• le mois dernier
André Bercoff et Céline Alonzo reçoivent Ysabel Saiah Baudis qui publie " Oum Kalsoum, l'étoile de l'Orient" aux éditions Litos : 50 ans après sa mort, elle reste la voix qui guide et réunit le monde arabe.


Retrouvez La culture dans tous ses états tous les vendredis avec Céline Alonzo et André Bercoff à partir de 13h.

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##LA_CULTURE_DANS_TOUS_SES_ETATS-2025-01-23##

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Transcription
00:00SUD RADIO, la culture dans tous ses états. André Berkhoff, Céline Alonso.
00:05...
00:26Oum Koulsoum sur SUD RADIO, la célèbre diva égyptienne André Berkhoff, 50 ans après sa mort.
00:31Eh bien, sa légende perdure. Elle reste la voix qui guide et réunit tout le monde arabe, André Berkhoff.
00:38Non seulement cela, vous savez, moi j'ai vécu, comme vous savez, ma jeunesse au Liban.
00:41Mon enfance et ma jeunesse au Liban.
00:43Je me rappelle au Liban, je ne parle pas de l'Egypte, où est née et a grandi Oum Koulsoum.
00:48Mais au Liban, j'avais deux amis, je me rappelle.
00:51Les jeudis, quand elles chantaient une fois par mois à la radio égyptienne, en direct.
00:55Eh bien, ils se mettaient en pyjama, ils prenaient leurs chichas, vous savez.
00:59Ils disaient, attention vous, ne me dérangez pas, pas de téléphone, pas de rien, j'écoute Oum Koulsoum.
01:03C'était dans le monde arabe entier, c'était extraordinaire.
01:07Et je dois rappeler un souvenir personnel quand même, parce que je me rappelle comme si c'était hier.
01:11Oh, ça devait être dans les années, je ne dis pas, soixante, soixante-cinq, soixante comme ça.
01:20Elle est venue chanter à Baalbeck.
01:22Vous savez, Baalbeck, ce sont les temples romains, les plus beaux temples romains.
01:25Je dis, ils sont plus beaux que ceux de Rome.
01:29Ils sont extraordinaires, d'ailleurs, et ils sont toujours là, heureusement, malgré les bombardements, malgré tout cela.
01:34Elle est venue chanter, et je me rappelle toujours,
01:37elle a chanté de 19h à 4h du matin, avec deux interruptions.
01:42Elle a chanté pendant sept heures, avec deux interruptions.
01:45Et je me rappellerai toujours que les gens, que les soldats qui étaient là pour assurer le service d'ordre,
01:49avaient mis leur fusil et pleuraient.
01:51Je me rappelle des comédiens qui déchiraient leur voix en criant « Souma, Souma ».
01:55C'est-à-dire qu'il y avait une ferveur avec cette chanteuse, cette diva,
01:59que je n'ai jamais vue nulle part, qu'on pourrait, on ne peut pas comparer avec Elie Piaf,
02:04mais je veux dire, c'était une ferveur populaire qui couvrait tout le monde arabe, au Moyen-Orient,
02:10de façon incroyable, et c'est vrai qu'elle a été, et c'est très très bien,
02:14qu'Isabelle Saïa Baudis a l'occasion de rééditer ce livre qu'elle avait écrit,
02:19c'est « Étoiles de l'Orient », parce que c'est un... Lisez-le, vraiment lisez-le,
02:23et lisez-le en écoutant Mkulsum, vous allez voir,
02:26même si vous ne connaissez pas bien la musique arabe et la chanson arabe, vous allez adorer.
02:30Et oui, l'histoire d'Mkulsum, celle d'une petite paysanne illettrée du delta du Nil,
02:35devenue l'étoile de l'Orient, eh bien on va vous la raconter dans un instant sur Sud Radio,
02:40avec l'une de ses biographes, la journaliste Isabelle Saïa Baudis,
02:44alors restez avec nous, on revient dans quelques minutes.
02:47Sud Radio, parlons vrai, parlons vrai, Sud Radio, parlons vrai.
02:59Mkulsum, l'étoile de l'Orient de Réber Coffre, on va en parler aujourd'hui sur Sud Radio,
03:06l'étoile de l'Orient, c'est le titre aussi de la biographie que vous avez écrite
03:10sur cette diva du monde arabe, Isabelle Saïa Baudis,
03:13bonjour à vous et merci d'être avec nous sur Sud Radio.
03:15Merci à vous.
03:16Alors à l'occasion du cinquantième anniversaire de sa mort,
03:20votre livre est paru hier donc aux éditions Litos,
03:23sa vie est digne des plus beaux contes orientaux,
03:26comment la destinée de cette petite paysanne du delta du Nil a-t-elle commencé
03:31et surtout dans quelles circonstances est-elle née ?
03:34En 1904, c'est l'année présumée de sa naissance.
03:37Oui, alors Mkulsum, c'est des histoires, oui on peut dire des histoires de contes de faits.
03:45Donc elle naît au début du siècle, elle a deux ou trois dates de naissance,
03:50mais ça c'est assez normal puisque l'état civil n'était pas très établi,
03:54mais déjà il y a un début de légende.
03:57Et elle naît, pauvre paysanne dans le delta du Nil,
04:01avec un père imam, c'est-à-dire un officier du culte.
04:06Religieux, enfin religieux.
04:08Religieux.
04:09Donc si vous voulez, elle naît avec beaucoup de handicaps
04:13et grâce à la prévoyance de sa mère qui la pousse et qui la suit
04:25et qui la laisse aller à l'école.
04:27Pardon Isabelle, famille très pauvre, vraiment ?
04:29Très pauvre, très pauvre, très pauvre.
04:31Loi du Caire, c'était où à peu près ?
04:33Oui, oui, c'était dans le delta.
04:35Dans le delta, oui.
04:36C'était dans le delta, c'était dans le delta.
04:38Donc elle ramassait le coton, elles étaient pauvres,
04:42la grand-mère lui fabriquait des poupées avec des restes de vieilles robes
04:48et en se coupant les cheveux.
04:50Mais dès sa naissance, vous le racontez,
04:52ses parents sont persuadés qu'elle a investi dans une mission divine.
04:56Pourquoi ? Expliquez-nous.
04:58Parce qu'elle naît dans une nuit magique,
05:00elle naît la nuit du destin,
05:02c'est-à-dire la nuit où Gabriel serait descendu pour donner le Coran à Muhammad.
05:10Donc évidemment, dans cette famille très pieuse,
05:13ils y voient déjà un premier signe.
05:16Et puis cette petite fille, la mère est sûre de son intelligence,
05:23et surtout la mère a repéré qu'elle avait une voix d'or.
05:27Alors la voix, évidemment, on chante beaucoup,
05:31dans le monde arabe, dans les maisons arabes,
05:35et en particulier chez cet imam,
05:38puisque le Coran aussi se chante.
05:41La psalmodie, c'est un chant.
05:44Et la mère pousse beaucoup le père à ce que la petite fille puisse aller à l'école coranique,
05:53qui était la seule école qui existait à cette époque.
05:56Et c'est vrai que sa maman voulait absolument qu'elle soit la plus instruite du village.
06:01À l'époque, il y a que les garçons qui allaient à l'école.
06:03Bien sûr.
06:04Donc elle réussit à avoir cette instruction,
06:08et réussit surtout à avoir cette école déjà de chant,
06:12puisqu'en fait, on chante, on psalmodie,
06:18on répète, jamais sur la même tonalité,
06:21et en fait c'est ce qu'elle fera sublimement bien tout au long de sa vie après.
06:26Et à 16 ans, pour son village et ses environs,
06:30elle est le rossignol du Delta.
06:32Les juges, les nobles et les marchands lui réclament
06:35d'animer des mariages ou des fêtes religieuses.
06:39Qui est ce tchèque qui va faire basculer son destin ?
06:42Alors en fait, la famille est pauvre, mais comme le père est imam,
06:46si vous voulez, pour arrondir ses fins de mois,
06:49il officie les fêtes religieuses,
06:52c'est-à-dire il va avec son petit groupe, c'est-à-dire son fils,
06:56et chanter pour les circoncisions,
07:00pour la fête du prophète,
07:03ils animent des cérémonies religieuses.
07:07Voilà, donc ils animent des cérémonies religieuses.
07:11Alors elle, sa mère avait entendu sa voix,
07:16le père s'est laissé convaincre aussi,
07:20mais évidemment, pudeur oblige,
07:23la petite fille n'est pas habillée en petite fille,
07:26mais habillée en petit garçon,
07:28donc en fait le père va avec son fils et sa fille,
07:32habillées de la même façon,
07:34c'est-à-dire avec une djellaba et un keffieh,
07:37c'est-à-dire qu'on ne sait rien de leur sexe.
07:40Et puis dans ces, évidemment,
07:43le début de la légende et de l'histoire,
07:46le conte de fées continue,
07:48c'est que lors d'une cérémonie religieuse,
07:51elle est repérée par un shir,
07:54qui est un shir fort célèbre à l'époque,
07:57et qui demande au père en disant,
08:00si tu as une voix d'or,
08:02ne la laissez pas au fond de sa campagne,
08:05moi je suis chef d'une lignée musicale,
08:08confiez-la moi, venez avec elle,
08:11je pourrai parfaire son éducation de chant,
08:15ne la laissez pas là.
08:18Et toujours grâce à l'extrême ouverture
08:21de ces gens donc pauvres, peu instruits et tout,
08:24le père, aidé par la mère aussi,
08:26qui a beaucoup fait pour sa fille,
08:28accepte que ce petit trio
08:31parte s'installer au ker,
08:33c'est-à-dire la ville, la grande ville, la capitale.
08:36C'est au ker qu'elle va apprendre la musique,
08:38la poésie, et ce shir,
08:40je ne sais pas comment c'est,
08:42il l'a choisi comme unique héritière de son art,
08:45à savoir ce qu'on appelle le chant profane,
08:48cette discipline à l'époque,
08:50il faut savoir qu'elle était surtout pratiquée
08:52par les hommes ondrés,
08:54et à cette époque, le roi incontesté de cet art
08:57était Saïd Darwish.
09:15Saïd Darwish meurt, André Berkoff,
09:18le 15 septembre 1923 au ker,
09:20ce jour est celui de l'arrivée d'Um Kalsoum,
09:23dans la capitale,
09:26elle a 20 ans, 21 ans.
09:28C'est ça.
09:29Selon celui qui deviendra son maître,
09:32c'est un signe du destin,
09:34il faut donc qu'elle reprenne le flambeau.
09:36C'est ça, Isabelle.
09:38Saïd Darwish incarne vraiment
09:41cette âme égyptienne
09:44qui vit dans un...
09:46il faut replacer le contexte historique,
09:49c'est-à-dire que c'est un pays
09:51sous domination britannique,
09:54c'est un pays qui souffre,
09:56c'est un pays pauvre,
09:58et c'est un pays qui chante,
10:00parce que le chant c'est facile,
10:02ça appartient à tout le monde,
10:04et on peut lutter en chantant,
10:07et en appuyant sur l'âme égyptienne.
10:13On sait comment le blues est né,
10:15chez les esclaves de la Nouvelle Orléans.
10:18C'est un chant de résistance,
10:20et c'est aussi un chant de révolte,
10:22parce que les égyptiens
10:25aimeraient bien aussi
10:27reprendre leur destin en main.
10:30– Mais quel rôle elle joue là-dedans ?
10:34C'est un catalyseur, c'est quoi ?
10:36– C'est un catalyseur,
10:38parce que si vous voulez, déjà,
10:40c'est une première conscience
10:42de l'âme égyptienne qui dit
10:44on est égyptien, mais on est sous domination,
10:47on pourrait exister,
10:52par nous-mêmes, on est oppressé,
10:54on pourrait exister.
10:56Et elle, évidemment, commence à épouser,
10:58donc elle, elle a une éducation
11:00très religieuse,
11:02mais elle sent aussi l'âme de son pays
11:04qui demande quand même
11:06plus de liberté.
11:07– Mais elle chante où ?
11:08Elle chante comment à ce moment-là ?
11:10– Elle commence à chanter dans des théâtres,
11:14elle commence à chanter des chants religieux,
11:18toujours habillée en homme.
11:20– Toujours habillée en homme.
11:22– Et son père lui a imposé ce costume
11:24très longtemps, expliquez-nous
11:26pour quelles raisons exactement ?
11:28– Si vous voulez, c'est la pudeur.
11:30Bon, nous sommes dans les années 20 en Égypte,
11:34dans un milieu très pauvre,
11:36donc si vous voulez,
11:38évidemment, les femmes étaient habillées,
11:40la pudeur est une vertu obligatoire.
11:44– Mais il y avait le voile, elles étaient voilées.
11:46– Non, non, elle avait un keffier.
11:48– Un keffier, oui.
11:49– Vous voyez là dans les premières images,
11:51elle avait un keffier.
11:52Donc si vous voulez,
11:54elle arrive au chœur d'une façon un peu austère,
11:57alors que le chœur aussi est à une époque
12:01d'explosion de la musique dite grivoise.
12:05– Oui, avec les fameuses coquettes,
12:07les coquettes et les chants d'amour, effectivement.
12:09– Les chants d'amour.
12:10Donc elle se démarque de ces chants-là,
12:14mais si vous voulez,
12:15elle sent qu'elle est un peu décalée.
12:17Et quand elle commence à prendre un peu d'autonomie,
12:20et quand elle commence à prendre sa vie en main,
12:24elle dit maintenant je peux jeter mon costume d'homme,
12:31tout en restant modeste, pudique, campagnarde et tout ça,
12:35mais je peux prendre mon dessein en main.
12:37En fait, dès qu'elle commence à être dégrossie au chœur
12:42et plus instruite en côtoyant des écrivains,
12:46des artistes et tout,
12:48elle dit je sais rester moi-même.
12:50– Et oui, et vous le racontez effectivement,
12:52dès son premier concert,
12:53elle va se métamorphoser,
12:55et pour la première fois de sa vie,
12:57elle portera donc une robe en soie,
13:00elle enlèvera donc son keffier,
13:02mais en revanche,
13:03elle refusera de se montrer tête nue devant son père.
13:07– Oui, oui, bon alors ça c'est…
13:10Le père était évidemment très pieux,
13:14donc il tenait à des règles,
13:18et il lui a appris peut-être cette pudeur,
13:24cette maîtrise de soi-même qu'elle continuera.
13:28Elle maîtrisait complètement sa communication,
13:32elle ne voulait pas qu'on la photographie dans sa vie privée,
13:36et on dit, ou les observateurs pensent que tout ça
13:43décline aussi d'une façon dont elle a posé un peu le star system.
13:50Si vous voulez, cette pudeur,
13:52et cette façon de maîtriser sa communication,
13:55ont fait que les observateurs ont dit,
13:57elle a inventé le star system,
13:59parce qu'elle était pudique,
14:00elle maîtrisait ses photos.
14:02– Le star system à l'orientale.
14:04– À l'orientale, avec quand même une intelligence folle,
14:09c'est-à-dire qu'elle maîtrisait tout,
14:11elle donnait des rendez-vous,
14:13elle se faisait rare, elle se faisait désirée.
14:16– Elle ne donnait pas des interviews à tout le monde.
14:19– Pas du tout, elle ne parlait pas,
14:22et au départ elle ne supportait pas d'être photographiée.
14:25La première fois qu'elle a été photographiée dans la presse,
14:27vous racontez une scène où toute sa famille est bouleversée,
14:31l'impressario les retrouve en larmes,
14:33et le père dit l'honneur de notre famille est sali.
14:37– Oui, parce que les photos, évidemment,
14:40ça peut vouloir dire qu'on prend votre être intime,
14:45donc ce n'est pas une famille qui aimait beaucoup,
14:48contrairement à tout ce milieu du caire de l'époque
14:53où les chanteuses se montraient, se dénudaient, chantaient, s'affichaient,
15:00elle, c'est tout le contraire de ça.
15:02Mais elle comprend aussi qu'elle peut jouer sur un autre registre
15:08en étant elle-même et en chantant des chants peut-être plus profonds,
15:15plus longs aussi.
15:16En fait, les chanteuses de l'époque chantaient des chants courts,
15:20tandis qu'elle lance cette mode d'un chant typiquement masculin.
15:24– Attend, d'où ça vient ?
15:27Alors justement, parce que ça a toujours été la caractéristique d'Oum Koulsoum,
15:31d'où ça vient ?
15:32Alors c'est vrai que la chanson arabe, c'est très long, on prend le temps,
15:35mais elle, ce n'est pas long, c'est presque un marathon.
15:38Il y a des chansons qui durent une heure.
15:40– Oui, une heure et même plus.
15:45– Mais d'où ça vient ça ?
15:47– C'est l'école du chant masculin.
15:52Donc si vous voulez, il y a le prélude,
15:55après il y a les chants, il y a les répétitions,
15:58et évidemment, son art suprême, c'était de pouvoir faire durer,
16:03donc de répéter, pour amener à ce qu'elle a porté très haut,
16:08ce qu'on appelle le tarab, c'est-à-dire l'extase musicale,
16:12qui est une de ses spécialités.
16:18Si vous voulez, qui est peut-être comparable à l'extase soufie,
16:24ce chant…
16:26– Oui, Dervish Turner, ou le duande du flamenco espagnol.
16:29– Complètement, c'est le duande.
16:32Et le tarab ou le duande, c'est exactement la même chose.
16:35C'est-à-dire qu'on peut s'enivrer par la musique,
16:40et elle est excellée dans cet art-là.
16:44– Et le fait que ça peut durer, et ça peut durer, et ça peut durer.
16:47Évidemment, on tourne, on tourne, on s'enivre, on répète.
16:54Évidemment, c'est l'extase musicale, évidemment,
17:00ces chants menaient à cette extase.
17:03– Et oui, et pendant ses concerts, certains même de ses femmes
17:06étaient en trance totale.
17:08Et certains lui disaient, voulaient absolument embrasser ses pieds.
17:12Elle était devenue…
17:14– Elle a très vite été adulée,
17:19peut-être parce qu'elle avait une autorité très forte,
17:23qu'elle a changé un peu le genre de la musicologie.
17:28– Elle a révolutionné totalement la musique du monde arabe à l'époque.
17:32– Et qu'elle s'est emparée aussi de tous les thèmes cruciaux de ce monde-là,
17:36c'est-à-dire du nationalisme, de la liberté, du féminisme.
17:42– Tout en étant dans la tradition.
17:44– Dans la tradition.
17:45– Juste un mot, parce qu'on est en train d'aller un peu vite.
17:49Comment elle a été connue ?
17:51Vous parlez du Caire, elle est arrivée au Caire,
17:53mais qu'est-ce qu'elle a fait ? Est-ce que c'est la radio ?
17:55Comment elle a eu la notoriété ?
17:57Comment ça s'est passé de passer de ce cher qui s'occupe d'elle à…
18:02– Alors, elle a été connue grâce aux gens qui l'ont portée,
18:08c'est-à-dire qu'elle a connu très vite Ahmed Rami,
18:12qui est un grand compositeur, qui lui a voué sa vie
18:17et qui lui a écrit presque la majorité de ses chansons.
18:21– Grand poète égyptien, Ahmed Rami.
18:23– Elle était sa muse.
18:25– Elle était complètement sa muse.
18:27Et elle était aussi, par Kassab Ghi, son musicien,
18:31donc si vous voulez, elle a été portée par ses poètes et ses musiciens de génie.
18:41Et puis après, il y a eu évidemment ce média magique
18:45dont elle s'est servie, emparée, qu'elle a amplifiée,
18:50la radio, et qui est devenue, qui s'appelle La Voix des Arabes,
18:56elle étant elle-même considérée comme La Voix des Arabes.
19:00Et tout de suite, elle a senti, si vous voulez,
19:04qu'elle pouvait passer avec son background très égyptien,
19:10paysan, pieux, respectueux, mais qu'elle pouvait porter autre chose.
19:17Et si vous voulez, c'est là où on voit son intelligence absolue,
19:21c'est qu'elle a senti qu'elle était à une période pivot,
19:26puisque c'était une effervescence aussi, des technologies…
19:29On sentait une effervescence nationaliste,
19:32on sentait ce mouvement féministe,
19:35et qu'elle a pris tout ça, et quelque part,
19:38elle a incarné tout ça, et elle l'a transcendé.
19:42Et elle s'est emparée, il faut recontextualiser effectivement,
19:45elle s'est emparée de ce média, on est en 1933 André Bercoff,
19:49et pendant la seconde guerre mondiale,
19:51elle a continué ses récitales à la radio.
19:54Les soldats lui ont été très reconnaissants.
19:57Oui, alors si vous voulez, les soldats, c'est un peu plus tard,
20:01les soldats c'est le premier conflit israélo-arame,
20:06et le début des officiers libres.
20:09Donc si vous voulez, les soldats…
20:12Mais elle régnait déjà sur la radio,
20:14c'est-à-dire la rencontre en la radio et au Zoom.
20:17Bien sûr, bien sûr, bien sûr.
20:20Ça c'est dans les années 30, c'est ça.
20:23À ce moment-là, elle règne, et est-ce que ça a changé quelque chose ?
20:27Parce qu'on sait très bien qu'il y a un problème de civilisation,
20:30de culture et autres.
20:32Est-ce que sans être féministe, vous parlez de féminisme,
20:36mais elle a fait qu'elle était considérée,
20:39elle avait hanté ses habits de garçon,
20:41mais est-ce que le rôle de la femme, sans exagérer,
20:45a été un peu changé par le fait où elle était chanteuse,
20:49et donc ça n'a rien à voir avec la vision qu'on peut avoir de la femme.
20:53Alors si vous voulez, à cette époque-là,
20:55ce que tout le monde a absolument oublié,
20:58naît un mouvement de féminisme arabe.
21:01C'est-à-dire qu'il y a des penseurs,
21:04il y a un homme qui écrit la femme nouvelle,
21:09qui s'appelle Kassim Amin,
21:12et après c'est porté par des femmes.
21:14Il y a des femmes qui disent, mais quand même, on existe,
21:17on peut être utile, on est instruite.
21:20Les femmes commencent à monter des journaux,
21:25elles investissent beaucoup le monde de la presse.
21:28Rosalie Youssef, Auda Chahraoui,
21:31elles montent des réunions, des cercles littéraires,
21:34et elles pensent que le voile, par exemple,
21:38est aussi une prison,
21:40et elles commencent à réagir.
21:45Et si vous voulez, il y a cette scène absolument incroyable
21:48où elles prennent un bateau
21:53et elles jettent leur voile à la mer.
21:56Et si vous voulez,
21:58Oum Kelsoum était dans cette mouvance.
22:01Elle sentait que les femmes pouvaient jouer un rôle,
22:04et elle, elle sentait qu'elle avait déjà un rôle
22:07dans cette lignée musicale,
22:09et elle se dit, on peut additionner toutes ces forces,
22:12ces forces vives,
22:14ces forces de nationalisme, d'égyptienne, de féminisme.
22:19On peut faire la synthèse de tout ça.
22:21Et elle a essayé d'être cette synthèse.
22:23Elle a essayé d'être cette synthèse.
22:25Et en 50 ans de carrière, on peut dire qu'elle a accompagné
22:27tous les bouleurssements égyptiens du XXe siècle,
22:29du protectorat britannique à la nationalisation du canal de Suez,
22:32par le colonel Nasser.
22:34On va continuer d'en parler dans un instant sur Sud Radio,
22:37avec Isabelle Sayabaudi, ça leur reste avec nous.
22:41...
22:59On me calcule sur Sud Radio, 50 ans après sa mort,
23:02sa voix est toujours célébrée dans le monde arabe,
23:05son destin incroyable, on en parle avec vous Isabelle Sayabaudi,
23:09vous êtes l'une de ses biographes,
23:11et vous publiez aux éditions Litos,
23:14Umm Kalsoum, l'étoile de l'Orient.
23:17Après la seconde guerre mondiale,
23:19tous les pays membres de la ligue arabe la réclament,
23:21notamment la Syrie, l'Irak et le Liban.
23:23A l'époque, elle dira à ses proches,
23:25mes concerts ressemblent de plus en plus à des réunions politiques,
23:29défendre son pays contre la domination étrangère
23:32et insuffler de la force aux plus faibles
23:34étaient vraiment ses principaux objectifs à l'époque.
23:37A l'époque, Isabelle Sayabaudi...
23:39Oui, oui, je pense qu'après sa période très classique, religieuse,
23:46elle sent que c'était une femme de combat,
23:50elle sent que son combat est maintenant un combat nationaliste.
23:56Donc elle chante l'Egypte,
24:02mais aussi elle sent qu'il y a quelque chose
24:04qui est encore plus important que l'Egypte,
24:06donc l'Egypte, c'est la nation arabe,
24:08qui était une notion qui n'était pas encore très posée
24:13et qui va arriver avec celui qui va faire d'elle son alter ego,
24:19qui va être Nasser.
24:22Gabal Abdel Nasser,
24:24qui était le symbole du nationalisme arabe à l'époque,
24:27c'était le nationalisme arabe.
24:29Le panarabisme, le nationalisme arabe.
24:31Nasser, il faut le rappeler, le 23 juillet 1952,
24:35il renverse la monarchie en Egypte
24:37et restaure la pleine indépendance du pays
24:39après 70 ans de tutelle britannique.
24:42A l'époque, elle a été censurée à la radio
24:44alors qu'elle voulait donner un grand concert
24:46pour cette révolution.
24:50Qu'est-ce qu'on lui a reproché ?
24:52Après les révolutions, je pense qu'il y a toujours
24:54des mouvements un peu extrémistes,
24:57c'est-à-dire que les gens qui ont pris la radio
25:00se sont dit qu'elle avait chanté aussi du temps des rois,
25:03donc on va l'interdire.
25:05Mais simplement, ils avaient oublié
25:08qu'elle avait été très patriote elle-même
25:11et qu'elle avait aussi comme appui Nasser.
25:15Donc Nasser a immédiatement...
25:17– Et Neguib avant lui.
25:19Neguib qui a initié la révolution des officiers.
25:22– Bien sûr.
25:23Et donc Nasser a appelé la direction de la radio
25:27en leur disant, vous la censurez,
25:32mais est-ce que le soleil ne se levait pas aussi avant ?
25:37Et en fait, elle a chanté les gouvernants d'Egypte
25:47tout en chantant l'Egypte.
25:49Parce qu'elle a chanté aussi,
25:51elle a appuyé tous les mouvements nationalistes.
25:55Donc si vous voulez, c'était presque un mauvais procès
25:59et elle a été évidemment très vite rétablie.
26:02Et avec Nasser va commencer une ère
26:06où elle va, en plus d'être chanteuse, actrice,
26:10on n'a pas parlé de ce média aussi...
26:13– Oui, elle a tourné plusieurs films.
26:15– ...dont elle va sentir l'opportunité aussi.
26:20C'est une femme qui sent que tout ce qui rapproche est utile.
26:25Donc si vous voulez, elle se sert de tous les nouveaux médias,
26:28ce qui est étonnant pour une paysanne qui n'avait pas de...
26:33C'est-à-dire qu'elle a un sens, une intelligence folle.
26:38Donc elle prend tous ces médias
26:42et avec Nasser, elle prend une autre dimension,
26:45c'est-à-dire qu'elle devient l'alter ego de Nasser.
26:49– Oui, parce que Nasser, effectivement,
26:51l'a considérée en quelque sorte comme la première dame de l'Egypte.
26:55– Pour résumer la situation, elle va vraiment se battre à ses côtés.
26:59– La voix des Arabes, c'est elle qui chante,
27:03elle l'appuie, elle chante.
27:06Il sent que c'est un faire-valoir incroyable.
27:10Il dit que les premières luttes,
27:13ils étaient avec leur transistor et se donnaient de la force en l'écoutant.
27:17Donc chacun va grandir l'autre et s'appuyer.
27:23Mais évidemment, elle a un rôle...
27:26– Quelles actions elle a soutenues, justement, aux côtés de Nasser ?
27:29– Elle a soutenu déjà son arrivée au pouvoir,
27:32c'est-à-dire l'indépendance, la première fois que l'Egypte
27:35était dirigée par un Égyptien depuis...
27:39– Il y avait les rois quand même, Isabelle Baudis, le roi Farouk et tout ça.
27:43– Oui, mais qui n'étaient pas égyptiens.
27:46– Farouk ?
27:47– Ils n'étaient pas égyptiens, ils n'avaient pas d'origine égyptienne.
27:51Tandis que là, c'est le peuple, c'est le peuple égyptien.
27:55– Les généraux sont beaucoup plus... c'est l'incarnation du peuple.
27:58– Bien sûr, bien sûr.
28:00Lui, c'était un égyptien.
28:03Donc ils vont s'appuyer et en fait,
28:06elle va chanter une chanson qui va devenir l'hymne national
28:10et elle va appuyer toutes les réformes qu'il va faire.
28:13C'est-à-dire que la nationalisation du canal de Suez,
28:18elle va le chanter.
28:21– Le barrage d'Assouan.
28:23– Le barrage d'Assouan, elle va le chanter.
28:26Si vous voulez, elle va accompagner tous ces mouvements,
28:30les mouvements initiés par Nasser.
28:34– Indépendantistes, etc.
28:36– À une époque, vous le dites, il a fallu qu'elle soit protégée,
28:40notamment quand elle a chanté devant les membres du Conseil de la Révolution.
28:44– Qui la menaçait à l'époque ? Les anglais, c'est ça ?
28:47– Oui, il y avait toujours.
28:51Alors là, on repart un peu en arrière.
28:54Oui, elle était considérée comme subversive.
29:00Comme elle avait un chant nationaliste.
29:05Mais si vous voulez, du temps de Nasser,
29:09elle accompagne, elle chante, elle fait détourner dans tout le monde arabe
29:14puisque Nasser essaye de lancer cette nation arabe qu'elle va porter partout.
29:21Elle fait détourner, elle continue de demander aux femmes
29:25de participer à l'effort du pays et du monde, de travailler.
29:31– Je voudrais dire quelque chose là-dessus, là c'est très important,
29:35c'est que Mkhoulsoum, c'était le nationalisme arabe,
29:40égyptien d'abord et ensuite, et pas l'intégrisme et pas l'islamisme.
29:44– Mais pas du tout.
29:45– En tout cas, elle n'était pas là-dedans.
29:46Mais c'est très important, pourquoi ?
29:48Parce qu'aujourd'hui, on ne parle que de ça,
29:50on ne parle que des intégrismes, et à raison d'ailleurs,
29:53et des dangers des intégrismes quels qu'ils soient.
29:56Mais on ne dit pas que justement, il y a cette autre face du monde arabe,
30:00qui est le chant, qui est la danse, qui est la promotion aussi,
30:03et que cette femme a incarné.
30:05C'est-à-dire qu'on n'était pas autant des extrémistes et des intégrismes.
30:08– Non, elle était…
30:10– C'est important de le redire.
30:14– Elle était pour le mouvement, pour l'affirmation.
30:19Évidemment, quand on a été sous domination, on a envie de se libérer.
30:23– Bien sûr.
30:24– Et elle apportait toutes ces évolutions.
30:27C'est-à-dire d'être libre, de participer à l'effort du pays, de voter.
30:31Il y a eu le droit de vote qui a été accordé aux femmes.
30:35– C'est de cette époque-là ?
30:37– Je crois qu'il l'a fait en 53.
30:41Je crois qu'elle a l'éducation, parce qu'elle a l'éducation.
30:47– C'est important de rappeler ça.
30:49– Et de se servir, sans se renier, de tout ce que le monde moderne,
30:55donc le monde que vous pouvez vous apporter,
30:58tout en restant soi-même.
31:02C'est très joli de dire ça, parce qu'on peut rester croyante.
31:10– Soi-même, bien sûr.
31:11– Soi-même.
31:13– Identité ouverte, pas identité fermée.
31:16– Évidemment.
31:17Et elle, elle a su complètement l'incarner,
31:21tout en étant un modèle de pudeur, de piété, d'égyptianité, entre guillemets.
31:30– Mais elle s'est mariée, dites-moi.
31:32– Alors elle s'est mariée, très tardivement.
31:34– C'était pas pour elle, disait-elle.
31:36– Elle s'est mariée très tardivement.
31:38Alors évidemment, on peut se dire, pourquoi ?
31:41Ce n'était pas du tout la tradition.
31:43– Puisque c'était la fiancée de l'Egypte.
31:45– C'était la fiancée du monde arabe.
31:47Et qu'elle était quand même, elle avait un statut de chef.
31:50Elle était chef d'une lignée musicale, elle régnait déjà.
31:55– On l'appelait la Zahima.
31:57– On l'appelait la Zahima, qui est quand même un titre qu'on donne rarement aux femmes.
32:02Elle était chef.
32:04Donc si vous voulez, je pense qu'elle a connu l'amour pour si bien le chanter.
32:12Et elle s'est mariée, elle avait beaucoup d'humour,
32:15donc elle s'est mariée assez tardivement à son médecin.
32:19Et elle disait, quand on a montré sa fesse à un médecin, on peut bien l'épouser.
32:28– C'est assez joli ça.
32:30Juste Céline, je voudrais quand même dire, par pose Zahima,
32:35c'est la très belle fréphase que vous avez écrite Omar Sherif, il y a de ça quelques années.
32:40Omar Sherif, égyptien, très grand acteur, qui est international,
32:44on ne va pas présenter Omar Sherif.
32:47Il disait, je l'ai rencontrée parfois avec ma femme, Fatel Hamama,
32:50autre immense chanteuse égyptienne.
32:52– Actrice ?
32:53– Chez elle, rue Abou El Fida, actrice et chanteuse aussi.
32:56Il dit, ce n'était plus la Zahima, la chef, qui recevait,
33:00c'était l'égyptienne, la femme du peuple, instinctive, pudique, drôle et moqueuse.
33:06Elle était double, on ne se souvient que de la Zahima,
33:10la fellaha, c'est-à-dire la paysanne, était tout aussi attachante.
33:14La tant chanteuse impressionnée, la femme émouvée,
33:17il faut aimer les deux pour pouvoir s'attacher à ses pas.
33:20Ce que vous dites, c'est ça l'identité ?
33:22– Oui, et j'ai eu la chance, pour réaliser ce livre,
33:26d'être aidée par Youssef Chahine, qui m'a guidée…
33:31– Le grand réalisateur.
33:32– Le grand réalisateur égyptien, qui m'a guidée dans mes recherches
33:36et mes rendez-vous au cœur.
33:39Et je voulais aussi signaler que c'était Dominique Baudis
33:42qui m'a donné cette très belle idée.
33:45Et quand j'ai été le rejoindre à Toulouse, ça a été mon travail toulousain,
33:52c'est-à-dire que j'avais été en Égypte,
33:54j'avais réuni une somme considérable de documents,
33:57j'avais ramené une caisse de documents
34:00et interviewé tous les gens qui encore l'avaient côtoyé.
34:05Et je suis très fière parce que cette biographie a été nourrie
34:12du témoignage de gens qui l'ont connue.
34:15Et tout le côté légende qui était absolument extraordinaire la concernant,
34:21je l'ai récupérée pour en faire un personnage de fiction
34:25et qui est le fil conducteur de l'ouvrage.
34:28Et ce qui m'a rendue très fière, c'est que le centre national de traduction égyptien
34:34l'a traduit, donc mon livre existe en arabe,
34:39ce dont je suis très fière parce que quand même,
34:43Oum Kalsoum appartient d'abord aux Égyptiens,
34:47donc je suis très fière d'avoir été admise dans ce cercle.
34:51En tout cas, il faut le rappeler, toute sa vie, effectivement,
34:53elle s'est battue pour son pays et pour l'aider à se relever,
34:57notamment suite à la défaite écrasante de la guerre des Six Jours.
35:00Elle décidera de partir en tournée dans le monde entier pour récolter des fonds
35:05et elle donnera le premier concert de sa vie en Occident,
35:10à savoir à Paris, en 1967.
35:13Pourquoi cette décision ?
35:15Vous dites, Paris sera la première bataille de son djihad.
35:19Isabelle Saïa Baudis.
35:21On va en parler dans un instant sur Sud Radio, alors restez avec nous.
35:30Extrait du concert d'Oum Kalsoum qui s'était produit à l'Olympia à Paris
35:43pour la première fois de sa carrière.
35:45C'était en 1967, 5 mois après la guerre des Six Jours.
35:49Nous allons tout de suite rejoindre le standard de Sud Radio
35:51où Mathilde nous attend.
35:54Bonjour Mathilde.
35:56Oui bonjour, merci de me recevoir sur votre émission
36:01que j'écoute tous les jours avec grand bonheur.
36:03Merci.
36:04Voilà, je voulais poser une question à votre invitée,
36:07je ne connais pas son livre, donc je ne l'ai pas lu.
36:10Eh bien il faut le lire, il est très bien.
36:12Je vais le lire.
36:14Justement, je voulais lui demander si elle précise dans son livre,
36:18bon ça va peut-être un peu ternir la géographie d'Oum Kalsoum,
36:22mais est-ce qu'elle dit dans son livre,
36:25Oum Kalsoum était une antisémite notoire,
36:27mais bon à l'époque en Égypte c'était sûrement une banalité,
36:30mais c'est surtout que comme on a dit tout à l'heure
36:32qu'elle a encouragé les soldats pendant les guerres de 67 et 73,
36:38est-ce qu'elle précise ce qu'elle chantait pour encourager ces soldats ?
36:43Elle chantait Edbar Eliyahu ou Égorge et les Juifs.
36:47Dans les poésies, si je puis dire, assez terribles du style
36:51Égorge égorge sans pitié, lance leur tête dans le désert,
36:54égorge tant que tu voudras, égorge tous les juifs et tu vaincras.
36:58Ça c'est des choses dont on ne parle pas d'Oum Kalsoum,
37:01alors que je trouve que c'est quand même intéressant de le savoir.
37:04– Alors Mathilde, elle va vous…
37:06– Elisabeth Saïa va vous répondre.
37:08– Écoutez madame, moi je vous conseille de lire mon livre.
37:13Évidemment quand il y a deux pays en guerre,
37:16je pense qu'on choisit plutôt son pays d'origine.
37:22Ce que vous chantez, moi je ne connais pas,
37:26et je vous signale aussi que la communauté juive
37:31était très présente à son concert de l'Olympia
37:34qui a une rue Oum Kalsoum à Jérusalem.
37:40Voilà, donc je voulais vous dire ça.
37:43Et je vous invite à lire sa vie en général.
37:49– Oui Mathilde, simplement je voulais vous dire aussi,
37:52moi je connais bien ça, je crois que ce qu'il faut voir
37:56c'est que les champs de guerre effectivement,
37:59et ça peut aller très très loin,
38:01mais je crois que Oum Kalsoum transcende de très très loin
38:07cet aspect effectivement guerrier qui a pu exister partout.
38:13Voilà, je crois qu'on reprend peut-être l'Olympia.
38:17– Oui, merci à vous Mathilde d'être intervenue sur Sud Radio.
38:20Alors revenons effectivement à ce récital unique
38:22qu'elle avait donné en 1967 à l'Olympia.
38:25C'était la première fois Isabelle qu'elle donnait un concert
38:28dans un pays occidental.
38:29Qu'est-ce qui l'a poussée à le faire précisément ?
38:31– C'était la première et la seule fois,
38:35c'est-à-dire qu'elle n'a chanté que dans le monde arabe.
38:38Là, si vous voulez, après la défaite, elle a…
38:43– De la guerre des six jours.
38:45– Elle s'est battue pour essayer de renflouer les caisses de l'État.
38:51Donc elle a fait une tournée dans le monde arabe et elle a rajouté Paris.
38:55Alors Paris, son attirance pour Paris était évidente
39:01parce qu'elle adorait le général de Gaulle.
39:04Que son Pygmalion, Ahmad Rami, lui apprenait le français.
39:09Qu'elle aimait la liberté et l'amour.
39:12– Et effectivement, de Gaulle, je réagis à cela
39:15parce que dès qu'elle a mis un pied à Paris,
39:17la première chose qu'elle a faite, c'est d'écrire un télégramme à de Gaulle.
39:21– Oui, donc c'est pour vous dire combien elle se sentait forte et chef.
39:27Puisqu'en arrivant dans un pays, elle écrivait au…
39:30– Au Président de la République.
39:32– Au Président de la République, qui évidemment lui a répondu.
39:35Donc ça a été un concert phénoménal où Bruno Cocatrix,
39:42le directeur de l'Olympia, avait très peur
39:46parce que les billets n'avaient pas été achetés à l'avance.
39:52Et qu'après, il y a eu une foule phénoménale,
39:55qu'elle a demandé un cachet gigantesque.
39:58– Vous dites que ce cachet, c'est le cachet le plus élevé
40:02de toute l'histoire du musical.
40:04Maria Callas, à l'époque, demandait trois fois moins.
40:07– Oui, mais si vous voulez, elle était pour renflouer les caisses de l'État,
40:14pour renflouer l'Égypte.
40:16Et elle était… je ne sais pas, je crois qu'André était à ce concert ?
40:22– Non, malheureusement, je vais vous dire,
40:24mais je me rappelle très très bien, parce qu'il n'y avait plus de billets,
40:28tout était plein.
40:29Mais une chose Isabelle, dont je me rappelle,
40:31c'est que ça a duré jusqu'à 4 heures du matin.
40:33– Mais oui.
40:34– Ils n'avaient jamais vu ça, l'Olympia.
40:35– Non, ils n'avaient jamais vu ça avec deux chansons.
40:38Avec deux chansons.
40:40C'est-à-dire que deux chansons qui duraient.
40:43– Ils ne comprenaient pas ce qui arrivait.
40:45– Mais si vous voulez, c'était le concert exceptionnel.
40:52Et les gens qui étaient racontent ça d'une façon magnifique.
40:58– Tout à fait.
40:59– Alors je sais qu'il y avait Maurice Béjart, il y avait Marie Laforêt.
41:02– Moi j'ai des amis qui étaient allés.
41:04– Les gens qui étaient vous racontent ça d'une façon incroyable.
41:08Et pour répondre à l'auditrice, je sais que la communauté juive
41:13était très présente aussi.
41:15– Oui, mais je crois qu'il faut dire ça.
41:17Évidemment qu'il y a eu des moments qui sont des moments d'ombre,
41:20mais il faut dire que quand même quelque chose qui est très important,
41:23c'est que vous aviez quelqu'un dans le monde arabe,
41:26et quelqu'un n'était pas la seule, qui était à la fois femme,
41:29qui était chanteuse, qui était une immense chanteuse,
41:33et qui a représenté quelque chose qui n'était pas de l'ordre de la mort,
41:37mais de l'ordre de la vie.
41:38Je crois qu'il faut rappeler que c'est le plus important ça.
41:41– Oui, et rappeler que sa carrière a duré 50 ans,
41:43elle n'a jamais oublié d'où elle venait,
41:45si je n'étais pas née pauvre, je ne serais rien.
41:48Dira-t-elle un jour, c'est ce que vous écrivez dans votre livre,
41:51Isabelle Saïa Baudis,
41:53toute sa vie elle est restée une femme ordinaire,
41:55elle n'a pas oublié le goût avilissant de la misère.
41:58Merci Isabelle Saïa Baudis d'être intervenue sur Sud Radio,
42:02je rappelle donc que votre livre
42:03« Oum Kalsoum, l'étoile de l'Orient »
42:06est paru hier aux éditions Litos.
42:09Oui Isabelle, un dernier mot.
42:11– Oui, je voulais juste dire un dernier mot,
42:13parce qu'on a balayé sa biographie,
42:15mais dans les superlatifs qu'on peut encore lui donner,
42:19c'est que 50 ans après sa mort,
42:21elle est toujours présente dans les ondes,
42:23dans les rues, dans les chœurs, dans les arts,
42:26chez les artistes,
42:28elle est reprise par des grands artistes,
42:31que le grand cinéaste égyptien refait un film sur sa vie,
42:35elle est toujours vivante.
42:37– Et oui, elle inspire de nombreuses personnes,
42:39de nombreuses artistes.
42:41Tout de suite, vous retrouvez Brigitte Lahaie sur Sud Radio.

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