• il y a 5 mois
Cette semaine, Alexandre Delpérier reçoit Cléa Martinez, vice-championne du monde de ski de vitesse.

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Sport
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00:00...
00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:21soyez les bienvenus dans votre rendez-vous.
00:23Bienvenue dans La victoire est en elle.
00:25Vous voulez une championne, une immense championne
00:28qui va plus vite que vous, toutes et tous, plus moins réunies ?
00:31La voici. Voici le sommaire.
00:33Avec nous, ce soir, Cléa Martinez,
00:35vice-championne du monde de ski de vitesse.
00:38La Pyrénéenne est capable, écoutez bien,
00:40de dépasser les 230 kmh sur la neige.
00:43A 28 ans, elle vise le record de France
00:46et le record du monde de la discipline.
00:48Ma chère Cléa, bonjour.
00:50Bonjour.
00:51Et bon anniversaire, c'était il y a quelques jours à peine.
00:54Quand j'énumère cette vitesse
00:56et dire que moi, sur mes petits skis,
00:58j'ai l'impression d'aller vite à 105, 106...
01:00T'as vu, j'ai fait 108 aujourd'hui.
01:02Est-ce que tu peux, juste en un mot,
01:03nous rappeler ton record personnel, s'il te plaît, Cléa ?
01:07Il est à 234,78 kmh.
01:10234,78 kmh.
01:13C'est un truc de fou.
01:15T'en as conscience ou pas ?
01:17Oui, je réalise que c'est une grosse performance.
01:21Elle est toute fraîche. Elle date d'il y a un mois, à peu près.
01:24Donc, c'est une grande fierté.
01:25Et j'espère la pousser encore un petit peu plus loin.
01:29Et là, on voit les images. C'était où ?
01:33C'était à Vars.
01:34C'est la piste de Chabrières. C'est la plus rapide du monde.
01:37Et c'est dans les Hautes-Alpes, donc en France.
01:40Le point 234 kmh, il se fait où ?
01:45Il est mesuré sur la partie basse de la piste.
01:48C'est la partie dans laquelle j'arrive, sur la vidéo,
01:50la partie en rouge. C'est une partie qui fait 100 m.
01:52Donc, ce n'est pas forcément la plus rapide de la piste.
01:57On ne sait pas, mais c'est là où on écrane en métro.
01:59On va juste rappeler que ce ne sont pas des skis tordus.
02:01C'est la caméra qui fait ça.
02:03C'est une vidéo 360.
02:05Oui, bien sûr.
02:07Non, mais c'est assez fantastique.
02:09Quel type de sensation on éprouve ? Parce que ça va très vite.
02:13Est-ce que d'abord, t'es capable de faire un distinguo entre...
02:16Je pense que j'ai fait 228, ça ne va pas aujourd'hui.
02:18Waouh, j'ai pété mon record, je suis à 234.
02:20On arrive à le sentir ou non ?
02:24Alors, pas aussi finement.
02:26Par contre, effectivement, la différence entre une vitesse à 180,
02:30200, 215 ou 230,
02:32c'est des paliers qui sont assez différents
02:35parce qu'on ne va pas lutter contre les mêmes choses dans le run.
02:39On ne va pas mettre la même intensité sur les mêmes choses.
02:43Donc, oui, à 234, j'ai senti que ce n'était pas habituel
02:46et que c'était un petit peu différent.
02:48La meuf qui se la pète un peu quand même.
02:49Entre 180 et 230, je sens une différence.
02:51Moi aussi, entre 50 et 100.
02:55C'est un peu pareil, mais exacerbé.
02:57Bien sûr. Et bravo, parce que franchement, je suis en admiration.
02:59Je voudrais qu'on regarde cette infographie
03:01avec quelques chiffres et quelques vitesses clés
03:04en fonction de ton âge.
03:05Vous allez voir que c'est assez étonnant.
03:07À 8 ans, tu faisais déjà, tu dépassais la barre des 100 km heure.
03:12Est-ce que tu te souviens de ce jour-là ?
03:15Non, pas exactement.
03:16C'est vrai que sur tous les records un petit peu anciens,
03:19quand on est petit, on ne réalise pas bien.
03:21Donc, c'est des choses qui se font assez naturellement.
03:26Et il faut penser aussi qu'on est dans des conditions
03:28extrêmement sécurisées.
03:31Donc, les 100 km heure, en fait, ce n'est pas du tout dangereux.
03:34Et quand on skie, moi, j'ai fait de l'alpin,
03:37c'est quelque chose qu'on atteint assez vite.
03:39Et par contre, après, bien sûr, en grandissant,
03:42ça va de plus en plus vite.
03:43On va revoir ton parcours et c'est vachement intéressant.
03:46Je voudrais juste rappeler ton palmarès.
03:48Tu es vice-championne du monde 2022.
03:50Tu as pris le bronze en 2023,
03:52troisième de la Coupe du monde 2022 et 2023, avec 11 podiums.
03:56Tu es championne de France 2023.
03:58Explique-nous d'où tu viens
04:00et pourquoi, finalement,
04:02tu as quasiment appris à skier avant de marcher.
04:06Parce que je viens des Hautes-Pyrénées.
04:09Donc, je suis née au pied de la montagne.
04:12Ma maman faisait beaucoup de ski.
04:14C'est elle qui m'a appris à skier.
04:16Deux ans, deux ans et demi, j'étais déjà les skis au pied.
04:19Forcément, dans ces conditions-là,
04:21évoluer sur les pistes de ski, c'est plus que naturel.
04:24Et donc, on en vient très vite à s'essayer un peu à différentes choses.
04:28Oui. Mais attends, attends.
04:30Donne des noms, valorise un peu notre France.
04:32T'es née où ?
04:34Je suis née à Lourdes, donc en 65.
04:37Je suis toujours licenciée au club de Gavard-Nigèdre.
04:41C'est la station dans laquelle j'ai tout appris.
04:44Tes premiers pas sur les skis ou tes premières glissades,
04:46t'avais quoi, deux ans ?
04:49Ouais, à peu près.
04:50À peu près.
04:51Fantastique, ça.
04:52Les choses vont aller assez vite.
04:54On est d'une famille de skieurs, tu le disais.
04:58C'est ça.
04:59Donc, ma mère skiait beaucoup,
05:02commençait à faire le monitorat de ski.
05:04C'est elle qui m'a mise sur les skis.
05:06J'ai un frère et une sœur qui sont aussi sur les skis.
05:08C'est de la bonne émulation, tout ça.
05:11J'imagine que tous les week-ends, on était sur les pistes.
05:14La compétition, ça a commencé à quel âge ?
05:18Alors, la compétition...
05:20Moi, j'ai fait aussi de l'alpin.
05:22On dit à peu près tous de l'alpin, de toute façon.
05:24Sur les premières catégories, à 7-8 ans, à peu près.
05:27J'ai eu la chance d'être dans ce club de Gavard-Nigèdre
05:30où on nous fait découvrir la vitesse assez tôt.
05:33Il y a une culture du ski de vitesse.
05:35Je pense que mes premières compétitions,
05:37j'avais aussi 7-8 ans en ski de vitesse.
05:40On va rappeler que l'alpin, c'est le ski, entre guillemets, normal.
05:43C'est l'eslalom ou la descente.
05:46Mais ce n'est pas ce ski-là qu'on évoque.
05:49Toi, c'est le ski de vitesse.
05:51Est-ce que tu as un souvenir de la première fois
05:54que tu t'es mis en position de recherche de vitesse
05:57et que tu es allé tout droit,
05:59et qu'on sortait de l'alpin et qu'on partait sur le ski de vitesse ?
06:03Oui, j'ai un souvenir de ça,
06:05parce qu'en fait, comme je l'ai dit,
06:08il y a une culture du ski de vitesse dans les Pyrénées.
06:12Beaucoup de skieurs de vitesse aujourd'hui sont pyrénéens,
06:14parce qu'on a plein de petites courses pour les enfants.
06:17Je me rappelle très bien une fois où j'étais plus petite
06:20que les catégories autorisées.
06:21On m'avait autorisée à ouvrir.
06:23C'était un peu l'événement pour moi au milieu des grands.
06:26Je ne sais pas, j'avais peut-être été à 70-80 km par heure.
06:30Je ne me rappelle pas du tout.
06:31Mais je me rappelle du moment
06:33où je m'étais dit que ça m'avait bien plu quand même.
06:36Pourtant, tu n'es pas une tête brûlée.
06:39Eh bien, non.
06:40Non, sur tout le reste, je suis très prudente.
06:43Mais j'estime que ce n'est pas être tête brûlée.
06:46Je maîtrise un peu ce que je fais, en tout cas, j'espère.
06:49Donc, ce n'est pas fou ce qu'on fait.
06:51C'est juste normal pour nous.
06:54Oui, on est dans des conditions optimales.
06:56Et puis après, il y a le boulot.
06:56J'aimerais que tu nous parles de ce qui est derrière toi
06:58et que tu nous le montres un petit peu plus,
07:00cette combinaison, ce casque.
07:04Oui, alors évidemment, pour aller aussi vite,
07:07on doit avoir du matériel dédié et assez particulier.
07:11Donc, tout est fait pour améliorer l'aérodynamisme du skieur.
07:16Donc, la combi qui est derrière moi,
07:18c'est une combinaison qui est faite sur mesure,
07:21donc dans une matière plastique,
07:24qui a pour but d'améliorer au maximum la pénétration dans l'air.
07:28Et puis, une partie qui est extrêmement importante pour nous,
07:30c'est le casque.
07:31Donc, il est là, il a une forme aérodynamique.
07:35Montre-le-moi de face.
07:37Voilà, oui.
07:38Alors, de face, comme ça.
07:41Et en fait, à l'intérieur, il y a une partie qui vise intérieure,
07:46donc qui est là pour nous protéger en cas de chute.
07:49Et puis, la partie extérieure,
07:50en fait, c'est toute la partie aérodynamique
07:54qui se détache en cas de chute, donc qui explose,
07:58et qui est là juste pour nous faire prendre de la vitesse.
08:02Voilà, ça, c'est le...
08:03Redis-moi, si tu tombes,
08:05toute la partie un peu large comme ça, pouf, ça part.
08:08C'est ça. En fait, à l'intérieur,
08:10c'est soit des vis, soit des pointes de colle,
08:12mais la jupe extérieure explose,
08:14et on garde que le casque de protection
08:16qui vient nous protéger sur la chute.
08:18Oui, pour éviter les frottements.
08:21Exactement, oui. Et ça marche.
08:23Je vais pas en attester.
08:25Les premières sensations de glisse,
08:28je parle de ski de vitesse, c'est vers 7-8 ans.
08:31Qu'est-ce qui se passe ensuite ?
08:32Tu décides d'arrêter le ski normal
08:36et de consacrer à la vitesse ou pas encore ?
08:39Alors, pas vraiment, parce que...
08:43Alors, on a un circuit jeune, quand même, en France,
08:45qui est un petit peu développé,
08:47donc je faisais quand même pas mal de compètes,
08:49mais j'ai un petit peu toujours continué à faire de l'alpin
08:51parce que c'est important de garder le ski dit normal
08:56pour avoir des sensations, en fait,
08:58et pour travailler la technique de ski
09:02qui nous sert beaucoup en ski de vitesse.
09:05Donc, j'ai continué jusqu'à un long moment,
09:08en étant jeune, et puis peut-être à 15-16 ans,
09:11j'ai commencé à avoir des occasions
09:13de rentrer sur le circuit Coupe du Monde en ski de vitesse,
09:16et donc là, j'ai fait plus que ça.
09:18Parce que c'était là que ça fonctionnait bien.
09:21Déjà, un petit peu plus tôt,
09:22t'as été championne de France en 2008 dès moins de 13 ans.
09:25Tu te souviens de ce jour-là ?
09:26Qu'est-ce que tu te dis dans ta tête ?
09:28Est-ce que tu te dis
09:29« Je vais continuer dans cette voie-là,
09:30j'ai peut-être une carrière à faire ? »
09:33Alors, une carrière, on ne pense pas comme ça quand on a 13 ans,
09:37parce qu'en plus, le ski de vitesse, c'est un sport amateur,
09:40donc on sait très bien que c'est un loisir,
09:42et par contre, ça donne envie de s'investir
09:45et ça donne envie de continuer,
09:47et puis surtout, on voit les plus grands autour de nous
09:51qui font des performances,
09:53et on se dit qu'on a bien envie d'aller encore plus vite
09:55et donc de travailler dans ce sens-là.
09:57Mais c'est sûr qu'on a la chance d'avoir les championnats de France,
10:01enfin, en tout cas, un circuit jeune qui est développé
10:04et qui nous permet d'accéder à des compétitions très jeunes,
10:07donc c'est chouette
10:09et ça donne juste envie de faire mieux, de faire plus.
10:11Mais à partir de quel âge, il y a des compétitions internationales ?
10:15Alors, à partir de 15 ans, 16 ans, 15 ans, oui.
10:19Donc, de 15 à 21 ans, on est sur la catégorie junior,
10:23et donc là, il y a des Coupes du monde, des champions du monde.
10:27Et tu gagnes des courses à ce moment-là ?
10:30Oui, à ce moment-là, ça se passe plutôt bien pour moi.
10:33Je suis régulièrement sur les podiums,
10:35donc j'ai des classements généraux...
10:39Enfin, j'ai fait des podiums sur le classement général
10:42plusieurs fois en étant junior,
10:44donc c'était quand même déjà des bonnes années,
10:47mais les catégories ne sont pas tout à fait les mêmes,
10:50en tout cas, le matériel utilisé n'est pas tout à fait le même
10:52que celui qu'on voit et que j'ai présenté,
10:54donc le passage en catégorie senior
10:56est quand même un peu rude et parfois compliqué.
11:00Oui. Il y a aussi une chose qui est importante,
11:03on parlera de ta vie pro à côté dans quelques minutes,
11:05c'est que tu continues l'école en même temps.
11:07Oui, j'ai continué mes études.
11:11J'ai fait des études d'ingénieur à Grenoble
11:13et puis après, j'ai fait une thèse et j'ai tout fait en parallèle.
11:17Donc, il y a eu deux ans, les deux premières années après le bac,
11:20où j'ai mis en pause le ski de vitesse
11:22parce que ce n'était juste pas possible.
11:24Et après, j'ai pu reprendre, j'ai eu un parcours aménagé,
11:27j'ai eu le soutien de la fondation Grenoble INP
11:31qui m'accompagnait pendant mes études à Grenoble INP
11:34et ça m'a permis d'avoir quelques aménagements
11:38et d'être diplômée tout à fait normalement.
11:41Moi, j'ai quelques questions sur l'entraînement,
11:43sur la disponibilité des pistes.
11:46Il y a beaucoup de travail de soufflerie.
11:48J'ai besoin que tu m'expliques comme ça
11:49pour qu'on comprenne un peu les sources d'amélioration,
11:53d'optimisation des performances.
11:55D'abord, il n'y a pas de la neige tout le temps.
11:56Est-ce que tu ne t'entraînes qu'en France ?
11:59Quand est-ce que tu as une piste dispo
12:01pour pouvoir être comme ça en position de recherche de vitesse
12:04sur une piste droite, propre et dans les concierts optimales ?
12:07Ou est-ce que finalement… Explique-moi comment on s'entraîne.
12:11Alors oui, moi, je skie que l'hiver, déjà,
12:14pour plein de raisons,
12:16mais la première, c'est qu'encore une fois, on est amateur,
12:18donc en termes de disponibilité,
12:20je ne peux pas me permettre de partir d'un hémisphère sud l'été.
12:24Ce n'est pas quelque chose qu'on fait du tout.
12:26Donc, beaucoup de ski l'hiver, ça, c'est sûr.
12:28L'été, du coup, il faut basculer sur de la préparation physique,
12:33de la PPG classique et puis éventuellement d'autres sports.
12:36Moi, j'aime bien courir, donc voilà.
12:38On bascule sur d'autres choses pour maintenir la forme physique.
12:42Mais c'est quoi la prépa physique ?
12:44Explique-moi la prépa physique, c'est quoi exactement ?
12:46On travaille quoi ? J'imagine qu'on ne travaille pas que les jambes.
12:49Non, le gainage, beaucoup.
12:51Bien sûr.
12:52Tout ce qui est ceinture abdominale, beaucoup,
12:54et puis même le haut du corps,
12:56quand on est sur des vitesses très importantes,
12:58en fait, il y a tout qui travaille.
12:59De la proprioception aussi,
13:01très important, évidemment, pour le skieur.
13:04Et puis après, on l'a évoqué, le travail en soufflerie qui est important,
13:08qui nous permet de tester des choses en condition, on va dire, de laboratoire.
13:13Donc, à la fois tester, nous, la position,
13:16à la fois aussi tester du matériel,
13:18ce qui peut être très important,
13:19puisque le matériel joue un rôle primordial
13:22dans les performances du skieur de vitesse.
13:24Explique-moi une chose, une soufflerie,
13:25tu ne l'as pas à portée de main, ce n'est pas dans ton salon ?
13:29Non, ce n'est pas dans mon salon.
13:31Nous, on va à Genève, en général,
13:33et effectivement, on y a accès à peu près une fois par an,
13:37donc il faut tout préparer en amont pour ce moment-là.
13:40Oui.
13:42Attends, excuse-moi,
13:44quand tu vas à Genève en soufflerie une fois par an,
13:46tu restes combien de jours ?
13:48On fait une journée et une session seulement.
13:51Ah oui, donc autrement dit, il ne faut pas se planter,
13:53il faut arriver avec des hypothèses,
13:56et on voit les images là,
13:58mais il faut repartir avec des certitudes.
14:00Exactement.
14:01Là, par exemple, on me voit sur un test en soufflerie,
14:04et ce jour-là, par exemple, j'avais plusieurs paires de bâtons,
14:07et c'est le moment où on teste tous les bâtons,
14:11on voit avec lesquels on est le mieux en termes de position
14:15et en termes de Cx, de coefficient de pénétration dans l'air.
14:18Voilà, on peut tester aussi des choses sur la position.
14:21Effectivement, il faut arriver tout prêt pour ce moment-là,
14:24mais c'est déjà super qu'on ait cette opportunité,
14:28tout le monde n'a pas cette chance-là,
14:30donc on s'en sert, on essaye d'exploiter au mieux
14:33ces moments-là, en tout cas.
14:35Et une fois que tu as testé,
14:37par exemple, là, on va dire, on va faire un peu large,
14:41les trois dernières années, tu as changé quoi dans ta position ?
14:45Alors, j'ai changé des choses dans ma position
14:51avec mon matériel, en fait.
14:53Souvent, ça va de paire, donc j'ai modifié mes chaussures
14:55pour me basculer un petit peu plus vers l'avant, par exemple.
14:59J'ai modifié mes bâtons, pareil,
15:01pour pouvoir un petit peu remonter mes mains,
15:03qui étaient trop basses, a priori.
15:05Après, c'est très compliqué,
15:08parce que là, j'ai une belle position sur la vidéo.
15:10Évidemment, sur la piste, quand on est sur la neige,
15:12avec tout ce qui va autour sur un vrai run,
15:15on n'a pas cette position parfaite-là,
15:18en tout cas, pas tout le temps.
15:20Donc, voilà.
15:22Le but, c'est de travailler la position en soufflerie,
15:25et puis après, d'arriver à la transposer
15:27et à l'atteindre systématiquement sur la piste.
15:30Je comprends bien, il y a cette aire et cette sensation de vitesse
15:33que tu dois avoir en soufflerie sur ces images qu'on est en train de voir,
15:36mais il n'y a pas l'inclinaison.
15:37Est-ce que malgré tout, ils arrivent à restituer ça,
15:40dans ta sensation, évidemment ?
15:43Oui.
15:44Vraiment, on a une sensation assez similaire
15:47en termes de pénétration dans l'air.
15:50La grosse différence, c'est que là,
15:52on a les pieds qui sont attachés au sol.
15:55On n'a pas du tout à gérer le ski, en soi.
15:59Donc, ça, évidemment,
16:01ça enlève quand même une grosse partie de la performance,
16:05ou en tout cas, du travail sur le run.
16:07Mais par contre, oui, les sensations sont très similaires.
16:10Ça permet vraiment de faire du travail
16:11qui est très utile pour nous, après, sur la piste.
16:14Quand on voit les skis, moi, je les trouve immenses.
16:16Ils mesurent combien ?
16:18Ils mesurent 2,40 m.
16:20C'est assez long.
16:22Ça, tu peux faire ce que tu veux ?
16:25Demain, tu peux décider de partir avec des skis de 1,80 ou de 2,60 ?
16:29Non.
16:30Ils doivent avoir une longueur supérieure à 2,20 m, il me semble,
16:34et ne pas dépasser 2,40 m.
16:37En fait, on a un matériel qui est très particulier,
16:39mais tout est réglementé, le poids des chaussures.
16:43On a des appendices, là, derrière les mollets,
16:46qu'on arrive à distinguer, donc des ailes rondes, pareil.
16:48La taille, le poids est réglementé, le poids des bâtons.
16:52Tout ça, c'est très, très surveillé,
16:54et on ne peut pas faire n'importe quoi.
16:57Moi, je trouve ça exceptionnel.
17:00Mais moi, j'aurais qu'une trouille, c'est comment je m'arrête.
17:02Parce que même si...
17:03Et honnêtement, je pense que je suis plutôt un très bon skieur,
17:06mais je sais m'arrêter quand j'arrive à 100, 105 km heure.
17:10Je sais que j'ai besoin un petit peu de quelques virages,
17:13mais à 2,34, ce n'est plus la même chose.
17:16Oui, c'est une excellente remarque,
17:18parce qu'en fait, le run, il se finit quand on est arrêté,
17:22et vraiment pas quand on passe la ligne de chronométrage.
17:25Le freinage, ça fait partie du run.
17:28Il faut rester vigilant, ce n'est pas la partie la plus simple.
17:32Qu'est-ce qu'il faut ?
17:33Il faut...
17:35Moi, je fais des virages, certains mettent des chasses-neige.
17:38Il y a deux écoles.
17:42Voilà, il faut plier les skis.
17:45Ce sont des skis qui sont assez rigides, qui sont longs,
17:48donc on les dit 2,40.
17:49Donc, il faut mettre de la force dans les pieds, dans les cuisses,
17:54au moment où on enclenche les virages.
17:56C'est un vrai...
17:57Des vrais virages à 2,40, ce n'est plus la même chose.
18:00Quand on regarde là, donc ça, c'était ton record,
18:02c'était les 2,34, c'était à Varse, c'est ça ?
18:04Oui.
18:05Je regarde à droite et à gauche de la piste,
18:07on voit qu'on est en fin de saison, c'était il n'y a pas longtemps.
18:11La neige était comment ?
18:15Alors, la neige était chaude,
18:16c'est-à-dire sur des températures autour de moins 1°, 0°.
18:20Et donc, c'est ces neiges de printemps-là
18:23qui sont en fait extrêmement rapides.
18:25Et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on fait les courses à Varse
18:28le plus tard possible dans la saison,
18:29puisque c'est les neiges qui nous permettent d'aller très, très vite.
18:33Donc là, les conditions étaient parfaites.
18:35Même si on est en fin de saison,
18:36on a l'impression qu'il n'y a plus grand-chose autour.
18:38En fait, c'était parfait pour nous.
18:40Oui. On va revenir sur ta carrière.
18:42À 21 ans, tu vas passer chez les seniors,
18:44en ce qu'on appelle la catégorie S2.
18:47Explique-nous ça, comment...
18:49D'abord, qu'est-ce que ça a insidu au niveau matériel,
18:52au niveau liberté et au niveau contraintes ?
18:56Effectivement, il y a deux catégories.
18:59La catégorie S1, qui est celle dans laquelle j'évolue actuellement,
19:02qui est la catégorie Elite,
19:04et la catégorie S2, sur laquelle on évolue.
19:07Quand on est junior, on n'a pas le choix.
19:09Et puis, éventuellement, senior après.
19:12La différence, c'est le matériel.
19:14Là, je vous ai présenté notamment la combinaison, le casque.
19:17J'ai parlé des ailes rondes.
19:18C'est quoi, le matériau de la combi ?
19:20La combi, elle est en quoi ?
19:23C'est un matériau plastique.
19:24On ne sait pas trop.
19:26C'est tout le secret du fabricant.
19:27C'est élastique, un peu ?
19:30Pas trop. Un peu, mais pas trop.
19:32On n'en est pas très à l'aise dedans.
19:34Il ne faut pas que tu prennes 4 kg, quoi.
19:36Non. Non, non, non.
19:38C'est assez compliqué.
19:39On met du temps à l'enfiler.
19:41Moi, le matin, je mets à peu près une heure pour m'habiller.
19:43Ah ouais ?
19:45Oui, tout compris, en mettant les ailes rondes, tout ça,
19:48oui, oui, c'est...
19:49Ce n'est pas une partie de plaisir tous les matins.
19:53C'est la grosse différence entre la S1 et la S2.
19:56La catégorie S2, on court avec du matériel
19:59qui est homologué pour la descente en ski alpin,
20:03avec un casque tout à fait classique,
20:06des skis qui ne font pas plus de 2,20 m,
20:09une combinaison classique aussi.
20:12La différence, évidemment, c'est la vitesse.
20:14Les vitesses sont bien moins importantes en S2.
20:17Par exemple, ton record en S2, c'était à combien,
20:20sachant que maintenant, en S1, tu es à 234 km heure ?
20:23J'avais un record à 196 km heure.
20:26Ah oui, t'as pris quasi 40 km heure.
20:31On comprend mieux l'importance du matériel.
20:33C'est vachement important.
20:34Alors, pas du jour au lendemain,
20:36mais juste avec la combi, le casque,
20:39les parties derrière les mollets, la grandeur des skis,
20:43on arrive à gagner quasi 40 km heure.
20:46Oui, alors après, il faut nuancer les records personnels
20:51parce qu'en fait, selon les conditions,
20:54selon la piste sur laquelle on s'élance,
20:58on ne fait pas du tout les mêmes vitesses.
21:02On en a parlé, la qualité de la neige a un rôle primordial dans les vitesses.
21:07Ceci étant dit, moi, à 196 km heure,
21:09j'étais partie dans des conditions de neige extrêmement bonnes.
21:13C'était à Vars aussi,
21:14donc c'est un peu plus comparable,
21:18mais oui, les records du monde en S2,
21:22du coup, ils sont, je n'ai pas le chiffre exact,
21:25mais à un peu plus de 210 km heure.
21:28Le gain est énorme.
21:30Il faut que tu nous parles de ta vie
21:32parce que j'ai bien compris que tu ne skiais que l'hiver.
21:36T'as pas, entre guillemets, il n'y a aucun jugement là-dedans,
21:39mais d'abord, ce n'est pas un sport pro, c'est un sport amateur,
21:44donc tu n'as pas les moyens de partir deux mois en stage au Chili
21:48pour faire de la glisse.
21:50Comment ça s'organise ? Parle-nous de ta vie.
21:55Effectivement, je suis amatrice.
21:58Tous les skieurs de vitesse sont amateurs,
22:01donc moi, je travaille à côté, à temps plein.
22:03Je suis enseignante-chercheuse à Albi
22:06et donc, à la fois, on l'a dit,
22:10je finance ma saison,
22:12donc oui, j'ai pas les moyens de partir deux mois m'entraîner
22:15et je n'ai pas le temps non plus
22:17puisque tous mes déplacements se font sur mes congés,
22:20donc je dois faire des choix
22:23et je fais au mieux pour arriver à conjuguer
22:26la vie professionnelle et ma vie sportive.
22:29T'as pas d'emploi du temps aménagé ?
22:31Non.
22:33Tes élèves savent ce que tu fais ?
22:36Certains savent
22:38parce que certains suivent un petit peu le ski ou les réseaux sociaux,
22:42mais pas tous et c'est très bien comme ça.
22:46Ouais, c'est pas « waouh, madame, il paraît que vous avez fait ce week-end, blablabla ».
22:49Non.
22:50Là, mes performances à Varse,
22:52cette année, ça a fait un petit peu de bruit,
22:54donc j'ai eu quelques petits messages
22:57de quelques étudiants qui sont venus me voir,
22:59mais sinon, c'est pas des annonces que je fais en amphithéâtre.
23:02Bien sûr.
23:04Moi, il y a un truc qu'il faut que tu m'expliques, Léa.
23:06Aujourd'hui, t'es à 234 km heure.
23:09Je crois que le record du monde chez les filles est à 247.
23:14T'es aujourd'hui à 14 km heure, à peu près, du record du monde.
23:19Qu'est-ce qu'on doit, qu'est-ce qu'on peut améliorer
23:22pour aller chercher ces 14 km heure ?
23:24Ça dépend de quoi ?
23:28C'est pas qu'une histoire de poids.
23:31Non, c'est pas qu'une histoire de poids et heureusement,
23:35parce que ça veut dire qu'il reste de la marge sur plein d'autres choses.
23:39Moi, c'est sûr que là, c'était mon premier run du sommet
23:42de la piste de Chabrière.
23:45C'étaient mes premiers runs à ces vitesses-là.
23:48Moi, il y avait une partie de découverte.
23:51J'avais jamais runné...
23:53En fait, avant cette saison, mon record était à 208 km heure.
23:57Donc, ces vitesses-là, je les ai découvertes cette saison.
24:02Et donc, forcément, la prochaine fois que j'ai l'occasion
24:05de re-runner à ces vitesses-là,
24:07j'espère que je ferai mieux
24:08et que j'aurai déjà un peu moins d'appréhension.
24:12Et puis, techniquement, il y a plein de choses
24:14que je n'ai pas mis en place sur ce run-là qu'on voit.
24:19Par exemple, aujourd'hui, avec le recul,
24:21avec quelques jours de recul, parce que ça date d'il y a très peu de temps,
24:25est-ce que tu as senti que tu étais un peu sur la retenue
24:27à un moment ou un autre ?
24:29Est-ce que tu connais les gains que tu peux aller chercher ?
24:33Est-ce que tu arrives à les formaliser concrètement ?
24:37Oui, tout à fait. En fait, en termes d'engagement,
24:40je n'étais clairement pas au maximum.
24:42Je savais très bien que j'allais exploser mon record.
24:46Donc, je voulais être en sécurité, je voulais maîtriser mon run.
24:51Et donc, forcément, quand on maîtrise,
24:55on n'est pas à fond sur certaines choses.
24:57Donc, sur ma position, je n'étais pas complètement...
25:01Comment le formuler ? Emboîtée, on va dire.
25:04L'esquive, au départ, je suis partie de manière assez sécure,
25:08donc déjà un peu sur l'écart.
25:10Mon but, c'était de maîtriser mon run et de me sentir en sécurité.
25:15Donc, forcément, la prochaine fois,
25:19j'espère que j'aurai l'occasion de repartir dans des conditions pareilles.
25:24Et la prochaine fois, j'aurai un état d'esprit un peu plus combatif.
25:28Enfin, je ne veux pas dire que j'ai un esprit combatif, mais...
25:32En tout cas, avec un peu plus d'engagement
25:36et un peu moins d'appréhension en tête.
25:39C'était ta première et pourtant, tu as tout déchiré.
25:41Mais que je comprenne, combien de fois ou quand tu sais
25:44que tu pourras de nouveau te retrouver en haut de la descente de Vars
25:48et d'aller retaper un record ?
25:49Parce que c'est combien de fois... Là, c'était ta première,
25:52mais combien de fois dans l'année... Alors, déjà, cette année, c'est fini ?
25:56Oui.
25:56OK. L'année prochaine, est-ce que tu sais que tu auras
25:58un, deux, trois, quatre, cinq, dix runs ? J'en sais rien.
26:01Alors, au mieux, ça sera un run dans l'année.
26:05En fait, on a une course dans l'année où on peut potentiellement partir d'en haut.
26:09Encore une fois, il faut que les conditions soient là.
26:11Ça fait sept ans qu'il n'y avait pas eu de départ du sommet de la piste
26:15parce que les conditions n'étaient pas réunies.
26:17Donc, j'espère avoir l'occasion un jour de repartir d'en haut.
26:23Et après, encore faut-il...
26:24Du coup, là, sur la compétition, seuls les meilleurs pouvaient partir d'en haut.
26:29En fait, on est sélectionnés à chaque run.
26:31Et donc, il y a aussi ça, en fait. Il faut être meilleur que les autres.
26:35Donc, au mieux, une fois par an, et vraiment, si les conditions sont là.
26:41Oui, t'as intérêt à être en forme ce jour-là.
26:44T'as 28 ans aujourd'hui.
26:45Un, tu penses faire ça jusqu'à quel âge ?
26:48Peut-être que tu ne sais pas, d'ailleurs.
26:50Et deux, dans tes rêves, et d'ailleurs, ce ne sont pas dans tes rêves
26:54parce que je pense que tu es quelqu'un de très organisé,
26:55j'ai bien compris, et de très structuré.
26:57Tu penses que tu peux taper combien ?
27:01Alors, excellente question.
27:04Je ne sais pas pour combien de temps je vais continuer,
27:08tant que ça m'amuse, tant que je peux le faire aussi
27:10et concilier ça avec tout le reste, ma vie professionnelle notamment.
27:14Et tant que je prends du plaisir, je continuerai.
27:18Tant que je suis aussi en maîtrise de ce que je fais,
27:21parce qu'il faut garder à l'esprit que ça reste dangereux.
27:24Et combien est-ce que je peux aller chercher ?
27:27Je ne sais pas.
27:28Si, tu le sais.
27:30Dans mes rêves les plus fous, le record de France, ça serait bien,
27:33mais il est encore un petit peu loin.
27:352,42, mais le record du monde à 2,47, c'est 5 de plus.
27:39Et à un moment, à 2,42 ou 2,47, pour moi, c'est pareil.
27:42Oui, mais 5 km heure de plus à ces vitesses-là, c'est énorme.
27:46Donc, voilà.
27:48Mais déjà, si j'arrive à rebattre mon record personnel,
27:51ça sera fou et on pourra rêver aussi du record de France.
27:55On verra.
27:56On est plein d'humilité là-dedans, mais comme c'était la 1re fois
27:59et tu l'as dit, je suis certain que le 2,42 l'année prochaine,
28:03si les conditions sont réunies, il sera pété.
28:06J'espère.
28:07Merci infiniment. Merci d'avoir été avec nous, Cléa.
28:10Bravo.
28:11Merci pour l'invitation.
28:13Merci à toi. A bientôt.
28:14Je vous remercie à toutes et à tous pour votre fidélité.
28:17Je vous donne rendez-vous avec encore des championnes
28:20particulièrement inspirantes. Salut.
28:26Sous-titrage ST' 501

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