• il y a 4 jours
André Bercoff et Céline Alonzo reçoivent Olivier Grenouilleau, historien, auteur de "Noel : toute une histoire" aux éditions du Cerf.


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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2024-12-19##

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News
Transcription
00:00Eh oui, Noël, André Berkhoff, c'est toute une histoire !
00:04Et quelle histoire, et quelle histoire, justement !
00:08Un livre passionnant. Alors vous savez, c'est un cadeau de Noël, mais c'est vraiment trouvé
00:13parce que ce livre est passionnant, parce qu'il vous apprend beaucoup de choses,
00:17beaucoup de choses que je suis sûr que vous ne savez pas, nous on ne savait absolument pas
00:21la moitié des faits que raconte Olivier Grenouilleux dans ce livre qui est paru aux éditions du Cerf.
00:26Qui raconte Noël, je vais vous dire, sur 2500 ans, vous vous dites mais comment Noël a 2500 ans,
00:32c'est 2000 ans, la naissance de Jésus. Eh bien justement, vous savez, les choses se passent toujours
00:39par une certaine répétition et par une certaine invention quand on monte sur les épaules du passé.
00:45Et vous racontez ça très très bien, Olivier Grenouilleux.
00:52Je ne vais pas défleurer le livre, on va le faire avec Céline, mais je voudrais dire simplement
00:58quelque chose de personnel, et je suis sûr qu'on l'a tous, moi j'ai des souvenirs extrêmement précis
01:03de la première enfance, et vraiment on n'a pas beaucoup d'images, mais je me rappelle très bien
01:08que mes parents avaient bâti le sapin de Noël, il y avait les cadeaux.
01:12Et je disais oui, mais moi je vais attendre que le Père Noël passe parce qu'il n'est pas question
01:16que je m'endorme avant que le Père Noël ne passe. Et évidemment, je m'endormais.
01:21Et le matin, je réveillais, elle a dit ah il y a tes cadeaux.
01:25Et je dis mais le Père Noël, il est passé ? Ben oui il est passé, mais on n'allait pas te réveiller.
01:29Tu t'es endormi, on n'allait pas te réveiller. Et vraiment, combien sommes-nous à avoir effectivement
01:36vécu ça dans notre première enfance, et on attendait quelqu'un, on était sûr qu'il est passé,
01:41mais on avait sommeil, on était gosses.
01:44Et oui, la fabuleuse histoire de Noël, on va vous la raconter dans un instant sur Sud Radio
01:49avec l'historien Olivier Grenouillot.
01:52Et aujourd'hui sur Sud Radio, nous allons nous aussi célébrer Noël.
01:56Et pour ce faire, nous avons le plaisir de recevoir l'historien Olivier Grenouillot.
02:00Bonjour à vous Olivier.
02:02Bonjour.
02:03Alors vous publiez aux éditions du Serre, Noël, toute une histoire, un très beau livre magnifiquement illustré
02:09qui raconte l'histoire de cette fête sur 2500 ans.
02:13Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire cet ouvrage, cher Olivier ?
02:17Tout d'abord, le fait que Noël, c'est un célèbre inconnu, parce qu'on le fête tous les ans,
02:23chacun pense le connaître, mais dès lors qu'on cherche à expliquer, à comprendre Noël,
02:28on ne sait plus vraiment. On ne sait plus vraiment, depuis quand fête ton Noël, pourquoi.
02:33Et donc, c'est pour aussi répondre à ces questions que j'ai écrit ce livre.
02:38Et puis, Noël Oblige, j'ai souhaité que ce livre soit aussi un cadeau,
02:43parce que déjà l'objet livre est magnifiquement illustré, très bien mis en page.
02:49Et puis le cadeau...
02:51Je le montre d'ailleurs, il est très très beau et très bien fait.
02:56Et puis le cadeau, c'est ce voyage, comme vous le disiez, à travers le temps et l'espace, 2500 ans,
03:01depuis les temps grecs et romains jusqu'à aujourd'hui,
03:04et puis l'espace, je dirais, du Moyen-Orient jusqu'aux Amériques,
03:08en passant et en revenant en Europe, parce que c'est dans les pays et les régions d'Europe que tout se cristallise.
03:13Et puis en fait, aussi un cadeau, parce que, évidemment, sur 2500 ans,
03:17il y a une quantité de rites, de fêtes, de traditions,
03:20qui, comme des couches sédimentaires, s'accumulent, puis certains rites disparaissent, réapparaissent.
03:26Et donc, je souhaitais offrir avec ce livre, aux lecteurs, un moyen de se repérer et de comprendre Noël.
03:33Alors, vous débutez ce livre par un détour dans l'Antiquité,
03:37où il y avait déjà des festivités de fin d'année.
03:40Par exemple, à cette époque, que célébraient les Grecs ?
03:43Alors, les Grecs célébraient les Antesteri, notamment à Athènes.
03:46Pourquoi Antesteri ? Parce que c'est le nom du huitième mois et dernier mois de l'année à Athènes, Antesterion.
03:52Et lors des Antesteri, en l'honneur du dieu Dionysos de l'Ivresse,
03:55mais aussi de la lumière du torche de la nuit,
03:58lors des Antesteri, qui duraient trois jours, le premier était consacré à l'ouverture du Pichet, le vin nouveau.
04:04La fête des Pichets !
04:06Voilà, l'ouverture des Jars, le premier jour.
04:08Ensuite, la fête des Pichets, où sort de concours, c'est à qui va boire le plus rapidement possible
04:12une cruche d'un peu plus de 3 litres de vin.
04:15Pas mal !
04:16Et le troisième jour, c'est le jour des marmites,
04:19parce qu'on fait bouillir dans les marmites des fèves pour les morts.
04:23Quel rôle jouaient ces fèves ?
04:26Les fèves, ce sont les premières cultures à réapparaître au début de l'année du cycle végétatif.
04:35Et par analogie, ces fèves rappellent également une sorte de passage entre la vie et la mort.
04:42Et donc, entre les morts, les défunts et les fèves, il y a une association dans l'esprit des Grecs.
04:47Et je dirais que ça peut paraître ancien, mais bien après cette époque,
04:52au XIXe siècle, par exemple, en Provence,
04:56lorsque, après le repas de Noël, on laissait le relief du repas sur la table,
05:01parce que ces reliefs étaient destinés aux morts.
05:04Et puis dans l'Épée Islave, notamment, et encore aujourd'hui, Noël est associé aux morts.
05:08Autre exemple...
05:10Comment vous l'expliquez ? C'est étonnant.
05:12Oui, que la fête de la relativité soit associée aux morts.
05:16Et pourquoi se rappellent des morts ?
05:18Justement parce que Noël, c'est... Enfin, Noël.
05:21Avant que Noël existe, ces fêtes de l'Antiquité étaient là pour rappeler finalement le passage.
05:27Le passage entre la morte-saison qui se termine et la renaissance de la vie.
05:33Vous voyez ? La morte-saison, la renaissance de la vie.
05:36Et donc forcément, c'est valable pour les hommes aussi.
05:39Et les rennes du Père Noël ?
05:41Les rennes du Père Noël, on peut les mettre en rapport avec les cerfs.
05:45Les cerfs, au Moyen-Âge, qui étaient censés être des animaux
05:50qui facilitaient le passage entre l'au-delà et le monde des vivants.
05:55Même chose pour Sleipnir. Je ne sais pas si vous voyez quelque chose,
05:58mais Sleipnir, c'est le cheval du dieu Odin de la guerre.
06:03Et Sleipnir aussi était un animal dit psychopompe, comme les rennes,
06:06c'est-à-dire un animal qui fait le passage entre le monde des vivants et le monde des morts.
06:11Dans ce livre, vous parlez aussi des Saturnales Romaines.
06:15On a l'impression que la fête est alors, à l'époque, un alibi pour bien boire,
06:21un alibi pour la débauche. Est-ce réellement le cas ?
06:25Oui, il y a moult beuveries, si on veut, lors des Saturnales.
06:29Un peu comme la fête des Pichets à Athènes.
06:32Mais je dirais que c'est beaucoup plus que cela.
06:35Parce que si les antécédents grecs et les Saturnales Romaines sont des fêtes civiques,
06:39des fêtes de la cité officielle, et pas simplement privées,
06:43c'est parce que ces fêtes-là jouent un rôle important pour les communautés.
06:48Et ce rôle, encore une fois, c'est le passage.
06:50Passage, on l'a dit, de la morte saison à la renaissance de la végétation.
06:55Passage de la lumière qui a disparu et qui va réapparaître.
07:00Et puis, passage aussi, parce que les anciens grecs et romains
07:05ont une conception cyclique du temps et des choses.
07:08Et donc, on doit, à intervalles réguliers, renouveler le contrat entre les hommes et les dieux,
07:14renouveler le contrat entre les hommes eux-mêmes.
07:16Et en fait, ce que ces anciens célèbrent dans ces fêtes,
07:20je dirais, c'est le renouvellement de l'ordre du monde.
07:23C'est quand même important.
07:25Alors, ces fêtes paraissent assez éloignées de notre Noël d'aujourd'hui.
07:30Pourtant, vous dites que certains aspects de notre Noël
07:33sont déjà en germe à l'époque greco-romaine.
07:36Lesquels, précisément ?
07:38Justement, on en a parlé.
07:40Cette idée que, lors de ces fêtes de fin d'année qui deviennent ensuite fêtes de Noël,
07:46l'idée d'un passage entre mort et vivant est toujours là.
07:51Même si, en Pislave, aujourd'hui, ça a perdu un peu d'importance,
07:54mais c'est toujours dans les esprits.
07:55En Pologne, par exemple, aussi.
07:57Et puis, intéressants également sont les Saturnales et les Calendes de Janvier à Rome.
08:03Les Calendes de Janvier, c'est le début de l'année.
08:05Parce que là, on trouve des caractères qui, finalement, réapparaissent entre Noël à nous.
08:11On donne des cadeaux aux enfants, dans le cadre de la maison, noyau familial.
08:17Et ces cadeaux, on les appelle les Strenae.
08:20C'est le mot duquel, ensuite, a été formé le mot français Etreine.
08:26Et pour prendre un seul exemple, il y a un document, là, dans le livre,
08:30une très belle affiche de la Sainte-Maritaine, ce grand magasin parisien, 1909.
08:34Et on voit écrit sur cette affiche, le mois des Etreines à partir du 7 décembre.
08:41Ça nous montre qu'au début du XXe siècle,
08:44certains confondent encore les cadeaux des Etreines,
08:48qui remontent à l'époque romaine, et les cadeaux de Noël.
08:52Oui, le 7 décembre, les Etreines.
08:54D'ailleurs, on dit toujours les Etreines.
08:56Et à cette époque, la dimension familiale était déjà assez répandue.
09:02Pour les Calendes de Janvier, tout à fait.
09:04On donne des cadeaux dans le sein de la famille aux enfants.
09:07Alors pour nous, aujourd'hui, Noël, c'est vraiment la naissance de Jésus.
09:10Mais quand a-t-on décidé de fêter la nativité du Christ, et pour quelle raison ?
09:16Alors, ça peut surprendre, mais il faut attendre presque 4 à 5 siècles
09:20après la naissance de Jésus pour que les chrétiens, officiellement, fêtent la nativité.
09:25En gros, on décide de fêter la nativité à Rome vers l'an 354, à peu près.
09:33Et puis, il faut un siècle pour que, finalement,
09:36cette célébration gagne tout le monde chrétien, y compris l'Orient.
09:41L'Orient où est né le christianisme.
09:43L'église de Jérusalem, par exemple, c'est pas avant 451.
09:46Vous voyez, c'est un processus qui met un siècle après Rome.
09:51Et pourquoi avoir attendu si longtemps, donc 400 à 500 ans après la naissance de Jésus ?
09:57C'est surprenant.
09:59Oui, alors, si vous voulez, auparavant, parce qu'à nouveau, finalement,
10:03le christianisme nait en Orient, au départ, vers le IIe siècle de notre ère.
10:08En Orient, on fête, le 6 janvier, 3 choses à la fois.
10:13La naissance supposée de Jésus, les noces de Cana,
10:16parce que c'est pré-miracle, on transforme l'eau en vin.
10:19Et puis, le baptême de Jésus par Jean-Dyle Baptiste dans les eaux du Jourdain.
10:23Et ça, c'est quelque chose d'important en Orient.
10:266 janvier, ça correspond au solstice également en Égypte.
10:31Le problème, j'irais, c'est que, quand le dogme commence à se former,
10:35avec le concile de Nicée en 325,
10:37à Nicée, on décide du dogme de la Sainte Trinité, le Père, le Fils, Saint-Esprit.
10:42Et surtout, on décide, on a dit que Jésus est divin dès sa naissance.
10:48Or, en Orient, certains pensaient que Jésus ne devenait divin qu'après le baptême.
10:55Puisque dans les évangiles, on voit que lors du baptême,
10:59lorsque Jésus sort de l'eau et fait sa prie,
11:03le ciel s'ouvre, une colombe en descend, apportant l'Esprit Saint.
11:06Et certains se disent que c'est bien la preuve que Jésus n'est divin qu'après.
11:09Or, après Nicée, c'est une hérésie.
11:12Et Rome, 4e siècle, c'est le moment où, finalement, l'Église devient une institution,
11:17avec Rome pour capitale,
11:19et à Rome, on a envie, finalement, d'insister sur ce caractère divin de Jésus dès la naissance.
11:25J'irais même, dès la conception.
11:28C'est pour ça que, il me semble, on décide de fêter officiellement la fête de la Nativité.
11:35Et comme, finalement, les chrétiens d'Orient, ils y tenaient au 6 janvier,
11:39eh bien, on va fêter officiellement quelque chose le 6 janvier, mais l'Épiphanie.
11:44Mais c'est ça, oui.
11:45Mais est-on sûr de la date de naissance de Jésus ?
11:48Ben, à personne.
11:50Vous, quel est votre propos là-dessus ?
11:54Alors, il y a beaucoup d'hypothèses.
11:57Ce qui est sûr, c'est que ça ne se passe pas l'hiver,
12:00parce que Luc nous dit que, lorsque Jésus naît, les bergers vivaient au champ.
12:05Ils ne pouvaient pas vivre au champ l'hiver.
12:07Pourtant, c'est un 21 décembre.
12:09C'est pour dire que, finalement, la date du 21 décembre est symbolique.
12:12Et, beaucoup d'hypothèses sur le calcul de cette date.
12:15La plus probable, à mon sens, c'est que, dans la Bible,
12:19on compte les vues humaines en années entières.
12:24Parce que toute fraction égale imperfection.
12:27Et donc, si quelqu'un, un personnage célèbre de la Bible,
12:30naît le 10 janvier, il meurt le 10 janvier.
12:33Or, quand on décide de célébrer la Nativité,
12:36on sait quelle est la date de la Passion, la crucifixion, la mort, le 25 mars.
12:41Et si on veut insister sur le catère divin de Jésus dès le départ,
12:45on a dit que le 25 mars, c'est l'Annonciation, la conception divine.
12:50Vous rajoutez 9 mois, on arrive au 25 décembre.
12:53Et dans votre livre, vous soulevez la question.
12:56En fixant cette date du 25 décembre,
12:58l'Église n'a-t-elle pas tenté de faire oublier les cultes solaires
13:01qui étaient en vogue à l'époque à Rome ?
13:03Oui, c'est une interprétation qui est très ancienne.
13:07Celle des folkloristes du 19e siècle,
13:10qui ne tient pas tout à fait la route.
13:13Même s'il y a des coïncidences troublantes,
13:17Mithra, qui est un dieu du soleil,
13:19célébré de manière importante à la fin de l'Empire romain,
13:23Mithra se réunit dans une grotte un 25 décembre.
13:26Mais je dirais que finalement, ce voisinage,
13:29il ennuie plus qu'il arrange les chrétiens.
13:32Parce que Mithra, c'est la lumière du soleil.
13:35Et que célèbrent les chrétiens ?
13:38Deux choses.
13:39D'abord, la lumière de l'étoile qui guide les mages vers Jésus,
13:43et lumière de l'étoile qui est importante pour les premiers chrétiens
13:46dans les catacombes, lorsqu'ils sont encore persécutés.
13:49Et puis surtout, après,
13:52lorsque le christianisme devient une religion autorisée, même officielle,
13:56c'est la lumière spirituelle à l'intérieur de l'Esprit-Saint.
13:59Et donc, il faut que les théologiens expliquent aux fidèles
14:02que ce n'est pas la lumière du soleil, c'est la lumière de l'Esprit-Saint.
14:05Donc vous voyez, ce voisinage à Mithra,
14:07il embarrasse plus les chrétiens qu'il ne les arrange.
14:10C'est plus une coïncidence, dirait-on ?
14:12Oui, oui.
14:14Mais concrètement, comment on célèbre Noël, dès le début ?
14:19Dès le début du Moyen-Âge ?
14:21Dès le début, donc, vers le 4ème siècle, 5ème siècle,
14:24lorsque la fête devient officielle.
14:27Je dirais que pour les chrétiens à l'époque,
14:30c'est d'abord un temps sacré.
14:33Un temps sacré qui se déroule sur plusieurs jours.
14:35D'abord, Noël, c'est une octave, 8 jours.
14:38Puis après, on prend l'habitude d'ajouter les noms de saints
14:45aux jours qui séparent Noël de l'Épiphanie.
14:49Ce qui fait que petit à petit, déjà au 8ème siècle,
14:51on a ce qu'on appelle le cycle des 12 jours ou des 12 nuits.
14:55Et que fait-on durant ce cycle ?
14:57Je dirais qu'on essaye de rendre le mystère de la nativité
15:04plus proche, plus sensible pour les chrétiens.
15:07Parce que le mystère, quand même,
15:09c'est un dieu qui s'incarne dans un homme.
15:12Et pour le rendre finalement plus proche,
15:15apparaissent très tôt des crèches.
15:17D'abord des crèches permanentes.
15:19La première crèche permanente...
15:21Oui, alors je vais vous poser la question des crèches,
15:24parce que je veux savoir si ce qu'on a aujourd'hui,
15:26ce qu'on voit un peu dans toutes les mêmes...
15:28les mairies ou en dehors des mairies,
15:30avec l'exclusion de la laïcité,
15:32mais enfin, ça c'est anecdotique,
15:34l'âne, le bœuf, etc.
15:37C'était déjà au 8ème siècle qu'il commence à se créer
15:40cette architecture tout à fait étonnante des crèches.
15:43Oui, alors on ne sait pas si l'âne et le bœuf sont présents
15:45dès le 8ème siècle.
15:47Ce qui est sûr, c'est que l'âne et le bœuf sont présents
15:50sur des sarcophages du 4ème.
15:52Et donc très tôt, l'âne et le bœuf sont associés
15:54à l'esprit des chrétiens, à la nativité.
15:57Quant aux crèches, il y a d'abord...
15:59On représente quoi dans ces crèches alors à cette époque ?
16:01Justement, oui.
16:02Alors, ce qui est sûr, c'est que la première crèche permanente,
16:05c'est le 7ème siècle, Sainte-Marie-Majeure de Rome.
16:08Ensuite, on a des crèches qui sont des crèches vivantes
16:11pour la nuit de Noël.
16:14Il y en a dans les églises très tôt.
16:16Et que les citoyens, que les gens d'époque,
16:20dans leur maison...
16:22Pas dans leur maison.
16:24Les premières crèches sont dans les églises.
16:26Et puis, il y a la fameuse crèche du Grécio,
16:29en 1923, par Saint-François d'Assise.
16:31Elle est célèbre sans doute parce que François d'Assise
16:33est devenu un saint après.
16:35Et tout ce qu'on sait de ces crèches,
16:37c'est qu'il y avait la présence de l'âne et du bœuf.
16:39Sinon, il y a des personnages, sans doute,
16:41qui représentent les mages, etc.
16:43Et puis, pour répondre à votre question,
16:45les crèches que l'on connaît nous,
16:47les crèches privées, je dirais,
16:49avec des petites figurines,
16:51elles n'apparaissent pas avant le XIVe siècle,
16:53le XVe, et elles sont très rares.
16:55En fait, ces crèches privées,
16:57ce n'est pas avant la deuxième moitié du XIXe siècle.
16:59C'est l'époque où apparaissent les santons, en Provence.
17:01Donc c'est assez tard, ces crèches privées.
17:03Mais comment ça se fait ?
17:05C'est un phénomène qui me passionne,
17:07parce que vous dites, 1300 déjà,
17:09il y avait une première représentation de crèches.
17:11Qu'est-ce qui fait, et ça vaut pour plusieurs choses
17:13que vous racontez dans votre livre,
17:15ces strates qui arrivent,
17:17et qui remontent et qui ressuscitent,
17:19qu'est-ce qui fait que ça ne passe dans le privé,
17:21alors que c'est devenu totalement,
17:23enfin pour toutes les populations chrétiennes,
17:25ou même d'ailleurs laïques,
17:27ou même athées, monnaie courante,
17:29qu'est-ce qui fait que ça attend des siècles
17:31pour passer dans les maisons,
17:33ou dans les magasins, ou dans les lieux, etc.
17:35C'est-à-dire que
17:37tout cela
17:39renvoie
17:41à cette, je dirais,
17:43cette appropriation progressive
17:45du mystère de la nativité
17:47par les populations.
17:49– Et ça a mis quelques siècles.
17:51– Et ça a mis quelques siècles, voilà.
17:53Mais on ne sait pas ça que dès lors que finalement
17:55une chose disparaît, on parlera peut-être des mystères
17:57tout à l'heure. – Oui, alors justement,
17:59parce que les mystères, vous en parlez...
18:01C'est intéressant d'en parler,
18:03parce que les mystères c'était une autre façon
18:05de célébrer Noël à l'époque,
18:07effectivement au Moyen-Âge, c'était quoi
18:09exactement ces mystères ?
18:11– Les mystères ce sont des sortes de représentations théâtrales
18:13où on joue la nativité.
18:15Et encore, l'objectif, encore une fois,
18:17c'est de rendre proche, visible,
18:19sensible la nativité.
18:21Et les mystères
18:23apparaissent en gros vers le IXe siècle
18:25et puis il y en a
18:27jusqu'au XVe siècle.
18:29Et quand les mystères sont interdits,
18:31quand ces représentations théâtrales
18:33sont interdites par l'Église, c'est là qu'apparaissent
18:35les premières crèches privées.
18:37Vous voyez, à chaque fois que finalement...
18:39– Au moment où la présentation arrête.
18:41– À chaque fois que quelque chose disparaît,
18:43les fidèles ont besoin de quelque chose,
18:45d'autre, et c'est là
18:47qu'apparaissent les premières crèches privées.
18:49– Alors vous dites que ce Noël chrétien
18:51constitue une sorte de révolution
18:53par rapport aux rites anciens.
18:55Quelle est cette révolution exactement ?
18:57– Alors,
18:59je dirais que c'est une triple révolution.
19:01D'abord,
19:03quand on étudie le don,
19:05le don dans les sociétés anciennes
19:07et même aujourd'hui, quelque seule époque ou le lieu,
19:09le don est toujours
19:11inséré dans un système
19:13d'échange contraint.
19:15Quelqu'un reçoit, il doit donner.
19:17Avec la nativité,
19:19Dieu donne
19:21son fils aux hommes, c'est un don
19:23gratuit, unilatéral.
19:25Ça, c'est une révolution. Deuxième révolution,
19:27le sacrifice. Dans toutes les religions,
19:29ce sont les hommes qui sacrifient
19:31au Dieu. Là, c'est le Dieu,
19:33c'est Dieu qui donne en sacrifice aux hommes
19:35son fils. La dernière révolution,
19:37c'est le rapport à l'enfant roi.
19:39Alors, pas comme on l'imagine
19:41aujourd'hui, mais dans les temps
19:43anciens, Grèce et Rome,
19:45l'enfant roi est considéré toujours comme un personnage
19:47dangereux parce que c'est un concurrent.
19:49Le dieu Kronos, grec du temps,
19:51dévore ses enfants.
19:53Le dieu Romain Saturne
19:55dévore ses enfants. Et le premier réflexe
19:57d'Hérode, en Judée,
19:59quand il entend qu'un enfant
20:01en roi, un roi des Juifs est né
20:03en Judée, c'est d'envoyer des gens
20:05pour rapatrier finalement
20:07cet enfant et peut-être l'éliminer.
20:09Et oui, effectivement,
20:11il faisait tuer tous les enfants
20:13de moins de deux ans. Parce qu'il n'a pas
20:15réussi à mettre la main, entre guillemets, sur
20:17l'enfant roi. Et donc, il a
20:19fait un massacre d'innocents,
20:21fait tuer tous les enfants de moins de deux ans.
20:23Or, Jésus, justement, c'est
20:25peut-être un enfant roi, mais
20:27c'est une divinité qui se présente
20:29dans les dénuments, dans la fragilité totale.
20:31C'est un enfant roi qui ne
20:33concurrence personne.
20:35Et où il est ? Dans une étable,
20:37etc.
20:39Avec la paille et tout ça. On continue,
20:41c'est absolument passionnant, après
20:43cette petite pause.
20:45Et je voulais préciser avant cette pause qu'il faudra près de 14
20:47siècles avant que Noël ne revête
20:49la forme que nous lui connaissons aujourd'hui.
20:51On va en parler dans un instant sur
20:53Sud Radio avec l'historien Olivier Grenouillot.
20:55Alors, reste avec nous.
21:05...
21:15Elvis Presley,
21:17le grand Elvis Presley, oui.
21:19Et oui, Blue Christmas.
21:21Effectivement, Noël, toute une histoire.
21:23C'est le titre du beau livre que vous publiez
21:25aux éditions du Serre, Olivier Grenouillot.
21:27Alors, Noël, ce sont
21:29aussi des personnages, dites-vous, entre guillemets,
21:31dans votre ouvrage.
21:33En parlant de l'âne et du bœuf,
21:35d'où vient cette tradition ?
21:37Il y a aussi les humains, je dis ça par rapport à...
21:39On en parlera après.
21:41C'est intéressant. Il y a les animaux,
21:43mais il y a aussi quand même les...
21:45Oui, on en parlera après.
21:47L'âne et le bœuf,
21:49ce qui est intéressant, c'est que finalement,
21:51on n'en parle pas dans les évangiles.
21:53Le seul endroit où l'on parle de l'âne et du bœuf,
21:55c'est dans les apocryphes.
21:57C'est-à-dire des textes qui sont pas officiels.
21:59Pas un mot dans les évangiles, dans les quatre évangiles ?
22:01Pas du tout. Ce sont des textes qui ne sont pas
22:03officiellement reconnus par l'Église.
22:05Ah oui, les apocryphes, oui.
22:07Et finalement, on en parle,
22:09comme je le disais tout à l'heure,
22:11on a des représentations de l'âne et du bœuf
22:13dès le IVe siècle.
22:15Donc, dès que l'on célèbre
22:17la nativité, les fidèles
22:19l'associent
22:21à l'âne et au bœuf.
22:23Alors en revanche...
22:25Pardon, c'est intéressant.
22:27Qu'est-ce qui fait que les fidèles l'associent
22:29à l'âne et au bœuf, puisque ce n'est pas dans les évangiles ?
22:31Sans doute parce que
22:33ces fidèles
22:35vivent la campagne.
22:37Et voilà, Jésus est
22:39enné dans une étable.
22:41Ça leur
22:43semble être logique.
22:45Encore une fois, c'est un moyen pour eux
22:47de rendre la nativité plus palpable.
22:49Ah oui. Alors,
22:51les rois mages sont présents
22:53dans les évangiles. Pourquoi ils sont
22:55présents à Noël, alors ?
22:57Les rois mages, on en parle effectivement
22:59dans les évangiles. Et avant les mages d'ailleurs,
23:01les premiers arrivés sont les bergers.
23:03Parce qu'ils sont à côté, ils vivent dans les champs,
23:05dit Luc. Et l'arrivée
23:07des bergers montre que finalement,
23:09Jésus se présente
23:11ou apparaît d'abord
23:13pour les juifs,
23:15ceux qui habitent à côté.
23:17Et puis l'arrivée des rois mages qui viennent de loin
23:19montre que la venue de Jésus
23:21concerne également
23:23toute l'humanité. Et ce qui est intéressant
23:25aussi, ce sont les présents, les cadeaux
23:27que les mages apportent.
23:29Alors les mages, on en a trois
23:31aujourd'hui, parfois
23:33il y en a eu douze. En tout cas,
23:35ils apportent de
23:37l'or,
23:39pour souvenir le caractère...
23:41Voilà, pour souvenir le caractère
23:43finalement royal,
23:45l'or, de l'encens
23:47qui symbolise le caractère divin,
23:49et de l'amyr,
23:51qui est une sorte de résine
23:53aromatique.
23:55L'amyr sert à l'époque à nettoyer
23:57les souillures du corps, et ça sert aussi
23:59à embaumer les corps. Et dans les apocryphes,
24:01certains disent
24:03que finalement, la présence de l'amyr
24:05dès la naissance, est là pour
24:07indiquer
24:09que Jésus est destiné
24:11à mourir
24:13et à ressusciter.
24:15Ah oui. Alors dans notre
24:17esprit, la nativité est aussi associée
24:19à des lieux précis,
24:21à la grotte, les tables, voire à des objets,
24:23la fameuse mangeoire.
24:25Éclairez-nous sur ces sujets.
24:27Alors, il n'y a pas une concurrence,
24:29mais les représentations
24:31de la grotte et de les tables se télescopent
24:33dans le temps. À certaines époques,
24:35on parle plus de la grotte,
24:37dans les temps
24:39au christianisme plus ancien,
24:41primitif, puis c'est les tables
24:43qui l'emportent. En tout cas,
24:45on sait qu'une grotte est vénérée
24:47à Bethléem dès le deuxième siècle
24:49après la naissance de Jésus.
24:55Il n'y a pas eu de contestation
24:57sur Bethléem ?
24:59Non, aucune contestation sur Bethléem.
25:01Quant à la mangeoire,
25:03elle est quand même très importante,
25:05parce que
25:07Jésus,
25:09dans certaines représentations,
25:11il y en a une ici,
25:13dans l'éminure de la Bible de Chartres,
25:15qui datait de vers
25:17850, on voit
25:19Jésus emmailloté,
25:21placé dans la mangeoire
25:23où s'alimentent l'âne et le bœuf.
25:25Ah oui, dans la mangeoire carrément.
25:27Parce que, pour les premiers chrétiens,
25:29et même pendant très longtemps, et aujourd'hui encore,
25:31Jésus est
25:33décrit comme étant la nourriture
25:35des fidèles.
25:37Et le dogme
25:39de la transsubstantiation,
25:41qui est fixé au XIIIe siècle,
25:43qui veut dire que lors de l'eucharistie dans la messe,
25:45le pain et le vin
25:47qui sont partagés, représentent
25:49réellement la présence
25:51réelle du corps
25:53et du sang de Jésus.
25:55Et donc, l'idée de sacrifice dont je parlais tout à l'heure,
25:57c'est bien cela.
25:59Jésus est considéré
26:01par les chrétiens, dès le départ, comme étant la
26:03nourriture des hommes
26:05pour les emmener vers le salut.
26:07Est-ce que c'est l'Église
26:09qui a imposé ce schéma de la crèche ?
26:11Alors oui et non.
26:13Parce que bon, le dogme de la transsubstantiation
26:15est fixé au XIIIe siècle,
26:17c'est bien l'Église.
26:19Mais prenons les mages,
26:21que l'on appelle rois aujourd'hui.
26:23En fait,
26:25ils ne sont vraiment,
26:27deviennent vraiment rois qu'à partir du Xe siècle.
26:29Alors certains pourraient dire...
26:31Avant c'étaient les mages, pas les rois mages.
26:33Avant c'étaient les mages, voilà. Certains pourraient dire que ça arrange l'Église,
26:35parce qu'on voit donc des rois qui
26:37viennent de loin, qui s'agenouillent devant Jésus.
26:39Mais, à la même époque,
26:41si certains des mages deviennent rois,
26:43c'est parce que ça sert les différents rois d'Europe
26:45qui se présentent ainsi
26:47comme les dépositaires sur Terre
26:49de Dieu.
26:51De la religion, du christianisme.
26:53Et quant à l'anneau au bœuf, on l'a dit,
26:55c'est dans les apocryphes,
26:57ce n'est pas reconnu officiellement par l'Église.
26:59Pourtant l'Église laisse faire.
27:01Parce que les fidèles y tiennent.
27:03Donc l'Église est parfois l'institution,
27:05parfois la manœuvre, mais pas tout le temps.
27:07Pas aussi souvent
27:09qu'on le pense aujourd'hui.
27:11Alors Noël, c'est aussi les cadeaux
27:13pour beaucoup d'entre nous.
27:15Que sait-on des cadeaux de Noël
27:17dès le Moyen-Âge ?
27:19Assez peu de choses, finalement.
27:21On a parlé des étrennes au calendre
27:23de janvier à Rome, pour les enfants.
27:25Il y a ces cadeaux que les mages
27:27apportent à Jésus, mais
27:29quant aux cadeaux au Moyen-Âge,
27:31il faut attendre en gros
27:33les XIVe, XVe siècles
27:35pour avoir des informations intéressantes.
27:37Dans les mystères, notamment,
27:39lorsqu'on joue la nativité, on voit des personnages
27:41qui jouent les bergers, qui apportent des cadeaux
27:43et qui les donnent à l'enfant Jésus.
27:45À la même époque, en dehors des mystères,
27:47on voit parfois aussi des gens...
27:49Mais dans les mystères, il y avait aussi
27:51les rois mages qui amenaient des cadeaux.
27:53Oui, mais on voit également les bergers en donnant.
27:55Et donc les cadeaux
27:57au XIVe, XVe, si on les donne
27:59à l'enfant Jésus,
28:01ou bien dans les hospices,
28:03on les donne aux malades
28:05et aux pauvres.
28:07Avec souvent des biscuits
28:09pour les requinquer.
28:11Mais pas encore aux enfants.
28:13En fait, il faut attendre Saint-Nicolas, c'est ça ?
28:15Oui, il faut attendre Saint-Nicolas.
28:17Quand se met-il
28:19exactement ? Saint-Nicolas a
28:21distribué ses fameux cadeaux à Noël
28:23et pour quelles raisons ?
28:25Là aussi, c'est un tournant, en gros, au XVe siècle.
28:27Au départ, il distribue des cadeaux
28:29pas à tous les enfants,
28:31simplement aux escoliers.
28:33Et les escoliers ne sont pas les escoliers d'aujourd'hui.
28:35Les escoliers sont les jeunes
28:37des chapitres cathédraux, ce sont des clercs.
28:39Qui ne sont pas des enfants.
28:41Ils sont jeunes, mais ils ne sont pas enfants.
28:43Et lorsque Saint-Nicolas devient
28:45le patron des escoliers,
28:47c'est aussi le moment,
28:49la coïncidence est troublante,
28:51où l'Église interdit
28:53les fêtes des fous,
28:55qui étaient pratiquées par ces mêmes escoliers
28:57et qui les conduisaient
28:59à parodier finalement des scènes de l'Église.
29:01Et on voyait ces jeunes clercs aussi
29:03aller en ville, frapper,
29:05voire même pousser des portes
29:07pour demander des cadeaux, etc.
29:09Tout ça donne l'impression, quand même,
29:11que Saint-Nicolas arrive
29:13au bon moment pour encadrer
29:15la turbulence de ces jeunes clercs.
29:17Voilà.
29:19C'est intéressant, vous parlez
29:21de disparition des mystères,
29:23apparition des crèches, disparition des fêtes des fous,
29:25apparition de Saint-Nicolas.
29:27Et ce Saint-Nicolas,
29:29est-ce qu'il distribuait des cadeaux
29:31partout, dans toute l'Europe,
29:33où il y avait d'autres personnages qui intervenaient ?
29:35Alors, d'abord, 15ème siècle,
29:37Saint-Nicolas, c'est pour les escoliers
29:39qui se sont assagi.
29:41Et après, Saint-Nicolas distribue des cadeaux
29:43à tous les enfants sages.
29:45Parce qu'on a, partout d'ailleurs,
29:47dans toutes les régions, son nom
29:49dit diffère, mais Saint-Nicolas
29:51est accompagné par un double malfaisant.
29:53Le Père Fouettard,
29:55Hans Trapp, Knecht Ruprecht.
29:57Le double malfaisant, il pousse
29:59des criereaux, qu'il a des bâtons,
30:01il peut parfois emporter les enfants
30:03qui sont passants.
30:05Les deux sont toujours associés.
30:07Il y a le bon Saint-Nicolas, et puis l'inquiétant
30:09double malfaisant. Et ailleurs,
30:11en Europe, là où il n'y a pas Saint-Nicolas,
30:13eh bien, au lieu d'avoir
30:15un personnage sympathique
30:17et un inquiétant, on a parfois
30:19un seul personnage, mais avec un double visage.
30:21En Italie, c'est la Befana.
30:23Une sorcière
30:25sympathique,
30:27une fée plutôt sympathique,
30:29puisqu'elle distribue des cadeaux aux enfants,
30:31sage, mais en même temps,
30:33elle se déplace sur un balai qui rappelle
30:35la sorcière.
30:37Ou en Russie, à la même époque,
30:39à l'époque moderne,
30:4117e, 18e siècle, en Russie,
30:43on a le grand-père Gel,
30:45d'Edmorose. Il distribue des cadeaux aux enfants,
30:47mais il peut aussi,
30:49s'ils ne sont pas sages, les mettre
30:51dans sa hôte et les enlever. Vous voyez,
30:53avec des...
30:55Sous des formes différentes, partout en Europe,
30:57entre le 15e et le 19e siècle,
30:59il y a, je dirais,
31:01la carotte, le cadeau,
31:03et le bâton.
31:05Dr. Jekyll and Mr. Hyde.
31:07Il y avait la fameuse Tante Harry en Franche-Comté aussi.
31:09Ah oui, et ça
31:11dure longtemps, puisque c'est encore au début du 20e siècle.
31:13La Tante Harry en Franche-Comté
31:15distribue des cadeaux aux enfants.
31:17Et elle est sympathique, puisque c'est une fée
31:19montée sur un âne.
31:21Elle fait peur, quand même.
31:23Parce qu'elle a des dents de fer et des pattes de doigts.
31:25Un même personnage, mais avec deux visages,
31:27à nouveau.
31:29Pour résumer, en quelque sorte, partout, c'est un peu
31:31le cadeau, la sanction.
31:33Quand les choses ont commencé à changer ?
31:35C'est très tardif.
31:37Il faut attendre,
31:39je dirais, la deuxième moitié,
31:41voire la fin du 19e siècle.
31:43Dans les célébrations de la Saint-Nicolas,
31:45à la fin du 19e, il y a toujours le bon
31:47Saint-Nicolas, avec
31:49le double malfaisant. Mais on s'aperçoit que les
31:51enfants sourient quand ils voient ce double-là.
31:53C'est-à-dire qu'ils n'y croient plus vraiment.
31:55Il leur fait plus peur.
31:57Et donc, il ne reste plus que le cadeau.
31:59Et ce qu'on ne sait pas, d'ailleurs, c'est qu'à nouveau, ce phénomène est
32:01européen, dans les pays scandinaves,
32:03qu'on oublie souvent.
32:05Dans les mythologies,
32:07puis dans les histoires,
32:09en Scandinavie, on a depuis longtemps des gnomes,
32:11des elfes, des lutins, mais
32:13pendant très très longtemps,
32:15on n'en a pas peur, mais on s'en méfie,
32:17parce qu'en fait, ils vivent sous terre ou ils creusent des trous
32:19dans les granges.
32:21Or, au 19e siècle, ces mêmes personnages
32:23se mettent à distribuer des cadeaux.
32:25Et il y a une autre
32:27pratique qui est aussi très intéressante,
32:29c'est qu'en Scandinavie, au 17e siècle,
32:31parfois les parents
32:33se déguisent en boucs de paille
32:35pour effrayer les enfants
32:37à la fin de l'année. Deux siècles plus tard,
32:39fin 19e,
32:41ce sont les enfants qui fabriquent
32:43de la paille, de petits boucs,
32:45et qui envoient
32:47symboliquement ces boucs dans le pays des jouets
32:49pour en recevoir. Vous voyez, il y a eu un
32:51renversement total.
32:53Juste une question, est-ce que ce sont les ancêtres d'Halloween ?
32:55Un peu, ou ça n'a rien à voir ?
32:57Non, mais on peut...
32:59Ça n'a pas grand-chose à voir, si vous voulez trouver des ancêtres
33:01non pas d'Halloween,
33:03mais de ces quêtes
33:05de cadeaux. On a parlé
33:07tout à l'heure des fêtes des fous,
33:09ils allaient en ville pour quêter,
33:11et puis on avait l'équivalent dans les campagnes.
33:13On appelait ça les guisards, parce que c'était des bandes
33:15de jeunes déguisés, les guisards,
33:17à l'occasion des fêtes de fin d'année.
33:19Un mot sur la veillée,
33:21sur le repas. Est-ce qu'au cours des siècles,
33:23la façon de consommer à Noël
33:25a changé ou pas ?
33:27Il y a des choses qui changent, évidemment,
33:29notamment les mets consommés.
33:31Par exemple, le Christmas pudding.
33:33Le Christmas pudding, il est...
33:35Bon, il y a des origines de l'époque
33:37médiévale, mais c'est au 19e siècle
33:39qu'il devient un emblème national en Angleterre.
33:41La bûche de Noël,
33:43le gâteau.
33:45Avant d'être un gâteau, c'est la bûche qu'on met dans la cheminée
33:47pour attirer sur la maisonnée,
33:49sur les hommes, sur les animaux,
33:51pour attirer, finalement, des bienfaits dans l'avenir.
33:53Il faut attendre le
33:55début du 19e siècle pour qu'on commence à faire
33:57un gâteau, et ce gâteau se
33:59popularise après 1945.
34:01Donc les mets consommés évoluent.
34:03Par contre, ce qui ne change pas,
34:05ce qui peut surprendre,
34:07c'est que Noël
34:09a toujours été, même au Moyen-Âge,
34:11un moment de grande consommation.
34:13On consomme en plus grande quantité
34:15et des choses de meilleure qualité.
34:17Chacun en fonction de ses moyens.
34:19Les aristocrates,
34:21par exemple, vont boire du vin mielé, du vin épicé,
34:23alors que ceux qui n'ont pas
34:25les moyens vont boire de la bière ou simplement du vin
34:27qui n'est pas coupé par de l'eau.
34:29Et la dinde, pour juste, avant la pause,
34:31la dinde, c'est arrivé quand ?
34:33Alors la dinde vient d'Amérique,
34:35elle n'est pas finalement...
34:37Elle vient d'Amérique, elle n'existait pas...
34:39C'est à l'époque moderne.
34:41Elle n'est pas vraiment...
34:43Sauf dans les repas
34:45socratiques, guerre avant
34:47le XVIIe, XVIIIe siècle.
34:49Alors justement, l'époque moderne, on va en parler
34:51dans un instant sur Sud Radio. Le Père Noël,
34:53le sapin, les chants de Noël,
34:55d'où viennent ces traditions ?
34:57Vous nous direz tout dans un instant
34:59sur Sud Radio. A tout de suite.
35:01Sud Radio, votre...
35:03Petit Papa
35:05Noël
35:07Quand
35:09tu descendras
35:11du ciel
35:13Avec
35:15des jouets par
35:17milliers
35:19N'oublie pas
35:21mon petit
35:23soulier...
35:25Tino Rossi, André Bercov sur Sud Radio.
35:27C'est toute notre enfance.
35:29Qui n'a pas écouté Tino Rossi
35:31le soir de Noël ? Olivier Grenouillot,
35:33Noël, toute une histoire, on en parle
35:35avec vous. Vous êtes historien et vous publiez
35:37un livre remarquable aux éditions
35:39du Cerf. D'où
35:41viennent les traditions du sapin et des
35:43chants de Noël si présents aujourd'hui ?
35:45Alors, avant le sapin,
35:47depuis l'Antiquité,
35:49non pas Noël, mais lors des fêtes de fin d'année,
35:51on avait toujours des
35:53végétaux vers l'hiver, parce qu'ils rappellent
35:55la permanence de la vie
35:57durant la morte saison. Donc le hou, le gui, le laurier.
35:59Et je dirais que le sapin, c'est le petit
36:01dernier en date.
36:03Il est attesté fin XVème,
36:05XVIème siècle, parce que des textes nous disent qu'en Alsace,
36:07on fait trop de coupes de sapin
36:09à la Noël. Et à partir
36:11de l'Alsace, il se répand lentement
36:13en Allemagne. En gros,
36:15il faut attendre la fin du XVIIIème siècle.
36:17Et au siècle suivant, au XIXème, il devient
36:19une sorte d'emblème national pour les fêtes de Noël
36:21en Allemagne, au moment où l'Allemagne
36:23devient un État unifié.
36:25Quant aux
36:27chants, je dirais qu'il y a des chants de Noël
36:29dans les églises depuis très très longtemps.
36:31Mais que les chants,
36:33ceux que l'on imagine, peut-être
36:35les petits choristes des rues qui vont
36:37de porte à porte, c'est plutôt
36:39la deuxième moitié du XIXème siècle
36:41et l'Angleterre, avec Dickens,
36:43Christmas Carol, un chant de Noël.
36:45Même si le livre, d'ailleurs,
36:47ne traduit pas forcément cela,
36:49puisque dans ce livre, Dickens nous montre plutôt
36:51la conversion d'un personnage
36:53misanthrope
36:55et avare
36:57à l'esprit de Noël.
36:59Mais en tout cas, dans l'esprit
37:01dès le XIXème siècle,
37:03les chants de Noël sont un souci
37:05à l'Angleterre. Le XIXème siècle,
37:07ce n'est pas où il y a l'affirmation
37:09des nationalismes. Et Noël,
37:11il participe, les Allemands tiennent à leurs sapins
37:13et les Anglais à leurs chants de Noël.
37:15– Et le Père Noël serait une invention américaine alors ?
37:17– Oui, non,
37:19encore une fois, puisque
37:21en fait, c'est vers
37:231800 que finalement
37:25un Saint Nicolas néerlandais
37:27arrive à New York, il devient quelques
37:29ans après le patron à la ville de New York
37:31et ce premier
37:33Père Noël entre guillemets américain,
37:35il est d'origine européenne en fait,
37:37et puis il ne ressemble pas à ce qu'on imagine.
37:39– Et il s'appelle déjà Father Christmas ?
37:41– Non, il a plusieurs noms,
37:43Santa Claus,
37:45avant d'être Santa Claus, etc.
37:47Et puis,
37:49il fait quelques dizaines de centimètres de haut,
37:51c'est le grand lutin, il fume la pipe,
37:53il porte un pantalon court et bouffant,
37:55il faut presque trois quarts de siècle
37:57pour que ce premier
37:59Père Noël importé d'Europe se transforme
38:01dans le Santa Claus que l'on connaît aujourd'hui.
38:03– Et oui, c'est donc ensuite
38:05dans les années 50 que ce Père Noël
38:07américanisé aurait été
38:09exporté en Europe,
38:11mais on peut dire qu'il n'a pas réussi à s'imposer
38:13partout dans tous les pays européens.
38:15– Alors, le terme exporté,
38:17il est vrai que ce Père Noël américanisé
38:19revient en quelque sorte en Europe,
38:21à l'époque où l'Europe
38:23entre dans la société de consommation,
38:251950, voilà.
38:27Mais je dirais que
38:29ce n'est pas forcément uniquement
38:31une importation parce que
38:33dans le petit Larousse illustré,
38:35dans le nouveau Larousse illustré de 1904 en France,
38:37on a la première entrée Père Noël.
38:39Vous voyez, c'est bien avant l'arrivée du Santa Claus américain.
38:41– Ah ouais, 1904.
38:43– 1904. Et en fait,
38:45ce qui permet au Père Noël,
38:47ce style de s'implanter,
38:49c'est que finalement,
38:51depuis un siècle ou deux en Europe,
38:53dans tous les pays, dans toutes les régions, on a déjà des bonhommes
38:55ou des bonnes femmes de Noël.
38:57Et donc, ça crée une sorte de syncrétisme, de mélange.
38:59Et comme vous le dites, finalement, le Père Noël,
39:01il ne supplante pas toutes les anciennes traditions.
39:03À côté du Père Noël,
39:05aujourd'hui, on a parfois Saint-Nicolas,
39:07dans certaines régions,
39:09en Espagne, sur les rois mages,
39:11qui apportent des cadeaux le 6 janvier.
39:13Et en Grèce, le 1er janvier, c'est Saint-Basile.
39:15Donc vous voyez, le nouveau Père Noël
39:17n'a pas tout effacé des anciennes traditions.
39:19– Mais la figure générale, aujourd'hui,
39:21qui est la barbe blanche,
39:23le bonnet rouge, les bottes,
39:25le traîneau, et surtout,
39:27la descente par la cheminée,
39:29ça, c'est quoi ?
39:31C'est un ensemble...
39:33Parce que moi, très frappant,
39:35l'histoire, moi, tout mon enfance,
39:37il est arrivé par la cheminée.
39:39– Dès les années 1820-1830,
39:41aux États-Unis.
39:43Et puis, vous savez,
39:45la couleur rouge,
39:47c'est la couleur de la royauté.
39:49La barbe blanche aussi.
39:51On trouve, finalement, sur un tableau de Maître Franck,
39:53la fin du Moyen-Âge,
39:55une représentation de l'Éternel.
39:57Elle est dans le livre, là,
39:59avec une vignette qui permet de voir ça plus clairement.
40:01L'Éternel, Dieu, est représenté
40:03comme une sorte de Père Noël.
40:05Évidemment, ce n'est pas lui.
40:07Le Père Noël n'a pas été invité.
40:09Mais vous voyez que la barbe,
40:11la couleur rouge, sont des attributs,
40:13depuis très très longtemps,
40:15des personnages importants.
40:17– Oui, en fait, plus surnaturel,
40:19au bon sens du terme,
40:21et bénéfique.
40:23Il apporte des cadeaux.
40:25– Alors, partout où Noël est fêté,
40:27Noël est devenue une fête commerciale.
40:29Est-ce qu'on sait quand ce processus a commencé ?
40:31– Je dirais que c'est un processus
40:33qui dure à peu près un siècle.
40:35Entre 1850 et 1950.
40:37Ça correspond à la révolution industrielle,
40:39l'affirmation du capitalisme,
40:41du monde bourgeois, parce que les jouets,
40:43les premiers jouets des grands magasins,
40:45ça coûte cher.
40:47Ce sont les enfants de la bourgeoisie
40:49qui peuvent avoir ces premiers jouets-là
40:51des grands magasins.
40:53La première carte de Noël,
40:55la première carte à imprimer, c'est 1843.
40:57Il y en a à peu près 1000 ou 2000 exemplaires.
40:5930 ans après, il y en a des dizaines du millier
41:01qui sont échangés.
41:03Et les grands magasins,
41:05les publicités,
41:07c'est une forme nouvelle à ce Noël.
41:09Et je dirais qu'il y a même
41:11des rites nouveaux qui apparaissent.
41:13– Comme par exemple ?
41:15– Avant la deuxième moitié du 19ème siècle,
41:17le cadeau, il était rarement emballé
41:19ou très rapidement.
41:21Et l'emballage du cadeau, ça change tout.
41:23Aujourd'hui, l'un des rites essentiels,
41:25c'est celui du déballage des cadeaux
41:27où on regarde finalement
41:29l'enfant ou la personne que l'on aime
41:31qui va ouvrir un cadeau
41:33et on se coute dans son regard s'il va être content ou pas.
41:35Et donc vous voyez,
41:37cette nouvelle couche
41:39finalement
41:41qui est liée à l'aumône industriel et capitaliste
41:43apporte aussi un nouveau rite.
41:45– Cette dimension commerciale
41:47de Noël peut déranger
41:49au cours de l'histoire.
41:51Cette fête, certains ont voulu la supprimer
41:53à une époque.
41:55– Oui, assez souvent d'ailleurs.
41:57Je dirais que ça commence avec la réforme protestante
41:59en 1574 en Angleterre
42:01au menaxe des communiers
42:03anglais qui feutraient Noël.
42:05Parce que Noël est considéré comme papiste.
42:07Fin 19ème,
42:09ce sont les libre-penseurs qui veulent remplacer
42:11Noël par des fêtes de décembre.
42:13Ensuite,
42:15ce sont les totalitarismes
42:17nazis et soviétiques
42:19qui essaient soit de faire disparaître Noël
42:21soit de le réutiliser.
42:23– Ah oui, ça je me rappelle,
42:25les nazis voulaient supprimer Noël.
42:27– Supprimer Noël ou bien
42:29à Noël on devait avoir une photo
42:31du Führer.
42:33Et aujourd'hui c'est vrai, on reproche à Noël
42:35parfois sa dimension chrétienne
42:37alors que Noël s'est largement déchristianisé.
42:39On reproche aussi à Noël
42:41parfois aujourd'hui sa surconsommation
42:43qui nuit à la planète. Et certains ne voient
42:45de Noël qu'un
42:47élément du capitalisme. Alors que c'est beaucoup plus que ça.
42:49Mais je dirais que malgré tout,
42:51à chaque époque,
42:53Noël a perduré.
42:55Même en 1914.
42:57– Et l'esprit de Noël aujourd'hui peut perdurer selon vous ?
42:59– Oui, alors je dirais
43:01que l'esprit de Noël change avec les époques.
43:03Dans une même époque aussi,
43:05chacun voit, on peut voir
43:07l'esprit de Noël différemment.
43:09L'esprit de Noël c'est quoi ?
43:11C'est le sens que l'on attribue finalement à la fête.
43:13Pour beaucoup de chrétiens,
43:15c'est la
43:17naissance de Jésus
43:19qui annonce le salut. Mais pour d'autres,
43:21c'est le cadeau ou
43:23le repas. Mais je dirais que même derrière le cadeau
43:25ou le repas, c'est pas si simple
43:27que cela. Le cadeau serait pas un cadeau
43:29si c'était pas un don.
43:31Et le repas serait pas un repas
43:33si c'était pas un partage. Et donc je dirais que
43:35Noël est
43:37lié indissociablement
43:39à l'esprit de Noël ou aux esprits de Noël
43:41puisqu'encore une fois, chacun
43:43peut le voir à sa manière. – Voilà, que vous soyez
43:45croyants ou non croyants, que vous soyez
43:47de n'importe quelle religion ou ethnie,
43:49Noël c'est ça, c'est le partage,
43:51c'est les cadeaux. C'est pour ça qu'on vous souhaite
43:53vraiment d'excellentes,
43:55excellentes fêtes de Noël
43:57et fêtes du Nouvel An.
43:59Et on se retrouve, nous, en janvier,
44:01début janvier.
44:03Il sera encore né le divin enfant.
44:05– Olivier Grenouillot, merci d'être venu
44:07sur Sud Radio. Je rappelle que votre livre
44:09« Noël, toute une histoire »
44:11est paru aux éditions du Serre.
44:13Tout de suite, vous retrouvez Brigitte Lahaye
44:15sur Sud Radio.

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