La Victoire est en Elles - Catherine Destivelle

  • il y a 2 mois
Cette semaine, Alexandre Delpérier et Salim Ejnaïni reçoivent la légende de l'alpinisme Catherine Destivelle. A 62 ans, elle est une figure de l'escalade et de l'alpinisme dans le monde. Aujourd'hui éditrice, elle est à la tête des Editions du Mont-Blanc.

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00:00...
00:17-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:20soyez les bienvenus dans votre rendez-vous.
00:23Bienvenue dans La Victoire est en aile avec,
00:25comme toutes les semaines, une invitée
00:28pour le moins exceptionnelle.
00:29Une légende de l'alpinisme et de l'escalade avec nous.
00:33Catherine Destivelle est une pionnière de la grimpe
00:35et une alpiniste reconnue mondialement
00:38pour ses expéditions aux rencontres avec une femme
00:41hors du commun et particulièrement inspirante.
00:43Bonjour.
00:44Je suis ravi de vous accueillir.
00:46Je pense que Salim partage avec moi cette opinion.
00:49Absolument, tout à fait.
00:51Bonsoir, Catherine. Merci de nous faire ce plaisir d'être là.
00:54Pour moi, qui suis un grimpeur du dimanche,
00:57comme il y en a sûrement parmi les personnes qui nous regardent,
01:00ça va être un moment extraordinaire.
01:02Tout cela est vrai,
01:03sinon je pense qu'il est aussi un grimpeur du mardi et du jeudi.
01:07Tu grimpes combien de fois par semaine ?
01:09Non, par semaine, on n'en est pas là.
01:11Peut-être une fois par mois, deux, grand max.
01:14Je m'entraîne beaucoup, mais relativement peu d'escalade.
01:17Ca nous fait plaisir que vous soyez là,
01:19parce que c'est vrai que vous avez été pionnière.
01:22Moi, je me souviens des images, des premières images à la télé,
01:26où j'ai vu vous vieillir, évidemment,
01:28et on découvrait une femme libre,
01:31en totale harmonie avec la nature,
01:33dans des univers incroyables,
01:36et c'était vraiment novateur.
01:38Vous êtes une pionnière.
01:40C'est ce qu'on dit,
01:42mais oui, j'ai commencé l'escalade très jeune
01:47et j'ai pu en vivre jusqu'à aujourd'hui.
01:51Voilà, donc j'ai eu cette chance
01:54de pouvoir pratiquer librement
01:57et de m'entraîner quand je voulais et faire ce que je voulais.
02:01Et d'avoir un palmarès exceptionnel
02:03et d'avoir grimpé les plus belles ou les plus difficiles montagnes.
02:07J'ai besoin de comprendre comment vous êtes arrivée à l'alpinisme.
02:10Vous êtes née en Algérie, à Oran.
02:12Vos parents viennent vite en région parisienne.
02:15Vous êtes sportive, agitée, calme. Vous êtes quel type d'enfant ?
02:19Je suis née en Algérie, c'était un peu un accident.
02:22Je suis restée que trois semaines ou deux semaines.
02:25Mon père était là-bas, en service militaire,
02:28sur un bateau.
02:29Donc votre maman y était aussi.
02:31Elle l'avait rejoint et je suis née.
02:33Ils sont rentrés après le service.
02:36Après, j'ai grandi en région parisienne
02:39et j'ai démarré l'escalade grâce à mes parents, au début,
02:44parce qu'on allait en forêt de Fontainebleau,
02:46on habitait dans une cité au sud de Paris.
02:50Mon père travaillait à Brittany, au CNES.
02:53On n'était pas loin de la forêt.
02:55On a démarré très jeune et à l'âge de 12 ans,
02:58ils m'ont proposé de faire partie d'un club,
03:01soit de choisir une activité sportive.
03:04Ils m'ont proposé l'escalade ou le patin à glace.
03:07J'avais choisi l'escalade.
03:09Pourquoi ? Parce que j'avais vu
03:11que j'avais un certain don déjà en escalade.
03:15C'était plus la liberté que le patin à glace.
03:18C'est quoi, un don à 12 ans ?
03:19Comment on arrive à percevoir qu'on a un don à 12 ans ?
03:22Quand j'allais à Fontainebleau,
03:24je grimpais assez facilement sur les rochers,
03:27sans aucune crainte, et j'étais plutôt agile.
03:31Et je voyais bien les autres qui gramaient un peu plus que moi.
03:35Donc j'ai vu que ça allait pas mal.
03:37J'étais bonne dans tous les sports,
03:39pour être honnête, mais la montagne m'aspirait plus.
03:43J'espérais, avec cette escalade à Fontainebleau,
03:46aller après en montagne.
03:49C'était d'emblée cet espoir d'aller chercher plus loin.
03:52Comment est-ce qu'on fait pour ne pas avoir peur de la hauteur,
03:55du risque, quand on grimpe et qu'on a 12 ans ?
03:58Alors, la peur...
04:01On apprivoise la hauteur.
04:03C'est-à-dire qu'au début, on est un petit peu impressionné.
04:06Et puis, au bout d'un moment,
04:08on s'habitue à être sur un point élevé.
04:11Et du coup, la peur est toujours là,
04:13mais c'est pas une peur qui inhibe.
04:16C'est une peur normale. Heureusement qu'il faut avoir peur,
04:19parce que sinon, on risquerait de prendre des risques.
04:22On prendrait des risques, mais là...
04:24Cet âge-là, c'est pas décordé.
04:26C'est vraiment de l'escalade.
04:28On allait à Fontainebleau et on s'entraînait sur des petits rochers.
04:32Et il y a pas de cordes.
04:34Après, je suis allée en montagne pour mon premier stage de montagne.
04:38J'avais 12 ans.
04:39Et puis après, j'ai rencontré des amis très forts
04:42qui m'ont permis d'aller plus loin,
04:44d'aller dans le Verdon, assez jeune, à 14-15 ans,
04:47et puis dans le Vercors.
04:49Ca va vite derrière.
04:50Ca a été vite. J'ai eu de la chance de rencontrer des gens très forts,
04:54qui étaient plus âgés que moi,
04:56qui m'ont permis d'aller faire des grandes parois
04:59et des voies mythiques, très jeunes, et en réversible.
05:02C'est-à-dire réversible, chacun son tour passe en tête.
05:05C'est-à-dire qu'ils m'ont jamais dit...
05:08T'es la petite, tu restes derrière.
05:10Tu restes derrière. Vas-y, c'est ton tour.
05:13Donc, j'y allais. J'étais un peu appassionnée, mais j'y allais.
05:16Je voulais pas freiner une cordée ou je voulais pas...
05:19J'étais tellement honorée d'être parmi eux
05:22que je faisais ce qu'il fallait pour assurer.
05:24Ils vous ont mis une responsabilité ?
05:26Oui, d'emblée.
05:28D'emblée, j'étais en réversible.
05:30Et du coup, j'ai toujours trouvé naturel
05:32d'être capable de faire comme un garçon.
05:35D'ailleurs, je m'assimilais à un grimpeur lambda.
05:40Y a pas de fille-garçon.
05:42C'était juste... J'étais grimpeur.
05:44Qu'est-ce qu'il faut comme qualité ?
05:46Qualité est assez technique.
05:48Donc, ça veut dire grimper sur les pieds en équilibre
05:52pour économiser de la force.
05:54Parce que si on est...
05:56Avoir de la force dans les pieds ?
05:58Avoir de l'équilibre.
05:59Les filles qui font de la danse et qui démarrent l'escalade
06:03sont souvent plus douées que ceux qui n'ont jamais fait ça.
06:07Elles sentent bien leur corps, elles sont bien posées sur les pieds.
06:11Ce qui est important, c'est de bien poser sur les prises de pieds,
06:14avoir confiance dans les pieds pour économiser le haut du corps.
06:18C'est une répartition.
06:19Et rester pendu par les mains. Sans les pieds, on se fatigue vite.
06:23Donc, il est important de bien poser les pieds dès le départ.
06:27Salim ?
06:28Typiquement, celui qui va grimper en s'accrochant
06:32et en se pendant à ses bras,
06:34il va gaspiller sa force.
06:35Je prends des notes. Parfait. Nickel.
06:38Tu vois tes grosses épaules, ça sert à rien.
06:41Tes grosses épaules et tes cannes de hantons.
06:45Oui, c'est important d'être bien technique.
06:48Ca vient instinctivement ?
06:50Plus on grimpe, plus on acquiert cette technique.
06:53Avant, il n'y avait pas de cours d'escalade.
06:56Maintenant, on apprend à se positionner par rapport aux rochers,
07:00se mettre de profil, avoir des techniques pour éviter de se fatiguer.
07:04Est-ce qu'il faut aller vite ?
07:06Est-ce que c'est un travail de réflexe ?
07:08Vous allez voir ma question.
07:09Aller vite, moi, j'ai toujours été quelqu'un qui grimpait vite,
07:14mais ça évite de se fatiguer aussi.
07:16Je ne pouvais pas rester des heures pendues.
07:19Contrairement à d'autres,
07:21les grimpeurs sont incapables de rester longtemps sur une prise.
07:24J'ai des fibres rapides dans les muscles.
07:26Il faut que ça enchaîne, sinon on appelle ça mûrir.
07:29C'est-à-dire qu'on tient les prises et, boum,
07:32à un moment donné, on tombe.
07:34Donc, il faut aller vite, j'entends, je comprends.
07:37Vous m'expliquiez tout à l'heure en préparant cette émission
07:40qu'il y a un gros travail de concentration.
07:42Comment on arrive à allier concentration, réactivité, rapidité ?
07:47Ah ben, si, ça va avec.
07:50Il faut surtout bien lire le rocher.
07:52La lecture est très importante.
07:54En amont ?
07:55Non, au fur et à mesure.
07:57Imaginez tout de suite le mouvement qu'on va faire.
08:00C'était un peu ma force, de bien lire le rocher pour aller vite.
08:03La lecture est très importante.
08:05Donc, ça veut dire aussi...
08:07Il faut vraiment anticiper comment on va prendre les prises
08:11et comment on va...
08:12Parce que quelqu'un...
08:14Salim, si tu grimpes, tu vas bien voir,
08:16quand on a une prise,
08:18si on ne voit pas la suivante,
08:19on est obligé de bloquer longtemps sur une prise.
08:22Je voulais en venir à toi. Tu fais comment ?
08:24Catherine nous explique que la lecture de la voix est essentielle.
08:28Soit quelqu'un, effectivement, va me donner sa lecture,
08:32soit pas du tout, et quand c'est ça,
08:34je suis obligé d'avoir un double usage de mes mains,
08:36actif et passif, je suis obligé de lire.
08:39En général, les...
08:40De cette manière-là, oui.
08:42Les grimpeurs comme toi sont guidés par derrière.
08:45Il y a un guide derrière qui dit
08:47« Monte ta main à 11h ou à 1h »,
08:50ou... Voilà, c'est pour dire où se trouve la prise.
08:54Catherine, ça va vite.
08:55Vous progressez rapidement, on vous fait confiance.
08:58Vous éclatez dans cette voix-là, sans jeu de mots,
09:02et arrivent les compétitions.
09:04C'est à quel âge, c'est quoi ? Parce qu'on est...
09:06Dans les années quoi ? 75 ?
09:08Les premières compétitions ont eu lieu en 85.
09:11Moi, j'avais déjà 25 ans.
09:13Et du coup, là, on était les premiers.
09:17Ça existait pas avant.
09:18On a hésité tous à y aller,
09:20parce qu'on trouvait que c'était pas adapté.
09:23Adapter, ça veut dire dangereux ?
09:25Non, adapter au spectacle, adapter à être sur une...
09:28Y avait pas de mur artificiel, à l'époque.
09:31Du coup, comment faire pour le spectateur ?
09:33Enfin, ça devenait le cirque.
09:35Et on pensait que c'était pas adapté, quoi.
09:37Et on y a été quand même une fois, deux fois.
09:41Puis après, les murs artificiels sont arrivés,
09:43en disant, bon, c'est quand même plus...
09:45On serait plus propres, en plus,
09:47de faire ça sur une structure qui est modulable.
09:50A cet âge-là, garçons, filles, vous étiez séparées ?
09:52On était déjà séparées.
09:54Et donc, moi, les premières compétitions,
09:56je les ai gagnées.
09:58Ce qui m'a permis, tout de suite,
10:00de pouvoir vivre de ma passion
10:02et d'abandonner mon métier de kiné.
10:04Salim, toi aussi, t'as abandonné ton métier de kiné.
10:07Oui, en plus, pour le sport aussi.
10:09T'sais, comme quoi...
10:10Y a beaucoup de kinés qui sont comme ça, qui...
10:14Moi aussi, je vais beaucoup chez le kiné,
10:16mais c'est parce que j'ai fait le cours en sport.
10:18Y a un petit genou à réparer.
10:20Qu'est-ce que ça fait, de voir naître,
10:23de voir éclore une maturité ?
10:24On parlait de mûrir.
10:25C'est la discipline qui s'est mise à mûrir
10:28en étant à la fois acteur
10:31et spectateur de tout ça, de voir ce spectacle.
10:34Aujourd'hui, je suis plus spectatrice
10:37parce que je fais plus de compétitions.
10:39Par contre, ce que je vois, c'est cette évolution incroyable,
10:42ces murs d'escalade qui se créent partout.
10:44Aujourd'hui, je suis éditrice et je publie des livres techniques.
10:48Je vois qu'il y a un engouement pour progresser en escalade,
10:51comment on s'entraîne...
10:53Vous devez être fière.
10:54Vous devez être fière.
10:56Non, je suis contente...
10:57C'est génial d'avoir été à la fois précurseur,
11:00d'avoir permis de grandir
11:01et même de promouvoir ces disciplines.
11:03C'est exceptionnel.
11:05Oui, j'ai de la chance.
11:06Oui, j'ai de la chance,
11:08mais c'est assez amusant, cette évolution,
11:12et de voir cet engouement pour l'escalade,
11:15toutes ces murs d'escalade qui naissent partout.
11:18À Paris, j'ai vu qu'il y en avait plein.
11:20Les gens viennent là aussi pour pratiquement du fitness.
11:23Ce n'est pas que de l'escalade, mais ils vont pour bouger.
11:26C'est une activité sympa pour bouger,
11:28parce que c'est ludique, on s'amuse, on bouge,
11:32et il y a de l'émotion et de la concentration.
11:35Le fait de se concentrer permet d'oublier le quotidien.
11:38C'est plutôt une activité sympa.
11:40C'est devenu très grand public, effectivement, comme activité.
11:43Quand le sportif moyen lambda
11:47va grimper sur ces murs,
11:49il peut s'imaginer l'autre pendant de l'escalade,
11:53qui va être l'alpinisme, qui a quand même pas mal de différences,
11:57qui est le niveau bien au-dessus, bien plus technique,
12:02et qui apporte aussi un versant qu'on abordera après,
12:05mais c'est le risque qui est là-dedans.
12:09À quel moment est-ce qu'on se pose la question,
12:13dans une performance d'escalade, de se dire,
12:15là, ça devient risqué, là, ça devient dangereux ?
12:18L'escalade en salle n'est pas risquée,
12:20si on observe les règles de sécurité, en fait.
12:25On a un harnais, une corde, il y a un assureur,
12:28tout est fait pour la sécurité.
12:30Il y a moins d'accidents en escalade que dans tous les autres sports.
12:33Par contre, dès qu'on va en montagne, c'est un terrain d'aventure,
12:36et là, il faut déjà connaître l'environnement,
12:40savoir où on met les pieds, les dangers objectifs,
12:42et une fois qu'on est sur la paroi, comment on fait pour s'assurer ?
12:46Est-ce qu'il y a des pitons en place ou pas ?
12:48Du coup, tout est complètement différent.
12:51La montagne, c'est dommage qu'il y ait cette définition.
12:54Il a dit que l'alpinisme, c'est l'art de parcourir les montagnes
12:58en affrontant les plus grands dangers avec la plus grande prudence.
13:01C'est beau, ça.
13:03Du coup, voilà, c'est ce que tu as dit.
13:06C'est un jeu avec, justement, l'être prudent face aux dangers.
13:10On ne peut pas être alpiniste et casse-cou.
13:14Il y en a qui le sont, malheureusement,
13:17mais en principe, un alpiniste,
13:19ce qu'il veut, c'est rentrer à la maison intacte.
13:22Et du coup, il va tout faire pour réfléchir
13:25à comment il va s'y prendre pour éviter de se mettre en risque.
13:29Donc, il va avoir le bon matériel, il va avoir une tactique aussi.
13:32Est-ce que je ne devrais pas faire ça à telle saison plutôt qu'une autre ?
13:36Il va tout étudier, la technique, tout.
13:41Et mener une enquête aussi,
13:43est-ce que certains alpinistes ont été à cet endroit récemment ?
13:47Comment c'est, le terrain ?
13:49Avec le réchauffement, il y a beaucoup de parois qui bougent.
13:52C'est bien beau, mais vous avez ouvert un nombre de voies incroyables.
13:56J'en ai fait, mais...
13:57Là, il n'y a pas de repère.
13:59Il n'y a pas de repère, mais on connaît les parois,
14:01on les a vues en photo, on les a...
14:04Super.
14:05Oui, c'est déjà pas mal.
14:06Rires
14:07Mais j'imagine...
14:08Alors, donnez-moi des parois que vous avez ouvertes
14:12et leur altitude.
14:14Après, je vous pose une question sur les photos.
14:16Non, celle qui est plus connue, c'était les Drus que j'ai faites,
14:20mais l'altitude n'a pas d'importance, c'est la hauteur de la paroi.
14:23Les Drus, c'est quoi ?
14:25Pardon ?
14:261 000 m.
14:27Vous aviez vu combien de photos ?
14:29J'avais les Drus tous les jours devant la maison.
14:32Oui, enfin bon.
14:33Non, mais les photos, on va voir dans les...
14:35C'est du granit, je connais le granit,
14:37de Chamonix, du massif du Mont-Blanc, donc ça...
14:41Par contre, quand on va en pays lointain,
14:43genre en Himalaya, là, on n'a pas forcément les photos,
14:46mais on a une idée, quand même, de ce qu'on va trouver
14:49et on prend souvent des voies logiques aussi.
14:51On va pas se mettre dans les trucs complètement lisses.
14:54Et puis, on a une idée aussi, quand c'est du granit,
14:57en général, c'est du bon rocher.
14:59Après, on peut...
15:00Ca ne peut pas décrocher ?
15:01Parfois, ça décroche, mais avec l'enchauffement,
15:04en ce moment, c'est assez problématique.
15:06Il y a des parois qui peuvent s'ébouler.
15:08La voie que j'ai ouverte dans les Drus,
15:10elle est tombée, il n'y a plus rien.
15:12Donc, c'est vrai qu'il faut bien réfléchir
15:16de l'endroit où on va aller
15:19et ouvrir ou répéter une voie.
15:22Même les voies qui ont déjà été tracées,
15:24on les répète, mais parfois,
15:26il faut savoir si la paroi est encore solide ou pas,
15:29en ce moment.
15:30Salim ?
15:32Donc, il y a une forme, j'allais dire,
15:35de partage entre les grimpeurs ?
15:37Oui.
15:38Il y a des échanges, bien sûr.
15:40Vous donnez tous vos astuces ?
15:42On échange.
15:43Après, on peut lire aussi des livres sur...
15:47Il y a des gens, des récits qui existent.
15:49J'en ai publié pas mal.
15:50C'est intéressant quand il y a un récit
15:53sur le Pakistan,
15:54au fin fond du massif du Baltoro.
15:57Le gars, il décrit comment on sait, etc.
16:01C'est intéressant.
16:02Il y a plein de...
16:03Les récits font partie aussi
16:05de l'enquête.
16:07Vous êtes une pionnière,
16:09vous êtes pour moi une héroïne,
16:11parce qu'aussi,
16:14vous avez pris des voies en solo.
16:17Quel est le terme exact de total solo ?
16:19Sans cordes, à mains nues ?
16:21À une époque, on disait à mains nues,
16:23ça voulait dire sans assurance aucune.
16:27Il faut faire la part des choses
16:29entre solo, sans cordes et solitaire.
16:31On peut grimper en solitaire en étant assuré.
16:34Le solo, c'est sans rien.
16:35J'ai fait les deux.
16:36Et...
16:38Et le solo, en quoi c'est le pied total,
16:40le kiff total ?
16:41Le kiff total,
16:43c'est que quand on le fait,
16:44on se sent bien, qu'on a de la marge.
16:47C'est comme ça que je l'ai vécu.
16:49Je voulais absolument
16:50ne prendre aucun risque
16:52et donc me faire plaisir.
16:54Avoir de la marge
16:56et me sentir invulnérable.
16:58Ca doit avoir de la marge.
17:00C'est comme si pour quelqu'un qui ne grimpe pas,
17:03il imaginait grimper
17:05une échelle sans cordes,
17:06mais longue échelle.
17:08C'est ça, la marge.
17:09Quand vous faites du solo,
17:11c'est pour vous quelque chose
17:13qui est accessible.
17:14Facile, non.
17:15Accessible.
17:16Par contre,
17:17il y a des gens
17:18qui en engagent un peu plus que moi.
17:21Moi, j'ai fait des choses
17:23en cotation.
17:24A l'époque,
17:25j'avais trois niveaux au-dessus
17:27du niveau que je grimpais en solo.
17:30Je pouvais me le permettre,
17:31mais aujourd'hui,
17:32il y a des grimpeurs
17:34qui engagent un peu plus
17:35et font des choses limites
17:37par rapport à leur niveau.
17:38Je n'ai jamais aimé faire ça.
17:40J'ai une question d'un novice que je suis.
17:42On ne peut pas faire marche arrière.
17:45On ne peut pas redescendre.
17:46C'est plus difficile.
17:48Si on se dit que c'est compliqué,
17:50tant pis, il faut y aller.
17:51C'est plus difficile,
17:52mais on ne se dit pas ça.
17:54Si on se lance dedans,
17:55c'est qu'on est sûrs
17:56d'y arriver.
17:58Il n'y a pas beaucoup d'accidents
18:00de gens qui partent en solo
18:01et qui se retrouvent dans une impasse.
18:03La démarche, il faut la faire.
18:05C'est un tout...
18:06S'ils font demi-tour, en général,
18:08c'est à 5 m du sol,
18:09mais pas après.
18:11S'ils se lancent dedans,
18:12ça veut dire qu'ils ont le niveau.
18:14Comment vous gardez la maîtrise
18:16de vos pensées, de vous-même,
18:18quand vous êtes sur un solo intégral,
18:20sur une paroi, sans assurance,
18:22sans rien ?
18:23Il y a peut-être un doute
18:24à la lecture de la paroi ?
18:26Non, il n'y a pas de doute.
18:28C'est juste qu'on est conscients
18:29et qu'on est complètement concentrés.
18:31Quand je dis qu'il y a de la marge,
18:33c'est ça qui est plaisant.
18:35C'est agréable.
18:36Il n'y a pas de...
18:37Il n'y a pas de doute
18:39et ça enchaîne vite.
18:40Il y a une phrase que je trouve
18:42exceptionnelle, en même temps,
18:44elle mérite explication.
18:45Vous avez déclaré,
18:46dans un de vos films,
18:48j'ai confiance en moi,
18:49mais pas en les cordes.
18:50Rires
18:52Alors là, il va falloir m'expliquer.
18:55Ouais, je pensais,
18:56quand je parlais de ça,
18:57c'était de parler de...
18:59des parapentes
19:00ou des trucs comme ça
19:02où on se retrouve pendu
19:03à des pixels.
19:04Et ça, j'avoue que j'aime pas trop.
19:06Rires
19:08Ça, c'est incroyable.
19:09Rires
19:10Et du coup, voilà,
19:13j'ai plus confiance dans...
19:17Ma lecture, mon approche.
19:19Je connais mon physique,
19:20je sais où je vais.
19:21Après, si on est pendu
19:23à du matériel,
19:24on peut mettre en doute le...
19:26On pourrait se poser des questions
19:28à ce que c'est assez solide.
19:29Ce qui est d'autant plus dingue,
19:31quand on connaît le nom
19:33de la corde inférieure
19:34de l'assureur,
19:36qu'on appelle la corde de vie,
19:37celle qui est en dessous,
19:39qu'on ne dit jamais lâchée.
19:40On appelle ça la corde d'assurance.
19:42On m'a toujours dit
19:44la corde de vie.
19:45Pour les enfants.
19:46Pour t'arrêter les conneries.
19:48Je crois que c'est ça.
19:49C'est celle qu'il ne faut pas lâcher.
19:51C'est celle du bas.
19:52C'est l'assureur qui ne doit pas lâcher
19:54la corde du bas.
19:56On grimpe et s'il la lâche,
19:57si on tombe, on part...
19:59Voilà.
20:00Votre trois plus belles expéditions
20:02en montagne, en alpinisme,
20:03c'est quoi ?
20:05Le top du top.
20:06Est-ce qu'il y en a une qui se dégage ?
20:08A chaque fois, c'est différent.
20:10A chaque fois, on a...
20:11C'est...
20:12Elles sont toutes belles.
20:14Après, celles qui sont symboliquement
20:16plus... qui m'ont fait plaisir,
20:18je pourrais dire qu'il y a la Haiger.
20:20La Fasnord Haiger.
20:21C'est où ?
20:22C'est en Suisse.
20:23C'est une paroi
20:24qui a la plus haute d'Europe
20:26en dénivelé
20:27et qui était, pour moi,
20:30un passage à devenir
20:32une vraie alpiniste.
20:33Avant, j'estimais que je faisais
20:35que du rocher. Quand j'ai fait ça,
20:37je me suis dit...
20:38A quel âge ?
20:39C'était assez tard. J'avais 32.
20:42Vous vous êtes dit quoi ?
20:43Que j'étais contente de devenir
20:45une vraie alpiniste.
20:46On me disait que j'étais alpiniste,
20:48mais j'étais pas vraiment
20:50alpiniste dans ma tête.
20:51J'estimais que j'avais pas fait
20:53les parois mixtes.
20:54Mixte, ça veut dire
20:55avec du rocher, de la glace,
20:57la neige, tout ensemble.
20:58La Fasnord Haiger
20:59est une paroi mythique.
21:01C'était le dernier problème
21:02des Alpes, en fait,
21:04qui a été gravi en 1938.
21:05Et du coup,
21:06qui a fait couler
21:08beaucoup d'encre aussi,
21:09parce que, jusque dans les années 60,
21:11on disait que 50 % des alpinistes
21:13qui tentaient la Fas se tuaient
21:15à cause des chutes de pierres,
21:17à cause des mauvais temps.
21:18Et du coup, c'est la paroi
21:20qui faisait peur.
21:21Mais rien ne s'est passé.
21:23Mais rien ne fait peur à Catherine.
21:25Non, bah si, je l'ai préparée.
21:27Après, je l'ai faite en hiver,
21:29parce que je voulais justement
21:30pas prendre de risques.
21:32Donc j'ai fait ça en hiver,
21:33quand tout est bien gelé.
21:35Quand c'est gelé,
21:36y a pas de chute de pierres.
21:38Les pierres sont prises
21:39dans la glace.
21:41Y a pas de chute de glace non plus ?
21:43Non, ou très peu,
21:44mais c'est de la glace très fine.
21:46Et puis...
21:47Voilà.
21:48Donc j'ai choisi la tactique
21:50de faire peut-être un peu
21:51plus difficile,
21:52mais beaucoup moins dangereux.
21:54Ca, c'est dans les cas
21:56où tout fonctionne bien.
21:57Malheureusement, il y a aussi
21:59des cas où ça marche pas.
22:00Et vous avez notamment vécu
22:02des accidents assez impressionnants.
22:04Alors déjà,
22:05qu'est-ce que vous pouvez nous en dire ?
22:08Notamment, une fois,
22:09y a eu une fracture du bassin,
22:11de la colonne vertébrale.
22:12Ouais, alors à chaque fois,
22:14c'était lié à des erreurs,
22:15de ma part.
22:16Un peu de surexcitation,
22:18de précipitation,
22:19d'overdose de confiance.
22:21Et la crevasse...
22:24J'ai juste...
22:26Je me suis dit...
22:27J'ai oublié que je marchais
22:28sur un glacier.
22:30Du coup, je m'étais pas encordée
22:32et je suis tombée dans un trou.
22:33J'ai effectivement 35 m de chute
22:35et je me suis fracturé le bassin
22:37et la colonne vertébrale.
22:39Mais j'ai regrimpé un mois après.
22:41Un mois après.
22:42Bassin, c'est trois semaines.
22:44Consolidation.
22:45Ouais, ouais, ouais.
22:46Le kiné devra le savoir.
22:48Ouais, ouais, ouais.
22:49Et le dos, il l'avait pas vu
22:51à l'hôpital.
22:52Je me suis remusclée.
22:53Je me suis remusclée
22:55et je me suis entraînée
22:56pour, justement, bien remuscler
22:58le dos et...
22:5935 m de chute ?
23:00C'est l'eau.
23:01J'ai eu de la chance de pas me tuer.
23:04Comment vous vous en sortez ?
23:05Je m'en suis sortie pas mal.
23:07J'étais en forme, j'étais jeune.
23:09Après, la...
23:1035 m comme ça ?
23:11Non, non.
23:13J'ai rebondi sur une arête de rochers
23:15à l'intérieur.
23:16En fait,
23:17j'étais dans une rimée.
23:19C'est pas vraiment...
23:20C'est le trou qu'il y a
23:22entre la paroi rocheuse et le glacier.
23:24D'accord.
23:25Donc, il y avait un bout de rocher
23:28qui a dû freiner et faire en sorte
23:30que je...
23:31Il y avait d'autres personnes ?
23:33J'étais avec un copain
23:34et malheureusement,
23:35je suis tombée avec les cordes
23:37dans le sac.
23:38Du coup, il a dû appeler une cordée
23:41qui était pas trop loin, heureusement,
23:43et puis il a appelé les secours
23:45et les secours sont venus.
23:47Ils allaient chercher
23:48quelqu'un qui était en plein soleil
23:50avec une épaule un peu en vrac,
23:52mais moi, c'était plus grave.
23:54Du coup, ils sont venus directement sur moi.
23:57Ils étaient pas loin.
23:58Une autre chute, on va les faire les deux.
24:0120 m en Antarctique, la fracture ouverte,
24:03longue attente.
24:04Là, c'était plus compliqué
24:06car l'Antarctique, c'est un continent
24:08où il n'y a personne, il n'y a pas de secours.
24:11Du coup, là aussi, c'était de ma faute.
24:13J'étais au sommet, je faisais des photos
24:16et j'ai perdu l'équilibre.
24:18Un truc idiot.
24:19C'est aussi couillant que les gens
24:21qui font des selfies et qui tombent.
24:23Voilà, pareil.
24:24Pareil.
24:25Et du coup, j'ai atterri 20 m en dessous
24:29avec fracture ouverte de jambe
24:32en Antarctique.
24:33Il faisait moins 30 à 4 200 m d'altitude
24:37et sans secours.
24:39Donc, il a fallu... On n'était que deux.
24:41Il a fallu redescendre toute la paroi.
24:44On a mis 16 heures.
24:45Et après, il a fallu attendre
24:48trois jours, quatre jours, presque,
24:50qu'un avion, un petit avion,
24:52puisse venir nous chercher.
24:54Beaucoup de douleur ?
24:55Au moins, la douleur...
24:57Ou le froid aide ?
24:59Non, non.
25:00C'est le fait qu'on a envie de s'en sortir
25:03qui aide.
25:04La douleur, le froid...
25:05Il fait froid, mais c'est un froid sec,
25:07donc c'est assez supportable.
25:09Et puis...
25:10On est aidés par le...
25:12Par le fait qu'on a envie de s'en sortir.
25:15La douleur, elle vient après.
25:16Après, une fois à l'hôpital,
25:18je ne supportais pas une piqûre.
25:20Rires
25:22Et donc, là, tout à l'heure,
25:23on avait eu le bassin, c'était trois semaines.
25:26Vous avez remarqué combien de temps après ?
25:28C'est plus long. J'ai eu une plaque.
25:30Le chirurgien... Je me suis fait opérer au Chili.
25:33Je voulais pas me balader avec une fracture ouverte.
25:36J'ai préféré me faire opérer au Chili.
25:38Une fracture de jambe, c'est banal.
25:40Et du coup...
25:41Au Chili, ils m'ont bien réparée.
25:43Mais il a choisi de mettre une plaque
25:45pour pas m'abîmer le genou.
25:47Et du coup, c'était un peu long.
25:49Trois, quatre mois, j'ai dû s'en poser, quoi.
25:52Vous avez toujours la plaque ?
25:54Non, j'ai enlevé.
25:55Vous l'avez gardée ? Une plaque chilienne, c'est classe.
25:58Rires
25:59La suite, Catherine, c'est donc les éditions.
26:02Oui.
26:03C'est vous qui avez eu envie de montrer,
26:06raconter, ouvrir l'histoire de la montagne.
26:09Oui, oui.
26:10C'était pas écrit que je devienne éditrice.
26:12C'est un peu le hasard de rencontres, etc.
26:15Et puis, j'ai vu que ça me plaisait, le livre.
26:18Et donc, ça fait huit ans ou neuf ans que je ne fais que ça.
26:21Menteuse, vous grimpez, vous vous baladez quand même.
26:24Oui, un petit peu.
26:25Vous étiez où, au mois de janvier ?
26:27Je suis en expé, mais...
26:30En expé où ? En expé où ?
26:31Porte de Saint-Cloud ? Vous étiez où ?
26:33Non, j'étais en Antarctique.
26:35En Antarctique ! Ah, ben voilà !
26:37Mais l'édition, c'est une passion.
26:41C'est une passion.
26:43J'ai créé cinq collections, des livres pour enfants,
26:47parce qu'il n'y a pas de livres qui expliquent les activités
26:50qu'on peut faire en montagne.
26:51Il y a l'escalade, l'alpinisme, c'est la collection que tu connais.
26:55La spéléo, tu connais, les cristaux des montagnes, tu connais,
26:59c'est le prochain qui va sortir, le ski, tu connais.
27:02Et puis, des récits qui sont très inspirants
27:05pour n'importe qui, en fait.
27:08Et puis, des beaux livres et des thrillers, aussi.
27:13Les éditions du Mont-Blanc.
27:15Merci, oui. Les éditions du Mont-Blanc.
27:18En 2020, vous recevez le Piolet d'or pour votre carrière.
27:22C'est la première fois qu'une femme reçoit ou a reçu ce prix.
27:25C'est très honoré.
27:27J'imagine.
27:28Oui, mais je ne m'attendais pas à ça.
27:30D'abord, un, une femme.
27:31Oui, mais je ne m'attendais pas trop à ça,
27:34parce que, malgré tout, j'ai fait pas mal de montagnes,
27:37mais j'ai estimé que par rapport au nom
27:40qui avait été nommé précédemment,
27:43j'avais l'impression de ne pas leur arriver à la cheville.
27:46Mais bon, je l'ai accepté avec plaisir.
27:50Beaucoup d'humilité. Salim.
27:52Qu'est-ce que vous avez comme regard aujourd'hui ?
27:55Quel regard vous portez sur ce qu'est devenue la discipline ?
27:58Vous l'avez vue naître, quasiment, évoluer très fort, très vite,
28:02beaucoup changer.
28:03Qu'est-ce qu'elle est devenue ?
28:05Qu'est-ce qu'elle est devenue ?
28:08Si on parle d'escalade,
28:10ça y est, c'est les Jeux olympiques, etc.
28:13Ça, c'est très bien.
28:14La montagne, ça est devenu...
28:17Les jeunes trouvent...
28:19Toutes les générations trouvent leur façon de s'exprimer.
28:22Et aujourd'hui,
28:24c'est ceux qui s'expriment le plus et presque le mieux,
28:28c'est les expéditions lointaines,
28:31dans des endroits peu visités,
28:33où les gars grimpent en style alpin,
28:36où les filles, les alpinistes grimpent en style alpin.
28:39Style alpin, ça veut dire ne pas être...
28:42Grimper uniquement comme si on était dans les Alpes.
28:45Pas de corde fixe, pas de porteur, on est tout seul,
28:49comme si on était dans les Alpes.
28:51Une expédition légère qui respecte la nature, en fait.
28:55Et qui...
28:56Donc ça, c'est ce qu'on privilégie pour juger nos pères.
29:00Tous les ans, il y a des remises de piole et d'or
29:03qui récompensent le meilleur alpiniste de l'année
29:06ou les meilleurs alpinistes de l'année,
29:09ou la meilleure ascension.
29:10Et à chaque fois, on juge comment elle s'y est prise.
29:14Donc c'est minimum de matériel
29:18et minimum de temps, etc.
29:20Depuis 2020, l'escalade est olympique.
29:23Il y aura à Paris en 2024, ce sera au Bourget.
29:26C'est quoi pour vous, ça ?
29:29Ah ben, c'est intéressant et du coup...
29:32Justement, là, avec les éditions des Arènes,
29:35j'ai fait une coédition sur...
29:37Il était une fois l'escalade.
29:39C'est toute l'histoire de l'escalade en BD.
29:42Mais c'est...
29:43Qui aurait pu imaginer ça, qu'on fasse une BD là-dessus ?
29:47C'est incroyable, quoi, parce que...
29:50Il y a des gens comme vous qui poussent derrière.
29:53Oui, OK, on a poussé, on a été...
29:55Au début, on a mis au point les règlements aussi.
30:00Parce que ça a beaucoup évolué, ces règlements.
30:02Au début, c'était difficile.
30:04On a payé les pots cassés, comme on dit.
30:07Mais c'était intéressant.
30:09Et là, ce que je vois, c'est que les nouveaux grimpeurs s'éclatent.
30:13C'est une vraie...
30:15C'est le quatrième sport scolaire, l'escalade, maintenant.
30:18Et du coup, c'est...
30:20Ça veut dire que c'est une bonne activité.
30:24Je suis fasciné par tout ce que vous avez fait.
30:26Ce côté pionnier dans des sports d'aventure comme ça,
30:29je trouve ça incroyable.
30:31Vous avez perdu beaucoup d'amis ?
30:33Malheureusement, oui, la montagne.
30:35Pas l'escalade, hein. L'escalade, c'est pas dangereux.
30:38Mais la montagne, oui, malheureusement.
30:42Comment vous viviez ça ?
30:44Comment on le vit ? On s'habitue pas.
30:47C'est ce qu'on peut dire.
30:48Moi, j'habite dans la vallée de Chamonix.
30:51Et donc, là, c'est vrai qu'on...
30:54A chaque fois, on dit,
30:55mais elle est terrible, cette vallée.
30:58Parce qu'il y a beaucoup de...
31:00Mais que ce soit dans le massif de Loisan,
31:02où on est tous confrontés au décès d'amis proches
31:06et souvent des trucs stupides.
31:09C'est souvent stupide.
31:11Vous disiez, les deux accidents, vous auriez pu les éviter.
31:14Et souvent, c'est pas forcément pendant l'action difficile,
31:18c'est souvent un truc idiot.
31:20Manque de concentration.
31:21Manque de baisser la garde.
31:23Une dernière question qui n'a rien à voir avec la précédente.
31:26Vous aimeriez avoir de nouveau 25 ou 30 ans et refaire des trucs ?
31:32Je sais pas.
31:33Non, je me suis jamais posé cette question-là.
31:37Non, pas forcément.
31:39Je me dis que le terrain de jeu est infini.
31:42Bah oui.
31:43On n'a pas eu une frustration ?
31:45Non, mais je peux pas tout faire.
31:47Et puis, comme je l'ai dit, je le grimpe moins,
31:49mais je fais autre chose.
31:51J'aurais jamais pu grimper toute ma vie.
31:53C'est pour ça que je vous dis que vous aimeriez avoir de nouveau 35 ans.
31:57Un truc qui n'arrive pas.
31:59C'est qu'à un moment donné, on a envie d'autre chose.
32:02Moi, j'ai souvent fait par période.
32:04Un coup, c'est les compètes pendant 4-5 ans,
32:07après, j'ai fait de la montagne.
32:08L'édition, j'aime bien varier.
32:12Et c'est plus... Enfin, c'est assez riche.
32:15Puis on peut pas être au top tout le temps.
32:18Du coup...
32:19On est au top sur autre chose.
32:21On fait autre chose, on se diversifie,
32:23et puis on essaye de créer autre chose.
32:26Enfin, ouais, c'est...
32:28J'ai une dernière question. Je peux vous envoyer, Salim ?
32:31Ils ont des bonnes idées.
32:34Je le connais, je sais qu'il devait se dire
32:36qu'il allait poser cette question.
32:40Avec plaisir.
32:41Salim, tu veux y aller ou pas ?
32:43Moi, je serai, évidemment...
32:45Voilà. Allez, on y est.
32:46Je serai meilleur.
32:48Merci infiniment d'avoir été avec nous.
32:50Merci à vous tous.
32:51Merci beaucoup pour ce partage.
32:53Merci, Salim, et merci à vous pour votre fidélité.
32:56Salut.

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