Mercredi 19 mars 2025, retrouvez Pierre-Pascal Boulanger (Président-fondateur, Le Printemps de l'économie), Oriane Wegner (Économiste, Unité Économie du Climat - Banque de France) et Gaël Bouquet (Délégué général, Elipso) dans SMART IMPACT, une émission présentée par Thomas Hugues.
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00:00Bonjour à toutes et à tous, bienvenue, c'est Smart Impact, l'émission de la transformation environnementale et sociétale de notre économie.
00:14Et voici le sommaire. Mon invité, c'est Gaël Bouquet, délégué général d'Elipso, syndicat professionnel des fabricants et recycleurs d'emballages plastiques,
00:23qui nous présentera notamment les résultats d'une étude sur les innovations du secteur. Dans notre débat, on va découvrir le programme du printemps de l'économie,
00:31notamment l'enjeu des politiques publiques en faveur de la biodiversité. Et puis dans notre rubrique start-up, vous découvrirez Alvi, une solution pour réduire l'utilisation des pesticides dans l'agriculture.
00:45Voilà pour les titres, c'est Smart Impact. Tout de suite.
00:54L'invité de ce Smart Impact, c'est Gaël Bouquet. Bonjour, bienvenue.
00:59Bonjour.
00:59Vous êtes le délégué général d'Elipso, le syndicat professionnel des fabricants et recycleurs d'emballages plastiques. Vous présentez combien d'entreprises ? Quelles sont vos missions ?
01:09Merci déjà de me recevoir. On représente 125 industriels, fabricants transformateurs d'emballages plastiques qui adressent les marchés de l'agroalimentaire principalement, de la cosmétique, de l'hygiène et la détergence.
01:24Et puis une catégorie un peu transversale qu'on appelle les emballages B2B, des gros emballages de 200 à 1300 litres. C'est à peu près tout ce que je peux vous dire. On présente 75% du marché.
01:37Et on va parler d'innovation, on va parler de prise de conscience, évidemment, de tous ces enjeux environnementaux. Mais est-ce que vous, depuis plusieurs années, il y a vraiment un focus sur le plastique, la réduction des plastiques, etc.
01:49Est-ce que ce n'est pas de temps en temps difficile à vivre quand on est une entreprise qui, finalement, produit des emballages plastiques ?
01:57Alors c'est difficile à vivre, non. Je pense que c'est quand on est bousculé aussi qu'on se transforme. Donc c'est une opportunité. En tout cas, nous, c'est comme ça qu'on le voit. On accompagne la transformation.
02:07Et d'ailleurs, mon équipe est une équipe d'écologistes. Ce n'est pas une équipe totalement enferrée dans l'industrie pour renverser la table. Non, on est là pour transformer et d'accompagner cette transition.
02:21Oui, c'est sûr. Comme disait Sénèque, le soldat sur sa lance s'endort. Nous, on ne se repose pas au quotidien, c'est sûr.
02:31Avec un cadre réglementaire, on va parler de réglementation, un cadre réglementaire européen sur les emballages qui donne comme ambition une réduction des emballages plastiques de 5% d'ici 2030, 10% en 2035, 15% d'ici 2040.
02:45C'est progressif. Est-ce que c'est réaliste, déjà, par rapport à ce qui existe aujourd'hui ?
02:50Ce sont des objectifs. Ce ne sont pas des obligations fermes pour les industriels. C'est aux États membres d'en prendre toute la mesure.
02:56Vous savez qu'on a un taux de recyclage en France qui n'est pas très bon par rapport à nos homologues européens.
03:02Ceci est dû aussi au fait qu'on a un système de tri en France qui n'est pas forcément performant par rapport à d'autres pays.
03:10Donc, oui, c'est possible de réduire et nos adhérents réduisent tous les jours.
03:16On a la moitié des emballages plastiques qui ont été réduits de 17% depuis 2018.
03:23La moitié de 17% et depuis 2022, on a un allègement en tonnage de 7%.
03:33Pour bien comprendre, la moitié de nos emballages réduit de 17%.
03:36C'est-à-dire qu'on prend un emballage qui rentre dans cette catégorie. A l'unité, qu'est-ce qui devient ?
03:41En fait, ce qui se passe, c'est que les industriels ont travaillé sur le design pour réduire au maximum.
03:47Mais en conservant, bien sûr, des questions de sécurité sanitaire et de contact.
03:52Surtout si on parle d'agroalimentaire.
03:54Absolument. Mais aussi la cosmétique, les hygiènes et la détergence ont un contact sensible.
03:58Donc ça, il faut en tenir compte.
03:59Il faut en tenir compte aussi dans l'allègement comme dans le basculement d'une matière à une autre.
04:04Et ça, c'est très important.
04:06Le bilan de la DGCRF en 2022 a démontré que le switch matière n'était pas forcément du point de vue sanitaire très pertinent de temps en temps.
04:17D'où l'importance, sans opposer les matériaux.
04:19On n'est pas là pour faire une guerre des matériaux, mais de bien étudier en amont,
04:25de faire une étude d'impact sur les enjeux sanitaires et sur les enjeux environnementaux.
04:30Est-ce qu'il y a un risque de surtransposition ?
04:34Puisqu'on parle de normes européennes, si on les compare aux règles françaises,
04:38est-ce qu'on est mieux dix ans ? Est-ce qu'il y a un risque d'empilement des normes ?
04:41Alors, surtransposition ne veut pas dire forcément mieux dix ans.
04:44Ça peut vouloir dire moins dix ans.
04:47Là, on est en face d'une réglementation européenne qui est un règlement.
04:50Un règlement, c'est l'application directe.
04:52Donc, il n'y a pas de transposition de l'administration.
04:56L'administration française doit adapter ses normes aux principes européens.
05:02Nous, on s'en félicite de ce règlement européen pour trois raisons.
05:05C'est notre cahier des charges.
05:07Les principales obligations ne s'appliquent qu'au plastique.
05:10Donc, ça veut dire que notre matériau est circulaire.
05:15Ça laisse le temps aux industriels de s'organiser.
05:18Et puis, les règles vont être uniformisées.
05:20Il va y avoir un cadre lisible.
05:22L'idée, c'est quoi ?
05:23C'est de mettre de plus en plus de matière recyclée dans les emballages plastiques, notamment ?
05:27L'idée, c'est de favoriser ce qu'on appelle la recyclabilité,
05:31la faculté pour un produit à être introduit dans une filière de recyclage,
05:35et derrière, évidemment, d'incorporer de plus en plus de matière recyclée
05:40dans les produits d'emballage, mais comme dans d'autres produits aussi, d'ailleurs.
05:44Ce règlement vise les emballages en particulier.
05:47Vous disiez en France que notre système de tri est moins performant. Pourquoi ?
05:52Pourquoi ? Parce que, je vous prends l'exemple de l'Allemagne,
05:55ils ont 40 centres de tri spécialisés plastiques.
05:58En France, on a fait le choix d'avoir des centres de tri multimatériaux.
06:02Ce qui fait que, dans votre poubelle, vous mélangez tout et n'importe quoi,
06:08et derrière, il y a une nécessité de retrier.
06:11Une collecte séparée des déchets d'emballage favorise le recyclage énormément.
06:17Mais ça, on le fait, on a la poubelle jaune et on met le plastique dans la poubelle jaune.
06:21Pas tant que ça.
06:22Alors, vous verrez, sur les zones denses, notamment à Paris, à Lyon, à Marseille,
06:28les emballages, ce qu'on appelle le tri à la source, sont très très mal triés.
06:34Et on y retrouve beaucoup de choses.
06:36Et donc, c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, on a du mauvais tri,
06:42et ça part à l'enfouissement à 29%,
06:46alors que nos homologues européens sont autour de 2, voire 0%.
06:50Et ça, c'est un vrai problème.
06:51Parce que plus il y a d'enfouissement, et moins il y a de recyclage.
06:55Évidemment. Qu'est-ce que vous attendez, les pouvoirs publics, en la matière ?
06:58Déjà, on attend...
06:59La sensibilisation des campagnes d'information ?
07:03On attend, d'une part, qu'il y ait une réelle lisibilité réglementaire.
07:08Plus c'est simple, mieux c'est applicable.
07:11Moins il y a d'effets de bord, et les industriels s'y retrouvent.
07:14Le temps industriel, ça prend du temps.
07:16Pour commander une machine, il faut 24 mois.
07:18Pour changer une ligne industrielle, ça prend du temps.
07:22Donc, il faut ménager ce temps et donner de la clarté, de la lisibilité,
07:27au cadre qui, aujourd'hui, est un peu en disjonction en France,
07:31par rapport à ce qu'on voit ailleurs,
07:33par rapport à ce qu'on voit au niveau européen, notamment.
07:35Oui. Alors, il y a évidemment aussi les réponses de l'industrie.
07:39Vous avez mené, l'an dernier, une étude basée sur les chiffres de l'année 2023.
07:44On va beaucoup parler, notamment, d'innovation dans ces 3-4 minutes qui nous restent.
07:48Quelle est la leçon principale de cette étude ?
07:50La leçon principale de cette étude, c'est, d'une part,
07:53que les investissements des industriels sont orientés vers l'économie circulaire,
07:57vers l'allègement, vers la recyclabilité, vers l'incorporation.
08:01Il y a à peu près 17% à 20% d'investissement qui est dédié à cela.
08:08Et donc, ça, c'est une première chose.
08:10La deuxième chose, c'est qu'on s'aperçoit qu'ils changent de matière
08:15ou qu'ils réduisent le nombre de résines.
08:17C'est-à-dire qu'ils vont sur ce qu'on appelle des monomatériaux
08:21pour que ça soit mieux recyclé derrière.
08:23Donc ça, c'est vraiment un enseignement.
08:25Et on s'aperçoit aussi, déclare-t-il, que 40% des industriels
08:32constatent qu'il y a, après avoir opté pour le papier carton, par exemple,
08:38un retour au plastique.
08:39Et pourquoi ?
08:40Pour des raisons, premièrement, sanitaires, le contact sensible.
08:44C'est un matériau qui est soumis à 2 règlements européens
08:48sur ce qu'on appelle la matière vierge comme sur la matière recyclée
08:51qui sont extrêmement contraignants.
08:53Ce qui fait que, finalement, et ça, les autres matériaux n'ont pas l'équivalent.
08:56Donc, sécurité sanitaire, praticité et prix, bien sûr,
09:01parce que le plastique est léger et a un prix beaucoup plus abordable.
09:05Donc, il y a une soutenabilité environnementale,
09:07une soutenabilité sanitaire et une soutenabilité économique
09:10qui font de ce matériau, évidemment, un matériau incontournable.
09:13Est-ce qu'il y a encore énormément de nos emballages plastiques
09:15qui viennent de loin, de très loin, de Chine ou d'ailleurs ?
09:19Oui, la Chine est le premier exportateur d'emballages plastiques.
09:24C'est un problème aussi en matière d'importation de matières recyclées
09:29car, aujourd'hui, il n'y a pas de traçabilité.
09:31C'est-à-dire qu'on ne peut pas faire la distinction
09:33entre une matière vierge et une matière recyclée provenant de Chine.
09:38Ce qui fait que nous sommes en train de mener une action filière sur ce terrain-là
09:43parce qu'il n'y a pas de raison d'importer d'ailleurs de la matière recyclée
09:47alors que notre industrie de recyclage peut y pourvoir en France et en Europe.
09:51Il faut régionaliser le recyclage.
09:53C'est ce qu'on appelle le principe de proximité en matière environnementale.
09:56Ça n'a pas de sens parce qu'il y a le coût environnemental du transport.
10:01Vous évoquiez la simplification, les résines, etc.
10:04Est-ce qu'il n'y a pas une part de responsabilité des industriels
10:07dans la complexité du tri ?
10:09Parce que parfois, il y a plusieurs matières en une dans un produit.
10:12Vous voyez ce que je veux dire ?
10:13Il y a des complexités sur certaines catégories d'emballages
10:16comme l'emballage cosmétique qui intègre de la métallisation,
10:20qui ont des couleurs, etc.
10:22On travaille là-dessus.
10:23On a fait un guide sur la recyclabilité
10:26en lien avec les grandes marques de la cosmétique que je ne citerai pas
10:30et qui fait des arbitrages très concrets pour réduire,
10:34pour faire en sorte de réduire non seulement le nombre de résines
10:38mais aussi les colorations et un certain nombre de choses.
10:41Sur les bouchons, on a une action visant justement
10:44à essayer de standardiser le bouchon pour qu'il soit le moins coloré possible
10:48ou qu'il soit transparent.
10:50Parce qu'un bouchon transparent, c'est un bouchon recyclable.
10:53Dès que vous mettez de la coloration, dès que vous mettez de la métallisation,
10:56tout devient plus compliqué.
10:58C'est des processus lents, c'est ce que vous disiez.
11:00C'est des processus qui prennent un peu de temps, c'est vrai.
11:03Mais on va dans le bon sens.
11:05Et on est en marche vers cette visée, évidemment,
11:09puisque c'est ce qui va nous sauver, tout simplement.
11:12Merci beaucoup Gaël Bouquet.
11:14A bientôt sur Be Smart For Change.
11:16C'est l'heure de notre débat, on parle du printemps de l'économie tout de suite.
11:25Le débat de ce Smart Impact, on parle du printemps de l'économie tout de suite
11:28avec son président fondateur Pierre-Pascal Boulanger.
11:30Bonjour.
11:31Bonjour.
11:32Bienvenue, heureux de vous accueillir.
11:33Auriane Wegener, bonjour.
11:34Bienvenue, vous êtes économiste à la Banque de France
11:36et vous allez participer à l'une des sessions, l'une des tables rondes
11:39de ce printemps de l'économie.
11:41Pourquoi vous l'avez créée ?
11:42Racontez-moi.
11:44C'est suite à la crise financière.
11:46J'organisais déjà plusieurs événements.
11:49Et on faisait les 30 ans de la disparition de Mendès
11:53et son rôle dans l'introduction de la pensée keynésienne en France.
11:57Et avec Rocard, suite à son intervention, on a discuté,
12:02on a constaté que, contrairement aux autres pays européens
12:05où il y a énormément de colloques sur l'économie,
12:08la France était le pays d'Europe où il y avait le moins de,
12:10ce que d'ailleurs Chalange appelle les mini Davos.
12:13Donc il existait les Rencontres à Aix, les Géco à Lyon, c'est tout.
12:16Et rien dans la capitale, alors qu'on a des sièges sociaux,
12:20qu'on a des centres de recherche en économie.
12:23Et donc on a créé le printemps de l'économie
12:25autour d'une conviction commune entre Michel Rocard et moi-même,
12:29c'est que la méconnaissance en économie est une menace pour la démocratie.
12:33Alors c'est ce que j'allais vous demander,
12:34c'est pourquoi le fait de ne pas s'y connaître tant que ça,
12:37et alors j'inclus les journalistes, les citoyens, parfois les politiques aussi,
12:42soyons honnêtes, ça a des conséquences démocratiques pour vous ?
12:46Oui, ça a des conséquences démocratiques.
12:48D'ailleurs, juste une petite parenthèse,
12:49on pense même faire un printemps de l'économie spécifique aux décideurs.
12:52Oui, ça serait une bonne idée.
12:54En fait, tout le monde a besoin, quel que soit son niveau,
12:57même quand on a un niveau élevé,
12:59on peut très bien avoir une pensée qui est dans un carcan,
13:02liée au fait que, par exemple, on a été formé il y a très longtemps
13:05et qu'on est dans un carcan intellectuel qui est déjà daté,
13:08ou alors on peut avoir une pensée qui est fortement empreinte,
13:12soit par sa propre orientation politique,
13:15ou liée à son positionnement dans la hiérarchie sociale,
13:19et quelquefois, de par le pouvoir que l'on a,
13:23penser que son point de vue est légèrement supérieur à d'autres.
13:26Et on a besoin de confronter les idées,
13:29on a besoin de pluralisme,
13:31et d'ailleurs, on a besoin de mixité aussi.
13:33Oui, effectivement.
13:34Auriane Wegener, vous participez donc à l'une des sessions
13:37de ce printemps de l'économie,
13:39dans laquelle il sera question des politiques publiques
13:41en matière de biodiversité.
13:43Alors, c'est quoi l'idée de votre participation ?
13:47Peut-être déjà de faire une sorte de bilan des actions menées
13:49ou de l'impact des actions menées ?
13:51Oui, tout à fait.
13:52Alors, la session, effectivement,
13:53elle porte sur la question de l'effondrement de la biodiversité
13:55et plus largement de ce qu'on appelle les risques liés à la nature.
13:57Donc, il faut bien comprendre que les risques liés à la nature,
13:59c'est plus large que le climat.
14:01Ça inclut la pollution de l'air, des sols, de l'eau, les sécheresses.
14:05Et nous, notre enjeu dans cette session,
14:07ça va être de montrer en quoi l'économie dépend
14:10du bon fonctionnement des écosystèmes naturels
14:12et en quoi l'effondrement de ces écosystèmes
14:14a des conséquences sur l'activité économique.
14:16Ça veut dire quoi ?
14:17Il s'agit de définir les conséquences économiques
14:20de la destruction de biodiversité.
14:22De quoi on parle concrètement, précisément ?
14:24Si je donne un exemple concret,
14:25ça pourrait être, par exemple, le secteur agricole.
14:27Si on imagine l'effondrement de la pollinisation
14:29ou la dégradation de la qualité des sols,
14:31ça veut dire que la production agricole devient moins bonne,
14:34soit en France, soit dans le monde.
14:36Et ça, ça a des conséquences sur les prix agricoles,
14:39donc sur les prix de l'alimentation,
14:41et à la fin, sur l'inflation et sur le pouvoir d'achat.
14:44À l'inverse, la recherche de prix les plus bas possibles
14:49de la part des consommateurs,
14:51ça a eu un impact sur la destruction de la biodiversité ?
14:55Effectivement.
14:56On peut imaginer que la surproductivité agricole,
14:58ça, ça peut épuiser les sols
15:00ou épuiser les écosystèmes qui produisent
15:03les cultures dont on a besoin.
15:05Donc ça, effectivement, c'est un enjeu.
15:07Et c'est la raison pour laquelle,
15:09en tant qu'économiste et les décideurs économiques,
15:13doivent tenir compte des conséquences
15:16de l'activité économique sur le fonctionnement
15:18des écosystèmes, dans l'autre sens aussi.
15:20Je vous écoutais tout à l'heure
15:22parler de la culturation économique,
15:24mais en fait, un économiste, il fait aussi de la politique.
15:28Vous voyez ce que je veux dire ?
15:29Est-ce qu'on réussit à parler le même langage
15:31entre économistes ?
15:32Alors, pas forcément.
15:34On a toujours des économistes
15:36qui sont un petit peu dans la lignée
15:38de ce qu'était la discipline économique
15:40dès son origine,
15:42fin XVIIe, début XVIIIe,
15:44c'est-à-dire l'économie politique.
15:46Et après, on a,
15:48à partir de la fin du XIXe,
15:50et ça se développe au XXe,
15:52d'autres économistes qui essaient
15:54d'objectiver un maximum
15:56pour en faire une science à part entière,
15:58et même, quelquefois pour certains,
16:00une science quasi dure.
16:02Mais je pense qu'il est difficile,
16:04même quand on est partisan
16:06de ce qu'on appellerait
16:08la science économique,
16:10et non pas l'économie politique,
16:12je pense qu'il est quand même très difficile
16:14d'objectiver le propos.
16:16On peut, par contre,
16:18sur les diagnostics,
16:20faire un travail incroyable
16:22de par des travaux empiriques,
16:24la modélisation, etc.
16:26Mais je crois qu'après,
16:28quand on passe à l'analyse
16:30ou à l'interprétation des données,
16:32il est très difficile quand même
16:34de s'extraire d'un objet scientifique
16:36à l'intérieur duquel on est soi-même acteur.
16:38Oui, effectivement.
16:40Qu'est-ce qu'on va découvrir ?
16:42L'idée du Conseil scientifique,
16:44qui est pluraliste,
16:46à l'unanimité, ça a été de l'action publique.
16:48Alors, on a décidé ça déjà,
16:50il y a un an,
16:52on décide ça un an à l'avance,
16:54on sentait bien que,
16:56par rapport aux défis monstrueux
16:58qu'il y a,
17:00le rapport Pizani-Maffuz,
17:02il faut 100 milliards
17:04à l'horizon 2030,
17:06on sait très bien qu'on doit investir
17:08dans la recherche-développement
17:10et que c'est ça qui fait une croissance
17:12forte, on sait très bien
17:14qu'on a des déserts médicaux,
17:16on a plein d'urgences, on a l'urgence climatique,
17:18on a plein d'urgences, et là-dessus,
17:20pour des raisons géopolitiques,
17:22c'est rajouter maintenant l'effort de guerre.
17:24L'État peut-il continuer
17:26à tout faire ? Quels arbitrages ?
17:28Quel choix ? Comment faire ?
17:30Tout le monde est d'accord sur le diagnostic,
17:32donc il faut repenser l'action publique.
17:34En fait, on est tous persuadés
17:36que l'État du futur,
17:38tel qu'on le pressent maintenant,
17:40pose la question du futur de l'État,
17:42donc au sens large, de l'action publique.
17:44Repenser l'action publique.
17:46Tout le monde est d'accord là-dessus, donc à l'unanimité,
17:48on a choisi ça. Le débat maintenant,
17:50c'est repenser l'action publique, mais en quel sens ?
17:52Effectivement. Si on reparle de biodiversité,
17:54vous avez des exemples de politiques publiques,
17:56ça peut être en France, ça peut être ailleurs dans le monde,
17:58qui, soit en positif,
18:00ont eu un impact
18:02en matière de biodiversité et des conséquences
18:04économiques positives pour
18:06leur population, ou alors, à l'inverse,
18:08qui ont détruit la biodiversité
18:10et appauvri leur population.
18:12Sur les politiques qui ont détruit la biodiversité,
18:14il y en a plusieurs. De manière générale,
18:16l'activité économique a des conséquences
18:18qui peuvent être négatives sur la nature,
18:20sur la biodiversité en général.
18:22La question de l'artificialisation des sols, par exemple,
18:24donc le fait de construire beaucoup,
18:26ça, ça limite l'espace naturel
18:28et donc la santé des écosystèmes.
18:30À l'inverse,
18:32il y a un certain nombre de politiques qui ont été mises en oeuvre
18:34au nom de la protection de la nature
18:36dans les dernières années.
18:38En Europe, par exemple, on a vu ce paquet
18:40de réglementations européennes
18:42« Farm to Fork », de la ferme à la fourchette,
18:44qui avait vocation à encadrer
18:46un peu le fonctionnement
18:48du système agricole.
18:50Ce sont des sujets qui sont particulièrement sensibles
18:52du point de vue économique, pour les agriculteurs
18:54et pour la nature et la biodiversité.
18:56Nous, en tant qu'économistes,
18:58il nous appartient de dire
19:00qu'il faut des politiques de transition
19:02sur tous les secteurs,
19:04mais que ce qui est très important avec ces politiques de transition,
19:06c'est la manière dont on les met en oeuvre,
19:08donc il faut que ce soit
19:10bien anticipé avec les agents économiques,
19:12il faut limiter l'incertitude
19:14pour que ces politiques de transition qui sont nécessaires
19:16puissent aussi se faire
19:18en bonne intelligence et sans produire
19:20à leur tour de conséquences économiques négatives.
19:22Avec des interdépendances,
19:24je pense par exemple à la santé,
19:26il y a cette approche
19:28qu'on appelle « One Health »,
19:30qui montre que la santé humaine
19:32est interdépendante de la santé animale
19:34et de la santé des écosystèmes.
19:36Cela fait partie des matières
19:38sur lesquelles vous travaillez aussi ?
19:40Oui, on réfléchit effectivement.
19:42Là, on est en train de poursuivre
19:44nos travaux de modélisation,
19:46nos travaux d'analyse, de la même manière
19:48qu'on l'a fait ces dix dernières années sur le climat.
19:50Notre nouveau grand défi, c'est celui
19:52d'approfondir exactement ce type d'analyse
19:54pour la nature.
19:56La question des zoonoses, par exemple,
19:58ça peut être des enjeux qui sont
20:00des très bons points d'interaction
20:02entre les trois facteurs que vous citez.
20:04Il y en a plein d'autres et le champ est encore large.
20:06Avec quand même, Pierre-Pascal Boulanger,
20:08il y a un vent contraire
20:10sur ces enjeux environnementaux
20:12qui s'élevaient aux États-Unis
20:14mais aussi un peu en Europe,
20:16si on regarde les résultats des élections européennes.
20:18Ils s'alimentent,
20:20je parle des États-Unis et de l'Europe aussi,
20:22mais notamment de fake news
20:24sur les réseaux sociaux,
20:26d'attaques contre la science.
20:28On est vraiment là-dedans, aux États-Unis,
20:30aujourd'hui.
20:32Ça fait partie de votre mission
20:34ou de vos ambitions au printemps
20:36de l'économie de contrer ces fausses infos ?
20:38Bien sûr, plus que jamais.
20:40On sait que les populismes,
20:42même si je me méfie un petit peu
20:44de ce terme
20:46qu'on utilise quelquefois sans trop réfléchir,
20:48je dirais plutôt
20:50que des extrémismes
20:52se nourrissent de la colère
20:54et du terreau de nos difficultés.
20:56Par conséquent,
20:58nous n'avons pas forcément
21:00intérêt à ce que le citoyen
21:02soit le mieux informé
21:04puisque, grosso modo,
21:06on grandit sur le terreau
21:08de cette colère.
21:10Donc se multiplient quand même des fake news
21:12qui, quelquefois, sont relayées sur les réseaux
21:14par des partis, des milieux extrémistes,
21:16etc.
21:18Les attaques contre la science,
21:20contre la raison, sont devenues
21:22démentielles.
21:24Mais ça complique ces actions publiques
21:26dont vous allez parler au printemps de l'économie.
21:28Parce que si on n'a pas le constat commun,
21:30si on ne se met pas d'accord sur la base scientifique
21:32statistique commune, c'est très compliqué.
21:34Oui, il y a ça.
21:36Je pense aussi, nous, on est là pour ça.
21:38On est là aussi pour essayer de faire comprendre
21:40qu'on ne peut raisonner que sur des données
21:42fiables. Là-dessus, l'INSEE fait
21:44un travail extraordinaire. L'INSEE a été
21:46quand même victime d'une polémique
21:48complètement injustifiée il y a deux ans.
21:50C'est un travail extraordinaire. On a d'autres sources.
21:52Et je pense qu'il faut, quand même,
21:54que nos politiques, ou nous,
21:56nous fassions aussi de la pédagogie pour faire comprendre
21:58qu'on ne peut pas transformer
22:00une opinion en fait.
22:02Tout simplement, pour le rappeler.
22:04Ça veut dire qu'à l'occasion de ce printemps de l'économie,
22:06il y a des experts qui seront là,
22:08pour répondre au public aussi,
22:10aux interrogations ?
22:12Exactement. Notamment, on a fait une session
22:14sur l'information.
22:16C'est quoi le coût d'une information de qualité ?
22:18On peut se prétendre expert
22:20et balancer n'importe quoi
22:22sur les réseaux sociaux sans vérification,
22:24et les gens qui sont très en colère adhèrent
22:26très facilement.
22:28Or, une information de qualité,
22:30ça représente un coût. Et pour ça,
22:32on a besoin d'une presse. On a besoin d'une presse
22:34pluraliste. Et je ne dis pas ça parce que je suis
22:36face à vous, mais on a quand même de bons
22:38journalistes, même si quelquefois, sur les
22:40questions économiques, les journalistes
22:42économiques ne sont pas forcément formés
22:44en économie. Là, si on peut, on pourrait
22:46agir. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'on a
22:48quand même des journalistes de qualité et on a
22:50besoin des journalistes et on a besoin de la presse
22:52à côté des économistes, à côté
22:54des scientifiques, à côté des politiques.
22:56Voilà pourquoi toute attaque
22:58contre le journalisme est extrêmement dangereuse.
23:00Merci beaucoup à tous les deux
23:02et bon printemps de l'économie.
23:04C'est du 18 au 21 mars
23:06au CESE, au Conseil économique, social
23:08et environnemental à
23:10Paris, évidemment, à suivre, je l'imagine,
23:12sur le site printempsdeleco.fr.
23:14On passe tout de suite à notre rubrique start-up.