Cette semaine, Alexandre Delpérier reçoit Emilie Bulle, skieuse de fond qui nous parle de la Foulée Blanche 2022, la nutriotionniste experte des sports de combat, Cécile Giornelli et Bénédicte Perron, finisher de cinq Ironman (triathlon).
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00:00...
00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:21soyez les bienvenus dans votre rendez-vous dédié aux femmes
00:24dans le sport, encore et comme toutes les semaines,
00:27inspirante. Voici le sommaire du jour.
00:29Dans cette nouvelle émission, nous serons avec Émilie Bulle,
00:32dans quelques secondes, skieuse de fond,
00:35spécialiste des longues distances.
00:37L'occasion de revenir avec elle sur la foulée blanche
00:39qui se déroule sur ces terres en Isère.
00:41La dirigeante de la semaine est Cécile Giornelli,
00:44nutritionniste et experte en sport de combat.
00:47Depuis plusieurs années, elle travaille avec les sportives
00:50de très haut niveau. Avec elle, nous essaierons de comprendre
00:53comment mangent les athlètes pour être au top.
00:55La dirigeante de la semaine est Bénédicte Perron, triathlète,
00:59après avoir connu l'échec au sein du Pôle espoir triathlon.
01:02Elle brille aujourd'hui sur les formats Ironman,
01:05les plus durs de la discipline. C'est un véritable parcours,
01:08là aussi, hors du commun. Soyez les bienvenus.
01:10Avec mon camarade Salim. Salut, Salim.
01:13Nous accueillons Émilie Bulle, direction Autran, dans l'Isère.
01:16Bonjour, Émilie.
01:17Bonjour.
01:18Sois la bienvenue. Tu as 24 ans.
01:23Tu fais partie de l'équipe Vercors Team Isère, en ski de fond.
01:27Tu brilles sur le marathon Ski Tour.
01:29Tu participes aussi à certaines Coupes du monde,
01:32et Coupes d'Europe, avec l'équipe de France.
01:34Je voudrais qu'on comprenne comment tu tombes dans le ski de fond.
01:39Depuis que je suis toute petite,
01:42j'ai pris les skis parce que mon papa en faisait.
01:45Du coup, voilà.
01:47Tes premiers souvenirs de ski, tu as quel âge ?
01:51Toute petite, j'étais dans une poulka et il me tirait.
01:53Puis après, à partir de Poussines, où j'allais au club d'Autran,
01:58quand je faisais des jeux, j'ai plus de souvenirs.
02:01Après, tu aurais pu faire du ski sur piste ou de vitesse.
02:04Et tu as pris le ski de fond. Pourquoi ?
02:07Eh bien, parce que...
02:09Parce que je pense que mes parents en faisaient.
02:12Du coup, j'ai beaucoup aimé en club. Et voilà.
02:15Et tu bascules assez rapidement en sport-études.
02:17Tu as des résultats ? Tu performes ?
02:20Oui, plutôt, oui.
02:22J'attaque dès la 6e en classe sportive.
02:26Et puis après, à partir du lycée, je suis en ST à Villars-de-Lens.
02:32Assez rapidement, tu vas basculer sur les longs formats,
02:35les longues courses. Pourquoi ?
02:37Et...
02:39Explique-nous ce qui se passe dans ta tête et pourquoi.
02:42C'est parce que tu fais des résultats ou c'est parce que ça te plaît
02:45et que donc tu fais des résultats ?
02:48Eh bien, oui, c'est exactement ça.
02:50C'est que ça me plaît et je fais des résultats.
02:52Au début, en fait, je faisais du biathlon
02:53et j'ai arrêté après le lycée pour faire du ski de fond.
02:58Et la première année de senior,
03:00j'ai fait un marathon par un petit hasard
03:04parce qu'il y avait une course qui tombait plutôt bien.
03:07Et j'ai beaucoup aimé le format parce que j'aime bien les longues courses.
03:12C'est parce que c'est un sport, on va dire, d'endurance
03:15et c'est, on va dire, mes qualités.
03:17Avant de donner la parole à Salim,
03:18juste pour bien comprendre, le marathon en ski de fond,
03:20c'est combien ? C'est les mêmes distances qu'un marathon à pied ?
03:24Oui, c'est ça, 42 kilomètres.
03:26Salim, c'est de la folie.
03:27Comment est-ce que tu en arrives, justement, à te dire
03:30qu'au-delà du plaisir, tu veux en faire vraiment de la compétition
03:34et qui plus est, à trouver ta place dans cette discipline
03:38qui n'est pas forcément la plus connue, pas la plus répandue ?
03:43Non, c'est sûr que ce n'est pas un sport très connu.
03:47Et en fait, c'est vraiment par passion qu'on fait ce sport
03:51et qu'on ne va pas non plus faire ce sport
03:55pour en faire notre métier tout au début, quoi.
04:00Après, ça peut faire et c'est le top si ça le fait,
04:04mais voilà, c'est vraiment que du plaisir pour l'instant.
04:09Tu vis de ça aujourd'hui ?
04:11Non, pas du tout, non, non.
04:13Tu fais quoi à côté ?
04:15Pour l'instant, c'est beaucoup mes parents qui m'aident
04:18à financer le club, le team.
04:23Et puis sinon, après, sur les longues distances,
04:27on peut gagner, enfin, on gagne souvent un peu des sous,
04:30mais sinon, quand on fait les cours de distance,
04:32comme j'ai commencé au début de ma petite carrière,
04:35on ne gagne pas tout de suite des sous
04:37et c'est même très dur de gagner des sous,
04:40même en coupe du monde, il faut y gagner, quoi.
04:45Il y a des éléments qui font que tu t'accroches à ça ?
04:48Je veux dire, tu as des espoirs demain, après-demain,
04:52de voir venir une situation qui évolue
04:54ou est-ce que c'est véritablement au jour le jour pour l'instant ?
04:59Eh bien, au début, c'était un rêve d'en faire mon métier
05:03et puis plus je grandis, plus c'est difficile
05:06parce que je ne gagne pas ma vie pour l'instant
05:10et du coup, il va falloir aussi trouver sûrement
05:13un plan B et c'est pour ça que je vais plus me rabattre
05:16sur les longues distances et peut-être travailler à côté
05:18pour pouvoir continuer ma passion,
05:21mais en faisant un peu différemment.
05:23Oui, bien sûr. Parlons de la foulée blanche,
05:25cette fameuse course qui est juste exceptionnelle,
05:27qui a lieu près de chez toi.
05:30Oui, la foulée blanche, c'est la première course
05:32que j'ai faite quand j'étais petite.
05:35C'est une course à côté de chez moi,
05:39et j'essaie de la faire chaque année.
05:43Qu'est-ce qu'elle a comme particularité,
05:45outre le fait que, et on voit les images,
05:46c'est magnifique et que c'est chez toi ?
05:50Eh bien, qu'est-ce qu'elle a comme particularité ?
05:53Eh bien, oui, c'est parce que c'est chez moi qu'après, voilà, que…
06:00Émilie, quand je vois ces images
06:02et quand je vois ces centaines, ces milliers de personnes,
06:05cet engouement, ce décor,
06:08et je décris aussi pour Salim, ce décor exceptionnel,
06:11et puis aujourd'hui, on a des outils de captation avec les drones
06:14qui fait qu'on a des images qui sont juste sublimes.
06:17En quoi ta passion, c'est une performance sportive,
06:21mais aussi l'environnement ?
06:24Eh bien…
06:26Je n'ai pas bien entendu, je suis désolée.
06:28Non, jusqu'où ?
06:29Oui, en quoi tu aimes cette discipline,
06:32parce qu'il y a la performance sportive
06:34et on sent que tu brilles et que tu es une des meilleures au monde,
06:36mais aussi en quoi le fait que l'impact,
06:39le décor soit juste exceptionnel, en quoi ça a un impact sur toi ?
06:43En quoi ça influe et que tu te dis,
06:45oui, j'aime cette discipline parce que j'y performe,
06:47mais aussi parce qu'on est dans des décors juste incroyables ?
06:51Parce que c'est un plaisir de skier
06:53quand il y a des conditions extraordinaires,
06:55comme là, cette foulée blanche.
06:57Après, ce n'est pas tout le temps le cas.
06:59On a des fois des conditions plus difficiles
07:01et des fois, il n'y a pas de neige et c'est compliqué,
07:04mais quand il y a des conditions comme ça, c'est magnifique.
07:08Qu'est-ce que tu vas chercher sur une course d'une telle distance,
07:13d'une telle puissance en termes de ce que ça va chercher chez toi ?
07:16Est-ce que tu vas chercher le dépassement, la perf,
07:19le fait de t'arracher, entre guillemets, sur un effort tel que celui-là
07:23ou est-ce que tu cherches aussi du résultat,
07:25marquer un peu cet événement de ton empreinte ?
07:29Il y a les deux.
07:31Il y a le dépassement de soi et puis on aime aussi faire un résultat à la fin
07:36parce que c'est vrai que, comme j'en ai fait déjà quelques-unes,
07:42s'il n'y a pas le résultat à la fin, c'est vrai que c'est décevant.
07:45Après, on va dire que le plus important,
07:47si je me suis donnée et que j'ai fait tout pour faire au mieux,
07:51je serai quand même contente.
07:53Tu as terminé 3e de la foulée blanche, ça fait partie du marathon Ski Tour.
07:56Je voudrais comprendre une chose,
07:58alors on en parlera tout à l'heure
08:00parce qu'on a une nutritionniste qui va venir nous voir.
08:03Où la nutrition, tu la places dans le succès, dans la performance,
08:07sachant qu'on a vu des points de ravitaillement,
08:09sachant que 42 km en marathon, ça dure combien de temps ?
08:13Vous faites ça en combien de temps ?
08:15Ça dépend vraiment des conditions de la neige, du vent.
08:22Combien ?
08:24Entre une heure et demie et deux heures.
08:27On a l'impression que c'est quand même une sorte de mini sprint
08:29pendant une heure et demie et deux heures.
08:31En quoi l'alimentation, chez toi, est essentielle ou pas ?
08:37L'alimentation est essentielle lors d'un marathon
08:41parce que sinon, on n'a pas assez d'énergie
08:43et on ne peut pas finir correctement,
08:45avec autant de force qu'au début.
08:48Il faut, dès les premiers kilomètres, commencer à boire.
08:51On va dire que dans notre gourde, on a beaucoup de boissons d'effort.
08:57C'est quoi ?
08:58Ça dépend beaucoup des...
08:59Des boissons d'effort, pardon, excuse-moi.
09:01Émilie, c'est quoi ? Il y a quoi dedans ?
09:04Il y a du sucre, on va dire, en premier.
09:07Après, il y a beaucoup, beaucoup de choses.
09:09Ça dépend des boissons d'effort,
09:10mais beaucoup de choses qui font que ça donne de l'énergie.
09:15Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter, Émilie ?
09:17C'est quoi, les objectifs, maintenant ?
09:20Maintenant, j'aimerais bien essayer de continuer sur les longues distances
09:26et de gagner quelques longues distances que je n'ai pas encore gagnées.
09:31Longues distances, c'est quoi ?
09:33Longues distances, c'est les marathons.
09:35OK.
09:36Les marathons ou la Transjurassienne,
09:39où c'est un peu plus, c'est 70 kilomètres.
09:42Il y a une échéance en particulier, là, tout de suite,
09:45que tu aurais dans le viseur, que tu prépares dès maintenant ?
09:49Là, il n'y a pas vraiment de longues distances.
09:55C'est, on va dire, les championnats de France,
09:58mais il n'y a pas de longues distances sur le premier week-end.
10:02Et après, il y aura sûrement un week-end à Auxerre,
10:05où il y a une longue distance, et j'aimerais bien faire une belle place.
10:10Émilie, l'hiver en France, c'est 4-5 mois.
10:12Comment on fait ? C'est très international.
10:14On voit là où il y a de la neige en fonction de l'époque de l'année.
10:17Comment ? Je n'ai pas du tout entendu ça.
10:19L'hiver en France, c'est 4-5 mois.
10:22Comment on fait le reste du temps ?
10:23On va s'entraîner, ou il y a des courses dans d'autres endroits du globe
10:25où il y a de la neige ?
10:27Non, on va dire qu'à partir de mai jusqu'à décembre,
10:32on s'entraîne et on n'a pas forcément des stages sur neige.
10:35On doit en avoir un ou deux, et sinon, c'est en ski-roue,
10:40ou en course à pied, ou en VTT, et voilà.
10:44Donc, c'est d'autres préparations.
10:45Dernière question. Vas-y, Salim.
10:46Je disais, c'est ce qui va t'occuper le reste du temps.
10:48Si tu peux nous dire un mot sur la préparation
10:52quand tu n'es pas sur les skis.
10:53Tu viens de nous en parler un petit peu.
10:56Est-ce que tu vas essentiellement sur de la discipline de fond, d'endurance,
11:00ou est-ce que tu vas chercher aussi d'autres choses,
11:02peut-être pour d'autres qualités physiques ou mentales ?
11:06Exactement. Il y a d'autres points aussi à travailler que l'endurance
11:10parce que, surtout moi, j'ai déjà, on va dire,
11:13cette qualité d'endurance.
11:15Après, je travaille aussi un peu la vitesse, la force,
11:21la puissance, et puis aussi le mental.
11:25J'imagine. Merci en tout cas, Émilie.
11:27Tu nous as fait rêver. À bientôt et prends soin de toi.
11:30On t'embrasse. Salut à toi.
11:31Merci beaucoup, Émilie.
11:32On le disait, Salim, on va parler nutrition maintenant.
11:35Allons-y.
11:42Et si nous parlions de nutrition ?
11:45Parce que la nutrition, évidemment, a un impact sur les performances
11:47et je trouve ça assez passionnant.
11:49Et je suis ravi d'accueillir Cécile Giornelli.
11:52Bonjour, Cécile.
11:53Bonjour.
11:54Papa ou maman était italien ou est italien ?
11:56Papa.
11:57Prénom de papa ?
11:58François ou Francesco.
12:00Francesco.
12:01Je te présente Salim, qui est avec nous.
12:02Enchantée.
12:04J'ai envie et besoin de comprendre,
12:05toi qui es à la fois nutritionniste et experte en sport de combat,
12:09comment tu es arrivé là ? Ton parcours nous intéresse.
12:11Après, on va insister évidemment sur l'apport de l'alimentation,
12:15de la nutrition, sur la performance des sportifs de haut niveau
12:17et notamment celles et ceux que tu accompagnes.
12:19D'abord, tu as un passé de sportif, toi ?
12:21Tout à fait. Alors, amateur.
12:23Mais j'ai fait 20 ans de karaté.
12:26Je suis 3e dame.
12:27Ah oui ?
12:28À l'époque, j'étais même la plus jeune 3e dame de France.
12:31Mais ça, c'était avant.
12:33Je suis tombée dans la soupe petite.
12:35Mon papa est professeur de karaté, il a enseigné pendant plus de 40 ans.
12:38Tu as commencé à quel âge le karaté ?
12:40Officiellement, je crois que sur le passeport sportif, c'était 6 ans.
12:43Mais en vrai, j'étais à la sortie de l'école,
12:46il allait me chercher et je regardais les autres enfants et j'imitais.
12:49Donc, je crois que dès l'âge de 4, 5 ans,
12:52j'ai grandi sur un tatami.
12:55Voilà.
12:56Tu as touché à beaucoup d'autres sports aussi ?
12:58Oui, essentiellement quand même des sports de combat.
13:00C'est-à-dire qu'après le karaté, j'ai fait du krav maga quelques années.
13:04C'est quoi ?
13:05C'est de la self-défense israélienne.
13:07Ensuite, j'ai fait du MMA, du pied-point
13:12et beaucoup de musculation vis-à-vis de mon métier
13:14puisque pendant plusieurs années,
13:15j'ai été préparateur physique aussi.
13:17D'accord.
13:19Est-ce que...
13:20Et ce n'est surtout pas sexiste, ce que je veux dire.
13:22Est-ce que pour une femme, les sports de combat,
13:24ça fait plus peur, entre guillemets,
13:27sur l'impact d'un coup, sur un visage ou...
13:31Écoute, pour moi, c'est un peu particulier
13:33parce que j'ai grandi dedans.
13:34Donc, non.
13:36Surtout que dans les sports de combat,
13:37moi, je dis souvent un tiers des combattants sont des combattantes.
13:40Les femmes sont très bien représentées dans les disciplines de combat.
13:44Maintenant, sur la partie appréhension,
13:47je ne pense pas.
13:48Je pense que quand on est enfant, on l'intègre directement.
13:50Peut-être plus quand on démarre une fois adulte,
13:53mais comme ce n'est pas mon cas,
13:55je ne suis pas bien placée pour en parler.
13:57Salim.
13:59Qu'est-ce qui a construit ensuite
14:01cette envie de sortir un peu du carrété
14:04et d'aller véritablement sur des sports
14:07dans le domaine du sport de combat ?
14:09Qu'est-ce qui t'a sorti de la soupe dans laquelle t'es tombée petite ?
14:12Plus le hasard, enfin, le hasard professionnel.
14:16C'est-à-dire que je commence à peu près à 5 ans.
14:19À 25 ans, je suis mutée en région parisienne.
14:23Pendant plus de 20 ans, j'ai évolué dans le même club.
14:26Donc seulement karaté de 5 à 25 ans ?
14:28C'est ça.
14:29Elle a bien mangé du karaté.
14:31La soupe était bonne.
14:32J'ai fait de la compétition au niveau amateur,
14:35mais pendant plus de 15 ans, j'étais arbitre,
14:36j'étais très impliquée dans ma ligue, dans ma région.
14:40Effectivement, il a fallu que je change de région.
14:42Pour moi, ce qui a été très difficile, c'était de retrouver un autre club.
14:45Je suis tombée dans des clubs,
14:47mais avec limite un professeur encore meilleur que mon père,
14:50mais je n'avais plus ce côté familial.
14:52Pour moi, c'était plus difficile, finalement, d'y aller,
14:56puisqu'à nouveau, j'ai grandi sous les yeux de ces personnes-là.
14:59C'était ma famille, et voilà.
15:01Et donc, c'est un peu le hasard dans mon ancienne vie professionnelle
15:06de personne au boulot, faisait du krav maga.
15:09Je me suis dit, pourquoi pas ? J'ai bien accroché.
15:12Et j'ai aimé ce côté réaliste.
15:14En revanche, il me manquait le côté martial.
15:17Dans le krav maga ?
15:19Oui. Ce n'est pas un art martial, c'est un sport de combat.
15:22Ce n'est même pas un sport, parce qu'un sport, c'est-à-dire qu'il y a compétition,
15:25c'est de la self-défense.
15:26Tu aimes la compétition ?
15:28Oui, mais j'aime surtout le côté martial.
15:30J'aime les valeurs qui vont avec.
15:32Je ne dis pas qu'il n'y a pas de valeur dans le krav maga, attention.
15:35Définis-moi plus le côté martial qui te manquait.
15:39Oui.
15:41Le salut.
15:43On commence un cours avec un salut, ce respect.
15:45On ne rentre pas sur le tatami sans avoir une hygiène irréprochable,
15:50les ongles coupés.
15:51Là, je suis manucurée pendant 20 ans, je n'ai jamais pu mettre de vernis,
15:55parce que maintenant, ça se fait.
15:57Si tu n'as pas de vernis, tu ne rentres pas sur le plateau.
15:59Non, je plaisante, évidemment.
16:01Alors, maintenant, ça se fait,
16:03mais en tout cas, le karaté que j'ai appris était plutôt traditionnel,
16:05donc ça ne se faisait pas.
16:07Le kimono repassé,
16:09parce qu'au karaté, on n'est pas débraillé.
16:12En compétition, l'arbitre peut même arrêter le combat
16:16pour qu'on se rhabille.
16:18Voilà, donc, toute cette dimension-là me plaisait.
16:21La précision du geste.
16:25Le pneu de ceinture aussi, au millimètre.
16:28Tout à fait, tandis qu'au krav maga, on cherche l'efficacité,
16:31on cherche à se défendre.
16:32On n'est pas sur les mêmes leviers.
16:34Donc, tu quittes le Sud, tu viens à Paris pour des raisons professionnelles,
16:37tu changes de discipline, tu découvres d'autres disciplines,
16:39et puis, comment tu arrives à la nutrition ?
16:43Alors, moi, ma vie, c'est une succession de hasards, on va dire.
16:47Je suis en Israël.
16:48C'est formidable.
16:49Donc, le krav maga, c'est un sport israélien,
16:53donc les stages se font en Israël.
16:55Pour le judo, le karaté, ce serait le Japon.
16:57Et là, je suis dans le buzz.
16:59Donc, il faut savoir qu'à l'époque, j'étais ingénieure d'affaires,
17:02dans une très grosse boîte, j'avais un avenir tout tracé,
17:04la voiture, la carte essence, vraiment...
17:08Ça a l'air sympa.
17:09Très sympa.
17:10J'avais tout.
17:12Et dans le buzz ?
17:13Et dans le buzz, je vois un gars dehors qui entraîne quelqu'un.
17:16Donc, c'était un coach.
17:18Et je me suis dit, ça a l'air sympa.
17:19Ça m'a renvoyé un sentiment de liberté absolue,
17:23alors que j'étais quand même cadre,
17:26j'étais plutôt libre dans mon emploi du temps.
17:28Et je ne sais pas pourquoi, cette idée ne m'a pas quittée.
17:30Et quand j'ai osé en parler à mon entourage,
17:32à dire que ça me plairait bien, en fait,
17:34puisque bien que mon métier me plaisait,
17:36je sentais que j'avais envie d'autre chose, quand même.
17:39C'est transmettre ?
17:40D'évoluer.
17:41Finalement, j'ai compris que c'était ça.
17:42Tu as mis le mot dessus.
17:45Sachant que pour la parenthèse, on m'a toujours dit,
17:47toi, tu feras comme ton père, tu donneras des cours de karaté.
17:50Et rebelle que j'étais, je me suis dit, non, moi, jamais !
17:54Et puis, finalement...
17:55Mais derrière la combattante, il y a quelqu'un qui ingère tout
17:57et qui réfléchit et qui restitue...
18:00Ce partage, il m'a animée.
18:02Et quand j'ai osé en parler à mon entourage,
18:04tout le monde, enfin, ceux qui me connaissaient depuis longtemps,
18:06m'ont dit, mais, Cécile, c'est évident.
18:08C'est évident.
18:09Et donc, un peu avant mes 30 ans, je décide de changer de voie.
18:13Tu as quel âge aujourd'hui ?
18:14J'ai bientôt 38 ans.
18:15OK, donc, c'est avant-hier.
18:17Tout à fait.
18:19Et je décide de changer de voie.
18:22Et puis, finalement...
18:23Tu suis une formation en même temps que tu continues ton boulot
18:25ou tu dis merci, au revoir ?
18:27Je fais un projet individuel de formation.
18:30Donc, je n'ai pas sauté dans le vide non plus.
18:32Bien sûr.
18:33J'avais tout bordé.
18:34Au cas où ça...
18:35Au cas où ça ne fonctionne pas.
18:37Enfin, ce n'était même pas au cas où ça ne fonctionne pas,
18:39parce que, me connaissant, ce n'est pas prétentieux,
18:41mais ça aurait fonctionné.
18:43L'échec n'était pas une option.
18:44Oui, mais ça ne pourrait pas te plaire.
18:46C'est ça.
18:48Mais j'ai senti très rapidement que ça allait me plaire, justement.
18:51Et en parallèle de ça,
18:54j'ai fait un diplôme pour être coach sportif sur un an.
18:57Et en parallèle, je menais un autre diplôme de front,
19:00à savoir un BTS en diététique.
19:02Parce que, pour moi, l'un ne va pas sans l'autre.
19:04Eh oui.
19:05Voilà.
19:06Et puis, le BTS diététique ne m'a pas vraiment plu.
19:09Je l'ai trouvé très théorique
19:12et pas du tout axé sur le sport.
19:15Donc, j'ai décidé de passer encore un autre diplôme.
19:19Et finalement, cette reconversion, au total, dure trois ans.
19:23Et il s'appelle comment, ce brevet, par rapport à la nutrition ?
19:25C'est un DEU en nutrition sportive,
19:28qui lui, non plus, d'ailleurs, ne m'a pas plu.
19:30Parce qu'on évoquait que le foncier,
19:33essentiellement, les sports d'endurance,
19:36là où j'avais une vraie appétence pour les sports de combat.
19:40Et qui ont été étudiés, mais de façon très théorique.
19:45Justement, j'ai fait de la compétition longtemps,
19:47je côtoyais des compétiteurs,
19:49et je savais qu'on était très loin de la réalité,
19:52de ce qui pouvait être proposé.
19:55En diététique sportive, oui, je me faisais la marque,
19:57mais c'est les domaines, effectivement, les plus documentés.
19:59C'est les sports de fond.
20:01Quand j'ai entendu parler de ton profil,
20:03justement, avec ce savoir sur la diététique
20:06et très axé sur les sports de combat,
20:09ça a vraiment piqué ma curiosité.
20:11Comment est-ce que tu as réussi à jumeler tout ça ?
20:14Cette envie de transmettre,
20:15cette connaissance des sports de combat,
20:17déjà diverses et variées à l'époque,
20:20et en plus, cette connaissance de la diététique ?
20:23Je crois, Salim, qu'avec Cécile, on a affaire à une tronche.
20:26Là, nous, on a un cerveau, elle doit en avoir trois ou quatre.
20:28Je crois qu'elle a abattu quelques murs
20:31entre ce que certains appellent le cloisonnement...
20:34Je crois qu'il y a trop de cloisonnement dans certains milieux du sport,
20:36et que tu as pris une grosse masse
20:38et tu as réussi à abattre un peu tous ces trucs-là.
20:41C'est...
20:43Bah, dit comme ça, je ne m'en rendais pas compte.
20:45Moi, j'étais dedans, et ça s'est fait progressivement.
20:49Tout s'est fait très naturellement.
20:53Mon histoire personnelle s'est mêlée à mon histoire professionnelle,
20:56c'est-à-dire que j'ai la chance dans ma vie
20:59d'avoir fait les bonnes rencontres, au bon moment.
21:03Lorsque je fais le Krav Maga...
21:05Savoir les faire fructifier.
21:07Il faut toujours dire ça.
21:08Je comprends que ton humilité t'empêche de le dire,
21:10mais on rencontre tous des gens intéressants, importants.
21:13Encore faut-il savoir le faire fructifier.
21:15Continue, pardon.
21:17Disons que quand je pratique ce fameux Krav Maga,
21:20je suis dans l'ouest parisien,
21:22pour passer mes diplômes, je viens dans l'est parisien,
21:25parce que c'est là où il y a l'INSEP.
21:27J'ai à peu près 20 heures de sport par semaine liées aux diplômes.
21:31En plus de ton travail.
21:33Non, à l'époque, j'étais 100 % sur mes diplômes.
21:36Ah non, ça aurait été impossible.
21:38Mon travail, c'était des journées de 12-14 heures.
21:40Non, non, c'était un taf assez conséquent.
21:44C'est re-interrompu.
21:46Non, aucun problème.
21:48Et donc, en fait, je vais...
21:51Je vais dans la salle la plus proche de chez moi
21:53pour reprendre le Krav Maga, pour éviter de traverser tout Paris.
21:57Et j'arrive, sans le savoir, dans la salle,
21:59qui est aujourd'hui la salle numéro 1 en Europe du MMA.
22:03Moi, je ne sais pas.
22:05Et j'arrive là, je sympathise...
22:08Je sympathise avec des personnes qui sont là.
22:09Et entre-temps, un des athlètes sait que...
22:12J'ai passé mon diplôme en nutrition,
22:15qui est plus en nutrition sportive.
22:17Il s'avère qu'il vient de rentrer à l'UFC.
22:21Donc, la ligue majeure du MMA, dans le monde.
22:24Et là, il me met en avant.
22:28Et il dit que c'est grâce à moi.
22:30Et là, j'étais hyper mal à l'aise,
22:32parce qu'en gros, il m'a attribué un travail que je n'avais pas fait.
22:35Et vraiment...
22:37Comment ça, que tu n'avais pas fait ?
22:38En fait, il a dit qu'il a voulu m'aider,
22:40vraiment, par générosité.
22:42C'est incroyable, ça.
22:43Et en fait, j'étais très mal à l'aise.
22:45Et il s'avère qu'à cette époque-là,
22:47j'ai eu d'excellentes relations avec le responsable de cette salle.
22:50Qui m'a d'ailleurs beaucoup appris
22:53sur le plan business et sur le plan sportif, aussi.
22:57Et qui m'a dit, Cécile,
23:00plutôt que de renvoyer ça et de lui dire,
23:03non, je n'ai pas fait ce travail, au contraire, capitalise dessus.
23:05Offre-lui tes prestations à l'avenir.
23:08Et en fait, moi, ça s'est fait comme ça.
23:10C'est-à-dire que cet athlète avait une certaine visibilité.
23:12Et puis, même au sein même de la salle, ça s'est su.
23:15Et effectivement, après, il y avait...
23:17Vous avez conçu un binôme, un tandem indissociable.
23:20Ben, si, il a été vite dissocié.
23:23Parce que dans les sports de combat, après, il y a toujours des égaux.
23:26Il y en a qui bougent de salle, etc.
23:28Moi, j'ai pas du tout de mauvaise relation avec.
23:31Mais bon, ça, c'est...
23:32Indissociable n'est pas forcément approprié.
23:35Disons que c'est ce qui t'a permis de sortir.
23:37Et ensuite, c'est ainsi que je me suis fait un petit peu connaître.
23:40C'est-à-dire que j'avais un compte, j'étais sur un réseau social.
23:44Et puis, j'avais capté ça,
23:46que les athlètes, je leur offrais mes prestations
23:49en échange de visibilité.
23:51Et petit à petit, j'ai réalisé que, justement...
23:55Et où tu mets ta vie, là-dedans ?
23:57Alors, je ciblais les athlètes.
24:00Et puis, moi, j'étais ingénieure d'affaires, j'étais commerciale.
24:03Donc, j'ai un nombre de business absolument assumé.
24:06Et justement, je ne faisais pas ça avec tous les athlètes,
24:09ceux qui avaient suffisamment de visibilité.
24:11Et ensuite, eux-mêmes sont suivis par d'autres athlètes.
24:13Oui, bien sûr, c'est le principe de l'influence.
24:15Et j'ai très bien gagné ma vie.
24:17Et tu continues de la gagner.
24:19Moi, j'ai une question au-delà,
24:21parce qu'on l'a bien compris, on l'a déjà dit,
24:23que tu es quelqu'un de curieuse.
24:26Tu dois avoir une force, une capacité de travail assez colossale.
24:30Tu m'arrêtes, c'est juste une bêtise.
24:31Mais de ce que je comprends,
24:34tu as beaucoup d'ambition.
24:37Moi, ce que je voudrais savoir, c'est, est-ce que toi,
24:39qui as été sportif malgré tout de haut niveau
24:40pendant plus de 25 ans,
24:42ou d'un bon niveau régional,
24:44est-ce que aussi, tu fais ça
24:46parce que si tu avais été bien coaché,
24:48si tu avais eu la bonne nutrition,
24:50tu aurais fait une autre carrière ?
24:51Ou est-ce que ça, ça n'existe pas du tout ?
24:52Alors, j'aimerais te dire...
24:55J'aimerais dire oui, mais non, je n'étais pas bonne.
24:58Et puis surtout, ma compétition, moi, a toujours été professionnelle.
25:01Et dans les études.
25:02Et donc, j'étais...
25:07Je ne lâchais rien en compétition.
25:09Mais à un moment donné, il faut reconnaître
25:10quand on est limité physiquement.
25:12Et je n'avais pas ces qualités physiques-là.
25:15J'avais le mental, mais...
25:17Le mental est archi-important dans la performance.
25:20Il faut un minimum de qualité physique.
25:22Moi, j'étais dans le karaté, il fallait être souple.
25:24Pas ma qualité première, on va dire.
25:26Donc, non, il n'y a pas...
25:29Non, et puis, je n'ai jamais aspiré à faire le karaté.
25:31Compris.
25:32Pas du tout.
25:32Moi, je trouve ton parcours hyper inspirant.
25:34Et c'est pour ça que tu es là aujourd'hui.
25:37J'aimerais que tu nous expliques
25:38pourquoi la nutrition, on n'en parle pas assez.
25:41Alors, parfois, avec d'autres invités,
25:43on parle beaucoup de la préparation mentale,
25:44mais j'aimerais qu'on reste,
25:45parce que c'est une de tes spécificités,
25:48jusqu'où la nutrition va avoir un impact
25:50sur les performances d'un sportif ou d'une sportive, évidemment.
25:53Alors, aujourd'hui, on sait que c'est vraiment
25:55un des piliers de la performance.
25:57Tu mentionnais la prépa mentale.
25:58Effectivement, il y a plusieurs années,
26:01la prépa physique, on n'en entendait pas parler.
26:03Moi, quand j'ai commencé la compétition,
26:05personne ne faisait de la prépa physique.
26:06On s'entraînait dans sa discipline.
26:08Et ensuite, la mentalité a changé vis-à-vis de ça.
26:11Et dorénavant, en tout cas,
26:13je ne peux pas parler pour les autres disciplines.
26:15Je ne suis pas dedans.
26:17Mais dans les sports de combat,
26:18si, ça fait quand même quelques années,
26:20on sait que c'est très, très important.
26:24Et la prépa mentale, également, commence à suivre.
26:29Mais voilà, pour la partie sports de combat, en l'occurrence,
26:33aujourd'hui, on a intégré
26:36que la nutrition était primordiale.
26:38Moi, ce que je trouve formidable,
26:40et Salim, je ne sais pas ce que tu en penses,
26:41c'est qu'on l'a vu,
26:43projetons-nous, revenons 10, 15, 20 ans en arrière
26:47les plus grands performeurs.
26:48Il y en a parce que c'était des génies,
26:50mais c'est souvent ceux qui avaient la meilleure préparation,
26:52la meilleure alimentation, ce qui ne se faisait pas.
26:55Alors aujourd'hui, ça semble logé,
26:56et encore pas dans toutes les disciplines,
26:58mais c'est vrai que ça a commencé comme ça.
27:01Ils passaient pour des ovnis, à l'époque.
27:02Et il y a beaucoup de noms qu'on pourrait retrouver,
27:04mais qui passaient vraiment, à l'époque,
27:06en se concentrant sur tout le reste.
27:07Certains les accusaient de perdre un peu leur temps
27:10dans beaucoup de choses.
27:11Tu as l'impression d'avoir suivi un courant
27:14pour te mettre ces cordes-là à ton arc
27:16et accorder ce truc-là aussi bien ?
27:18Ou est-ce que...
27:19Qu'est-ce qui t'a guidée, au final, pour construire ça ?
27:22Je ne peux pas croire que c'est que le hasard.
27:23Tu nous parles de hasard depuis trois fois.
27:25En fait, je pense que j'ai lancé plutôt quelque chose.
27:28Je me perçois vraiment comme pionnière.
27:31Dans les sports de combat.
27:32Dans la nutrition des sports de combat.
27:34C'est-à-dire, en France, en tout cas,
27:35ça se faisait aux États-Unis,
27:37mais j'ai senti une mouvance,
27:40c'est-à-dire que je vois le nombre de demandes de stage
27:44que je peux avoir pour apprendre cette spécificité-là.
27:48Je vois l'engouement des préparateurs physiques
27:51qui posent des questions, justement, des athlètes.
27:53Donc, je ne pense pas avoir suivi une mouvance.
27:57Je pense véritablement que j'ai créé mon métier.
28:00Elle a du pif, en plus.
28:02Il est long, il faut bien qu'il s'en va quelque chose.
28:07Je ne me serais pas permis.
28:08Qu'est-ce qui manque aux préparateurs physiques
28:10que tu croises, que tu côtoies au quotidien
28:12ou que tu rencontres pour être plus efficace ?
28:15Alors, ce n'est pas pour te créer de la concurrence que je demande ça,
28:17mais qu'est-ce qui fait que...
28:19Alors, moi, par exemple, qui est en lambda, je vais les voir
28:21et je suis un peu largué sur ce qu'ils me disent
28:23ou eux, peut-être, sont un peu largués sur quoi me dire
28:25en termes d'alimentation, de prise en compte un peu plus globale.
28:30Qu'est-ce qui veut leur manquer ?
28:31Alors, ce qui peut manquer, c'est l'apprentissage,
28:34la base théorique,
28:36puisqu'aujourd'hui, en nutrition, on entend tout et son contraire,
28:40d'ailleurs. Dans nos milieux, à savoir les sports de combat,
28:43on a beaucoup, à ce point, j'appelle les urbaines légendes.
28:45Donc, je suis là pour un peu casser toutes ces légendes,
28:47aller courir en sudisette.
28:49On voit tous Rocky, là, dans les films.
28:52Et aujourd'hui, on sait que ça n'a strictement aucun intérêt.
28:55Voir même que ce n'est pas bon ?
28:56Voilà. On peut avoir un intérêt, mais sur un timing précis.
28:58Et quand on voit qu'ils font ça 15 jours ou une semaine
29:00avant l'échéance, ça ne sert à rien,
29:03parce qu'au contraire, ils vont habituer le corps
29:05et au moment où il faudra transpirer,
29:06puisque nous, en sport de combat, on a des processus de déshydratation,
29:09mais qui doivent être précis, justement,
29:12ils vont tellement habituer leur corps à ça
29:13qu'au moment où il faudra transpirer, ils ne transpireront plus.
29:16Aucun intérêt.
29:17Donc...
29:19Donc, j'ai oublié la question. Pardon.
29:21Je me suis...
29:22Qu'est-ce qui fait qu'ils sont largués ?
29:23Oui, pardon. Merci.
29:26Donc, aujourd'hui,
29:29on est un petit peu dans chacun son métier.
29:33Pour raconter une petite anecdote,
29:34il y a quelques années,
29:35j'avais en charge pas mal de filles de l'équipe de France de judo,
29:39et je me rapproche qu'il y a une démarche tout à fait naturelle
29:42de leur préparateur physique,
29:44puisqu'il ne peut pas y avoir de nutrition sportive
29:46sans connaissance de la prépa physique
29:48et du planning de l'athlète.
29:50Pour moi, ça n'a pas de sens.
29:52Donc, je l'appelle de façon très naturelle.
29:55Et en fait, il était là depuis plusieurs années
29:57et il m'a avoué être choquée.
30:00Ah oui ? Et tu l'appelles ?
30:02Oui, et en gros, je rigole, j'ai fait une bêtise.
30:04Qu'est-ce qui se passe ? Il me dit non, au contraire,
30:06c'est la première fois qu'on n'est pas chacun dans nos couloirs.
30:09Et il me dit, vous ne pouvez pas imaginer combien ça me fait plaisir.
30:12Et en fait, pour moi, l'approche, la démarche,
30:14elle doit être holistique.
30:15C'est-à-dire que je n'ai pas de connaissances en prépa mental,
30:19typiquement.
30:20Je n'ai pas de connaissances, enfin...
30:22Un minimum, mais en avoir avec un préparateur mental.
30:24Tu parles de complémentarité.
30:25Complètement.
30:26Je ne suis pas ostéo.
30:28En revanche, je vais appeler l'ostéo d'un athlète,
30:32lui dire, bon, qu'est-ce qui se passe ?
30:33Tendinitis, si, OK.
30:35Je sais que la nutrition peut apporter,
30:37peut réduire les processus inflammatoires.
30:39Donc, chacun, on est là pour travailler en équipe.
30:43C'est-à-dire que les combattants et les combattantes aujourd'hui
30:46l'ont bien compris, l'importance d'être staffés.
30:50C'est-à-dire qu'on est sur des disciplines individuelles,
30:52mais on travaille en équipe.
30:54Et en fait, la nutrition, il faut bien comprendre,
30:57c'est un pilier de la performance, ça ne fait pas des miracles.
31:00Ça ne transformera jamais un athlète moyen en athlète plus-plus.
31:03Mais on sait très bien que les résultats se font
31:05dans la petite différence.
31:07C'est ça. Cependant, un mauvais plan alimentaire
31:10peut tout à fait transformer un athlète plus-plus
31:12en athlète moyen.
31:13Et d'où... Donc, nous, on est là pour ça,
31:15pour apporter cette complémentarité.
31:17Et donc, voilà, vraiment, pour revenir à la question
31:19des préparateurs physiques, on est là pour les accompagner.
31:21Puis, très souvent, les guider, répondre à leurs questions.
31:24Et puis, très souvent, ce sont eux qui sont sur le terrain
31:27et moi, j'ai déjà eu l'occasion d'accompagner des athlètes
31:29un petit peu partout, même à l'étranger,
31:32mais je ne peux pas être là à chaque fois.
31:34C'est l'entraîneur, c'est le préparateur physique
31:36qui est là, donc c'est lui, notre relais.
31:38Et il faut qu'on ait une voix commune.
31:39Tu es une pierre supplémentaire à l'édifice.
31:42Tout à fait.
31:43J'aimerais qu'on revoie les images des différents athlètes
31:46avec qui tu travailles ou avec qui tu as travaillé.
31:48J'aimerais bien que tu dises quelques mots.
31:49Jimmy Viennot, cette fois, à la championne du monde,
31:51oui, ça va vite, de Muay Thaï.
31:53Emilie Andéol, championne olympique de judo,
31:56mais il faut faire pause, c'est trop vite.
31:57Je l'ai prise après sa médaille.
31:59Steven D'Acosta, double médaillé du monde en karaté
32:03et championne olympique.
32:04Cyril Gannes, qui vient de combattre pour la ceinture de l'UFC,
32:07un poids lourd, mais qui a perdu contre Francis,
32:09qui était un ami aussi, Francis.
32:11Ah, ben voilà.
32:12Clarisse, cinq fois championne du monde de judo,
32:14double médaillée olympique.
32:15Tu la suis sur sa grossesse ?
32:16Non, Clarisse, on a travaillé plus de trois ans ensemble.
32:19Elle m'a appelée après ses Jeux de Rio.
32:22Et moi, mon objectif, c'est de les rendre autonomes.
32:24Avant les Jeux de Pékin, de Tokyo, avant qu'ils soient décalés,
32:28en fin 2019, on avait convenu d'un commun accord
32:31qui a été tout à fait autonome.
32:33Charlotte Lambert, médaille olympique d'escrime.
32:37Voilà.
32:38Ça fait du lourd.
32:39Je voudrais, pour terminer, une dernière question.
32:42En quoi, Cécile, elle est importante, cette question.
32:45En quoi être une femme
32:48a pu, dans les sports de combat,
32:50être regardée bizarrement, étrangement, ou pas du tout ?
32:55Même si j'ai bien compris qu'à mon avis,
32:56tu es quelqu'un qui doit savoir dire les choses
32:58et remettre les choses dans le droit chemin.
33:01Je voudrais préciser ta question.
33:03Tu parles dans ma pratique personnelle ou dans mon métier ?
33:06Dans la pratique, mais aussi dans le métier.
33:08D'accord. Dans ma pratique personnelle,
33:10comme je disais en amont, ça n'a absolument rien changé.
33:12Dans le karaté, vraiment, la représentation féminine,
33:16et même dans les sports de combat, les femmes sont respectées.
33:19On voit même à l'UFC, sur les très grosses organisations,
33:22les combats de femmes sont très suivis,
33:24puisque très souvent, les femmes sont plus agressives que les hommes.
33:27Ça va.
33:29Mais c'est une vérité.
33:31Quant à mon métier...
33:34Écoute, moi, j'ai...
33:37J'ai pas d'anecdotes
33:40où je me suis sentie traitée différemment.
33:43De temps en temps, on va avoir des hommes
33:45qui savent toujours un peu mieux que toi,
33:47alors que, bon, je sais que c'est moi l'experte,
33:50mais bon, ça leur fait plaisir, donc...
33:52Voilà, mais...
33:53Mais c'est un terme...
33:55Je sais plus, mansplaining...
33:57Je sais pas.
33:59Je m'aventure dans quelque chose que je ne maîtrise pas.
34:02Et c'est très amusant que tu poses cette question,
34:04puisque récemment, c'était la journée des droits de la femme.
34:08Et moi, justement, comme j'aime transmettre,
34:10j'ai ouvert une école,
34:11une formation pour apprendre mon métier.
34:14Et en fait, 75 % des effectifs,
34:17c'est le hasard.
34:18Ce sont des femmes.
34:20Et justement, à l'occasion de cette journée,
34:22sur nos réseaux sociaux, on a posé la question.
34:24Et la plupart nous ont dit...
34:27Donc, les hommes ont répondu.
34:29Pour eux, ils se sentaient plus écoutés,
34:31qui avaient moins d'égo,
34:32donc ils se sentaient plus écoutés, plus d'empathie,
34:35puisque, justement, ils se sentent pas en compétition.
34:38Et 65 % des personnes ont dit
34:41que ça leur changeait strictement rien.
34:43Et pour moi, c'est une réponse idéale, parce que...
34:45Tu disais quoi ?
34:46Pas de différence.
34:47On est là pour la performance, à nouveau.
34:49Merci mille fois d'avoir été avec nous.
34:51Merci à toi.
34:52Salim, dans quelques secondes,
34:54on va accueillir une aventurière.
34:56On va partir loin et accroche-toi,
34:57parce qu'il y a des disciplines stratosphériques.
35:06Une aventurière d'exception avec nous,
35:09c'est Bénédicte Perron.
35:10Bonjour, Bénédicte.
35:12Bonjour. Bonjour à tous.
35:13Bonjour, Bénédicte.
35:15On est ravis de t'accueillir avec Salim aujourd'hui.
35:17Salim, qui a la particularité d'être non voyant,
35:20mais de concourir en équitation avec les valides.
35:23Bref, un garçon connecté qui comprend tout
35:26et qui imagine tout à merveille.
35:28Dans la vie, il y a les aventuriers, les athlètes,
35:31et puis il y a les triathlètes.
35:32Là, on se dit, wow, déjà, on bascule dans une autre dimension.
35:35Et puis, il y a ceux qui font des Iron Man
35:38et toutes ces courses incroyables.
35:40Et là, on bascule dans une autre galaxie.
35:42Bénédicte, j'aimerais que tu me dises,
35:44pour comprendre, t'en as fait combien des courses exceptionnelles comme ça ?
35:49Exceptionnelles, je ne sais pas si on peut appeler ça comme ça,
35:51mais j'en ai fait six, des Iron Man, en tout cas.
35:56Et j'ai fait un trail, donc trail running,
35:59un peu longue distance depuis que j'ai commencé.
36:02T'as 26 ans. Tu peux nous rappeler les distances d'un Iron Man ?
36:07Alors, les distances d'un Iron Man, c'est 3,8 km en natation,
36:11180 km à vélo et un marathon à pied.
36:15OK, donc je répète, pour celles et ceux qui, comme moi,
36:18se disent, attendez, ça va trop vite, donc 3,8 km en natation.
36:22Salim, tu nages 100 mètres ou 200 mètres pour...
36:24Pas plus.
36:25OK, bon, elle, c'est 3,8 km.
36:27Après, on monte sur un vélo et on fait 180 km de vélo.
36:32Et derrière, on se fait un petit marathon tranquillou-bilou.
36:37Elle commence en nous disant que ces courses ne sont pas exceptionnelles
36:40ou qu'elle n'en est pas certaine. J'aime bien, déjà.
36:42Ça dit quelque chose de la personnalité.
36:44Et après, elle parle de quelques courses,
36:46comme par exemple la Saint-Etienne-à-Lyon,
36:47qui est la dernière grande course que tu as effectuée.
36:50Saint-Etienne-à-Lyon, c'est de Saint-Étienne à Lyon.
36:52C'est combien de kilomètres et dans quelles conditions ?
36:55Alors, c'est en moyenne 80 km,
36:57parce que chaque année, ça change de quelques kilomètres,
37:01mais en moyenne, c'est 80 km.
37:0380 km, qu'on fait en combien de temps ?
37:06Tout dépend. Moi, j'ai mis 9h30,
37:09mais les meilleurs peuvent aller bien plus vite,
37:12aux alentours de 6h30, 7h.
37:14Moi, j'en connais qui mettent 17h pour le faire.
37:16Tu étais dans tes objectifs ?
37:19En termes d'objectifs, c'est ce que tu visais
37:21ou est-ce que tu visais peut-être plus rapide ?
37:26Alors là, cette année,
37:27ça a été une année un peu différente des autres années.
37:32J'ai été blessée la moitié de la saison.
37:35Et du coup, je m'étais donné un objectif de faire la Saint-Étienne-à-Lyon,
37:38parce qu'il faut savoir que je ne suis pas très douée
37:42dans les cailloux et dans le trail.
37:45Et du coup, je m'étais lancée le défi de faire cette course
37:47qui est pour les trailers roulantes, comme on peut l'appeler.
37:51Et du coup, je voulais simplement la terminer
37:54et j'étais très contente de la performance.
37:57J'aimerais avant qu'on rentre dans le détail
37:59et qu'on reprenne ton parcours.
38:01Quand tu fais un Ironman,
38:03il y a la natation, il y a le vélo, il y a la course.
38:05T'as une discipline de prédilection, toi, Bénédicte ?
38:09Non, pas du tout.
38:10Moi, j'ai commencé...
38:12On l'expliquera potentiellement tout à l'heure,
38:14mais moi, j'ai commencé très jeune le triathlon.
38:16Donc, j'ai côtoyé les trois sports directement.
38:21Donc, par moments, c'est le vélo, par moments, c'est la course à pied.
38:24Ça dépend des moments.
38:25Non, parce qu'on se demandait...
38:27Avec Salim, on avait fait un pari,
38:28on s'était dit sur quoi on peut la battre.
38:30Mais en fait, rien, Salim, oublie.
38:31Je crois que c'est mort.
38:33Alors, ton parcours, Bénédicte,
38:34d'abord, évidemment, tu n'es...
38:35Enfin, évidemment, oui, tu n'es pas professionnelle.
38:38Non.
38:39Tu vis de quoi ? Quel est ton métier ?
38:43Alors, là, je suis jeune...
38:45Enfin, entrepreneur, si on peut appeler ça.
38:47Je suis, à mon compte, dans le digital.
38:49Je travaille pour des marques de sport en communication digitale.
38:53Parfait.
38:55Tu nous disais que t'as commencé très vite le triathlon.
38:58D'abord, on va commencer par avant le triathlon,
39:00parce que j'imagine qu'il y a eu un avant-triathlon.
39:03Tu es née en Bretagne.
39:05Aujourd'hui, t'es loin de là ou t'es encore là-bas ?
39:09Non, je suis née en Bretagne.
39:11J'ai beaucoup bougé pendant mes études et un petit peu après,
39:14mais je suis revenue aux sources depuis quelques mois, là.
39:18OK. À quel âge t'as commencé le sport et quel sport ?
39:22Alors, moi, j'ai commencé le sport vraiment très, très jeune,
39:25parce que dans toute ma famille, ma famille est très sportive.
39:28Mon père faisait du tennis pendant toute notre enfance
39:33avec mon frère et moi.
39:34Du coup, c'était un peu comme un devoir, entre guillemets,
39:37d'être dans des clubs de sport et de faire des activités sportives
39:43en étant jeune.
39:44Du coup, moi, j'ai touché un peu à tout
39:46et je ne trouvais pas ma passion, entre guillemets.
39:51À l'époque, j'étais en CM1.
39:53Je ne sais pas, on a 11 ans peut-être, je crois.
39:56Non, même pas. T'as peut-être 8, 9 ans.
39:58Ma copine de l'époque faisait du triathlon dans la ville où j'habitais.
40:02Du coup, j'ai commencé en CM1 par le triathlon.
40:05Ah oui, donc vraiment le triathlon.
40:07Qu'est-ce que tu as trouvé dans ce sport que tu ne trouvais pas,
40:10justement, dans les sports avant,
40:11où, comme tu viens de le dire, tu n'accrochais pas,
40:14ce n'étaient pas tes passions ?
40:17J'ai commencé parce que mon père faisait du tennis.
40:21J'étais vraiment...
40:22En fait, sans rire, je ne suis pas très habile
40:27et moi, j'ai besoin d'avoir un sport un peu de bourrin.
40:32Donc, il ne faut pas trop réfléchir pour courir, rouler et nager.
40:38Du coup, j'avais besoin d'avoir un sport où je m'entraînais beaucoup
40:42et pas forcément de façon ludique.
40:46C'était simplement un défouloir pour moi.
40:48Parce qu'au début, je suis arrivée parce que j'avais des amis
40:52et en fin de compte, je me suis tout de suite prise au jeu
40:54à m'entraîner très sérieusement avec mon père et de façon assez solitaire.
40:58Et en fait, c'était mon défouloir et ma manière de m'amuser,
41:04entre guillemets, mais de façon assez solitaire, en fin de compte.
41:06Mais attends, Bénédicte, explique-moi une chose.
41:08Comment une petite fille de 8 ans peut s'entraîner beaucoup,
41:12comme tu le dis, au triathlon ?
41:13Et c'était quoi, du coup, tes entraînements à 8 ans, 9 ans, 10 ans ?
41:16Le volume, je veux dire.
41:18Au début, c'était les entraînements de mon club de triathlon.
41:22Donc, c'était tous les après-midi, par exemple le mercredi après-midi,
41:25le samedi après-midi, le dimanche matin.
41:28Je faisais les petites compétitions aussi dans le club à venir.
41:31Moi, j'ai fait toutes les catégories de minim à pupille à tout,
41:35à poussin, etc.
41:37Et en fait, rapidement, quand je suis rentrée au collège
41:40ou quand on a plus d'infrastructures
41:42et que forcément, tu es plus âgée pour encaisser les charges d'entraînement,
41:47j'ai commencé à intégrer d'autres clubs de sport
41:50en parallèle de mon club de triathlon,
41:52c'est-à-dire un club d'athlétisme et un club de natation.
41:55Donc, ça pouvait me permettre d'avoir plus d'entraînement
41:58et de m'entraîner un peu plus.
42:00À l'adolescence, la Fédération te remarque,
42:01tu intègres le Pôle Espoir, qui est où ?
42:04Et à ce moment-là, est-ce que tu te dis, je veux en faire ma vie de ça ?
42:09Oui, rapidement, en fait, j'ai fait un podium
42:11à la championnate de France du duathlon,
42:14donc c'est de la course à pied et du vélo.
42:16Et la Fédération française de triathlon m'a contactée
42:20pour participer au stage.
42:23En gros, c'est pour voir les espoirs de la France.
42:27Et donc, tous les vacances scolaires, je faisais les stages
42:30et ensuite, ils m'ont proposé d'intégrer le Pôle Espoir de Montpellier,
42:34au lycée.
42:35Salut.
42:36Tu parles de tes vacances scolaires qui ont commencé à être prises par tout ça,
42:40tu parles de deux autres clubs que tu as intégrés
42:42en plus de ton club de triathlon.
42:43Dis donc, ça en fait plus beaucoup de temps pour vivre ta vie d'ado,
42:47pour se construire une identité en dehors du sport.
42:50Est-ce que ça a fait d'emblée partie de toi
42:53ou est-ce que tu as le sentiment quand même que ça t'a pris beaucoup de temps ?
42:57C'était moi qui voulais ça vraiment
43:00parce que mes parents ont toujours eu une éducation très scolaire.
43:06Tu fais des études et après, tu vois ton loisir,
43:09tes loisirs et notamment le sport.
43:11Et donc, c'est moi qui a poussé, poussé, poussé
43:13pour m'entraîner, pour faire les stages.
43:16En fait, ça venait de moi et je m'épanouissais à l'époque comme ça.
43:20Je n'ai pas du tout de regret, loin de là,
43:23de tout mon collège, mon lycée,
43:25à avoir mis 100 % de mon temps hors école au sport.
43:30Justement, c'est ça que je voulais à l'époque.
43:32Tu étais mordu, déjà, c'était un peu plus qu'un loisir.
43:34Tu parles de loisir, mais on devine que c'était quand même très présent.
43:38Oui, bien sûr, c'était plus qu'un loisir,
43:41mais en même temps, je partageais.
43:42Pendant les stages, on était un bon groupe de jeunes
43:45et c'était assez plaisant
43:47jusqu'à un point où on avait un abord durable,
43:50mais jusqu'à l'histoire du Pôle, justement, du Pôle France,
43:53c'était vraiment… Je prenais plaisir à aller toutes les vacances,
43:57à des stages, etc. Je prenais vraiment du plaisir.
43:59Et puis, tu gagnes, tu performes,
44:02tu es au Pôle Espoir et puis, pouf, t'exploses.
44:06Tu décides de tout arrêter. Tu as quel âge et pourquoi ?
44:10Effectivement, j'ai poussé mes parents
44:12pour aller au Pôle Espoir à Montpellier.
44:14Donc, j'ai quitté ma Bretagne natale pour partir à Montpellier
44:19parce que c'est vrai que les conditions, comme je l'ai dit,
44:22j'étais dans plusieurs clubs,
44:24je n'habitais pas forcément à proximité de tous les entraînements.
44:29Du coup, j'avais un planning ultra chargé
44:31et le Pôle pouvait m'apporter cette facilité d'entraînement,
44:35c'est-à-dire que tout était aménagé
44:36pour pouvoir concilier études et entraînement.
44:40Et en fin de compte,
44:43quand je suis arrivée là-bas,
44:44ça a été bien, mais très dur psychologiquement.
44:48C'est-à-dire que je suis restée un an et je suis rentrée à la maison
44:53parce que je voulais rentrer à la maison.
44:55Et j'ai fait...
44:59On pourrait appeler ça un burn-out maintenant.
45:01À l'époque, on n'appelait pas ça comme ça.
45:03Mais j'ai complètement pété un câble
45:06après cette année au Pôle Espoir.
45:08Tu te souviens comment ça s'est matérialisé ?
45:13Moi, ça m'intéresse de comprendre les limites.
45:17Alors, tu es une jeune fille, tu as 15 ans, 16 ans à l'époque ?
45:20J'ai 16-17 ans, oui.
45:22Comment ça se matérialise psychologiquement et physiquement, ce burn-out ?
45:28Déjà, toute l'année, j'ai été blessée, pratiquement.
45:31Je n'ai fait que des contre-performances.
45:33À tous les championnats de France, j'ai fait des contre-performances.
45:36J'arrivais épuisée dès que je rentrais un week-end chez mes parents.
45:39J'arrivais épuisée.
45:41Ça, je ne m'en suis pas rendue compte, personnellement,
45:43parce que je faisais confiance et que j'étais encore une fois très jeune.
45:48Et en fait, c'était l'époque de passer le bac de français.
45:51Ma mère était venue m'aider à l'époque,
45:55préparer ce bac-là et venir aux examens avec moi.
45:58Et elle a vu que j'étais à bout de souffle,
46:01que je n'arrivais pas à tout concilier.
46:04Et en rentrant de cette année-là, j'ai dit à mon père,
46:08je n'irai plus, je ne repars pas l'année prochaine.
46:12Et en fin de compte,
46:14je ne sais pas pourquoi j'ai décidé ça comme ça,
46:16mais j'ai décidé parce que j'arrivais à bout de course.
46:20Et quand j'ai repris une année normale, dans un lycée normal,
46:26psychologiquement, j'ai...
46:29Comment expliquer ?
46:32J'ai dû être suivie psychologiquement
46:35parce que j'ai complètement craqué physiquement.
46:39Psychologiquement, j'étais épuisée, je pense.
46:42Et mentalement, tout a explosé.
46:44Salim ?
46:45C'était un changement complet.
46:47Qu'est-ce qui fait que tu n'as pas associé le sport
46:50à ce pétage de câbles, comme tu dis ?
46:53Comment est-ce que tu t'expliques que tu aies fait la part des choses
46:57entre le sport qui t'épuise et le sport qui te libère ?
47:02Parce qu'en fait, jusqu'à présent, c'était moi qui décidais
47:05où je voulais aller.
47:07C'était moi qui décidais si je voulais aller à cet entraînement.
47:10C'est moi qui décidais, tiens,
47:12je vais aller dans un club de natation pour progresser.
47:15Et au pôle, en fait, tout le monde décidait pour moi.
47:18Tout le monde décidait que je devais aller à ce stage-là, là.
47:20Je devais faire ces entraînements-là.
47:22Je devais... Voilà.
47:24Et en fait, il n'y avait plus cette notion de plaisir
47:28que moi, je recherchais, que malgré que...
47:30Alors oui, et encore aujourd'hui,
47:32je m'infligeais des heures d'entraînement, etc.
47:34Mais c'est moi qui décidais.
47:36Et au pôle, en fait, je n'avais plus, je pense,
47:38aujourd'hui, je n'avais plus cette notion de...
47:41Je contrôle mon sport, je contrôle mon loisir,
47:44parce que ça n'en était un.
47:45Et on me mettait dans la tête que tu avais des performances,
47:48tu avais potentiellement le niveau pour être professionnelle
47:51ou pour performer, et du coup, tu devais faire ça.
47:54Et donc, je n'avais plus l'écart en main dans mon sport, en fait.
47:59Bénédicte, j'ai une question,
48:01et ne le prends surtout pas de manière péjorative,
48:03mais est-ce que finalement, tu ne t'es pas dit à ce moment-là
48:07que tu n'es pas faite pour être sportive de très haut niveau
48:10et mettre de côté toute ma vie de jeune fille,
48:13mettre de côté une grande partie de notion de plaisir
48:16et que l'effort, le sacrifice, le travail,
48:18ce qui est terriblement difficile,
48:20et tu le sais, mais ici, on a un respect absolu
48:23pour les sportifs de haut niveau,
48:24et que tu t'es dit tout simplement que ce n'est pas fait pour toi.
48:26Et une fois de plus, il n'y a pas de jugement de ma part
48:28quand je dis ça.
48:29Non, pas du tout.
48:30Et puis ça, j'ai eu du temps avant de m'en rendre compte
48:35parce qu'encore jusqu'à il y a quelques, peut-être pas mois,
48:38mais pas loin, je me suis toujours dit
48:41est-ce qu'en fait, j'aurais pu être professionnelle,
48:43est-ce que j'aurais pu faire ça de mon métier ?
48:45Et en fin de compte, je n'ai jamais eu de regrets
48:48sur cette année-là d'avoir arrêté si vite,
48:50mais j'ai eu un regret de me dire
48:51que je n'ai pas été au bout de la chose.
48:54Et en fin de compte, je me suis rendue compte,
48:55il y a encore une fois quelques mois, petite année,
48:58qu'en fait, je n'étais pas faite pour ça.
49:00Je n'étais pas faite pour me mettre une rigueur à ce point.
49:04Je ne suis pas faite pour tenir des engagements
49:08sur le long terme en décidant pour moi,
49:11ben voilà, je suis professionnelle,
49:13donc du coup, je dois être sur tel Ironman, tel Ironman,
49:17tel Ironman, telle course, etc.
49:19Moi, j'ai besoin vraiment de liberté et de me dire
49:22que si dans six mois, les Ironman, ça ne me plaît plus,
49:26eh ben, je me mets au trail ou je me mets à un autre sport.
49:29Et en fait, pour moi, le sport, c'est ma passion.
49:32Le triathlon, ça reste, ça restera ma passion,
49:36mais je n'ai pas envie que ça devienne une contrainte, en fait.
49:38Et donc, aujourd'hui, j'ai complètement accepté
49:40que je ne suis pas du tout faite pour être professionnelle.
49:43Mentalement, je ne suis pas conditionnée comme ça,
49:48mais là, ça marche très bien le pôle
49:49et moi, ça n'a pas du tout marché.
49:51Et alors, autre question, et ce n'est toujours pas une critique,
49:54du coup, quel regard tu apportes à ces sportifs ?
49:57On va prendre l'exemple, parce qu'il se trouve que j'en connais beaucoup,
50:00mais des nageurs, des nageuses de très, très haut niveau
50:03qui nagent 15 km par jour, dès 6h le matin,
50:07qui, sur l'alimentation, la récupération,
50:11bref, qui ne pensent que natation,
50:13et la natation, c'est regarder une ligne des carreaux
50:15au fond de la piscine, donc c'est extrêmement difficile.
50:18Quel regard tu as, du coup, et ça, ça m'intéresse,
50:21parce que malgré tout, tu surperformes,
50:23mais dans une autre notion de sport
50:25avec laquelle il y a du plaisir et de la difficulté,
50:27parce qu'en Ironman, on a les distances, c'est stratosphérique,
50:30et une fois de plus, je respecte absolument.
50:32Quel est ton regard, toi, sur celles et ceux
50:35qui continuent dans cette voie-là ?
50:39Moi, je les respecte et je sais, à mon petit niveau,
50:43parce que je n'ai pas essayé de longtemps,
50:45mais je sais ce que c'est être sportive de haut niveau
50:47et je travaille aujourd'hui avec des sportives de haut niveau,
50:50et je sais, au-delà du côté rigueur de le sport,
50:55la performance physique, etc.,
50:58au-delà de ça, c'est psychologiquement
51:01la pression qu'ils ont chaque année,
51:04chaque course, chaque jour,
51:06de se dire, tu ne dois pas te blesser,
51:08tu ne dois jamais être fatigué, tu dois manger.
51:11En fait, tout leur quotidien est ciblé dans un choix de vie.
51:17Quand on fait le choix d'être un banquier,
51:20tu rentres à la maison, globalement,
51:22tu as une autre vie à côté.
51:23Être sportive professionnelle, ta vie, c'est ton métier.
51:29C'est ça que je respecterais toujours.
51:31Pour moi, quand on entend, oui, tu es sportive professionnelle,
51:35donc tu es en vacances toute l'année.
51:36Non, non, non, c'est un métier très, très, très dur.
51:40Franchement, je respecte tous les sports et encore plus les nageurs
51:44parce que pour moi, c'est un sport très, très dur.
51:47Mais non, non, la pression psychologique, c'est énorme
51:52comme sportive professionnelle.
51:53Je veux juste qu'on bascule sur la partie de l'après.
51:55Pendant trois ans, on arrête, rideau,
51:58et puis tu grandis,
51:59et puis avec ton papa, vous décidez de reprendre le sport.
52:02Et là, tu t'inscris en 2017 à l'Ironman de Nice.
52:05J'aimerais que tu m'expliques quel est le levier
52:08qui fait que tu rebascules dans...
52:09Je vais me remettre à un... Pardon, permets-moi l'expression,
52:11mais un putain de défi, l'Ironman, au rappel.
52:143,8 km de natation, 180 km de vélo, et donc un marathon.
52:18Qu'est-ce qui fait que tu repars ?
52:20Même si c'est autre chose.
52:22En fait, tout simplement parce que mon père a toujours fait des Ironman
52:25depuis que j'ai commencé le triathlon en même temps que mon père.
52:29Et lui, il s'est rapidement mis sur le long de distance
52:31vu qu'il était plus âgé.
52:32C'était...
52:34Normalement, le sport d'endurance,
52:36on le fait quand on est un peu plus âgé.
52:39Et en fait, je l'ai toujours suivi sur tous ses Ironman.
52:41J'en avais 11 ou 12 aujourd'hui.
52:44Et dans ma tête, je l'ai toujours dit,
52:47avant mes 30 ans, je ferais un Ironman.
52:49Je disais ça à mes parents, je disais ça à tout le monde.
52:52Et en fait, c'était en 2016, du coup,
52:55j'étais dans une période où j'étais en Australie pour mes études.
52:59Et mon père a fait un Ironman quand j'étais en Australie,
53:03où je n'étais pas là.
53:04Et au téléphone, quand mon père a terminé,
53:06j'ai dit à ma mère,
53:08« Moi, l'année prochaine, je ferai un Ironman. »
53:11Mais je l'ai dit vraiment comme si je disais un truc vraiment bateau.
53:16Et en fin de compte,
53:17quand je suis rentrée quelques mois plus tard en France,
53:20chez mes parents,
53:21mon père m'a dit, « Alors, tu veux reprendre l'autrille ?
53:24Tu veux faire un Ironman ? »
53:26Et je dis, « Oui, pourquoi pas ? »
53:28Mais vraiment, pensant qu'il allait me dire,
53:31sachant ce que j'avais vécu
53:32et ce que je l'avais fait subir, entre guillemets, quelques années avant,
53:36je ne pensais pas qu'il allait partir dans cette idée-là.
53:39Et en fin de compte, on s'est lancé le défi,
53:42bêtement, vraiment, de faire l'Ironman de Nice ensemble.
53:45Et donc, je suis repartie presque de zéro en automne-hiver 2016
53:50pour préparer l'Ironman de Nice en juillet 2017.
53:54Waouh.
53:55Tu avais fait cet apprentissage
53:57que la pression et les objectifs que d'autres te mettaient,
54:00ça ne te convenait pas.
54:01Mais du coup, quels objectifs et quelles pressions,
54:04plutôt objectifs, tu vas chercher, toi, sur un Ironman ?
54:07Est-ce que tu veux un résultat ?
54:09Est-ce que tu veux t'arracher, te donner un fond ?
54:12Qu'est-ce que tu vas chercher sur une perf comme celle-là ?
54:17Alors, ça a bien changé, mais à l'époque...
54:20Enfin, ça a changé au cours du temps,
54:22mais à l'époque,
54:24en fait, toute l'année Montpellier et après,
54:28m'a laissé quand même quelques séquelles,
54:30notamment d'angoisse, de perte de contrôle, etc.
54:37Je contrôlais tout, pratiquement, et encore aujourd'hui,
54:40mais je veux et je voulais contrôler tout.
54:43Et en fait, faire un Ironman, pour moi,
54:45c'était justement la perte de contrôle,
54:46parce que je me disais, sur une telle distance
54:48et sur un tel effort, c'est impossible que je contrôle tout.
54:52Et donc, je voulais chercher ça, se lâcher pris,
54:56être fière de moi sans tout contrôler.
54:59Et donc, en fait, j'avais aucune ambition de...
55:05Quand tu parleras de sélection à Hawaï,
55:08de qualif au championnat du monde,
55:10de finir dans un temps précis, non, non.
55:12Pour moi, c'était simplement terminer la course
55:14et être fière de moi et partager un moment avec mon père,
55:18avec toute ma famille qui était présente.
55:19C'était vraiment ça, mon seul objectif.
55:21Aujourd'hui, en 2017, tu as fait l'Ironman de Nice.
55:26En 2018, tu as fait l'Ironman d'Hawaï.
55:30Tu as fait Barcelone en 2019.
55:33Francfort, également.
55:35Quel est le plus beau et pourquoi ?
55:40Ben, parce qu'une fois que j'ai repengé dedans...
55:44Non, non, d'abord, quel est le plus beau et pourquoi ?
55:47Quel est le plus beau et pourquoi c'est le plus beau ?
55:52Il n'y en a pas, vraiment, de plus beau.
55:54Je pense que Nice a été l'un des plus beaux souvenirs
55:58et l'un des plus purs, entre guillemets,
56:01parce que je repartais de zéro
56:03et je n'avais plus aucune pression de personne.
56:07Mais c'est vrai que j'ai fait aussi...
56:10J'ai fait Francfort-Hawaï,
56:12donc plus pour une recherche de performance.
56:14Là, c'était quand même un très beau souvenir, évidemment.
56:17Mais j'ai fait aussi Norseman qui se rapprochait en 2019,
56:22qui se rapprochait plus de cette envie de dépassement de soi
56:26et de perte de contrôle sans pression de performance.
56:29Donc je dirais qu'aujourd'hui, c'est le Norseman,
56:32ma plus belle...
56:33Dans les fjords.
56:34Ma plus belle course.
56:35Oui, génial.
56:37Merci infiniment, Bénédicte, d'avoir été avec nous.
56:39Et je trouve ça formidable de pouvoir parler
56:41à la fois de performance,
56:43à la fois de... Oui, on peut avoir un petit creux,
56:45à la fois, on se cherche, on se trouve,
56:47on commet des erreurs ou des choix
56:50et on est capable de faire marche arrière.
56:51Mais moi, je trouve ça assez nouveau et fantastique.
56:53Je voudrais qu'on termine là-dessus, Salim,
56:55sur le fait qu'aujourd'hui, on peut parler
56:57avec des sportifs de très haut niveau
56:58et on peut parler...
56:59Alors, le mot échec va être vécu de manière trop péjorative,
57:02mais de difficulté.
57:05Je dirais enseignement aussi.
57:06Oui, bien sûr.
57:07Elle a l'air d'avoir sacrément appris de cette période-là.
57:09Elle s'est retrouvée, elle s'est relancée
57:11sur des choses qui, comme tu l'as dit,
57:13sont stratosphériques, pardon.
57:14Tu ne le comprendras pas, Bénédicte,
57:16mais pour nous, ça nous paraît juste exceptionnel.
57:18C'est... Oui, c'est un bel enseignement,
57:21je trouve, que tu nous donnes aujourd'hui.
57:23Bon, meurtons-lui alors.
57:25Merci beaucoup, Bénédicte. C'était hyper enrichissant.
57:27Bravo et continue. On t'embrasse. Salut à toi.
57:29Merci encore à tous et à toutes.
57:30Et puis, je vous souhaite une très bonne fin de journée.
57:32Puis, on se retrouve très vite. Salut, au revoir.