• il y a 8 mois
Céline Alonzo et André Bercoff reçoivent Yannis Ezziadi, auteur de "Minotaures : voyage au coeur de la corrida" publié aux éditions Fayard ; Michel Maffesoli, sociologue ; Claire Starozinski, président de l'association Alliance Anticorrida.

Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2024-03-22##

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News
Transcription
00:00 [Générique]
00:02 Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
00:06 [Générique]
00:22 Et oui André Bercoff, la saison Taurine va bientôt commencer en France.
00:25 Et c'est pour cette raison pour laquelle aujourd'hui, bien sûr Sud Radio, nous allons proposer à nos auditeurs un voyage au cœur de la corrida.
00:31 Un monde qui divise, qui scandalise mais aussi qui en fascine.
00:35 Certains André, spectacle vivant, tradition pour les uns, massacre barbarique pour les autres André Bercoff.
00:42 Ben oui, oui, de si loin qu'on s'en souvienne et ça fait des siècles, effectivement l'art de la corrida a suscité les passions.
00:52 En même temps elle a suscité, il faut le dire aussi, des oeuvres extraordinaires.
00:56 Il ne faut pas rappeler que ce soit dans l'art avec Picasso, il ne faut ne citer que lui.
01:01 Que ce soit avec Hemingway, que ce soit avec Gabriel, pardon, Fédérico Garcia Lorca à 5 heures du soir sur la mort effectivement de...
01:11 - Monterland. - Monterland bien sûr et d'autres.
01:14 Et puis il y a ceux qui disent "non, non, c'est une torture, c'est un massacre, c'est honteux, c'est barbare, c'est pas nouveau".
01:23 Je voudrais dire juste un petit souvenir personnel, je dis ça à nos invités, à Michel Maffesoli et à Nisizia Di.
01:29 Je faisais une émission il y a 30 ans qui s'appelait "Français si vous parliez".
01:34 La seule fois, il y a eu 500 émissions, la seule fois où les gens se sont battus physiquement, mais physiquement sur la corrida.
01:40 Mais ils se sont... c'était pas... c'était... ils se tapaient sur la gueule, hein, je veux dire, c'était d'une violence, donc voilà.
01:46 C'est comme ça, alors il faut savoir, je rappelle simplement que 75% des Français souhaitent l'interdiction de la corrida dans les sondages.
01:53 74% souffrent d'un animal où certaines législations locales est injustifiée.
01:59 Il y a aujourd'hui en France encore 100 et... on estime entre 100 et 200 corrida dans une cinquantaine de communes
02:06 dont évidemment on connaît les plus connus Bayonne, Nîmes, Dax, Béziers, Arles.
02:11 Voilà, une fréquentation toujours très très très forte, effectivement.
02:15 Et selon l'Observatoire national de culture torrine, il faut le dire pour... on ne parle pas d'économie mais c'est important,
02:21 la pratique engendrerait au moins 40 millions de chiffres d'affaires chaque année.
02:24 Sommes contestés par les ONG anti-corrida.
02:27 Voilà, et donc on va recevoir pour cela Céline, nous avons le sociologue et philosophe Michel Maffesoli
02:34 dont le dernier livre "Essai sur la violence" vient de sortir.
02:37 Alors il ne s'agit pas spécialement de la corrida mais évidemment on va en parler.
02:41 Yanis Eziadi qui a sorti "Mi de Tor" qui vient de sortir "Voyage au corps de la corrida" aux éditions Fayard.
02:49 Livre qui vient de sortir et qui finalement est un hommage plutôt à la corrida,
02:53 qu'il a découvert il n'y a pas si longtemps mais qui est un livre aussi très remarquablement écrit.
02:58 Et nous accueillons aussi Claire Starozinski qui est présidente de l'alliance anti-corrida.
03:02 Et oui la culture dans tous ces états et la corrida dans tous ces états,
03:05 et bien c'est dans un instant sur Sud Radio alors restez avec nous.
03:30 Et oui les premières grandes férias de 2024 vont bientôt commencer en Arles, à Nîmes, à Béziers, André Bercoff.
03:36 Et pour parler de ce sujet, la corrida, donc ce sujet qui divise tant les français,
03:42 nous avons le plaisir de recevoir Michel Maffesoli qui est sociologue, professeur émérite à la Sorbonne.
03:48 André est auteur d'une oeuvre fondamentale, notamment "Essai sur la violence" qui est paru aux éditions du CERF.
03:55 Bonjour à vous Michel. Alors Yanis Eziadi qui publie un livre très intéressant et surtout divinement écrit Yanis.
04:03 Il publie donc chez Fayard "Minotaur, voyage au coeur de la corrida"
04:07 et est aussi avec nous sur Sud Radio. Bienvenue à vous Yanis.
04:11 Et bien entendu donc nous ne pouvions pas faire cette émission sans donner la parole à Claire Starozinski
04:17 qui elle est présidente d'alliance anti-corrida.
04:21 Merci aussi d'être avec nous sur Sud Radio Claire.
04:24 Nous vous donnerons la parole dans un instant sur Sud Radio.
04:27 Avant, donnons la parole à Yanis Eziadi qui est un fervent défenseur de la corrida.
04:33 Mais depuis peu Yanis, expliquez-nous comment effectivement votre histoire avec la tauromachie a commencé.
04:40 Une histoire d'amour d'ailleurs.
04:42 Et oui, qui a commencé par... alors j'aime beaucoup Henri de Monterlant.
04:47 Et un jour dans la pléiade, j'ai vu un dessin d'Henri de Monterlant qui représentait un Belmonté, le matador Belmonté,
04:59 tauréant nu à l'entraînement avec un taureau massif noir qui chargeait près de lui et qui le frôlait.
05:09 Et la beauté qui jaillissait de ce dessin m'avait vraiment saisi.
05:16 Je me suis dit "mais pourquoi je ne me suis jamais intéressé à la corrida d'autant plus que je dois l'avouer,
05:22 dès qu'on me dit que quelque chose n'est pas bien, j'ai envie de m'y intéresser".
05:27 Donc voilà les deux raisons qui m'ont poussé à...
05:30 Votre sentiment de contradiction ne m'étonne pas.
05:32 Voilà.
05:33 C'est vrai que Monterlant était un vrai passionné de corrida.
05:36 Il a tauré.
05:37 Oui, il a tauré effectivement lui-même très jeune.
05:39 Et dans son roman, effectivement, "Les bestiaires", il avoue en quelque sorte sa fascination même pour la tauromachine.
05:47 Et donc j'ai lu "Les bestiaires". Je me suis dit qu'il fallait que je lise "Les bestiaires" que je n'avais jamais lu.
05:51 Et ensuite j'ai lu "Les oreilles et la queue" de Jean Caux notamment.
05:54 Et j'ai lu 4-5 livres de corrida.
05:58 Et là je me suis dit "il faut absolument que j'aille voir de mes yeux ce spectacle".
06:02 Et j'avais une crainte quand même, c'est de ne pas aimer.
06:05 J'avais envie d'aimer mais j'avais aussi très peur d'être déçu, d'être dégoûté par la violence, par la mise à mort, par les blessures.
06:13 Et je me suis rendu dans les arènes de Béziers pour la première fois.
06:16 Et là, la beauté m'a ébloui et les larmes m'ont coulé des yeux dès les premières passes.
06:24 Et même avant cela, ce qui m'a fait pleurer, c'est de voir les milliers de personnes dans les arènes de Béziers se lever pour chanter "L'air du toreador" dans Carmen de Bizet.
06:38 Et cette corrida, votre première corrida je le rappelle, c'était le 15 août 2020 à Béziers.
06:44 Dans l'arène c'est Sébastien Castellac, le plus grand toréreau on peut dire français de l'histoire.
06:50 Et même, c'est une des plus grandes stars mondiales de la toromachie.
06:55 Et oui, et effectivement vous racontez que vous l'avez revu à Nîmes, c'était le 27 mai 2023, ce jour-là.
07:02 Quelques minutes avant son entrée dans l'arène, vous le rejoignez dans le couloir de la mort, dans le couloir de la gloire, écrivez-vous.
07:10 Et là vous êtes effectivement bouleversé par ce que vous percevez de lui en quelque sorte.
07:16 Bien sûr, parce qu'il n'y a pas vraiment de coulisses, il y a une espèce de tunnel qui mène de cette espèce d'entrée des artistes,
07:24 directement, qui dégueule presque sur la piste.
07:27 Et donc j'étais aux côtés de Sébastien, Castellac était seul, avec une foule de photographes autour de lui,
07:35 et lui ne parle jamais à personne avant une corrida, il avait le regard dur fixé vers la piste,
07:40 et évidemment il savait que déjà 15 000 personnes l'attendaient, 15 000 personnes qui l'adorent, et ces personnes ne veulent pas les décevoir,
07:47 et puis il y avait ces deux énormes taureaux qui allaient tenter de l'exterminer, qu'ils l'attendaient.
07:54 Et cette solitude est une chose absolument bouleversante que je raconte dans le livre.
07:59 Et oui, et vous vous dites pourquoi ne fut-il pas en courant ?
08:03 Eh oui, il ne faut pas oublier quand même que aussi je dirais que Monterlant, dont vous parlez,
08:09 et Yanis a dit, dans le "Caos et la nuit" paru 37 ans après "Les bestiaires", il a changé d'avis, Monterlant,
08:16 il dresse un réquisitoire très très dur contre la corrida, d'intéressant ça.
08:22 Dans le "Caos et la nuit" effectivement.
08:24 Dans le "Caos et la nuit", absolument.
08:26 Et au fond, vous avez lu beaucoup de choses là-dessus, et vous êtes absolument passionné,
08:32 et il faut rappeler qui étaient les grands aficionados aussi.
08:36 Eh oui, Cocteau. Effectivement, Cocteau, vous avez, j'imagine que vous êtes plongé dans la corrida du 1er mai, c'est ça ?
08:44 Bien sûr, bien sûr.
08:45 Eh oui, dans laquelle il écrit "La mort demeure, quoi qu'il arrive, l'héroïne de la tragédie dont Matador est le héros,
08:51 et à qui elle délègue un ambassadeur extraordinaire, cet animal sacrifié d'avance,
08:55 chargé de négocier leurs noces les plus étranges et les plus obscures qui soient."
09:00 Bien sûr.
09:01 Ça c'est l'auberge espagnole du fantasme, tout le monde y va.
09:04 Et d'ailleurs, Simon Casas, qui est présent dans mon livre, qui intervient,
09:07 Simon Casas qui est l'actuel directeur des arènes de Madrid et des arènes de Nîmes,
09:12 Simon Casas est nîmois, et il raconte qu'enfant, il voyait au moment des férias une effervescence à l'hôtel Imperator,
09:19 où logeaient les Matadors.
09:21 Lui n'était pas passionné particulièrement par la corrida, mais il dit qu'il voyait une foule de personnes,
09:27 et dans cette foule de personnes qui attendait les Toreros à la sortie de l'ascenseur,
09:31 il y avait Cocteau, Hemingway, Leiris, Picasso, et lui, Simon, dit,
09:37 "Moi je ne savais pas qui étaient ces gens, mais je voyais qu'ils fascinaient le monde,
09:41 et pourquoi ces gens qui fascinaient le monde étaient-ils là ?
09:43 Parce qu'ils attendaient des hommes habillés en costume de danseuses qui allaient affronter la mort."
09:48 Et c'est très intéressant que vous citiez Michel Leiris,
09:51 qui a eu cette phrase quand j'avais lu sa biographie, l'une de ses biographies,
09:55 il dit "Il faut vivre à l'ombre d'une corde de Taureau sur sa hanche."
10:00 C'est-à-dire vivre dangereusement.
10:02 C'était Michel Leiris.
10:04 - Ah c'est joli.
10:05 Michel Maffesoli, alors vous, on ne peut pas dire que vous êtes un aficionado,
10:08 mais plutôt un amateur.
10:10 Vous avez la corrida dans les gènes, en quelque sorte.
10:13 - Je ne suis pas allé à la corrida, c'est un peu plus ancien,
10:20 mais pas beaucoup plus ancien que notre ami Yanis,
10:23 c'est Robert Marget qui m'a invité.
10:26 - Robert Marget ?
10:27 - Marget, dont il y a un chapitre qui lui est consacré,
10:30 qui fut le directeur de la corrida à Béziers,
10:34 et qui a une ménade.
10:36 - La plus grande ménade.
10:40 - Et d'ailleurs le chapitre qui lui est passé, son consacré, son splendide.
10:45 Donc moi je suis un amateur.
10:47 J'ai lu ce livre, et c'est de ce livre dont il faut parler,
10:51 le livre de Yanis est une auteur qui est splendide.
10:54 Moi je l'ai lu aussi d'une traître,
10:56 et je dois avouer que même en lisant certaines pages,
10:59 puisque tout à l'heure il a parlé de ses pleurs,
11:01 moi aussi je me suis mis à pleurer.
11:03 En lisant telle ou telle page de pleurer.
11:06 Quelques larmes qui tombaient, comme ça, gentiment.
11:09 - Ils ont eu l'idée vraiment.
11:11 - Tout simplement, voilà, moi ce que je peux dire,
11:13 dans les gènes si on veut,
11:15 je me souviens de, encore une fois, ce qui m'a fasciné,
11:18 c'est ce que j'appelle moi, l'arracinement dynamique,
11:21 dans le territoire, l'importance de la culture.
11:24 - C'est-à-dire que ça fait partie d'une culture différente.
11:27 - Voilà, de ce qu'est l'instinct un peu de la région.
11:30 On va écouter Madame, avec des oppositions bien évidemment,
11:33 mais moi je l'ai senti comme telle.
11:35 Et à côté du Carmen quand même, je rappelle que,
11:39 in fine, à toutes les corridors, il y a ce chant
11:42 qu'on m'a appris dans mon enfance, "A quellos montagnos".
11:46 - On va l'écouter sur Sud Radio, on va écouter quelques...
11:49 - A quellos montagnos,
11:55 que tantos son,
12:00 me pachón de ver...
12:04 - Et oui, quand ce chant occitan est entonné dans les arènes,
12:07 tout le monde se lève.
12:08 - Tout le monde se lève et on le chante d'ailleurs.
12:11 "Se canto que recanto, cantos pas per yeu, cantos per mamí,
12:15 o que zalende eu".
12:16 C'est-à-dire, je chante et je ressente, pas pour moi,
12:18 c'est pour mon ami qui est loin d'ici.
12:20 C'est intéressant de voir...
12:22 - Et oui, il y a une véritable communion collective.
12:24 - Moi je dis une copulation mystique.
12:27 J'ai écrit, il ne faut pas l'oublier, un livre sur Dionysos
12:29 qui s'intitule "Mes chers collègues n'ont rien compris
12:32 pour une sociologie de l'orgie".
12:34 Mais je rappelais qu'en grec, "orgé" c'est les passions communes.
12:37 Et là on voit bien cette espèce de passion.
12:40 Je dis copulation mystique.
12:42 - Copulation mystique, c'est joli.
12:44 - Il y a une espèce de lien qui se fait.
12:47 Et voilà, c'est ça qui me paraît intéressant.
12:49 Peut-être pas maintenant, mais je dirais en quoi cela recoupe
12:54 ce que j'appelle la violence.
12:56 C'est-à-dire, pour moi, c'est le retour contemporain
12:59 et ancien de la tragédie.
13:01 - On reviendra effectivement.
13:03 On va en parler dans un instant sur Sud Radio.
13:05 Avant, donnons la parole à Claire Starozanski.
13:08 Le 31 mai, Claire, ça fera 30 ans que vous avez créé
13:12 l'association Alliance anti-Korida.
13:15 30 ans que vous battez pour l'abolition de la Korida.
13:19 Pourquoi avez-vous décidé un jour de mener ce combat ?
13:23 Quel a été le déclic, Claire ?
13:25 - Juste avant, si vous me permettez,
13:29 j'aimerais bien revenir sur ce qui a été dit.
13:31 Bien sûr que je peux comprendre.
13:33 Je peux comprendre tout à fait le décorum,
13:36 les flancs, les couleurs.
13:39 Tout. Je comprends absolument tout ce que vous dites.
13:43 Même si je suis seule contre quatre aujourd'hui.
13:46 Mais quand on veut rendre honorable un sujet,
13:50 et bien un sujet dédiant, on l'intellectualise.
13:54 Et vous n'avez parlé, tous, jusqu'à présent,
13:57 que de l'homme, que de ce que vous ressentiez.
14:00 Et le sauron dans tout ça.
14:03 Vous avez parlé aussi de l'humile,
14:06 vous avez parlé de beaucoup d'auteurs.
14:08 Moi, je vais vous parler aussi de Courtelume.
14:10 Je vais aussi vous parler de Victor Hugo,
14:12 qui était confièrement contre la Korida.
14:16 Et de toute façon, le déroulement de la Korida,
14:20 c'est une suite d'actes de cruauté envers les taurons.
14:23 Les sévices sont accomplis intentionnellement,
14:26 avec des armes puissantes,
14:28 dans le but de provoquer la souffrance et la mort de l'animal.
14:31 Ce n'est pas la définition de la Korida,
14:33 c'est celle du magistrat du tribunal justiciaire de Nîmes et de Dax, en 2021.
14:40 Et voilà pourquoi j'ai créé l'Alliance anti-Korida il y a 30 ans.
14:44 Parce qu'il m'est insupportable de vivre dans une ville,
14:49 de savoir tous les gens qui étaient contre,
14:51 et de ne pas être écouté,
14:53 et que la voix du tauron ne soit pas écoutée.
14:56 Parce que c'est factuel, la souffrance est là.
14:59 C'est un fréquent qui est indigne de l'homme.
15:02 - Oui, alors les pro-Korida tentent de relativiser justement la souffrance du tauron.
15:08 Pour vous, elle est indiscutable, Claire ?
15:11 - Elle est indiscutable, évidemment.
15:13 Des études ont été faites là-dessus.
15:15 Alors bien sûr, on sait que les tauréaux, les organisateurs de Korida,
15:20 vous donnent des chiffres,
15:23 vous donnent des espèces d'études qui ont été faites.
15:28 Mais on n'en a jamais eu la preuve.
15:30 A contrario, moi je peux vous citer pas mal d'études vétérinaires
15:34 qui disent, eux, que la souffrance est comme on le dit,
15:37 et que c'est indiscutable.
15:39 - Yanis Hezaydi, selon vous, dans l'arène,
15:42 le taureau montre de la rage et parfois de l'agacement,
15:45 mais en aucun cas de la souffrance.
15:48 C'est ce que vous écrivez dans votre livre.
15:50 Qu'est-ce qui vous permet d'affirmer cela ?
15:52 - Alors, merci de rebondir avec ce passage.
15:56 Évidemment, les anticorridas vont nous dire
16:00 "le taureau souffre, c'est épouvantable",
16:02 et nous, qui aimons la Korida,
16:04 on pense que non, le taureau ne souffre pas,
16:07 qu'il ne vit pas un moment absolument épouvantable.
16:09 Bon, il y a la bataille des chiffres,
16:11 telle étude qui dit ceci, telle étude qui dit cela.
16:14 Bon. Ce que je peux dire, c'est qu'en tant que spectateur,
16:20 ce que j'ai vu, ce n'est pas de la souffrance,
16:25 ce n'est pas de la torture.
16:27 J'ai vu un animal se battre, charger le premier,
16:32 charger encore et encore et encore.
16:35 On le pique, il semble...
16:37 En tout cas, c'est ce qu'il montre.
16:40 Il ne montre pas de signe de douleur.
16:42 Il est piqué et lui charge dans le cheval,
16:45 continue encore et encore jusqu'à sa mort.
16:49 - Oui, alors vous, Yanis, en fait,
16:51 vous réfutez effectivement l'idée de torture,
16:53 l'idée de sanisme, effectivement, dans la mort du taureau.
16:56 Mais avez-vous déjà assisté à une corrida
16:58 où le taureau s'y reprend à sept fois
17:01 avant que la bête ne s'affaisse pour être achevée ?
17:04 Moi, personnellement, j'ai vu ça.
17:06 C'est dur, c'est violent, c'est de la boucherie.
17:09 - Alors, j'ai assisté à ça.
17:11 Alors, ce qu'il faut dire à nos auditeurs,
17:14 c'est que lorsque c'est le cas, cela se passe très mal.
17:17 C'est-à-dire que le matador est hué, hué,
17:20 hué par des dizaines, voire 20 000, 30 000, 40 000 personnes qui le huent.
17:24 Il y a un contrôle parce que le public ne souhaite pas que...
17:28 Enfin, souhaite que la mort soit la plus rapide possible.
17:31 En revanche, ce que je dois dire, encore une fois,
17:34 c'est que même lorsque la mise à mort prend parfois du temps,
17:38 lorsque c'est raté, je dois dire que jamais le taureau tente de fuir.
17:43 Il continue à charger, à charger, à charger.
17:46 Vous allez dans les élevages de taureaux,
17:48 vous voyez des taureaux s'entretuer.
17:51 Ils sont en quasi-liberté, ils s'entretuent.
17:53 Et par exemple, chez Robert Marger, je le raconte aussi,
17:56 un taureau éventré par un autre,
17:59 eh bien, il marche sur ses propres tripes pour terminer le combat.
18:05 Et des combats qui peuvent durer des heures.
18:07 C'est un animal qui a un rapport à la violence particulière,
18:10 qui a un rapport à la douleur particulière.
18:12 Un taureau n'est pas un homme, n'est pas un chien, n'est pas un chat.
18:15 Et d'ailleurs, on ne pourrait pas faire la corrida avec un autre animal.
18:20 Et regardez par exemple, lorsqu'il arrive parfois un accident,
18:24 si un cheval est renversé par un taureau, le public ne le supporte pas.
18:28 Pourquoi ? Parce que l'on sait que le cheval n'a pas le même rapport au combat
18:33 et à la douleur que le taureau.
18:35 Claire Starozenski, votre réaction.
18:38 Moi, ce que j'aimerais, c'est que justement,
18:42 on fasse une corrida, mais avec un taureau de camargue.
18:46 Et alors là, ça serait très amusant,
18:48 parce que le taureau de camargue, lui, il ne met pas comme le taureau espagnol,
18:52 il ne met pas 15 minutes pour comprendre qu'il faut foncer dans l'homme
18:55 et pas dans le chiffon rouge.
18:57 Et alors là, ça serait très amusant, parce qu'il ferait voler le taureau,
19:00 enfin, amusant, si vous voulez dire, il ferait voler le taureau dans les premières secondes.
19:04 Donc, il ne faut pas dire, surtout pas dire, qu'on ne peut pas prendre notre animal.
19:09 C'est totalement faux.
19:11 Pourquoi on prend un taureau de corrida ?
19:13 Parce qu'on sait très bien que le taureau espagnol,
19:15 déjà avec les croisements, je ne vais pas vous faire toutes vos historiques.
19:19 Non, pas toute la leçon, oui.
19:21 Mais il faut quand même bien savoir qu'il a été génétiquement modifié
19:27 depuis des dizaines d'années pour le rendre plus docile, plus collaborateur.
19:31 C'est comme ça que parlent les aficionades.
19:34 Et ce taureau-là, il fait ce combat-temps de lui.
19:38 Mais il met 15 minutes à comprendre qu'il faut foncer dans le chiffon rouge et pas dans l'homme.
19:44 Donc, la corrida, de ce point de vue-là et d'autres points de vue également,
19:49 c'est une vaste arrondit.
19:50 Oui, enfin, quand Mme Claire Starozynski parle du taureau Camargue,
19:53 qui lui comprendrait tout de suite, parce qu'il faut dire que le taureau Camargue
19:56 qu'on utilise pour la course camargaise, un taureau Camargue, il fait plein de courses.
20:00 Il fait une course, il charge les hommes, il n'est pas mis à mort,
20:03 ensuite il retourne, on le ramène quelques temps plus tard pour faire une autre course.
20:07 Donc, il connaît le jeu, la corrida, la beauté de la corrida.
20:10 C'est aussi qu'on vient capturer un animal quasiment sauvage,
20:15 préservé de tout contact avec l'homme.
20:18 Il va être lâché dans cette arène et ça va être son premier contact avec l'homme.
20:22 Ça va être vraiment le contact et le choc entre cette sauvagerie,
20:27 cette animalité préservée, intacte, et l'homme, la civilisation.
20:34 Et c'est ce choc qui éblouit l'Inde.
20:38 - Alors, c'est intéressant et je voudrais avoir aussi l'avis de Michel Maffesoli là-dessus.
20:43 Moi, je vais vous dire qu'il a aussi assisté à pas mal de corrida,
20:48 que ce soit à Béziers, à Arles, surtout et ailleurs.
20:52 Et je voudrais que vous répondiez tous à ça.
20:55 Quelquefois, on se demande effectivement, vous savez, le début de la corrida,
21:01 le taureau est seul face à ceux qui agitent effectivement la muleta devant lui.
21:06 Et là, il n'est pas encore piqué, il n'y a pas encore les banderilles,
21:09 il n'y a pas encore les picadors, il n'y a rien d'autre.
21:12 Et là, on se dit, tiens, ce n'est pas à armes égales, mais enfin, quelque part,
21:17 est-ce que le fait qu'il y ait tout le cérémonial des banderilles d'abord,
21:23 et des picadors et des pics ensuite,
21:27 fait qu'il arrive quand même déjà à s'en sanglanter au moment de l'affrontement,
21:34 enfin de l'affrontement entre le taureau et le taureau ?
21:37 Est-ce qu'il n'y a pas là quelque chose qui peut-être devrait être un peu changé ?
21:42 Je parle évidemment en amateurs et en hurons.
21:46 On va en parler tout de suite après cette petite pause.
21:49 Et oui, la corrida dans tous ses états, c'est dans un instant sur Sud Radio.
21:52 Alors restez avec nous.
21:54 Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
21:58 Dans les premiers moments, j'ai cru qu'il fallait seulement se défendre.
22:03 Mais cette place est sans issue, je commence à comprendre.
22:08 Ils ont refermé derrière moi, ils ont eu peur que je recule.
22:13 Je vais bien finir par l'avoir, cette danseuse ridicule.
22:18 Et oui, Francis Cabrel, qui a écrit cette chanson après avoir assisté à une corrida,
22:22 il lui avait soulevé le cœur, c'était à Bayonne en 1993, André.
22:26 Selon lui, quand la corrida avance, c'est l'humanité qui recule.
22:30 Yanis ?
22:31 Justement, je voudrais répondre par rapport à cette histoire de violence
22:35 qu'a soulevée Claire Starozinski.
22:38 Et effectivement, encore une fois, c'est pas par hasard qu'on a parlé de ça.
22:42 Ce que je vous ai dit juste avant l'interruption, la pause,
22:46 c'est que des gens se disent "oui d'accord, mais est-ce qu'il faut aller jusqu'à
22:50 le piquer, le bandrier, qu'il soit absolument dans son sang
22:55 pour qu'on arrive à l'affrontement ?"
22:57 Michel Maffesoli, quand même, il y a quelque chose d'assez inégal,
23:01 il faut le dire dans cette histoire.
23:03 Ça, j'en sais rien, moi j'ai pas d'opinion là-dessus, ni pour ni contre.
23:06 J'ai bien dit, cher ami, que j'étais un amateur, vous faites la gentillesse de m'inviter.
23:10 Permettez-moi de mettre un peu en perspective.
23:12 Oui, allez-y.
23:13 La perspective, c'est que me paraît dangereux une société hygiénisée,
23:18 aseptisée.
23:20 Et dans le fond, on risque de crever, c'est ce qui risque d'arriver dans nos sociétés
23:25 où on a voulu en quelque sorte pasteuriser l'existence.
23:29 Et que d'une certaine manière, quand il y a eu cette pasteurisation,
23:33 ça peut impôter des violences beaucoup plus perverses.
23:36 Heidegger avait cette belle formule, il disait "si on a peur de notre animalité,
23:40 on aboutira à la bestialité."
23:42 Et quand il dit animalité, c'est-à-dire, je dirais, moi, arriver à homéopathiser,
23:47 à ritualiser.
23:48 Et les rituels de la Corrida, c'est des rituels, encore une fois, de cette violence,
23:52 soyons clairs, qui est inhérente à ce que nous sommes.
23:55 L'animal humain est un animal.
23:57 Donc il y a de cette agressivité.
23:59 Donc tout l'art des sociétés, c'est d'arriver à voir comment il arrive à intégrer
24:03 et à ritualiser cette violence, je dis bien, structurelle, qui nous caractérise.
24:07 Pour moi, la Corrida est une de ces manifestations,
24:10 une de ces ritualisations, mais je dis bien, voilà, c'est-à-dire qu'il faut accepter
24:15 la finitude qui nous caractérise.
24:17 La mort est là pour chacun d'entre nous.
24:19 Qu'il y ait une mise en scène de la mort animale, c'est...
24:22 Ben, j'en sais rien, moi.
24:24 Cela a été dit, les boucs émissaires, sous leurs diverses modulations,
24:27 avaient cette même fonction.
24:29 Le sacrifice, Joseph Demestre l'analyse, etc.
24:32 - Et puis toutes les chasses, aussi.
24:34 - Voilà, c'est moi, par exemple.
24:35 Alors, il faut accepter, moi j'accepte l'opposition de Madame,
24:39 mais en même temps, accepter qu'il puisse y avoir, en tout cas, en certains lieux,
24:43 en certains moments, c'est pas toujours,
24:46 qu'il y ait des expressions de l'Etat.
24:48 - Des cérémoniaux, en fait, vous appelez.
24:50 - Vous voyez, excusez-moi d'être un peu encore prétentieux,
24:53 mais c'est Aristote, la catharsis.
24:55 La catharsis, il faut se purger de quelque chose qui est en nous.
24:58 Si le pus ne sort pas en des moments déterminés, la Corrida, c'est un histoire.
25:02 Je fais de l'esprit de lire, le pus doit sortir.
25:04 Il contamine le corps, vous voyez.
25:06 Et pourtant, vous avouez, moi je considère que nos sociétés,
25:09 le risque de nos sociétés, c'est pas la Corrida, la multiplication de la Corrida,
25:13 c'est toutes les batailles de clans qui vont se faire de plus en plus,
25:17 les morts d'hommes ici ou là, etc.,
25:19 qui pour moi ne sont que l'expression normale, encore une fois,
25:22 d'une asepsie de la vie sociale.
25:24 En gros, au Moyen-Âge, c'était la fête des fous,
25:27 le carnaval sous ses diverses modulations,
25:30 les bacchanales dans la tradition grecque, les Dionysies,
25:33 dans mon Dionysos, je parle de ça.
25:35 - Et oui, ça date de longues dates, en quelque sorte.
25:38 Les sociétés se sont employées à ritualiser, effectivement, cette violence, c'est ça.
25:43 - C'est un processus, j'insiste là-dessus, de catharsis, on se purifie ainsi.
25:48 C'est le bouc émissaire sous ses diverses modulations,
25:51 et quand il n'y a pas ce bouc émissaire, il va y avoir le meurtre d'hommes, par exemple.
25:56 - Ou la Saint-Barthélemy, ou les massacres, ou les génocides, etc.
25:59 - Exactement, qui ne sont que des expressions, dans le sens simple du terme,
26:02 comme j'exprime le Jules Laurange, qui sont cette expression,
26:05 j'ai bien dit, de ce que nous sommes.
26:07 Et donc, il faut arriver à ritualiser l'animalité.
26:10 - Donc mieux vaut le rituel que le massacre humain, en tout cas.
26:14 - Yannick César, il dit ?
26:15 - D'ailleurs, pour rebondir avec ce que dit Michel Maffezoli,
26:19 je rapporte dans le livre une discussion avec Alain Moncouquiole,
26:22 qui fut toréro, et qui est le frère du premier grand matador français.
26:28 Et Alain Moncouquiole, quand je lui demande comment il est arrivé à la Corrida,
26:33 il me raconte que lui n'était pas de Nîmes,
26:36 il est arrivé à Nîmes par hasard,
26:38 et en fait c'est la mort de son père, quand il était enfant,
26:41 son père est mort, lui était enfant, et sa famille lui a dit,
26:45 "Bon, écoute, sois courageux", lui dit ce qu'il revient à dire à un enfant,
26:49 "Tais-toi", et on lui a jamais parlé de la mort de son père.
26:52 Ils ont déménagé à Nîmes avec sa mère, et là il a vu des enfants,
26:55 dans la cour d'école, qui disaient, "Dis donc, tu as vu la Corrida,
26:57 et le taureau, quand il l'a tué, le taureau est mort, mort, mort."
27:01 Il a entendu le mot "mort", et il s'est dit,
27:03 "Je vais aller dans les arènes pour comprendre la mort de mon père."
27:08 Et pareil, Simon Cazas, quand je lui demande,
27:10 Simon Cazas raconte qu'il savait que son père était condamné par la maladie,
27:16 il en entendait parler à la maison, et il assistait à ses premières Corridas,
27:20 assis sur les genoux de son père, qu'il savait condamné par cette maladie.
27:24 Et il dit que dans les derniers instants de la vie du taureau,
27:27 c'est la vie de son père qu'il voyait s'évaporer,
27:29 et qu'il s'est préparé à la mort de son père
27:31 en regardant franchement la mort du taureau.
27:34 - Eh oui, beaucoup de taureaux, en quelque sorte,
27:36 vous ont raconté que c'est la mort qui les a amenés à endosser ce rôle, c'est ça ?
27:40 - En tout cas, Simon Cazas et Alain Moncouquiole m'ont raconté
27:44 deux témoignages assez similaires.
27:46 - Et comment justement, ces taureaux, vous le dites 25 fois par jour,
27:50 ils disent "je me joue la vie", comment ils affrontent le danger, la mort, la peur ?
27:56 Qu'est-ce qu'ils vous ont raconté à ce sujet ?
27:59 - C'est toujours des moments de solitude,
28:03 les heures qui précèdent la corrida, seuls,
28:05 dans des chambres d'hôtel, où ils sont seuls, où ils attendent.
28:08 Sébastien Castellar raconte qu'il a besoin d'être seul
28:11 dans le silence et dans l'obscurité,
28:13 il ferme les rideaux et il s'assoit,
28:16 et là, il veut se retrouver seul avec lui-même,
28:21 seul avec ses peurs.
28:23 Et il l'attend, l'attente, l'attente, l'attente.
28:26 C'est quelque chose de très impressionnant.
28:29 Qui aujourd'hui se dit "j'attends mon entrée dans une arène
28:36 dans laquelle je vais affronter une bête qui va tenter de m'exterminer".
28:41 Des grands moments d'angoisse, de doute, de solitude,
28:46 tout leur rappelle leur faiblesse, parce que c'est quand même une folie,
28:49 un homme qui va affronter une bête de muscles et de cornes de 500 voire 600 kilos.
28:54 Juste un mot, Yannis, vous l'avez dit dès le début,
28:58 la bête qui va tenter de m'exterminer,
29:00 en fait, c'est lui qui va tenter d'exterminer la bête.
29:03 La bête n'est pas là pour exterminer au départ le toréro.
29:08 Sauf que la volonté du toréro est la recherche de la beauté, de l'esthétique.
29:13 C'est ce qui l'anime.
29:16 Qu'est-ce qui anime la bête ?
29:18 C'est que sur son territoire, quelqu'un refuse de partir devant lui
29:24 et donc il va chercher à exterminer cet adversaire.
29:27 Donc ce qui motive le toréro, c'est sa pulsion, sa pulsion de combat.
29:34 Et ce qui motive l'homme, c'est la quête de la beauté.
29:37 Je crois que Claire Starozinski ne doit pas être très d'accord.
29:41 Yannis, vous vous dites, c'est ça qui m'a interpellé,
29:44 vous dites que ce n'est pas par haine que le toréro tue la bête,
29:47 mais par amour. L'acte de mise à mort conclut l'acte d'amour, écrivez-vous.
29:51 Expliquez-nous.
29:52 Qu'est-ce qui amène les gens aux arènes ?
29:55 C'est la fascination pour le toréro.
29:59 Et en France, dans plusieurs régions,
30:02 il y a cette fascination d'une partie des habitants pour le toréro.
30:06 Donc c'est le toréro qui amène les gens.
30:08 C'est la passion aussi pour le toréro qui amène les toréros.
30:11 Mais qu'est-ce que vous voulez ?
30:13 Le plus beau rituel qu'on ait trouvé pour admirer cet animal,
30:18 dans son animalité, et dans son animalité, qu'est-ce qu'il y a ?
30:21 Il y a le combat jusqu'à la mort pour sa liberté.
30:24 C'est aussi ça qui fascine chez le toréro.
30:26 Eh bien, la plus belle chose qu'on ait trouvée, c'est l'achorida.
30:30 Et vous, ce spectacle de la mort, vous dites,
30:32 c'est en partie cela que je viens chercher aux arènes.
30:34 Pourquoi s'en cacher ?
30:36 La mort constitue l'un des attraits particuliers de cet art, écrivez-vous.
30:40 Évidemment, voir la mort, affronter la mort.
30:51 Moi j'avais peur, je craignais de voir un animal être mis à mort sur mes yeux.
30:55 Mais évidemment que cela a aussi quelque chose de fascinant,
30:59 cette ritualisation de la mort, et cette mort donnée avec respect.
31:03 Michel Maffesoli.
31:05 Oui, c'est un élément important, c'est-à-dire qu'on l'oublie trop souvent.
31:09 Notre humanité, c'est vers la mort.
31:12 "Sum tot" dit Heidegger.
31:14 Et la finitude, plutôt que de dénier la finitude, ça c'est le moralisme.
31:20 Mais nous, le plus tard possible, pour la plupart des gens.
31:23 J'entends, bien évidemment, c'est pour ça que je dis ritualiser, etc.
31:27 Mais en effet, aller voir cela, c'est accepter notre propre finitude.
31:32 Vivre sa mort de tous les jours me paraît être un des éléments structurels de ce que nous sommes.
31:37 Alors, juste deux mots, vous voyez ? Deux mots.
31:40 La lutte contre le refus de cela, c'est le moralisme qui a baigné la modernité.
31:46 Le moralisme, c'est ce qu'il devrait être le monde.
31:49 À côté du moralisme, on le confond l'un pour l'autre, il y a une éthique.
31:53 Éthique, c'est encore une fois ce qui est, et pas ce qu'on aimerait qu'il soit.
31:57 Et là, je considère qu'au-delà du moralisme, encore une fois d'asepsie de la vie sociale,
32:03 il y a une éthique de l'esthétique dans la corrida.
32:05 Une éthique de l'esthétique, c'est-à-dire un éthos, un lien qui va se faire à partir,
32:09 à esthésie, c'est vibrer ensemble.
32:11 Et que cette vibration ensemble est une des manières, je dirais, de se purger de la mort, de la finitude.
32:16 En l'acceptant.
32:17 Alors, Claire Starozanski, on l'a dit il y a quelques minutes sur Suedradio,
32:21 vous militez depuis 30 ans pour l'abolition de la corrida.
32:24 En 30 ans, vous avez obtenu de nombreuses victoires.
32:27 Quelles sont les plus marquantes, dites-nous ?
32:31 Peut-être avant de vous parler de mes victoires, je vais vous parler de ce que je viens d'entendre,
32:37 qui me terrifie. Je suis absolument terrifiée.
32:40 Moi, j'ai approché la mort de très près.
32:44 A plusieurs reprises dans ma vie, j'ai approché la mort de mes proches.
32:47 Et il faut simplement aller dans un EHPAD ou aller dans un hôpital si on veut se confronter à la mort.
32:52 Et là, ça ira beaucoup mieux.
32:54 Quant à la violence, la violence, elle se transcende.
32:57 Quand on est un être humain digne de ce nom, on n'a pas besoin d'aller dans une arène voir un animal se faire massacrer.
33:02 Ce n'est pas nécessaire. La violence, elle se transcende.
33:05 Et c'est justement là qu'on va trouver la véritable humanité, avec l'empathie envers tous les êtres vivants.
33:13 Alors, les victoires, effectivement, que j'ai obtenues, bien, 25 villes ont cessé d'organiser les corrida.
33:18 Le refus d'ONG caritatives, comme par exemple les Restos du Coeur,
33:24 de monter les tons, de percevoir la recette de corrida dites de bienfaisance.
33:29 Parce que bien sûr, il existe des corrida de bienfaisance.
33:32 Alors, à ce moment-là, les taureaux ont les cornes coupées à vif.
33:35 Parce qu'il ne faudrait pas qu'ils abîment les taureaux.
33:38 Et les recettes sont données à des ONG.
33:42 Et grâce à mes actions et les actions surtout de nos adhérents,
33:48 les ONG les plus importantes ont refusé le bénéfice de ces corrida dites de bienfaisance.
33:55 Et puis également, on a réussi, l'alliance anticorrida que je préside,
34:00 a réussi à faire annuler trois corrida à Fontvieille et à Arles,
34:04 où il y avait des mineurs qui devaient toréer, dont un petit enfant de 8 ans à l'époque.
34:09 Et j'ai aussi fait condamner le directeur des arènes anonymes pour infraction à la législation du travail.
34:17 Depuis 1997, au-dessous de 16 ans, les enfants ne toraient plus.
34:23 Et puis il y a aussi une note au recteur qui vise à interdire toute publicité pour la corrida
34:30 dans les établissements scolaires où j'interviens régulièrement quand intervient un taureau.
34:36 Et puis bien sûr aussi, on vient d'obtenir quelque chose d'inédit.
34:42 C'est-à-dire qu'on va arriver à contrôler par la Chambre régionale de la Cour des comptes
34:50 les soutiens publics à la corrida.
34:52 Parce que la corrida bénéficie de subventions publiques, municipales, départementales, régionales.
34:59 Et donc il n'est pas normal que nos contribuables paient pour la corrida.
35:03 Et vous aviez un scoop aujourd'hui à nous annoncer sur Sud Radio. De quoi s'agit-il ?
35:09 Le scoop c'est que depuis très longtemps, moi j'ai été professeure de renseignement pendant 34 ans.
35:17 Donc la corrida est un spectacle violent.
35:19 Tout le monde s'accorde, il n'y a pas de doute là-dessus à le dire.
35:24 Et deux partis, Les Républicains et Renaissance, vont proposer un texte au Parlement,
35:33 une proposition de loi pour interdire les mineurs d'assister à la corrida.
35:41 Non, non, pas de participer, ça c'est déjà interdit.
35:45 Non, d'assister comme spectateur.
35:47 Interdire l'accès des mineurs aux corrida. L'accès des moins de 16 ans.
35:51 Interdire l'accès des moins de 16 ans aux corrida.
35:53 Et là il y a quand même une deuxième chose qui est inédite.
35:57 Non seulement ce sont deux partis différents, mais surtout que cette fois-ci,
36:01 on a bon espoir que la proposition de loi soit discutée au Parlement,
36:05 puisqu'elle devrait bénéficier d'une niche.
36:08 Et elle va être déposée dans les jours qui viennent.
36:10 Et oui, il faut le rappeler que depuis 2004, aucun texte de loi n'a été discuté à ce sujet, c'est ça ?
36:18 C'est ça. Muriel Marlon-Militello en 2004 avait proposé la première proposition de loi d'abolition de la corrida.
36:27 Selon vous, est-ce que la fin de la corrida en France est proche ?
36:32 Écoutez, on voit tous les jours, malgré ce que disent les organisateurs de corrida,
36:38 moi j'ai tous les chiffres, Nîmes c'est un baromètre.
36:41 Donc on est revenu au chiffre de 2019, avant le Covid, et depuis 2013,
36:48 en 2013 il y avait 9 corrida pour la féria de Nîmes, la féria de Pentecôte.
36:53 Maintenant il n'y en a plus que 5. Eh bien cette année il y en aura toujours 5.
36:56 Donc si les chiffres sont si bons, je me demande bien pourquoi ils ne font pas davantage de corrida.
37:03 En 25 villes ont arrêté d'organiser des corrida parce que les spectateurs désertent les gradins, on le sait.
37:10 Et d'ailleurs on vient d'apprendre que l'UVTF, l'Union des îles Corrines Française de France,
37:15 essaye par tous les moyens de faire venir les jeunes aux corrida,
37:19 parce que les jeunes ont autre chose à faire et ils ne veulent plus y aller,
37:21 en proposant des places gratuites, en sortant un livre pour aimer la corrida ou comprendre la corrida.
37:29 Ils ne savent vraiment plus quoi faire pour attirer les jeunes sur les gradins.
37:33 Pour rebondir sur ce que dit Mme Starozynski, ces chiffres très bien.
37:38 En tout cas, ce qu'on a constaté, nous, et les photos en sont la preuve,
37:42 c'est que suite à la proposition de loi d'Emerick Caron, qui a fait beaucoup de bruit,
37:45 et qui a fait que les Torero tous plus honnêtes, intelligents,
37:52 les uns que les autres soient venus sur les plateaux télé,
37:55 les Français ont pu découvrir les Torero de leur pays,
37:59 suite à tout cela, les arènes, c'est vrai, la saison passée, étaient pleines.
38:04 Il y avait un monde hallucinant, une joie incroyable, une effervescence.
38:10 Des petites arènes qui d'habitude sont assez désertes étaient pleines.
38:15 Donc on espère que cet été ce sera la même chose.
38:17 Ça commence dans quelques semaines, les premières corridas.
38:20 Et puis voilà, les grands médias, les grands journaux,
38:25 depuis ça, ont permis de faire des articles défendant la corrida.
38:33 Il y a eu vraiment quelque chose de nouveau.
38:35 Et puis là, moi je suis très content que Fayard, un grand éditeur national,
38:39 ça faisait longtemps que c'était pas le cas, a publié une ode à la corrida.
38:44 Comme c'est le cas, donc je pense qu'on va vers...
38:47 On a connu la saison passée un regain de ferveur dans les arènes,
38:50 et je pense que cela peut continuer.
38:53 En tout cas, 75% des Français souhaitent l'interdiction de la corrida.
38:57 C'est tard, effectivement, que vous rapprochez du jazz, Yanis,
39:02 et Zia dit "alors quel est le lien entre swing et duende ?"
39:06 Réponse dans un instant sur Sud Radio.
39:09 Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
39:14 * Extrait de "Swing" de Yanis Varoufakis *
39:41 Et oui, le solo jouissif du saxophoniste Johnny Griffin, Yanis et Zia dit.
39:47 Vous évoquez ce morceau dans votre livre "Minotaur voyage au cœur de la corrida" par Uche Fayard.
39:51 Dans un chapitre, vous parlez d'un sujet très intéressant,
39:54 des points communs entre le jazz et la corrida.
39:57 Et un grand maître du jazz, Daniel Humer, ou Hummer, je ne sais pas comment on dit.
40:02 Vous a éclairé sur ce sujet, que vous a-t-il révélé ?
40:06 Daniel Humer est un immense musicien qui a accompagné tout le monde,
40:08 Sonja Rollins, Ziggy Gillespie et Daniel Humer, j'ai interrogé,
40:12 parce que c'est vrai qu'en écoutant ce solo de Johnny Griffin,
40:17 à un moment, au comble du swing de son solo, j'étais seul chez moi
40:21 et j'ai lâché un "Rollé" comme... mais vraiment instinctivement.
40:27 Et parce qu'il y a cette chose dans le jazz, à un moment, qui nous dépasse,
40:32 qui est le swing, qui est une espèce de trance.
40:35 Et il y a cela dans la corrida aussi, c'est-à-dire qu'à un moment,
40:38 il y a ce qu'on appelle le "duende", où il y a une espèce de grâce et d'évidence
40:44 qui semblent descendre du ciel, comme il y a dans le swing.
40:47 C'est pour ça que je consacre un chapitre au lien que je fais
40:51 entre le swing et le duende sur la corrida.
40:54 Michel Maffesoli, André.
40:56 Il ne faut pas oublier que quand il parle de son swing,
40:59 vous êtes en train de boire un rhum et de fumer un cigare.
41:04 Je me souviens. Toutes choses qui ne sont pas bonnes.
41:08 Mais en gros, c'est bien de faire des choses qui ne sont pas bonnes.
41:13 Et que de mon point de vue, cet espèce de moralisme ambiant,
41:17 ennuyeux et dangereux, c'est ça la septiabilité sociale,
41:21 est en train de s'achever. C'est ça la modernité, c'est le modèle anglo-saxon.
41:25 Pour moi, il y a un retour de la latinité. La latinité, c'est le tragique.
41:29 Le drame, il y a une solution.
41:32 On arrivera à régler tout ça, toute chose.
41:34 Alors que le tragique, le tragos, la trachiartère,
41:37 par rapport aux veines où le sang coule tranquillement,
41:41 montre qu'il n'y a pas de solution.
41:43 C'est ça, vivre sa mort de tous les jours.
41:45 Et il y a, dans le sens symbolique du terme, un apprentissage.
41:49 Apprentissage, ça veut dire qu'il y a des épreuves.
41:52 Ça veut dire qu'il y a du symbole, si vous voulez, qui est dur à faire.
41:54 Mais en même temps, cet apprentissage, je le répète,
41:57 de la finitude, pour chacun d'entre nous.
42:01 Pour moi, c'est le passage de ce drame moraliste,
42:04 dangereux, de mon point de vue,
42:06 au tragique qui est en train de renaître.
42:08 - Moi, je crois, en vous écoutant,
42:10 je ne veux pas faire du tout les jugements de Salomon,
42:12 je crois qu'on s'opposera toujours
42:14 les moralistes, ou les partisans de la morale,
42:17 et après tout, c'est très légitime,
42:19 et les partisans que vous êtes de l'esthétique.
42:22 Parce que c'est ça, le vrai problème.
42:24 Et quand vous parlez du jazz,
42:26 moi, je sais que quand je lis un certain nombre d'écrivains,
42:29 notamment, peut-être, je ne sais pas,
42:32 je pense à des très grands écrivains,
42:35 à un moment donné, je fais aussi "Olé !"
42:37 Quand vous lisez 10 lignes extraordinaires de quelqu'un,
42:40 "Olé !" C'est vrai.
42:42 Et voilà. Donc, entre la morale et l'esthétique,
42:46 effectivement, ce sera toujours,
42:49 ce sera comme le jazz et la java,
42:51 il y a de l'eau dans le gaz, entre le jazz et la java.
42:53 - Claire Starozanski,
42:55 un dernier mot avant de conclure cette émission.
42:57 Il nous reste 20 secondes.
43:00 - Écoutez, moi, je ne suis pas quelqu'un de moraliste.
43:03 Justement, les gens qui me connaissent
43:05 savent que je suis toujours prompte à la déconnade.
43:08 Parce qu'ici, chez nous, dans le Midi,
43:10 moi, j'habite à Nîmes, donc... - J'espère, j'espère.
43:13 - On rigole, et moi, j'aime bien la fête,
43:16 j'aime bien tout ça, mais pas au détriment des autres,
43:20 et pas au détriment non plus des amis,
43:22 jamais au détriment de qui que ce soit.
43:25 Vous savez, on les connaît, ces gens qui, par exemple,
43:27 se disent une saloperie, et tout d'un coup, ils vous disent
43:29 "Bah non, ne fais pas la gueule, c'était pour rigoler."
43:32 C'est toujours cette espèce de petite humiliation.
43:35 Et ça, c'est pas la morale, ça.
43:37 C'est simplement savoir vivre et avoir des gens en face de soi,
43:41 et être en empathie avec eux,
43:44 et les comprendre, et les aimer aussi.
43:47 - Merci à vous tous d'être venus sur Sud Radio.
43:49 Michel Maffezoli, je rappelle que votre livre
43:51 "Essai sur la violence" est publié au CERF,
43:53 y a Nice, et y a Dive, votre ouvrage
43:55 "Minotaur, voyage au cœur de la corrida"
43:57 vient de sortir chez Fayard.
43:59 Lisez ce livre, qui est vraiment très intéressant,
44:01 et qui vraiment, c'est une...
44:03 Vous avez une très belle plume, Yannis,
44:05 je tenais quand même à le souligner,
44:07 même si je suis quand même très partagée
44:09 sur ce sujet de la corrida.
44:11 - Heureusement ! - Tout de suite, vous retrouvez
44:13 Brigitte Lahaye sur Sud Radio.

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