• l’année dernière
Céline Alonzo et André Bercoff reçoivent Anne Parillaud et Marie-Estelle Dupont, psychologue et psychothérapeute, pour une émission spéciale consacrée aux violences faites aux enfants.

Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2023-09-22##

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News
Transcription
00:00 - La réunion d'André Bercoff, d'Agnès Bill en France, on l'a dit dans l'émission d'Alexis Poulin,
00:05 un enfant est agressé sexuellement toutes les trois minutes.
00:09 Alors pourquoi devient-on victime ? Comment devient-on bourreau ?
00:12 Peut-on se libérer d'une relation toxique ? On va en parler avec Anne Pariot,
00:15 qui publie, André Bercoff, un roman puissant sur ce sujet,
00:18 et avec Marie-Estelle Dupont, psychologue clinicielle,
00:21 qui est auteure d'un livre sur les familles maltraitantes, André.
00:25 - Oui, le livre de Marie-Estelle Dupont, bouleversant aussi, s'appelle "L'antimère".
00:30 On en a parlé ici. Alors Anne Pariot, la présente pas, comédienne,
00:37 inoubliable en Nikita, elle était chez Catherine Briat, sexiste comédie,
00:42 terre promise de la mosquitaille.
00:44 Et puis un roman qui a été très remarqué, très lu, très commenté,
00:52 "Les abusés", paru chez Robert Laffont, une passion très forte
00:56 entre un, on peut dire, un pervers narcissique et une femme victime d'inceste.
01:02 Voilà, un récit, d'ailleurs, elle l'a dit elle-même,
01:04 inspiré de son vécu, quelque part.
01:08 Et c'est assez terrible, enfin, juste une phrase,
01:12 juste une phrase d'extrait de son livre.
01:15 C'est une petite avec des amis de grande,
01:17 une enfant à qui on ne demande pas son avis,
01:20 et qui obéit par peur d'être sanctionnée ou mal aimée.
01:22 Sur le regard violet de tendresse, elle est devenue cette chose que l'on prend,
01:26 une fleur en peau, un corps inanimé, désincarné, mort presque.
01:29 Un corps que seule ivresse amoureuse peut raviver.
01:32 De quoi est faite cette espèce d'amour qui l'obsède ?
01:35 Quel est l'empire qu'ils exercent sur sa personne ?
01:37 La soulève vers des êtres indignés qui abuseront d'elle.
01:40 Céline, voilà un livre bouleversant.
01:43 Oui, un livre de 368 pages, André, un livre puissant, bouleversant.
01:50 Il parle vraiment à tous ceux et à toutes celles qui ont été maltraitées enfant.
01:54 Alors pourquoi devient-on victime ?
01:56 On va en parler dans un instant sur Sud Radio, reste avec nous.
01:58 Et si vous-même vous avez été victime,
02:01 appelez-nous tout de suite au 0826 300 300.
02:04 On vous donnera la parole dans un instant sur Sud Radio,
02:06 juste avant 14h. A tout de suite.
02:08 Sarah André-Berkhoff est en fait son papa,
02:11 qui a abusé d'elle dès l'âge de 10 ans.
02:13 Ce drame, Anne Pariot, l'héroïne de votre roman,
02:15 "Les abusés" paru chez Robert Laffont,
02:17 l'a aussi malheureusement vécu.
02:19 Bonjour à vous et merci d'être avec nous en direct sur Sud Radio jusqu'à 14h.
02:23 Bonjour.
02:24 Alors dans ce livre, vous racontez une histoire bouleversante,
02:27 une passion amoureuse entre un homme et une femme,
02:30 qui va virer au drame.
02:31 Lui est un pervers narcissique qui la maltraite.
02:34 Elle, elle vit sous son emprise,
02:36 elle est atteinte du syndrome de Stockholm sans le savoir.
02:39 Elle agit comme on l'avait modelée,
02:41 en fillette soumise au meurtre d'âme
02:43 et au lavage de cerveau ayant besoin d'un tortionnaire à vie.
02:46 Excusez-moi, je suis émue.
02:47 C'est ce que vous écrivez, Anne Pariot.
02:50 Oui.
02:51 Et justement, pourquoi vous avez...
02:53 Qu'est-ce qui vous a amené à écrire, à formuler ça, Anne ?
02:56 Alors du coup, je vois Céline qui est ultra émue,
02:59 et ça va m'émouvoir aussi, ça va être un studio...
03:02 On va tous pleurer, non.
03:04 Pourquoi j'ai écrit ça ?
03:06 Parce que j'avais besoin de décortiquer
03:11 les mécaniques psychiques qui relient un bourreau à sa victime,
03:16 d'essayer de comprendre
03:18 qu'est-ce qui se passe dans la tête de celui qui fait le mal
03:20 et qu'est-ce qui se passe dans la tête de celui qui le subit,
03:23 et de comprendre effectivement comment on devient une victime,
03:26 pourquoi on devient un bourreau,
03:28 et que quand on essaye de se plonger dans ces phénomènes-là
03:32 en détail, en profondeur,
03:36 on s'aperçoit que c'est beaucoup plus complexe
03:38 que les choses telles qu'elles peuvent être décrites ou dites ou même vécues,
03:44 que les êtres humains sont vraiment ces machines d'une complexité hallucinante,
03:48 puisqu'on est toutes issues de chaînes parentales les unes derrière les autres,
03:54 et qui transmettent directement ou pas, consciemment ou pas,
04:00 des événements qui sont l'historique de nos histoires.
04:04 Et je voulais apporter un point de vue différent,
04:08 ou en tout cas un peu plus étudié,
04:12 parce que je voulais essayer de démontrer
04:15 que l'un comme l'autre, dès le plus jeune âge,
04:18 le bourreau comme sa victime,
04:21 sont deux âmes qu'on a broyées pratiquement à l'identique.
04:25 Ce sont deux cas de figure
04:27 dont l'affect a été déséquilibré dans l'enfance.
04:31 - Mais vous les mettez... Vous les renvoyez pas dos à dos quand même ?
04:34 - Je les mets pas dos à dos, mais dans le livre, c'est vrai que c'est vraiment
04:37 le parcours de l'un et de l'autre, à parité,
04:41 dans leur âme, dans leur cœur, dans leur psychologie,
04:45 parce que c'était important...
04:47 Moi j'ai vraiment une âme d'avocate,
04:49 dans le sens où c'est ce que je voulais faire au départ,
04:51 et où je pense que c'est ce qui est vraiment inscrit dans ma chair,
04:55 et donc telle une avocate, de vouloir vraiment plaider
05:00 aussi bien pour l'un que pour l'autre.
05:02 C'est-à-dire que la victime, forcément, il y a une empathie évidente,
05:05 et pour laquelle je vais évidemment partager,
05:10 puisque j'en fais partie.
05:11 Mais dans le cas du bourreau,
05:14 on a juste en général une condamnation,
05:16 et on n'essaye pas de comprendre
05:20 pourquoi il existe en tant que bourreau,
05:22 pourquoi il fait ses actes,
05:24 parce qu'il y a encore une fois ce qu'on est et ce qu'on fait.
05:27 Ce sont des actes monstrueux,
05:31 mais l'être en lui-même, il faut essayer de revenir à la genèse,
05:38 de comprendre pourquoi il est amené à agir comme ça,
05:41 parce que je pense que c'est la seule façon
05:44 de pouvoir essayer d'endiguer le problème,
05:47 c'est de le comprendre,
05:48 pour justement parer à ce comportement.
05:53 Parce que juste de juger n'amène pas de résultat.
05:58 - Essayez de traduire.
06:00 Alors Anne, ce livre qui est bouleversant,
06:04 vous avez attendu la mort de votre papa pour l'écrire ?
06:08 - Alors je ne l'ai pas attendu, le destin l'a fait pour moi.
06:12 En fait, ce que je mets en avant-garde du livre,
06:16 effectivement, mon père partait.
06:19 En fait, ce que j'ai écrit dans le livre,
06:21 c'est comme s'il ne devait pas le lire.
06:24 Mon père partait au moment où j'ai commencé à l'écrire,
06:28 et ma mère partait au moment où je l'ai terminée.
06:31 C'est vrai que ça a été très troublant pour moi
06:33 de me dire que je n'ai pas eu moins à décider
06:37 ou à réfléchir sur ce paramètre,
06:39 et le destin l'a fait pour moi.
06:41 Et donc, ils n'ont pas eu connaissance de cet ouvrage
06:44 qui vraisemblablement ne leur était pas...
06:50 - Destiné ?
06:50 - Destiné.
06:51 Mais je n'ai pas attendu la disparition de mon papa.
06:57 Il s'est trouvé que...
06:58 - C'est arrivé à ce moment-là.
07:01 - Alors, votre héroïne a été victime d'un père incestueux.
07:05 Vous l'avez été longtemps dans le déni,
07:08 non ? En quelque sorte ?
07:09 - En fait, un peu à l'instar de mon héroïne,
07:12 qui reste dans un flou aussi,
07:14 et c'est effectivement son mari qui essaye de lui incruster dans le cerveau,
07:19 que vu ses comportements,
07:21 vraisemblablement, c'est une abusée,
07:24 et qu'elle est effectivement victime d'inceste.
07:27 Et je pense que c'est une parallèle avec mon parcours,
07:32 puisque moi je pense effectivement être dans un déni total,
07:37 et donc vivre à travers ce que les psychologues expliquent,
07:43 qui est cette mémoire traumatique,
07:44 qui fait que c'est inenvisageable de pouvoir percevoir cet acte-là,
07:51 et que finalement, on l'occulte,
07:53 mais il ne disparaît pas.
07:56 - Pour vous, il était impossible que votre papa abuse de vous, en quelque sorte ?
08:01 - Oui.
08:01 - Quel rapport vous aviez avec votre papa ?
08:04 - C'est là où c'est extrêmement ambivalent et paradoxal,
08:07 c'était que c'était mon confident,
08:09 et lui-même se confiait entièrement sur son existence,
08:14 et que pour moi, c'était la personne la plus proche de moi.
08:18 Et effectivement, c'est d'autres membres de la famille,
08:22 parce qu'effectivement on sait aussi que quand il y a un membre de la famille
08:25 qui fait éclater ce secret,
08:27 il fait éclater toute la cellule familiale,
08:30 et qu'effectivement, je fais partie d'un dommage collatéral
08:35 d'un des membres de ma famille qui a décidé de parler.
08:39 - Vous faites référence à vos sœurs, en fait ?
08:42 - Oui, et c'est ça qui a commencé à germer en moi,
08:47 parce qu'un membre de ma famille a dévoilé un secret.
08:52 - Elles l'ont dévoilé à quel âge, vos sœurs ?
08:55 - En fait, ma sœur, elle l'a dévoilé assez récemment,
09:03 elle avait une cinquantaine d'années,
09:06 et j'ai une autre demi-sœur,
09:08 puisque mon père s'est séparé plusieurs fois,
09:13 et régulièrement avait des relations avec des jeunes femmes,
09:18 donc forcément avec des femmes qui voulaient des enfants,
09:20 donc j'ai des très jeunes demi-sœurs,
09:23 et c'est une jeune demi-sœur dont la mère a décidé
09:29 d'amener mon père dans un tribunal pour le condamner.
09:32 Et c'est comme ça que les choses se sont faites.
09:34 - Ah, ils doivent le poursuivre judiciairement, etc.
09:37 - Bah oui, pour qu'on prenne conscience des actes
09:41 qu'il avait fait sur ma demi-sœur,
09:43 et d'être condamné effectivement à être traité psychologiquement,
09:49 à être écarté de cet enfant,
09:51 et c'est là où le phénomène de l'emprise,
09:58 qui est quelque chose en revanche que je gère beaucoup mieux,
10:01 parce que ça j'en ai pleinement conscience,
10:04 d'avoir été sous emprise,
10:06 et d'avoir perduré dans mon existence,
10:10 ce phénomène d'être sous emprise.
10:12 Je pense que j'étais tellement sous l'emprise de mon père,
10:16 que même si une juridiction,
10:20 même si une société,
10:22 et même si des membres de ma famille
10:24 arrivent avec des preuves à l'appui,
10:29 je continue à hésiter,
10:33 à croire à ce que je peux...
10:36 - A ce que vous avez vécu.
10:38 - D'où le syndrome, effectivement,
10:40 le fameux syndrome de Stockholm.
10:42 - Mais c'est là où c'est assez...
10:46 Quand on a ce privilège d'être artiste,
10:50 et donc de pouvoir s'exprimer à travers la fibre artistique,
10:54 en revanche c'est là que l'inconscient s'étale sur la page,
11:00 parce qu'effectivement j'ai été moi-même
11:02 témoin de ce que j'ai écrit,
11:06 c'est là aussi où se sont révélés des éléments de mon existence,
11:10 parce qu'à travers mon héroïne,
11:12 j'ai finalement avoué ou révélé des choses à moi-même,
11:18 parce que là j'ai un avatar
11:22 qui me permet de ne pas vivre frontalement...
11:28 - Moi ce que j'aimerais savoir Anne Pariot,
11:30 c'est quand vos sœurs ont révélé avoir été abusées,
11:32 votre famille a explosé,
11:34 vous personnellement,
11:36 est-ce que vous avez questionné votre maman
11:38 sur les agissements de votre papa ?
11:40 - Oui, bien sûr, on l'a toutes fait d'ailleurs dans notre famille,
11:44 et elle affirme qu'elle n'était absolument pas au courant,
11:50 et que si elle l'avait été, elle aurait agi,
11:54 et donc on ne peut rien faire contre ça,
11:57 puisqu'on est obligé de la croire,
11:59 et qu'on est obligé d'admettre,
12:00 mais c'est vrai que ça paraît compliqué,
12:02 quand on a des très très jeunes enfants,
12:04 puisque en général, en tout cas dans ma famille,
12:06 je pense que ça s'est passé à des âges très très jeunes,
12:10 qu'une mère ne puisse pas être,
12:14 voilà, quelque part...
12:16 - Qu'elle ne soit pas au courant de...
12:18 - Oui, mais elle a voulu protéger votre papa j'imagine.
12:21 Quelle maman était-elle ?
12:23 Est-ce que c'était une maman aimante ?
12:25 - Alors non, ça en revanche,
12:27 je suis beaucoup plus à même de parler effectivement
12:29 de maltraitance dans la cellule familiale,
12:33 ou de désamour parental,
12:35 parce qu'effectivement, j'ai couru après l'amour
12:38 de mes parents, mais de ma mère,
12:40 essentiellement, toute ma vie,
12:43 et je ne me suis pas sentie reconnue, aimée, valorisée,
12:51 aimée plutôt évidemment,
12:53 à l'inverse, dénigrée et maltraitée psychologiquement.
13:00 Et ça effectivement, c'est quelque chose qui vous poursuit aussi
13:03 toute votre vie, puisque vous ne...
13:05 Si les deux entités parentales ne vous acceptent pas,
13:09 ne vous équilibrent pas à cet endroit-là,
13:11 ne vous rassurent pas à cet endroit-là,
13:13 vous ne pouvez plus jamais croire,
13:15 au cours de votre existence,
13:17 que qui que ce soit,
13:19 qui ne parviendra jamais à vous faire croire à votre valeur,
13:25 puisque ceux qui auraient dû le faire,
13:27 ne l'ont pas fait.
13:29 Et ça, ça détruit un être humain profondément.
13:33 - Oui, ça c'est fondamental.
13:35 - Et je pense aussi que c'est ce qui crée aussi beaucoup,
13:39 c'est ce qui existe beaucoup chez les artistes
13:41 qui finalement ont besoin d'aller exister d'une autre manière,
13:46 et d'être reconnus d'une autre manière,
13:48 parce que sinon ils sont dans un tel manque,
13:50 et dans un tel déséquilibre.
13:52 - Parce que l'amour en tant qu'artiste, en tant qu'comédienne,
13:54 ça compense ce que vous n'avez pas eu, par ailleurs.
13:57 D'être reconnu.
13:59 - Alors c'est des pansements, malheureusement.
14:02 - Ça ne guérit de rien.
14:04 - Ça ne remplace jamais, et on s'en est persuadé,
14:06 c'est comme l'argent,
14:08 les gens qui veulent de l'argent pour être heureux,
14:10 et puis quand ils l'ont, ils s'aperçoivent qu'ils ne l'ont pas,
14:12 c'est exactement le même processus.
14:14 On pense que quand on va être aimé par un nombre considérable,
14:17 reconnu par une communauté de votre valeur,
14:20 les choses vont s'arranger,
14:22 et en fait c'est un sac troué,
14:27 ça ne répare jamais complètement,
14:30 ça soulage momentanément, provisoirement,
14:34 mais du coup c'est une addiction,
14:36 puisque comme c'est provisoire,
14:38 on recherche en permanence ce pansement,
14:41 pour se cautériser de cette douleur,
14:45 de ne penser qu'on n'existe pas.
14:49 - Et ce qui est terrible dans votre histoire, Anne Pariot,
14:52 c'est que vous avez découvert que votre papa avait été lui-même abusé,
14:56 enfant. Comment avez-vous découvert ça ?
14:59 - En fait, parce que...
15:03 Je crois que je lui ai posé la question,
15:06 parce qu'effectivement, vu que dans ma famille,
15:10 il y avait donc ces plaintes,
15:12 et le fait qu'on le traitait en tant que pédophile et abuseur,
15:19 quand il est tombé malade,
15:23 j'ai voulu qu'il soit soigné à Paris,
15:26 et la veille d'une opération qui pouvait lui être fatale,
15:31 je lui ai parlé au téléphone,
15:34 et pour la première fois, je lui ai dit
15:37 "tu vas éventuellement peut-être partir, demain".
15:41 "J'ai besoin que tu me dises ce que disent mes sœurs,
15:46 et véritablement, il faut que tu me le dises,
15:50 je ne te jugerai pas, mais j'ai besoin de le savoir pour moi,
15:53 pour continuer dans mon avenir."
15:56 C'est un être qui est quand même au bord de la mort,
16:01 et on se dit "il n'a plus rien à perdre, il va me dire la vérité."
16:05 Et il m'a affirmé que jamais, jamais, jamais,
16:09 il n'avait osé quoi que ce soit de ce style de comportement.
16:15 - Donc lui aussi était dans le déni.
16:18 - Et en revanche, il m'a dit "j'ai été violée à l'âge de 17 ans
16:25 par un soldat américain,
16:28 qui était arrivé en France au moment de la libération,
16:32 de la guerre mondiale.
16:35 Et en fait, ça m'a confirmée aussi
16:40 dans le comportement que j'ai par rapport aussi à ces individus-là.
16:45 C'est-à-dire qu'effectivement, j'ai beaucoup de mal à juger,
16:48 puisque je suis plus dans l'empathie
16:55 de me dire que parce qu'ils ont été brisés,
16:58 parce qu'ils ont été abusés,
17:00 et qu'ils n'ont pas été aidés par la suite,
17:04 ils reproduisent des schémas.
17:06 Et qu'effectivement, quel est le personnage, la personne,
17:09 qui se lève le matin en disant "chouette, chouette, chouette,
17:12 je suis pédophile, quel bonheur !"
17:13 C'est un drame !
17:14 C'est un drame qui tombe sur un individu, sur ses épaules,
17:18 et avec lequel il va être obligé de gérer.
17:20 Et donc, où il se soigne, où...
17:22 Mais pour ça, il faut déjà qu'il ait des êtres autour de lui
17:25 qui lui fassent prendre confiance.
17:28 - Est-ce que ce jour-là, quand vous lui avez parlé à votre papa,
17:33 est-ce qu'il vous a demandé pardon ?
17:35 - Ah non, pas du tout, parce qu'il se sent pas remparable.
17:39 - Il a nié... Non mais j'ai juste un mot là-dessus, parce que...
17:42 - Mais même devant l'extrémité.
17:44 - Alors, moi je n'y étais pas, mais il a dit que c'était
17:47 la folie de la mère de ma sœur...
17:51 - Il a nié jusqu'au bout, lui.
17:52 - Oui, qui exagérait, qui avait une jalousie auprès de sa fille...
17:58 Il a trouvé des arguments qui pouvaient s'entendre, en fait.
18:01 Surtout quand on est sous emprise, c'est-à-dire qu'on accepte
18:06 le fait de dire qu'il peut y avoir des erreurs,
18:09 on peut condamner un être...
18:11 - Justement, est-ce que quand même, juste, vous ne pensez pas,
18:14 et quand il vous a dit "j'ai été violé à 17 ans par un soldat américain",
18:19 et après vous avoir dit "non, non, il ne s'est rien passé, c'est pas vrai, rien",
18:23 est-ce qu'il ne pouvait pas avoir inventé ce soldat américain
18:26 et ce viol de 17 ans ?
18:28 Est-ce qu'il a menti là et il ne s'aurait pas menti avant ?
18:32 - Oui, mais tout est possible.
18:34 Tout est possible.
18:36 Le fait est que...
18:39 Encore une fois, quand vos parents ne vous ont pas aimé,
18:47 ou en tout cas ne vous ont pas...
18:49 Comme ce n'est pas envisageable dans l'esprit d'un enfant
18:54 que votre parent, un des parents, ne puisse pas vous aimer,
18:58 vous grandissez avec l'idée que c'est vous qui n'êtes pas aimable.
19:02 Et donc c'est vous qui grandissez avec cette culpabilité,
19:05 c'est vous qui grandissez avec un désamour de vous-même,
19:09 et vous grandissez effectivement, et je ne le sais pas,
19:13 je l'ai effectivement découvert en écrivant mon roman,
19:15 que vous fabriquez ce fameux syndrome de Stockholm,
19:19 puisque finalement vous aimez ces êtres qui ne vous aiment pas,
19:23 parce qu'il n'y a pas le choix, parce que c'est vos parents.
19:26 Et donc pareil, ça perdure dans l'existence,
19:29 puisque vous êtes habitués à aimer des êtres qui vous font du mal,
19:33 et à être attachés à ce genre d'individu.
19:36 Et donc après dans vos relations, ça détruit énormément
19:40 les relations en général et les relations amoureuses,
19:43 où vous reproduisez les phénomènes d'emprise
19:46 et les phénomènes de syndrome de Stockholm, ou autres.
19:49 - Et oui, Anne Parillo, nous allons en parler dans un instant sur Sud Radio,
19:55 car ces crimes, ces viols, ces incestes, sont souvent des crimes transgénérationnels.
20:00 Nous allons en parler avec Marie-Estelle Dupont, psychologue et psychothérapeute,
20:03 qui a écrit notamment un livre sur les familles maltraitantes,
20:08 "L'antimère", à tout de suite sur Sud Radio.
20:10 - Cette chanson extraordinaire, très belle, Dimanche d'automne,
20:13 et quand on pense qu'on peut, et qu'il y a des gens pour faire vivre le contraire,
20:17 l'acte côté sombre, le côté obscur, à d'autres personnes innocentes.
20:23 - Malheureusement, cette maltraitance, elle existe, Marie-Estelle Dupont.
20:27 Merci de nous avoir rejoints sur Sud Radio.
20:29 Vous êtes psychologue, psychothérapeute et auteur de nombreux ouvrages,
20:32 notamment un livre puissant qui s'intitule "L'antimère",
20:36 qui est paru chez Albain Michel, un livre sur les familles maltraitantes.
20:40 Alors vous avez entendu le témoignage d'Anne Parillo.
20:43 Expliquons, qu'est-ce que l'inceste ?
20:46 - Oui, merci pour votre question, parce que je crois qu'une des difficultés
20:50 aujourd'hui pour que la société prenne conscience et accepte d'entendre
20:54 la réalité de l'inceste et des violences intrafamiliales,
20:57 c'est qu'on voudrait se raconter que l'inceste, c'est un viol commis au sein de la famille.
21:02 Mais c'est beaucoup plus complexe que ça.
21:04 Ça n'est pas du tout réductible à un acte sexuel au sein de la famille.
21:07 L'inceste, c'est un système.
21:10 D'abord, l'interdit de l'inceste, c'est le grand tabou de la civilisation.
21:13 Chez les animaux, il n'y a pas d'inceste, parce que ça menace immédiatement la survie de l'espèce.
21:17 C'est-à-dire que si un père fait un enfant à sa fille, l'espèce dégénère en fait.
21:22 Donc c'est un des piliers de la civilisation, l'interdit de l'inceste, avec l'interdit du meurtre.
21:27 - C'est un des tabous, c'est le tabou.
21:30 - C'est le grand tabou, puisque c'est le garant de la survie de l'espèce.
21:33 Et c'est un système, l'inceste. C'est-à-dire qu'on ne peut pas comprendre l'inceste
21:36 si on ne comprend pas l'incestuel, c'est-à-dire tout le climat
21:40 qui rend possible l'inceste.
21:43 Quand Anne Pariot décrivait tout à l'heure le fait que ce qui était trouble,
21:47 ce qui était flou, c'est que ce père était son confident,
21:50 ce père était proche, comment penser que ce père qui était si doux, si aimant
21:54 pouvait être par ailleurs un violeur ?
21:57 C'est précisément parce que dans l'inceste, toutes les places sont abolies,
22:02 tous les repères sont abolis, et que c'est un système et un climat
22:06 qui va rendre possible le passage à l'acte.
22:08 C'est-à-dire qu'on n'attire pas les mouches avec du vinaigre, pour le dire autrement,
22:11 et que quand vous êtes victime d'inceste, vous êtes l'idole de votre abuseur.
22:16 Tu es mon soleil, tu es ma confidente.
22:18 D'ailleurs, dans l'antimère, où moi je raconte mon histoire,
22:21 où je n'ai pas été directement victime d'un inceste au sens d'une pénétration génitale,
22:24 mais d'un système incestuel, où ma mère fait de moi son idole
22:27 avant de me dire que je suis une merde.
22:29 Et on est dans ce système d'emprise, où en fait toutes les places sont abolies,
22:33 il n'y a plus de différence des générations,
22:36 il n'y a plus de vrai et de faux,
22:39 il y a une effraction des limites corporelles,
22:41 mais une effraction aussi des limites psychiques.
22:44 Donc l'enfant est obligé de se couper de ses perceptions,
22:47 puisque comme le disait très bien Anne,
22:49 c'est ma figure d'attachement qui me rejette,
22:51 donc pour moi, l'amour c'est le rejet,
22:53 donc je ne peux aller chercher que du rejet chez les hommes après,
22:56 puisque s'il y a un homme même, il n'y a pas de borne passante en fait.
23:00 Je ne le repère pas, cet homme-là, il se plante, je ne suis pas aimable.
23:03 L'amour c'est forcément de la violence.
23:05 Donc si vous voulez, l'inceste c'est ce climat
23:07 qui est caractérisé par une confusion des langues,
23:10 où l'enfant va parler le langage de la tendresse et de l'attachement,
23:13 "Maman, tu es la plus belle",
23:15 "Papa, je t'épouserai quand je serai grande",
23:17 et ça c'est le langage normal de l'Oedipe,
23:20 mais dans l'Oedipe on est trois,
23:22 il y a papa, maman, l'enfant,
23:24 et l'autre parent vient superviser aussi ce qui se passe
23:27 entre le père et la fille, ou entre la mère et le fils.
23:29 Alors que dans l'inceste on est deux,
23:31 c'est-à-dire que l'adulte va tordre le langage de la tendresse
23:36 pour le récupérer sur le mode de la sexualité,
23:38 à un âge où l'enfant n'est pas assez mature
23:40 pour comprendre l'excitation sexuelle et pour la métaboliser.
23:43 Donc il va exploser complètement le psychisme en construction de l'enfant,
23:47 en passant à l'acte, en utilisant le fantasme de l'enfant
23:51 pour passer à l'acte ses propres besoins narcissiques.
23:54 Et ce que décrivait Anne dans "L'emprise",
23:56 dans "Mais je ne comprends pas",
23:58 et on sent qu'Anne est encore dans cette recherche
24:00 de comprendre tous les paradoxes de ce système,
24:02 c'est ce que nous en psychanalyse on appelle la séduction narcissique.
24:06 La séduction narcissique, pardon, c'est quand un parent ou un frère
24:10 va jouer sur la séduction pour récupérer chez l'autre
24:17 tout ce dont il a besoin pour combler ses propres vides
24:20 et ses propres failles, en fait.
24:21 Et donc il vous vampirise.
24:23 Et donc vous ne pouvez pas échapper parce que
24:25 votre existence est destinée, la victime sacrificielle
24:29 est destinée à nourrir cet autre.
24:31 Mais elle n'a pas d'existence si elle n'est pas en train...
24:33 Moi, si je ne m'occupais pas de ma mère,
24:35 j'avais le sentiment que j'étais morte quand j'étais enfant.
24:37 C'est-à-dire que quand on est pris dans ces systèmes,
24:39 si on ne nourrit pas notre bourreau,
24:41 on a l'impression d'être mort.
24:42 C'est pour ça que c'est très compliqué d'en sortir.
24:44 - Anne, vous le sentez comme ça ?
24:46 - Non mais là où c'est perturbant aussi,
24:49 c'est effectivement cette confusion de repères,
24:53 pareil, continue en fait,
24:56 puisque on est désaxés.
24:58 Et ce désaxement entraîne effectivement une vulnérabilité
25:03 qui nous entraîne à reproduire le schéma
25:05 puisque de toute façon nous n'avons pas la clairvoyance
25:08 pour justement avoir les repères.
25:10 On n'a pas les bonnes fondations en fait.
25:13 Donc, et c'est là peut-être l'une des choses les plus criminelles,
25:17 c'est que le problème c'est que c'est toute l'existence
25:21 qui est totalement désaxée,
25:23 que ce soit professionnellement, dans les relations et tout,
25:26 puisque tout est en fonction de ce filtre
25:29 et de nos faux repères.
25:32 - Mais alors, Maristelle, c'est un écosystème.
25:35 Dans le sens le plus horrible du terme,
25:38 mais c'est un écosystème.
25:39 - C'est un écosystème qui est caractérisé.
25:43 - Oui, et ce qui est important aussi de préciser,
25:45 c'est que c'est un crime souvent transgénérationnel.
25:47 - Donc souvent transgénérationnel,
25:49 puisque très souvent, pour survivre au trauma,
25:53 il y a une identification à l'agresseur.
25:55 Donc l'enfant abusé va devenir à son tour abuseur.
25:58 Pas toujours.
25:59 Moi je crois à l'existence du mal pur.
26:01 C'est-à-dire que moi je crois fermement que le mal existe
26:03 et qu'il y a un libre arbitre
26:04 et que ma mère n'avait pas l'excuse de ce qu'elle avait vécu
26:07 pour m'affriger ce qu'elle m'a affligé.
26:09 Et que toutes les maltraitances ne sont pas
26:11 de pauvres enfants qui ont subi de la maltraitance.
26:13 Il y a des gens qui jouissent de faire le mal
26:15 et ils n'ont pas nécessairement été maltraités en amont.
26:17 La psychopathie existe, voilà.
26:20 Toutefois, c'est très important de dire que l'inceste est un écosystème
26:23 et c'est un écosystème excluant.
26:26 C'est-à-dire que d'abord, pour en sortir,
26:29 il faut sortir de l'amnésie traumatique.
26:31 Donc il va falloir pouvoir se souvenir
26:33 de quelque chose qui a peut-être commencé à une époque
26:35 où on était bébé, donc on n'avait pas le langage
26:37 pour engrammer des souvenirs.
26:38 Un bébé qui a été abusé quand son père ou sa mère le changeaient
26:42 ne peut pas l'engrammer au niveau cortical.
26:44 Donc il ne peut pas s'en souvenir, il ne peut pas le parler.
26:46 - Et ça c'est quand il est bébé.
26:47 - Quand il est tout bébé.
26:48 Mais il y a aussi des amnésies traumatiques
26:50 parce que parfois, malheureusement, dans l'inceste,
26:53 moi j'ai une patiente que sa mère droguait au somnifère
26:56 pour que son père puisse s'abuser d'elle sans qu'elle s'en souvienne.
26:59 Donc elle s'en est souvenue très tardivement
27:01 et elle a passé la première moitié de sa vie à côté d'elle,
27:05 avec un trouble identitaire véritable.
27:07 Enfin, elle donnait très bien le change,
27:08 mais elle avait une partie de son identité et de son histoire qui lui manquait.
27:11 - Qu'est-ce qui fait justement qu'un jour,
27:13 moi ça m'a toujours interpellé,
27:14 qu'est-ce qui fait qu'un jour les victimes sortent du déni ?
27:17 - Et alors, juste un dernier mot,
27:19 je crois que cette femme m'a résumé l'histoire de l'inceste.
27:23 Elle m'a dit "mon père a utilisé mon amour contre moi
27:28 pour que je ne lui échappe pas".
27:30 C'est-à-dire que dans les familles abusives,
27:32 dans les familles maltraitantes, dans les familles perverses,
27:35 que fait le parent ?
27:36 Ou le grand frère, parfois, ou la grande sœur.
27:39 On utilise l'amour de l'enfant qui est inconditionnel.
27:43 C'est-à-dire qu'il faut quand même réaliser
27:44 que le regard d'un enfant sur ses parents et ses frères et sœurs,
27:47 c'est "vous êtes des héros, vous êtes tout pour moi,
27:50 je vous aime infiniment".
27:51 - Vous êtes mon monde.
27:52 - Vous êtes tout mon monde.
27:53 C'est terrible quand on devient mère, on se dit
27:55 "mais j'ai un pouvoir beaucoup trop grand,
27:56 je suis tout le monde de mes enfants en fait".
27:58 Et ses parents vont tordre ça,
28:01 ils vont utiliser l'amour de l'enfant contre lui.
28:04 Jusqu'à le pousser au suicide.
28:06 Parce que le problème, c'est que la victime d'inceste,
28:08 parfois, dans certaines familles, quand elle parle,
28:10 elle est à la fois la victime,
28:12 mais elle est aussi la pièce à conviction qu'il faut éliminer
28:14 parce qu'elle rappelle à la famille la culpabilité.
28:16 Donc on la fait passer pour folle,
28:17 on l'interne en psychiatrie,
28:19 on dit qu'elle est dans une secte,
28:20 on la pousse au suicide,
28:21 parce que sa simple existence
28:24 est une condamnation du système familial.
28:28 C'est pour ça que c'est très long de s'en sortir,
28:29 parce qu'une fois qu'on est sorti de l'amnésie traumatique
28:31 et du déni,
28:32 il faut sortir de la honte,
28:33 il faut sortir de la culpabilité,
28:34 il faut sortir de la peur,
28:35 et là, il faut trouver des figures secourables
28:37 qui vont vous dire "oui, tu peux parler"
28:39 et redonner des repères,
28:40 des repères internes en fait,
28:42 entre le bien et le mal,
28:43 parce que ça aussi, ça va sciller.
28:45 - Et puis on se retrouve dans un isolement finalement,
28:47 puisque on était isolés sans le savoir
28:50 de par les relations familiales désordonnées,
28:53 et après, si jamais on parle,
28:55 on se retrouve de nouveau dans un isolement
28:58 de tous ces êtres qui vous condamnent
29:03 et qui disparaissent,
29:04 puisque vous avez détruit une famille,
29:06 dysfonctionnelle soit,
29:08 mais une famille quand même,
29:09 et donc...
29:10 - Et puis au plus en plus,
29:11 la famille dit "comment tu oses parler de ça ?"
29:13 - Bien sûr, bien sûr.
29:15 Et puis il est plus facile pour les amis de la famille
29:17 qui réalisent qu'en fait,
29:19 ils allaient passer Noël et le Réveillon
29:21 chez des copains dont le père était pédophile,
29:23 de rejeter la victime,
29:25 parce que finalement la victime,
29:27 elle est tellement habituée à mettre en doute
29:29 ses propres perceptions,
29:30 que de toute façon,
29:31 si on la fait douter de ses perceptions,
29:33 elle va l'accepter,
29:34 plutôt que de se sentir coupable
29:36 de ne pas avoir vu la souffrance d'un enfant.
29:38 Donc ça, ça redouble l'isolement de la victime.
29:40 - Pas pour parler de ça,
29:41 mais on l'a vu avec Camille Kouchner
29:43 et la famille Lagrandé,
29:44 qu'à un moment donné, effectivement,
29:46 c'est vraiment intéressant,
29:47 parce que tout ce que vous décrivez,
29:48 toutes les deux,
29:49 c'est ça.
29:51 C'est comment, dans une famille respectable,
29:53 bourgeoise,
29:54 - Bien sous tout rapport.
29:55 - progressiste, de gauche, etc.,
29:57 donc généreuse,
29:58 et bien voilà, il se passe ça.
30:00 - Ce qui est terrible dans...
30:01 - Oui, ou cathotradie,
30:02 ou c'est-à-dire qu'il n'y a pas de sociologie dans l'inceste.
30:05 Moi je ne crois pas à la sociologie de l'inceste.
30:07 Il n'y a pas l'excuse de la précarité.
30:09 - Oui, il n'y a pas le statut social,
30:10 l'économie, etc.
30:11 - Il y en a dans tous les milieux,
30:12 avec cette caractéristique que
30:13 l'enfant captivé,
30:15 c'est-à-dire l'enfant fasciné naturellement par son parent,
30:17 l'enfant captivé est un enfant captif.
30:20 En fait.
30:21 - Oui.
30:22 - Mais comme vous l'avez dit tout à l'heure,
30:23 un abusé peut devenir un abuseur,
30:25 et un abuseur, un abusé,
30:26 c'est-à-dire que là où c'est comme,
30:27 par exemple, dans les relations de perversion narcissique,
30:30 ce qui est aussi extrêmement complexe
30:32 et troublant,
30:33 c'est que c'est une question de pouvoir.
30:36 C'est-à-dire au moment de la rencontre,
30:38 il y en a un qui prend le pouvoir sur l'autre,
30:40 qui est le puissant,
30:41 mais ça ne veut pas dire que celui
30:43 qui va être soumis dans cette relation
30:45 ne sera pas l'abuseur d'une autre relation,
30:48 parce qu'en fait, encore une fois,
30:49 c'est issu de la même problématique,
30:51 et que donc ça peut s'inverser.
30:53 - Et que pour survivre...
30:55 - On est toujours sur des rapports d'abus,
30:56 que ça soit d'un côté ou de l'autre.
30:58 - Et que pour survivre,
30:59 parfois la personne ne trouve que le...
31:02 Si elle n'est pas soignée,
31:03 c'est l'identification à l'agresseur
31:05 qui peut prendre le dessus.
31:06 - Ce serait intéressant d'entendre,
31:07 je crois que nous avons Sophie,
31:08 qui nous appelle de Nouvelle-Aquitaine.
31:11 Bonjour Sophie.
31:12 - André, nous sommes obligés de faire,
31:14 malheureusement, une pause publicitaire,
31:16 alors on donnera la parole tout à l'heure aux auditeurs.
31:19 - Sophie, restez avec nous,
31:21 et Catherine aussi.
31:22 - Exactement, on va vous donner la parole.
31:24 - On se retrouve après une toute petite pause.
31:25 - Dans un instant sur Sud Radio à tout à l'heure.
31:26 Emmanuel Béard, qui a été victime d'inceste à l'adolescence,
31:30 a décidé de sortir du silence dans un documentaire
31:32 vraiment poignant, André Bercoff,
31:34 qui sera diffusé à 23h10 sur M6.
31:36 Vraiment, je vous invite sur les éditeurs.
31:38 - Dimanche prochain, c'est ça.
31:39 - Ce dimanche, effectivement.
31:40 Voilà, il y a d'autres victimes,
31:42 plusieurs victimes qui témoignent dans ce documentaire,
31:44 et nous allons donner tout de suite la parole à Catherine.
31:47 Bonjour Catherine, vous nous appelez du Val-d'Oise sur Sud Radio.
31:50 - Oui, bonjour, bonjour.
31:52 Oui, j'ai eu le privilège de participer,
31:56 et de témoigner dans un silence si bruyant.
32:02 J'ai eu la chance de rencontrer Anastasia Mikhova,
32:06 il ne faut pas oublier,
32:08 et certes, Emmanuel Béard, bourré de sensibilité.
32:12 Enfin, c'était bouleversant, c'était poignant,
32:15 et en même temps une très belle aventure.
32:17 Moi, on entend juste ma voix au début,
32:19 mais en fin de compte, c'est symbolique,
32:21 parce qu'à cause de l'inceste maternel,
32:23 je n'ai pas pu réaliser,
32:26 m'épanouir dans ma vocation artistique de chanteuse.
32:31 - Et par rapport à ce que vous avez entendu de la part de Anne Pariot,
32:37 et par rapport à Marie-Estelle Dupont,
32:41 est-ce que vous vous êtes sentie en osmose, en communauté,
32:46 avec un accord musicalisé ?
32:48 - Complètement, et puis concernée.
32:50 Et puis j'ai 30 ans de psychanalyse lacanienne,
32:53 c'est-à-dire que j'ai travaillé avec un psychanalyste lacanien,
32:57 un seul, donc c'était très stable,
33:00 et durant une trentaine d'années,
33:01 il a été obligé de quitter l'activité,
33:03 et de m'exprimer ainsi, pour des raisons médicales.
33:06 Mais j'ai une relation vraiment très privilégiée,
33:09 et fantastique, qui m'a apporté énormément.
33:12 - Et vous en êtes sortie aujourd'hui, Catherine ?
33:14 - Alors, écoutez, pour répondre brièvement,
33:17 si vous voulez, à la question,
33:19 oui, je peux vous dire, on ne guérit jamais.
33:22 C'est irréversible, d'autant plus que l'inceste a entraîné
33:25 des viols, des violences conjugales,
33:27 l'incarcération, la toxicomanie, l'héroïne,
33:30 enfin bref, tout un tas de merde, excusez-moi,
33:34 dû à, comme je dis, ce poignard, vraiment,
33:39 du cerveau jusqu'au sexe.
33:42 Donc je crois que c'est un crime, j'en suis sûre,
33:45 et que oui, on peut aider les autres,
33:48 oui, on peut arriver à s'aimer, parvenir à s'aimer,
33:51 c'est pour ça que je suis vraiment d'accord
33:53 avec ce que dit Anne Pario,
33:56 et c'est malgré tout, oui, une blessure à jamais.
34:01 - Comprends. Anne Pario ? - Merci.
34:03 - Oui, non, c'est touchant de vous entendre,
34:05 je ne sais pas si vous m'entendez, elle m'entend ?
34:07 - Oui, oui, qu'elle le lui voit.
34:09 - Oui, non, non, c'est très touchant ce que j'entends,
34:12 et effectivement, quand on entend d'autres personnes
34:16 s'exprimer sur un dossier, surtout que vous, du coup,
34:20 vous êtes en contact direct avec ce qui vous est arrivé,
34:23 ce qui n'est pas, encore une fois, mon cas,
34:25 puisque moi j'ai un déni complet,
34:27 mais c'est très touchant d'être extrêmement touchée
34:33 par ce qui vous arrive,
34:35 comme si moi ça ne m'était pas arrivé,
34:37 et d'être en empathie totale avec ce que vous vivez,
34:41 et du coup c'est très particulier pour moi,
34:43 mais ça me touche terriblement,
34:45 et j'entends, je pense que ça passe direct dans mon inconscient,
34:48 sans passer, voilà, par une réalité,
34:54 mais je serais heureuse de vous rencontrer, vous savez.
34:59 - Ça pourrait se faire.
35:01 - Oui, oui, parce que...
35:03 - On en parlera après l'antenne, merci Catherine.
35:05 - Oui, diabète coordonné, en tout cas.
35:07 - Juste...
35:08 - Oui, pardon, je vous écoute, en tout cas,
35:10 c'est l'inceste maternel,
35:12 et même si je suis une féministe convaincue,
35:14 oui, il y a des mères toxiques,
35:16 oui, il y a des mères criminelles, maltraitantes,
35:18 et là-dessus, évidemment que je rejoins également Marie-Estelle Dupont,
35:22 je me suis empressée de commander son livre d'ailleurs,
35:25 et voilà.
35:26 - Merci Catherine, merci de nous avoir appelés.
35:28 - Merci Catherine.
35:29 - Marie-Estelle Dupont, comment peut-on se reconstruire quand on a été victime ?
35:32 - C'est très important, en fait, ce que dit Catherine en disant
35:34 "et l'inceste a entraîné des violences conjugales,
35:36 et de la toxico, et en fait ma vie m'a été volée,
35:39 et c'est parti dans tous les sens",
35:41 c'est très important, parce qu'elle décrit extrêmement bien
35:44 à quel point dans ces familles,
35:46 alors incestueuses bien sûr, mais plus largement incestuelles,
35:49 maltraitantes,
35:51 le développement de l'enfant, c'est un développement qui est centripète,
35:55 et ces familles-là sont centrifuges,
35:57 c'est-à-dire qu'elles vont barrer la sortie à l'enfant,
35:59 moi je dis bien dans le livre,
36:01 mes frères ont réussi à s'enfuir, mais je sais pas comment,
36:04 mais moi j'ai pas trouvé la porte de sortie,
36:06 j'ai mis 30 ans à la trouver,
36:08 c'est-à-dire que ce qui nous est barré, c'est l'autonomie du désir,
36:11 c'est l'autonomie de la perception, ce que tu ressens n'existe pas,
36:14 non tu n'as pas mal, oui tu es contente,
36:16 c'est l'autonomie de la parole,
36:18 ce que tu dis n'est pas intéressant, d'ailleurs je ne l'entends pas,
36:20 d'ailleurs c'est faux, d'ailleurs c'est un mensonge,
36:22 c'est l'autonomie du jugement,
36:24 c'est l'autonomie du choix en fait,
36:26 c'est-à-dire que là où les autres démarrent leur vie,
36:29 nous déjà on met 30 ans à trouver la ligne de départ,
36:33 voyez ce que je veux dire,
36:34 parce que c'est l'accès à l'autonomie qui est barré,
36:36 alors que les parents c'est ceux qui donnent à l'enfant les clés progressives
36:39 pour qu'ils volent de ses propres ailes,
36:41 et nous on prend nos ailes, on les casse en mille morceaux,
36:44 et après tu te démerdes, et de toute façon c'est de ta faute.
36:46 - Anne Paré, oui. - La seule chose que je voudrais rajouter,
36:49 c'est qu'évidemment qu'il faudrait absolument que ces choses-là n'existent pas,
36:53 mais une fois qu'elles ont existé,
36:56 si on doit y en tirer quelque chose à minima de constructif ou de positif,
37:02 je dirais que sur des êtres qui ont donc eu des complications justement d'existence,
37:10 ça nous a donné une réflexion, une analyse, une observation, une sensibilité,
37:16 et que ce sont quand même des atouts dans l'existence qui peuvent être utilisés,
37:21 transcendés, et voilà.
37:24 Parce qu'effectivement il y a des parcours plus simples,
37:27 qui en fait on ne se pose pas la question sur rien,
37:30 puisque finalement la vie coule comme une rivière douce comme ça,
37:35 alors que sur des êtres abîmés,
37:38 bien évidemment l'échappatoire est d'y réfléchir et de se poser des questions
37:44 sur l'ensemble d'un itinéraire humain et de l'exploration humaine,
37:48 ce désir de vouloir explorer l'humain.
37:50 - Et ça m'a donné... - Soit vous répétez, soit vous transformez.
37:53 C'est-à-dire qu'il y a ceux qui vont prendre le destin,
37:55 faute de rencontre, faute de ressources imaginaires ou affectives ou spirituelles,
37:59 vont prendre le chemin de l'identification à l'agresseur
38:01 et devenir à leur tour des bourreaux qui répètent ce qu'ils ont vécu pour se l'approprier,
38:04 et donc ils vont érotiser la douleur en la répétant,
38:07 et puis il y a ceux qui vont transformer, qui vont bosser sur eux,
38:10 qui vont chercher, qui vont s'interroger,
38:12 et on peut transformer.
38:14 Évidemment que la psychothérapie, c'est transformer le plomb en or,
38:17 mais la psychothérapie suffit pas.
38:19 Je crois aussi qu'il faut des rencontres saines.
38:21 - Anne Pariot, en 10 secondes, pourquoi vous avez choisi le roman et non pas l'autobiographie ?
38:26 - Parce que moi je n'avais pas besoin de pousser un cri personnel,
38:29 j'ai ce privilège d'être artiste, de pouvoir utiliser l'expression artistique
38:33 pour en fait à la fois faire des catharsis et en même temps créer un partage.
38:39 Parce que le roman permet de déployer les ailes d'un thème de manière beaucoup plus vaste,
38:45 là où l'autobiographie ou le témoignage peut parfois tomber dans l'écueil de l'égo-centrisme,
38:51 et donc de ne pas permettre la liberté à l'auteur de dire tout ce qu'il a à dire sans tabou,
38:56 et la liberté au lecteur de pouvoir se projeter,
38:59 parce qu'il peut s'approprier une histoire qui n'appartient à personne,
39:02 puisque ce n'est pas une autobiographie.
39:05 Et ça pour moi c'est très important, c'est le partage que je cherchais,
39:10 c'était la rencontre, l'échange, et non pas de me délivrer d'une plainte ou d'une douleur.
39:16 - En tout cas vous avez eu toutes les deux, vous Anne Pariot avec Les Abusés,
39:20 vous Marie-Stelle Dupont avec L'Antimère, pour ne citer que ces livres,
39:25 vous avez eu, moi je les ai lus, c'est une parole de vérité,
39:29 c'est une parole pour ceux qui n'ont pas vécu cela,
39:33 qui ont presque la chance de vivre autre chose, peut-être avec d'autres problèmes,
39:37 de savoir ce que ça veut dire.
39:39 Et vous l'avez exploré dans la complexité, le réel n'est pas noir et blanc,
39:43 le réel est complexe, le réel est à facettes, les zones d'ombre et les zones de lumière,
39:48 et je pense qu'on a eu un vrai inventaire, et on vous en remercie.
39:54 - Et oui, chers auditeurs, lisez ces deux livres, Les Abusés chez Robert Laffont,
39:58 et L'Antimère chez Albain Michel, merci Marie-Stelle Dupont et Anne Pariot d'être venus sur Sud Radio,
40:04 ce livre va aider effectivement si vous avez été victime de violences, de maltraitances, d'un pervers narcissique,
40:10 ces deux livres vont vraiment vous aider chers auditeurs, lisez-les.

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