne les utilisent pas
22:16 parce qu'elles ont eu des grossesses spontanées après,
22:19 par exemple, ou parce qu'elles ont changé d'objectif.
22:22 Et cette technologie que vous avez citée,
22:25 la grève d'utérus, la GPA,
22:27 le clonage et la création de gamètes artificielles,
22:31 fait penser que tout est possible.
22:34 Et ça renforce un peu l'idée que si je désire un enfant plus tard,
22:39 parce qu'il y a cet espèce de basculement dans le temps,
22:42 de toute façon, la science va m'aider et elle va réussir.
22:45 Or, j'essaie d'attirer l'attention
22:47 que ce n'est pas aussi simple que ça.
22:49 D'une part, parce qu'il y a des solutions
22:52 qui ne sont pas respectables de la dignité humaine,
22:55 on peut en venir dans le détail,
22:56 mais aussi, d'autre part, parce que toute solution
22:59 comporte aussi des inconvénients
23:01 qu'il faut analyser et faire le bilan.
23:04 Donc, cette croyance, on a d'une part les "people",
23:08 les journaux qui montrent que tout est possible,
23:11 le discours ambiant médical,
23:13 le discours des laboratoires pharmaceutiques,
23:16 et la volonté des gens que ça marche,
23:18 mais ce n'est pas comme ça.
23:20 Il y a une étude très intéressante.
23:22 6 000 personnes ont été suivies pendant 8 ans.
23:25 À partir du moment où elles ont ouvert la porte du gynécologue.
23:29 6 000 personnes, c'est quand même beaucoup, 8 ans.
23:32 Eh bien, 50 % ont un enfant après un traitement médical.
23:35 11 % ont un enfant après une adoption.
23:39 11 % naturellement,
23:40 parce que le diagnostic n'est pas aussi simple.
23:43 Et 25 % n'ont pas d'enfant.
23:46 Donc, il faut avoir conscience
23:47 qu'on peut pas tout, il n'y a pas de baguette magique.
23:50 On peut faire des propositions,
23:52 il faut toujours apprécier le bienfait
23:54 et parfois les mauvaises conséquences
23:57 de cette poursuite infernale vers ce désir d'enfant.
24:01 -Très bien. On va écouter.
24:02 On va essayer d'avancer aussi d'un point de vue,
24:05 j'allais dire, positif.
24:07 Le président de la République,
24:09 Emmanuel Macron,
24:11 évoquant la baisse de la natalité,
24:14 vient de proposer d'améliorer deux choses.
24:16 Le congé parental
24:18 et des mesures contre l'infertilité.
24:21 Il semblerait que le problème se situe ailleurs,
24:26 dans le manque des lieux d'accueil
24:28 pour les bébés de 0 à 3 ans.
24:31 Est-ce que c'est votre avis, Christine Vada,
24:34 et est-ce que c'est ce qu'on vous dit en cabinet ?
24:36 -Alors, certes, les patients t'en parlent,
24:39 mais ça, c'est plus une question
24:41 qui relève des sociologues
24:44 qui sont sur le plateau,
24:47 qui relèvent moins de notre expertise
24:51 à nous, médecins.
24:53 Pour revenir à ce que disait le professeur Friedman,
24:56 bien évidemment que dans nos cabinets,
24:59 nous informons les patients
25:00 que c'est pas une baguette magique,
25:02 que c'est pas un risque.
25:04 Je veux revenir là-dessus,
25:06 parce que c'est très important de savoir
25:08 que, évidemment, on a une information tout à fait loyale,
25:11 mais il faut savoir, et là aussi, ce sont des faits sociétaux,
25:15 que ce sont des patients qui ont, à partir de 25 ans,
25:18 qui, même si elles ont le désir d'enfant,
25:20 ce désir d'enfant, elles peuvent pas le réaliser
25:23 parce qu'elles sont dans un processus
25:25 de construction de leur carrière
25:27 qui les empêche d'aller vers la réalisation de ce processus.
25:30 Et puis, souvent, ce sont des patients
25:33 qui, vers la trentaine, ont déjà eu une histoire longue,
25:36 et donc ne peuvent pas non plus être en couple
25:40 pour réaliser leur projet.
25:42 Donc, il faut aussi se dire
25:45 que c'est pas mal d'avoir cette possibilité,
25:48 même si, bien sûr, c'est pas la baguette magique,
25:51 mais par rapport au moins de 4 % de grossesse spontanée
25:54 à partir de 40 ans,
25:55 je pense que c'est important de l'avoir en tête.
26:00 Sur ce qui est de l'accompagnement,
26:02 pour moi, c'est pas un obstacle...
26:04 Les patients, elles ont plutôt la question de...
26:07 "Voilà, je voudrais faire mon enfant à telle date,
26:10 "telle année, pour calculer mes congés."
26:14 C'est plus des inquiétudes sur ce sujet
26:17 et des questionnements sur ce sujet.
26:19 Ensuite, bien évidemment que ça existe,
26:22 ces problématiques, bien évidemment que les patients
26:24 nous demandent si on pourrait avoir un arrêt de travail.
26:27 On explique que non, il peut pas y avoir de prolongation
26:30 d'arrêt de travail sans caractère pathologique,
26:33 c'est une problématique, mais c'est pas tellement vers nous
26:37 que cette problématique se débat.
26:40 -On vous a entendu, Christine.
26:41 Je voudrais quand même avoir votre avis
26:46 en tant que sociologue là-dessus.
26:49 -Le président de la République a employé un vocable
26:52 qui a fait un peu débat, qui pourra continuer à faire un débat,
26:55 de réarmement démographique. On s'est concentrés sur ce thème
26:59 en disant "c'est horrible", etc.
27:01 Ce qui se sont toutes succédé de nos présidents de la République
27:04 qui ont parlé de ce sujet.
27:06 Il a proposé deux choses qui ne font pas un arsenal complet.
27:09 Il a proposé, un, de mieux lutter contre l'infertilité.
27:13 Là, nous avons deux experts.
27:14 Évidemment, si on lutte mieux contre l'infertilité,
27:17 ça fera quelques bébés en plus,
27:19 mais l'impact sera en termes de fécondité globale minime.
27:22 Deuxième chose, il a proposé de réviser
27:25 l'indemnisation du congé parental,
27:28 ce qui, en soi, ne peut avoir que des aspects positifs
27:31 pour les parents qui souhaitent mieux concilier
27:33 vie familiale et professionnelle.
27:35 Ceci n'a d'intérêt que si ça s'inscrit
27:39 dans une révision plus globale de l'accueil des 0,3 ans.
27:42 C'est un projet... -Vous dites que c'est un vrai problème.
27:46 -Oui, c'est un vrai problème.
27:47 Il y a énormément de parents... -Il manque de crèches.
27:50 -Il manque d'assistantes maternelles,
27:53 manque de personnel dans les crèches
27:55 pour mieux exercer la fonction assistante.
27:57 -Il y a des disparités régionales sur ce sujet.
28:00 -Tout ce qu'on veut. On a une politique de l'enfance
28:03 qui est quand même assez consistante
28:05 entre 3 et 18 ans.
28:06 Si on considère qu'on est tous des enfants,
28:09 à partir de 3 ans, on est bien accueillis.
28:11 Pour les 0,3 ans, il y a des progrès à faire.
28:14 Ce gouvernement a proposé de faire un service public
28:16 de la petite enfance, mais il manque encore...
28:19 Il y a encore loin de la coupe aux lèvres.
28:21 -Vous voulez dire quelque chose ?
28:24 -Je voudrais ajouter que je pense quand même
28:26 qu'il y a un facteur, on revient sur les causes profondes,
28:29 un facteur très important,
28:31 qui n'est pas simplement valable en France,
28:33 mais dans les pays développés,
28:35 même encore plus fort en Extrême-Orient,
28:38 c'est qu'il y a... Là, nous sommes des hommes.
28:40 Pourquoi est-ce que nous sommes des hommes ?
28:43 -Il y a Christine Vazard qui n'est pas similable à un homme.
28:46 -Elle est minoritaire. Pourquoi est-elle minoritaire ?
28:49 Parce qu'à nos âges, les femmes étaient beaucoup plus diplômées
28:53 que les femmes, et ça s'est complètement inversé.
28:56 C'est-à-dire qu'actuellement, dans les générations de femmes
28:59 qui ont entre 20 et 35 ans,
29:02 il y a 54 % de femmes diplômées
29:06 contre 46 % d'hommes diplômés,
29:08 c'est-à-dire ayant au moins le niveau licence.
29:11 Et ça change énormément de choses,
29:13 parce qu'il était au fond naturel,
29:16 ou presque, qu'il y ait concilié vie familiale et vie professionnelle,
29:19 c'est-à-dire que les femmes fassent la double journée,
29:23 c'est ce qu'elles faisaient.
29:24 Or, les hommes n'ont pas suivi cette affaire-là.
29:27 Ils ont continué à penser que c'était aux femmes
29:30 de faire la double journée.
29:32 Mais les femmes estiment que tant qu'elles sont
29:35 de plus en plus diplômées par rapport aux hommes,
29:37 c'est pas à elles de prendre en charge.
29:40 -Jusqu'à présent, les hommes enceintes,
29:42 ça n'est que du fantasme.
29:44 -Ah ! -C'est une autre question.
29:46 -Il ne parle pas d'hommes enceintes.
29:48 -Je ne parle pas d'hommes enceintes.
29:51 -Homme au fourneau, disait-il.
29:52 -Les femmes, ce qui était signalé,
29:54 quand il était signalé que beaucoup de femmes cherchaient
29:58 à séries ou ne voulaient pas d'enfants,
30:00 c'est extrêmement lié à ce que je viens de dire,
30:03 à ce changement très important dans la nature de l'éducation.
30:07 -René Friedman, je voudrais boucler ce volet scientifique
30:10 avant de passer à des comparaisons internationales.
30:13 Euh...
30:16 A votre avis,
30:18 le progrès scientifique ultime dans ce domaine,
30:22 c'est l'utérus artificiel,
30:24 c'est-à-dire qu'on fabriquera un bébé
30:28 de zéro à neuf mois
30:30 dans une éprouvette et dans un lit d'hôpital
30:34 sans que tout ça se passe dans le ventre d'une femme.
30:37 Est-ce que vous y croyez
30:39 ou c'est un délire scientifique ?
30:43 -C'est un merveilleux roman.
30:44 C'est un roman de science-fiction qui reste tout à fait d'actualité,
30:49 que j'invite à lire, "Le meilleur des mondes",
30:51 d'Aldous Huxley.
30:53 Alors, c'est vrai qu'on se dit,
30:55 in vitro, on peut tenir jusqu'à 14 jours au début,
30:58 deux semaines,
31:00 et puis ensuite, on peut s'occuper de l'enfant
31:02 à 22, 24 semaines,
31:04 donc il n'y a plus que cette jonction à faire.
31:06 -Et on retracit les...
31:08 Maintenant, vous arrivez à réanimer un enfant à six mois,
31:11 cinq mois ? -Oui, alors,
31:13 on peut le réanimer à partir de 22, 24 semaines,
31:16 la grossesse étant de 41 semaines.
31:18 Mais il reste...
31:20 Je reviens sur l'idée d'un enfant
31:22 qui se développerait totalement in vitro
31:25 et qui est accepté par un certain nombre de jeunes filles.
31:29 Je l'ai vu à Sciences Po, d'ailleurs,
31:31 en posant la question, en demandant de lever la main.
31:35 Voilà, c'était très...
31:36 Oui, c'était très en faveur de l'utilisation artificielle.
31:40 Aujourd'hui, j'essaie de l'expliquer,
31:42 des travaux sont faits
31:44 dans ce qu'on appelle l'ectogénèse partielle tardive.
31:48 C'est un peu bizarre, ce mot.
31:50 -Ectogénèse, c'est remplacer une partie d'utérus partiel.
31:53 -Exactement. -Total, c'est tout l'utérus.
31:56 -Non, non, c'est toute la durée de la grossesse.
31:58 Et là, c'est juste la fin.
32:00 C'est-à-dire qu'au cinquième mois,
32:02 si vous réalisez un avortement spontané,
32:04 les pédiatres, malgré leur progrès,
32:06 ne savent pas comment s'occuper d'un enfant, il va mourir.
32:10 Donc là, il y a des idées de ce qu'on appelle un biobag.
32:13 C'est-à-dire, c'est une poche
32:15 remplie de liquides à peu près amniotiques,
32:17 comme si c'était amniotique,
32:19 et une circulation extra-corporelle
32:21 qui permet de la survie pendant deux, trois semaines,
32:24 le temps d'aboutir au moment où les pédiatres
32:27 pourront s'occuper, les neonatologistes,
32:30 de l'enfant. C'est un peu déjà de la science-fiction.
32:33 -Mais tout peut arriver.
32:35 -Mais la FDA est déjà en train de donner son accord.
32:38 -C'est quoi, la FDA ?
32:39 -C'est la Fédération... -Américaine.
32:42 -Américaine qui donne l'autorisation
32:44 des médicaments et des expérimentations.
32:47 Il y a plusieurs universités,
32:49 Philadelphie et aux Pays-Bas, qui travaillent là-dessus.
32:52 Il n'est pas impossible.
32:53 Après, il faudra évoluer, si c'est correct ou pas.
32:56 Mais il se passe beaucoup de choses dans le monde de l'innovation.
33:00 C'est ce que j'ai essayé de reprendre
33:02 pour donner une idée qu'on ne soit pas totalement surpris.
33:05 C'est pas la grossesse hors du corps pendant tout le temps.
33:09 C'est ce qui pose un problème d'objectif et de réalisation.
33:13 Réalisation, c'est pas très possible.
33:15 L'objectif, c'est discutable,
33:17 parce que c'est pas rien de vivre dans un sac en plastique
33:21 pendant un certain temps, me semble-t-il.
33:23 Par contre, c'est ce qui peut arriver.
33:25 -Sincèrement, vous-même,
33:28 vous-même,
33:29 vous êtes très favorable
33:31 à la procréation médicalement assistée
33:35 et vous êtes très opposé à la GPA.
33:39 C'est bien, ce sont vos positions. -Absolument.
33:42 -Est-ce que, sincèrement,
33:44 d'un point de vue moral,
33:46 passé à ce stade,
33:48 c'est-à-dire un utérus artificiel,
33:51 est-ce qu'on changerait pas de civilisation ?
33:54 Je veux pas vous faire faire fouettard,
33:57 mais sincèrement...
33:59 -L'utérus artificiel, en totalité, impossible.
34:02 -Moralement, qu'en pensez-vous ?
34:04 -Moralement, je pense que c'est pas bien,
34:06 parce que je suis en train de découvrir
34:09 les liens importants qui se passent
34:11 pendant la maternité entre la mère et l'enfant.
34:15 Vous savez, il y a les pratiques de don,
34:18 de don d'oocyte qui provient d'une autre femme.
34:21 On sait que si on remet un embryon chez une femme
34:24 et si on remet le même embryon chez une autre femme,
34:27 il n'y aura pas le même résultat.
34:29 L'épigénétique va modifier la génétique
34:32 et donc l'environnement,
34:34 tout ce qui comprend l'environnement,
34:36 au point de vue biologique, psychologique,
34:39 au point de vue relation intime,
34:42 c'est quelque chose qui est irremplaçable.
34:44 C'est ce que je cherche à favoriser
34:46 dans toutes ces innovations,
34:48 toujours se poser cette question fondamentale.
34:51 Est-ce délétère pour le développement de l'enfant
34:53 ou pour d'autres personnes qui participent ?
34:56 -Merci, en tout cas.
34:57 Merci d'avoir précisé ce point.
35:00 Alors, nous allons aborder, maintenant,
35:03 les disparités au sein de l'Union européenne
35:06 et dans le monde avec l'aide de cartes
35:10 que vous allez voir, qui sont très parlantes.
35:13 Générique
35:15 ...
35:28 Alors, Hervé Lebrun,
35:30 vous avez ici une carte avec des pays,
35:33 partout, de fécondité.
35:35 Nous allons voir également
35:37 ce qui se passe au sein de l'Union européenne.
35:40 Le problème est donc mondial,
35:43 on l'a signalé, la baisse de la fécondité
35:46 s'observe dans tous les continents.
35:48 Comment expliquer que ça baisse partout
35:52 et comment expliquer les disparités
35:54 entre les continents ?
35:56 -Alors, ça baisse pas partout.
35:58 Ça baisse très lentement à certains endroits.
36:01 Ce qui est en train de se produire,
36:03 c'est une régionalisation et, au fond,
36:06 l'impression que c'est des facteurs culturels
36:09 qui deviennent, au niveau mondial,
36:11 très importants pour la fécondité.
36:14 Il y a un minimum et un maximum.
36:17 Le minimum, vous l'avez peut-être à peine vu sur la carte,
36:20 mais c'est l'Extrême-Orient.
36:22 C'est petit, l'Extrême-Orient,
36:24 parce que c'est... On voit quand même la Chine.
36:27 La Chine est à 1,17 enfant par femme.
36:30 -Ils ont 1,4 milliard d'habitants.
36:32 -C'est d'autant plus surprenant que la Chine a, en 2017,
36:35 abandonné la politique de l'enfant unique
36:37 et justement dans le but de redresser sa fécondité,
36:41 qui, à l'époque, était de 1,7 enfant par femme.
36:43 Ca n'a rien fait. Ils sont à 1,17.
36:46 Quand vous regardez Taïwan,
36:49 qui a un régime totalement différent,
36:51 une histoire totalement différente, 1,11 enfant.
36:54 Quand vous regardez Hong Kong, vous connaissez les chiffres,
36:58 c'est 0,85. Quand vous regardez la Corée du Sud,
37:00 pas celle du Nord, la Corée du Sud,
37:02 le dernier chiffre que j'ai, c'est 0,87.
37:05 Il semble que ça soit encore plus bas.
37:07 -C'est les champions du monde, par le bas.
37:10 -Il se passe quelque chose qu'on ne comprend pas bien,
37:13 puisqu'on voit que c'est indépendant de l'histoire
37:16 et des régimes politiques, donc les spéculations sont ouvertes.
37:19 D'un autre côté, il y a le maximum,
37:22 et on l'a vu, il n'y a pas besoin de remontrer la carte,
37:25 mais on le voit qu'il y a une baisse entre les deux tropiques.
37:28 C'est-à-dire que ça va du Sahel
37:30 jusqu'à l'Afrique du Sud et le Zambèze.
37:33 Et là, les chiffres sont énormes.
37:35 Le champion qui est au centre, c'est le Niger.
37:38 Il est encore actuellement à 6,8 enfants par femme.
37:43 Et autour, le Mali est à 6, le Tchad à 5,9, etc.
37:47 Et là, la baisse est extrêmement lente.
37:49 Et là aussi, on le voit sur la carte,
37:51 il y a un ensemble cohérent.
37:53 -Comment vous expliquez que dans un continent
37:56 où des pays sont voisins,
37:59 on voit l'Inde voir sa population augmenter
38:04 alors que la Chine, sa population diminue ?
38:06 -Oui, parce qu'il y a toujours un délai.
38:09 À partir du moment où la fécondité de l'Inde est à 2,1,
38:12 elle passe au-dessous de 2 enfants par femme.
38:14 Il y a toujours un délai parce que,
38:16 du fait qu'il y a eu une fécondité forte auparavant,
38:20 il y a un nombre important de femmes en âge de concevoir.
38:23 Avec une fécondité qui est devenue, à un moment donné, faible,
38:26 comme les femmes conçoivent entre 20 et 45, 50 ans,
38:31 il y a un décalage d'une génération.
38:33 C'est ce qui est arrivé en Chine.
38:35 Pendant tout le temps, la politique de l'enfant unique
38:39 a amené à 1,7, 1,8 enfants.
38:41 Il y a déjà 35, 40 ans. Ils ont continué à croître.
38:44 C'est seulement maintenant qu'ils commencent à décroître.
38:47 L'Inde, il faudra attendre,
38:49 d'après les perspectives des Nations unies,
38:52 une vingtaine d'années pour que la population commence, en Inde,
38:55 à décroître.
38:57 Il y a un décalage entre croissance et fécondité.
39:00 -Alors, Julien Damon,
39:02 Hervé Lebrun a évoqué des facteurs socioculturels,
39:06 mais est-ce qu'il n'y a pas autre chose ?
39:08 C'est-à-dire que les pays
39:10 où vous avez la courbe démographique inversée,
39:14 par exemple, il y a des pays
39:16 où les jeunes générations sont en majorité,
39:20 il y a des pays où les gens âgés sont en majorité,
39:24 nous serions plutôt dans la seconde catégorie.
39:27 Est-ce que ceux qui continuent à faire plus d'enfants
39:30 sont les pays où les jeunes générations
39:33 prennent l'avantage ?
39:35 -Ils prennent l'avantage démographiquement,
39:38 c'est même mécanique.
39:39 Une raison pour laquelle l'Inde continue à progresser,
39:43 c'est que l'âge médian indien est de 10 ans inférieur
39:46 à l'âge médian chinois.
39:47 En français, c'est que pour faire des enfants,
39:50 il faut avoir des jeunes dans sa population.
39:52 Si vous préoccupez de l'avenir,
39:54 si vous êtes dans un pays déjà vieillissant,
39:57 c'est encore plus préoccupant.
39:59 Dans le cas français, peut-être,
40:01 si on peut remettre les cartes sur l'Europe...
40:03 -On va mettre la carte sur l'Union européenne.
40:06 -La France, en plus claire, c'est que...
40:08 Normalement, on met en plus foncé.
40:11 Le plus clair, c'est le mieux, au regard de la sécondité.
40:14 Mais la France est, on peut le dire ainsi de façon pompeuse,
40:18 championne européenne,
40:19 mais aussi championne du monde occidental.
40:21 Auparavant, les Etats-Unis étaient devant nous.
40:24 Auparavant, les Irlandais étaient loin.
40:26 Aujourd'hui, nous sommes dans le peloton de tête,
40:29 même si, ça a été dit d'entrée,
40:31 nous avons un peloton qui se resserre.
40:33 -Vous n'avez aucune explication.
40:35 -J'ai oublié que la première, c'était l'explication.
40:38 L'explication première, de mon point de vue,
40:41 qui porte sur les pays riches.
40:43 Là, on peut mettre Taiwan ou la Corée du Sud.
40:45 Elle est en Chine, mais pas encore membre de l'OCDE,
40:48 comme Taïwan. C'est l'égalité hommes-femmes.
40:51 C'est l'égalisation des conditions des hommes et des femmes.
40:54 Le monde a été bouleversé.
40:56 Notre système de protection sociale à la française
40:59 s'est fait autour de M. Gagnepin et de Mme Ofoyer.
41:02 Elle ne veut plus être uniquement à Paris,
41:04 mais c'est vrai aussi à Tokyo et à Séoul.
41:06 Si vous vous mariez, ce qui est la condition préalable
41:10 pour avoir des enfants, non pas en termes physiques,
41:13 mais en termes sociaux,
41:14 vous perdez votre carrière, votre existence,
41:17 vos parents. C'est une catastrophe.
41:19 Ils ne veulent plus d'enfants,
41:20 parce qu'ils ne veulent plus se marier au préalable
41:23 et parce qu'ils veulent une égalité entre les hommes et les femmes.
41:27 Je pense, si on doit trouver une entrée,
41:29 que dans les pays modernes et riches,
41:31 mettons de côté ceux qui sont encore à faire
41:34 leur transition économique avant la démographie,
41:37 prenons les pays riches,
41:38 c'est l'égalité des hommes et des femmes.
41:41 -René Friedman, votre carrière s'est faite,
41:44 elle n'est pas terminée, essentiellement en France,
41:47 mais vous avez été en contact avec l'étranger.
41:51 Quel commentaire vous faites sur ces disparités ?
41:54 Qu'est-ce que ça vous inspire ?
41:57 -Ce qui m'inspire, j'entends bien,
42:00 je crois effectivement qu'il y a toute une approche
42:04 de l'intégration du couple et de la femme dans son égalité.
42:08 Par exemple, une femme qui est accouchée,
42:11 quand elle revient au travail,
42:13 elle est souvent déclassée, elle n'a pas la progression.
42:16 C'est fondamental, elles n'ont pas envie,
42:19 on peut les comprendre, d'être déclassée.
42:21 Il y a un problème sociologique majeur d'aide
42:24 et de combinaison entre la parentalité
42:28 et le travail.
42:29 Et le travail.
42:32 C'est ce point-là qu'il faut, je crois, étudier,
42:34 mais c'est pas un domaine médical, c'est un domaine sociologique.
42:38 Je vois quand même des femmes qui travaillent beaucoup,
42:42 par exemple des gynéco-obstétriciennes,
42:44 par exemple des femmes chirurgiennes,
42:46 qui ont des enfants, deux, trois,
42:49 mais elles ont une espèce de confiance,
42:51 d'accueil et de développement.
42:53 Donc c'est très important de réfléchir là-dessus.
42:57 Maintenant, dans les facteurs qui interviennent,
43:01 on peut pas oublier les facteurs environnementaux.
43:04 Je sais pas très bien, dans tous ces pays,
43:07 comment ça se joue, si c'est les mêmes facteurs,
43:10 mais c'est vrai, par exemple,
43:11 on voit mondialement la baisse des facteurs masculins.
43:15 L'examen du spermogramme montre une baisse
43:17 des caractéristiques du spermogramme des hommes
43:20 un peu partout.
43:21 Est-ce que c'est l'environnement ?
43:24 Est-ce que c'est les pollutions ?
43:26 Est-ce que c'est les toxiques ?
43:28 Ça mérite, il y a tout un domaine,
43:30 et ça rejoint ce que vous évoquiez
43:33 sur la recherche en infertilité.
43:35 Oui, il faut développer la compréhension
43:37 des organismes-là qui peuvent influencer
43:40 la simple volonté de concevoir.
43:43 -Alors, Christine Vada,
43:44 je ne sais pas si, dans votre cabinet,
43:47 vous avez des femmes étrangères qui viennent consulter.
43:50 Comment vous parlez avec elles
43:55 de ces disparités et à quoi vous les attribuez ?
43:58 -Alors, ça revient toujours sur le même problème,
44:03 qui est le problème de l'égalité,
44:06 dont on vient de parler, entre les hommes et les femmes,
44:09 et la problématique de la reprise,
44:13 du retour au travail
44:14 et de leur projet de carrière dans l'entreprise.
44:18 Effectivement, le professeur Friedman a cité
44:21 les chirurgiens, les gynéco-obstétriciennes.
44:25 C'est beaucoup plus facile pour nous,
44:27 soit parce qu'on a une activité libérale,
44:29 soit parce qu'on est hospitalière.
44:31 C'est vrai que notre parcours est assez protégé,
44:34 le parcours hospitalo-universitaire,
44:37 également, même si on a des publications
44:40 qui vont être retardées par rapport à nos confrères hommes,
44:46 qui, eux, vont être là à continuer à publier pendant le repos.
44:50 C'est assez bien organisé,
44:51 mais je vois que mes patientes,
44:53 qu'elles soient françaises ou étrangères,
44:57 se posent toujours la question du retour,
44:59 quand elles ont des postes de responsabilité,
45:02 du retour dans l'entreprise,
45:03 qui va poser des problèmes.
45:05 -Alors, Julien Damon,
45:07 je vais pas faire une généralité,
45:09 mais vous êtes sociologue.
45:11 Est-ce qu'on peut dire
45:12 qu'avec l'évolution
45:15 des sociétés,
45:17 le social l'emporte sur le biologique ?
45:20 -Houlà ! -Ah ben oui,
45:21 mais prononcez-vous !
45:23 -Trois thèses ! -Prononcez-vous !
45:25 -On peut le dire comme ça ! -Oui, oui !
45:27 -Prononcez-vous ! -Oui, oui !
45:28 Qu'est-ce qu'on entend par le social ?
45:31 La question est si considérable.
45:33 Le biologique compte énormément.
45:34 Faire des enfants, ça suppose de se rencontrer,
45:37 de s'aimer un tout petit peu,
45:39 de ne serait-ce que pour les élever ensemble.
45:41 Si le social a permis à la science de se déployer,
45:44 parce que ceci compte, la contraception a tout changé,
45:47 et aujourd'hui, dans les intentions de fécondité,
45:50 ça n'est plus seulement monsieur qui décide,
45:53 car auparavant, c'était monsieur qui décidait.
45:56 Avec la contraception, c'est les femmes qui maîtrisent la fécondité.
46:00 Ca se décide à deux, et par rapport à des carrières.
46:02 Il y a une autre entrée, qui est plutôt marrante,
46:05 qui est plus méconnue, c'est que c'est dans les pays
46:08 où il est plus facile de se séparer,
46:11 où l'union n'est pas ce qui vous unit totalement à vie.
46:14 -C'est pas facile, la séparation.
46:16 -En France, il faut avoir à l'esprit
46:19 qu'on est aussi champion du monde d'un truc,
46:21 c'est les naissances hors mariage.
46:23 Les 2/3 des enfants naissent de parents
46:25 qui ne sont pas unis par le mariage.
46:28 On peut être uni par un paxe.
46:29 Si vous regardez les cas coréens, japonais, taïwanais,
46:34 que j'évoquais, c'est le cas de 5 % des enfants.
46:37 Je fais pas de ces corrélations simples
46:39 une causalité fondamentale, mais j'observe seulement
46:42 que c'est là où on accepte la diversité familiale,
46:45 où on soutient l'égalité entre les hommes et les femmes,
46:48 que la fécondité est la moins dégradée.
46:51 -Ceci dit, ces enfants qui naissent hors mariage
46:53 sont en immense majorité reconnus par le père.
46:56 -Ah oui, c'est ça qui compte.
46:58 Je voudrais faire une remarque...
47:00 -Je suis dans le marché pour ça.
47:02 -Je voudrais compliquer les choses.
47:04 Si vous regardez par département, en France,
47:07 quelle est la fécondité, par département,
47:09 l'INSEE la calcule...
47:11 -Prenez, s'il vous plaît, la Mayenne et la Corse.
47:14 -La Mayenne et la Corse.
47:15 La Mayenne est à 2,12 enfants par femme
47:19 et la Corse, la Haute-Corse,
47:21 est à 1,24 enfants par femme.
47:24 Donc, on a plus que les...
47:25 -Je voudrais pas me faire chahuter par les Corses,
47:28 mais ça veut dire que les Corses sont moins viriles
47:31 que les Mayennais. -Non, dites pas ça.
47:33 La explication, à mon avis, une des explications possibles,
47:37 et ça devient à nouveau la question culturelle,
47:40 c'est que les Corses sont en train de devenir
47:42 au même niveau que les Italiens.
47:44 On observe la même chose en Alsace et en Lorraine,
47:48 où la fécondité était plus élevée que la moyenne
47:51 jusqu'à une époque récente.
47:53 C'est maintenant une des plus basses,
47:55 comme l'Allemagne voisine.
47:56 On voit des sortes d'ensemble culturel se constituer.
47:59 -Pourquoi la Mayenne ? -La Mayenne,
48:01 c'est parce que c'est toujours...
48:03 L'Ouest de la France a été plus fécond que le reste.
48:06 C'est très ancien.
48:08 C'est ce qu'on...
48:09 A une époque, on parlait, d'ailleurs,
48:11 de tout le nord de la Loire, on appelait ça le croissant fertile.
48:15 Avec les questions musulmanes, on utilise moins ce terme.
48:18 -On peut parler du camembert fertile.
48:21 -Même plus, maintenant, il reste surtout un Grand Ouest.
48:24 Et puis, aussi, de façon plus curieuse,
48:26 toute la région Rhône-Alpes,
48:28 en descendant vers le Languedoc,
48:30 il y a des mystères très importants.
48:32 -Oui, mais alors, Hervé Lebrun, on va peut-être conclure là-dessus.
48:36 Vous êtes démographe.
48:37 La démographie, tout le monde sait ça,
48:40 c'est politique.
48:41 On sait bien que c'est une question politique.
48:45 Sur le taux de renouvellement vital
48:51 pour que nos sociétés perdurent,
48:53 mais si ça venait à baisser drastiquement
48:56 et si ça continuait,
48:58 est-ce qu'il y aurait péril
49:00 dans la demeure nataliste de l'humanité ?
49:02 Pardonnez ma grandiloquence, mais on peut se poser cette question.
49:06 Et pas uniquement à l'extrême droite.
49:08 -Oui, l'historien Pierre Chonu,
49:11 qui était un nataliste, avait calculé,
49:13 et c'est déjà il y a quelques années,
49:15 qu'on risquait, en l'an 2700, de ne plus avoir un seul humain.
49:19 Mais on a du temps, d'ici là.
49:21 La population mondiale va commencer à diminuer.
49:25 Il y a, disons, les trois gros organismes qui s'en occupent.
49:29 Sont, quitte hésitation,
49:32 on pense que le maximum sera atteint entre 2065 et 2080.
49:37 Donc, on a le temps de voir venir
49:40 sur cette baisse de la fécondité et de la population, surtout.
49:45 Je pense que le gros problème, c'est ce qui se produira en Afrique.
49:49 Là, maintenant, en 2050,
49:51 les trois quarts de l'accroissement démographique
49:53 auront lieu dans cette partie de l'Afrique moyenne
49:57 qu'on a vue sur la carte.
49:59 -Est-ce que vous pouvez donner un éclairage ?
50:01 Quand il y a des crises et des guerres,
50:04 ça influe sur l'indice de fécondité ?
50:09 -Oui, tout récemment, c'est une remarque que j'ai faite,
50:12 que j'avais publiée un petit papier dans la revue de politique étrangère.
50:17 Quand on regarde les pays qui ont la plus forte fécondité en Afrique,
50:20 vous avez vu qu'il y a le Niger,
50:23 mais juste après, vous avez le Mali,
50:25 puis, un peu avant, vous avez la Somalie,
50:29 vous avez aussi le Burkina Faso,
50:33 et vous avez la République démocratique du Congo.
50:37 C'est des pays où il y a des troubles importants.
50:40 Si vous prenez l'Asie, c'est la même chose.
50:42 Les pays qui ont la plus forte fécondité, c'est le Yémen,
50:46 l'Afghanistan, en troisième, c'est l'Irak.
50:48 Donc, on retombe sur des cas,
50:51 et je pense qu'un lien se fait, assez inquiétant,
50:54 qui est dans les pays où il y a des troubles.
50:56 C'est très difficile pour les femmes d'accéder à la contraception.
51:00 Au fond, le pouvoir des hommes est aussi renforcé.
51:04 Donc, à terme, on peut craindre qu'avec les troubles
51:07 qui gagnent une grande partie des Etats de la Terre,
51:11 la population commence à continuer à augmenter,
51:14 très nettement, dans ces pays qui sont les plus troublés.
51:18 C'est tout à fait nouveau par rapport à ce qu'on a connu
51:21 dans les décennies précédentes. -S'il y avait un commentaire...
51:25 -Il y a un commentaire à faire.
51:27 Dans ces pays, s'ils arrivent à se déployer
51:29 avec un génie génétique puissant,
51:31 ils vont faire une surfécondité masculine,
51:34 et ce sera encore pire. -Merci.
51:35 Le temps est coulé,
51:37 cette brillante conversation doit s'interrompre.
51:42 Je voudrais vous présenter une brève bibliographie.
51:46 René Friedman, vous avez publié
51:49 "La tyrannie de la reproduction",
51:51 chez Odile Jacob.
51:53 C'est presque un oxymore.
51:55 Tyrannie d'un côté, reproduction de l'autre.
51:59 On a l'impression que...
52:01 Voilà, vous vouliez dénoncer quoi, en un mot ?
52:04 -Cette espèce d'obsession trop tardive
52:07 au désir d'enfant
52:10 qui aboutit à des dérèglements,
52:12 à des déséquilibres personnels
52:15 ou de couple.
52:17 C'est une mise en garde de ne pas croire que tout fonctionne.
52:20 Il y a peut-être une réflexion à mener.
52:24 Jusqu'où va-t-on ? Jusqu'où peut-on aller ?
52:27 Jusqu'où est-il licite d'aller,
52:29 tout en maintenant l'équilibre de la vie
52:32 qui, certes, un enfant vient...
52:34 colorer la vie,
52:37 mais ce n'est pas la seule possibilité
52:40 d'être en équilibre et d'apprécier.
52:43 -Est-ce que vous diriez que, finalement,
52:45 une approche trop scientifique, trop rationnelle,
52:48 qui viendrait masquer la part d'intuition,
52:52 la part même d'instinct, serait...
52:55 dommageable pour notre humanité ?
52:58 -Il y a toujours tout et son contraire.
53:01 Tous les progrès qu'on peut faire qui répondent à la question
53:04 posent d'autres problèmes.
53:06 L'important, c'est qu'on se rend compte
53:08 que beaucoup de choses qu'on pensait ne pas pouvoir être faites
53:12 sont faites ou vont être faites.
53:14 Et donc, les limites ne sont pas la réalisation,
53:17 mais c'est plutôt l'intégration intellectuelle
53:21 et dans un équilibre d'une société,
53:23 de savoir si on y va vraiment.
53:26 Pour qu'on comprenne, le clonage,
53:28 c'est quelque chose qu'on pourrait faire,
53:30 qui est interdit,
53:31 et qu'il n'est pas bon d'envisager de le faire,
53:35 mais néanmoins, c'est donc moral,
53:37 la réflexion "pourquoi on peut pas le faire ?"
53:39 Ca permettrait pour certaines personnes d'avoir des enfants.
53:43 Donc, c'est toujours la discussion éthique
53:46 qui va être la limitation ou la barrière
53:49 et non pas la faisabilité.
53:50 -Merci. -Ce qui est faisable
53:52 n'est pas forcément souhaitable. -Merci.
53:54 C'était une très bonne conclusion.
53:56 Alors, Hervé Lebrun, Atlas des inégalités,
53:59 les Français face à la crise, autrement.
54:02 Les inégalités, ça fait partie de la vie ?
54:05 C'est ce que vous constatez,
54:07 où on a le progrès...
54:09 Le progrès...
54:11 -Oui. On en a eu un exemple avec la fécondité
54:14 il y a un instant.
54:15 C'est les inégalités à l'échelle de la France.
54:17 Il y a ces inégalités sur la fécondité,
54:20 dont je viens de parler,
54:21 mais vous avez des inégalités importantes
54:24 de mortalité,
54:25 des inégalités très importantes au niveau social.
54:28 On a souvent l'impression,
54:30 comme on est un Etat très centralisé
54:32 et très égalitaire en termes de législation,
54:36 que la France est homogène,
54:38 mais elle est très hétérogène
54:41 du point de vue de ses différentes frontières.
54:44 Elle est le pays le plus hétérogène de France.
54:47 C'est le seul pays d'Europe où il y a la tradition du Nord
54:51 qui rejoigne la tradition du Sud.
54:53 Ailleurs, il y a les Alpes, les Balkans, les Carpathes,
54:57 qui séparent les pays du Nord et du Sud.
54:59 -Merci. Julien Damon,
55:01 vous avez publié beaucoup d'ouvrages,
55:03 dont "Qui dort dehors", aux éditions de l'OM,
55:06 mais vous préparez un ouvrage sur la fécondité.
55:09 -Absolument. J'ai terminé un petit ouvrage
55:11 dont le titre n'est pas encore décidé.
55:14 C'est un clin d'oeil au sujet du réarmement démographique,
55:17 ce réfécondité, comment réarmer.
55:20 C'est une analyse assez dubitative
55:22 sur la capacité des politiques publiques à vraiment peser.
55:25 -Merci.
55:26 Il me reste à vous remercier.
55:29 Merci, madame, merci, messieurs,
55:31 d'avoir coanimé brillamment cette conversation.
55:36 Merci à l'équipe de LCP.
55:38 Avant de nous quitter, je voudrais vous laisser
55:41 avec cette citation très sensible
55:44 de Hannah Arendt.
55:47 "Le miracle qui sauve le monde,
55:49 "le domaine des affaires humaines,
55:52 "c'est finalement le fait de la natalité,
55:55 "dans lequel s'enracine ontologiquement
55:59 "la faculté d'agir."
56:02 ...