La culture dans tous ses états - Émission du 24 novembre

  • l’année dernière
À l'occasion de la sortie du film "Napoléon", André Bercoff reçoit Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon et auteur de nombreux ouvrages sur l'Empereur, dont "Sur les bords de Seine : histoire et secrets du tombeau de Napoléon" paru chez Perrin.

Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2023-11-24##
Transcript
00:00 ♪ ♪ ♪
00:02 La culture dans tous ses états, André Bercoff.
00:05 ♪ ♪ ♪
00:06 - Vous devez avoir vu le chaos qui règne dans la rue.
00:08 ♪ ♪ ♪
00:11 Toulon doit servir d'exemple, sinon d'autres villes seront prises.
00:14 ♪ ♪ ♪
00:17 - Quel serait votre plan ?
00:18 - Si vous deviez remplir cette mission de défense.
00:20 ♪ ♪ ♪
00:28 - Je vous ai promis de grands succès.
00:30 - Quel étrange costume portez-vous.
00:32 - Ceci est mon uniforme.
00:34 ♪ ♪ ♪
00:37 J'ai conduit nos troupes à la victoire à Toulon.
00:39 ♪ ♪ ♪
00:43 - Quel est votre nom ?
00:45 - Napoléon.
00:46 - Le cours de ma vie vient-il de changer, Napoléon ?
00:49 ♪ ♪ ♪
00:51 - Napoléon. Napoléon, évidemment, on célèbre.
00:54 Hier, aujourd'hui, demain, l'empereur, l'empereur.
00:57 ♪ ♪ ♪
00:59 L'extraordinaire homme d'Etat, guerrier, souverain, amoureux,
01:04 amoureux, oui, de Joséphine.
01:07 Tellement amoureux de Joséphine
01:09 qu'il s'est passé beaucoup de choses, selon Ridley Scott.
01:11 Ridley Scott, dont le film, intitulé, évidemment, Napoléon,
01:15 vient de sortir sur les écrans français,
01:17 suscitant à la fois éloge et polémique.
01:23 Eh bien, on va en parler avec Thierry Lenz.
01:26 Thierry Lenz qui est l'un des plus grands connaisseurs de Napoléon,
01:29 qui a écrit 46 ouvrages sur l'empereur
01:32 et qui va nous dire ce qu'il en pense.
01:34 Il n'en pense pas toujours du bien,
01:36 mais au moins, nous allons creuser dans cette émission
01:39 préparée avec Céline Alonso.
01:41 Qui est vraiment Napoléon
01:43 et est-il vraiment bien portraituré dans le film de Ridley Scott ?
01:48 ♪ ♪ ♪
01:50 - La culture dans tous ses états, André Bercoff.
01:54 - Votre Majesté, nous sommes découverts.
01:57 - Bien.
02:00 - Attendez.
02:02 - On est sur la glace. C'est un piège.
02:04 - Retirez-vous.
02:06 ♪ ♪ ♪
02:13 - Je ne suis pas fait comme les autres hommes.
02:19 Mais ceux au pouvoir ne me voient que comme un guerrier,
02:21 ne pouvant prétendre à aucune charge.
02:24 ♪ ♪ ♪
02:29 Mais je marche dans les pas d'Alexandre le Grand
02:32 et de César.
02:35 - Quel est votre nom ? - Napoléon.
02:38 - Le cours de ma vie vient-il de changer, Napoléon ?
02:41 ♪ ♪ ♪
02:44 - Napoléon. Napoléon.
02:46 Ce qui est vraiment tout à fait fascinant,
02:48 c'est que de l'Amérique aux confins de l'Ouzbékistan,
02:53 qui ne connaît pas Napoléon ?
02:55 Qui n'a pas entendu parler ?
02:56 Qui n'a pas entendu ce nom ?
02:58 Ce nom résonnait un peu partout, dans les steppes, un peu partout.
03:01 Et qui fascine encore les cinéastes du monde entier,
03:05 les écrivains, bien sûr.
03:07 On a vu ce qui s'est passé.
03:09 On ne va pas les énumérer toutes, il faudrait 3 heures d'émission.
03:12 Mais là, évidemment, vient de sortir le Napoléon de Ridley Scott,
03:18 encensé par les uns, critiqué par les autres.
03:21 On va en parler avec Thierry Lenz.
03:24 Et je crois que si quelqu'un peut parler justement en France de Napoléon,
03:28 c'est Thierry Lenz.
03:30 Vous avez écrit combien de livres sur Napoléon ?
03:32 - Écoutez, je dois être à 45 là, maintenant.
03:34 - 45 livres, oui. C'est assez extraordinaire.
03:37 Vous avez reçu d'ailleurs, je crois que le dernier,
03:40 c'était pas le dictionnaire amoureux, c'était...
03:43 - C'était un dictionnaire historique de Napoléon.
03:45 - Un dictionnaire historique, voilà, exactement.
03:47 Et là, vous sortez, je voudrais qu'on en parle avant de parler du film, bien sûr,
03:51 vous sortez un livre d'ailleurs que j'ai lu avec beaucoup de plaisir,
03:54 sur les bords de scène, "Histoire et secret du tombeau de Napoléon".
03:58 C'est-à-dire même la mort de Napoléon et le tombeau dans lequel il gît
04:02 est une histoire formidable.
04:04 Alors, racontez-nous, c'est...
04:06 - Oui, c'est-à-dire que même, comme vous le dites,
04:10 dès qu'il s'agit de Napoléon, alors d'abord il y a des choses grandes,
04:13 le tombeau tel qu'on le connaît...
04:15 - Sûr, aux Invalides.
04:16 - La crypte, ce qu'on dit être du porphyre et qui est en fait du quartier de Finlande,
04:21 peu importe les détails.
04:22 Mais en même temps, pour faire tout ça, il y a un chantier qui dure 10 ans,
04:26 il y a 10 ans d'hésitation auprès de Napoléon III pour savoir
04:29 s'il va finalement mettre son oncle dans son tombeau,
04:32 et avec des histoires à la fois tragiques,
04:36 des accidents du travail sur le chantier, par exemple,
04:38 on n'en avait jamais parlé,
04:40 des histoires un peu comiques avec les journalistes qui s'attaquent
04:44 à l'architecte, etc.
04:46 Comme d'habitude, les histoires de gros sous,
04:48 parce que tout le monde dit que ça coûte trop cher,
04:50 et puis quand on réduit le budget, tout le monde dit que oui,
04:52 alors on est mesquin.
04:54 Donc oui, c'est une histoire...
04:56 - Ça a fait une grosse polémique, enfin il y a eu des polémiques énormes.
04:59 - Enormes, les milieux de l'art, la presse politique
05:03 se sont emparés de ce sujet.
05:05 Pendant une bonne dizaine d'années, il n'y avait pas une semaine
05:08 sans qu'une polémique ne soit lancée.
05:11 Et puis encore une fois, je vous le disais,
05:13 le tombeau est commencé en 1841, il est fini en 1853,
05:17 on se dit "ça y est, c'est fini, c'est fini,
05:20 on va mettre Napoléon dans son tombeau".
05:22 Mais non, Napoléon III dit "ah, finalement, j'ai bien réfléchi,
05:25 on va peut-être le mettre à Saint-Denis".
05:27 Et là, ça dure encore 8 ans de plus,
05:29 c'est-à-dire que Napoléon III hésite,
05:31 il fait faire des plans à Saint-Denis par Viollet-le-Duc.
05:34 - Et pourquoi il a fait ça, Napoléon III ?
05:36 - Alors, il a fait ça pour deux raisons.
05:38 D'abord, il voulait vraiment que la dynastie soit marquée
05:40 dans l'histoire de France, donc à Saint-Denis,
05:42 voilà. Et puis, je crois qu'il en avait un peu assez
05:45 qu'on lui parle de son oncle à ce moment-là,
05:47 il avait quand même assez bien réussi son affaire,
05:49 on est entre 1953 et 1960, c'est vraiment
05:52 la grande période du Second Empire,
05:54 et il a envie, lui, de prendre une décision
05:56 par rapport à son oncle. Mais bon, finalement,
05:58 pour tout un tas de circonstances,
06:00 dont la mort de son oncle Jérôme Bonaparte,
06:02 qui est le plus jeune des frères de Napoléon,
06:04 il lui avait promis d'être aux Invalides
06:06 à côté de son frère. Jérôme avait déjà payé
06:10 son tombeau, donc on s'est dit, bon, allez,
06:12 maintenant, il faut y aller, et donc,
06:14 un petit peu à la sauvette, en avril 1961,
06:18 Napoléon III laisse enfin le cercueil de son frère
06:21 être déposé dans le tombeau définitif.
06:24 - Et alors, aujourd'hui, c'est vrai,
06:26 personne ne le manque, quand il vient à Paris,
06:29 je parlais, une personnalité, qui ne passe
06:31 pas les Invalides et le tombeau de Napoléon.
06:33 - Oui, on le sait moins aujourd'hui qu'autrefois,
06:35 mais beaucoup de chefs d'État, beaucoup de chefs
06:37 de gouvernement, de passage à Paris,
06:39 demandent d'aller voir le tombeau de Napoléon.
06:42 Alors, il y a 40 ans, ça aurait fait la lune
06:45 des journaux, avec des photos, ou 50 ans,
06:48 mais aujourd'hui, on ne le sait pas.
06:50 Par exemple, le président des Émirats Arabes Unis
06:53 a demandé à Sébastien Lecornu de lui faire
06:55 visiter le tombeau de Napoléon.
06:57 - Oui, ce sont les monarques ou les chefs d'État
06:59 qui le demandent.
07:00 - Voilà, parce que Napoléon, ça représente
07:02 un petit peu quelque chose de notre histoire,
07:04 et son tombeau en est l'expression.
07:06 Le président Trump a été reçu par Emmanuel Macron
07:09 en 2017 au tombeau de Napoléon.
07:12 Alors, la raison officielle, c'était le tombeau
07:14 de Foch, puisqu'on célébrait le centenaire
07:16 de l'entrée en guerre des États-Unis en 1917,
07:19 mais bon, il y a eu un grand moment autour
07:21 du tombeau de Napoléon, où le président Trump
07:23 a d'ailleurs retenu l'essentiel, puisqu'il a dit
07:26 en sortant de là à Emmanuel Macron
07:28 "Vous avez vraiment une grande histoire".
07:30 - Oui, c'est sûr.
07:32 Et c'est vrai, sans vouloir redire des choses
07:35 que vous avez dites et que je vais en dire,
07:39 c'est vrai que c'est très rare,
07:41 il faut quand même une personnalité hors du commun
07:43 comme Napoléon.
07:45 - Oui, écoutez, je n'en vois pas beaucoup.
07:48 - Thérénèse, franchement, dans l'histoire de France,
07:52 ça en dirait, il y en a eu combien ?
07:54 Il se compte sur les doigts de la main.
07:56 - Bien sûr, oui, oui.
07:57 Alors, on a un grand homme par siècle,
07:59 on va dire.
08:00 Grosso modo, Napoléon, c'est un peu le XVIIIe siècle.
08:03 On va dire qu'il est totalement réhabilité maintenant,
08:06 Napoléon III, avec un grand moment de la fin du XIXe.
08:09 Au XXe, évidemment, tout le monde va citer le général de Gaulle.
08:12 Et puis on a des grands hommes un peu moins grands,
08:15 bon, Clémenceau, quelques autres, etc.
08:17 Mais Napoléon, c'est...
08:19 - Il faut retourner à Charlemagne et à Versailles-Gétory.
08:22 - Oui, voilà, peut-être.
08:24 Et encore, la marque imprimée par Napoléon sur la France
08:29 est encore sensible aujourd'hui.
08:31 Emmanuel Macron, dont toutes les déclarations ne me sont pas douces,
08:36 mais celle-là était vraie, le 5 mai 2021,
08:39 au tombeau de... à l'Institut de France, pardon,
08:42 il a fait un discours dans lequel il a dit
08:44 "Napoléon est une part de nous".
08:46 Et c'est vrai, il est même tellement une part de nous
08:49 qu'on se dispute à son sujet.
08:51 Donc c'est quand même la preuve qu'il fait bien partie de l'âme française.
08:54 - Et c'était drôle parce qu'il y a encore quelques jours,
08:56 à Saint-Germain-en-Laye, alors là c'était Napoléon III,
08:58 il y avait un bal, vous savez que...
09:00 On a vu des gens qui, chaque semaine, se costument à Napoléon III.
09:04 - Oui, oui, oui.
09:06 - C'est une tradition qui perdure.
09:08 - Sur Napoléon III, il y en a des centaines et des centaines en France.
09:12 D'ailleurs, les municipalités qui font des événements "napoléoniens",
09:15 ça les arrache parce que ça fait venir du monde,
09:18 ça leur fait toucher l'histoire d'une autre façon,
09:20 c'est un peu, pas la petite histoire,
09:22 ça serait un peu mesquin de dire ça,
09:24 mais c'est l'histoire vivante.
09:26 On a, sous les yeux, des gens qui travaillent à bien reconstituer leur uniforme,
09:30 à bien s'en servir.
09:32 - C'est une identité, et puis c'est l'identité de la France.
09:35 - Moi j'ai tendance à le croire, oui.
09:37 - J'imagine.
09:39 Donc aujourd'hui, vous dirigez d'ailleurs depuis quelque temps déjà la fondation Napoléon,
09:47 est-ce que vous dites, alors, parce que vous allez aussi,
09:50 vous donnez beaucoup de conférences, je ne parle pas de vos livres,
09:52 comme vous dites, 46, 47, Thierry Lenz,
09:57 est-ce que la fascination perdure ?
09:59 - Complètement.
10:01 Il n'y a pas, alors moi je pensais, comme tout le monde,
10:03 qu'après le bicentenaire de 2021, il y aurait un creux.
10:06 Et en réalité, il n'y a pas eu de creux.
10:08 D'ailleurs la preuve, c'est que c'est reparti, notamment cette semaine,
10:11 avec la sortie du film de Scott,
10:13 mais les événements sont toujours aussi nombreux,
10:16 l'engouement, par exemple, nous on a des indicateurs sur nos sites internet,
10:23 il est de plus en plus prononcé,
10:26 on a de plus en plus d'étudiants qui font des thèses sur l'histoire napoléonienne,
10:30 nous on donne 7 bourses par an à des étudiants,
10:33 on avait 27 candidats cette année,
10:35 donc ça veut dire qu'il y a au moins 27 thèses napoléoniennes qui sont en route.
10:39 - Qui sont en route, oui.
10:41 - Et puis je crois qu'il ne faut jamais s'arrêter à ce que,
10:44 en dépit du fait que nous en profitons tous les deux aujourd'hui,
10:47 la superstructure médiatique n'est pas le sentiment profond.
10:51 Il y a eu hier, le Figaro a fait la semaine dernière,
10:55 vous savez ils font tous les jours la question du jour,
10:58 donc ils ont demandé est-ce que vous avez une idée positive ou négative de Napoléon,
11:02 ils ont eu à peu près 140 000 réponses,
11:04 et 75% des gens leur ont dit "on a plutôt une image positive".
11:08 - Oui, bien sûr.
11:10 - Non mais c'est pas étonnant,
11:12 c'est intéressant parce que vous parliez de la tentation "wokiste",
11:18 mais vous voyez par exemple Napoléon esclavagiste,
11:20 on a essayé de lancer ça,
11:22 on ne peut pas dire que ça a tourné très fortement.
11:25 - Non, ça n'a pas bien tourné pour ceux qui l'ont prétendu,
11:29 pour plusieurs raisons, d'abord parce que c'était un slogan pour eux,
11:32 donc il n'y avait pas de fond,
11:34 on l'a vu quand on a débattu avec eux il y a deux ans,
11:37 une fois qu'ils avaient énoncé leur slogan,
11:39 on ne pouvait plus discuter parce qu'il n'y avait pas de fond.
11:41 Et puis ensuite, il est faux de dire que les historiens napoléoniens
11:44 ont mis ça sous le tapis.
11:46 Ça fait 50 ans que toutes les grandes histoires du consulat
11:49 et les grandes histoires de Napoléon abordent le problème,
11:52 simplement il faut l'aborder en historien,
11:54 c'est-à-dire ne pas mettre là-dessus nos sentiments d'aujourd'hui.
11:58 - Mais justement, et vous aussi Thierry Lannes,
12:00 il y a autre chose, Napoléon guerrier,
12:02 il a tué des millions de gens, etc.
12:04 Mais d'abord, je ne comprends pas qu'on fasse une critique,
12:08 qu'on ne remette pas au XVIIIe siècle,
12:11 dans les idées d'alors,
12:13 toute cette espèce d'anachronisme voulu, militant et bête.
12:20 - Et je dirais même par rapport aux guerres du temps,
12:22 que ce soit la guerre de 7 ans ou la guerre de 30 ans,
12:25 et même les guerres légèrement postérieures jusqu'à la guerre de sécession,
12:28 les guerres napoléoniennes font proportionnellement
12:30 un peu moins de morts que les autres.
12:32 Donc si vous voulez, en plus, on lui donne une accusation qui n'est pas vraie.
12:36 - Et par rapport aux guerres mondiales que nous avons connu,
12:38 - Là, évidemment, il n'y a pas photo.
12:40 - Alors, parlons un tout petit peu, justement,
12:43 de ce film que vous avez vu, que j'ai vu aussi,
12:46 qui vient de sortir en France,
12:50 ce fameux Napoléon de Ridley Scott.
12:52 Alors Thierry Lannes, on va en discuter,
12:54 on n'a pas forcément le même avis,
12:56 mais je voudrais surtout entendre le vôtre.
12:58 Vous l'avez vu ? - Oui.
13:00 - Qu'est-ce que vous en avez pensé ?
13:02 - D'abord, on y va avec un état d'esprit enthousiaste.
13:05 150 millions de dollars, en plus, c'est 150, 200, etc.
13:10 Ridley Scott, les Duellistes, Gladiator, Exodus, etc.
13:14 On se dit "formidable".
13:16 Joaquin Phoenix, bon, alors là...
13:18 - Magnificateur. - Et puis, Anne et sa Kirby,
13:20 on est d'accord là-dessus, je pense.
13:22 Elle est vraiment la grande révélation du film.
13:24 Et on se dit, voilà, et puis on nous dit,
13:26 "mais oui, l'histoire ne sera pas bien respectée,
13:28 mais vous allez voir les scènes de bataille, etc."
13:30 Alors moi, je suis allé voir ça comme ouvert.
13:32 Parce qu'au fond, on fait toujours des erreurs historiques dans les films.
13:35 Et comme l'a dit Ridley Scott,
13:37 alors moi, je le dirais avec moins de morgue que lui,
13:39 ceux qui veulent étudier Napoléon, qui regardent des documentaires.
13:42 Ça, je suis d'accord avec lui là-dessus.
13:44 - Ou qui lisent les listes de Thierry Hetz.
13:46 - Voilà, par exemple les miens.
13:48 Et puis, on voit un film où, comment dire,
13:51 comment on appelle ça, l'angle d'attaque,
13:54 où le propos du livre,
13:56 déjà, nous met un petit peu dans la gêne.
13:58 Puis ensuite, sur le plan historique,
14:00 alors les erreurs, il y en a une par minute.
14:02 On ne va pas s'arrêter là-dessus.
14:04 - Pourquoi le propos du livre vous met dans la gêne ?
14:06 - Écoutez, le propos, c'est "Napoléon conquiert le monde
14:09 pour reconquérir ou conquérir ou garder Joséphine".
14:12 Alors c'est vrai que c'est un couple qui est très particulier dans l'histoire de France.
14:16 Un couple très fusionnel,
14:18 avec, on va dire, au début de leur relation,
14:20 un déséquilibre en faveur de Joséphine.
14:22 Ça, c'est totalement vrai.
14:23 Mais à partir du moment où Napoléon a son destin qui est lancé,
14:26 il est un homme d'État.
14:27 C'est-à-dire que pas plus qu'une décision un peu cruelle,
14:30 l'avis de Joséphine ne compte dans ses décisions.
14:33 Alors ils sont restés proches.
14:35 Leur amour s'est probablement étiolé.
14:37 On voit bien dans les lettres de Napoléon,
14:39 il y a un moment où il y a écrit "Madame et chère femme".
14:41 Donc on se rend compte qu'à ce moment-là,
14:43 qu'on n'est plus dans "Oh, Joséphine", etc.,
14:45 comme dans les premiers.
14:47 Écoutez, prendre ce parti, pourquoi pas ?
14:49 Simplement en faire...
14:51 - Mais est-ce que, comme il dit,
14:53 est-ce que Joséphine ne l'a pas énormément aidé
14:55 au moment du directoire et tout ça ?
14:57 - Oui, elle a aidé.
14:58 Mais celui qui l'a vraiment aidé,
15:00 le personnage d'ailleurs,
15:01 est joué dans le film, c'est Barras.
15:03 Barras a cru qu'il allait pouvoir faire un instrument
15:05 de sa propre ambition avec Bonaparte.
15:08 Bonaparte était plus malin que lui.
15:10 Et il avait probablement plus de moyens,
15:13 il avait plus de virtus, comme aurait dit Machiavel.
15:16 Il était prêt à faire ce qu'il fallait.
15:19 - Donc vous dites que c'est totalement anglais
15:22 sur la relation Napoléon-Jéséphine et le film.
15:24 - Oui, c'est ça.
15:25 Et puis vous voyez, il y a même dans les erreurs...
15:27 Par exemple, on dit qu'il quitte l'Égypte
15:29 parce qu'il pense que Joséphine la trompe
15:31 et il veut, en quelque sorte,
15:33 surprendre l'amant dans son lit.
15:35 - Un peu de faido là-dedans.
15:37 - Mais oui, en fait, c'est pas du tout pour ça
15:39 qu'il a quitté l'Égypte.
15:40 C'est la même chose quand il rentre de l'île d'Elbe,
15:42 c'est pour aller retrouver Joséphine.
15:44 Dommage pour Ridley Scott,
15:45 elle est morte depuis un an
15:47 au moment où il quitte l'île d'Elbe.
15:49 Donc vous voyez, il y a des tas de choses.
15:51 - On a le droit d'arranger la réalité.
15:53 Je prends toujours l'exemple du film "M. N".
15:55 Rien n'est vrai dans "M. N".
15:57 Tout est vraisemblable.
15:59 Et il y a de la part de l'acteur Philippe Toretton
16:01 une vraie composition d'un Napoléon
16:04 qu'on peut accepter à ce moment de la vie de Napoléon.
16:07 Là, on est sur quelque chose.
16:09 C'est-à-dire, il a décidé que Napoléon
16:11 avait conquis le monde pour conquérir Joséphine,
16:13 point final, et il n'y a rien d'autre qui compte.
16:15 Il n'y a pas de politique.
16:17 - Et la fameuse scène où il la gifle pour...
16:19 - Ça, c'est impossible.
16:21 - Elle ne veut pas renaître,
16:23 elle ne veut pas le donner, c'est impossible.
16:25 - Justement, c'est un autre problème du film.
16:28 C'est que Joachim Fénix, à mon avis,
16:30 a raté sa composition.
16:32 Parce que Napoléon n'est pas du tout ça.
16:34 Il y a des portraits de Napoléon.
16:36 Je l'aurais donné les photocopies.
16:38 Il y a un portrait de Napoléon par Méternic
16:40 qui fait une trentaine de pages dans les mémoires de Méternic
16:43 où tout est dit.
16:45 C'est-à-dire à la fois l'homme d'Etat,
16:47 qui fait la décision,
16:49 mais aussi l'homme qui, une fois qu'il a réussi
16:51 à se débarrasser d'un problème, n'y pense plus.
16:53 Un homme distingué,
16:55 un homme qui sait se tenir en société.
16:57 Et non pas cette espèce de soudard-pleurnichard
17:00 qu'incarne à certains moments Joachim Fénix.
17:04 C'est sûrement un très grand acteur,
17:06 je suis incapable de juger ça,
17:08 mais le jeu qu'il donne, c'est Joachim Fénix
17:10 regardant Joachim Fénix jouer Napoléon.
17:12 - Oui, c'est ça.
17:14 Vous venez de dire que ce n'est pas le rendu de Napoléon,
17:16 mais qu'il a fait une belle exposition,
17:18 une performance.
17:20 - Oui, c'est ça.
17:22 On a souvent moqué le film où il y a Christian Clavier
17:24 qui joue Napoléon.
17:26 - Il ne faisait pas la statue, je crois.
17:28 - Il ne faisait pas, mais simplement,
17:30 au moment où Christian Clavier joue Napoléon,
17:32 au bon âge, c'est-à-dire entre 40 et 50 ans,
17:35 je trouve que sa composition est bien meilleure.
17:39 Parce qu'il a ce qu'avait Napoléon,
17:41 c'est-à-dire une façon d'abord de parler,
17:43 il ne s'énerve pas sans arrêt,
17:45 il ne pleure pas toutes les 3 minutes comme Joachim Fénix.
17:47 Et puis surtout, il y a cette énergie.
17:49 On sent, alors Christian Clavier,
17:51 c'est dans son jeu, y compris quand il est acteur comique,
17:54 il y a une forme d'énergie qui ne sort pas.
17:56 Et donc ça donne au personnage, voyez,
17:58 à la fois la voix peut être très calme,
18:01 mais on sent qu'il y a quelque chose sous la glace
18:03 qui est prêt à remonter.
18:06 Ça, je pense que si M. Fénix s'était fait un peu expliquer
18:10 qui était Napoléon,
18:12 probablement il aurait réussi à le jouer.
18:14 - Oui, ça c'est vraiment intéressant.
18:17 On va en parler, on va continuer à en parler.
18:19 Parce que, qu'est-ce qu'il fait ?
18:21 Par exemple, aussi, il y a la scène, vous savez,
18:24 où Marie-Antoinette, sur l'échappot,
18:26 prête à guillotiner, et voilà, partez là.
18:28 - Oui, d'abord, ça commence très fort,
18:30 puisque c'est la première scène du film.
18:32 Alors d'abord, évidemment, Napoléon n'a pas assisté
18:34 à l'exécution de Marie-Antoinette.
18:36 Il était au siège de Toulon à ce moment-là.
18:38 - Ça, on peut dire.
18:40 - Ça peut être allégorique, montrer son idée.
18:42 Mais alors, vous avez vu comment Marie-Antoinette
18:44 va à l'échappot.
18:46 C'est-à-dire qu'on voit une femme en robe de cour,
18:48 avec une coiffure, et puis qui y va, vous savez,
18:50 alors sans être tenue ni rien du tout.
18:52 Elle traverse la foule, elle l'étoise.
18:54 C'est presque une empreinte pain
18:56 qui mange donc de la brioche.
18:58 Puis elle met sa tête gentiment dans la lunette,
19:01 et puis on lui remonte les cheveux.
19:03 Le moindre Français qui a déjà entendu parler
19:05 des exécutions capitales, c'est très bien
19:07 qu'on coupait les cheveux avant,
19:09 qu'on n'y allait pas en robe de cour,
19:11 et puis déjà l'exercice.
19:13 - Oui, et puis vous savez, ça c'est très anglais,
19:15 anglo-saxon.
19:17 La révolution pour ces gens-là, c'est la guillotine.
19:19 C'est toujours comme ça que ça se termine.
19:21 La révolution, ça ne peut être que la guillotine.
19:23 Alors, il y a de la guillotine dans la révolution,
19:25 c'est pas moi qui vais vous dire le contraire.
19:27 - On ne peut pas dire qu'il n'y en a pas eu beaucoup.
19:29 - Il y en a eu même peut-être trop,
19:31 et puis plus la Vendée, plus le reste.
19:33 Mais voilà, c'est ramassé.
19:35 Moi, je vois très bien les écrits
19:37 anti-français du début du 19e siècle
19:39 qui sont venus d'Angleterre.
19:41 C'est ça, c'est le peuple de la guillotine.
19:43 C'est comme ça qu'on nous appelle.
19:45 - C'est le peuple qui tue ses rois.
19:47 On va reprendre tout de suite avec Thierry Lens,
19:49 Napoléon, Ridley Scott, Joaquin Phoenix,
19:51 et comment on fait avec l'histoire.
19:53 On en parle tout de suite.
19:55 - La culture dans tous ses états, André Bercoff.
19:57 - Napoléon, Napoléon, Napoléon, Napoléon...
19:59 Je m'imaginais de ses âmes, je m'imaginais d'Alexandre.
20:01 - C'était le fameux Serge Lamartre.
20:03 Très, très joli son Napoléon.
20:05 Alors justement, on peut se dire au fond,
20:07 vous savez, je ne sais pas qui c'est,
20:09 Alexandre Dumas qui disait
20:11 "on peut violer l'histoire, on peut violer l'histoire".
20:13 - Oui, oui, oui.
20:15 - C'est un peu le même truc.
20:17 - Oui, c'est ça.
20:19 - Et puis, on peut se dire,
20:21 on peut se dire que c'est le peuple qui tue ses rois.
20:23 - Oui, c'est Alexandre Dumas qui disait
20:25 "on peut violer l'histoire, on lui fait de beaux enfants".
20:27 - Oui, oui, il avait le droit de le dire.
20:29 - A votre avis, l'enfant de Ridley Scott,
20:31 c'est pas vraiment ça.
20:33 - Là, je crois qu'on a un peu violé l'histoire pour rien.
20:35 C'est-à-dire que...
20:37 Bon, c'est dommage parce qu'il n'y a pas
20:39 tous les jours un film sur Napoléon.
20:41 Là, c'était quand même un réalisateur,
20:43 encore que, écoutez, moi je ne suis pas
20:45 spécialiste de cinéma, mais enfin les tout derniers
20:47 films de Ridley Scott, ils avaient été faits un peu vite.
20:49 J'ajouterais qu'on pourrait lui reprocher aussi
20:51 d'avoir remplacé Kevin Spacey dans un des films
20:53 et qu'on ne l'a pas entendu beaucoup s'excuser
20:55 lorsque tous les tribunaux anglais
20:57 et américains ont innocenté
20:59 de ce qu'on l'accusait, Kevin Spacey.
21:01 Ça, c'est le petit coup de patte que je donne au passage.
21:03 Mais, voilà, donc
21:05 je trouve qu'un film qui coûte
21:07 aussi cher, avec aujourd'hui
21:09 les possibilités que donnent
21:11 les effets spéciaux, les batailles
21:13 ont l'air de bagarres, je le dis,
21:15 j'arrête pas de le dire, mais c'est les bagarres des vikings
21:17 dans Valhalla. Les gars, vous savez,
21:19 qui se disent "Viens par ici",
21:21 Waterloo, il sort des tranchées quand même
21:23 pour partir à l'assaut, je ne sais pas si vous avez
21:25 remarqué. Donc le conseiller historique
21:27 qui est un médiéviste, alors donc on peut lui pardonner.
21:29 - Alors ce conseiller historique, comment ça se fait ?
21:31 Il est médiéviste, c'est ça ?
21:33 Donc il connaissait pas...
21:35 Comment il se fait que Ridley Scott ait choisi...
21:37 - Il a donné une interview
21:39 dans laquelle il explique que
21:41 en réalité on l'a appelé dix jours avant
21:43 le début du tournage.
21:45 Alors il dit
21:47 qu'il a eu le temps d'ingurgiter pendant les dix jours
21:49 des milliers de pages, etc.
21:51 - Mais c'est pas du tout un spécialiste de Napoléon.
21:53 - Pas un spécialiste de Napoléon, et lui-même avoue
21:55 que son rôle sur le tournage a été de
21:57 régler des points de détail.
21:59 Donc...
22:01 Je sais bien, les conseillers historiques dans le cinéma,
22:03 vous savez, on les écoute un peu,
22:05 mais pas beaucoup.
22:07 Mais cela dit,
22:09 voilà, il faut pas... Après, si vous voulez,
22:11 le hors du film,
22:13 il y a eu aussi l'attitude un peu de Ridley Scott
22:15 qui, dès qu'on critique un petit peu son travail,
22:17 il se met à nous insulter.
22:19 "Les Français ne s'aiment pas."
22:21 "Ils n'ont qu'à lire des livres."
22:23 En plus, il essaye de parler d'histoire napoléonienne
22:25 alors que manifestement il n'y connaît rien.
22:27 Ils ont visité le musée de l'armée,
22:29 ils ont fait un film là-dessus pour montrer, regardez,
22:31 on est allé voir le musée de l'armée,
22:33 Joachim Fénix passe son temps à se moquer des objets
22:35 et à dire "Tout ça c'est des faux objets en plastique
22:37 qu'on a mis là."
22:39 Donc on n'a pas...
22:41 Moi je crois pas qu'on ait de cadeaux à faire
22:43 quand on parle comme ça.
22:45 - Mais dites-moi, par exemple, je pense à un des épisodes
22:47 quand même qui m'a l'air assez...
22:49 Alors l'île d'Elbe, le fameux "Les 100 jours".
22:51 - Oui.
22:53 - Les 100 jours sont assez vraisemblables.
22:55 - Oui, ça s'est vraiment passé comme ça.
22:57 C'est-à-dire qu'à un moment Napoléon quitte l'île d'Elbe
22:59 mais répétons-le, il ne quitte pas l'île d'Elbe
23:01 pour aller retrouver Joséphine qui est morte depuis longtemps.
23:03 - Oui, c'est-à-dire que lui, tout se passe...
23:05 - Oui, oui, bien sûr.
23:07 C'est un peu comme Oliver Stone avec le Vietnam.
23:09 Oliver Stone ferait un film sur les Indiens,
23:11 il faudrait qu'il y ait du Vietnam dedans.
23:13 Donc lui, c'est la même chose, il voulait absolument ça.
23:15 Et donc, après...
23:17 Alors, vous voyez,
23:19 je donne une comparaison.
23:21 Alors, je pense que les auditeurs vont comprendre.
23:23 Il y a eu en 1970
23:25 un film
23:27 fait par Sergei Bondarchuk
23:29 qui faisait la bataille de Waterloo.
23:31 Enfin, qu'ils appelaient Waterloo.
23:33 Bondarchuk a tourné à l'ancienne sans effet spéciaux.
23:35 Il avait sévré des régiments de l'armée rouge
23:37 pour faire les figurants, etc.
23:39 - L'Union soviétique avait ça de bien.
23:41 - Elle avait ça de bien. Et quand elle voulait faire un film,
23:43 elle le faisait.
23:45 Et donc, il fait ce qui est terrible,
23:47 c'est que l'armée escotte a voulu
23:49 rivaliser un petit peu
23:51 avec Bondarchuk.
23:53 Puisque la scène de l'alliance,
23:55 enfin, quand l'armée rejoint Napoléon à la fraie,
23:57 Bondarchuk l'a faite.
23:59 Et la scène des carrés anglais
24:01 à Waterloo, Bondarchuk l'a faite.
24:03 Moi, si j'avais été Rydley Scott,
24:05 j'aurais essayé d'éviter de rivaliser là-dessus
24:07 sauf à avoir
24:09 des moyens colossaux.
24:11 Or, il nous fait deux petits trucs
24:13 qui n'ont ni queue ni tête.
24:15 Alors que, quand bien même Bondarchuk avait confié
24:17 à Rod Steiger le rôle
24:19 et que Rod Steiger a fait un numéro
24:21 là-dedans, il y avait d'un côté
24:23 de la crédibilité sur les scènes
24:25 et de l'autre, on se dit, c'est un peu poussif.
24:27 Des carrés avec 12 hommes
24:29 par côté, ça fait quand même pas beaucoup.
24:31 - Oui, ça oui.
24:33 - Je reproche un peu ça, c'est-à-dire
24:35 qu'on crogne mieux sur l'histoire, mais on va dire
24:37 c'est normal, c'est son truc, etc.
24:39 Mais comme spectateur de films,
24:41 je suis extraordinairement
24:43 déçu. - Oui, je comprends.
24:45 - Deux heures et demie, on peut faire un grand film
24:47 en deux heures et demie, "Le Parrain" dure deux heures
24:49 et demie ou deux heures quarante, c'est un grand film.
24:51 "Oppenheimer" dure deux heures
24:53 quarante, c'est un grand film. - C'est-à-dire que
24:55 à ce moment-là, mais pas que si je vous suis,
24:57 vous dites ou alors il faut avoir des moyens
24:59 énormes parce que c'est des
25:01 batailles énormes, ou alors si vous voulez,
25:03 c'est Napoléon et Joséphine qui se concentrent
25:05 en Napoléon et Joséphine. - Exactement.
25:07 Les Anglais avaient fait ça à un moment dans un petit feuilleton
25:09 télévisé, ça avait très bien fonctionné,
25:11 ils n'avaient pas demandé les moyens, puis ils n'avaient
25:13 surtout pas été dire "Nous,
25:15 on va vous apprendre qui est Napoléon".
25:17 - Oui, ça c'est vrai.
25:19 Et je dirais comme Bachou,
25:21 "Osez, osez, Joséphine, mais peut-être pas de cette façon".
25:23 - Voilà, vous avez vu, écoutez,
25:25 les scènes intimes entre Napoléon
25:27 et Joséphine sont d'une grossièreté
25:29 mais innombrable.
25:31 - Vous n'allez pas être comme ça ?
25:33 - Franchement, Joséphine, c'est une
25:35 noble de l'Ancien Régime, Napoléon,
25:37 c'est un homme très bien élevé, alors il a
25:39 de temps en temps des petites saillies, c'est vrai,
25:41 mais, enfin c'est le cas de le dire,
25:43 mais là, les scènes entre les deux
25:45 sont d'une vulgarité,
25:47 c'est terrible, la façon dont Joséphine
25:49 aurait séduit Napoléon,
25:51 on peut le dire, en remontant
25:53 ses jupes et en disant à Napoléon, "Quand vous
25:55 baisserez le regard, tout ce que vous verrez
25:57 vous appartiendra", franchement,
25:59 là, il fallait quand même y aller,
26:01 et qu'une actrice aussi délicieuse,
26:03 je le redis, qui est Vanessa Kirby,
26:05 ce soit, enfin,
26:07 on lui a demandé de le jouer comme ça,
26:09 les scènes d'amour,
26:11 Napoléon qui pousse des grognements de chien,
26:13 enfin, etc., c'est,
26:15 c'est très british,
26:17 Napoléon, c'était une espèce de
26:19 moins que rien,
26:21 qui était sanguinaire et qui a réussi à conquérir
26:23 l'Europe. - En fait, c'est le
26:25 plouc corse, un peu...
26:27 - Voilà, c'est le plouc, nous sommes des ploucs.
26:29 - Un peu brut de décoffrage, c'est ça.
26:31 - C'est tout le contraire, on le sait,
26:33 on connaît bien l'éducation
26:35 de Napoléon, on sait très bien qu'il
26:37 est arrivé dans les salons
26:39 comme s'il y avait toujours vécu,
26:41 et ça a été le cas d'ailleurs de tous les frères Bonaparte,
26:43 ils ont été fort bien élevés par leur
26:45 mère, mais aussi, on l'oublie parfois
26:47 par leur père, qui était un homme
26:49 délicat, qui avait été bien élevé...
26:51 - On parle de la mère de Laetitia beaucoup.
26:53 - Oui, alors le père est mort jeune, mais le père,
26:55 il a quand même donné
26:57 la première éducation
26:59 à ses enfants, et puis vous savez,
27:01 c'était comme tout le monde,
27:03 quand un homme venu de province de la Corse
27:05 veut pénétrer le milieu parisien,
27:07 il se met au diapason,
27:09 il va pas commencer à leur dire "c'est pas comme ça que ça se passe".
27:11 Il était bien élevé.
27:13 - Mais juste, vous en parlez,
27:15 mais est-ce que vraiment,
27:17 il ne parlait pas français du tout ?
27:19 On dit "la légende urbaine",
27:21 c'était pas un mot français.
27:23 - Il parlait le français,
27:25 à l'âge de 8-9 ans,
27:27 quand il est parti sur le continent, il a passé
27:29 4 mois au collège d'Autyn,
27:31 pour se remettre à un niveau en français.
27:33 Donc ça c'est vrai,
27:35 mais après, il est resté pratiquement
27:37 une dizaine d'années sans rentrer en Corse,
27:39 et il a eu véritablement une éducation
27:41 française, c'est-à-dire
27:43 l'éducation française de cette époque,
27:45 c'est-à-dire à base de littérature,
27:47 à base de grec, de latin,
27:49 et d'allemand, pour ce qui concerne
27:51 Napoléon.
27:53 Donc ça n'est pas cette espèce,
27:55 pardonnez-moi l'expression,
27:57 mais un peu de peignot,
27:59 qui arrive dans le milieu de Joséphine.
28:01 - Et puis, c'est vrai,
28:03 en même temps, Napoléon
28:05 pouvait dire
28:07 "je vous ai de la merde dans un bassois",
28:09 il a proposé de l'allemand, par exemple.
28:11 - Il a expliqué lui-même
28:13 ses colères en disant
28:15 "je suis capable de me mettre très en colère",
28:17 l'air de dire "je peux jouer la colère,
28:19 et puis cinq minutes après, j'y pense plus".
28:21 - Donc en fait, ce que vous dites,
28:23 et que je comprends,
28:25 je ne peux pas contredire là-dessus,
28:27 vous dites en fait
28:29 que le personnage, quelque part, manque d'épaisseur.
28:31 - Oui, il manque d'épaisseur.
28:33 Est-ce que vous l'avez vu travailler ?
28:35 Est-ce que vous l'avez vu parler de politique ?
28:37 Est-ce que vous l'avez vu, etc.
28:39 Il y a un moment, Talleyrand et Fouché qui apparaissent,
28:41 ils sont là comme personnages,
28:43 mais même pas secondaires, c'est des figurants.
28:45 - Il aurait pu quand même...
28:47 - Quand on a marré Chalnais à la bataille de Waterloo,
28:49 il a fallu qu'on lui mette une petite moustache franchouillarde.
28:51 Enfin bon, vous voyez,
28:53 il y a des tas de petits détails comme ça qui montrent que, au fond,
28:55 le réalisateur,
28:57 qui pourtant, je crois, a une propriété en France
28:59 et il passe beaucoup de temps, il nous aime beaucoup.
29:01 - Ah oui, oui, je sais, il est en Provence,
29:03 il a une très très belle propriété.
29:05 Pour ça, il connaît la France, il aime la France,
29:07 il y passe six mois de sa vie.
29:09 - Mais il n'aime pas trop les Français,
29:11 vu ce que j'ai entendu cette semaine.
29:13 - Oui, il doit être un peu vexé,
29:15 les politiques sont assez mitigés de ce point de vue-là.
29:17 - Oui, enfin, écoutez, vous et moi,
29:19 on sait ce que c'est que la vie.
29:21 Il faut y aller doucement quand on n'est pas sûr.
29:23 Il ne faut pas commencer 15 jours avant à dire
29:25 "écoutez, tous ceux qui vont critiquer mon film
29:27 ont qu'à acheter des livres et apprendre Napoléon,
29:29 on sous-entendu, moi j'en ai lu et je connais".
29:31 Alors, quand on voit ces interviews,
29:33 il nous dit "il y a au moins 10 000 livres sur Napoléon",
29:35 alors déjà c'est plutôt 200 000 que 10 000.
29:37 Et puis, bien sûr,
29:39 je n'ai pas pu tous les lire,
29:41 mais lisons au moins un, quoi.
29:43 - Tu lises le Napoléon d'André Castelot
29:45 et tu auras l'histoire de Napoléon.
29:47 - Non mais c'est assez étonnant parce que...
29:49 Mais dites-moi, vous avez vu pratiquement
29:51 tous les films, enfin la plupart des films...
29:53 - Non, il y en a eu pas loin d'un millier,
29:55 avec 296...
29:57 - Un millier de films ?
29:59 - Oui, il apparaît dans un millier de films à peu près.
30:01 Napoléon, alors parfois de loin, etc.
30:03 Il y a 295,
30:05 16 acteurs différents
30:07 qui ont joué Napoléon.
30:09 Ça va de Albert Diodonné, le mythique Albert Diodonné,
30:11 jusqu'à même Daniel O'Toei,
30:13 qui a joué un Napoléon dans un film italien
30:15 qui a dû faire 30 entrées en France
30:17 et qui était un immense acteur comme ça.
30:19 Aller dans un film pareil,
30:21 moi qui l'adore,
30:23 j'ai trouvé que c'était un peu décevant.
30:25 - Mais c'est étonnant, vous savez Thierry Lien,
30:27 je vais vous raconter une petite anecdote,
30:29 mais personnelle, je me rappelle que j'étais au Liban,
30:31 parce que j'ai vécu ma...
30:33 Mon père m'a envoyé en France,
30:35 enfin peu importe, et j'ai vécu ma jeunesse au Liban.
30:37 Et je me rappelle avoir vu à Beyrouth
30:39 que Versailles m'était conté de Sacha Guitry.
30:41 Et je vous raconte pourquoi, à un moment donné,
30:43 il dit, il y a quelqu'un qui a visité Versailles,
30:45 il ne m'a jamais voulu y séjourner,
30:47 c'est Napoléon.
30:49 Et donc on voit Napoléon, il va à Versailles.
30:51 Le public à Beyrouth applaudit à tout repos.
30:53 - Vrai, oui.
30:55 - C'est le seul moment pour dire "ce que c'est que Napoléon ?"
30:57 Les gens t'applaudissent, c'était les années 60, 70,
30:59 je ne sais plus.
31:01 Donc c'est vraiment quelque chose qui est...
31:03 - C'est le personnage de l'histoire de France
31:05 le plus connu, le plus étudié.
31:07 - Oui, il y a des centres de recherche aux Etats-Unis,
31:09 en Russie, où l'école historique
31:11 est vraiment formidable.
31:13 On attend vraiment de pouvoir retravailler avec eux,
31:15 parce qu'on travaille vraiment beaucoup avec eux.
31:17 Mais on m'a invité, la prochainement,
31:19 je vais aller au Japon, parce qu'ils veulent
31:21 qu'on leur parle de Napoléon.
31:23 Vous avez dit "l'Ouzbék" tout à l'heure,
31:25 moi j'ai organisé une exposition
31:27 au Kazakhstan sur Napoléon.
31:29 Voilà, les Canadiens,
31:31 le prénom le plus donné
31:33 au Canada français au 19e siècle,
31:35 c'est Napoléon.
31:37 Il se passe quelque chose
31:39 autour de ce personnage.
31:41 Alors évidemment, mais ce n'est pas notre sujet d'aujourd'hui.
31:43 Il y a des ombres,
31:45 il y a des erreurs, il y a des cruautés,
31:47 etc. Mais c'est le personnage
31:49 qui exprime peut-être
31:51 une forme de la grandeur française,
31:53 dont il est à la fois
31:55 l'apogée et la chute.
31:57 - Et la chute, absolument.
31:59 - En un seul personnage, on a presque
32:01 à la fois toute notre histoire et tous nos regrets.
32:03 - Et justement, on va en parler
32:05 après une petite pause, mais ce qui est tout à fait,
32:07 je crois que vraiment, une des choses qui joue énormément,
32:09 c'est le panache,
32:11 c'est le courage,
32:13 et c'est qu'on se dit "Qui a aujourd'hui ça ?"
32:15 C'est vrai que quand on regarde, c'est le désert vivant.
32:17 - Oui, bien sûr. Alors on n'est pas obligé
32:19 d'avoir toujours Napoléon, mais enfin,
32:21 on n'est pas obligé aussi d'avoir des gens qui se prennent
32:23 pour Napoléon et n'en sont pas capable.
32:25 - Et on n'a pas obligé des gens qui non seulement ne se prennent pas
32:27 pour Napoléon, mais passent la moquette
32:29 avant même que ça commence.
32:31 - C'est pas mal d'avoir tout cela.
32:33 On va en reparler avec Thierry Lenz,
32:35 vraiment qu'on est très heureux de recevoir,
32:37 à la fois sur le film
32:39 et à la fois sur, évidemment,
32:41 le premier consul d'abord
32:43 et l'empereur ensuite.
32:45 (musique)
32:47 - La culture dans tous ses états,
32:49 André Bercoff.
32:51 - Parce qu'un corse lui fit la cour
32:53 Au doutant de ses illusions
32:57 Ma mère en me donnant le jour
32:59 Me prêne à ma Napoléon
33:03 En haut d'un vieil hôtel miteux
33:05 Je règne sur une chaise et un pieu
33:09 Mes tuileries donnent au fond de la cour
33:13 Je suis le Napoléon des faubourgs
33:17 - C'est Serge, toujours.
33:21 Jean Ferrat, pardon, excusez-moi.
33:23 Vous voyez, j'étais encore dans Serge Lama.
33:25 Et c'est Jean Ferrat.
33:27 Thierry Lenz, au fond,
33:29 on parlait de ce film
33:31 et je comprends que le,
33:33 non pas le bonapartiste,
33:35 mais l'historien,
33:37 le plus accompli, pour moi,
33:39 aujourd'hui, de Napoléon,
33:41 soit, je ne dirais pas légèrement,
33:43 mais se disent,
33:45 pourquoi,
33:47 qu'est-il allé faire dans cette galère,
33:49 quelque part.
33:51 Austerlitz,
33:53 vous avez trouvé comment la séquence Austerlitz ?
33:55 - Vous avez trouvé très scrognogneux,
33:57 aujourd'hui.
33:59 - Non, mais c'est hippo, hippo.
34:01 - La scène des étangs gelés a bien eu lieu,
34:03 à la bataille d'Austerlitz,
34:05 c'est-à-dire qu'à la fin de la bataille,
34:07 au moment où Napoléon a gagné la bataille,
34:09 les Russes se replient et traversent
34:11 ces étangs gelés.
34:13 Et effectivement, les batteries françaises
34:15 tirent sur la glace
34:17 pour que les soldats tombent dans l'eau.
34:19 Alors, ce qu'on voit dans le film,
34:21 c'est vraiment, ils gagnent la bataille
34:23 et tout ça, mais...
34:25 On a sondé les étangs, on a relevé les cadavres,
34:27 évidemment, il y a eu entre 12 et 25 morts.
34:29 - Ah bon ? En tout ?
34:31 - Oui, sur une bataille qui a dû faire
34:33 je pense 2000 morts en tout, quelque chose comme ça.
34:35 Donc, c'est un épisode
34:37 légendaire, mais pas essentiel
34:39 dans la bataille. Ce qui est essentiel
34:41 dans la bataille, alors on ne va pas faire le technicien,
34:43 mais c'est l'attaque sur le plateau
34:45 de Pradzen par l'armée française
34:47 qui coupe l'armée russe en deux.
34:49 Et c'est après ce moment-là que
34:51 la partie gauche de l'armée russe
34:53 se sauve et
34:55 traverse ces petits étangs gelés,
34:57 mais qui étaient des étangs qui faisaient 50 cm
34:59 de profondeur. Donc là,
35:01 on a l'impression que c'est la banquise qui...
35:03 - Oui. Et là aussi,
35:05 est-ce qu'il n'a pas fait ça
35:07 pour les belles images ? - Mais pourquoi pas ?
35:09 Là, j'irais "pourquoi pas".
35:11 - En fait, vous, ce qui vous
35:13 choque le plus, en tout cas
35:15 qui vous déçoit le plus,
35:17 c'est peut-être qu'il a fait de Léopold Leun
35:19 un homme unidimensionnel,
35:21 qui n'a pas d'épaisseur, qui n'a pas de complexité,
35:23 qui n'a pas de... - Bien sûr.
35:25 - Voilà, qui n'a pas de confusion des sentiments.
35:27 - Et puis là, une mono-activité, c'est
35:29 aimer Joséphine, quoi, et faire la guerre.
35:31 Voilà, j'aime Joséphine et je fais la guerre.
35:33 En quelque sorte, il nous dit
35:35 "soyez cruel et amoureux,
35:37 vous serez Napoléon".
35:39 C'est un peu trop facile.
35:41 - Mais alors justement,
35:43 vous,
35:45 vous attendez quand même que d'autres films,
35:47 que d'autres séries se fassent sur Napoléon ?
35:49 - Si seulement.
35:51 - Mais je crois que vous avez participé à un projet...
35:53 - Oui, je participe toujours
35:55 à un projet qui n'est pas
35:57 totalement mort, mais qui est en état,
35:59 on va dire, de léthargie en ce moment.
36:01 Je peux en parler,
36:03 mais sans vous donner plus de détails,
36:05 c'est avec le réalisateur Jean-François Richet,
36:07 c'est lui d'ailleurs le chef de file
36:09 de ce projet.
36:11 C'est un projet qui est très abouti,
36:13 il faut quand même le dire. - C'est une série, c'est ça ?
36:15 - C'est une série, mais Jean-François,
36:17 qui est un réalisateur
36:19 qui adore l'histoire napoléonienne,
36:21 a dans ses cartons
36:23 des projets de films.
36:25 Lui, son choix, et je crois que c'est lui
36:27 qui a raison, si on n'a pas
36:29 15h ou 20h pour faire le film,
36:31 il faut trouver un épisode
36:33 et bien angler à travers ça.
36:35 Or lui, il a
36:37 quelques projets là-dessus, je ne peux pas
36:39 trop en parler, mais voilà.
36:41 En plus, qu'il m'a raconté, il m'a montré
36:43 ses débuts d'écriture, franchement
36:45 ça peut se faire.
36:47 Et puis ça ne coûtera pas 130 millions
36:49 de dollars, quoique si on les lui donne,
36:51 je pense qu'il est capable de les dépenser.
36:53 - Vous savez, je crois que des Netflix et compagnie ne seraient pas...
36:55 C'est un peu comme ils ont fait
36:57 avec The Crown.
36:59 - Mais vous savez qu'ils n'en veulent pas trop
37:01 parce que pour eux, Napoléon, c'est le mal blanc
37:03 conquérant, etc. On l'a entendu
37:05 dans les discussions qu'on a pu avoir.
37:07 - Ça c'est extraordinaire. Allez, arrêtons-nous là-dessus.
37:09 La Cancel Culture et The Walk
37:11 vont jusqu'à dire "attention, on n'est pas là".
37:13 Donc vous allez prendre un acteur noir.
37:15 - Vous avez vu ce qu'ont fait Disney
37:17 avec Blanche-Neige et les Sept Nains,
37:19 ce qu'on a fait avec Cléopâtre,
37:21 etc.
37:23 On est hélas dans un...
37:25 C'est-à-dire que vous et moi,
37:27 quand on était plus petits, quand on était jeunes,
37:29 tout ça, ça faisait partie des choses naturelles
37:31 de la vie. C'est-à-dire, voilà, il y a des blancs, il y a des noirs,
37:33 on vivait ensemble.
37:35 - Il n'y avait aucun racisme de quoi que ce soit.
37:37 - Et puis il y avait évidemment
37:39 des inégalités sociales.
37:41 Mais moi qui viens d'un milieu, du milieu sidérurgique,
37:43 ces inégalités sociales,
37:45 elles touchaient indistinctement
37:47 les descendants de Polonais,
37:49 les descendants d'Algériens
37:51 et puis les petits Français.
37:53 - Mais enfin, attendez, les agriculteurs de la Creuse
37:55 qui touchent 800 euros par mois,
37:57 c'est pas spécialement des
37:59 grands mâles blancs suprémacistes.
38:01 - Voilà, bien sûr.
38:03 - C'est étonnant.
38:05 Et je voudrais justement, à propos de Napoléon,
38:07 etc.,
38:09 je veux dire, justement,
38:11 on a parlé de ce Napoléon esclavagiste
38:13 et on a fait un sort et on voit
38:15 ce qui se passe, même pour Joséphine de Beauharnais.
38:17 - Oui, oui, oui.
38:19 - C'est bien statut.
38:21 - Elle est vraiment pour rien parce qu'au moment du rétablissement de l'esclavage,
38:23 elle venait d'écrire à sa mère
38:25 en lui disant "les colonies, ça ne vaut plus rien,
38:27 tu devrais rentrer en France".
38:29 Donc si elle avait
38:31 vraiment été pleine d'espoir
38:33 sur la reprise en main, elle n'aurait pas écrit ça à sa mère.
38:35 - Oui, oui, c'est fou.
38:37 Comment on habille
38:39 des gens qui n'avaient pas du tout cela ?
38:41 - Hélas, vous le savez,
38:43 on est malheureusement,
38:45 la connaissance est comptée pour rien.
38:47 Il faut maintenant du sentiment, il faut...
38:49 - Oui, l'émotion.
38:51 Et le reste n'existe plus.
38:53 Juste, alors,
38:55 je regardais la liste de vos livres,
38:57 c'est extraordinaire, c'est vrai,
38:59 c'est extrêmement impressionnant, Thierry Lens.
39:01 Et donc le dernier, c'est le tombeau
39:03 le plus récent, disons.
39:05 Et le prochain ?
39:07 - Alors le prochain, ça ne sera pas sur Napoléon,
39:09 ça va être sur un personnage que j'ai
39:11 découvert par hasard. Vous savez peut-être que
39:13 j'ai fait il y a quelques années un livre sur
39:15 Hitler ou Berghoff, c'est-à-dire que j'ai décrit
39:17 un peu comment on vivait.
39:19 Et à cette occasion-là,
39:21 un de mes amis a attiré mon attention
39:23 sur un franco-américain qui s'appelait Charles Bedot,
39:25 qui a été mêlé,
39:27 on va dire, à pas mal d'affaires à ce moment-là.
39:29 Et puis en cherchant un petit peu, je me suis rendu
39:31 compte que ce Charles Bedot, c'est un
39:33 homme que le monde entier connaissait.
39:35 Parce qu'il avait inventé un système
39:37 d'organisation scientifique du travail
39:39 qui a été adopté par toutes les grandes sociétés,
39:41 y compris Ford, Kodak, etc.
39:43 - Avant Taylor, après Taylor.
39:45 - C'est un dérivé de Taylor et en fait,
39:47 c'est sa méthode pratique qui a été
39:49 mise en oeuvre. Il a fait une fortune immense,
39:51 du coup il a fait
39:53 la Croisière Blanche, il a organisé
39:55 des grandes fêtes chez lui, puis il a acheté un château
39:57 près de Tours, le château de Candé,
39:59 où il a organisé le mariage du Duc de Windsor
40:01 et de Wallis Simpson. C'est chez lui qu'a eu
40:03 lieu ce mariage. Et partant de là,
40:05 il est entré dans une espèce de
40:07 fascination pour le pouvoir,
40:09 alors que c'était un homme d'affaires avant ça.
40:11 Il organise le voyage
40:13 des Windsor chez les nazis.
40:15 Donc évidemment, tout le monde lui tombe
40:17 dessus et a raison. Aux Etats-Unis,
40:19 un petit complot pour le
40:21 dessaisir de ses entreprises, et au moment de la guerre,
40:23 ça c'est extraordinaire,
40:25 on le rappelle, le gouvernement...
40:27 - En 40. - En 40, le gouvernement d'Aladier
40:29 l'appelle parce que Raoul Dautry, le ministre de l'Armement,
40:31 a besoin de quelqu'un pour réorganiser l'armement.
40:33 Et on dit "il y a quand même Bedeau".
40:35 Donc on appelle Bedeau. Il fait
40:37 multiplier par 0,5 à 1,5
40:39 la production
40:41 d'avions et de canons.
40:43 Et puis, à la défaite,
40:45 par exemple,
40:47 il paye les réparations
40:49 d'un grand quartier de Tours qui a été détruit
40:51 par les bombardements, etc.
40:53 Et puis, il se met à vouloir faire des affaires
40:55 pour tout le monde. Et tout le monde, à ce moment-là,
40:57 se retrouve en Afrique du Nord.
40:59 Et il y a des mines au sud
41:01 d'Oran. Et
41:03 le gouvernement de Vichy lui dit
41:05 "Occupez-vous des mines". Et les Américains disent
41:07 "C'est formidable, il va s'occuper des mines,
41:09 comme ça Vichy ne nous embêtera plus
41:11 avec le charbon". Puisque
41:13 le gouvernement américain a soutenu Vichy
41:15 au début. Et les Allemands
41:17 s'en mêlent, évidemment. Qu'est-ce que c'est ? On fait
41:19 du charbon, on veut notre part.
41:21 Et Bedeau ne sait pas s'en sortir.
41:23 Et finalement, je vous raconte la fin, parce qu'elle est
41:25 connue, il va se faire complètement broyer
41:27 là-dessus. Il va passer pour un nazi,
41:29 un collaborateur, alors qu'il était simplement
41:31 un homme d'affaires
41:33 un peu naïf, qui s'est fait
41:35 complètement manipuler. La ville de Tours possédait
41:37 une avenue Charles Bedeau.
41:39 Elle a été débaptisée parce que
41:41 quelqu'un a dit "Ouais, c'était un collabo".
41:43 Et on n'a pas étudié vraiment son dossier, parce qu'aujourd'hui,
41:45 avec les documents
41:47 qui ont été déclassifiés par le FBI,
41:49 puisque c'est les Américains qui l'ont liquidé,
41:51 on sait aujourd'hui qu'en fait, il a été
41:53 manipulé par les services américains, qui se sont
41:55 dit "On a
41:57 collaboré avec Vichy,
41:59 il faut qu'on se dédouane un peu, qu'est-ce qu'on pourrait faire ?"
42:01 Et puis, vraiment, c'est comme ça que ça se passe.
42:03 Il y en a un qui dit "Bedeau, débarrassons-nous de Bedeau".
42:05 Et quand on se débarrasse de Bedeau, la presse
42:07 américaine chante les louanges du gouvernement
42:09 américain en disant "Regardez-vous,
42:11 les Français, ce qu'on fait, nous, avec
42:13 les collaborateurs". - Oui, c'est ça.
42:15 Alors que M. Vernet, Bonbon et autres
42:17 arrivent... - Évidemment, et on les installe
42:19 confortablement. - Thierry Lenz,
42:21 une dernière question, puisque vous avez
42:23 passé une bonne partie de votre vie et vous continuez.
42:25 Si vous aviez,
42:27 là, une définition
42:29 de Napoléon,
42:31 une phrase qui, pour vous,
42:33 je ne dirais pas le résume, parce qu'il ne se résume
42:35 pas comme ça, mais quelle serait
42:37 votre phrase ?
42:39 - Oui, alors moi, je dirais,
42:41 j'ai deux mots, je dis
42:43 "Le projet et la volonté".
42:45 C'est-à-dire que Napoléon n'arrive pas au pouvoir
42:47 juste pour le plaisir de jouir du pouvoir.
42:49 D'ailleurs, jusque à la moitié de son règne,
42:51 c'est plutôt l'homme qui travaille
42:53 et qui s'occupe assez peu
42:55 de toutes ces choses-là. Ça, c'est le projet.
42:57 Et le projet, c'est la synthèse entre la Révolution
42:59 et l'Ancien Régime.
43:01 Il fallait le faire, il faut être courageux.
43:03 Et puis, l'autre chose, c'est
43:05 la volonté, le courage.
43:07 Dans une situation politique qui ne lui a pas
43:09 été toujours favorable, contrairement à ce qu'on dit,
43:11 ça n'a pas été le dictateur tranquille,
43:13 ça a été un dirigeant autoritaire
43:15 qui a dû se battre pour son pouvoir
43:17 jusqu'au bout. D'ailleurs, à la fin, il perd.
43:19 Et ça, je trouve que c'est...
43:21 Et comment est-ce qu'il a imposé,
43:25 alors sa volonté par sa personnalité, bien sûr,
43:27 mais parce que le projet,
43:29 il y avait une adhésion au projet.
43:31 Et c'est ça qui est... Enfin, bon, je vous vois
43:33 où j'ai la tête et comme je vous connais un peu,
43:35 je pense que vous pensez à des choses contemporaines.
43:37 Mais c'est vrai, on n'est pas
43:39 Napoléon juste parce qu'on est petit.
43:41 On est aussi Napoléon parce qu'on a
43:43 ce type de qualité politique.
43:45 Comme disait l'autre, il y a
43:47 beaucoup d'hommes de petite taille,
43:49 mais tout homme de petite taille n'est pas Napoléon.
43:51 Voilà. En tout cas, je transmettrai
43:53 notre conversation à Ridley Scott. Je pense
43:55 qu'il en tirera. Il sera très content.
43:57 Je pense qu'il va m'inviter à dîner.
43:59 Merci. Merci.
44:01 [Musique]

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