• il y a 6 mois
Cette semaine, Alexandre Delpérier et Salim Ejnaïni reçoivent Anne-Cécile Ciofani, vice-championne olympique de rugby à VII. Elue meilleure joueuse du monde en 2021, la Française compte bien revenir au plus haut niveau pour les jeux olympiques de Paris en 2024.

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Sport
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00:00...
00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:21soyez les bienvenus dans votre rendez-vous d'aider
00:24aux femmes dans le sport.
00:25Bienvenue dans La victoire est en elles.
00:27Avec mon ami Salim, nous accueillons aujourd'hui
00:30encore une championne exceptionnelle.
00:32Elue meilleure joueuse au monde de rugby à 7 en 2021,
00:37Anne-Cécile Siofani, 29 ans, est déjà une référence
00:40dans son sport, vice-championne olympique
00:42avec l'équipe de France, vice-championne du monde.
00:45Elle n'a pas fini d'écrire l'histoire du rugby français.
00:48Rencontre avec une championne exceptionnelle.
00:50Salut, mon ami Salim.
00:52Bonsoir, Alexandre et bonsoir, Anne-Cécile.
00:54Merci d'être parmi nous.
00:55Bonsoir à vous, merci beaucoup.
00:57Anne-Cécile, tu es...
00:59J'ai envie de dire à la maison.
01:01Explique-nous d'abord où tu es et est-ce que c'est la maison aussi ?
01:05Oui, c'est un peu ma deuxième maison.
01:07Je suis au Centre national de rugby,
01:10là où on s'entraîne,
01:12et je reste sur place pendant qu'on a nos regroupements.
01:16C'est un peu ma deuxième maison.
01:18Je pense que je passe plus de temps ici que chez moi.
01:20Ici, c'est à Marc aussi.
01:23C'est ça.
01:24Alors, Anne-Cécile, on le disait, tu n'as pas encore 30 ans.
01:27Tu as eu l'opportunité d'intégrer le fameux Team EDF
01:30aux côtés des plus grands athlètes français.
01:32On disait tout à l'heure, élue meilleure joueuse au monde.
01:37Ce n'est pas que ça pète, c'est que c'est mieux que ça.
01:39On voit tout le tralala et tout le tam-tam que ça a fait
01:44avec Antoine Dupont, et c'est amplement mérité.
01:46Mais ça l'est autant pour toi.
01:47Être élue meilleure joueuse au monde, ça représente quoi ?
01:52C'est une belle avancée, finalement,
01:56parce que c'est déjà une mise en valeur énorme
01:59du rugby au féminin.
02:01Pour la première fois, on a détrôné toutes les nations
02:05qui prenaient un peu le rugby, le monde du rugby féminin.
02:08C'était notamment la Nouvelle-Zélande
02:11et les Australiennes qui, d'année en année,
02:13s'échangeaient ce titre-là.
02:15Donc là, c'est une très belle vitrine, en tout cas,
02:18et une très belle avancée pour le rugby français
02:20et pour toutes mes coéquipières, pour tout le travail.
02:23C'est vraiment une...
02:26Comment dire ? C'est presque le point final, on va dire.
02:29Attends, attends, attends, Anne-Cécile.
02:31J'aime beaucoup ton humilité, c'est l'équipe, c'est machin, tout ça.
02:35Moi, je parle de la femme, toi,
02:38qui étais élue meilleure joueuse au monde.
02:40Alors évidemment, c'est aussi grâce à tes camarades,
02:43j'en ai pleinement conscience.
02:44Mais moi, ce que je veux, c'est que tu me dises,
02:45toi, mentalement, psychologiquement,
02:47waouh, ça change quoi ?
02:51Mentalement, voilà, j'ai peut-être franchi un cap à ce moment-là
02:53où je me suis dit que, OK, je fais partie d'un collectif,
02:57mais même si chaque individu est important,
03:00je suis peut-être un élément déterminant, finalement.
03:04La réflexion que je n'aurais jamais eue avant,
03:08là, je me suis dit, ce n'est pas seulement au sein de mon équipe
03:10où on se rend compte du travail qui a été accompli,
03:13c'est vraiment au niveau mondial,
03:14et c'est une grande fierté, justement, d'avoir eu ce titre-là,
03:17autant pour les filles que pour moi, bien évidemment.
03:19Salim.
03:20C'est formidable de te dire
03:23que tu atteins ce niveau de consécration.
03:26C'est un point final à beaucoup de choses,
03:28enfin, un point final, disons, en point d'orgue,
03:31à beaucoup de choses, et c'est aussi un point de début.
03:33Ça t'encourage à quoi, d'obtenir une consécration comme celle-là
03:36pour la suite, pour les années qui suivent ?
03:39Alors, forcément, ça me...
03:42Comment dire ?
03:43Ça me pousse à être d'autant plus exigeante avec moi,
03:46parce qu'effectivement, quand on reçoit un prix comme celui-ci,
03:49on est forcément attendu au tournant
03:52par les autres équipes, bien sûr,
03:54et il faut être capable de répondre sans perdre non plus ses moyens.
03:58Voilà, c'est une pression aussi un petit peu supplémentaire
04:02qu'on doit gérer,
04:04mais j'avoue que sur le terrain, on oublie complètement cette pression-là,
04:07mais à côté, effectivement, c'est quand même une rigueur à avoir
04:11et à tenir pour être à la hauteur de ce titre-là
04:15et chercher encore à le décrocher,
04:18pourquoi pas une autre fois.
04:20Mais c'est aussi la même rigueur qui t'a permis d'arriver déjà à ce sommet.
04:24T'es quand même issue d'une...
04:25T'as des bons gènes, t'es issue d'une bonne famille de sportifs.
04:28Ton papa, Walter Sciofani, qui faisait du lancé du marteau,
04:32a terminé 7e au JO de Los Angeles en 84.
04:35Ta maman, Jeanne, faisait du lancé du disque et du poêle,
04:37a participé au JO de Séoul en 88.
04:42Tes sœurs font du lancé du marteau.
04:44Bref, c'est quand même une sacrée histoire de famille, le sport.
04:47T'as commencé quelle discipline et à quel âge ?
04:50Et est-ce que t'as toujours eu cet appétit-là pour le dépassement de soi ?
04:55Alors, j'ai commencé par l'athlétisme.
04:58Donc, effectivement, avec mes deux parents,
05:00qui étaient sportifs de haut niveau dans cette discipline,
05:02j'ai naturellement démarré par ça.
05:07Et le dépassement de soi, finalement, c'est au fur et à mesure des années.
05:10Au début, on commence l'athlé, c'est tout sympa,
05:13c'est le développement physique.
05:16On apprend à mouvoir son corps dans l'espace, la motricité, etc.
05:19Et au fur et à mesure des années, on se rend compte que, finalement,
05:22c'est pas trop mal, les week-ends avec les copains, les copines,
05:25à droite, à gauche, les compétitions, on prend un petit peu goût à tout ça.
05:29Après, j'avais mon père qui était énormément derrière moi aussi,
05:33qui me poussait à toujours faire plus que les autres.
05:38Quand on avait des dimanches de livres à la maison,
05:41c'était sur le terrain qu'on les passait.
05:43Donc, finalement, je me suis un peu laissée entraîner par mon père
05:49qui avait cet objectif-là pour moi d'être la meilleure.
05:52Et j'ai grandi avec ça, donc en fait, c'est assez,
05:57je ne vais pas dire naturel parce que ça ne l'est pas forcément,
06:01mais c'est venu naturellement en tout cas.
06:04Salim.
06:05Et du coup, qu'est-ce que ça t'a donné comme appétence
06:11pour l'excellence, peut-être, pour la volonté de faire bien, de faire mieux ?
06:16À quel moment tu sens que tu as mordu là-dedans ?
06:22Je pense que c'est quand j'ai basculé au rugby après ma première Coupe du monde.
06:26Je pense que ça a vraiment été à ce moment-là.
06:28En fait, en athlée, j'ai passé quasiment toute ma carrière
06:32un petit peu dans l'ombre de mon père, on va dire.
06:36C'était, c'est la fille 2, donc forcément, elle est forte,
06:38c'est la fille 2, elle va réussir.
06:41J'étais beaucoup la fille 2 partout où j'allais sur les terrains d'athlées.
06:44Et en fait, au rugby, j'ai découvert complètement autre chose,
06:47je n'étais plus le centre d'attention d'un seul entraîneur,
06:50c'était le collectif qui était au centre vraiment du projet sportif.
06:54Et là, c'est les oeillères un peu qui s'ouvrent complètement
06:57et on se dit, waouh, je ne suis pas seule,
06:59tu réussis pour toi, tu réussis pour le collectif
07:01et les objectifs deviennent un peu plus...
07:05Ils ne sont pas différents, mais le chemin en tout cas
07:08pour atteindre ces objectifs-là est complètement différent
07:11et c'est ça, c'est ce que j'aime.
07:13Et c'est vraiment, je pense que là, à partir de la Coupe du monde de rugby,
07:16où je me suis dit, là, tu peux faire quelque chose de grand.
07:18Parce qu'Anne-Cécile, avec ton papa, c'était l'heptathlon, l'athlétisme.
07:21C'est ça.
07:22Tu découvres le rugby hyper tard, tu fais Staps, t'es étudiante.
07:25Rappelle-nous à quel âge, et enfin, déjà, rappelle-nous l'âge
07:29et parfois, m'expliquer ce qui se passe dans ta tête
07:31pour si vite devenir si forte.
07:34J'ai commencé à 18 ans, en fait, donc en première année de Staps.
07:39J'ai un professeur qui avait la réputation
07:42de repérer un petit peu les meilleurs dans chaque discipline
07:45et effectivement, j'avais cette aptitude à savoir courir très, très vite.
07:50Et le rugby était dans le tronc commun, c'est-à-dire qu'on n'avait pas le choix.
07:53C'était une matière de la première année.
07:57Et au fur et à mesure, le professeur ne me lâchait pas.
08:01Allez, viens, essaye.
08:02Moi, enfin, complètement effrayée parce que je ne connaissais pas le rugby.
08:06En athlète, c'est chacun dans son couloir.
08:07Personne ne se marche dessus et voilà, chacun son tout.
08:12Et au rugby, on se retrouve toutes ensemble à jouer autour d'un ballon,
08:15à se rentrer dedans.
08:16Moi, je ne voyais pas l'intérêt de passer d'un extrême à l'autre.
08:20Et en équipe.
08:22Et finalement, je me suis un petit peu... Et en équipe surtout, voilà, c'est ça.
08:24Et je me suis laissée entraîner.
08:26Je me suis dit, pourquoi pas, au moins en universitaire, commencer par là.
08:30Finalement, j'ai eu la chance de faire la Coupe du monde universitaire aussi.
08:33Donc finalement, très rapidement, j'ai pris goût aussi au sport de haut niveau.
08:36Attends, tu oublies quand même un truc, quoi.
08:39Explique-moi les premières fois, quand tu mets les crampons,
08:42que tu prends un autobus dans l'épaule,
08:44que tu vas plaquer ou qu'on va te plaquer.
08:46Explique-nous ça, parce que là, on parle d'autre chose.
08:50C'est un sport de contact, le rugby.
08:52C'est vrai, complètement.
08:53En fait, il y avait tout un apprentissage en accéléré à faire.
08:56Donc les passes, les plaquages, faire tomber sans se faire mal,
09:00savoir tomber sans se faire mal.
09:02En fait, les premières fois, ça a été super compliqué.
09:07Moi, je n'aimais pas tomber, je n'aimais pas faire tomber.
09:10Moi, je voulais juste courir et marquer.
09:12C'était...
09:16Ça a été un apprentissage en accéléré très long.
09:19On a passé pas mal de temps aussi au dojo
09:22à faire des éducatifs de plaquage.
09:25Franchement, ce n'était pas forcément une partie de plaisir.
09:27Il y a eu des bobos ?
09:28Il y a eu des bobos, parce que qui dit contact, dit choc musculaire.
09:32Où on se...
09:34Non, pas du tout.
09:35Au début, non, aucun bobo, à part des bleus, forcément.
09:40Mais pas de gros bobos au début.
09:43C'est peut-être aussi lié à mon style de jeu.
09:46J'ai vite appris à plaquer, du coup.
09:48Mais comme je ne voulais pas trop, j'arrive à esquiver un petit peu.
09:53Mais voilà, ça a été ce professeur qui a pris le temps,
09:56qui a vraiment pris beaucoup de temps pour m'apprendre étape par étape,
10:00même si ça a été très rapide.
10:01Mais il a vraiment pris, il a eu une patience énorme avec moi.
10:03Et aujourd'hui, je le remercie encore.
10:06Sinon, je ne serais pas là sans lui, donc voilà.
10:09Salim.
10:10Et du coup, tu as passé comment cette étape ?
10:13Parce que tu nous parles de tout ça en nous disant presque
10:15que ce n'était pas une partie de plaisir,
10:17mais que ça te plaisait quand même.
10:19Est-ce que tu es comme moi avec le ping-pong à te dire que tu étais nulle,
10:22mais que tu t'éclatais ?
10:24Ou est-ce que plus sérieusement, tu voyais quand même
10:28qu'il y avait des points positifs qui contrebalançaient tout ça ?
10:31Oui, complètement.
10:33En fait, en athlète, j'arrivais à un stade où...
10:35L'athlète, c'est assez dur, c'est un sport vraiment très dur.
10:38Et j'étais donc à un stade où j'avais un pied en équipe de France,
10:43mais un pied encore en amateur.
10:45Et je n'arrivais pas à franchir ce cap parce que j'avais une blessure,
10:47notamment au niveau du genou, qui m'empêchait de vraiment m'entraîner
10:51comme je le voulais.
10:52Mais voilà, j'arrivais à un moment où je stagnais dans ma carrière d'athlète.
10:56Et le rugby est arrivé à ce moment-là, en fait.
10:58Et pendant un an ou deux, j'ai fait les deux.
11:02Je ne faisais plus d'atlas de long,
11:03mais j'ai basculé sur les lancers de disques comme ma mère.
11:06Et je faisais le rugby en même temps.
11:08Pendant quasiment deux ans, j'ai fait les deux
11:10parce que je n'arrivais pas non plus à quitter l'athlée, en fait.
11:13La bascule a été très dure à digérer.
11:17Et ce qui m'a vraiment fait, je pense, le déclic que j'ai eu,
11:22ça a été la première sélection d'équipe de France de jeunes
11:25au niveau du rugby,
11:26où je me suis dit, en fait, ce n'est pas que c'est plus facile.
11:29Attends, ça, c'était combien de temps après tes débuts ?
11:31Après les 18 ans, Stap's, tiens, regarde, tu devrais...
11:34C'était...
11:35C'était...
11:36J'ai commencé à 18 ans et j'ai signé en club à 19 ans.
11:39Donc, j'avais un peu plus de 19 ans.
11:41Incroyable. C'est-à-dire qu'un an après, tu intègres l'équipe de France.
11:43C'est un an après, oui.
11:44Voilà, j'ai fait un an d'universitaire quand j'ai commencé le rugby.
11:49Et la saison d'après, j'ai pris ma licence au club de Bobigny.
11:54Et six mois après, voilà, j'ai été appelée en équipe de France jeunes,
11:58moins de 20 ans.
12:00Et là, je me suis dit, ah ouais, en fait,
12:03je ne suis pas juste douée au lieu de mon professeur,
12:07je suis juste...
12:09J'ai le potentiel pour aller plus loin.
12:11Et c'est là où j'ai basculé.
12:12Mon objectif premier, c'était le haut niveau.
12:15En athlée, j'arrivais à un point où je stagnais.
12:17Le rugby est arrivé au moment où...
12:19Voilà, il est arrivé au bon moment, en fait.
12:22Et j'ai pris la porte à ce moment-là.
12:24Explique-moi une chose, parce que moi, qui viens d'un sud-ouest
12:26où le rugby nous est si cher,
12:28où tous mes copains, alors sauf moi, jouent au rugby.
12:32Alors, tu as probablement des qualités exceptionnelles, athlétiques.
12:36Tu cours vite.
12:37Les cadrages d'ébordement,
12:39ça doit être redoutable pour tes adversaires.
12:41Mais après, il y a le corps, l'aisance physique,
12:46avec les mains à droite, à gauche, la passe.
12:49Là, on parle d'autre chose.
12:50Et ça, pour moi, c'est du travail,
12:52mais c'est du génie.
12:54Quand on voit des matchs de très haut niveau en rugby,
12:56on se rend compte qu'aujourd'hui,
12:59les filles et les gars sont capables de faire une passe
13:01dans n'importe quelle position.
13:03Et là, on ne parle plus de courir vite, on parle d'autre chose.
13:06Oui, complètement.
13:07C'est là où le fait d'être arrivée en équipe de France,
13:10ça m'a énormément apportée, énormément.
13:13Je suis arrivée avec un retard...
13:15Je suis arrivée avec un gros retard sur le plan rugby,
13:18mais avec une très belle avance sur les qualités athlétiques.
13:21Donc, en fait, ça a contrebalancé un petit peu.
13:23Donc, les premières années, je ne faisais pas de passe.
13:25Je n'étais pas sûre de mes passes, donc je ne faisais pas de passe.
13:27Mais au fur et à mesure du temps,
13:29je limitais mes points faibles et j'accentuais mes points forts.
13:33C'est comme ça que j'ai réussi un petit peu à me faufiler.
13:36Et puis même, dans tous les cas,
13:38quand tu fais des stages en équipe de France,
13:40c'est toujours un apprentissage permanent.
13:41Et quand tu vois les filles à côté de toi qui savent faire des passes,
13:43qui savent jouer au pied...
13:45Moi, j'étais en admiration devant les filles avec qui je jouais
13:47et je voulais être comme elles.
13:48Je voulais être comme elles, faire des passes à pleine vitesse,
13:51dans n'importe quelle situation.
13:53Donc, voilà, c'est énormément les filles qui étaient à côté de moi
13:55qui m'ont poussée à me dépasser.
13:57Et dans tous les cas, si je voulais faire du haut niveau,
14:00il fallait que je sois excellente à tous les niveaux.
14:04Donc, c'est cette motivation et cette recherche de haut niveau
14:07et d'objectifs assez importants à atteindre
14:10qui m'a poussée à me perfectionner dans tous ces domaines.
14:14Oui, Salim, je sens que ça se brûle les lèvres.
14:16Oui, non, mais si je comprends bien,
14:18elles avaient quelque chose que tu n'avais pas.
14:20Tu avais, toi, quelque chose qu'elles n'avaient pas, côté athlétique.
14:24Donc, tu es arrivée un peu en OVNI là-dedans.
14:26Comment on se fait accepter d'une équipe ?
14:28Alors, je grossis un peu le trait avec l'OVNI,
14:30mais comment on se fait accepter d'une équipe, d'un groupe,
14:34quand on est à ce point différent, différente, dans ton cas ?
14:39Alors, moi, c'est vrai que ça a été un peu dur pour moi.
14:42Après, c'est peut-être aussi au niveau du caractère.
14:44Je pense que ça a joué énormément.
14:46Moi, je passais d'un sport individuel à un sport collectif.
14:49Et c'est vrai que tout le monde me regardait en disant « Mais c'est qui ? »
14:52parce que j'arrivais à 19 ans, personne ne m'avait jamais vue.
14:54Les filles s'étaient déjà vues dans pas mal de stages précédents,
14:57ou même plus jeunes, elles avaient joué toutes les unes contre les autres.
15:00Donc, en fait, je suis arrivée.
15:01« Bonjour, je cours vite, mais je ne sais pas jouer au rugby. »
15:04Et franchement, c'était ça, quoi.
15:09« Envoyez-moi le ballon, j'ai marqué, je vais me débrouiller comme je peux.
15:11J'irai marquer, mais je ne me ferai pas de passes
15:13parce que je ne sais pas encore les faire. »
15:14Donc, ça a peut-être été…
15:15Ce qui est l'inverse des valeurs du rugby.
15:18C'est l'esprit du rugby, bien sûr, c'est pour ça.
15:21Mais c'est vrai que c'est moi qui le ressentais comme ça.
15:24Je ne dis pas que c'est des filles qui étaient comme ça,
15:26mais voilà, c'est moi qui le ressentais comme ça.
15:27Effectivement, c'est complètement à l'inverse des valeurs du rugby.
15:30Mais à cette époque-là, je le ressentais de cette manière-là
15:33parce que je n'avais pas forcément non plus l'ouverture d'esprit
15:35qui me permettait de m'intégrer à un groupe sans problème.
15:39Je ne connaissais pas ça, moi, les entraînements en groupe,
15:42deux fois par jour.
15:44Je découvrais complètement le haut niveau à cet âge-là,
15:48le haut niveau au rugby, le haut niveau en collectif.
15:51Ça a été une découverte.
15:53Le premier stage a été une grosse découverte.
15:55Sauf que tu ne le dis pas,
15:56parce qu'on a compris que tu es pleine d'humilité,
15:58mais tu dois avoir des capacités d'adaptation et de travail
16:00qui doivent être exceptionnelles,
16:01parce qu'on ne devient pas la meilleure joueuse au monde
16:03juste en disant « je cours vite »,
16:04parce que le rugby, ce n'est pas que ça.
16:06Explique-moi une chose.
16:07Tu nous as parlé des tournants et de cette carrière
16:10qui a explosé tellement vite.
16:122017, sélection en équipe de France.
16:152018, tu fais la Coupe du monde aux États-Unis.
16:18La France va terminer vice-championne du monde.
16:21Et puis, il y a une défaite face au All Black,
16:24mais qui a marqué ton histoire, je pense.
16:28Oui, complètement.
16:30Ça a été une sélection de fous.
16:34Cette année-là, elle était vraiment folle,
16:36parce que c'était ma première année en tant que professionnelle.
16:40Sur mon premier tournoi où j'ai eu la chance d'être sélectionnée,
16:44je me blesse à l'épaule.
16:46Je finis le tournoi difficilement.
16:48Finalement, je me fais opérer de l'épaule.
16:49Ma première année, au bout de trois mois, je me fais opérer de l'épaule.
16:51Je me suis dit, j'espère qu'ils ne vont pas trop en tenir rigueur.
16:55Pareil, je découvrais vraiment le haut niveau à ce niveau-là.
16:57J'ai appris plus tard que non, ce n'est pas parce que tu te blesses
17:00qu'on va te mettre de côté, heureusement.
17:04Je suis écartée des terrains pendant trois mois.
17:07Ça me paraît être super long.
17:10Je me suis dit, il ne me reprendra jamais, en panique totale.
17:14Finalement, je me suis dit, prends ce qu'il y a à prendre.
17:19Prends ce qu'il y a à prendre, tout simplement.
17:22Il te prend, tant mieux.
17:23Il ne te prend pas, tu retourneras au travail.
17:25Sélection à la Coupe du monde, c'était vraiment un truc inattendu,
17:31mais j'étais vraiment trop contente.
17:32Cette première année, je jouais sans mentir.
17:36Je ne devais pas jouer plus d'une minute par match,
17:38une minute, une minute trente par match, même si ça passe très vite.
17:40Les matchs, une minute, ça peut paraître super long.
17:42Finalement, ce n'est vraiment pas beaucoup.
17:44J'étais déjà super contente d'être là.
17:46Ce poste-là me convenait parfaitement.
17:48C'était le poste de finisseuse.
17:50Quand je rentrais, je savais que c'était pour marquer.
17:53Voilà, c'est exactement ça.
17:55À la Coupe du monde, j'ai eu exactement ce rôle-là
17:58dans lequel j'étais complètement confort.
18:02Du coup, j'ai eu, je ne vais pas dire que j'ai eu la chance,
18:05mais le match qui m'a vraiment marquée,
18:07c'est le match de la demi-finale où on bat les Australiennes
18:11parce qu'effectivement, je marque les sept qui nous emmènent en finale.
18:15C'est là où j'ai mûré aussi l'attitude.
18:18C'est que la finale, je suis arrivée vraiment avec des étoiles plein les yeux.
18:21Je pense que la gestion du stress à ce moment-là,
18:23elle n'a pas été des meilleures.
18:27Là, pour le coup, j'avais l'impression d'avoir atteint un premier objectif.
18:32Je me suis contentée d'être en finale.
18:34Je n'ai pas pu profiter de la finale comme j'aurais voulu.
18:38Mais bon, c'est de l'expérience.
18:40C'est une étape.
18:42Exactement.
18:43On va aller déjà trois années plus tard.
18:46Juste après le Covid, il y a les petits Jeux olympiques à Tokyo.
18:49Là, l'équipe de France termine, finalise,
18:52donc médaille d'argent olympique.
18:55Un truc encore de ouf.
18:56Tu deviens meilleure marqueuse.
18:59Un essai en finale contre les Blacks encore.
19:02Explique-nous à quel point ça aussi, ça a été encore…
19:05Je ne sais même plus si on peut parler d'étape.
19:08Là, vraiment, on s'est dit…
19:11Je me suis dit, écoute,
19:14t'es passée à côté à la Coupe du monde une fois, pas deux.
19:17Cette finale-là, je ne voulais vraiment pas la regretter.
19:20En fait, je suis arrivée avec un état d'esprit où…
19:24On était tellement sereines, vraiment.
19:26Ce n'était pas sereine, hautaine, loin de là,
19:29mais on était sûres de nos forces.
19:30Soit on avait plus fort que nous en face,
19:32et c'est le jeu, c'est le sport,
19:34soit on allait marcher sur tout le monde.
19:37Parce que je sentais vraiment qu'il y avait une sérénité
19:41les unes envers les autres, on était confiantes.
19:44Voilà, on était apaisés.
19:47La majorité d'entre nous,
19:49de celles qui avaient fait les Jeux olympiques,
19:51on avait fait aussi la Coupe du monde à 7.
19:53Je pense qu'on avait aussi cette finale de la Coupe du monde
19:57qui nous est toute un peu restée en travers de la gorge,
19:58où là, on voulait vraiment mettre tout ce qu'on pouvait mettre sur le terrain.
20:03L'ambiance, elle était vraiment particulière.
20:07Mais voilà, c'était une finale de fou.
20:10C'était une finale…
20:11Mentalement, on est rentrés, on voulait manger des NZ.
20:15C'était, on arrivait avec les Dunkers et elles parquaient.
20:18– NZ, Néo-Zélande et All Black, Salim.
20:21– Oui.
20:21– C'est compliqué de créer l'état d'esprit,
20:23l'esprit de corps suffisant pour avoir cette sérénité
20:27face à un enjeu aussi énorme que ça que les Jeux olympiques.
20:31– Franchement, en toute honnêteté, ça a été naturel.
20:39C'est vraiment en arrivant dans le couloir de chaque match
20:42où je me suis dit, on va y aller, on va le faire.
20:46Ça s'est forcément construit bien sûr tout au long de la préparation,
20:52mais vraiment cette sérénité, moi deux jours avant les Jeux,
20:54comme beaucoup de sportifs, j'étais en panique, en stress.
20:57Il faut bien dormir, il ne faut pas trop manger.
20:59En plus, j'avais une douleur au genou, je n'étais pas sûre de pouvoir jouer.
21:02Enfin voilà, la panique totale.
21:04Et en fait, à chaque fois qu'on entrait dans le couloir,
21:07tu avais ce relâchement qui disait, de toute façon, on est là, il faut y aller.
21:11On est là, il faut y aller.
21:12Je regardais mes copines, j'étais sûre des forces de chacune.
21:17Et je me suis dit, toutes les forces mises ensemble, ça ne pouvait que matcher.
21:21Et il y a un truc formidable, c'est que toi, Anne-Cécile,
21:25on rappelle que ton papa a fait septième au JO à Los Angeles en 1984,
21:29en lancé de marteau.
21:30Toi, tu reviens de Tokyo pour tes premiers JO avec la médaille d'argent,
21:35vice-championne olympique.
21:36Et tu fais quoi avec ton papa ?
21:40C'est la première personne que j'appelle après le podium.
21:45C'est la première personne que j'appelle.
21:47En plus, il a eu une réaction qui m'a agacée.
21:50Il m'a dit, mais vraiment, j'étais trop contente, j'étais fière.
21:54Il ne me dit même pas félicitations.
21:56Il me dit, mais c'est quoi cet arbitre ?
21:57Je dis, non, m'attends pas, papa, s'il te plaît, viens, prends deux secondes.
22:00S'il te plaît, viens, prends deux secondes pour être content.
22:03Et après, on en discutera, si tu veux.
22:05Mais il était...
22:06J'étais dégoûtée, mais tellement fière aussi.
22:08Ça a été la première personne que j'ai appelée.
22:11On n'avait pas encore quitté la pelouse, j'avais déjà mon père au téléphone.
22:14Et je lui ai fait la surprise, du coup, de lui rendre visite.
22:18Il s'y attendait, mais pas à ce moment-là, donc je lui ai fait la surprise.
22:22Et là, il a fondu en larmes, il était trop content.
22:26Franchement, ça a été vraiment un moment très, très émouvant.
22:29Moi, j'étais trop fière de lui passer la médaille autour du cou.
22:33Enfin, voilà, j'ai dit, voilà, j'ai réussi quelque chose
22:36que tu as passé toute ta carrière à tenter.
22:40Et tout ce que tu as donné, tout le temps que tu m'as donné
22:45quand j'étais plus jeune, les entraînements en plus et autres,
22:47ben voilà, ce n'était pas pour rien.
22:49Et voilà, c'était une grande fierté pour moi de lui ramener,
22:51de lui mettre la médaille autour du cou, c'était trop émouvant.
22:53Non, mais Anne-Cécile, tu n'as que 29 ans.
22:55Mais pardon, mais c'est extraordinaire, ça.
22:59C'est extraordinaire.
23:00Là, vous avez, au-delà de tout ce qui peut arriver
23:04dans une famille, des rapports incroyables père-enfant,
23:08mais là, ce truc-là que tu as fait vivre à ton père,
23:11je pense que même si pour toi, aujourd'hui,
23:14c'est le plus beau jour de ta vie ou un truc fantastique,
23:16tu ne te rends pas compte à quel point ton père, aujourd'hui,
23:18doit, je ne sais pas, ça a dû bouleverser à jamais sa vie ?
23:24J'espère.
23:26J'espère, j'espère, parce qu'on a tous les deux beaucoup donné
23:30dans notre sport et dans ma jeunesse.
23:34Et voilà, cette médaille, c'est aussi la sienne, bien sûr.
23:39Moi, je suis trop fière.
23:42Franchement, je suis trop fière de lui avoir ramené cette médaille.
23:45Génial, j'adore.
23:46Moi, je serais Walter, j'irais...
23:49Il a l'accent, ton père ?
23:51Non.
23:52Moi, je serais ton père, je te dirais,
23:54écoute, ma fille, c'est bien beau, ton truc,
23:56mais il y a des Jeux olympiques dans un an et demi,
23:58donc ta médaille d'argent, c'est bien joli,
23:59mais maintenant, moi, je veux la médaille d'or.
24:03Oui.
24:04Il te l'a dit ?
24:05Oui, bien sûr.
24:06Non, il ne me l'a pas dit, il ne me l'a pas dit encore.
24:08Je pense qu'il attendra quand on se rapprochera de la date.
24:13Mais oui, non, pour l'instant, il est encore sur le petit nuage
24:18de la dernière médaille des Jeux.
24:22Mais oui, c'est forcément dans un coin de sa tête,
24:25comme ça l'est dans un coin de la mienne, bien sûr.
24:28Alors, il y a ce titre en 2021 de meilleure joueuse au monde.
24:31Ça, c'est une espèce de consécration,
24:33on en a parlé tout à l'heure en début d'émission.
24:35Tu fais partie aussi maintenant du Team EDF,
24:38ce collectif sportif de très, très, très haut niveau.
24:4134 athlètes, parités hommes-femmes,
24:43des athlètes paralympiques aussi.
24:46C'est 56 médailles paralympiques et olympiques au total,
24:4969 titres de champion du monde.
24:51Il y a des grands noms qui sont passés par là ou qui sont là,
24:54comme Alain Bernard, Périne Laffont,
24:56Florent Manoudou, Marie-Amélie Le Fur,
24:58Clarisse Agbenenou, Pauline Ferrand-Prévot.
25:01Ça commence à faire sérieux, ton affaire, là.
25:05Oui, c'est fou.
25:06Moi, j'étais vraiment super contente de pouvoir rejoindre ce Team.
25:09Ça a été vraiment pas une...
25:13Comment dire ?
25:16On va dire que c'est assez rare dans un sport comme le nôtre
25:20d'avoir des sponsors individuels
25:22et d'avoir un sponsor tel l'EDF, qui est une grosse entreprise,
25:26et comme vous le disiez, c'est une entreprise qui est engagée
25:29et qui regroupe aussi énormément d'athlètes.
25:33Là, faire partie de ces athlètes de fou,
25:36je me dis que ça y est,
25:39j'ai basculé dans un monde de haut niveau
25:42où tu n'es entouré que de sportifs qui partagent ton quotidien.
25:45C'est un truc de fou d'avoir pu rencontrer certains d'entre eux,
25:49d'avoir échangé et de se rendre compte
25:51qu'il y a pas mal de similitudes d'un sport à un autre.
25:55J'espère encore rencontrer d'autres,
25:56mais c'est vraiment une grande fierté de faire partie de ce Team.
26:01En 2018, vous perdez la finale de la Coupe du monde aux Etats-Unis
26:04contre les All Blacks.
26:05Vous avez perdu contre qui en finale des JO à Tokyo en 2021 ?
26:11Il faut vraiment le dire. Contre les Blacks aussi.
26:14Il vous manque quoi pour les renvoyer chez eux
26:17dans un an et demi à Paris, au jeu ?
26:20Combien vous avez perdu au jeu en finale ?
26:24Je t'avoue que là, pour vous dire,
26:27j'ai même plus le score en tête.
26:31On est loin ? On est loin ou pas ?
26:33Non, mais non, non, non.
26:34On n'est vraiment pas loin.
26:36Non, non, on n'est vraiment pas loin.
26:39Mais après, le niveau augmente d'année en année.
26:43Le tien aussi. C'est vrai pour tout le monde, ça.
26:45Eh bien oui, c'est ce qu'on se dit, en fait.
26:49C'est ce qu'on se dit.
26:50Mais voilà, c'est des pays qui ont une culture aussi
26:54qui est très différente de la nôtre.
26:57Mais hormis ça, c'est des équipes qu'on a déjà battues
27:00et qu'on doit savoir rebattre,
27:03et notamment sur ce genre de grands événements.
27:05Je vais t'expliquer.
27:06On va gagner la Coupe du monde de rugby,
27:08là, bientôt, en France.
27:10Et derrière, 2024, vous n'aurez aucun complexe à avoir.
27:14Ça sera une formalité.
27:15On verra tout le monde à la maison.
27:17Merci, Anne-Cécile.
27:18Tu as battu les Blacks, 17 points en finale.
27:20Merci, au revoir, machin.
27:21On t'embrasse, bravo.
27:22Surtout, ne lâche rien et continue.
27:24Merci. Merci à vous.
27:26Bravo. Félicitations pour ton parcours, en tout cas.
27:28Merci beaucoup pour nous l'avoir partagé.
27:30Merci, t'es gentille.
27:31Merci, Salim.
27:32On se retrouve très prochainement pour un nouvel épisode
27:35d'une nouvelle émission de La victoire est en elle.

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