Face à l'Info Été (Émission du 15/08/2024)

  • il y a 2 semaines
Tous les soirs et pendant tout l'été, les chroniqueurs de #FacealinfoEte débattent de l'actualité du jour de 19h à 20h
Transcript
00:00:00Il est 19h, bonsoir, soyez les bienvenus, 19h20, c'est votre face à l'info, ce soir
00:00:075 sujets d'actualité, comme d'habitude, comme tous les soirs, avec explications, décryptage
00:00:12et mise en perspective.
00:00:13Mon équipe du jeudi soir est dans les starting blocks, lui aussi il est dans les starting
00:00:17blocks.
00:00:18Pour vous présenter un premier tour de l'information, c'est Adrien Fronteneau que je salue, bonsoir
00:00:22Adrien.
00:00:23Bonsoir Thierry, bonsoir à tous.
00:00:24Un premier cas du nouveau variant de la variole du singe découvert en Suède, une première
00:00:28hors du continent africain, une personne vivant à Stockholm et revenant d'un séjour
00:00:32dans une région d'Afrique.
00:00:33Cet après-midi, le laboratoire pharmaceutique danois Bavarian Nordic s'est dit prêt à
00:00:37produire jusqu'à 10 millions de doses de vaccins d'ici 2025.
00:00:40Pour rappel, l'Organisation Mondiale de la Santé avait déclenché hier son plus haut
00:00:44niveau d'alerte sanitaire à l'échelle internationale.
00:00:46La Maison Blanche évoque des débuts prometteurs pour les négociations autour d'une trêve
00:00:50à Gaza, au premier jour de la reprise des discussions à Doha, au Qatar.
00:00:54Nous en sommes à un point où le cadre de l'accord est généralement accepté et où
00:00:58les lacunes à combler concernent sa mise en œuvre.
00:01:00Dans le même temps, le président de l'autorité palestinienne Mahmoud Abbas a annoncé se
00:01:04rendre à Gaza, une première depuis 17 ans.
00:01:06Et puis, il n'y aurait pas eu de victoire alliée sans les étrangers, les tirailleurs
00:01:10d'Afrique.
00:01:11C'est le vibrant hommage rendu ce jeudi par les présidents français Emmanuel Macron
00:01:14et Camerounais Paul Biya, à l'occasion du 80e anniversaire du débarquement de Provence.
00:01:19Deux mois après les commémorations du débarquement de Normandie, ces célébrations rendaient
00:01:23hommage aux combattants des ex-colonies françaises.
00:01:25Vous savez quoi Adrien ? Vous avez été parfait.
00:01:29Comme vous Thierry, pour 7h de Face à l'info.
00:01:32Allez, c'est parti.
00:01:33Merci beaucoup Adrien.
00:01:34Au programme ce soir dans Face à l'info, ces derniers jours, on a beaucoup parlé des
00:01:38émeutes au Royaume-Uni suite à la mort de trois petites filles à Southport, des manifestations
00:01:42qui ont mis en exergue les problèmes d'immigration rencontrés par nos amis britanniques.
00:01:47On insiste peut-être à la fin d'un système, d'une philosophie et sans doute d'une approche
00:01:52au Royaume-Uni, les limites du multiculturalisme.
00:01:55Céline Pina va en profiter ce soir pour évoquer l'approche italienne, voulue et imposée par
00:02:00Giorgia Melloni.
00:02:01On s'en souvient, elle avait été élue en 2022 sur la promesse d'endiguer le flux
00:02:05des migrants.
00:02:06On est en 2024.
00:02:07Et alors ? Et oui, et alors ? Quels sont les résultats ? Quel bilan ? La réponse de Céline.
00:02:12Avec Pierre-Marie Sève, on pourrait intituler sa chronique « Coq en stock ». Il ne va
00:02:17pas nous conter l'histoire de Tintin, quoi qu'on aimerait bien, mais plutôt l'histoire
00:02:21d'un trafic de drogue de cocaïne via le port du Havre, un trafic de drogue international.
00:02:25L'un des suspects a été remis en liberté le 18 juillet dernier par la Chambre de l'instruction
00:02:30de Paris.
00:02:31La raison ? Un vice de procédure, tout simplement.
00:02:33Pierre-Marie va tout nous dire et tentera de répondre à une question, oui une question,
00:02:37comment trouver le juste équilibre entre protection des droits individuels et efficacité
00:02:42de la lutte contre l'insécurité.
00:02:43Pierre-Marie Sève aura 10 minutes, pas une de plus, pour nous expliquer la chose.
00:02:48Attention, je contrôle.
00:02:49Vincent Roy, vous le connaissez bien maintenant, il manie la langue comme jamais et comme personne.
00:02:54Ce soir, il a choisi un thème pas simple afin de nous permettre de prendre encore plus
00:02:59de hauteur.
00:03:00Il va citer Rousseau, pas le Rousseau qu'elle vous pensez, non, Sandrine Rousseau.
00:03:04Elle avait notamment déclaré que le privé est politique et tant qu'on ne donne pas
00:03:08les moyens aux femmes de véritablement obtenir l'égalité sur le partage, on n'y arrivera
00:03:13pas, disait-elle.
00:03:14Vincent va répondre à une question, ce soir peut-on imaginer que les abus de la liberté
00:03:19d'expression dans la sphère privée puissent être réprimés un jour en France comme c'est
00:03:24le cas en Ecosse ? Cela s'annonce passionnant, j'attends Vincent Roy évidemment sur le
00:03:29sujet.
00:03:30Avec Olivier Dardigolles, on va parler du sort des baleines, de la biodiversité marine
00:03:35mais on va surtout parler d'un homme, Paul Watson, justicier des Cetacés pour certains,
00:03:40pirate pour d'autres.
00:03:41Il est en prison au Gwanland et il va y rester.
00:03:44Pourquoi ? Eh bien, quel est l'avenir de Paul Watson qui est un personnage, un vrai
00:03:48personnage.
00:03:49Olivier nous raconte à sa façon l'histoire, pas comme les autres, de cet homme et de son
00:03:52combat qui l'a conduit derrière les barreaux.
00:03:54Enfin, on terminera avec Céline Pinard, se fasse un info, elle a décidé ce soir de
00:04:00nous parler de nos élites.
00:04:02Je l'attends avec impatience sur cette thématique, ma chère Céline, il semblerait que nos élites
00:04:06partageraient les mêmes peurs de voir le monde s'effondrer que les gens ordinaires
00:04:11comme vous et moi bien sûr, moi, ce que je sais, c'est que tout le monde sait, quel
00:04:15que soit notre statut, c'est du bon sens, on aura tous la même fin.
00:04:18L'apocalypse serait-il le dernier horizon susceptible de nous rassembler ? Céline,
00:04:23un super méga challenge ce soir.
00:04:25On commence avec vous Céline Pinard, on va parler immigration, vous voulez revenir, je
00:04:33le disais, sur la politique en matière d'immigration de Georgia Meloni.
00:04:36Elle avait été élue, je le disais, en 2022 sur la promesse d'endiguer le flux de migrants
00:04:40qui débarquaient en Italie, alors après deux années au pouvoir, on en est où Céline ?
00:04:45Eh bien rappelez-vous, au moment de son accession au pouvoir, Georgia Meloni avait été particulièrement
00:04:50scrutée par toute la presse internationale.
00:04:53Et il faut dire qu'à l'époque, la montée en puissance des partis d'extrême droite
00:04:57en Europe s'appuyait sur les mêmes attentes des électeurs, quel qu'était le pays.
00:05:01Les extrêmes droites portent tout en effet la promesse de stopper une immigration jugée
00:05:06incontrôlable et incontrôlée.
00:05:08Immigration qui génère un rejet profond en raison à la fois du nombre de migrants
00:05:12qui arrivent et de la difficulté à les intégrer.
00:05:15Or, la plupart des dirigeants européens sont jugés durement sur ces questions par leur
00:05:20population.
00:05:21Celles-ci leur reprochent leur impuissance et leur inaction, et pensent que les deux
00:05:25sont liés à un refus idéologique de regarder en face les difficultés que pose l'accueil
00:05:31de populations nouvelles issues de cultures parfois éloignées.
00:05:34Pour autant, si les partis d'extrême droite prenaient à bras le corps cette problématique,
00:05:39n'ayant pas été au pouvoir, ils n'avaient pas fait preuve de leur efficacité.
00:05:44D'où l'intérêt de s'intéresser à l'expérience italienne, Céline.
00:05:47Exactement Thierry.
00:05:48A gauche et au centre, l'échec de Giorgia Meloni était espéré pour deux raisons.
00:05:52La première, c'est que les progressistes ont du mal à accepter l'idée que la rencontre
00:05:58de cultures différentes ne soit pas idyllique et puisse générer quelques frictions et
00:06:02de la conflictualité.
00:06:03Et en second lieu, parce qu'ils sont aussi confrontés à un problème réel qui est
00:06:08celui d'une démographie qui s'effondre, donc d'un besoin de main-d'œuvre qui
00:06:12ne peut pas être comblé, besoin d'autant plus récurrent et exponentiel que la deuxième
00:06:17génération d'immigrés, lorsqu'elle ne réussit pas sa scolarité, accepte difficilement
00:06:22de reprendre les mêmes métiers que leurs parents ont accepté d'exercer quand ils
00:06:26sont arrivés.
00:06:27Donc cela justifie de nouvelles immigrations, même quand le chômage peut rester important,
00:06:33notamment dans nombre de quartiers populaires.
00:06:35Quant à la droite, elle aussi, elle privilégie le besoin de main-d'œuvre au déterminant
00:06:40de la crainte des populations de voir leur mode de vie être mis en cause.
00:06:44Et donc elle a perdu toute crédibilité sur ces questions.
00:06:46Une réussite de l'extrême droite en la matière pourrait donc être très dangereuse
00:06:51pour la droite puisqu'elle amènerait à achever le siphonnage à la fois de leurs
00:06:55militants et de leurs électeurs.
00:06:58Et cette extrême droite qui saurait répondre aux attentes du public, ayant lissé son image,
00:07:04pourrait s'installer pour longtemps au pouvoir.
00:07:06Pour quel résultat ? Tant d'eux calculent, ça c'est la question.
00:07:09Eh bien j'allais dire, Thierry, ça dépend, ça dépasse ! Autrement dit, à la rentrée
00:07:15dernière, tous les journaux européens étaient d'accord et titraient sur l'échec massif
00:07:20de Giorgia Meloni et ils ironisaient sur cette Italie censée être le laboratoire de l'efficacité
00:07:26des solutions prenées par la droite dure.
00:07:28L'incapacité à gérer les flux migratoires était présentée comme le révélateur de
00:07:34l'inanité de toute pensée politique mise en oeuvre au niveau national.
00:07:38Mais cette année, c'est sur l'effet Meloni que les journaux titrent et quelle est cette
00:07:44raison ? C'est qu'elle a fait chuter de 62% l'immigration illégale dans son pays
00:07:50et notamment a fait incroyablement baisser les arrivées par voie maritime qui était
00:07:53un des problèmes que l'Italie affrontait régulièrement, on se souvient de l'épisode
00:07:58de l'océan Vicky.
00:07:59Alors c'est quoi la méthode Meloni ?
00:08:01En fait, elle a joué sur deux ressorts complémentaires et deux ressorts traditionnels si je puis
00:08:05dire.
00:08:06Le premier c'est la dissuasion et le second c'est la diplomatie.
00:08:09Pour la dissuasion, la recette est simple, elle repose sur la perception et la réalité.
00:08:16Le fait que la première ministre appartienne déjà à une famille politique dont la doctrine
00:08:21en matière d'immigration, et le moins qu'on puisse dire, n'est pas l'accueil inconditionnel
00:08:25et encore moins la mise en avant des droits de l'homme, rend son discours de fermeté
00:08:29crédible, là où le discours parfois des forces progressistes est vu comme étant là
00:08:35pour amuser la galerie mais ne générant pas d'effet réel.
00:08:38Et finalement, ça change des discours martiaux qui sont souvent d'autant plus définitifs
00:08:44que derrière il ne se passe pas grand-chose.
00:08:45Donc concrètement, Georgia Meloni a durci les conditions d'accueil, c'est une évidence,
00:08:51elle a raccourci la procédure d'asile, elle a introduit des protocoles de vérification
00:08:55de l'âge demandeur d'asile, on sait que le problème des mineurs isolés est quand
00:08:59même important, elle a intensifié toutes les politiques de retour, qu'elles soient
00:09:03volontaires ou involontaires, elle a utilisé des durées de détention plus longues pour
00:09:09éviter que les migrants ne se retrouvent dans la nature, et elle a éliminé toutes
00:09:14les failles juridiques qui permettaient aux ONG d'abuser du système.
00:09:18Mais surtout, elle a délocalisé et installé des centres de rétention et d'asile en
00:09:24Albanie, donc de l'autre côté de la mer Adriatique, ce qui lui permet d'échapper
00:09:29aux règles de l'espace Schengen et d'être plus efficace dans le contrôle et l'expulsion.
00:09:33Et même si ces centres ne sont pas encore terminés, leur existence même et le fait
00:09:39qu'ils arrivent provoquent déjà des effets.
00:09:41On aborde l'aspect diplomatique peut-être ?
00:09:43Oui, en fait, les demandeurs d'asile transitent par des voies qui sont dûment identifiées
00:09:48et notamment dans le cas de l'Italie, ça passe énormément par la Tunisie parce que
00:09:52les distances sont très proches, et notamment via l'île de Lampedusa.
00:09:58Donc, il s'agit d'agir en lien avec les pays de transit, à la fois d'essayer d'arrêter
00:10:04les organisations criminelles qui organisent le trafic d'êtres humains, mais aussi d'apporter
00:10:09une aide à la coopération, de manière à pouvoir offrir des débouchés aux gens dans
00:10:14les pays où ils vivent.
00:10:15Alors, réussite ou pas réussite ?
00:10:19Eh bien, oui et non !
00:10:20Oui et non !
00:10:22C'est ça !
00:10:23Le problème, c'est que la situation italienne montre que le choix de la fermeté mise en
00:10:28œuvre dans un seul pays ne résout pas la question de la répartition.
00:10:32En effet, ceux-ci n'arrivent peut-être pas directement en Italie, mais ils peuvent
00:10:37toujours circuler à l'intérieur de l'espace Schengen.
00:10:41Et ce qu'on a pu constater, c'est qu'à côté des baisses d'arrivées en Italie,
00:10:45on a eu une explosion littérale des arrivées en Espagne, c'est plus de 155% pour cette
00:10:51année.
00:10:52Et pire encore, c'est la Grèce qui est la principale victime de ça, et Chypre également.
00:10:57Et là, on est à plus de 222% d'augmentation sur des pays qui n'ont absolument pas les
00:11:02moyens de gérer cet afflux de réfugiés.
00:11:05Donc, les points d'entrée changent, mais une fois à l'intérieur de l'UE, les migrants,
00:11:10même clandestins, se déplacent assez facilement et on voit qu'on a énormément de mal à
00:11:14les retenir et à les empêcher d'aller où ils veulent.
00:11:17Donc, des mesures fermes permettent effectivement de protéger un pays, on le voit en tout cas
00:11:23au niveau des entrées, mais ça ne supprime pas la nécessité de s'organiser au niveau
00:11:27européen.
00:11:28Donc, pas la peine de blinder la porte si les fenêtres restent ouvertes.
00:11:31Merci beaucoup.
00:11:33Tradition, tour de table, Olivier.
00:11:36Il est en effet intéressant de suivre objectivement l'expérience méloniste en Italie depuis
00:11:46son accession au pouvoir.
00:11:48On se souvient que sa campagne avait été quand même le récit d'un rapport de force
00:11:53annoncé particulièrement rugueux entre son pouvoir et la Commission européenne, notamment.
00:12:02On voit que le duo Mélanie-Van der Leyen a pu politiquement et y compris humainement
00:12:10fonctionner, avec quand même, pour ce qui me concerne, deux réserves très fortes.
00:12:18D'abord, la situation faite aux migrants sur ces bateaux en Méditerranée, quelle
00:12:24que soit, on en a souvent parlé ici, la responsabilité des filières de passeurs, d'organisation.
00:12:31Je pense que le sauvetage en mer doit être une politique régalienne portée par les
00:12:36Etats, parce que quand une personne humaine se noie, elle n'est pas un migrant, elle
00:12:41est une personne humaine.
00:12:42Et souvent d'ailleurs, ils en perdent même, y compris, moi je trouve toujours intéressant
00:12:47les articles qui, après coup, nous racontent ces vies de migrants, parce qu'ils ont un
00:12:55itinéraire, une enfance, une formation, une famille, des raisons pour lesquelles ils sont
00:13:00partis.
00:13:01C'est émouvant quand, je me souviens, le journal La Croix, qui avait fait une double
00:13:05page sur 3 ou 4 personnes mortes en Méditerranée, ça avait été particulièrement un article
00:13:11très émouvant.
00:13:13Donc je trouve que Mélanie, en tant que responsable politique européenne, sur cette dimension-là,
00:13:18n'est pas au rendez-vous.
00:13:19Ça c'est la première chose.
00:13:20Et la seconde chose, c'est ce que vous avez indiqué, c'est-à-dire qu'en absence de politique
00:13:26européenne coordonnée, il y a un coup de plumeau, il y a un coup de patate chaude
00:13:32renvoyé à d'autres pays, vous les avez indiqués, ce sont en effet la situation cet été en
00:13:37Espagne, en Grèce, en Chypre, on voit en effet la situation s'aggraver très sérieusement.
00:13:42Donc il y a à la fois une forme de cynisme politique, à la fois laisser entendre que
00:13:51les choses se passent bien au sein de l'Union européenne, tout en ne souhaitant pas coordonner
00:13:57des politiques européennes de solidarité.
00:13:58Vincent, un regard sur la stratégie de Mélanie.
00:14:02En fait, toute la difficulté, c'est que vous citiez à raison l'Espagne et la Grèce, il
00:14:07faut quand même comprendre que l'immigration fonctionne beaucoup avec la langue.
00:14:12C'est-à-dire que vous avez, par exemple pour la Grèce, une immigration de passage.
00:14:19Les gens ne restent pas en Grèce.
00:14:21Ils veulent venir soit en France, aller soit en France, soit au Royaume-Uni, soit en Allemagne
00:14:28pour différentes raisons.
00:14:29En France, parce qu'on a, on va dire ça comme ça, parce qu'on sait recevoir, en Allemagne
00:14:34pour travailler et au Royaume-Uni, parce qu'ils savent qu'ils auront beaucoup de difficultés
00:14:43à être expulsés qui pourront passer leur vie au Royaume-Uni.
00:14:46Même chose pour l'Espagne.
00:14:47L'Espagne, ce sont des immigrations de transit, on ne vient pas en Espagne pour la langue,
00:14:51on ne reste pas d'ailleurs en Italie pour la langue non plus et pour l'accueil encore
00:14:54moins.
00:14:55Et on ne va pas, voilà, donc il faut regarder la carte des langues, notamment l'Afrique
00:15:00qui parle français, qui parle anglais, voilà, il faut regarder ça de près et comprendre
00:15:05qu'on peut calquer, on peut faire des chemins sur le sujet de la langue elle-même.
00:15:13Allez, on enchaîne avec Pierre-Marie Sèvres, j'ai intitulé votre week Coq en Stock, rien
00:15:17à voir, je le disais, avec Tintin, hélas, moi aussi j'aurais bien voulu, mais on va
00:15:22évoquer une affaire de trafic de drogue sur le port du Havre, avec un trafiquant de drogue,
00:15:28je le disais, qui a été libéré pour vise de procédure, alors comment, c'est la question
00:15:32à laquelle je vous ai laissé répondre, comment trouver le juste équilibre entre
00:15:34protection des droits individuels et efficacité de la lutte contre l'insécurité, Pierre-Marie.
00:15:40Alors, cette affaire commence en septembre 2022, à ce moment-là, un important réseau
00:15:45de trafic de cocaïne a été démantelé par les autorités françaises, c'est un
00:15:48article du Parisien qui nous apprend ça hier, ce sont 2,5 tonnes de cocaïne qui faisaient
00:15:54le voyage entre Cartagène en Colombie, très jolie ville colombienne d'ailleurs, et le
00:15:57Val d'Oise en passant par un porte-container qui devait lui stationner au Havre, vous savez
00:16:01que le Havre est le premier port atlantique français. Informée par un indicateur d'un
00:16:07transfert imminent, la police avait ouvert le container en question une fois arrivée
00:16:10sur le port du Havre, mais au moment de l'ouvrir, ils découvrent que le container est complètement
00:16:14vide. En réalité, celui-ci avait été déplacé et vidé dans la nuit avec la complicité
00:16:19d'un docker qui a ensuite déclaré avoir été menacé physiquement par les trafiquants.
00:16:24Alors dans la foulée, la police mène une enquête d'envergure qui mène à l'arrestation
00:16:28de trois hommes grâce à leurs empreintes génétiques à Rouen et au Havre, dont un
00:16:32certain Nabil qui est sans emploi, qui habite la région parisienne et qui servait, son
00:16:37rôle c'était de recruter les intermédiaires du trafic, c'est-à-dire les chauffeurs
00:16:41et les dockers. En septembre 2022, le juge d'instruction en charge de l'affaire envoie
00:16:46tout ce petit monde en prison, en détention provisoire, la détention provisoire c'est
00:16:51une détention avant le jugement définitif, mais un rebondissement a eu lieu il y a quelques
00:16:55jours. Et oui, cet été, l'avocat de ce Nabil a formulé une demande au juge de remettre
00:17:00son client en liberté, comme il en a d'ailleurs tout à fait le droit. Mais le juge n'a pas
00:17:05répondu dans les cinq jours. En l'absence de réponse, l'avocat a donc saisi un autre
00:17:08juge, qu'on appelle la chambre de l'instruction, qui lui, cette chambre-là, avait vingt jours
00:17:13pour répondre, elle ne l'a pas fait non plus. Alors dans ce cas, le code de procédure pénale
00:17:18est formel, la personne emprisonnée doit être libérée, et c'est ce qui est arrivé.
00:17:22Il y a donc aujourd'hui un trafiquant de plus dans la nature, bon je voulais même
00:17:25dire il y en a tellement, mais lui en l'occurrence on l'avait attrapé et on le soupçonnait
00:17:29gravement puisqu'il avait été placé en détention provisoire, c'était bien pour
00:17:32une raison. Alors il sera bien jugé, évidemment, sauf s'il s'enfuit d'ici-là, puisque
00:17:36maintenant il en a la possibilité, puis la question c'est aussi quand est-ce qu'il
00:17:39sera jugé, mais en attendant en tout cas ce qui est certain c'est qu'il peut vaquer
00:17:41à ses occupations habituelles, je ne préfère pas trop savoir ce que c'est.
00:17:44Dans le jargon du droit, ça s'appelle un vice de procédure, et en effet, les enquêteurs
00:17:49en l'occurrence n'ont pas respecté la procédure pénale, et ça a parfois des conséquences
00:17:52catastrophiques, ça arrive régulièrement, comme la libération de ce trafiquant.
00:17:56Alors l'avocat a bien fait son travail en l'occurrence, on ne peut pas lui enlever,
00:18:00et c'est bien le juge qui a laissé passer ce délai, juge auquel moi-même d'ailleurs
00:18:04je trouve des circonstances atténuantes au milieu du mois d'août, et vu les manques
00:18:07d'effectifs assez criants, il ne faut pas fermer les yeux là-dessus, les magistrats
00:18:12sont, la grande majorité, sont assommés de travail, et donc tout ça me fait penser
00:18:17que le sujet est ailleurs.
00:18:18En effet, le respect de la procédure est quelque chose de fondamental, ça me semble
00:18:23assez évident.
00:18:24Une société démocratique, elle doit protéger ses citoyens de l'arbitraire, et pour cela
00:18:28un État qui se considère démocratique doit encadrer toutes ses actions dans le droit,
00:18:32il doit dire ce qu'il fait, c'est le code de procédure pénale.
00:18:35Alors aujourd'hui il s'agit d'un trafiquant de drogue en l'occurrence, mais on pourrait
00:18:38faire l'hypothèse théorique que demain il s'agisse d'un honnête homme qui soit
00:18:41poursuivi par exemple en raison de ses opinions politiques.
00:18:44Mais est-ce qu'on ne peut pas imaginer que le droit français, à force de vouloir éviter
00:18:49à raison cet arbitraire, il oublie aussi un autre objectif, qui est celui de protéger
00:18:54le public des délinquants et des criminels, qui sont eux aussi des freins majeurs à la
00:18:57liberté individuelle, tout comme l'est l'arbitraire.
00:19:00Je vais vous citer un autre exemple qui à mon sens va dans le même sens.
00:19:04En 2018, c'est une autre affaire qui se déroule dans le sud de la France, des douaniers
00:19:08sont tombés par hasard sur un camion sans chauffeur, sur une aire d'autoroute près
00:19:12de Montpellier.
00:19:13Alors les douaniers trouvent ce camion suspect, ils fouillent le camion, et bingo, c'est
00:19:17le jackpot, ils tombent sur 1,2 tonnes de canadis.
00:19:21Les douaniers saisissent le tout et se mettent à la recherche des propriétaires du camion.
00:19:25Et comme par hasard, les trois propriétaires sont déjà mis en cause dans une autre procédure
00:19:29de trafic de drogue internationale par la justice espagnole.
00:19:32Le dossier en France est lourd et il y a un juge d'instruction qui, là encore, va envoyer
00:19:36en détention ces propriétaires en attendant leur jugement.
00:19:40Et seulement, pas tatra ! En mars 2023, soit 5 ans après, la cour d'appel de Montpellier
00:19:46reconnaît un vice de procédure.
00:19:48Lorsque les douaniers ont fouillé le camion, il n'était pas accompagné d'un officier
00:19:52de police judiciaire, ce qui est interdit au nom de la protection des droits individuels.
00:19:57Le tribunal a donc prononcé, non pas la remise en liberté, mais un non-lieu définitif en
00:20:01faveur des trois propriétaires du camion, qui n'ont probablement pas dû en croire
00:20:05leurs oreilles quand ils ont entendu ça.
00:20:06Ils sont aujourd'hui donc complètement blanchis.
00:20:08Et en réalité, depuis plusieurs décennies, la procédure pénale française n'a été
00:20:13modifiée que dans un seul sens.
00:20:14Toutes les réformes allaient dans le même sens, la protection des accusés.
00:20:18Ce qui est une bonne chose en soi, mais quand on en a trop, on perd l'équilibre.
00:20:22D'ailleurs, je tiens à rappeler que l'écrasante majorité des accusés en France sont couverts
00:20:26et coupables.
00:20:27Ils s'avèrent ensuite coupables.
00:20:28Et il faut oser le dire, le vrai problème est là.
00:20:30Le droit français est devenu un mis à vis de procédure et il entrave le travail de
00:20:35lutte contre l'insécurité que font les enquêteurs.
00:20:37Alors concrètement, comment, mais vraiment comment, on a pu arriver à une telle situation
00:20:41chez nous ?
00:20:42Eh bien, je vais vous dire, la tendance est assez ancienne.
00:20:44Ça remonte à loin.
00:20:45L'article, en l'occurrence, dont je vous ai parlé pour la remise en liberté de ce
00:20:48trafiquant, ce qui est l'article 148 du Code de procédure pénale, a été voté en 1984.
00:20:53C'est-à-dire que ça remonte.
00:20:54C'était sous la houlette, à l'époque, d'un certain Robert Badinter.
00:20:58Mais ce ne sont pas que des politiques français qui ont représenté cette tendance de la
00:21:02protection des droits des accusés.
00:21:03Il y a même une instance dont on ne peut pas passer le rôle sous silence, c'est la
00:21:07Cour européenne des droits de l'homme.
00:21:08Elle a commencé à s'en mêler assez rapidement.
00:21:11Et en 1993, je vous donne un exemple, elle a inventé un droit de se taire et de ne pas
00:21:16s'incriminer qui n'existait pas en France.
00:21:18La CEDH, je vous le rappelle, la Cour européenne des droits de l'homme, peut être saisie
00:21:22par n'importe quel citoyen européen qui estime que la justice de son pays n'a pas respecté
00:21:27les droits de l'homme.
00:21:28Les droits de l'homme, ça vous semble flou ? Moi aussi, c'est normal, c'est à dessein.
00:21:32C'est justement de ce flou que profite la Cour européenne des droits de l'homme pour
00:21:35prendre des décisions sur des sujets de plus en plus variés.
00:21:37Je vous ai donné l'exemple du droit de se taire.
00:21:39Alors toujours chronologiquement, comment en est-on arrivé là ? On peut se prendre
00:21:44rendez-vous en l'an 2000.
00:21:45Il y a eu une grande avancée en l'an 2000, c'était lors de la cohabitation entre Jospin
00:21:48et Jacques Chirac.
00:21:49Elisabeth Guigou, qui était aussi ministre de la justice socialiste, a fait voter la
00:21:53loi du 15 juin 2000 sur la présomption d'innocence, qui est une loi vraiment majeure.
00:21:57Je vous donne un seul exemple des apports qu'elle a eus.
00:21:59Elle a créé un nouveau juge, le juge des libertés de la détention.
00:22:02Je peux vous donner une petite anecdote que me disait mon prof de droit pénal à Toulouse.
00:22:07Il me disait bien, c'est le juge des libertés de la détention parce que, et lui se moquait
00:22:12un peu de ça, il y a plusieurs libertés et une seule détention.
00:22:16Vous voyez comme c'est beau.
00:22:17C'était vraiment…
00:22:19Et donc, ce juge des libertés de la détention réexamine toutes les décisions qui sont
00:22:23défavorables aux accusés.
00:22:24D'ailleurs, là-dessus aussi, on peut se dire, les juges étant débordés, il y en
00:22:28a beaucoup.
00:22:29Vous savez, le surnom du JLD, le JLD, le juge des libertés de la détention, parmi
00:22:33les magistrats, ce n'est jamais là pour dîner.
00:22:35Ils ont autre chose à faire, qui peut avoir de l'intérêt, le JLD, je ne rejette pas
00:22:41tout en bloc.
00:22:42Mais bon, c'est assez récent et quand on a des juges débordés, ce n'est peut-être
00:22:45pas la meilleure façon de faire.
00:22:46Et puis politiquement, on remarque que, ça je vous l'ai déjà dit, il n'y a pas
00:22:51de problème fondamental avec ça.
00:22:54La gauche a une tendance, la gauche politique, a une tendance à prioriser la défense de
00:22:57la liberté individuelle, donc des accusés, qu'ils soient coupables ou innocents, parfois
00:23:01ils sont innocents, tandis que la droite, elle a une tendance à préférer la défense
00:23:04de la société toute entière des crimes et délits.
00:23:06Et ce qu'il faut, c'est un équilibre des deux, c'est tout, je ne demande pas
00:23:09mieux.
00:23:10Aujourd'hui, cette procédure est complètement déséquilibrée à cause de cette tendance.
00:23:13Je vais terminer aussi sur cette partie-là, sur comment on est arrivé là, par le conseil
00:23:18constitutionnel.
00:23:19Il faut en parler, le conseil constitutionnel, qui est encore un autre tribunal, je sais
00:23:22qu'on finit par s'y perdre, ça aussi c'est à dessein.
00:23:24Nous avons cinq cours suprêmes en France, cinq tribunaux tout en haut de la hiérarchie,
00:23:29et donc on peut saisir le conseil constitutionnel lorsqu'on estime que l'État ne respecte
00:23:33pas la Constitution, entre autres, c'est une des façons pour lui de se prononcer.
00:23:37Et donc la Constitution, qui est un texte assez flou, d'autant que le conseil constitutionnel
00:23:40il rajoute les textes qu'il a un peu envie de rajouter, la charte de l'environnement,
00:23:44surtout le préambule de la Constitution de 1946, enfin bref, à partir de ce texte assez
00:23:49grand et assez flou, il peut tirer des principes nouveaux, et donc toujours dans ce sens de
00:23:55protection des accusés, il a créé en 2010 une nouvelle obligation pour les enquêteurs
00:23:59qui sortaient du chapeau, qui n'existait pas avant, qui était la présence de l'avocat
00:24:02dès le début de la gare d'Avue.
00:24:03Et donc les lois se succèdent pour toujours davantage protéger les accusés.
00:24:07Alors est-ce que les gens ordinaires comme vous et moi, on bénéficie de ces garanties ?
00:24:10C'est une question, ça, c'est une vraie question.
00:24:12Oui, parce qu'a priori, tous ces droits, le droit de se taire, le droit d'un avocat
00:24:15à la première heure de la gare d'Avue, etc. sont des droits qui paraissent positifs,
00:24:18au premier abord, surtout quand une personne honnête comme vous et moi, on se met à la
00:24:22place d'un accusé, si jamais on était accusé, on aimerait bien bénéficier de ces droits.
00:24:25Mais il ne faut pas oublier deux choses.
00:24:26Premièrement, la grande majorité des personnes qui sont accusées, surtout mises en détention
00:24:30provisoire en France, sont effectivement, s'avèrent ensuite être coupables, sont
00:24:34souvent des multirécidivistes.
00:24:36Et deuxièmement, il ne faut pas oublier qu'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
00:24:40On ne peut pas avoir l'accroissement des droits des accusés et l'efficacité des enquêtes
00:24:45pénales et de la lutte contre le crime.
00:24:47D'ailleurs, s'il y a des garanties procédurales partout, tout le temps pour les accusés,
00:24:51ça me semble parfois dépendre de l'accusé.
00:24:53On se souvient de l'affaire du policier qui a fait feu sur Naël Merzouk à Nanterre,
00:24:58qui lui a eu droit à une justice plutôt dure, il n'a pas eu beaucoup de garanties procédurales
00:25:02et alors qu'on avait peu de raisons de le voir mis en détention provisoire,
00:25:06il y a quand même passé six mois.
00:25:07Alors, est-ce qu'on a une porte de sortie ? Donnez-nous une petite clé peut-être.
00:25:11Je ne sais pas.
00:25:12Oui, il y en a, comme toujours, le droit, c'est quelque chose qui se change, heureusement.
00:25:17Alors, dans ces affaires, moi, je veux d'abord dire que les juges qui prononcent des vises
00:25:20de procédure, qui consentent souvent toute la frustration que moi aussi j'ai, évidemment,
00:25:25mais ces juges-là, ils ont raison de prononcer ces vises de procédure, parce que le point
00:25:30non négociable dans une société qui fonctionne, c'est de respecter la loi, qui doit être,
00:25:35et pas toujours, mais qui doit être en principe l'expression populaire.
00:25:38S'il y a des vises de procédure problématiques, c'est donc la loi elle-même qu'il faut
00:25:42changer.
00:25:43Je rappelle la formule de Montesquieu, le juge doit être la bouche de la loi.
00:25:47Et donc, peut-être qu'en l'occurrence, pour éviter la sortie de ce trafiquant de
00:25:52drogue, peut-être qu'il aurait fallu prévoir, il faudrait prévoir, il faut faire preuve
00:25:55de créativité juridique, qu'il ne faut non pas faire sortir le détenu quand on ne
00:25:59sait pas exprimer dans le délai sur une demande de liberté, mais peut-être un moyen
00:26:02d'obliger le juge qui doit s'exprimer, de s'exprimer.
00:26:06Il faut faire preuve d'une certaine créativité juridique, et puis toujours, j'aime bien quand
00:26:10même terminer là-dessus, à notre échelle individuelle, en tant que citoyen, on a toujours
00:26:13des façons de faire pression, on est en démocratie, les citoyens doivent faire pression sur leurs
00:26:18parlementaires pour qu'ils mettent, eux, en place une réforme profonde de la procédure
00:26:22pénale française, et j'insiste sur le profonde, parce qu'il faut aller à rebours de ce qui
00:26:26se fait en France depuis 40 ans, et qui, l'éclat de la France, on en parle dans tous
00:26:30les domaines, et bien dans le domaine judiciaire, voilà ce qui amène le déclin de la France
00:26:34et de notre justice française.
00:26:35Évidemment, il ne faut surtout pas que notre procédure pénale oublie la présomption
00:26:40d'innocence et la liberté d'individuels, absolument pas, et je trouve que c'est régulièrement
00:26:45ça, quand on plaide pour une meilleure efficacité de la lutte contre l'insécurité, on nous
00:26:49dit, vous vous moquez de la présomption d'innocence, vous vous moquez de la liberté individuelle,
00:26:53c'est complètement faux.
00:26:54Demander un ajustement, une réorientation, ce n'est pas du tout oublier ça, mais il
00:27:00faut tout de même se réorienter vers une plus grande sévérité à l'égard des criminels
00:27:04et des délinquants, pour protéger la liberté de tous, de vous et moi, d'aller en venir
00:27:08en paix, d'aller et venir en paix dans son pays.
00:27:11Merci beaucoup mon cher Pierre-Marie, c'est la vraie action, cher Vincent Roy.
00:27:15Il y a quelque chose qui a été dit et qui colle, si j'ose dire, à l'actualité, c'est
00:27:21le juge d'application des peines, le juge des libertés, l'application des peines.
00:27:25Ce n'est pas exactement le même.
00:27:26Non, non, mais le juge d'application des peines.
00:27:27C'est pas le même genre.
00:27:28Pourquoi ? Parce que vous avez vu là, dans le récent cas qui nous a occupé, dans l'affaire
00:27:32de Montpellier, cette affaire d'antisémitisme, d'un individu qui est agressé par un autre
00:27:38individu pour des raisons d'antisémitisme ordinaires, agressé verbalement et physiquement
00:27:45et frappé.
00:27:46La justice se prononce sur deux ans d'emprisonnement, dont un an ferme.
00:27:52À partir du moment où vous avez un an ferme, votre peine peut être aménageable.
00:27:56Je ne dis pas qu'elle le sera, mais pour l'instant, c'est dans les mains du juge
00:28:01d'application des peines.
00:28:02Ce qui signifie que l'individu, c'est-à-dire l'agresseur, peut très bien demain se retrouver
00:28:07avec, pour l'année ferme qu'il a à faire, peut très bien se retrouver avec un bracelet
00:28:13électronique.
00:28:14Avant, il y avait besoin de deux ans, maintenant on a réduit à un an.
00:28:19Ça veut dire que dans une semaine, il peut reprendre le tramway et réagresser quelqu'un
00:28:27d'autre.
00:28:28Ce qui signifie, si je vais plus loin, je ne dis pas que ça ne se passe pas ainsi,
00:28:31je dis que si on va très loin, ça veut dire que le juge d'application des peines, aujourd'hui,
00:28:36peut détricoter ce qu'un collège de juges a mis en place.
00:28:41C'est simplement la question.
00:28:42Et comme vous posez la question du juge d'application des peines, je ne suis pas en train de dire
00:28:46non plus qu'il faut supprimer le juge d'application des peines.
00:28:49Je dis qu'il faut poser les bonnes questions et interroger dans le cadre même de la procédure
00:28:54l'utilité des uns et des autres.
00:28:55Mais je ne pense pas, pour terminer et pour conclure, que le rôle du juge d'application
00:29:01des peines, c'est précisément de détricoter les décisions des magistrats du siège.
00:29:06Pierre-Marie et ensuite Olivier et Céline.
00:29:08En 10 secondes, vous avez tout à fait raison.
00:29:11Le laxisme judiciaire, il peut s'exprimer de deux façons principales.
00:29:14C'est dans le prononcer des peines.
00:29:15On peut prononcer des peines qu'on peut estimer, que certains peuvent estimer laxistes.
00:29:18Et puis dans l'exécution des peines.
00:29:20Ce sont devenues deux choses complètement distinctes.
00:29:23Et je pense aujourd'hui que l'exécution des peines devient le problème numéro un.
00:29:27Pendant longtemps, c'était plutôt le prononcer des peines.
00:29:28Il y avait des peines trop faibles.
00:29:29C'est encore le cas.
00:29:30Mais l'exécution des peines, alors même qu'on prononce déjà et que l'immense majorité
00:29:33des Français pensent que les peines prononcées sont trop faibles, on va détricoter encore
00:29:38plus dans l'exécution des peines.
00:29:40Donc vous avez raison, c'est devenu un problème majeur, l'exécution des peines.
00:29:43Et ça me fait penser également à l'histoire qu'on évoquait hier sur ce plateau avec
00:29:46ce détenu avec un CV comme le bras, qu'il y a l'autorisation de sortir en moins dix
00:29:50fois pour passer son permis de conduire.
00:29:53Je fais juste ce petit parallèle, mais c'est vrai qu'il y a des Français qui le regardent
00:29:55et ils sont nombreux, ils doivent se dire, mon Dieu.
00:29:58Céline.
00:29:59Oui, en fait, j'avais lu quelque chose d'intéressant qui disait, c'était sur le rapport à la
00:30:03peine de mort.
00:30:04Et ça associait énormément la façon dont les gens pouvaient réclamer la peine de mort
00:30:09au fonctionnement de la justice.
00:30:10Et on se rendait compte que quand un peuple trouve que sa justice fonctionne bien, en
00:30:15règle générale, l'adhésion à la peine de mort est très basse.
00:30:20Et quand un peuple finit par penser que sa justice ne fonctionne pas bien, à ce moment-là,
00:30:26cette adhésion monte et elle montre bien que petit à petit, on passe de la justice
00:30:30à la logique de vengeance, de finalement une forme de punition qui soit élaborée par
00:30:38la société, à une logique de violence pure qui se déchaîne dans la volonté d'exercer
00:30:46justement cette forme de vengeance.
00:30:47Et je trouve ça très intéressant que finalement, le bon fonctionnement de la justice aide
00:30:52aussi une société à baisser son degré d'agressivité.
00:30:56Et ce qui est dommage, c'est d'oublier ça et de ne pas se rendre compte que ce qu'on
00:31:02vit aujourd'hui n'aide pas dans la gestion des violences que l'on connaît.
00:31:06Olivier Demorand.
00:31:08Je me serais trop conseillé la lecture du dernier livre de Béatrice Brugère qui fait
00:31:12des constats très intéressants et qui avance une série de propositions.
00:31:16J'ai une difficulté sur un élément, une contradiction, sur ce thème souvent abordé
00:31:23d'une justice laxiste, mais il n'y a jamais eu autant de condamnations.
00:31:27Nous avons une situation concernant la surpopulation carcérale, notamment en maison d'arrêt,
00:31:37qui, mois après mois, franchit des records.
00:31:41Ça, c'est un premier sujet.
00:31:42Donc, ça tord le cou un peu à l'idée qu'il y a des condamnations programmées, décidées.
00:31:48On a fait la démonstration lors des JO, sur des juridictions territorialisées là où
00:31:54se font passer les JO, que quand on y met les moyens, qu'on renforce les juridictions,
00:32:00nous pouvons avoir à la fois des comparaisons immédiates et des peines qui sont très rapidement
00:32:05décidées.
00:32:07Autre point, notre justice reste terriblement sous-dotée.
00:32:11Quand on fait la moyenne pour 1 000 habitants de la part de PIB consacrés au ministère
00:32:16de la Justice, nous voyons que nous sommes très en deçà de la moyenne ou des pays
00:32:21de l'OCDE ou de l'Union Européenne, ce qui est une grande difficulté parce qu'on
00:32:26ne parle toujours que du pénal.
00:32:27Il y a aussi la justice de tous les jours, des citoyens, sur le civil, sur l'administratif,
00:32:31où véritablement il y a des situations qui font que les gens n'en peuvent plus pour
00:32:35un certain nombre de sujets.
00:32:36Donc il y a l'ensemble de ces éléments-là qui font que la solution n'est peut-être
00:32:41pas de s'attaquer bille en tête au juge de la détention et des libertés et de poser
00:32:45la question de l'avenir du Conseil constitutionnel.
00:32:46– Allez, on marque une pause, et le temps de prendre vos billets.
00:32:50– D'autant que la peine, ce que disait Olivier était intéressant, d'autant que
00:32:53la peine privative de liberté n'est pas la peine privative de dignité et encore moins
00:32:57la peine privative d'intimité.
00:32:59– Allez, on marque une pause, le temps de prendre votre billet pour aller en Écosse
00:33:02avec vous, mon cher Vincent Roy.
00:33:03– Partons, partons !
00:33:04– On va partir en Écosse juste après, restez avec nous puisqu'on va parler de
00:33:06liberté d'expression dans la sphère privée.
00:33:08Tout un programme avec Vincent Roy et Direction l'Écosse, à tout de suite.
00:33:11– Chez vous, c'est la deuxième partie de Face à l'info, toujours avec moi, c'est
00:33:21une pina, Vincent Roy, Olivier Dardigolle et Pierre-Marie Sèvres, et on va partir
00:33:24en Écosse avec notre ami Vincent Roy, avec une question, une question, peut-on imaginer
00:33:30que les abus de la liberté d'expression dans la sphère privée puissent être réprimés
00:33:34un jour en France comme c'est désormais le cas en Écosse ?
00:33:37– Oui, dans la sphère privée, c'est de cela dont je m'occupe ce soir, parce qu'on
00:33:43sait la liberté d'expression encadrée, et c'est bien le moins, quand on voit ce
00:33:47qui se passe notamment sur les réseaux sociaux, on voit bien qu'il faut faire quelque chose,
00:33:51mais quid de la sphère privée, totalement privée ?
00:33:54Souvenez-vous de Sandrine Rousseau, en 2022, c'était démarqué, quand je me suis intéressé
00:33:59à cette question, Sandrine Rousseau m'est apparue d'une certaine façon, c'était
00:34:03démarqué en proposant l'idée de mettre en place un délit de non-partage des tâches
00:34:08domestiques dans les foyers, pointant au passage un impensé, disait-elle, des politiques d'égalité
00:34:14femmes-hommes.
00:34:15L'ancienne porte-parole de la campagne de Yannick Jadot estimait que, vous allez voir
00:34:21que c'est captivant, le privé est politique, et tant qu'on ne donne pas les moyens aux
00:34:26femmes de véritablement obtenir l'égalité sur le partage, on n'y arrivera pas.
00:34:31C'est intéressant tout de même cette phrase, le privé est politique, je vous laisse la
00:34:35méditer, ce qui est public est politique, ce qui est privé est politique, tout est
00:34:40politique, la loi s'imposerait donc partout.
00:34:42Je fais une lecture un peu compressée, vous l'avez compris ?
00:34:45Oui, on l'a bien compris.
00:34:46Se basant sur les principes de reconnaissance des violences sexuelles au sein du couple,
00:34:49Sandrine Rousseau avançait cette idée en citant des chiffres évocateurs sur le partage
00:34:54des tâches et la charge mentale dans les foyers.
00:34:57Les femmes diminuent, disait-elle, la part des tâches domestiques qu'elles réalisent,
00:35:01mais les hommes n'augmentent pas la leur.
00:35:03Ainsi, seule sur la base de témoignages, l'infraction pouvait être qualifiée.
00:35:09La sphère privée aurait-elle été scrutée ? On aurait pu vérifier qui le plus souvent
00:35:15faisait la vaisselle, passait l'aspirateur, s'occupait du linge, je ne vous fais pas
00:35:19l'injure de vous poser la question.
00:35:20Moi non plus d'ailleurs.
00:35:22La stricte égalité devait régner.
00:35:26Si, comme l'a dit Mme Rousseau, et je la cite à nouveau, le privé est politique,
00:35:30j'en déduis qu'il est public, que le privé devient public.
00:35:33Bon, toute cette affaire a fait donc feu pour l'heure, elle est derrière nous.
00:35:36Va-t-elle rejaillir à un moment ou à un autre, sous une forme ou sous une autre ? L'avenir
00:35:41nous le dira, mais le pire est toujours certain.
00:35:44Bon alors, concrètement, parce que j'ai vendu l'Ecosse, ça se passe comment en Ecosse ?
00:35:47Racontez-nous, j'ai hâte de savoir.
00:35:49Figurez-vous qu'une loi controversée vient d'être adoptée qui punit le discours haineux,
00:35:54même dans la sphère privée, au domicile.
00:35:57Mais les juges, nous dit-on, devront s'en tenir aux cas les plus graves.
00:36:01On souffle, un peu de respiration.
00:36:03Le 14 mars dernier, le projet de loi du gouvernement écossais sur l'incitation à la haine a
00:36:10finalement été adopté à Holyrood, pas Hollywood, Holyrood, après des mois de controverses
00:36:18sur son impact sur la liberté d'expression, nous dit The Scotsman.
00:36:21Le projet de loi, qui consolide les lois antérieures sur les crimes de haine et ajoute
00:36:26de nouvelles infractions d'incitation à la haine contre des caractéristiques protégées
00:36:30telles que la religion, l'âge, le handicap et l'identité transgenre, a été adopté
00:36:37par 82 voix pour 32 contres et 4 abstentions.
00:36:40Dans le détail, écoutez bien, toute incitation à la haine, qu'elle soit verbale, physique
00:36:47ou écrite, qu'elle ait lieu en ligne, en public ou dans la sphère privée, voilà
00:36:52qui m'intéresse au premier chef, peut désormais être considérée comme un crime passible
00:36:57d'une peine allant jusqu'à 7 ans de prison, explique Sarah Pedersen, qui est professeure
00:37:02en communication et spécialiste de l'engagement des femmes en politique à l'université
00:37:07Robert Gordon d'Aberdeen.
00:37:09Alors, quel est le but d'une telle législation, protéger les minorités ? Et c'est bien
00:37:14le moins, mais certains disent qu'elle menace la liberté d'expression.
00:37:17Écoutez, le projet de loi écossais sur les crimes de haine pénalisera quiconque
00:37:21attise la haine contre les groupes protégés, cela inclut les personnes qui font des remarques
00:37:25insultantes dans leur propre maison, a révélé le ministre de la Justice, Humza Yousaf, qui
00:37:31a démissionné le 29 avril dernier, il n'y a pas de relation de cause.
00:37:35En somme, on n'a plus le droit de dire des horreurs chez soi.
00:37:39J'avoue, j'ai un peu résumé.
00:37:41Interrogés sur le projet de loi par la commission de la justice du Parlement écossais, Yousaf
00:37:45a assuré les critiques que la législation proposée protégerait le droit d'être
00:37:51offensant.
00:37:52Toutefois, toute personne attisant la haine contre d'autres personnes sur la base, encore
00:37:56une fois, de la religion, de l'âge, du handicap, de l'orientation sexuelle, de
00:38:00l'identité transgenre ou de variation des caractéristiques sexuelles sera poursuivie
00:38:05dans toute la mesure de la loi, a-t-il déclaré.
00:38:07Cela inclut les conversations à table avec des amis et des membres de la famille.
00:38:12A la question de savoir si les gens seraient autorisés à parler librement dans leur propre
00:38:15maison, monsieur Yousaf a répondu qu'il était en désaccord en termes de principe
00:38:21et de politique avec l'idée de maintenir la loi hors du salon.
00:38:25Dès 2020, une vingtaine d'artistes, dont d'ailleurs le fameux Mr Bean et puis J.K.
00:38:32Rowling, avaient ainsi rédigé une lettre ouverte au gouvernement écossais dans laquelle
00:38:35ils affirmaient s'inquiéter des conséquences de cette loi, y compris pour leur liberté
00:38:39artistique.
00:38:40De son côté, le chef de file des conservateurs écossais, Douglas Ross, a fustigé le texte
00:38:46à la mi-mars dernier, le présentant comme une recette pour un désastre dangereux et
00:38:50inapplicable.
00:38:51Ce qui inquiète surtout, notamment dans les rangs des conservateurs, c'est la manière
00:38:55dont la mise en application de cette loi a été présentée, souligne la même Sarah
00:38:59Petersen que je citais tout à l'heure.
00:39:01La police a assuré qu'elle prendrait en compte toutes les plaintes, sans exception,
00:39:06et si après l'enquête elle conclut qu'il n'y a pas eu de crime, l'incident sera
00:39:11tout de même enregistré comme un incident haineux non criminel.
00:39:15Exemple, je dîne avec Olivier D'Artigone au hasard, Olivier D'Artigone me dit une
00:39:21horreur.
00:39:22Je vais au commissariat et je déclare l'horreur qu'Olivier D'Artigone m'a dit et j'y
00:39:31vais, vraiment, j'y vais à fond, comme je l'ai fait la dernière fois, et là, même
00:39:38si on considère que j'ai dit n'importe quoi, et qu'Olivier D'Artigone est parfaitement
00:39:42lavé des insanités que j'ai pu dire sur lui, il est quand même noté, l'incident
00:39:49est quand même noté.
00:39:50Autrement dit, il restera une trace qui pourra porter préjudice à la personne concernée.
00:39:54Il y a donc un risque non négligeable que cela ouvre la porte à une forme d'autocensure
00:39:58car les gens vont avoir peur de représailles.
00:40:00Pour une partie de la population, entendre que la police va prendre en compte toutes
00:40:03les plaintes passe évidemment assez mal pour cette spécialiste.
00:40:07Il y a quelques semaines, celle-ci déplorait encore un manque de ressources.
00:40:10Comment pourrait-elle engranger de nouveaux dossiers si elle est déjà absorbée cette
00:40:14police ?
00:40:15Les syndicats ont en effet évoqué à plusieurs reprises leur crainte d'être pris d'assaut
00:40:19par les plaintes.
00:40:20Ceux disant très fiers du texte, Youssef, lui, le ministre, c'est quant à lui dit
00:40:24très confiant dans la capacité de la police écossaise à le mettre en œuvre comme il
00:40:28se doit.
00:40:29En clair, vous allez pouvoir dénoncer à la police votre cousin, votre femme, le grand-oncle
00:40:33ou même votre fils pour propos incitants à la haine autour d'un bon repas dans votre
00:40:37salon La Belle Affaire.
00:40:38La Belle Mère aussi.
00:40:39La Belle Mère.
00:40:40Ah, il y a des messages.
00:40:41Non, elle est adorable.
00:40:42Bon, très bien.
00:40:43Vous vous mettez pas mal avec votre belle-mère ce soir.
00:40:48Est-ce qu'on peut envisager qu'une telle chose se produise chez nous ? Parce que moi
00:40:52j'ai fait attention au cours de nos premiers prochains déjeuners ou dîners.
00:40:56Alors, un article d'Hélène Delozain sur le site Atlantico ne laisse pas de nous alerter.
00:41:00La question est en effet celle de la police de la pensée.
00:41:03Vous me direz qu'il y a longtemps que cette question nous taraude.
00:41:05Une nouvelle loi s'attaque à la liberté d'expression en privé, dans l'indifférence
00:41:11générale, quasi générale.
00:41:12Et avec le soutien de la majorité des partis politiques, une loi restreignant considérablement
00:41:17la liberté d'expression vient d'être votée par les députés français.
00:41:21Une forme de police de l'impensée est instituée visant à contrôler des propos
00:41:27pouvant être tenus dans des cercles privés informels.
00:41:30La proposition de loi, déposée à l'initiative de députés de Renaissance, se donnait pour
00:41:38objectif de renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste
00:41:45ou antisémite qui doivent désormais être soumises à une sanction pénale garantie
00:41:50et systématique.
00:41:51Jusqu'ici, tout est normal.
00:41:53Le contexte de hausse des actes antisémites depuis les attaques du 7 octobre a fourni
00:41:58aux députés le prétexte rêvé d'une intervention.
00:42:00Dans le contexte du conflit israélo-palestinien, il s'agissait de redoubler de vigilance
00:42:04contre l'antisémitisme, et on le comprend à l'œuvre, dans nos sociétés européennes.
00:42:08Mais sous couvert de lutte contre ce même antisémitisme, c'est l'ensemble des propos
00:42:13jugés discriminatoires par le système dominant qui est susceptible de rentrer dans le champ
00:42:18d'application de la loi.
00:42:19Les débats à l'Assemblée nationale ont fait apparaître une dangereuse extension
00:42:23du délit d'opinion à la sphère privée, j'y reviens, admise par les députés avec
00:42:29le caractère de l'évidence.
00:42:30Et c'est là où tout de suite j'ai été alerté.
00:42:32Alors est-ce que le phénomène est neuf ?
00:42:34La tendance n'est pas nouvelle.
00:42:36Les dernières évolutions législatives prévoyaient déjà de condamner non plus seulement les
00:42:40actes, mais les propos et même les intentions.
00:42:42Alors condamner l'intention, vous me considérez que c'est loin d'être simple.
00:42:46L'essayiste Anne-Sophie Chazot, auteure d'un ouvrage sur la liberté d'expression,
00:42:51rappelle aussi que déjà en août 2017, un décret pris au début du premier mandat
00:42:55d'Emmanuel Macron prévoyait de criminaliser les conversations privées en encourageant
00:43:01de fait la délation.
00:43:03On en revient toujours là, c'est la clé, genre de sport national.
00:43:07Je me contente de poser la question, est-ce le rôle de l'exécutif d'encourager la
00:43:12délation ?
00:43:13Aujourd'hui, on passe du décret à la loi et l'insistance sur le caractère non-public
00:43:18des propos incriminés ouvre la voie à tous les extraits, nous explique encore Anne-Sophie
00:43:23Chazot.
00:43:24En termes de droit, il existe encore une différence ténue entre des propos non-publics et des
00:43:30propos privés.
00:43:31Les propos non-publics englobent par exemple des discussions sur un groupe WhatsApp ou
00:43:37un canal Telegram ou des emails collectifs.
00:43:40La dimension non-public implique ce caractère collectif dont je viens de parler et l'existence
00:43:46d'une communauté d'intérêts, mais aussi l'absence de confidentialité explicitement
00:43:51demandée.
00:43:52Le groupe WhatsApp.
00:43:53Un dîner en famille, par exemple, ne devrait pas être concerné, mais la loi est délibérément
00:43:59peu claire, pour ne pas dire totalement floue, et offre donc la possibilité à toutes les
00:44:03interprétations ajoutées aux participants d'un dîner en famille, un groupe d'amis
00:44:07plus ou moins proches, ou des membres d'un club de sport.
00:44:10Et on frise, évidemment, la communauté d'intérêts qui autorisera le législateur à toutes
00:44:16les censures.
00:44:17Il est évident, soyons très clairs et très fermes dans le même temps, qu'il n'est
00:44:21pas question et à aucun moment de cautionner des propos haineux, racistes ou antisémites,
00:44:26y compris dans la sphère privée.
00:44:28Mais il n'est pas question non plus de cautionner la délation, et encore moins d'abolir
00:44:33la frontière entre sphère privée et sphère publique.
00:44:36N'est-ce pas, Mathieu Bock-Côté, qui dans l'un de ses ouvrages parle du totalitarisme
00:44:40sans le goulag ? Alors, évidemment, la question que je me pose, et je reviens au début, c'est
00:44:45si Sandrine Rousseau avait vu très juste, et si le privé était devenu politique ?
00:44:49Quelle analyse ! Quelle analyse ! Ça promet, il faut faire attention à ce qu'on dit,
00:44:53notamment dans les repas de famille, si ça continue.
00:44:55Vous savez comment Sadie Lissine a été envoyée au goulag ? Elle avait envoyé une
00:44:59correspondance privée à un ami, dans laquelle il critiquait Staline.
00:45:03Je trouve ça extrêmement, extrêmement inquiétant, et votre édito était remarquable.
00:45:06Mais il y a en droit quand même quelque chose qu'on oublie complètement et qui permet
00:45:12justement d'éviter les propos haineux, c'est ce qu'on appelle faire la distinction
00:45:16entre la peau et la chemise.
00:45:17Autrement dit, notre droit, il nous dit, vous pouvez vous moquer de toutes les religions
00:45:22du monde, de toutes les théories, de toutes les idéologies.
00:45:25Vous pouvez même vous foutre de la tête de tous les prophètes, de Mahomet à Jésus,
00:45:32en passant par Bouddha, si ça vous amuse.
00:45:34En revanche, parce que ça, c'est la chemise, en revanche, si vous touchez à la peau de
00:45:39quelqu'un, c'est-à-dire si vous dites, lui, parce qu'il est croyant en telle ou
00:45:43telle religion, ou parce qu'il pratique de telle ou telle manière, c'est pas un
00:45:48vrai homme, c'est pas une personne respectable, vous pouvez le frapper, vous pouvez l'attaquer,
00:45:53etc.
00:45:54Là, oui, vous vous en prenez à la personne, et là, vous commettez un acte délictueux.
00:46:00Et je trouve que cette distinction entre la peau et la chemise est intelligente et
00:46:04fine, et que nous garderions à la garder, et à ne pas nous aventurer dans des délires
00:46:10qui rappellent quand même ce qui se passe effectivement en Union soviétique, ou dans
00:46:14tous les pays qui ont été sous ce type de dictature, ou chez les nazis de la même manière,
00:46:19c'est-à-dire où des enfants allaient dénoncer leurs parents, et où on cassait
00:46:23toutes les structures de solidarité, tous les liens humains, parce que vous pouviez
00:46:27faire condamner qui vous amusait.
00:46:29Allez, avec Olivier, on va parler de quelqu'un que certains surnomment le pirate.
00:46:33Le pirate.
00:46:34Je veux parler de Paul Watson, militant écologiste, qui était aujourd'hui même, d'ailleurs,
00:46:38devant la Cour de justice suite à un mandat d'arrêt international demandé par le gouvernement
00:46:42japonais.
00:46:43Quelle a été la décision, mon cher Olivier ?
00:46:45Alors enfilez vos marinières, après l'Écossais Vincent...
00:46:49D'ailleurs c'est fait !
00:46:50Après l'Écossais...
00:46:51A l'envers !
00:46:52A l'envers !
00:46:53Après l'Écossais Vincent Roy, je vous amène au Groenland...
00:46:58On voyage en face à l'info !
00:46:59D'ici la fin de ma chronique, je vous alloie pas de mutinerie, je vous en remercie.
00:47:04Paul Watson est, lui, sur la terre ferme, en prison au Groenland depuis trois semaines.
00:47:10Il va y rester quatre semaines supplémentaires, le temps que ses conseils, ses avocats fassent
00:47:16appel.
00:47:17Rappelons d'abord la nature de l'engagement de Paul Watson.
00:47:21Il est connu pour son combat, pour la protection des baleines, et plus largement pour celui
00:47:26des océans.
00:47:27A la tête de Sea Shepherd, il a mené, au cours des dernières années, des campagnes
00:47:32d'action et de sensibilisation, défenseur de l'environnement, gardien du temple océanique,
00:47:39militant, activiste, ou encore, pour les autorités japonaises, éco-terroriste, son nom est directement
00:47:47associé à la défense de la biodiversité marine.
00:47:51Inlassable défenseur des cétacés, il a marqué l'actualité des dernières années par des
00:47:56coups d'éclat, par des coups de com', il se présente, lui, comme un éco-guerrier.
00:48:01En 2012, assigné à résidence à Francfort, à la suite de son arrestation en Allemagne,
00:48:07du fait déjà d'un mandat d'arrêt international, émis à cette époque par le Costa Rica,
00:48:12retiré depuis, Paul Watson était parvenu à rejoindre la mer du Nord.
00:48:18Perruque sur la tête, il s'était rasé sa barbe légendaire avant de filer au large.
00:48:24Ce qu'il n'a pu faire il y a quelques semaines, le 21 juillet, alors qu'il venait de se ravitailler
00:48:30en carburant avec l'objectif de poursuivre sa route vers le Pacifique Nord, en quête
00:48:35du Kanjaimaru, le nouveau navire-arpon-usine, je vais vous en parler, de la flotte nippone,
00:48:41il a été arrêté à Nuuk, au Groenland, sur la base d'un mandat d'arrêt international
00:48:46donc émis par le Japon.
00:48:47On pourrait là évoquer ces mandats d'arrêt internationaux qui, au fil des ans, ont été
00:48:53un peu détournés de leur cible initiale pour aller véritablement, on peut le dire,
00:48:58vers du procès politique.
00:49:00Ce pays l'accuse d'être responsable de dommages sur l'un des baleiniers et de blessures en
00:49:04version personnelle lors d'une campagne anti-chasse conduite dans l'Antarctique par son association
00:49:10début 2010.
00:49:11Il récuse ses accusations.
00:49:12Le capitaine Watson a connu bien des tempêtes judiciaires au cours des 40 dernières années,
00:49:18des poursuites aux Etats-Unis et au Canada, quelques jours derrière les barreaux aux
00:49:22Pays-Bas.
00:49:23Il a même vécu l'exil en haute mer durant 15 mois.
00:49:26Pour lui, l'horizon judiciaire n'a jamais été aussi noir, puisqu'une extradition au
00:49:32Japon l'exposerait à une peine allant jusqu'à 15 ans de prison et les conditions de vie
00:49:38carcérale au Japon ne sont pas celles qu'il vit aujourd'hui au Groenland.
00:49:42Alors, est-ce que le Japon est dans son droit, Olivier ?
00:49:46La pêche commerciale de la baleine est interdite depuis l'entrée en vigueur en 1986 d'un moratoire
00:49:52de la Commission baleinière internationale, mais à l'instar de la Norvège ou de l'Islande,
00:49:58le Japon ne l'a jamais respectée, ce qui lui a valu une condamnation en 2014 devant
00:50:03la Cour internationale de justice.
00:50:06Le Japon a continué pendant 30 ans à chasser des baleines en exploitant une clause d'exception
00:50:12du moratoire autorisant des missions à des fins scientifiques.
00:50:15Le pays était très critiqué pour cette hypocrisie consistant à cacher une pratique
00:50:20commerciale de la chasse à la baleine en affirmant qu'il s'agissait d'un abattage
00:50:24de ces cétacés à but scientifique.
00:50:26Il y a 6 ans, le pays s'est même retiré de la Commission baleinière internationale,
00:50:31s'affranchissant de ce fait, de son respect du droit international.
00:50:35L'Antarctique est un véritable sanctuaire baleinier.
00:50:39Mais chaque année, le Japon, en toute impunité pendant des décennies, a continué ses campagnes
00:50:45de chasse avec des harpons explosifs, une véritable boucherie, tout cela est très
00:50:51documenté.
00:50:52Pour préparer cet édito, je suis allé voir un peu sur les vidéos qui documentent tout
00:50:58ça, à me sensible véritablement s'abstenir.
00:51:01Le gouvernement conservateur nippon, là c'est intéressant de voir la dimension politique.
00:51:09Entend relancer la consommation de viande de ces cétacés au nom d'une tradition,
00:51:15d'un récit national, quasiment d'un récit nationaliste.
00:51:18La vérité est qu'aujourd'hui, dans la société nippone contemporaine, moins de
00:51:231% de cette population consomme ce produit.
00:51:27Il n'y a aucune demande, c'est véritablement une campagne quasiment idéologique et politique.
00:51:33Le Japon a ajouté les rocales communs à la liste des baleines pouvant être chassées
00:51:38à des fins commerciales.
00:51:39La cible de Watson était donc le Kanjaimaru, nouveau navire balenier japonais qui a débuté
00:51:45le 21 mai dernier sa première campagne de chasse qui durera plusieurs mois.
00:51:51C'est un bâtiment très imposant, un navire usine de 100 mètres de long et de près de
00:51:579000 tonnes.
00:51:58Il peut conditionner et stocker la viande de baleine.
00:52:02Les associations environnementales sont bien évidemment vente de boue, tuer des baleines
00:52:07qui vivent longtemps, se reproduisent lentement et sont soumises à une myriade de menaces
00:52:11telles que le changement climatique ou encore la pollution plastique des océans.
00:52:16Alors revenons à Paul Watson, c'est quoi son avenir très concrètement là ?
00:52:19Alors, concernant la décision judiciaire de la cour du Groenland, il s'agissait de
00:52:25décider de sa libération, peut-être du port d'un bracelet électronique pour lui
00:52:34permettre d'attendre dans des conditions plus positives pour lui, la décision d'extradition
00:52:41qui est uniquement dans les mains du gouvernement du pays.
00:52:51Il y a bien sûr une pression très importante qui s'exerce, c'est le cas en France avec
00:53:00une pétition lancée par le journaliste Hugo Clément dépassant les 700 000 signataires.
00:53:05Emmanuel Macron est intervenu bien sûr auprès des autorités danoises pour éviter l'extradition.
00:53:11Le président suit de très près les conseillers de l'Elysée et intervient donc auprès des
00:53:19autorités danoises pour éviter l'extradition dont je vous ai dit qu'elle pourrait véritablement
00:53:25exposer Watson à une décision très dure, d'autant plus qu'on a quelques doutes sur
00:53:30l'équité du procès.
00:53:32Selon la police qui a annoncé cette décision dans un communiqué, ce maintien en détention
00:53:37s'explique par le fait de garantir la présence de Watson au moment de la décision d'extradition
00:53:43dont la date n'a pas été rendue publique.
00:53:45Le Japon, troisième puissance économique internationale, ça compte aussi dans les
00:53:50rapports diplomatiques, compte bien se venger de son activisme et obtenir donc cette extradition.
00:53:57On sait très bien, les avocats de Watson ont communiqué aujourd'hui que s'il y a
00:54:04extradition, peut-être que les autorités nippones exigeront de lui de présenter des
00:54:10excuses, de renoncer au combat de sa vie, de faire un acte de repentance, il n'est
00:54:16pas véritablement homme à aller vers cette forme de contrition.
00:54:19Allez, un tout dernier mot, très rapidement, parce que je vois que l'on se tourne sur
00:54:23la biodiversité marine.
00:54:24Oui, quelques éléments, les océans sont les principaux réservoirs de la biodiversité
00:54:28dans le monde, ils constituent plus de 90% de l'espèce sur la planète et abritent
00:54:32quelques 250 000 espèces connues ainsi que beaucoup d'autres qui ne sont pas encore
00:54:38répertoriées.
00:54:39Cet été, on a pu se rendre compte de nouveau combien la Méditerranée est en surchauffe,
00:54:45ça a des conséquences de plus de 30% au large de Monaco il y a encore quelques semaines,
00:54:50cela a des conséquences terribles sur la biodiversité, des relevés de canicules marines
00:54:57qui causent des dégâts irréversibles sur la biodiversité, c'est aussi l'un des
00:55:02combats de Watson.
00:55:03Merci beaucoup pour ce coup de projecteur sur ce pirate, ce qu'on surnomme le pirate.
00:55:08On termine avec vous ma chère Céline, il ne nous reste pas beaucoup de temps, il semblerait
00:55:12que nos élites partagent les mêmes peurs de voir leur monde s'effondrer que les gens
00:55:15ordinaires de nous faisant partie, vous et moi évidemment, et l'apocalypse serait-il
00:55:20le dernier horizon susceptible de nous rassembler en dépassant les logiques de classe et de
00:55:25caste ?
00:55:26Oui, en fait c'est Jonathan Van Maren, un journaliste américain très conservateur
00:55:31qui raconte cette anecdote dans un article paru dans la revue Atlantico que je vous invite
00:55:36à aller lire.
00:55:37Il commence en racontant cette anecdote assez drôle d'une actrice qui arrive lors d'une
00:55:41interview à la télévision et qui explique qu'elle a fait prendre des cours de pilotage
00:55:46à son petit ami alors qu'il déteste ça.
00:55:49Le présentateur un peu étonné lui dit mais finalement pourquoi ? Elle dit vous comprenez,
00:55:54si jamais le monde s'effondre, j'aimerais autant être avec quelqu'un qui soit susceptible
00:55:59de me sauver en conduisant un hélicoptère.
00:56:00Ma foi, cette dame fait preuve de qualité d'anticipation réelle.
00:56:05Et de bon sens.
00:56:06Le présentateur lui dit à très juste raison mais enfin pourquoi n'apprenez-vous pas
00:56:11à conduire vous-même cet hélicoptère ? Et elle lui répond mais alors qui va s'occuper
00:56:15des armes et des munitions ? Elle est toute mignonne la jeune fille.
00:56:19Mais ça l'oblige de surcroît de ne pas changer de petit ami.
00:56:22Ce qui est très embêtant.
00:56:23Je n'en sais rien.
00:56:24Je vous laisse responsable de vos propos.
00:56:29Bref.
00:56:30Ce qui interpelle à ce moment-là notre journaliste politique dans la séquence c'est que d'habitude
00:56:34quand on nous parle de survivaliste, on va vous montrer, on va être un peu moqueur,
00:56:39on va vous parler de beaufs, un petit peu complotistes, complètement largués qui vont
00:56:44couper leur bois entrayé au milieu de la forêt et qui sont complètement paranoïaques.
00:56:50Et en fait pas du tout.
00:56:51Ce dont on se rend compte c'est qu'une partie des leaders de la tech et des milliardaires
00:56:56extrêmement importants sont complètement dans cette logique-là.
00:57:00Or eux, on ne peut les taxer ni d'être désinformés ni d'être marginaux.
00:57:04Et du coup, cette jeune femme ultra privilégiée qui montre face à l'avenir la même absence
00:57:10de confiance que des personnes bien plus exposées à la précarité, témoigne également du
00:57:15même abandon face à l'idée que finalement son État ou le pouvoir politique puisse la
00:57:22sauver.
00:57:23C'est-à-dire que non seulement il y a anticipation d'un danger potentiel, mais conviction que
00:57:28personne ne viendra agir, n'aidera ou ne peut sauver face à la catastrophe qui s'annonce.
00:57:34Donc l'idée même d'une société, d'un État solidaire et protecteur est complètement
00:57:39évacuée dès l'annonce même d'une catastrophe potentielle.
00:57:43Alors cette angoisse apocalyptique touche les ultra-riches et les seigneurs des GAFAM.
00:57:49Et oui, par exemple, Mark Zuckerberg, le fondateur de Meta, PDG de Facebook, construit sur l'île
00:57:57hawaïenne de K-U-A-I, je crois, un complexe qui se chiffre en centaines de millions de
00:58:09dollars, comprenant habitation en surface, cabane dans les arbres, ça c'est pour faire
00:58:13mignon, mais surtout réseau de bunkers entièrement autosuffisants, zone de permaculture sous-terre
00:58:20dans lequel on peut faire pousser des plantes, autonomie en haut, capacité à produire son
00:58:26propre air, etc.
00:58:27On voit bien qu'on est en plein dans la façon dont les élites fortunées américaines se
00:58:33préparent à la perspective de l'anéantissement de leur monde.
00:58:36Et quand on interroge les journalistes qui travaillent sur ces questions, ils vous disent
00:58:40que ça concerne à peu près 50% de ces grands milliardaires de la tech.
00:58:46Douglas Rushkoff, qui est un théoricien et un analyste des médias, raconte comment
00:58:51il a été invité par 5 milliardaires sur une île, dans le but de fournir des process
00:58:56clés en main pour survivre avec ce que ces gens appellent avec un doux euphémisme, l'événement.
00:59:02Et bien, finalement, comment est-ce qu'on se sort d'un effondrement social et politique
00:59:08imminent ? Les questions qu'il pose sont extrêmement concrètes.
00:59:12Quelle catastrophe est susceptible d'arriver en premier ? Vous pensez que c'est plutôt
00:59:16de la climatique ? C'est plutôt une maladie ? C'est plutôt l'effondrement social et politique ?
00:59:21Combien de temps est-ce qu'on peut s'ouvrir sans soutien extérieur ? Est-ce que des eaux
00:59:26peuvent être contaminées ? Et comment avoir sa propre alimentation en air et comment faire
00:59:32pour que cela puisse durer ? Parce qu'il faut des filtres, tout ça est compliqué
00:59:35quand plus personne ne vous les fournit.
00:59:36Mais au final, ce n'étaient pas tant les questions techniques qui intéressaient ces
00:59:40hommes puissants, mais bel et bien des questions fort triviales de pouvoir.
00:59:45Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? Ça fait un peu Mad Max votre histoire.
00:59:47Mais oui, mais en fait, si vous anticipez un désastre qui renvoie vos contemporains
00:59:53à l'état de nature, ceux-ci deviennent une menace.
00:59:55Regardez un peu ce qui se passe quand vous regardez The Walking Dead assez rapidement.
01:00:00Le problème, ce n'est pas tant les zombies que les autres communautés humaines et qui
01:00:05fait que chaque rencontre de communautés humaines est susceptible d'amener la destruction
01:00:10d'un ou d'autres groupes.
01:00:11Donc nos milliardaires, ils n'ont pas l'air de cultiver beaucoup d'illusions sur la nature
01:00:15humaine.
01:00:16Ils envisagent donc de se doter de gardes armés pour protéger toutes ces protections.
01:00:20Mais comment garder le contrôle d'homme de main quand tout s'effondre et donc que
01:00:25l'argent ne vaut plus rien, la crypto-monnaie encore moins, puisque justement, il n'y a
01:00:29plus de structure pour vous permettre de dépenser toutes ces choses virtuelles.
01:00:33Qu'est-ce qui empêcherait les gardes de prendre conscience de leur force, du fait
01:00:37que ce sont eux les seuls garants aujourd'hui dans ce monde, et donc de désigner en leur
01:00:42propre chef, en leur propre saint, un chef ? Et la grande question de ces milliardaires,
01:00:48c'est mon Dieu, mais comment garder le contrôle ? Et Douglas Rushkoff nous rappelle qu'au
01:00:53moment de l'effondrement de l'Empire romain, qu'est-ce qui se passe ? Ce n'est pas les
01:00:57intellectuels qui vont prendre le contrôle, c'est la garde prétorienne, c'est les grosses
01:01:01brutes avec des armes et des casques.
01:01:05Bref, comme on le voit, leur façon d'envisager la solution à ce problème est marquée à
01:01:10la fois par un total désintérêt pour l'existence d'autrui et par une peur réelle de leur
01:01:16propre voisin.
01:01:17Alors, pourquoi la peur nourrit rarement l'empathie et pourquoi vous en êtes honnête ?
01:01:21On n'a pas tort Thierry, mais il se trouve qu'on pourrait faire ces critiques finalement
01:01:26à l'homme lambda.
01:01:27Mais rappelez-vous, je vais vous citer un grand auteur, un grand intellectuel, Peter
01:01:32Parker, l'alias de Superman.
01:01:34Qu'est-ce qu'il dit Peter Parker ? Il dit « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.
01:01:39Donc les élites légitimes en général, leur statut d'ultra privilégié par les
01:01:43services qu'ils rendent à la nation, par leur lien avec le collectif, par leur capacité
01:01:49à contribuer à l'équilibre de ce monde et à sa stabilité.
01:01:52Et tout d'un coup, face à une catastrophe qu'ils anticipent, ils réagissent comme
01:01:58ils considèrent les « bouseux du Minnesota ». Sauf que si l'on peut pardonner à un
01:02:04homme ordinaire de chercher son salut en mobilisant simplement ses forces propres, après tout
01:02:09ce qu'il a, on attendrait d'élites éduquées et privilégiées, influentes et écoutées,
01:02:15qu'elles travaillent plutôt à empêcher cet affrondement, qu'elles se posent la
01:02:18question de savoir pourquoi il y a tant d'angoisse aujourd'hui dans notre monde et qu'elles
01:02:23proposent de chercher des chemins, qu'elles rappellent que la civilisation et le mieux
01:02:27d'être dépensent de la capacité des hommes à s'organiser en grande communauté,
01:02:32à s'unir et à travailler ensemble.
01:02:34Et visiblement, cela ne les intéresse pas.
01:02:37Et pourtant, ces super-riches ne savent pas quelque chose que nous ignorons.
01:02:40Finalement, ils sont pareils devant l'avenir.
01:02:43Ils sont comme nous.
01:02:44Ils sont devant l'incertitude et ne sont pas cousus d'une autre étoffe que la nôtre.
01:02:48Donc les angoisses qui étreignent les gens ordinaires ne sont pas délirantes et mériteraient
01:02:53d'être moins méprisées par les élites politiques et l'intellectuel parce que
01:02:58le pire n'est jamais sûr, mais malgré tout, nous, hommes, sommes obligés de faire
01:03:02avec l'incertitude.
01:03:04Et à la fin, il ne faut pas non plus oublier que derrière la catastrophe, il peut y avoir
01:03:09un désir.
01:03:10Le désir de destruction, ça existe et l'homme porte en lui ce désir de table rase, de refondation
01:03:16et pour y accéder, il n'a pas hésité à faire couler des flots de sang.
01:03:20On parlait du totalitarisme il n'y a pas très longtemps.
01:03:22Bref, certains pensent la catastrophe comme une manière de tout changer et de faire repartir
01:03:28la société sur de nouvelles bases, souvent au détriment de la simple humanité.
01:03:33J'ai eu Jacques Lacan ce matin au téléphone sur ces questions et il m'a dit qu'il faudrait
01:03:37voir où on en est avec la pulsion de mort.
01:03:38Mais c'est une vraie question.
01:03:40Ça ressort quand même de ça.
01:03:42Les amis, c'était passionnant, je vous propose de poursuivre le débat en sortant du plateau
01:03:48parce que je n'ai pas fini.
01:03:50Vous voulez nous évacuer.
01:03:51Non, je ne vous évacue pas mais j'ai une autre émission derrière, vous savez, ça
01:03:53s'appelle L'heure des pros.
01:03:54En tous les cas, je voudrais remercier l'équipe qui m'a aidé à préparer cette émission,
01:03:58Benjamin Cuneo, Maxime Ferge, Julien Durou et Adrien Fontenot.
01:04:01A tout de suite pour L'heure des pros.
01:04:02Merci les amis.