André Bercoff et Céline Alonzo reçoivent Anne-Isabelle Tollet
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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2024-10-10##
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NewsTranscription
00:00SUD RADIO, la culture dans tous ses états. André Berkhoff, Céline Alonso.
00:06Marziyeh, la grande diva iranienne André Berkhoff qui a été de son vivant la voix de la liberté et de la résistance face au régime d'Emmola
00:27qui l'ont condamné au silence dès leur arrivée au pouvoir en 1979.
00:31Aujourd'hui l'Iran est l'un des plus répressifs pays au monde André.
00:36Un jeune est pendu tous les deux ou trois jours pour avoir simplement manifesté pour obtenir plus de liberté.
00:42Une très grande journaliste française a eu le courage de s'y infiltrer dans cette dictature islamique André Berkhoff.
00:49Je crois que ce qu'a fait Anne-Isabelle Tollé est très important.
00:53Elle a fait pour moi l'une des formes les plus HV et les meilleures du journalisme.
00:58C'est ce que j'appelle le journalisme masqué.
01:00Evidemment que si les télés en lirant avec sa carte presse en disant voilà je suis journaliste et je viens vous voir pour voir un peu où en est votre degré de démocratie.
01:09Cher Molla, bon on sait très bien comment elle aurait été.
01:12Je sais pas si elle aurait pu franchir les portes de l'aéroport.
01:15Elle s'est fait passer pour une auditrice d'entreprise et elle a passé 15 jours là-bas par une agence de voyage et avec une autre personne, une autre voyageuse qui n'était pas du tout au courant.
01:28Elle est allée pour le tourisme.
01:29Et puis ce qui est formidable dans ce livre c'est que vous avez en 15 jours vraiment vous avez parlé avec beaucoup de gens.
01:35Vous avez fait le mur.
01:37Vous avez nous raconté.
01:38Vous avez rencontré des gens très divers.
01:41Vous êtes allé dans plusieurs villes et vous donnez, vous tendez un miroir et un miroir qui réfléchit comme disait Cocteau sur ce qu'est ce pays aujourd'hui au centre du séisme qui ravage on peut le dire le Proche-Orient.
01:55Ce n'est pas nouveau mais c'est vraiment dans le cœur.
01:59Je veux dire on est dans le cœur du cyclone avec vous et c'est un livre passionnant de ce point de vue là.
02:04Et oui, un livre remarquable.
02:06Le Voyage interdit paru aux éditions du Cherche-Midi.
02:09L'auteur Anne-Elisabeth Tollé sera avec nous dans un instant sur Sud Radio.
02:13Elle dédie ce livre à la jeunesse iranienne.
02:16On va en parler dans un instant.
02:17A tout de suite.
02:18Sud Radio.
02:19Sud Radio.
02:20Par l'ombre.
02:22Sud Radio.
02:23La culture dans tous ses états.
02:25André Berkoff.
02:26Céline Alonso.
02:35Et oui, cet hymne révolutionnaire André Berkoff avait été interprété en farci sur les réseaux sociaux par une jeune femme iranienne non voilée en signe de révolte suite à la mort de Masha Amani à Téhéran.
02:58C'était en septembre 2022 André.
03:01Depuis des émeutes ont secoué le pays.
03:03La répression est vraiment féroce.
03:05Les journalistes occidentaux n'obtiennent plus de visa pour la République islamique.
03:09Mais une française, grand reporter, a bravé tous les dangers, tous les interdits pour aller à la rencontre du peuple iranien.
03:15Et elle est aujourd'hui notre invitée sur Sud Radio.
03:18Anne-Elisabeth Tollé, bonjour à vous.
03:20Bonjour.
03:21Alors vous publiez un récit poignant, envoûtant, bouleversant qui s'intitule Le Voyage interdit au Cherche-Midi.
03:29Quelle subterfuge avez-vous trouvé pour faire ce voyage ?
03:34Eh bien j'ai trouvé un subterfuge qui paraît un peu bête comme ça.
03:38Mais j'ai regardé s'il y avait encore des voyages organisés pour aller en Iran.
03:42Et après la révolte des femmes dont vous avez parlé, après la mort de Masha Amani,
03:47qui a donc été battue à mort après avoir été arrêtée pour un port du voile non conforme,
03:52c'est tel quel que ça a été retranscrit.
03:55Mais globalement elle avait son voile, elle avait juste deux mèches de cheveux qui dépassaient.
03:59Donc il faut quand même se représenter qu'elle est morte pour trois mèches de cheveux qui dépassaient.
04:03Donc à partir de là, toutes les agences de voyages ont stoppé les voyages en Iran
04:08parce que justement il y avait énormément de manifestations,
04:12avec une milice qui s'appelle les Basij,
04:16qui est une milice qui est l'équivalent un peu des CRS chez nous,
04:20qui tirait à balles réelles.
04:22Et puis il y a aussi la diplomatie des otages, c'est-à-dire la République islamique d'Iran pratique la diplomatie des otages.
04:27En clair, ça veut dire qu'ils font des arrestations arbitraires d'occidentaux
04:31pour pouvoir ensuite dealer avec les pays concernés,
04:36soit en échange de prisonniers, soit en échange d'argent,
04:40soit à la libération de fonds qui sont bloqués, etc.
04:44Et donc dès lors, même le ministère des Affaires étrangères
04:48avait manifesté le fait qu'il ne fallait absolument plus se rendre en Iran dans ces conditions.
04:53Et donc pendant plusieurs mois, j'avais mis des alertes partout.
04:56Et puis j'ai fini par trouver une petite agence de voyages iranienne
05:00qui a renouvelé le séjour.
05:04Avant, j'ai regardé qu'il y a un bureau à Paris, j'imagine.
05:07Il y a un bureau à Paris, qui a été le premier à reprendre les voyages en Iran.
05:11Et c'est ainsi que je me suis inscrite immédiatement.
05:14Et puis au début, initialement, nous étions 10, on devait être 10.
05:18Et puis finalement, 8 se sont débinés, je dirais, parce qu'ils ont eu peur.
05:23Et heureusement, il restait encore une personne qui m'a permis de faire ce voyage,
05:28sinon le voyage aurait été annulé.
05:29Alors vous étiez quoi ? Vous avez mis quoi sur votre...
05:32Alors j'ai mis que je faisais des audits en entreprise.
05:36Parce qu'il faut quand même préciser pour les téléspectateurs
05:40que même si on entreprend un voyage touristique,
05:44mais qu'on a la profession de journaliste,
05:46on a l'obligation de déclarer qu'on est journaliste.
05:48Sans quoi on est en tort.
05:50C'est comme ça dans certaines républiques islamiques,
05:52comme la Corée du Nord par exemple aussi,
05:54il faut dire qu'on est journaliste, même si c'est un voyage touristique.
05:58C'est pour ça que j'ai dit que je faisais des audits en entreprise,
06:02pour que ça passe, pour qu'on ne se pose pas de questions.
06:04Là où j'ai eu beaucoup de chance, c'est que ce n'est pas moi qui ai fait la demande de visa.
06:08Et c'est pour ça que l'ambassade d'Iran n'a pas été trop regardante,
06:10parce que c'est vrai qu'à cette époque-là,
06:12c'était pile-poil il y a un an,
06:14il n'y avait pas de touristes français qui venaient.
06:16Et oui, et votre histoire est incroyable,
06:18parce qu'il faut le raconter aux auditeurs,
06:20et vous le racontez dans ce livre,
06:22aux yeux de la république islamique,
06:24vous accumulez beaucoup de défauts,
06:26comme vous l'écrivez.
06:28Racontez-nous lesquels.
06:30Premier défaut, d'être journaliste.
06:32Deuxième défaut, d'avoir harcelé la république islamique du Pakistan
06:36pendant dix ans,
06:38pour faire libérer Asia Bibi,
06:40qui était une chrétienne pakistanaise,
06:42condamnée à mort pour avoir bu un verre d'eau,
06:44jugée harame pour la république islamique du Pakistan.
06:48Et donc, ça a été considéré comme étant un délit de blasphème,
06:52et au Pakistan, le délit de blasphème est passible de la peine de mort.
06:54Et donc, vivant au Pakistan à cette époque-là,
06:56et puis même après,
06:58j'ai continué à défendre cette femme,
07:00et puis elle a fini par être...
07:02Vous avez écrit un livre avec elle.
07:04Elle a fini par être libérée et innocentée,
07:08et aujourd'hui, elle vit paisiblement avec sa famille,
07:10dans des contrées lointaines canadiennes.
07:12Mais partir à cette période,
07:14effectivement, on l'a compris,
07:16c'était une réelle folie,
07:18on peut le dire ainsi, en ces termes.
07:20On va dire que ce n'était pas recommandé,
07:22mais en même temps, j'ai envie de vous dire que si j'ai choisi de faire ce métier,
07:24c'est précisément pour aller là
07:26où on n'a pas envie qu'on aille.
07:28Oui, d'abord, mais c'est aussi
07:30le fait que la république islamique d'Iran
07:32ne veuille pas que des journalistes
07:34aillent mettre leur nez en Iran
07:36pour se faire le porte-voix, justement,
07:38de la population qui souffre dans cette répression féroce,
07:40comme vous l'avez dit, Céline.
07:42Eh bien, pour moi, c'est un signe d'encouragement.
07:44C'est qu'il faut aller voir ce qu'il se passe.
07:46Et tous ces dangers, parce qu'effectivement,
07:48vous l'avez dit,
07:50les arrestations arbitraires,
07:52aujourd'hui, il faut le dire, dans votre livre,
07:54il y a trois Français qui y sont détenus,
07:56qui sont considérés comme étant des otages d'Etat.
07:58Vous, ces dangers ne vous ont absolument pas
08:00fait reculer ?
08:02Vos amis, votre famille vous ont pas un peu découragé ?
08:04Si, mais bon, après,
08:06vous savez, c'est pas plus dangereux que de faire de la moto
08:08sur le périphérique, j'ai l'impression.
08:10Et puis, c'est mon métier, en fait.
08:12Les terrains dangereux,
08:14c'est mon métier depuis 20 ans.
08:16Et c'est ce pour quoi j'ai voulu faire ce métier.
08:18C'est surtout pour être
08:20le témoin et rapporter les faits.
08:22Et d'être sur le terrain.
08:24Et d'être sur le terrain pour pouvoir rapporter les faits,
08:26parce que ce qu'on entend de l'Iran,
08:28c'est uniquement la propagande de la république islamique.
08:30Et on a l'impression
08:32que le peuple iranien soutient.
08:34Ou du moins, bon, ben voilà,
08:36ils sont plus ou moins OK avec eux.
08:38Mais alors, pas du tout. Et c'est pour ça qu'il était
08:40important et fondamental, à mon sens,
08:42d'aller à la rencontre de ces gens
08:44qui ne peuvent pas parler,
08:46puisqu'ils font l'objet
08:48d'une censure terrible.
08:50Juste une chose, quand vous dites le peuple iranien,
08:52pas du tout. Une partie du peuple iranien
08:54faut reconnaître soutient.
08:56Et il y a un sondage
08:58qu'on peut considérer comme vrai,
09:00puisque c'est la république islamique
09:02qui l'a commandé, justement, ce sondage.
09:04Donc c'est un sondage d'État,
09:06on va dire ça comme ça.
09:087 Iraniens sur 10 ne soutiennent plus
09:10le régime de la république islamique.
09:12Donc plus de 70%.
09:14Et puis il y a un autre chiffre aussi qui est intéressant,
09:16c'est que 60% de la population a moins de 30 ans.
09:18Et cette jeunesse qui, elle,
09:20arrive à déjouer la censure numérique
09:22et qui a accès aux réseaux sociaux,
09:24aux plateformes,
09:26aux informations,
09:28se rendent compte qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
09:30C'est-à-dire que ce n'est pas normal qu'on les tue
09:32pour manifester pacifiquement,
09:34qu'on les pende.
09:36Et je reprends d'ailleurs, parce que le chiffre s'est accéléré,
09:38maintenant, c'est une pendaison
09:40toutes les 5 heures, parce que la répression...
09:42C'est énorme, vous êtes sur l'Irka,
09:44quand Céline m'a dit ça, c'est énorme.
09:46Oui, c'est énorme.
09:48Il y a 20 000 prisonniers
09:50pour avoir manifesté.
09:52Donc, ils sont considérés comme étant
09:54des rebelles, en rébellion contre l'État, etc.
09:56Et pour
09:58mater le peuple,
10:00eh bien, plus
10:02le peuple
10:04se révolte,
10:06et plus la répression est dure.
10:08Et donc, c'est pour
10:10dissuader, en fait, cette population.
10:12D'où l'intérêt du livre.
10:14Alors, justement,
10:16à Téhéran, Téhéran a été la première étape
10:18de ce circuit que vous avez fait, qui a duré 15 jours.
10:20Qu'est-ce qui vous a le plus frappé
10:22en arrivant dans ce pays ?
10:24La première nuit, racontez-nous.
10:26Ce qui m'a le plus frappé, c'est
10:28de voir une ville
10:30infiniment moderne,
10:32qui ressemble à une ville européenne
10:34comme Athènes, et par endroits
10:36à Dubaï, donc
10:38extrêmement moderne, avec de la richesse,
10:40mais un peuple, et surtout
10:42ce qui m'a frappé, c'est toute cette
10:44jeunesse et ces femmes
10:46qui ne portent pas le voile.
10:48Il y en a beaucoup qui ne portent pas le voile.
10:50Il y en a beaucoup qui ne portent pas le voile,
10:52il y en a beaucoup qui sont maquillées, parce que ça c'est interdit
10:54aussi, de se maquiller.
10:56Il y en a beaucoup qui ont les cheveux colorés,
10:58c'est aussi interdit. Il y en a beaucoup aussi qui ont des pansements sur le nez,
11:00ça signifie qu'elles ont fait de la chirurgie esthétique,
11:02et ça aussi c'est interdit.
11:04Mais elles sont tellement nombreuses,
11:06que sous le nez et la barbe des Pasdaran,
11:08des gardiens de la Révolution, il y en a tellement
11:10qu'ils ne peuvent pas non plus mettre tout le monde en prison
11:12comme ça.
11:14Et ces interdits sont...
11:16Vous m'avez dit que
11:18comment elle s'appelle ?
11:20Masha Amini.
11:22Masha Amini avait été battue
11:24à mort, parce qu'il y avait deux
11:26mèches de cheveux, et là vous me dites
11:28comment ça se fait qu'elles arrivent à...
11:30En fait, elles risquent leur vie
11:32à chaque fois qu'elles descendent dans la rue sans voile.
11:34Il suffit qu'elles tombent sur un
11:36Pasdaran mal luné,
11:38et hop, c'est directement
11:40la prison.
11:42C'est vraiment politique pour elles.
11:44Absolument, elles sont prêtes à mourir aujourd'hui.
11:46Elles sont soutenues par les hommes,
11:48par les garçons, leurs camarades,
11:50parce qu'elles ne veulent
11:52plus vivre dans cet Iran.
11:54Voilà, ça fait un jeu de mots.
11:56Elles sont vraiment concites.
11:58Et oui, parce qu'il faut le dire,
12:00vous racontez en détail tous les interdits.
12:02Elles sont vraiment considérées comme
12:04des sous-hommes. Et il y a une anecdote
12:06qui est assez
12:08significative. Quand vous arrivez
12:10la première nuit dans votre hôtel à
12:12Iran, et vous lisez les infrastructures
12:14de l'hôtel, vous avez votre
12:16maillot de bain. Racontez-nous, c'est incroyable.
12:18En fait, c'est un hôtel
12:20qui proposait
12:22un spa et une piscine.
12:24Et donc, moi, naïvement, je demande
12:26à l'accueil de l'hôtel
12:28quels sont les horaires.
12:30Et puis là,
12:32le concierge
12:34de l'hôtel m'a
12:36tout déconfié et m'a regardé
12:38avec les yeux écarquillés, comme si
12:40j'avais demandé du saucisson en plein ramadan,
12:42en me disant que
12:44ce spa n'était pas accessible
12:46aux femmes, mais c'était uniquement consacré
12:48dédié aux hommes.
12:50Donc là, déjà, ça donne le ton
12:52finalement, parce que c'est là qu'on se rend compte
12:54que c'est quand même particulier.
12:56Il y a un vrai apartheid contre
12:58les femmes là-bas. Ah oui, parce que le vélo
13:00est interdit, la moto est interdit,
13:02elles n'ont pas le droit de s'épiler les sourcils,
13:04de rire trop fort.
13:06C'est impressionnant. Elles n'ont pas le droit de chanter, de danser ?
13:08C'est incroyable. Mais il faut le dire,
13:10ça je l'ignorais, les hommes subissent aussi
13:12des interdits. Oui, absolument.
13:14Les hommes n'ont pas le droit de se coiffer comme ils le souhaitent,
13:16ils n'ont pas le droit de porter de bermuda,
13:18de débardeur, ils n'ont pas le droit de se tatouer,
13:20ils n'ont pas le droit, eux non plus,
13:22d'écouter de la musique occidentale,
13:24de boire de l'alcool, évidemment.
13:26Donc ça fait beaucoup d'interdits. Au point que
13:28ils me disaient
13:30qu'il y a tellement d'interdits qu'on ne sait plus ce qui est autorisé.
13:32Avoir un chien est interdit en Iran.
13:34Parce que le chien est considéré comme
13:36un arame. Comme ça, il est maléfique.
13:38C'est incroyable.
13:40Alors vous le disiez tout à l'heure, effectivement,
13:42les réseaux, il y a beaucoup de réseaux qui ont été
13:44depuis un an complètement
13:46bannis par les autorités. En fait,
13:48toutes les applications
13:50des réseaux sociaux,
13:52mais même
13:54les messageries comme
13:56Whatsapp, Telegram,
13:58Signal, TikTok,
14:00Instagram,
14:02globalement, tout est interdit.
14:04Le téléphone, en fait, il ne vous sert pas à grand-chose là-bas.
14:06Vous n'avez accès à rien.
14:08Si ce n'est que, justement,
14:10pour pouvoir outrepasser ces interdits,
14:12il faut se doter de
14:14VPN. Donc c'est des filtres
14:16anti-censure. Mais il en faut plusieurs.
14:18Il faut beaucoup de patience aussi.
14:20Parce que ça fait partie aussi
14:22de la répression. C'est-à-dire que
14:24en faisant de la censure
14:26numérique pour éviter que le peuple
14:28puisse témoigner de ce qui se passe chez eux,
14:30il ferme tout. Donc il faut quand même
14:32avoir un certain moyen
14:34alors que le peuple meurt de faim
14:36aujourd'hui et qu'un Iranien sur deux
14:38vit sous le seuil de la pauvreté. Parce que les VPN,
14:40ça coûte cher. Donc c'est plutôt les familles
14:42aisées qui ont accès, mais après
14:44qui répètent. Et voilà,
14:46ils les distribuent et chacun partage ses causes, etc.
14:48Vix aussi est interdit ? Twitter ? Oui, oui.
14:50En fait, tout est interdit.
14:52Et vous qui avez été en tant que grand
14:54reporter en Afghanistan et
14:56au Pakistan, même dans ces pays, pour le
14:58moment, ils n'ont rien censuré.
15:00Oui, c'est fou. Parce que même
15:02les talibans en Afghanistan
15:04ne censurent pas
15:06Internet. C'est renversant, ça.
15:08Les iraniens censurent plus que les talibans ?
15:10Absolument. Et en termes de
15:12réseau Internet.
15:14Oui, le reste, on sait.
15:16Mais oui, c'est fou. Et au contraire,
15:18au Pakistan et en Afghanistan,
15:20le réseau est très puissant
15:22et le Wi-Fi fonctionne à merveille.
15:24C'est très moderne
15:26de ce point de vue-là. Mais
15:28là, en Iran, la République
15:30islamique veut
15:32censurer Internet
15:34pour
15:36essayer de mater au maximum
15:38le peuple. C'est un moyen de pression.
15:40Et c'est un moyen aussi de faire en sorte
15:42qu'ils ne sachent pas ce qui se passe à l'extérieur
15:44pour éviter des rébellions, justement.
15:46Ils savent ce qui se passe à l'extérieur.
15:48Oui, parce qu'en fait, le paradoxe de l'Iran,
15:50c'est que c'est un pays
15:52d'abord, c'est la Perse.
15:54On rappelle que là-bas, on parle le farsi,
15:56le persan, que c'est
15:58le berceau de la civilisation
16:00et que les Iraniens sont très éduqués,
16:02très cultivés, qu'ils font tous
16:04des études supérieures très poussées.
16:06Donc ils parlent l'anglais,
16:08ils sont très curieux de ce qui se passe
16:10à travers le monde. Ils ont quand même,
16:12en mémoire, l'Iran
16:14d'avant la République islamique de 1979,
16:16ou à l'époque du Shah d'Iran,
16:18même si, moi j'ai rencontré des
16:20familles qui étaient communistes et qui étaient pour la révolution
16:22islamique, aujourd'hui,
16:24très vite, ils ont déchanté quand ils ont vu
16:26justement sur le régime des Mollahs.
16:28Le tout des partis communistes a été éliminé.
16:30Et ils se souviennent que
16:32avant l'arrivée des Mollahs,
16:34c'était un Iran libre, on pouvait s'habiller normalement.
16:36Mais même la jeunesse souvient, n'existait pas,
16:38ça fait 45 ans maintenant. Oui, absolument.
16:40Ils se souviennent, oui.
16:42Leurs parents se souviennent en fait.
16:44Donc en fait, ils se transmettent comme ça, de grands-parents,
16:46enfin de génération en génération,
16:48et donc ils savent que l'Iran, c'est pas ça
16:50et que ça peut être autre chose.
16:52J'ai quand même pu constater
16:54que les mosquées étaient vides, et les jeunes
16:58ne font plus confiance dans la bienveillance
17:00des Mollahs, et donc forcément
17:02ça se répercute sur la religion.
17:04En tout cas, à Paris, vous avez plusieurs
17:06amies iraniennes, et avant de
17:08partir, il y en a une qui vous a mis en garde,
17:10en vous disant vraiment, l'Iran, ce sont
17:12des vrais fous, c'est pas
17:14comparable avec l'Afghanistan et le Pakistan,
17:16c'est une autre folie !
17:18Justement, à propos de ça,
17:20vous êtes à Téhéran,
17:22votre ressenti,
17:24c'est-à-dire, dans la vie,
17:26vous êtes resté pendant 15 jours,
17:28vous vous êtes balayé, si vous aviez aujourd'hui
17:30à dire, en quelques phrases,
17:32c'est quoi le climat de l'Iran, vous dériez quoi ?
17:34Sans, évidemment,
17:36on ne veut pas généraliser au risque de
17:38la caricature, mais...
17:40Le climat de l'Iran, c'est que
17:42le peuple iranien,
17:44donc je disais 7 sur 10,
17:46mais ça va crescendo, parce qu'aujourd'hui on assiste à des
17:48manifestations historiques aussi
17:50de la société civile, qui n'ont jamais manifesté
17:52jusqu'à présent, et donc au-delà du voile,
17:54comme les infirmières, par exemple,
17:56qui à travers le pays manifestent
17:58pour réclamer de meilleures conditions
18:00de travail, les ouvriers aussi
18:02dans les entreprises, et puis
18:04il y a un taux de chômage considérable,
18:06l'inflation est galopante
18:08chaque année, et donc
18:10il y a un ras-le-bol de ce régime
18:12qui est corrompu,
18:14donc les gardiens de la révolution sont richissimes,
18:16ils s'empochent tout l'argent,
18:18les molas aussi, et puis eux, ils n'ont plus rien,
18:20donc le peuple crève de faim,
18:22et donc, ils n'en veulent plus
18:24de ce régime, et
18:26le dernier exemple en date,
18:28c'est quand l'Iran a riposté contre
18:30Israël, a tiré ses 200 missiles
18:32je dis ripostés,
18:34parce qu'ils l'ont fait pour
18:36riposter à la mort de
18:38Ismail Lannier, et de
18:40Hassan Asrallah, et bien
18:42à travers les fenêtres
18:44des appartements,
18:46les gens hurlaient, Marc Barre,
18:48dictateur,
18:50à mort le dictateur,
18:52à mort Khamenei, à mort
18:54la dictature islamique.
18:56J'ai des vidéos
18:58de gens dans les rues de Téhéran
19:00qui, au moment où
19:02l'Iran a lancé les missiles
19:04sur Israël, la semaine dernière,
19:06et bien, les gens hurlaient
19:08à travers la fenêtre, on n'en veut plus
19:10de ce régime, ce n'est pas notre guerre,
19:12et au contraire, on verra peut-être plus tard,
19:14mais en plus, ils sont plutôt
19:16solidaires du peuple israélien.
19:18En revanche, vous l'expliquez
19:20clairement, ils ne se sentent absolument pas
19:22soutenus par la communauté internationale.
19:24Oui, en fait, ils sont
19:26désolés de ça, parce qu'ils ne comprennent pas
19:28pourquoi, alors que c'est un
19:30peuple pacifique, pourquoi on vient
19:32pas les aider, parce que
19:34c'est quand même pas normal
19:36qu'on tire un balle réelle
19:38sur des jeunes hommes et des jeunes filles
19:40qui descendent dans la rue pour dire
19:42on veut avoir plus de libertés,
19:44c'est quand même, il y a un truc qui cloche,
19:46c'est pas normal qu'il y ait plus de 20 000 personnes
19:48qui soient emprisonnées, c'est pas normal que la
19:50prix Nobel de la paix soit en prison,
19:52et qu'elle fasse une grève...
19:54Elle est toujours en prison, et qu'elle
19:56fasse une grève de la faim, avec quelques camarades
19:58aujourd'hui, à l'heure où on se parle,
20:00pour que, justement, les pendaisons cessent.
20:02Mais Elisabeth Tollé, c'est normal, en dictature.
20:04Oui, mais
20:06ce qui n'est pas normal, c'est que la communauté
20:08internationale, à travers le prix
20:10Nobel de la paix, reconnaît
20:12la résistance iranienne,
20:14en le donnant un orgasme en ramadi,
20:16et puis, c'est tout.
20:18Rien de plus. On s'arrête là,
20:20comme s'ils avaient fait ce qu'il fallait faire.
20:22Anne-Isabelle Tollé, au cours de votre
20:24voyage, vous étiez sous la surveillance
20:26d'un guide, et cependant 15 jours.
20:28Comment avez-vous fait pour vous aventurer
20:30clandestinement, la nuit, à la rencontre
20:32du peuple iranien ? Avez-vous eu peur
20:34qu'il vous dénonce, parce que c'est leur devoir
20:36de vous dénoncer, et de
20:38le faire, quand ils sentent qu'un touriste
20:40est un peu ambigu, pas clair ?
20:42On va en parler dans un instant sur Sud Radio.
20:44Restez avec nous.
20:46Sud Radio, la culture dans tous
20:48ses états. André Bercoff, Céline
20:50Alonso.
21:06Et oui,
21:08Gougouche, la reine de la pop en Iran,
21:10sa musique vous a accompagnée lors de
21:12votre voyage interdit dans la république islamique.
21:14Anne-Isabelle Tollé, alors au cours
21:16de votre circuit, Trésor de Perse,
21:18vous étiez sous la surveillance
21:20d'un guide. Deux se sont
21:22succédés en 15 jours, Ali et
21:24Jafar. Vous surveiller, c'était
21:26en quelque sorte leur devoir ?
21:28Ah oui, c'était même une injonction,
21:30parce que c'est le ministère de l'Intérieur qui délivre
21:32les cartes aux guides en Iran,
21:34et donc quand on leur remet les cartes,
21:36enfin leurs cartes de guides officielles,
21:38on leur demande spécifiquement de bien
21:40surveiller les touristes pour justement
21:42s'assurer que ce sont de vrais touristes.
21:44A savoir, regardez bien
21:46s'ils prennent des photos, s'ils se comportent
21:48comme des touristes, s'ils posent des questions
21:50sur l'actualité, tout ça
21:52c'est forcément un peu suspect
21:54et vous avez l'obligation de nous rapporter
21:56ces informations-là
21:58sous peine de ne plus pouvoir travailler,
22:00de ne plus avoir votre carte de touriste.
22:02Jafar, un jour,
22:04vous a effectivement dit
22:06ceci. Vous avez
22:08vraiment eu peur ce jour-là ?
22:10J'ai compris que
22:12en fait c'était compliqué, c'était
22:14contre-nature pour moi de juste
22:16ne pas poser de questions
22:18sur tout ce que je voyais le quotidien et de me contenter
22:20de toute l'histoire
22:22même si Dieu sait que la civilisation
22:24Perse est passionnante.
22:26Mais là, j'étais là pour rencontrer
22:28des gens, pour voir la vie
22:30et puis pour voir aussi ce que
22:32lui pensait de la situation
22:34et il était très mal à l'aise à chaque fois
22:36et il trouvait mes questions un peu louches, suspicieuses
22:38d'autant que...
22:40Mais comment vous avez senti qu'il trouvait vos questions un peu louches ?
22:42Ça se sentait comment ? Parce que d'abord
22:44il bottait en touche et puis
22:46quand j'insistais, il
22:48manifestait une forme d'agacement en me disant
22:50c'est quand même étrange que tu me poses toutes ces questions
22:52regarde ton acolyte
22:54Colette, elle ne pose
22:56pas toutes ces questions sur l'actualité et ce à quoi
22:58je répondais mais regarde Colette
23:00elle est particulière
23:02elle est un peu perché
23:04elle est là pour autre chose
23:06elle est là pour Zoroastre
23:08elle était là parce qu'elle
23:10pensait qu'elle était
23:12réincarnée, qu'elle venait de cette
23:14terre et que Zoroastre
23:16elle l'avait déjà rencontrée dans une vie antérieure
23:18Et le guide ?
23:20Quand le guide vous disait
23:22j'ai envie d'aller là, etc.
23:24il disait ok ?
23:26Il a fallu à chaque fois un peu négocier
23:28donc c'était moi qui étais force de proposition
23:30parce que sinon Colette aurait suivi
23:32le parcours initial mais c'est vrai que
23:34moi j'étais plus intéressée à aller dans
23:36les bazars ou dans le coeur
23:38de la ville pour voir les gens et puis aussi
23:40pour pouvoir repérer des gens que je pouvais aller voir la nuit
23:42puisque c'est comme ça que j'ai pu rencontrer
23:44des personnes la journée. Alors la nuit vous sortiez
23:46vous faisiez le mur ? Voilà, et la nuit telle une
23:48adolescente, je faisais
23:50le mur pour aller justement à la
23:52rencontre de ce peuple iranien
23:54et je le rappelle par l'anglais donc c'est un
23:56atout précieux. Justement, ils vous parlaient
23:58facilement ? Je parle le peuple
24:00la nuit comme ça, ils ne se disaient pas peut-être
24:02qu'elle est un agent iranien ?
24:04Non, parce que d'abord
24:06même voilée, je ne ressemble pas
24:08du tout à une iranienne en fait
24:10et puis
24:12avec mon accent, tout de suite
24:14ils ont compris que j'étais
24:16européenne
24:18et ils ont une
24:20fascination pour
24:22l'Europe et le monde occidental et donc
24:24ils étaient au contraire très avenants
24:26et puis je ne leur disais pas que j'étais
24:28journaliste, je disais simplement, vous savez, moi je suis
24:30française, j'ai beaucoup d'amis
24:32iraniens qui vivent en France et je participe
24:34aux manifestations en France
24:36pour le
24:38Femme, Vie, Liberté
24:40et j'aimerais bien avoir votre sentiment
24:42donc voilà en toute modestie et
24:44simplicité et là ils avaient confiance
24:46ils avaient confiance
24:48parce que j'avais aussi quelques mots de farci
24:50dans ma tête
24:52et donc ils se livraient
24:54facilement, oui. Et ce qui est incroyable
24:56un soir, vous vous retrouvez dans une
24:58comment dire, dans une soirée
25:00et là on a le
25:02sentiment de découvrir une autre facette de l'Iran
25:04certains iraniens
25:06que vous avez rencontrés ce soir-là
25:08semblent ne pas avoir été touchés par la révolution islamique
25:10chez eux, c'est le fad, c'est
25:12la richesse, c'est l'alcool qui coule à flots
25:14qui sont ces iraniens
25:16et qu'est-ce qui fait que vous vous êtes retrouvés un soir chez eux ?
25:18Alors je me suis retrouvée chez eux parce que
25:20là pour le coup j'avais préparé en amont
25:22grâce à mes amis iraniens à Paris
25:24qui connaissaient justement
25:26ces personnes-là et donc c'est comme ça que
25:28j'ai pu aller chez eux
25:30et puis eux, ne faisant pas de politique
25:32ils n'ont pas été
25:34ils n'ont pas fui la révolution islamique
25:36ils n'étaient pas menacés de mort
25:38comme tous ceux qui étaient
25:40pro-chat politiquement
25:42enfin qui étaient affichés pro-chat
25:44et donc ils ont fait du business tout simplement
25:46parce qu'avec tous les embargos
25:48successifs, il faut que
25:50l'Iran produise elle-même
25:52ses médicaments
25:54ses paquets de pâtes
25:56donc il fallait bien des gens pour vendre
25:58donc ils ont fait fortune
26:00ainsi
26:02et là pour le coup ça aurait été
26:04idiot de la part de la république islamique de les
26:06empêcher de faire ça parce que
26:08ça profite à tout le monde
26:10oui parce qu'ils prennent des taxes
26:12sur ce business
26:14question de poser Céline
26:16qu'est-ce que vous avez senti là ?
26:18parce que c'est intéressant de voir des gens
26:20il y a encore du caviar en Iran dont je pose la question
26:22oui bien sûr
26:24et ces gens-là par exemple avaient des caviars
26:26oui ces gens-là sont très très riches
26:28richissimes vraiment
26:30et ils sont
26:32contre le régime
26:34mais ne vont pas manifester
26:36par exemple dans la rue ou portent le voile
26:38dans la rue, les femmes portent le voile pour justement
26:40conserver leurs précarés
26:42leurs avantages
26:44elles donnent des bakchich au pass d'Aran
26:46parce que parfois il y a la musique un peu trop
26:48fort qu'ils peuvent entendre depuis la rue
26:50ils entendent que c'est de la musique occidentale
26:52ce qui est encore une fois interdit en Iran
26:54et donc pour s'assurer qu'ils n'aient pas
26:56de problème, ils se débrouillent
26:58entre eux en donnant des petits bakchich
27:00mais ils vous ont très bien reçu
27:02ils vous ont bien reçu
27:04merveilleusement bien
27:06là il faut vraiment se représenter
27:08que les iraniens sont sans doute le peuple
27:10le plus accueillant au monde
27:12et vous vous sentez comme chez vous
27:14en un instant, ils ont une capacité à vous mettre
27:16à l'aise et une générosité
27:18et une chaleur
27:20que j'ai vu
27:22nulle part ailleurs
27:24c'est important de le dire
27:26alors parlons à présent d'une escale
27:28que vous avez faite
27:30avec votre guide Jafar
27:32c'est à Qom, la capitale religieuse
27:34de l'islam chiite
27:36une fois sur place, donc effectivement
27:38vous l'avez questionné sur les mollahs
27:40qui étaient omniprésents dans les rues
27:42racontez-nous cet échange
27:44que vous avez eu avec lui
27:46qui est vraiment très intéressant
27:48alors Qom, oui
27:50c'est la ville dont est originaire
27:52l'Ayatollah Romani
27:54et effectivement c'est une ville sainte
27:56donc qui dit ville sainte
27:58il y a des mosquées partout
28:00il y a des docteurs de la loi
28:02et qui enseignent
28:04l'islam absolument partout
28:06et des femmes
28:08voilées pour le coup
28:10en noir
28:12de la tête aux pieds
28:14et des hommes
28:16enturbanés partout dans la rue
28:18un silence pesant
28:20une ville en
28:22noir et blanc, triste
28:24et
28:26on sent une
28:28forme de pression dans cette ville
28:30ça rigole pas
28:32et même mon guide
28:34ah oui parce que j'ai oublié de préciser
28:36que les hommes doivent aussi avoir les manches longues
28:38donc lui il portait les manches courtes
28:40et bien là-bas il avait mis des chemises à manches longues
28:42pour ne pas risquer de se faire
28:44réprimander
28:46et donc oui moi
28:48effectivement à un moment donné
28:50je lui rappelle ces images
28:52dont vous vous souvenez peut-être qu'on avait vu sur les réseaux sociaux
28:54où les jeunes défiaient justement ces mollahs
28:56en leur enlevant
28:58et ils enlevaient le turban
29:00et après ils couraient
29:02et quand j'ai parlé de cette anecdote
29:04à mon guide
29:06il s'est figé
29:08son regard a changé
29:10et il m'a regardé avec beaucoup de suspicion
29:12et il m'a dit comment tu peux savoir ça
29:14comment c'est possible parce que eux ils s'imaginent pas
29:16que nous on voit toutes ces images
29:18que les jeunes nous balancent sur les réseaux sociaux
29:20et oui et donc quand je lui dis
29:22mais ces images ont fait le tour du monde
29:24il me croit pas, il me dit non non c'est impossible
29:26parce qu'il ne conçoit pas que
29:28ça ait pu sortir
29:30et il prenait à témoin justement
29:32Colette, mon acolyte, mais manque de bol
29:34elle elle était sur aucun réseau social
29:36elle suivait rien du tout
29:38donc je me suis défendue en lui disant
29:40mais tu vois bien qu'elle est particulière Colette, elle est pas comme tout le monde
29:42mais ça l'a braqué
29:44parce que
29:46ça l'a inquiété
29:48en fait
29:50comment ça se fait que cette réalité là vous la connaissez
29:52oui voilà
29:54et pour réveiller justement le moindre
29:56soupçon de la part de ces guides
29:58en quelque sorte vous êtes forcée
30:00à jouer la touriste, à faire des photos un peu comme tout le monde
30:02oui oui en plus c'est vraiment
30:04contre nature pour moi parce que c'était la première fois
30:06de ma vie que je faisais un voyage organisé
30:08et puis c'est d'autant plus
30:10contre nature quand on est journaliste
30:12de devoir aller à un endroit alors qu'on préférait aller ailleurs
30:14et qu'on soit obligé de se suivre
30:16quand même un cadre et un rythme
30:18et donc
30:20j'avais pas l'habitude
30:22de me comporter comme une touriste puisque je ne l'avais
30:24jamais fait si bien que parfois
30:26j'oubliais qu'il fallait que je prenne des photos
30:28de touristes
30:30et c'est là que Jaffar justement ce guide
30:32qui était un peu suspicieux me regardait
30:34comme ça et me disait tu prends pas de photos
30:36si si et voilà il me rappelait
30:38à l'ordre ou alors il me proposait de me prendre en photo
30:40et donc je disais oui
30:42donc moi devant
30:44une mosquée ou je sais pas quoi
30:46pour justement essayer
30:48de faire taire
30:50ces suspicions et de passer pour une vraie touriste
30:52et oui on pourrait dire même que ces photos
30:54vous ont en quelque sorte
30:56sauvé entre guillemets parce qu'à un poste de contrôle
30:58quand un gardien de la révolution
31:00contrôle votre Iphone
31:02enfin votre téléphone
31:04cette scène elle est
31:06elle a dû être très difficile à vivre pour vous
31:08la façon dont vous la racontez dans le livre
31:10bah écoutez oui c'est
31:12en fait à chaque fois qu'on change de province en Iran
31:14on passe une frontière en fait
31:16et donc à ces frontières il y a qui ?
31:18il y a les Pasdaran les gardiens de la révolution
31:20donc qui sont connus pour être
31:22ultra féroces
31:24et donc effectivement
31:26ils contrôlent les téléphones
31:28et moi tous les soirs
31:30ils contrôlent les passeports les téléphones
31:32moi je vidais mon téléphone
31:34j'envoyais avec le wifi de l'hôtel
31:36et mes VPN justement
31:38tout ce que j'avais pris en photo un peu en cachette
31:40parce que j'ai pris beaucoup de femmes
31:42dévoilées en photo
31:44j'ai pris plein de photos
31:46pour aussi quelques vidéos
31:48pour après pouvoir me ré-imprégner
31:50aussi de cette atmosphère
31:52parce qu'il faut quand même savoir que prendre des photos en Iran
31:54c'est passible de 5 ans d'emprisonnement
31:56parce que
31:58ils considèrent que c'est des endroits sensibles
32:00et donc c'est
32:02considéré comme de l'espionnage donc c'était aussi dangereux
32:04que je prenne des photos donc je prenais tout le temps
32:06des photos en cachette aussi
32:08et je me cachais de mon guide
32:10je faisais attention à ce qu'il ne voit pas que je prenne des photos
32:12qui ne correspondaient pas justement
32:14à la vieille pierre
32:16ou à la vieille mosaïque
32:18que tout le monde prenait en photo
32:20ou au tapis perçant
32:22Et justement à ce propos, en couverture de votre livre, il y a une photo de vous
32:24devant la tour Azadi à Tehran
32:26qui est l'équivalent
32:28de notre tour Eiffel
32:30vous faites donc tournoyer
32:32votre voile au-dessus de votre tête
32:34comme le font certaines iraniennes
32:36lors de manifestations
32:38comment vous avez réussi à la faire cette photo ?
32:40J'ai profité
32:42de l'absence de mon guide
32:44qui était plus occupé à parler avec sa copine au téléphone
32:46pour embarquer
32:48mon acolyte Colette
32:50complètement de l'autre côté
32:52de la tour et lui dire viens on va faire des photos
32:54et puis voilà
32:56je me suis mise devant la tour Azadi
32:58j'ai enlevé mon voile, j'ai commencé à le faire
33:00tournoyer autour de ma tête, je lui ai dit
33:02vas-y prends en photo et ça ne me comprenait pas trop bien
33:04pourquoi je faisais ça. Vous avez fait le bout de poing
33:06petit trébolte là. Exactement
33:08mais c'était aussi
33:10pour aujourd'hui pouvoir
33:12manifester évidemment ma solidarité
33:14avec ce mouvement
33:16engendré par les femmes il y a deux ans
33:18Une question sur Colette
33:20avant de faire une petite pause publicitaire
33:22cette femme elle est lunaire
33:24et en même temps très attachante
33:26à aucun moment elle a eu des soupçons sur vous ?
33:28Mais non je ne crois pas
33:30parce qu'elle n'était
33:32pas curieuse en fait
33:34c'est rare en plus dans notre profession
33:36on a l'habitude de rencontrer plutôt des gens curieux
33:38c'est une personne qui n'est curieuse
33:40ni des gens
33:42ni de l'actualité
33:44ni de ce qui se passe
33:46Elle n'était absolument pas préoccupée
33:48par ce qui se passait
33:50et donc ça c'était assez époustouflant
33:52et quelle chance j'ai envie de vous dire
33:54quelle chance
33:56au cours de votre
33:58circuit vous avez visité
34:00Téhéran, Shiraz, Persepolis et notamment
34:02Ispaon le 7 octobre
34:042023 vous y étiez
34:06comment avez-vous été informé de l'attaque terroriste
34:08du Hamas contre Israël
34:10comment le peuple iranien a réagi
34:12vous nous direz tout dans un instant
34:14sur Sud Radio, à tout de suite
34:30Eh oui, Ispaon, cette ville sublime d'Iran
34:32le 7 octobre 2023, vous y étiez
34:34Anne-Isabelle Tollé
34:36comment avez-vous été alerté de l'attaque terroriste
34:38du Hamas contre Israël
34:40Je me promenais dans la rue
34:42dans les rues d'Ispaon
34:44qui selon André Malraux était l'une des plus belles
34:46villes du monde et je confirme c'est une ville absolument
34:48sublime
34:50et puis soudainement
34:52j'entendais des effusions de joie
34:54comme si l'Iran
34:56venait de remporter la coupe du monde
34:58de football et donc des manifestations
35:00comme ça spontanées de joie
35:02alors je précise que
35:04seuls les
35:06Pasaran ont le droit de manifester
35:08donc ce n'est pas la population
35:10ce sont des gens qui sont
35:12affiliés au régime ou toutes les
35:14milices descendant des gardiens de la révolution
35:16et donc je ne comprenais pas bien
35:18donc j'ai demandé à mon guide Jaffar qu'est-ce qui se passe
35:20il ne savait pas non plus et puis quand on est
35:22rentré à l'hôtel
35:24quelques minutes plus tard
35:26là tout de suite mon téléphone
35:28explosait de messages quand j'ai pu me connecter
35:30au wifi de l'hôtel
35:32et là d'abord ma propre
35:34famille m'a alerté du fait
35:36que le Hamas avait attaqué
35:38Israël et
35:40ensuite mon premier réflexe a été d'allumer
35:42la télévision pour voir
35:44comment la télévision d'Etat
35:46parce qu'il n'y a que de la télévision d'Etat
35:48en Iran donc pro régime
35:50forcément et là
35:52j'ai assisté en direct
35:54à une propagande éhontée
35:56dans la mesure où à aucun
35:58moment il faisait état du fait
36:00que le Hamas avait attaqué Israël
36:02mais qu'Israël bombardait Gaza
36:04comme ça gratuitement
36:06sans raison et puis
36:08il ne parlait pas du tout de la cause, de l'attaque
36:10et puis surtout il montrait des
36:12images où on voyait
36:14par exemple un enfant sur un terrain vague
36:16qui se faisait tirer à balles réelles
36:18de loin par soi-disant l'armée
36:20israélienne ce qui était factuellement
36:22impossible puisque l'incursion
36:24terrestre en Israël
36:26s'est produite 3 semaines après le
36:287 octobre
36:30l'attaque
36:32à Gaza s'est produite 3 semaines après
36:34oui terrestre et donc c'était
36:36tout était impossible en fait
36:38tout ce que racontait la télévision d'Etat
36:40les Iraniens en tout cas les pro régime
36:42sont biberonnés à ça
36:44et donc c'est terrible
36:46vous ne pensez pas qu'une partie
36:48du peuple iranien après tout
36:50oui Israël c'est notre ennemi etc
36:52ils sont
36:54ils grandissent en tout cas
36:56on les serine
36:58dès l'école pour leur expliquer
37:00que Israël
37:02c'est le Satan, c'est le cancer
37:04d'ailleurs
37:06le mot Israël n'existe pas
37:08ils parlent
37:10des sionistes
37:12puisqu'ils ne reconnaissent pas l'Etat d'Israël
37:14mais je précise quand même que
37:16sous le Shah d'Iran
37:18avant l'arrivée des Mollahs
37:20le Shah d'Iran a été le deuxième pays
37:22après la Turquie à reconnaître l'Etat d'Israël
37:24en 1948 et l'Iran
37:26d'avant les Mollahs
37:28avait des liens très privilégiés
37:30avec les Israéliens
37:32mais vous avez quand même rencontré à Ispahan
37:34et ailleurs en Iran
37:36des iraniens qui soutiennent Israël
37:38ah oui beaucoup
37:40et d'ailleurs
37:42ils ont beaucoup de points communs
37:44avec justement les Israéliens
37:46parce que c'est à la fois deux pays un peu isolés
37:48très clivants
37:50et d'ailleurs
37:52ce sont les deux pays à ma connaissance
37:54qui ne tamponnent pas les passeports, qui donnent des visas volants
37:56donc c'est bien la preuve
37:58que c'est compliqué
38:00sinon j'aurais pas pu aller en Israël après
38:02ça aurait été rédhibitoire
38:04et donc
38:06ils savent
38:08que les Israéliens
38:10sont victimes eux aussi
38:12de leurs dirigeants tout comme eux le sont
38:14en Iran et donc
38:16ils ont une grande solidarité
38:18entre
38:20les peuples, en tout cas les deux
38:22peuples, les dirigeants se détestent
38:24mais les deux peuples
38:26s'apprécient beaucoup
38:28en tout cas ce qu'on ressent
38:30dans votre livre c'est qu'effectivement
38:32ce peuple ça fait 45 ans
38:34de souffrance
38:36et vous avez été
38:38émus certaines fois
38:40ils sont vraiment, c'est un peuple très courageux
38:42ah oui au-delà
38:44vraiment ils forcent leur respect
38:46parce que risquer sa vie
38:48chaque jour
38:50pour essayer
38:52je reviens à ce que vous avez dit
38:54sur ces iraniennes qui descendent dévoiler
38:56tous les jours
38:58elles savent ce qu'elles risquent et elles le font quand même
39:00en fait elles le font en mémoire
39:02pour pas que ceux qui sont morts
39:04ou ceux qui sont emprisonnés le soient pour rien
39:06et ils sont déterminés
39:08plus que jamais, ils ont la rage au ventre
39:10parce qu'aujourd'hui résister pour eux
39:12c'est exister
39:14dans un pays où on veut les inviabiliser
39:16et donc il est fondamental pour eux
39:18qu'ils continuent ce mouvement
39:20et ils sont prêts à mourir pour ça
39:22et effectivement
39:24j'ai pu le constater
39:26au quotidien
39:28et donc ils font preuve d'un courage inouï
39:30infiniment respectable
39:32et c'est vrai que c'est dommage que
39:34la communauté internationale
39:36ne s'intéresse pas plus à ce peuple
39:38qui vit sous une
39:40dictature sanguinaire
39:42on n'est même plus à se demander
39:44s'ils respectent les droits humains
39:46contre l'humanité qui s'opère en Iran
39:48et les Kurdes iraniens sont
39:50aussi victimes
39:52d'une répression
39:54et d'ailleurs Marsa Amini
39:56pour les 2-3 mèches rebelles qui sortaient de son voile
39:58était d'origine kurde
40:00et ça a sans doute aussi
40:02joué dans le fait
40:04qu'elle ait été tabassée à mort en détention
40:06Est-ce que les gens avec qui vous avez parlé
40:08justement
40:10pas pour parler trop géopolitique mais quand même
40:12sont conscients un peu de ce qui se passe autour
40:14du rôle de l'Iran
40:16est-ce qu'ils vous ont parlé Russie, Amérique
40:18est-ce que vous dites qu'ils sont très fascinés par l'Occident
40:20mais est-ce que par exemple
40:22ils sont au courant de ce qui se passe
40:24au niveau de la guerre Russie-Ukraine
40:26Amérique, élections américaines
40:28Ah oui, ils sont
40:30très informés
40:32très instruits sur tout ce qui se passe
40:34à travers le monde
40:36et donc c'est ça qui est frappant
40:38Ils se renseignent comment ?
40:40Grâce au VPN
40:42C'est vraiment le VPN qui joue là
40:44Le VPN c'est la liberté
40:46c'est la seule
40:48fenêtre
40:50de liberté qu'ils ont
40:52et d'ailleurs
40:54conscients de cela
40:56le guide suprême Ali Rahmaneï
40:58a demandé à son nouveau président
41:00soi-disant réformateur Massoud Pezescan
41:02d'inventer une loi
41:04pour faire en sorte
41:06que les VPN ne soient plus
41:08autorisés, enfin qu'il n'y ait plus
41:10possibilité d'avoir un VPN
41:12en Iran
41:14donc s'ils parviennent à faire ça
41:16ils seront vraiment enfermés dans ce pays
41:18isolés
41:20sous cette chape de plomb obscurantiste
41:22Est-ce que vous pensez
41:24qu'un jour le régime des ayatollahs
41:26peut vraiment tomber ?
41:28Oui, moi je le pense sincèrement
41:30parce que d'abord
41:32la république islamique est fragilisée
41:34elle a été fragilisée par cette révolte
41:36du voile, cette jeunesse qui défie
41:38l'autorité, et ça c'est quand même une grande première
41:40en Iran depuis 45 ans
41:42deuxièmement il y a
41:44l'ensemble aussi de la société civile
41:46qui conteste
41:48le régime
41:50et puis là
41:52aujourd'hui l'actualité au Moyen-Orient
41:54et au Proche-Orient
41:56montre que l'Iran est fragilisé
41:58que l'Iran ne peut plus
42:00compter sur ses proxys qui ont été dégommés
42:02par Israël
42:04enfin je pense l'Hezbollah qui a été décapité
42:06et le Hamas
42:08et l'Iran qui a été aussi humilié
42:10quand même à travers l'assassinat d'Ismail
42:12Agnier sur son territoire
42:14ça montre aussi une faiblesse
42:16Ils sont vraiment décapités, le Hezbollah est toujours
42:18très fort, même si le leadership a été
42:20Oui mais le fait que Ismail
42:22Agnier ait pu être tué
42:24directement dans sa chambre d'hôtel
42:26en plein coeur de Téhéran montre que
42:28il y a aussi à l'intérieur du régime
42:30des espions
42:32qui ne sont pas
42:34forcément pro-régime
42:36et qui pourraient aussi participer à la déstabilisation
42:38de ce régime et enfin pour terminer
42:40je pense que cette
42:42génération à venir
42:44celles actuelles et celles qui vont venir
42:46vont de plus en plus bousculer ce régime
42:48et donc je pense qu'avec le temps
42:50ils vont finir par
42:52se débarrasser de ces
42:54molas sanguinaires
42:56Céline, on est d'accord, il faut voyager
42:58dans ce voyage interdit
43:00Anne-Isabelle Tollé, merci d'être venue sur Sud Radio
43:02Je rappelle que votre livre, Le Voyage Interdit
43:04est paru aux éditions du Cherche-Midi
43:06Chers auditeurs, lisez ce livre
43:08qui est vraiment remarquable
43:10Tout de suite, c'est Brigitte Lahaye sur Sud Radio