• il y a 10 mois
Céline Alonzo et André Bercoff reçoivent l'écrivain algérien Boualem Sansal pour la publication de son nouveau roman "Vivre. Le compte à rebours" publié chez Gallimard.

Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2024-01-12##

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News
Transcription
00:00 [Générique]
00:02 Sud Radio, la culture dans tous ses états. André Bercoff, Céline Alonso.
00:06 [Générique]
00:27 Céline Alonso, c'est quoi ça ? C'est "Ainsi parlait Zarathoustra" de Richard Strauss.
00:32 Et 2001, l'Odyssée de l'espace. André Bercoff, le chef d'oeuvre spatial de Stanley Kubrick.
00:38 Et bien aujourd'hui, sur Sud Radio, c'est d'une grande aventure cosmique dont nous allons parler
00:42 avec le très grand écrivain algérien Boëlem Sansel qui publie un nouveau roman d'anticipation.
00:48 André Bercoff.
00:49 Oui, ce n'est pas sansel, ce n'est la cuisine sansel, Boëlem Sansal.
00:53 [Rires]
00:57 Non, d'abord on est très heureux d'accueillir Boëlem Sansal qui est un grand écrivain,
01:02 mais qui est un écrivain courageux, qui est un écrivain qui dit les choses.
01:06 Et c'est très très important, vous savez, dans un univers où beaucoup de gens se couchent,
01:14 lui c'est un écrivain debout et il dit les choses.
01:18 C'est une des voix majeures de la littérature contemporaine, c'est vrai.
01:21 Et moi je dois dire que, pour qu'on parle pas de soi, le premier livre que j'avais lu de lui,
01:27 c'est "Le village d'Allemands" en 2008, je me rappelle, j'avais été bouleversé par ce...
01:32 Et je dis aux éditeurs d'ailleurs, lisez les livres de Boëlem Sansal, lisez,
01:38 pour ceux qui n'ont pas lu "Le village d'Allemands", formidable, "La rue d'Harwin",
01:42 "Le serment des barbares" évidemment, voilà, il a fait beaucoup de choses et il continue à faire beaucoup de choses.
01:48 Et aujourd'hui il sort un livre qui s'appelle tout simplement "Vivre".
01:53 Et "Vivre", ce n'est pas le mot d'ordre de chacun d'entre nous, mais vous allez voir,
01:58 c'est un vivre très très très très spécial, Céline.
02:02 - Et oui, dans ce nouveau roman de Boëlem Sansal, on retrouve vraiment sa verve caustique et goyeuse, André Bercoff.
02:09 Il sera avec nous dans un instant sur Sud Radio pour en parler, et bien entendu on parlera aussi
02:14 de ce qui se passe actuellement au Proche-Orient et du radicalisme religieux qui menace nos démocraties.
02:20 A tout de suite sur Sud Radio.
02:22 [Musique]
02:47 - Vous aurez sans doute reconnu "Rencontre du troisième type" de Steven Spielberg.
02:52 André Bercoff, si un extraterrestre entrait en contact avec vous pour vous dire que la fin du monde approche
02:57 et qu'il vous incombe André, de sauver des personnes, qui choisiriez-vous André ?
03:03 - De sauver ? - Oui. - Moi-même. Et puis quelques personnes comme ça éventuellement, hein Boëlem ?
03:08 - Commencer par soi-même et puis les copains, les copains. - Les copains, voilà absolument.
03:12 - Exactement. Et bien ce dilemme, les héros de votre nouveau roman, Boëlem Sansalle, qui s'intitule donc "Vivre",
03:19 ils sont confrontés, bonjour à vous et merci d'être avec nous, sur Sud Radio jusqu'à 14h.
03:25 Alors le personnage central de votre livre s'appelle Paolo, il fait partie des rares humains, les appelés,
03:31 donc choisis par une puissance mystérieuse pour recevoir et diffuser un message terrible.
03:36 Dans 780 jours, la présence des hommes sur Terre prendra fin. Une minorité d'élus sera alors sauvée et conduite sur une autre planète
03:44 que vous appelez Terre-Neuve. Alors dites-nous, qui sont ces appelés, pourquoi et de quelle façon ont-ils été choisis ?
03:53 - Alors d'abord il faut... Ce que je raconte dans ce roman, c'est de la vieille histoire.
03:58 Depuis toujours, le monde vit sur cette idée de la fin du monde, venant de Dieu ou de je ne sais quoi,
04:09 et puis qui déclenche des processus d'imagination. On imagine des secours qui viendraient soit des magiciens,
04:18 soit des dictateurs, des leaders maximaux, bien-aimés, qui vont solucionner les problèmes de l'humanité,
04:26 soit de divinités qu'on invente. Alors on a été chercher des sauveurs partout, sauf dans la science.
04:33 Or, nous, moi je pense, j'ai l'intime conviction que notre condition terrestre est finie, que nous sommes en train de devenir des extraterrestres.
04:44 Nous avons maintenant une nouvelle connaissance de l'univers. La cosmologie a fait ces dernières années des progrès considérables.
04:53 Maintenant, on commence à voir la structure de l'espace, c'est terrifiant, c'est très étonnant et très riche.
04:59 On découvre des exoplanètes qui ressemblent maintenant à la Terre, où il est possible d'aller y vivre.
05:07 Et puis les dernières découvertes, là, qui ouvrent... Ce n'est pas des portes, mais des portails.
05:13 La physique quantique, l'intelligence artificielle, l'ordinateur quantique.
05:17 Et bientôt, on va se trouver avec des instruments méthodologiques scientifiques extraordinaires.
05:24 Les ordinateurs que nous utilisons aujourd'hui sont infiniment plus cultivés que nous, ils savent tout.
05:30 A travers Wikipédia et tout ça, ils savent tout. Ils sont des milliards de fois plus rapides que nous, et bientôt des milliards de fois plus intelligents que nous.
05:40 - Ah, vous croyez ? - Oui. - Vous croyez que l'intelligence artificielle, Boilem, sera plus forte que l'intelligence humaine ?
05:47 - Elle est déjà beaucoup plus forte. Elle résout des problèmes que nous, on ne sait même pas les lire.
05:52 - Comment les lire ? - Ils sont tellement compliqués.
05:54 Et maintenant, on est rentré dans un processus comme ça, exponentiel. Dans très peu d'années, on va disposer de logiciels, d'intelligence.
06:03 Déjà, par exemple, les éditeurs commencent à s'inquiéter parce que l'ordinateur quantique va bientôt pouvoir écrire des romans qu'aucun humain ne peut égaler.
06:13 - Ah oui, pas seulement le chat JP2 et compagnie. - Ah oui, mon cher Robert Koch, vous allez bientôt inviter ici des ordinateurs quantiques pour parler de leurs romans.
06:24 - Alors, dans votre roman, Boilem Saint-Sal, une entité extraterrestre a décidé de sauver l'humanité.
06:30 Et elle a décidé de confier à ceux que vous appelez les appelés une mission ultra délicate, faire le tri de l'humanité et choisir, je vous cite,
06:41 "des êtres dignes de confiance qui pourront participer à la fondation d'une humanité nouvelle".
06:47 Elle leur fait peser une sacrée responsabilité morale sur leurs épaules quand même à ces appels.
06:53 - Il en a toujours été ainsi. Les prophètes ont choisi qui ils voulaient. Dieu a choisi qui il voulait. Il a choisi Abraham, il a choisi Moïse, etc.
07:04 Et puis eux-mêmes, ensuite, choisissent les copains d'abord. Eux-mêmes et les copains d'abord. Et puis ensuite, tous ceux qui peuvent les servir.
07:16 Donc ils font un schéma de ce que devrait être la nouvelle vie, la nouvelle humanité.
07:23 Donc ils composent leur soupe un peu de ceci, un peu de noir, un peu de blanc, parce qu'il faut préserver peut-être les structures sociales.
07:31 - La diversité. - Ils font leur dosage, leur cuisine.
07:35 Et là, toujours, la divinité qui intervient dans ce processus annonce qu'elle ne peut pas sauver tout le monde.
07:46 - Eh oui, c'est ça. - L'âge des Noés ne pouvait contenir qu'un certain nombre de...
07:51 - L'âge des Noés, ça contenait un nombre très limité. - Très limité. Et là aussi, l'entité dit qu'elle peut sauver 4 milliards d'habitants, pas plus, alors que nous sommes déjà 8.
08:03 Donc, problème moral de la sélection.
08:07 - Eh oui, parce que certains appelés disent effectivement "on nous accusera peut-être de crimes contre l'humanité et de génocide pour ceux que nous laisserons sur Terre", dit l'un d'entre eux.
08:17 Cette opération "Arche de Noé", elle est complexe pour eux quand même.
08:22 - Oui, oui, oui. Imaginez, je ne sais pas, en tant que mère de famille, vous avez trois enfants et puis on vous dit "vous pourrez en sauver un seul".
08:32 Imaginez le drame que ça va être, c'est vraiment dramatique.
08:37 - C'est le choix de Sophie de William Shirel. - Le choix terrible.
08:40 Et puis est-ce que ceux qui vont être sauvés, est-ce qu'ils pourront vivre avec cette infamie ?
08:47 On a été choisi, mais pourquoi ? D'où la naissance du wookieisme aujourd'hui.
08:50 C'est des gens qui disent "nous on est riches, on a tout, notre richesse, notre bonheur s'est construit sur l'exploitation des Africains, des trucs,
08:59 et il faudrait aujourd'hui la restituer un peu d'eux".
09:03 Mais enfin la démarche, il ne fallait pas voler quoi, maintenant que c'est fait.
09:09 - Justement sur ce sujet du wookieisme et de l'écriture inclusive, de l'éducation nationale aussi,
09:15 il y a quelques pages féroces et remplies d'humour.
09:18 Comment ça se passera sur cette Terre neuve ? Quand sera-t-il ?
09:23 - Alors je pense que les humains sont en train de sortir des narratifs que nous avons construits depuis,
09:33 des narratifs religieux, magiques, etc.
09:38 Et nous allons rentrer dans des narratifs qui vont tout emprunter à la science.
09:44 Ce que serait la science dans 10 000 ans, dans 20 000 ans.
09:48 On fait des projections.
09:50 Donc là, on est dans la deuxième partie du roman, on est à un milliard et demi d'années d'aujourd'hui.
09:59 Et donc il a fallu construire des schémas scientifiques très compliqués.
10:05 On en a déjà une idée, parce qu'aujourd'hui la physique quantique nous dit déjà,
10:11 et elle le démontre assez, le temps n'existe pas, l'espace n'existe pas, la matière n'existe pas,
10:17 et même l'énergie, on l'est censé, on l'était...
10:21 À un moment donné on croyait que tout ça se réduisait.
10:25 Le temps est une énergie, l'espace est une énergie, la matière est une énergie.
10:29 On découvre même aujourd'hui que l'énergie n'existe pas.
10:32 - Peut-être qu'on va un peu vite en besogne, non ?
10:35 - Voilà, oui, mais la nouveauté c'est que grâce maintenant aux accélérateurs de particules,
10:40 on fait des expériences qui le montrent.
10:44 Là où il y a de la matière, il y a de l'antimatière.
10:47 Là où il y a de l'énergie, il y a de l'anti-énergie.
10:51 Et qu'on ne peut pas rassembler parce que "essa nil ré".
10:56 Matière + antimatière = 0 en l'occurrence.
11:03 Bon, j'ai mis ça tout à fait à la fin parce qu'il faut avoir quelques connaissances.
11:08 - La question que je vous pose, vous avez souvent parlé de choses d'aujourd'hui,
11:12 vous êtes arrivé effectivement d'aller vers la science-fiction ou la quantique-fiction.
11:17 Qu'est-ce qui vous a pris là, par exemple, M. Sansal, de dire
11:21 "je ne vais pas parler de ce qui se passe en ce moment, de l'état du monde,
11:25 je vais parler de ce qui va se passer dans un milliard d'années ou plus, etc."
11:30 et ce que c'est de dire, parce que derrière, on sent d'ailleurs dans votre livre,
11:35 en disant "le monde tel qu'il va, ça suffit comme ça,
11:38 peut-être qu'il faut vraiment, vraiment commencer à faire le ménage".
11:41 Est-ce que c'est ça qui vous a motivé ?
11:43 - Oui, tout à fait. C'est une question de pédagogie.
11:45 Si on veut sortir de nos problèmes, alors où on essaie de les résoudre ?
11:49 Et apparemment on ne peut pas. On ne sait pas, on est 8 milliards, c'est trop compliqué.
11:54 Les conducteurs d'hommes, il n'y en a plus.
11:57 On n'a plus d'hommes d'État, on a perdu l'art de gouverner, des empires, des choses compliquées.
12:04 Et donc il vaut mieux se projeter dans le futur, comme ça on oublie.
12:12 - Le présent ?
12:13 - Oui, plutôt que de chercher à le régler, on en sort, c'est mieux.
12:16 - Mais c'est pas une évasion, ça, quelque part ? On s'évade ?
12:20 - Oui, il y a ce côté-là. On ne peut pas résoudre les problèmes, mais oublions-les.
12:26 - Ouais, d'accord.
12:27 - Oublions-les et puis rentrons dans ce nouvel paradigme qui nous offre des moyens,
12:38 plutôt que de résoudre les problèmes, inventons de nouvelles situations où ces choses-là n'existent pas.
12:45 - Mais ce qui est intéressant, moi, à l'aime sans salle, c'est qu'en même temps là,
12:48 votre humanité, là, qu'il faut choisir, que les hommes peuvent choisir,
12:52 il y a tout, il y a les wokistes, les islamistes, les sionistes, les ceux-ci, les ceux-là,
12:59 c'est notre humanité à nous, ça. C'est la nôtre.
13:02 - Oui, et juste...
13:03 - Alors donc, vous puisez dans l'humanité telle qu'on la vit aujourd'hui.
13:07 - Oui, bien sûr, on part de l'existant.
13:09 - C'est ça, on part de l'existant.
13:11 - Il part juissant et puis en plus il est tellement compliqué qu'on ne sait pas,
13:16 parce que nous, quand on dit "l'autre est l'ennemi", lui il dit la même chose de nous.
13:20 C'est mon ennemi, le premier.
13:23 Moi j'étais étonné, en Algérie, quand l'islamisme est arrivé,
13:27 que l'islam s'est radicalisé et tout ça,
13:29 ils nous traitaient de...
13:32 enfin, ils nous accusaient d'impiété de deux,
13:35 et nous on les accusait de fous.
13:37 - Et oui, bien sûr.
13:38 - Donc on est dans des...
13:40 et si tous les deux on s'accuse, qui va rendre justice ?
13:43 - C'est tout le problème.
13:44 - C'est tout le problème.
13:45 - Alors donc ce sont les appelés qui sont appelés à rendre justice, là.
13:47 - Oui, voilà.
13:48 - C'est ça.
13:49 - En sélectionnant ceux qui sont les moins nocifs,
13:54 les moins nocifs, ou les plus intelligents,
13:58 ou qui ont des dispositions mentales à se projeter dans l'avenir,
14:03 c'est pas évident.
14:04 Les enfants le font naturellement.
14:06 Ils apprennent une langue en trois mois,
14:08 ils apprennent à vivre en quinze jours,
14:10 à marcher en une semaine ou deux.
14:13 Et si on pouvait récupérer cette aptitude chez les adultes,
14:17 ce serait formidable.
14:19 - Cette formidable énergie, oui, qui est là.
14:21 - On leur prendrait une nouvelle langue en trois, quatre jours.
14:24 - Et dans ce nouveau monde que vous imaginez dans ce roman,
14:28 l'un de vos appelés, l'un des appelés,
14:31 imagine un monde, parce que ça leur pose des problèmes de conscience,
14:36 le choix par rapport aux différentes religions.
14:40 Ils imaginent un monde sans religion, sans fanatisme.
14:44 Vous dites même que le nombre d'élus musulmans va être réduit.
14:48 - Oh, je...
14:50 - Non mais pas seulement, je voudrais lire, Céline,
14:53 c'est très intéressant, Paolo, l'un de vos héros,
14:57 enfin, je sais le héros,
14:59 mais c'est très intéressant parce que vous dites ceci,
15:02 et là on voit les tendances, les tendances,
15:06 allez, les tendances World Forum, les tendances Klaus Wabbs
15:09 et Bill Gates de Boilem Sansal.
15:11 Si je m'écoutais, j'ordonnerais la mise à mort
15:14 d'un bon quart de la population mondiale.
15:17 Je mettrais dans la charrette, très intéressant ce passage,
15:20 je mettrais dans la charrette les dictateurs, les assassins,
15:24 les marchandarmes, les cambrioleurs et les squatteurs des maisons de pauvres,
15:28 les riches qui ne payent pas leurs impôts et leurs complices de l'administration,
15:32 les oligarques et leurs péguis à fourrure,
15:35 les princes héritiers à scandale,
15:37 les pollueurs de rivières et des nappes phréatiques,
15:40 les pédophiles, les terroristes, les islamistes, les djihadistes, les wokistes,
15:45 les gauchistes détournants de peuples et violents de conscience,
15:48 les artistes qui font des yeux de velours aux monarques de la semaine
15:51 alors qu'ils se doivent aux peuples qui les enrichissent
15:54 en consommant leurs navets par patriotisme débile,
15:57 les philosophes en casques et galons dorés
16:00 qui murmurent à l'oreille des broitelés en mal de grandeur.
16:03 Mais vous découvrez complètement notre société là.
16:06 Tout le monde y passe là.
16:08 – Il a la haine vorace, dites-vous, votre héros.
16:12 – C'est un peu la réalité.
16:14 Il y a des degrés, il y a wokistes et wokistes,
16:17 il y a des wokistes gentils, on peut peut-être les redresser,
16:21 les ramener à…
16:24 Mais sinon oui, les leaders de ces gens,
16:27 surtout, il y a aussi des dictateurs éclairés,
16:30 on pourrait peut-être les garder ceux-là.
16:32 – Les despotes éclairés.
16:33 – Les despotes éclairés.
16:34 C'est toujours compliqué, quand on tient une réalité,
16:39 il y en a une autre derrière.
16:41 Donc il faut aussi ouvrir la porte suivante pour voir.
16:45 Les dictateurs sanguineurs comme on en a en Algérie,
16:48 on n'a connu que ça, je pense qu'il n'y a pas à discuter.
16:51 – On les élimine.
16:53 Ce qui est intéressant, c'est que les intellectuels,
16:57 les artistes, les oligarques, vous parlez de toute nos sociétés.
17:00 – Oui parce que…
17:01 – Je parle des gens qui dirigent.
17:04 – Mais parce qu'eux, ils ont une fonction sociale.
17:06 Un artiste, un journaliste, ils ont une fonction sociale,
17:10 qui est aussi de participer à l'éducation,
17:13 éclairer les consciences et aider.
17:16 Ils ne font pas ça, ils rentrent dans la cour du roi,
17:20 ils deviennent des courtisans misérables, pourquoi ?
17:23 Pour trois sous, pour manger à la table du prince,
17:26 tous les six mois, et ils oublient leur fonction sociale.
17:30 Moi par exemple, j'ai eu souvent à reprocher aux intellectuels
17:34 de nos pays, algériens, tout ça, qui vivent en France.
17:38 Vous êtes arrivé, maintenant vous vivez dans un pays riche, démocratique,
17:44 vous avez maintenant tout ce dont vous avez rêvé quand vous étiez en Algérie,
17:49 le confort, la maison chauffée, les transports qui fonctionnent bien, etc.
17:53 Mais essayez de rendre quand même, un peu d'abord au pays qui vous a accueilli,
17:58 déjà en étant respectueux de ses lois et de ses coutumes,
18:02 et s'ils pouvaient en plus, de temps en temps, retourner à votre pays,
18:05 amener un peu de lumière, on n'en serait pas là.
18:08 Et s'ils se mettent au service de leur petit ego,
18:12 ça c'est effrayant, les gens qui abandonnent leur fonction sociale.
18:17 - Oui, alors il y a un détail qui m'a frappé dans votre roman,
18:22 c'est que le pape fait partie des appelés.
18:25 - Le pape ?
18:27 - Le pape fait partie des appelés.
18:29 - Oui, parce que, je raconte des histoires en Italie,
18:37 parce que les appelés et les élus,
18:42 ils savent qu'ils vont partir dans une autre étoile,
18:45 mais ils veulent aussi emporter avec eux ce qui les a fait.
18:49 Il y a ce conseiller municipal qui va voler la vierge
18:56 et ils amènent un peu de leur religion.
19:02 Et puis on lui demande de restituer,
19:06 parce qu'on ne le croit pas quand il dit,
19:09 quand il parle de cette fusée qui va venir la chercher,
19:12 on ne le croit pas, on pense qu'il les faut,
19:13 on lui dit "il faut restituer, comment la vierge ?"
19:15 Et lui, il a été l'acclaché sous le lit du pape.
19:18 Mais qui va fouiller la chambre du pape ?
19:21 Alors que finalement, le pape fait partie de...
19:24 Alors que c'est un grand wauquiste.
19:27 - Oui, c'est ça.
19:28 Le pape wauquiste, mais vous le rattrapez quand même.
19:31 - Je pense qu'on peut le rattraper.
19:35 - En tout cas, comment cette aventure mystico-spéciale
19:40 va-t-elle se terminer, Boalhelm Saint-Sal,
19:42 sur un apien de glamour avec l'entité,
19:45 sur un vaisseau Star Trek ou dans l'asile des fous,
19:47 avec les chevaliers de la table ronde à la sauce anglaise ?
19:50 Écrivez-vous.
19:51 - On se retrouve dans un instant sur Sud Radio
19:54 et vous nous répondrez à cette question.
19:56 Comment cette aventure se termine ?
19:58 À tout de suite.
20:00 - Sud Radio, la culture dans tous ses états.
20:02 André Bercoff, Céline Alonso.
20:04 - "E.T. Fall Home".
20:23 - Exactement, le film de Steven Spielberg,
20:26 "Boalhelm Saint-Sal, les extraterrestres,
20:29 existent-ils, sommes-nous seuls sur Terre ?"
20:32 C'est probablement l'une des questions les plus profondes
20:36 qui se posent encore aujourd'hui à l'humanité.
20:40 Qu'est-ce que vous en pensez ?
20:42 - Sur l'existence des extraterrestres ?
20:44 - Oui.
20:45 - Mais on ne peut pas imaginer
20:48 que nous sommes les seuls vivants dans cet univers.
20:51 Ce n'est pas possible.
20:52 A priori, oui, il existe des extraterrestres.
20:56 Mais si les extraterrestres existent,
20:58 nous sommes des extraterrestres.
21:00 - Oui, nous en partions.
21:02 - Pourquoi nous nous appelons terrestres ?
21:04 C'est parce que nous habitons une planète
21:06 que nous avons nommée Terre.
21:08 On aurait pu l'appeler Mars et on serait des martiens.
21:11 - Vous pensez que nous sommes des extraterrestres nous-mêmes ?
21:15 - Mais oui.
21:16 - Mais où sont nos vaisseaux intergalactiques, Boalhelm ?
21:20 - Nous avons presque la preuve que nous venons de l'univers.
21:24 On arrive à cap...
21:27 Il y a des...
21:29 On a observé dans l'espace l'existence de molécules très complexes.
21:35 Donc il y a de la vie qui circule dans l'espace
21:39 sous forme de molécules, d'amas de molécules
21:43 et peut-être d'organismes complètement constitués.
21:47 Et c'est comme ça que l'humanité s'est faite.
21:50 Sinon, à moins d'accepter l'explication religieuse...
21:55 Dieu a pris de la glaise,
21:57 il nous a fabriqués avec de la glaise...
22:01 - Vous dites en fait que si on n'a pas l'explication religieuse,
22:05 on peut dire qu'on est fait de corpuscules
22:07 qui ont circulé dans l'univers
22:09 et qui sont concentrés sur une planète qui s'appelle Terre.
22:12 - Pas seulement, sur toutes les planètes.
22:15 Dans les planètes qui ressemblent à la Terre,
22:18 je pense que les habitants nous ressembleraient.
22:21 Mais dans des planètes différentes...
22:24 Par exemple, toute la vie terrestre est basée sur le carbone.
22:28 Les molécules de carbone, la Terre elle-même...
22:31 - L'hydrogène, l'oxygène...
22:33 - Tout, on est des êtres carbonés.
22:37 Mais on sait maintenant aussi...
22:40 Je ne dirais pas construire, mais on voit bien le processus.
22:44 Imaginez des planètes où on est construit
22:47 à partir d'un atome très proche du carbone,
22:50 c'est le silicium.
22:52 Donc il y aurait des habitants
22:55 qui ne seraient pas du tout faits comme nous...
22:57 - Qui fonctionneraient au silicium.
22:59 - Qui sont construits à partir des chaînes de silicium
23:05 agglomérées, comme nous.
23:08 Nous sommes des composants d'atomes de carbone
23:12 qui ont capté un peu d'oxygène par-ci,
23:15 un peu d'hydrogène par-là, un peu d'arsenic...
23:19 Et ça a fait de...
23:21 - Mais personne n'en a vu encore, on ne sait pas.
23:24 C'est possible, mais...
23:26 - On le sait.
23:28 - Comment on le sait ?
23:30 - Il y a déjà très longtemps qu'on a fabriqué,
23:33 on a reconstitué ce qu'on appelle la soupe primitive.
23:37 Donc on a pris de l'eau dans un bocal, on va dire,
23:43 pour simplifier, on a mis du carbone,
23:47 des choses comme ça,
23:49 3 gouttes de ceci, 4 gouttes de cela,
23:52 et on a soumis ça à des pressions,
23:55 la pression atmosphérique,
23:57 et avec des bombardements,
24:00 parce que la Terre est bombardée
24:02 par des rayonnements cosmiques, gamma, rayon X, etc.
24:09 Et on a attendu.
24:11 Et puis on a vu se fabriquer des êtres vivants.
24:15 Au début, c'était des filaments, des trucs,
24:18 des chaînes carbonées se sont constituées, agglomérées.
24:22 Si on poursuit, si on pouvait poursuivre cette expérience
24:26 sur 1 ou 2 millions d'années,
24:28 on verrait apparaître une vie autonome.
24:30 Ça on le sait le faire depuis très longtemps.
24:32 - Oui, sauf qu'on ne l'a pas encore vue.
24:34 Il faudrait 1 million d'années, quoi.
24:36 - Voilà, c'est que...
24:38 - Alors dans votre livre, vous évoquez à plusieurs reprises
24:41 les raëliens,
24:43 qu'ils auraient été instruits par des extraterrestres
24:46 pour porter un message d'amour, de paix et de tolérance
24:49 à l'humanité, et une promesse de sauvetage, écrivez-vous.
24:53 Quel est votre point de vue sur leur théorie ?
24:56 - Ben, il y a des...
24:58 Vous savez, c'est simple.
25:00 Qui explique le monde a le pouvoir sur le monde.
25:04 Alors, les religieux sont arrivés avec un narratif,
25:08 les gens y ont cru, ils ont été captés par ce narratif,
25:11 et la religion a dominé et a gouverné pendant des siècles.
25:15 - Elle continue d'ailleurs. - Elle continue.
25:17 - En tout cas en partie, oui.
25:19 - Ensuite, bon, ça a été quelque chose de nouveau
25:22 qui n'a jamais existé, c'est la politique.
25:25 Donc voilà aussi des gens qui savent gouverner les peuples.
25:30 - L'idéologie. - L'idéologie.
25:33 Ils ont gouverné, et ainsi de suite.
25:37 Ensuite, bon, on a inventé des tas de...
25:41 Alors, les sectes...
25:43 Une religion, c'est quoi ? C'est une secte qui a réussi.
25:46 - Tout à fait. - Qui a imposé son...
25:48 Mais il y a plein de petites sectes qui se débattent
25:50 depuis des siècles et des siècles.
25:52 Pour les témoins de Joua, par exemple,
25:56 curieusement, les gens ne savent pas que l'un des premiers pays
26:01 non européens, non chrétiens, convertis par les témoins de Joua,
26:05 c'est l'Algérie.
26:07 En 1962, l'indépendance arrive,
26:10 débarquent ce qu'on a appelé les "Pieds Rouges",
26:13 donc c'est les socialistes qui participaient à la...
26:16 - Tous les gauchistes qui venaient faire la révolution.
26:18 - Tous les gauchistes qui venaient participer à la révolution algérienne.
26:20 Et puis les "Pieds Verts", c'était les islamistes qui venaient.
26:24 - Bien sûr.
26:26 - Et puis, on ne leur a pas donné des noms,
26:28 mais les évangélistes et les témoins de Joua...
26:31 - Sont venus à l'Algérie à ce moment-là.
26:33 - Ah oui. Et en l'espace, comme on avait opté pour le socialisme,
26:38 on a donc les "Pieds Verts", donc les islamistes, on les a...
26:44 - Oui, mis de côté.
26:46 - Mis de côté, mais en très peu de temps,
26:50 d'une proportion non négligeable d'Algériens,
26:54 sont devenus des évangélistes et des témoins de Joua.
26:57 Moi, j'ai un frère qui, à 14 ans, a été converti par les témoins de Joua.
27:04 Il est parti avec les témoins de Joua, il avait 14 ans.
27:09 Nous ne l'avons plus jamais revu, jusqu'à l'année passée,
27:12 il y a deux ans où il est mort.
27:14 Il est mort aux États-Unis, comme un grand chef.
27:17 - Mais il y en a eu beaucoup, comme ça ?
27:19 - Beaucoup, beaucoup. Et quand Boumediene a...
27:22 Parce que la première période de l'Algérie, Bembella, les Pieds Rouges,
27:26 c'était une période... ça chantait, ça dansait, c'était un peu l'auto-gestion.
27:31 - On créait l'homme nouveau, le nouveau grand.
27:33 - Exactement, les discours... tellement merveilleux, on y a tous cru.
27:37 Et puis Boumediene arrive, fait un coup d'état, il dit "la récréation est terminée".
27:41 Donc il chasse tout le monde. Les Pieds Noirs, allez retourner chez vous.
27:44 Les Israéliens aussi, il les a tous chassés.
27:50 Et les témoins de Joua, et les évangélistes, ils sont partis avec les Algériens.
27:56 Qui c'était, comme on a dit, mon frère faisait partie de la charrette.
27:59 On ne l'a plus jamais revu.
28:01 - Et pourquoi alors aujourd'hui, dans votre livre, vous parlez des rééliens, tout ça ?
28:05 Vous dites "ces gens-là feraient partie des appelés,
28:08 ces gens-là parce qu'ils sont, disent-ils, en contact avec les extraterrestres, etc.
28:13 - Chaque secte choisit son chemin.
28:17 Les témoins de Joua disent que les catholiques, les protestants ont mal lu la Bible.
28:23 - Oui, chacun dit ça.
28:26 - Les rééliens n'ont pas cherché des dieux, c'est les extraterrestres.
28:33 - Vous savez qu'il y a 30 ans, j'avais reçu Raël, j'avais une émission de télévision.
28:37 - Voilà, par exemple, Raël.
28:39 - Raël, je l'avais reçu.
28:41 Et alors c'était extraordinaire parce qu'autour de France 3 Strasbourg, c'était à Strasbourg,
28:45 les rééliens avaient fait une espèce de cercle et commençaient à danser pour faire courage Erico, quoi.
28:51 Pour faire léviter France 3 Strasbourg.
28:54 - Voilà, donc, les rééliens, mais il y a tellement de...
28:59 Bon, chacun, je sais pas, aux Etats-Unis, les Mormons, les Amish, chacun choisit sa...
29:06 - Mais moi, je sens ça, c'est pas en fait vivre, c'est quelque part une parabole.
29:11 En fait, vous tendez un miroir à l'autre monde pour dire "ça va pas comme ça",
29:15 il faut quand même changer la donne, parce que c'est ça qu'on ressent.
29:18 Le dessin tapé de la tablisserie du roman, c'est...
29:22 - C'est ça.
29:23 - On peut pas continuer comme ça.
29:24 - Ouais, on peut pas continuer comme ça.
29:26 Et puis ça devient très dangereux parce que chacun croit à ce qu'il veut,
29:30 bon, pourquoi pas, s'il est pacifique.
29:33 Mais tout devient violent, je veux dire, le capitalisme est devenu violent,
29:36 il ne tolère aucune autre démarche, les monétaristes ne croient qu'on a la monnaie,
29:41 les militaires ne croient qu'aux armes létales, les bombes atomiques,
29:46 on devient très dangereux les uns pour les autres.
29:49 Pourquoi ? Parce que, vous savez, moi je raconte tout le temps cette histoire-là,
29:53 on le vérifie, scientifiquement ça a été vérifié mille fois,
29:57 on prend un enclos, on met 50 poules,
30:00 on leur donne à manger, c'est automatique, les choses se remplissent automatiquement,
30:05 elles sont toutes tranquilles, tuc-tuc-tuc, elles sont là,
30:08 elles font leur petite... toute la journée.
30:10 - Elles mangent, ouais.
30:11 - On ajoute 10 poules, et on observe, et puis on voit des petits énervements,
30:16 et puis au bout d'un certain temps, elles se calment,
30:20 parce qu'elles ont intégré ces 10 qui arrivent, et ainsi de suite,
30:25 et on ajoute 10, et du coup elles s'énervent,
30:27 et elles ne retrouvent plus le calme, encore 10, et elles commencent à se battre.
30:31 - Ouais.
30:32 - Alors que la nourriture ne manque pas.
30:34 - C'est tout le problème de mettre trop de gens ensemble, quoi.
30:37 - On a... c'est ce qu'on appelle la masse critique, c'est comme dans la bombe atomique,
30:40 on met du plutot de thonium avec machin,
30:43 en dessous, voilà, c'est comme les iraniens, ils peuvent pas faire la bombe atomique,
30:48 on peut pas faire la bombe atomique avec un uranium enrichi à 60%,
30:54 il faut qu'il le soit à plus de 95%.
30:57 Et voilà, donc la dernière poule provoque la guerre totale.
31:02 Les poules s'entretuent, elles ne peuvent plus s'arrêter,
31:04 elles deviennent folles, quelque chose a changé dans leur... on en est là.
31:09 - Et oui, vous dites que, effectivement, le monde en est là,
31:13 et pourquoi, il faut dire, la fin du monde.
31:15 - Mais pourquoi les gens changent, changent,
31:17 ils en prennent conscience, il faut leur offrir quelque chose, quoi.
31:21 Abandonner tout ça, c'est pas payant.
31:23 - Rêvons à...
31:25 - Rêvons à une autre terre.
31:28 Vous aviez rêvé d'ailleurs à l'Abystin, c'est ça Céline ?
31:31 - L'Abystin, oui, c'était effectivement dans 2084,
31:35 la fin du monde, le roman pour lequel vous aviez effectivement reçu
31:39 le grand prix de l'Académie française en 2015,
31:41 mais là vous aviez effectivement imaginé un immense empire
31:45 fondé sur l'amnésie, la soumission totale au Dieu unique,
31:48 une dictature islamiste mondiale,
31:51 cette prophétie aujourd'hui, pensez-vous qu'elle peut vraiment se réaliser ?
31:55 - Ah, moi je suis absolument convaincu, je veux dire,
31:58 parce que là, on a ajouté la dernière poule,
32:01 elle est dans le poulet, elle est là,
32:04 bon, on est en plein guerre.
32:06 - C'est clair.
32:07 - L'islamisme fait la guerre au monde,
32:09 le monde se protège et donc cherche à détruire
32:12 la source de cette violence par différentes manières,
32:17 en mettant peut-être une baguette magique de la démocratie,
32:20 "poum, vous êtes démocrate",
32:22 et donc c'est fini,
32:24 ou on construit des mécanismes,
32:28 mais on est en plein dedans, ça, on est en plein dedans.
32:31 Et on voit que là où ils ont pu atteindre une certaine,
32:36 pas majorité, mais cette masse critique, c'est fini.
32:41 On ne peut plus revenir en arrière en Afghanistan,
32:44 on ne peut pas revenir en arrière en Iran,
32:47 on ne peut pas revenir en Algérie,
32:49 parce qu'on a mis la dernière poule.
32:51 C'est fini.
32:52 - Mais vous ne pensez pas par exemple,
32:54 non juste en Iran, Bolem sans salle,
32:56 pour prendre que l'exemple de l'Iran,
32:58 il y a quand même ces femmes admirables qui se battent, etc.
33:02 Vous pensez que c'est trop tard, que c'est joué ?
33:05 Il n'y a pas une possibilité de renversement d'un régime,
33:08 c'est arrivé dans l'histoire,
33:10 y compris les régimes apparemment les plus solides.
33:12 - Il faut, en ce moment, oui,
33:14 mais en ce moment, il faut accepter l'étape de l'affrontement.
33:19 - Ça, bien sûr.
33:21 - Voilà, si on agit de cette manière-là,
33:26 oui, on enlève le voile et des trucs,
33:29 puis de toute façon on est réprimé,
33:31 et ils perdent toujours.
33:33 Il faut se résoudre comme en 1789.
33:38 À un moment donné, il faut regarder un peu loin,
33:41 est-ce qu'on est prêts à aller jusqu'à là ?
33:43 - Oui, c'est toujours le problème.
33:45 Qu'est-ce qu'on est prêt à sacrifier ?
33:47 Est-ce qu'on n'est pas prêt à sacrifier ?
33:49 - Boalem Sassal, on va se retrouver dans un instant sur Sud Radio,
33:53 et nous allons poursuivre effectivement notre conversation
33:56 sur votre dernier roman, "Vivre".
33:59 À tout de suite.
34:01 - Sud Radio, la culture dans tous ses états.
34:04 André Bercoff, Céline Alonso.
34:06 - Rachid Tahr, qui était l'idole des jeunes en Algérie,
34:26 mais la hantise du pouvoir, Boalem Sassal.
34:29 Son discours dérangeait et heurtait les traditions.
34:33 - Un discours hostile ? - Oui.
34:36 - De Tahr ? Non, c'était un chanteur,
34:40 donc il exprimait une opinion partagée par une grande partie de la population,
34:47 qui était fatiguée de la dictature,
34:49 mais qui n'osait pas...
34:51 Elle pensait tout bas, et lui, il a chanté ces choses-là.
34:55 Donc il les a dites de manière audible.
34:58 Le pouvoir en Algérie n'est pas ce que l'on croit.
35:04 Première étape, il cherche à récupérer.
35:06 C'est un pouvoir très intelligent, une dictature intelligente.
35:09 Il cherche à récupérer.
35:11 Souvent, à l'insu de... C'est mon cas.
35:15 - C'est-à-dire ?
35:17 - Il cherche à vous récupérer, par exemple, vous ?
35:19 - Non, non.
35:20 A chaque fois qu'on les accuse d'être des directeurs,
35:23 on dit "mais on n'est pas une dictature, regardez Boalem Sassal,
35:26 il n'arrête pas de nous égratigner,
35:31 il vit en Algérie tranquillement, allez le voir."
35:33 - Oui, il est à Boubendes, tout va bien.
35:35 - Voilà, donc il récupère.
35:37 Et ça, les services psychologiques de l'armée,
35:43 très très intelligents, ils ont développé des mécanismes,
35:48 mais pas seulement à l'intérieur de l'Algérie,
35:50 mais partout, parmi les journalistes, beaucoup,
35:54 avec les cadeaux, évidemment, qu'on offre,
35:58 les soirées qu'on organise à droite et à gauche,
36:00 ce que font très bien les Qataris,
36:02 et les Saoudiens, offrir des montres, machin, des cadeaux...
36:06 - Des beaux voyages, etc.
36:08 - Des voyages, etc.
36:10 Ce que fait très bien aussi le Maroc,
36:12 en invitant des journalistes, des intellectuels,
36:15 dans les palaces, en prenant tout en charge.
36:18 - Mais ces dernières années, vous avez pris des positions tranchées
36:22 sur l'intégrisme islamique, est-ce que vous vous êtes senti
36:25 parfois en danger en Algérie ?
36:27 - Franchement...
36:29 - Vous y vivez au quotidien ?
36:31 - Oui, on ne ressent pas le danger.
36:33 Le danger, on le reçoit le jour où il y a quelqu'un,
36:36 se présente...
36:38 Moi, j'ai assisté à l'assassinat d'un libraire
36:45 hyper connu en Algérie, c'était un pied-noir,
36:49 qui a resté après l'indépendance.
36:51 - Il était à Alger ?
36:53 - Oui, à Alger, vraiment au centre-ville,
36:56 la rue Michelet, c'est le centre.
36:59 Et donc un jour, je passais là, et je vois un jeune,
37:02 je ne sais pas comment il s'appelait,
37:05 enfin peu importe, Gaston on va dire,
37:07 qui était devant sa...
37:09 Il est sorti de sa librairie pour fumer sa petite cigarette.
37:12 Et un jeune qui arrive, il se met en face de lui,
37:15 et là, il a compris qu'il était en danger.
37:18 Parce que le gamin qui avait 16-17 ans
37:21 a sorti son pétard, et là, il a compris qu'il était en danger.
37:25 Mais quand on comprend qu'il est en danger,
37:28 en ce moment-là, ça dure 30 secondes.
37:31 Il lui a tiré deux balles, moi j'étais à 4 mètres derrière.
37:34 Je montais, je remontais la rue Michelet.
37:38 Voilà, tant qu'on n'est pas dans cette configuration,
37:43 on ne pense pas au danger.
37:47 Alors on a une perception théorique de...
37:50 Je pense que les Israéliens qui ont été dans les kouikibous et tout ça,
37:55 vivaient avec cette idée qu'un jour,
37:58 un kamikaze pourrait venir,
38:02 mais on intériorise la chose, on vit avec.
38:06 Jusqu'au jour où ça se produit.
38:09 L'assidération.
38:11 - C'est sûr, c'est l'assidération.
38:13 - Alors après l'Iran, l'Algérie a été le premier pays
38:15 à soutenir l'attaque du Hamas en Israël le 7 octobre dernier.
38:19 Quel regard vous portez sur ce conflit ?
38:23 Six jours après, vous aviez déclaré dans le Figaro
38:26 "L'Algérie soutient et finance le Hamas".
38:29 - C'est une réalité.
38:31 Le Hamas tient avec les financements et l'aide d'un certain nombre de pays.
38:36 Certains, c'est une aide militaire, comme le cas de l'Iran.
38:41 Le Hezbollah en tant que parti contribue aussi
38:44 parce qu'il reçoit de l'argent de partout.
38:47 Il en refile une partie à l'Algérie.
38:51 Ça a toujours été une aide diplomatique, politique et financière.
38:57 Donc on donne de l'argent.
38:59 Il y a 8 mois, il me semble, en tout cas moins d'une année,
39:04 Mahmoud Abbas est...
39:06 Comment s'appelle-t-il ?
39:08 Le chef du...
39:10 Annié.
39:12 - Oui, il était à Algérie.
39:15 L'Algérie essayait de rabibocher...
39:20 - L'autorité palestinienne et le Hamas.
39:22 Mais M. Boualem Sansal, il y a quelque chose d'intéressant.
39:25 Vous avez écrit, et ça va justement au-delà des circonstances actuelles
39:30 qui sont assez dramatiques, bien sûr.
39:32 Vous avez écrit dans une interview
39:34 "Ce conflit n'a jamais été un conflit entre Israël et les Palestiniens,
39:38 entre Israël et les pays arabes.
39:40 C'est un vieux conflit céleste."
39:43 Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?
39:45 - On est passé de...
39:50 C'est une patate chaude qu'on se passe les anciens sur notre terrain.
39:54 Tant que les pays arabes, dans les années 60, 60...
39:58 Enfin, on va dire depuis 48,
40:00 tant que ça les intéressait, ils se sont appropriés le problème.
40:04 À l'époque, les Palestiniens n'existaient pas.
40:07 Qui s'est opposé à la résolution 132 ?
40:10 Ce sont les quelques pays arabes qui existaient, qui siégeaient à l'ONU.
40:14 Donc ils ont refusé, ils ont déclenché la guerre.
40:17 Puis évidemment, avec les suites que l'on connaît, Israël les a battus.
40:21 - On parlait 48 là.
40:23 - Oui, là on est en 48.
40:25 Ils se sont remis à travailler pour 67, 73, et puis voilà.
40:30 Mais le conflit a toujours, jusqu'à une date récente,
40:34 il était un conflit entre pays arabes et Israël.
40:37 Donc c'est une autre problématique.
40:40 Les pays arabes utilisaient le sujet pour des questions internes.
40:44 C'est tous des régimes illégitimes.
40:47 Et comment se légitimer, si c'est pas par les élections à la démocratie ?
40:51 - Sur l'auto d'une guerre céleste.
40:53 - Voilà, il faut inventer quelque chose.
40:55 Et ils ont bien verrouillé la chose en créant une sorte d'ONU à eux,
41:01 qui donne le la, la Ligue arabe.
41:05 Donc il faut dire à la Ligue arabe ce qu'ils arrangent.
41:09 - Vous êtes pessimiste quant à l'avenir de ce conflit,
41:12 quant à l'issue plutôt de ce conflit ?
41:15 - Oui, je pense que ça va durer presque éternellement.
41:19 Israël évidemment n'acceptera jamais d'être éradiqué.
41:23 Elle se défendra, quitte à utiliser vraiment des moyens extrêmes.
41:27 C'est tout à fait possible.
41:30 Mais on ne peut pas aussi tuer tous les Palestiniens, ils sont là.
41:34 Donc il va y avoir des hauts et des bas.
41:38 Il peut y avoir des moments de...
41:41 - Donc Boalem Sansal, c'est pour ça qu'il faut prendre un vaisseau spatial et partir.
41:46 - Oui, oui.
41:47 En attendant cela, je pense qu'on a intérêt quand même à réviser nos concepts.
41:53 Par exemple, tout à l'heure on parlait des intellectuels
41:58 qui abandonnent leur fonction sociale qui est de transmettre le sanglant.
42:02 - Et même leur fonction d'intelligence.
42:04 - Exactement, absolument.
42:06 Les états puissants, les grands pays ont abandonné leur...
42:12 Je ne vous dirai pas de gendarmes du monde,
42:15 mais qu'est-ce qui fait que les enfants se battent mais ne se tuent pas ?
42:20 C'est parce qu'il y a des adultes derrière qui surveillent.
42:23 On les laisse battre jusqu'à un certain point, tant que c'est un jeu.
42:26 Et même quand ça devient un volon parce que ça participe de leur éducation.
42:30 - Les puissants ont oublié leur fonction de médiation et d'apaisement.
42:35 - Et même ils les encouragent.
42:38 Les Etats-Unis ont encouragé l'islamisme pour bloquer l'avancée du communisme.
42:43 Et puis pour affaiblir certains régimes arabes
42:47 qui grâce au pétrole pensaient détenir un pouvoir suprême.
42:53 - Boalem Sensal, avant de se quitter parce que malheureusement la fin de cette émission arrive,
42:58 un mot sur votre dernier roman "Vivre".
43:01 Comme Paolo et Jason, les deux personnages principaux,
43:04 est-ce que vous aimeriez avoir un sésame pour ouvrir la porte du ciel et quitter la terre avant faillite ?
43:09 - Avoir un sésame ? Oui, franchement, j'aurais aimé être de ses appelés.
43:17 Et voilà, puis on se met ensemble et on va trouver des moyens de quitter la terre en bon ordre d'abord
43:27 parce que c'est très difficile de sauver 4 milliards d'êtres humains.
43:31 Il y a des passages qui expliquent l'impossibilité de la chose.
43:35 On n'a pas assez de moyens de transport.
43:37 Et puis la fusée est tellement grande qu'elle ne peut pas se poser sur terre.
43:40 Donc il faut aller la rejoindre.
43:43 Oui, c'est-à-dire que les appelés ont une fonction sociale dans le mesure où ils sont appelés.
43:47 Et là, ils l'ont fait, mais pas trop.
43:52 Ils ont cherché les élus et ils n'ont rien fait pour sauver les autres.
43:56 - On ira tous au paradis. On ira, peut-être.
43:59 - Espérons. - Merci Boilem Sansa.
44:01 - Merci à vous. - Merci d'être venu sur Sud Radio.
44:03 Votre roman "Abraham, la cinquième alliance"
44:06 dans lequel vous nous offrez une parabole sur la puissance et les faiblesses de la pensée religieuse
44:10 va sortir en folio le 25 janvier.
44:14 D'ici là, chers auditeurs, lisez "Vivre", le dernier roman de Boilem Sansa,
44:20 paru chez Gallimard.
44:22 Tout de suite sur Sud Radio, vous retrouvez Brigitte Lahaie.

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