Céline Alonzo et André Bercoff reçoivent Alexandra Laignel-Lavastine, historienne et philosophe, auteur de "Le Chant d'un partisan" aux éditions du Cerf.
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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2023-##
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00:00SUD RADIO, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
00:06Montez de la mine, descendez des collines camarades. Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
00:23Et oui, le chant des partisans de Joseph Kessel et Maurice Druon sur Sud Radio.
00:28André Bercoff, tout le monde connaît cette hymne de la résistance,
00:31mais personne au sein du grand public ne connaît la fameuse prière du para d'André Zirnel.
00:38Personne ne connaît, il ne faut personne, ou presque personne,
00:43et heureusement qu'Alexandra Léniel Lavassy n'a fait son travail d'écrivain et d'historienne.
00:49C'est que moi, comme beaucoup d'autres, je suis tombé il y a une dizaine d'années,
00:54je ne sais plus dans quelles, ou plus que dix années, vingt ans.
00:59J'écrivais un livre et je tombe sur cette prière, ce poème magnifique,
01:05et je me dis, mais c'est extraordinaire, qui c'est ?
01:09Et je voyais André Zirnel. J'avoue que je n'ai pas creusé plus,
01:14et quand j'ai reçu en 2017 Alexandra Léniel Lavassy pour son livre,
01:19de l'époque qui s'appelait...
01:21Pourquoi serions-nous encore prêts à mourir ?
01:23Pourquoi serions-nous encore prêts à mourir ?
01:25D'ailleurs, question de brûlante actualité,
01:28pas seulement d'une actualité macroniste ou gauchiste.
01:33Et bien, effectivement, on en a parlé,
01:37et puis ce livre, le chant d'un partisan.
01:42Et je voudrais, vraiment, juste prendre le temps de lire
01:47un des plus beaux poèmes, pour moi, de langue française du XXe siècle,
01:51et qui est contemporain.
01:53Écoutez, ça parle à tout le monde,
01:56et ça doit parler à tout le monde dans ces temps.
01:59André Zirnel, compagnon de la Libération, mort pour la France à 29 ans.
02:05Je m'adresse à vous, mon Dieu,
02:08car vous seul donnez ce qu'on ne peut obtenir que de soi.
02:12Donnez-moi, mon Dieu, ce qu'il vous reste.
02:15Donnez-moi ce qu'on ne vous demande jamais.
02:18Je ne vous demande pas le repos, ni la tranquillité,
02:21ni celle de l'âme, ni celle du corps.
02:24Je ne vous demande pas la richesse, ni le succès,
02:27ni peut-être même la santé.
02:29Tout ça, mon Dieu, on vous le demande tellement
02:33que vous ne devez plus en avoir.
02:36Donnez-moi, mon Dieu, ce qu'il vous reste.
02:39Donnez-moi ce que l'on vous refuse.
02:42Je veux l'insécurité et l'inquiétude.
02:45Je veux la tourmente et la bagarre.
02:48Et que vous me les donniez, mon Dieu, définitivement.
02:51Que je sois sûr de les avoir toujours,
02:54car je n'aurai pas toujours le courage de vous les demander.
02:58Donnez-moi, mon Dieu, ce qu'il vous reste.
03:01Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas.
03:04Mais donnez-moi aussi le courage et la force et la foi,
03:07car vous seuls donnez ce qu'on ne peut obtenir que de soi.
03:12Eh oui, l'extraordinaire destin d'André Zirnel.
03:15Eh bien, on va vous le raconter dans un instant sur Sud Radio
03:18avec notre invitée, Alexandra Léniel-Lavastine.
03:22Alors, restez avec nous.
03:25Sud Radio, la culture dans tous ses états.
03:27André Bercoff, Céline Alonso.
03:29Mon Dieu, mon Dieu, j'en ai marre de toi.
03:35La tourmente.
03:39Ça, c'est les militaires.
03:40Ça, c'est les militaires.
03:42La souffrance de moi.
03:48La terre au nom.
03:53Mon Dieu, mon Dieu, j'en ai marre de toi.
03:55Notre chant militaire est une adaptation d'un poème écrit en 1938 par André Zirnel.
04:01Et que nous venons de lire.
04:02Exactement, sur Sud Radio.
04:04Eh bien, plus de 80 ans après sa mort, sa biographie sort enfin aujourd'hui.
04:09Et elle est magistrale, André Bercoff.
04:11L'auteur, c'est Alexandra Léniel-Lavastine,
04:14qui nous fait le plaisir d'être notre invitée aujourd'hui
04:17sur Sud Radio dans la culture dans tous ses états.
04:19Bonjour à vous.
04:20Bonjour.
04:21Alexandra, alors vous publiez aux éditions du CERF
04:24Le Chant d'un Partisan, un livre dans lequel vous rendez hommage
04:27à ce jeune homme qui fut parmi les tout premiers rebelles de juin 1940.
04:31Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire sur lui ?
04:35Je crois deux choses.
04:36D'abord, j'aime les hommes debout.
04:38Et on ne peut pas dire qu'ils courent les rues en ce moment.
04:43Et deuxièmement, je dois dire que j'ai rencontré André Zirnel et sa prière par mon fils.
04:50C'était à l'été 2016.
04:52Mon fils, jeune parachutiste à l'époque, dans l'armée française.
04:56Nous étions à l'été sanglant, secoués par une vague d'attentats très meurtriers.
05:04Charlie Hebdo, Bataclan et le reste.
05:06Et la promenade des Anglais.
05:08Et donc, sur la colère, je commence à écrire un essai
05:11qui s'appelle « Pourquoi serions-nous encore prêts à mourir ? »
05:14qui était une sorte de plaidoyer pour un réarmement intellectuel et moral face au djihadisme.
05:19Et là-dessus, mon fils était en mission quelque part dans le monde
05:22et me dit « Ah oui, mais pour traiter un tel sujet, est-ce que tu connais la prière du para de Zirnel ? »
05:28Alors, autant vous dire que je n'en avais jamais entendu parler, ni de son auteur, ni de ce texte.
05:32Il m'envoie le poème et il ajoute « Soit tu vibres, soit tu ne vibres pas.
05:38Si tu ne vibres pas, laisse tomber ce sujet, il n'est pas pour toi. »
05:43Donc, j'ai lu, j'ai vibré, j'ai trouvé ce texte sublime.
05:48Et ça m'a intriguée.
05:51C'est sans doute un des plus beaux poèmes jamais écrits sur ce qu'être un homme debout veut dire.
05:56Et j'ai cherché un petit peu et j'ai découvert deux choses.
05:59D'abord, que ce texte n'était pas du tout l'œuvre d'un para, comme on le croit souvent,
06:03qu'il avait été écrit avant-guerre en 1938, à Tunis,
06:07par un jeune philosophe qui occupait son premier poste de professeur de philosophie
06:13et qui n'avait même qu'une idée en tête, c'était d'échapper à son service militaire
06:17pour passer la grecque.
06:18Donc c'est dire à quel point la chose militaire lui était étrangère.
06:23Et néanmoins, on peut dire qu'on avait là un garçon en 1938
06:30qui avait déjà compris que l'Europe courait vers l'abîme.
06:37Oui, il avait tout compris de la condition humaine à cet âge-là.
06:40Oui, mais il avait aussi compris tout de son époque.
06:44Et son époque ressemble à la nôtre à cet égard.
06:49Ensuite, j'ai un peu regardé, je suis tombée sur quelques photos,
06:53je me suis aperçue qu'il était en plus très beau,
06:55c'est une sorte de mixte entre Camus, James Dean et Gérard Philippe,
07:00il adorait d'ailleurs le théâtre,
07:04et sans doute d'ailleurs serait-il devenu un des plus grands intellectuels français après 1945
07:08s'il avait survécu à la guerre.
07:10Et là je me suis dit, on est quand même face à un double mystère.
07:13Premier énigme, qui est-on pour avoir tout compris de la condition humaine à 25 ans
07:20et avoir compris qu'elle n'est justement pas sans condition ?
07:23Et deuxièmement, par quelle anomalie, ou plutôt par quelle extravagance
07:27pouvait-il bien se faire que ce poème ne m'était pas connu
07:32et était globalement inconnu du grand public
07:36puisqu'il a fallu que ce soit mon fils Parra qui me le fasse découvrir.
07:43Et Zirnel était aussi un grand, il était de la taille des Saint-Exupéry,
07:48disaient ses chefs, et ce n'est pas du tout exagéré que de le dire,
07:52et donc sa figure devrait nous être au moins aussi familière que celle d'un brossolette.
07:55Alors expliquez-nous, comment ce philosophe est-il devenu ce combattant de légende ?
08:02Est-ce que son roman national y est pour quelque chose, Alexandra ?
08:06Oui, alors effectivement c'est une très bonne question
08:09parce que comment passe-t-on d'une chair de philosophie à la brutalité des combats du désert ?
08:14Et vous avez raison de pointer la famille, c'est très important.
08:17D'abord on a affaire à un garçon qui est d'origine alsacienne,
08:19qui est issu d'un grand-père qui était un petit paysan pauvre,
08:23qui choisit la France déjà en 1871 puisqu'il s'installe à Paris,
08:28et qui est d'ailleurs sans le sou, il vient d'une famille très pauvre.
08:33Et puis la famille compte aussi parce qu'il est en fait le neveu de Jules Hirneld,
08:40qui est le fondateur en France, qu'on a un peu oublié aujourd'hui,
08:43mais qui est le fondateur en France du syndicalisme chrétien.
08:46Et cet oncle va lui servir de mentor, et en gros son enseignement tient en un mot
08:54« deviens toi-même et impose-toi, seul contre tous s'il le faut »
08:58et c'est précisément ce qu'il va faire en juin 1940 en choisissant la France Libre.
09:02C'est écrit merveilleusement par notre résistant René Char, le poète René Char.
09:06Alors dans votre livre vous le décrivez comme un rebelle né,
09:10en fait il était en rébellion contre quoi exactement et pour quelle raison il l'était ?
09:16Alors en fait la rébellion chez Hirneld se déclare très tôt puisqu'il est absolument infernal au collège,
09:22plus encore au lycée on a là un garçon dissipé, indiscipliné, potache,
09:28qui pose mille questions, qui lit beaucoup.
09:31En fait l'élève idéal aujourd'hui dont on n'oserait même pas rêver,
09:34mais pour l'époque c'était différent, et ainsi accueillit la prescription.
09:38Et donc son prof de philo, le redoutable Abbé Durand, nous sommes au lycée Saint-Jean-de-Passy,
09:43lui dit un beau matin de terminale, Hirneld, vous êtes viré.
09:47Si bien que Hirneld prend acte, refuse de s'excuser et passe son bac en candidat,
09:53déjà libre en quelque sorte, tout en travaillant en même temps
09:56puisque la famille est pauvre, mais finalement il faut rendre hommage à l'Abbé Durand
10:00qui a probablement contribué à fabriquer un de nos grands insurgés.
10:06Et puis il faut aussi comprendre qu'il appartient à une génération intellectuelle révoltée,
10:11d'abord contre la génération de leur père, qui ont rendu possible la boucherie de 14-18,
10:20et il appartient aussi à une génération qui fête ses 20 ans en 1933,
10:26c'est exactement son cas, c'est un moment où le ciel se charge de nuages,
10:32c'est la décennie de montée des périls, les années 30,
10:35et donc pour ces jeunes gens, il est rigoureusement impossible
10:38de tourner le dos à l'histoire, finalement.
10:42Alors vous dites effectivement dans votre livre que la guerre a marqué son destin au fer rouge,
10:48notamment celle d'Espagne en 1936.
10:50En quoi cette tragédie a-t-elle joué un rôle majeur dans sa destinée ?
10:55Alors, elle va jouer un rôle très important dans la mesure où il a dit
10:59à certains de ses camarades après 1940,
11:02que c'est parce qu'il regrettait de ne pas être parti rejoindre les républicains espagnols...
11:07Les brigades internationales de l'époque ?
11:10Je ne sais pas, parce qu'en fait il était plutôt anarchiste.
11:13L'anarchiste, nous dit son élève Edgar Pizani qui va lui-même devenir un grand résistant...
11:17Pardon, c'est très intéressant, il y avait quand même le mouvement anarchiste,
11:21le POUM et compagnie étaient très forts en Espagne.
11:24Tout à fait.
11:25Donc il ne s'agit pas de rejoindre les staliniens, mais les anarchistes, bien sûr.
11:29Oui, il aurait rejoint les anarchistes,
11:32et d'autant qu'il appartenait à l'époque à une génération qu'on appelle
11:36la génération des anticonformistes des années 30,
11:39et lui appartient au groupe Esprit.
11:41Le groupe Esprit, c'est un des pôles les plus rayonnants de la vie culturelle de l'époque.
11:44Emmanuel Mounier, c'est ça, le personnage.
11:46Exactement, fondé par des chrétiens de gauche,
11:48qui avaient trois caractéristiques très concrètement qu'on retrouve chez Zirneld.
11:52D'une part, ils détestaient le conformisme bourgeois,
11:55l'abomination de la désolation pour Zirneld,
11:58ces français rentrant de week-end au volant de leur Peugeot de place,
12:02c'est exactement la vie rangée dont ils ne veulent pas.
12:05Et deuxièmement, c'était un groupe à la fois très lucide sur la menace que représentait le nazisme,
12:10mais aussi sur ce qu'était en vérité l'Union soviétique de Staline.
12:16Donc, ils avaient déjà compris que les staliniens avaient mis la main sur les brigades internationales,
12:21ce qui probablement explique en partie ces hésitations.
12:26Et puis, ce qui compte aussi dans la guerre d'Espagne,
12:34c'est qu'en juin 40, d'une certaine façon, on n'allait pas l'y reprendre à deux fois,
12:38à tergiverser et à hésiter, ce qui explique probablement aussi la rapidité de sa décision.
12:44Vous dites que cette guerre d'Espagne a joué un rôle majeur dans la jeunesse de cette célèbre prière des paras ?
12:51Oui, justement, puisqu'il était habité par le remords, par le regret,
12:59et là il y a Tunis, et puis c'est un contexte aussi très chargé,
13:03on est juste après l'Anchlous, quelques mois avant les accords de Munich,
13:07et ce garçon, à l'évidence, se demande comment va-t-il être à la hauteur des circonstances ?
13:13Alors, qu'est-ce qui fait le jeu pour avancer en juin 40 ?
13:19Quand la seconde guerre mondiale éclate, il a 27 ans, il est en Syrie,
13:23où il enseigne toujours la philosophie, à l'époque ce pays est sous mandat français, André Bercoff.
13:28Alors, pourquoi en juin 40, après la signature de l'armistice par Pétain, il entre en résistance ?
13:35Est-ce qu'il avait entendu l'appel du 18 juin ou pas ?
13:39Alors, oui, c'est très intéressant, parce qu'il se trouve effectivement,
13:42comme il n'a qu'une idée, c'est de ne pas passer son service militaire,
13:44il passe de son poste de prof de philo à Tunis, à un autre poste de prof de philo à Tartus,
13:50et donc c'est là qu'il se trouve mobilisé pendant la drôle de guerre,
13:54sauf qu'on ne tire pas un coup de feu au Moyen-Orient, c'est pour lui très frustrant,
13:58et c'est aussi là que va le surprendre la défaite.
14:04Les autorités mandataires, finalement, se couchent devant les nazis,
14:09c'est-à-dire font allégeance à Pétain,
14:12et ce qui est très intéressant à ce que vous dites, Céline,
14:14c'est qu'effectivement, il n'a même pas entendu l'appel aux armes du 18 juin du général de Gaulle.
14:20Donc, pardon, Alexandra, les 4-5ème des Français n'ont pas attendu,
14:24en France même, l'appel du 18 juin, il faut le rappeler.
14:27C'est ça.
14:28Et donc, en fait, on a dans Zirneld un garçon, et pour d'autres c'est pareil,
14:33pour qui le choc décisif se produit le 17,
14:36pendant le discours de Pétain lorsqu'il explique aux Français qu'il faut cesser le combat.
14:42Et là, Zirneld est tout serré, il a honte, la France manque à son honneur,
14:50et c'est donc d'abord à l'appel de leur conscience que ces jeunes gens ont répondu.
14:55Et c'était à ce stade une décision essentiellement individuelle,
14:57c'est-à-dire qu'ils n'étaient portés par absolument aucun élan collectif.
15:02Et donc, c'est à ce moment-là qu'il décide de déserter de l'armée du Levant,
15:05donc de l'armée de Vichy.
15:07Et oui, avec une poignée d'hommes, il n'était pas seul à déserter à cette époque.
15:11Ils sont quelques-uns, mais ils sont vraiment une poignée,
15:15et là, ils se rendent en Palestine britannique.
15:20C'est-à-dire que quand on était dans l'Hexagone,
15:22on traversait la Manche sur des embarcations de fortune pour aller rejoindre de Gaulle à Londres,
15:26mais quand on se trouvait bêtement au Levant comme lui,
15:29il fallait passer en Palestine britannique pour poursuivre le combat aux côtés des Anglais.
15:34On peut dire que c'était un pari fou quand même,
15:36parce qu'il est passé de Beyrouth à la Palestine britannique, c'était assez risqué, non ?
15:40C'était risqué, en plus il franchit la frontière seul, en solo, de nuit,
15:45il crapaute à travers les rochers, elle est très escarpée cette frontière,
15:49et en plus elle était bien gardée par des gendarmes maréchalistes.
15:53Et là, il arrive en Angleterre, c'était un pari tout à fait dément,
15:58c'est-à-dire que ça relevait presque de l'aliénation mentale.
16:02Vous voulez dire qu'il arrive en Angleterre, il embarque dans la Méditerranée ?
16:06Non, pas du tout ! Il prend un taxi, il quitte sa caserne,
16:10il descend au sud du Levant, et là, il passe la frontière à pied.
16:15Et il déboule de l'autre côté, c'est-à-dire en Palestine britannique.
16:19Et il est resté là-bas ?
16:21Alors, ça c'est très intéressant, parce que c'est un moment qui a échappé à la plupart des historiens.
16:25En fait, les tout premiers Français libres, ils sont environ 300, une toute petite poignée,
16:29se rassemblent en base Galilée.
16:31Les Britanniques leur disent, on a de la place dans un camp d'entraînement,
16:34posez-vous là, attendez vos camarades, et c'est là qu'ils se regroupent et qu'ils se comptent.
16:41Mais comment les Anglais ont réagi à leur arrivée ?
16:45Alors, ça c'est assez intéressant, parce qu'en fait, ils sont assez mal accueillis de tous les côtés.
16:49Des Anglais qui s'attendaient à voir débouler des régiments entiers avec leur haut-gradé et leur char.
16:54Et qui voient 300 polés et 4 tondus.
16:56Exactement !
16:57Des gamins hirsutes qui ressemblaient plutôt à des clochards du désert.
17:01Les Arabes les accueillent mal, car ils sont plutôt du côté du Reich.
17:05Ils ont un objectif commun, se débarrasser des Juifs.
17:08Les Français de Palestine, la plupart des religieux, sont très vite convertis au catéchisme maréchaliste.
17:14Donc, ils n'ont qu'une idée aussi, c'est de les voir des guerpires le plus tôt possible.
17:17Ils les appelaient les dissidents de M. De Gaulle.
17:20Si bien que, sur place, ils ne fraternissent finalement qu'avec les jeunes sionistes.
17:25C'est un peu paria ici, paria là.
17:27Et c'est qu'une fois en Galilée, qu'ils comprennent qu'ils sont condamnés à mort par Vichy.
17:33Qu'un homme a décrété dans son coin à Londres que la France, c'était lui.
17:38A perdu une bataille, mais elle n'a pas perdu la guerre.
17:41Et qu'ils sont finalement les premiers Français libres du Moyen-Orient.
17:47Et que va-t-il se passer après leur séjour en Galilée ?
17:51Après leur séjour en Galilée, le 17 juillet, ils comprennent qu'ils ne vont pas être plus nombreux que 300.
17:57Et ils s'embarquent pour l'Egypte, où stationne l'armée britannique.
18:01Et où ils fondent l'unité embryon de la France libre.
18:05La toute première, le premier bataillon d'infanterie de marine.
18:08Qui va être aussi la première unité engagée au combat.
18:11À un moment où en France, c'est le mois d'août 40, on a 2 ou 3 révoltés qui posent des tracts dans les rois.
18:19Mais où le mot résistant n'existe même pas.
18:21Et là, ils commencent la guerre du désert insérée au sein de l'armée britannique.
18:27Et là, ils vont se battre vraiment avec beaucoup de courage.
18:31Quel poste exactement occupait Andrés Zerinel dans cette armée ?
18:36Il faut bien voir qu'on en a une bande de gamins d'une vingtaine d'années moyenne d'âge.
18:40Qui ont à cœur de prouver aux anglais que la France vaut mieux que Vichy.
18:45Donc en fait, tout le destin de la nation repose sur leurs épaules.
18:49Et alors là, Zerinel n'a pas de chance puisqu'on le nomme chauffeur du médecin.
18:53Enfin du médecin, de l'étudiant en médecine qui fait office de médecin.
18:56En vérité, être pilote pendant la guerre du désert, c'était extrêmement difficile.
19:00Il fallait se la lommer dans les champs de mines, conduire à toute allure, etc.
19:05C'était un poste exposé.
19:07Mais ça ne lui convient pas, il est un peu furax d'être chauffeur.
19:10Et donc il fait le siège des bureaux au Caire pour demander une autre affectation.
19:15Et c'est au Caire qu'ils vont tous créer.
19:20Il va créer notamment avec Georges Gors et Saint, le gaulliste de la première heure.
19:25Ils vont créer la première radio de la France libre, à savoir Radio Levant.
19:30Expliquez-nous comment ils ont réussi à la créer.
19:32C'est très intéressant.
19:33L'équivalent de Radio Londres au Levant, c'est ça ?
19:35C'est ça.
19:36Tout à fait.
19:37Alors leur rôle à eux, Gors et lui, c'est-à-dire qu'ils sont deux plus quelques copains,
19:41ça consiste quand même à trois fois rien rallier à De Gaulle tous les Français du Moyen-Orient.
19:47Donc propagande, ils créent des journaux.
19:49Et la radio est bien sûr un outil essentiel.
19:52Ils n'ont pas assez de temps d'antenne au Caire.
19:55À Jérusalem, c'est Vichy qui fait sa loi.
19:58Et donc là, ils ont l'idée de retourner voir des copains à eux de la Haganah,
20:02de l'armée secrète juive rencontrée à l'été 40,
20:05notamment un certain David Akohen, qui leur dit
20:08« J'ai une très bonne idée, on va installer votre radio chez moi, dans mon appartement,
20:13il suffira juste de planquer l'antenne sur le toit,
20:15elle fait 40 mètres de long, ça va être un peu compliqué, mais ils le font. »
20:18Et donc là, on a une joyeuse bande...
20:20Lui, à Jérusalem, lui ?
20:21Non, non, il est à Haifa.
20:23Il est à Haifa, d'accord.
20:24Voilà, et Zirnel fait des allers-retours entre le Caire et Haifa,
20:27et il se déchaîne au micro pour essayer de convertir les Français du Levant
20:31que Zirnel trouvait franchement idiots,
20:34pour tenter de les convaincre de rallier de Gaulle.
20:38Et c'était très drôle, parce que pendant le temps où ils émettaient,
20:42tous les téléphones des alentours se mettaient à parler français.
20:45La technique n'était pas tout à fait au point.
20:47Mais en tout cas, c'est une belle histoire,
20:49parce que la première radio libre, vraiment libre de la France libre,
20:52à part celle de Brazzaville qui existait déjà,
20:54non seulement a émis depuis le foyer national juif en Palestine,
20:58mais depuis le foyer d'un juif en particulier.
21:01Alors au final, il restera 6 mois au Caire pour mener cette guerre des ondes,
21:05mais son ambition première, c'était vraiment de se battre et d'aller au front, Alexandra.
21:10Comment va-t-il y parvenir ?
21:12Alors, ce micro, ça lui plaît beaucoup,
21:14mais il veut se battre pour de vrai.
21:16Il veut absolument être en première ligne.
21:18On lui dit d'accord, mais à une condition,
21:20comme la France libre manquait cruellement de chefs,
21:23on lui demande d'aller se former à l'école des officiers
21:26que de Gaulle vient de fonder à Brazzaville,
21:28et de revenir.
21:29Donc, le voilà qui part à Brazzaville,
21:31il traverse toute l'Afrique en diagonale,
21:33il reste 6 mois, se forme comme officier,
21:35puis revient à Beyrouth 6 mois plus tard.
21:38En 42, oui.
21:39Voilà, c'est ça.
21:40Début, tout début, tout début 42.
21:42Et oui, et c'est à Beyrouth, donc, qu'il va s'engager au sein
21:45des toutes premières forces spéciales de l'histoire,
21:47le mythique SAS, bien connu grâce à la fameuse série
21:50diffusée récemment sur Canal+,
21:53Rogue Heroes.
21:55Qu'est-ce au juste cette unité commando à la sulfureuse ?
21:58Le SAS.
21:59Effectivement, réputation, on vous dira tout dans un instant
22:02sur Sud Radio, alors reste avec nous.
22:23Mon Dieu, ce qui vous reste,
22:26Donnez-moi ce qu'on ne vous demande jamais.
22:32La fameuse prière du para, adaptée d'un poème d'André Zirneld,
22:37ce héros dont la première biographie sort aujourd'hui
22:40aux éditions du Serre, un livre remarquable,
22:42signé Alexandra Léniel-Lavastine,
22:45qui est notre invitée en direct sur Sud Radio,
22:47jusqu'à 14h.
22:49Alors, on le disait il y a un instant,
22:51André Zirneld s'est engagé effectivement au SAS en 1942,
22:56Alexandra.
22:57Alors, comment cette unité de commando franco-britannique
23:00est-elle née ?
23:01Et pourquoi on disait qu'elle était formée
23:03de voyous infréquentables ?
23:05Alors, d'abord sur sa naissance,
23:07et c'est d'ailleurs fou en France qu'on ne la connaisse pas mieux,
23:10puisque c'était une unité de la France libre
23:13très importante.
23:14Donc, en fait, tout commence par deux hommes,
23:16deux visionnaires.
23:17D'un côté, on a un major écossais de 26 ans
23:20qui s'appelle David Stirling,
23:22qui est au CAIR,
23:23et qui est convaincu d'une chose,
23:25enfin, qui n'aime d'ailleurs que deux choses,
23:27le risque et le jeu, un peu comme Zirneld,
23:29un garçon assez excentrique,
23:31qui se fait virer de partout,
23:33il a été viré de Cambridge,
23:34enfin, un peu le même genre,
23:35et dont les phrases que défraie la chronique militaire.
23:38Et il a une idée fixe en tête,
23:40c'est qu'il faudrait inventer une arme nouvelle,
23:42c'est-à-dire des combattants hyper entraînés
23:45qui interviendraient par petits groupes parfaitement autonomes
23:49derrière les lignes ennemies,
23:52celles de Rommel, en l'occurrence,
23:54qui est en train de gagner bataille sur bataille
23:56pendant la guerre du désert,
23:57frapper fort en jouant de l'effet de surprise
24:00et s'exfiltrer en vitesse.
24:02C'est la fameuse tactique du hit and run,
24:05et ça, c'est l'idée de Stirling.
24:07Et puis, à l'autre bout du monde, à Londres,
24:09on a un petit capitaine rablé,
24:11Gascon, Georges Berger, un français libre,
24:14qui fait le siège des bureaux de De Gaulle,
24:16qui a la même idée,
24:17et qui essaye de convaincre le chef de la France Libre
24:20de lui donner des volontaires
24:22pour les entraîner au saut en parachute.
24:24On finit deux guerlasses par leur accorder
24:27à l'un comme à l'autre leurs quelques volontaires,
24:31et les voilà qui vont en fait faire leur jonction
24:34début 1942 au camp de Cabret,
24:36qui est situé près du canal de Suez.
24:38Les hommes de Berger vont former
24:40ce qu'on appelle le French Squadron
24:42au sein du SAS,
24:44donc SAS pour Special Air Service,
24:47et ils vont rejoindre les hommes de Stirling.
24:51Alors pourquoi ?
24:52Pourquoi cette série s'appelle-t-elle
24:54SAS Rogue Heroes ?
24:56Rogue Heroes, ça veut dire héros voyous
24:58ou héros en la loi.
24:59En fait, parce qu'au début,
25:00c'était des irréguliers qui n'avaient pas encore
25:03d'existence officielle en 1942
25:05au sein de l'armée britannique.
25:06La deuxième raison,
25:07c'est que c'était des hommes très particuliers,
25:10haut tempérament forts,
25:11d'ailleurs les Anglais,
25:12la haute hiérarchie britannique...
25:13Il faut bien avoir des hommes
25:14haut tempérement forts dans ces cas-là,
25:16pour faire ce qu'il faut faire.
25:17Exactement, mais les officiers britanniques
25:19plus classiques,
25:20les appelaient souvent
25:21The Originals,
25:22ils passaient pour des sortes de pirates
25:25du désert,
25:26des hommes rigoureusement incommandables.
25:29Des robins des bois du désert, dites-vous.
25:31Oui, c'est ça, par exemple,
25:32quand ils arrivent à Cabret,
25:33leur camp est minable,
25:34ils ont deux tentes et trois chaises,
25:36ils partent dévaliser le camp
25:38des Néo-Zélandais d'à côté,
25:40qui était parti en opération,
25:43et donc ils s'installent très bien,
25:45ça devient le camp le plus confortable
25:47de Cabret.
25:49Ils avaient aussi un style vestimentaire
25:51tout à fait particulier,
25:52ils portaient des chêches,
25:53des bandanas,
25:54bref, c'est le confort qui primait,
25:56comme aujourd'hui au sein
25:58de nos forces spéciales,
26:00dont des codes un peu particuliers,
26:01et c'était d'ailleurs l'unité
26:02la plus sulfureuse,
26:03d'abord la plus dangereuse,
26:05mais aussi la plus sulfureuse du moment,
26:07et très efficace.
26:09C'était des combattants d'exception.
26:12Rommel d'ailleurs dira dans ses mémoires
26:14à quel point ils les redoutaient,
26:16et ils étaient capables de causer
26:18derrière les lignes nazies
26:20des dommages plus importants à eux seuls
26:22que toute la Royal Air Force
26:24réunie, et Hitler aussi les trouvait
26:26extrêmement dangereux,
26:27c'est-à-dire que s'ils étaient capturés,
26:28on les exécutait sur le champ
26:30à la façon justement
26:32des partisans.
26:34Parce qu'ils avaient effectivement
26:35des techniques de combat jusque-là
26:37inédites dans l'histoire
26:39de la guerre Alexandra.
26:41Toutes elles étaient-elles exactement ?
26:43Alors d'abord leur entraînement était absolument particulier,
26:45très très rude,
26:47il fallait apprendre
26:49à apprivoiser le désert,
26:51supporter la chaleur, supporter la soif,
26:53et puis ils devaient apprendre,
26:55comme toutes les forces spéciales,
26:56à manier toutes les armes,
26:57donc ils étaient aussi formés
26:58au close-combat,
27:00ils apprenaient le maniement des explosifs,
27:02et chaque journée,
27:04chez Stirling,
27:05commençait par une marche de 50 ou 80 kilomètres
27:07dans le désert,
27:08et on les jetait aussi,
27:09ils devaient se jeter de camions
27:11lancés à 50 km heure pour s'entraîner
27:13à la réception
27:15au sol.
27:16Donc il y avait assez peu
27:18d'élus dans ces conditions,
27:20vous l'imaginez bien.
27:21Et Zirnel tout de suite fait partie de ces...
27:23Alors Zirnel entend en fait
27:25l'appel au volontaire
27:27de Berger,
27:29ils ne sont pas très nombreux les volontaires
27:31pour cette unité-là,
27:32mais Zirnel se dit
27:33c'est exactement ce qu'il me faut,
27:35car c'est très intéressant,
27:37le philosophe, en fait,
27:38ne disparaît pas derrière le guerrier,
27:40il s'accomplit au contraire.
27:42Et il se dit dans son journal de guerre
27:44que je exploite ici pour la première fois,
27:46personne ne savait qu'il avait écrit un journal de guerre,
27:48il dit bon, c'est un choix vertigineux,
27:50mais après tout,
27:52il ne fait que cela, des choix vertigineux,
27:54depuis juin 1940,
27:56c'est un peu difficile parce que Zirnel
27:58est amoureux d'une jeune Libanaise,
28:00qui apparaît,
28:01qui disparaît,
28:03et donc il la surnomme
28:05« coup de vent ».
28:06Néanmoins, Zirnel veut faire la guerre,
28:08et il rejoint les hommes de Stirling
28:10à Cabrette, donc au milieu de nulle part,
28:12un camp en plein désert,
28:14en mars 1942.
28:16Et il était très heureux,
28:18c'est-à-dire pour lui, c'était à la fois
28:20un mode de vie,
28:22et puis philosophiquement,
28:24c'est ce qui lui convient,
28:25c'est un philosophe de l'amplitude
28:27contre la platitude,
28:29et il y voit à la fois un mode de vie,
28:31une épreuve, au sens de s'éprouver
28:33soi-même,
28:35et puis l'aboutissement, finalement,
28:37de sa quête spirituelle.
28:39D'ailleurs, que fait-il entre deux missions,
28:41quasiment, suicides, là-bas,
28:43ou deux séances d'entraînement ?
28:45Il travaille sous sa tente, sur un texte
28:47qui s'appelle « La quête de Dieu ».
28:49Il faut le faire ! C'était sans doute
28:51le plus mystique et le plus romantique
28:53des paraps français de la France libre.
28:55C'est un essai dont je parle
28:57dans le livre, qui n'était pas connu
28:59jusqu'à présent.
29:01C'est au retour d'une de ses missions
29:03très audacieuse, qu'il a menée au sein des S.A.S.,
29:05qu'il est vraiment tombé
29:07au champ d'honneur dans le désert de Libye,
29:09le 27 juillet 1942.
29:11Il avait 29 ans.
29:13Dans quelles circonstances
29:15est-il mort, Alexandra ?
29:17Leur mission, en fait, consistait...
29:19Là, Stirling vient d'inventer
29:21un outil nouveau, qui sont des jeeps
29:23de combat, armés
29:25de mitrailleuses lourdes,
29:27et le 26 juillet,
29:29ils partent pour faire un raid sur l'aérodrome
29:31de Sidi Hanech, qui était situé
29:33sur la côte.
29:35L'idée, c'était de clouer au sol
29:37les avions nazis
29:39de façon à ce qu'ils n'aillent pas bombarder
29:41notamment les copains à Bir Hakeim.
29:43Donc, ils les clouaient sur place
29:45avec des bombes explosives.
29:47Ils accomplissent ce raid,
29:49ils déchaînent l'enfer
29:51sur l'aérodrome. C'est un raid victorieux,
29:53qui aujourd'hui encore est enseigné dans à peu près
29:55toutes les écoles militaires,
29:57et c'est au retour de ce raid, pendant le repli,
29:59que Zirneld, avec sa jeep,
30:01joue de malchance.
30:03Il crève une fois, il crève deux fois,
30:05et puis ensuite, il est repéré par des
30:07Ch'toukas, qui les mitraillent.
30:09Il se planque dans des amas de rochers,
30:11mais il est atteint au ventre,
30:13et là, il va agoniser sept heures
30:15dans des souffrances atroces
30:17avec un courage remarquable,
30:19veillé par ses six
30:21compagnons d'armes.
30:23C'est donc après sa mort que ses frères d'armes
30:25vont retrouver dans son barda son fameux
30:27poème, qui est devenu célèbre
30:29après avoir été lu sur Radiolombe
30:31en janvier 1943
30:33par le général Valin.
30:35Alexandra, expliquez-nous.
30:37Après la mort de Zirneld,
30:39c'est la consternation. Zirneld
30:41était adoré et très admiré de ses camarades.
30:43On l'aimait énormément. Il n'était pas fait
30:45du même bois que les autres. Il avait quelque chose
30:47de très particulier.
30:49Il regarde dans son pactage et trouve
30:51un petit carnet rouge.
30:53Et là, il découvre un poème
30:55magnifique qu'on a lu tout à l'heure,
30:57et par contre, il s'étonne,
30:5938 ! Comment faisait-il que cette prière
31:01de guerrier qui semblait
31:03destinée à d'autres guerriers
31:05pouvait bien
31:07dater
31:09de l'avant-guerre ?
31:11Et puis, ils sont
31:13évidemment très émus, puisque ce poème
31:15est aussi prémonitoire
31:17de sa fin prochaine.
31:19Il découvre aussi autre chose,
31:21c'est-à-dire un livre. Zirneld
31:23partait en mission dézinguer des avions
31:25de Rommel, avec sur lui
31:27un livre consacré aux univers
31:29de Platon. Livre troué
31:31par la balle même qui lui fut
31:33fatale. Le livre de qui ?
31:35Écoutez,
31:37j'ai oublié le nom
31:39d'auteur, mais j'en parle dans le livre.
31:41C'était consacré à Platon. Oui, c'est ça.
31:43C'était univers de Platon.
31:45C'est le combattant philosophe par excellence.
31:47Oui, alors après la guerre, son poème
31:49a été rebaptisé la prière du parachutiste.
31:51Mais comment s'est-il retrouvé
31:53dans le ghetto para, et comment est-il
31:55devenu surtout un immilitaire ?
31:57Peut-être avant de passer à l'après-guerre,
31:59il y a janvier 43, c'est très important
32:01parce que la première fois,
32:03la prière de Zirneld ensuite a été
32:05publiée dans certains journaux de la France Libre.
32:07Mais elle a surtout été lue
32:09au micro de Radio Londres,
32:11par un général gaulliste, le général
32:13Valin. Et pour lui,
32:15pour Valin, ce texte,
32:17cette admirable poésie, dit-il, incarnait
32:19l'âme du volontaire.
32:21On est début 43, c'est-à-dire que c'est le moment
32:23où il faut fédérer et réunifier la résistance.
32:25D'où le fait que
32:27la prière de Zirneld soit lue au micro.
32:29Et Valin dit
32:31aux résistants, partisans, répétez-vous
32:33ce texte, cette prière
32:35vous unira et elle vous
32:37soutiendra. Et qui
32:39a-t-on à l'autre bout du poste,
32:41l'oreille collée à son transistor ?
32:43Une femme qui écoute cette belle poésie
32:45venant d'un français libre. Et à la fin
32:47seulement, Valin dit
32:49elle nous vient d'un français
32:51libre nommé André Zirneld.
32:53Et c'est sa mère.
32:55C'est-à-dire qu'elle apprendra la mort de son fils
32:57par Radio Londres
32:59si bien qu'elle n'a jamais plus pu
33:01depuis écouter
33:03la radio. Donc ça, c'est un moment
33:05important, 43.
33:07Alors, effectivement,
33:09après-guerre, écoutez, en fait,
33:11c'est la France libre en général, c'est-à-dire
33:13toute la résistance extérieure qui est un peu passée
33:15à la trappe de la mémoire collective.
33:17C'est le mythe résistentialiste
33:19qui prédominait. La France
33:21tout entière avait résisté
33:23et donc trop mettre l'accent sur
33:25la résistance extérieure, c'était rappeler
33:27qu'en 40, seul 1%
33:29des français s'étaient
33:31dressés contre l'ennemi, tandis que
33:33les autres choisissaient plutôt la passivité.
33:35Et cela explique aussi
33:37que l'armée des ombres
33:39faisait finalement beaucoup mieux connu
33:41que l'armée de Londres.
33:43Donc, ce n'était pas très opportun.
33:47Et puis,
33:49on a oublié aussi que la victoire ne s'est pas seulement
33:51jouée dans le bocage normand
33:53et dans la neige de Stalingrad,
33:55mais aussi dans les sables
33:57dans les Sables d'Orient.
33:59Encore, le bocage normand et la neige de Stalingrad
34:01a joué un rôle absolument essentiel.
34:03Ne l'oublions pas non plus,
34:05parce qu'on a tendance aujourd'hui à l'oublier.
34:07En tout cas,
34:09ce qui est terrible aujourd'hui,
34:11c'est qu'il aura fallu attendre 2022
34:13pour que la France honore sa mémoire.
34:15On va continuer de lui rendre hommage dans un instant
34:17sur Sud Radio, et on donnera surtout
34:19la parole à Yann,
34:21qui est un des influencers stars auprès du monde
34:23combattant André Bercoff.
34:25Et nous avons aussi Marie qui nous appelle
34:27et que nous allons prendre juste après cette petite pause.
34:37Mon Dieu, donne-moi
34:39la tournante.
34:41Donne-moi
34:43la souffrance.
34:45Donne-moi
34:47l'ardeur
34:49au combat.
34:51Mon Dieu, mon Dieu...
34:53Et oui, la fameuse prière du parrain
34:55dont le créateur est André Zirnel
34:57et dont la biographie,
34:59la première biographie, sort aujourd'hui aux éditions
35:01du Serres, qui ravit tous les passionnés
35:03d'histoire militaire, comme Yann
35:05qui vient de nous rejoindre sur Sud Radio.
35:07Bonjour à vous, Yann.
35:09Bonjour.
35:10Alors, vous animez sur les réseaux sociaux
35:12une plateforme qui s'appelle Good Morning Army
35:14et qui est très connue dans le monde combattant.
35:16Vous êtes suivi
35:18par plus de 200 000 followers
35:20et dans vos contenus, vous faites découvrir
35:22des héros de guerre français méconnus ou oubliés
35:24comme André Zirnel.
35:26Justement, en quoi la sortie
35:28de cette biographie est-elle si importante
35:30à vos yeux ?
35:32Eh bien, écoutez, la première chose que je me suis
35:34dit en le recevant,
35:36car j'ai eu du coup l'honneur de le recevoir,
35:38le premier mot qui m'est venu,
35:40c'est que ce livre est tout simplement une bombe,
35:42une pépite.
35:44Alexandra a réparé quelque chose,
35:46une injustice. Rendez-vous compte,
35:48il aura fallu attendre plus de 80 ans
35:50pour avoir un livre sur cet homme.
35:52Pendant des années, nous n'avons eu qu'un bref
35:54résumé de sa vie. Et là, nous avons enfin
35:56son histoire au complet, sa biographie,
35:58ses photos et même son journal
36:00de guerre, comme l'a mentionné Alexandra.
36:02Un récit exceptionnel.
36:04C'est la vie d'un pilier, d'un seigneur
36:06des paras, qui va faire d'ailleurs vibrer
36:08tant de générations de paras avec sa prière.
36:10Et c'est pour moi une véritable avancée
36:12dans ce combat, parce que c'est important.
36:14Et c'est grâce à cette femme.
36:16Car il faut bien comprendre, ça n'existait pas.
36:18Nous avons eu, d'ailleurs, nombreux et télés livres
36:20sur le Jean Moulin, le général de Gaulle.
36:22Et là, enfin, elle nous a
36:24offert justement cet héritage.
36:26Parce qu'après un travail de 4 ans,
36:28qui, il faut le dire, est digne d'un archéologue,
36:30c'est ce chef-d'oeuvre. Et je pense
36:32qu'Alexandra fera l'admiration de beaucoup
36:34de personnes. Moi, elle a déjà mon admiration.
36:36Car Zirneld
36:38a fait revivre
36:40Zirneld à nouveau. Il a récupéré, grâce à elle,
36:42son identité, sa gloire,
36:44grâce à son travail, à sa dévotion.
36:46Et c'est un hommage. C'est vraiment
36:48une résurrection, car cet
36:50homme, pour nous, est très important.
36:52Et d'ailleurs, elle a écrit dans son avant-propos
36:54une phrase très importante. C'est la toute
36:56dernière phrase. Elle écrit,
36:58et toujours une tombe bien plus profonde,
37:00elle a choisi de ne pas oublier
37:02et de mettre son talent pour cette cause
37:04qui, rappelons-le, est une cause très, très importante.
37:06Parce qu'on apprend toujours du passé
37:08et c'est de ces hommes-là qu'on avance.
37:10C'est vrai. Et Yann, je voudrais simplement
37:12dire, pour les auditeurs, rappeler
37:14le titre du livre
37:16d'Alexandra Ligny à la Bastine,
37:18André Zirneld, le chant d'un partisan.
37:20Et c'est paru
37:22aux éditions de Cerf. Et vraiment,
37:24lisez-le, c'est vrai, je le recommande.
37:26Et vous l'avez fait aussi,
37:28c'est un livre... Aujourd'hui,
37:30plus que jamais, on a besoin de gens qui sortent
37:32de leur zone de confort. Et ô
37:34combien André Zirneld est sorti
37:36de sa zone de confort. Et oui, beaucoup de photos
37:38inédites dans ce livre,
37:40Yann. Absolument, tout à fait.
37:42C'est vrai qu'il faut le reconnaître.
37:44Il y a énormément là de photos.
37:46D'ailleurs, il suffit juste déjà de l'ouvrir.
37:48Il ne suffit même pas de le lire pour
37:50comprendre que le travail est véritablement
37:52complet. Déjà, rien que pour les photos d'archives
37:54et justement les documents qui sont
37:56présentés, qui sont exceptionnels,
37:58qui n'ont jamais été encore
38:00vus. Nous n'avons jamais eu, effectivement,
38:02affaire à ces documents-là.
38:04Oui. Merci, Yann, d'être
38:06intervenu sur Sud Radio. On va donner tout de suite la parole
38:08à Marie, qui vient de nous rejoindre aussi
38:10sur Sud Radio. Bonjour à vous, Marie.
38:12Bonjour, Marie.
38:14Bonjour, Madame. Bonjour,
38:16André Bercoff. Écoutez, je voudrais
38:18remercier votre invité
38:20de ce livre.
38:22Je voulais
38:24vous dire que je viens du
38:26Sud-Ouest et j'ai été
38:28élevée, notamment
38:30dans un pensionnat
38:32à Marmonde,
38:34avant 68.
38:36Et dans ce pensionnat, on faisait la prière
38:38le matin, avant les cours, et il y avait
38:40une religieuse qui régulièrement
38:42nous sortait, nous récitait
38:44cette prière.
38:46C'est formidable.
38:48J'avoue que cette prière m'a accompagnée
38:50jusqu'à présent. J'ai
38:5273 ans.
38:54Mais j'allais rarement, j'avoue,
38:56très rarement à la deuxième
38:58strophe qui dit
39:00« Donnez-moi ce que l'on vous
39:02refuse, l'insécurité, l'inquiétude. »
39:04Ça, ce n'est pas récité souvent.
39:06Voilà.
39:08Et c'est vrai que ça n'arrive pas souvent.
39:10Merci beaucoup. Merci,
39:12Marie, de votre témoignage.
39:14Alexandra Léniel-Lavastine.
39:16Oui, c'est vrai qu'après la guerre,
39:18la prière de Zirnel s'est retrouvée, en fait,
39:20dans le monde para.
39:22Son poème,
39:24qui s'appelait initialement « Prières », s'est appelé
39:26« La prière du parachutiste »
39:28à partir de la guerre d'Indochine, en 46.
39:30Et puis ensuite, des élèves officiers
39:32en 61-62 ont eu
39:34l'idée de l'adapter en champ militaire.
39:36Donc, c'est devenu « La prière du para ». Mais en fait, Zirnel n'a jamais
39:38écrit la moindre prière.
39:40D'ailleurs, il n'avait pas de titre à son poème.
39:42Son poème s'appelait « Prières »,
39:44sans complément d'objet.
39:46Et j'ai été touchée
39:48par ce que Yann disait, et cette dame
39:50aussi, ce que j'ai tenté de faire
39:52au fond. Zirnel avait eu une mort,
39:54une mort héroïque au combat,
39:56et j'ai tenté de mettre au fond...
39:58Il avait eu une mort, mais il n'avait pas eu de vie.
40:00Et j'ai voulu mettre une vie sur une mort.
40:02Et puis aussi,
40:04l'arracher au ghetto para pour le reconduire.
40:06Enfin, il appartient aussi aux soldats,
40:08les œuvres appartiennent à ceux qui s'y reconnaissent
40:10et les font vivre, et ça a été le cas des
40:12paras en France, puisque ce sont
40:14aussi des régiments qui sont
40:16les héritiers des SAS. Donc la transmission
40:18s'est faite comme ça.
40:20Donc même si la prière a été reprise beaucoup
40:22dans les maquis jusqu'à la libération,
40:24c'est surtout après-guerre chez les paras
40:26qu'elle a vécu, et il a fallu que ce soit
40:28mon fils qui me l'apprenne
40:30pour que je la découvre.
40:32Alors, on a eu
40:34une longue
40:36éclipse, mais les choses ont commencé à frémir
40:38dans les années 2000,
40:40puisqu'on a inauguré
40:42en 2022, donc fin
40:442022, ou plus exactement ont
40:46un homme en particulier, le maire du
40:4817ème arrondissement à qui il faut rendre hommage,
40:50Geoffroy Boulard,
40:52qui a inauguré une place
40:54Zirneld dans son arrondissement.
40:56Et puis en 2023, on a eu
40:58aussi son ancien lycée, Sgt. Passy
41:00qui a dévoilé une plaque dans la Cour
41:02d'honneur, et on a eu aussi la mairie
41:04du 16ème qui a
41:06inauguré une autre plaque sur l'immeuble de sa naissance
41:08dans le Moulinet, dans le 16ème.
41:10Ce poème, ce qui est terrible,
41:12c'est qu'il devrait figurer dans tous les manuels scolaires
41:14depuis les années 50.
41:16Ah oui, on ne devrait connaître que lui.
41:18On aurait dû l'apprendre par cœur,
41:20enfant. Alors certes, il y avait Dieu,
41:22et la France est un pays laïque, fort heureusement,
41:24mais venant d'un
41:26intellectuel qui en plus avait perdu la foi,
41:28qui était compagnon de la Libération,
41:30qui était un grand résistant,
41:32ce texte, on devrait tous
41:34le connaître, et ça fait partie
41:36des aberrations mémorielles.
41:38C'est en plus un texte très actuel.
41:40Et oui, d'une brûlante actualité.
41:42Plus actuel que jamais.
41:44De toute façon, il faut dire
41:46une chose très
41:48forte, c'est que je ne vois pas
41:50pourquoi on ne pourrait pas invoquer Dieu aujourd'hui.
41:52Ce n'est pas un blasphème
41:54qu'invoquer Dieu. Et puis
41:56deuxièmement, je dirais que l'avenir,
41:58le passé, qui fait l'histoire,
42:00ce sont les hommes et les femmes qui sortent
42:02de leur zone de confort, ce qu'a fait
42:04André Zirnald, et encore une
42:06fois, merci Alexandra Léniel-Lavastine
42:08de l'avoir ressuscité
42:10au bon sens du terme.
42:12Et oui, chers auditeurs, effectivement, pour
42:14en savoir plus sur l'extraordinaire destin
42:16d'André Zirnald, lisez la
42:18magistrale biographie d'Alexandra
42:20Léniel-Lavastine qui vient de paraître
42:22aujourd'hui, et qui s'intitule
42:24« Le chant d'un partisan » aux éditions
42:26du CERF. Merci à vous tous,
42:28merci à Yann, merci à Marie
42:30d'être intervenues dans la culture
42:32dans tous ces états. Tout de suite, vous retrouvez Brigitte Lahaie.