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  • il y a 4 ans
Le temps fait son oeuvre, et parfois les mots perdent une signification pour en obtenir une autre différent, ou être restreints à une signification unique. C'est le cas du terme "pathétique" qui de nos jours n'a conservé que son sens "qui fait pitié". Pourtant, ce terme ne vise pas que les réactions péjoratives : pathétique signifie aussi "qui suscite l'émotion", que ce soit la tristesse, la mélancolie, l'horreur ou la douleur. On comprend mieux pourquoi Tchaïkovski a rattaché ce terme à sa 6ème symphonie, l'une de ses plus poignantes compositions. Il en va de même avec la sonate n°8 de Beethoven qui, elle aussi, bénéficie de ce terme.

La Sonate Pathétique de Beethoven a été dédicacée, comme bien d'autres oeuvres de ce compositeur, à son ami et mécène le chambellan à la cour impériale autrichienne Carl Alois de Lichnowsky. Hélas, le rang de prince de ce mécène donna à ce dernier des exigences qui lui ont donné une solide réputation de tyran : s'il a menacé de poursuivre en justice Mozart pour de sombres histoires de dettes, il avait aussi menacé Beethoven de le mettre aux arrêts s'il ne jouait pas du piano la Silésie (son château) qui accueillait de hauts-gradés de l'armée napoléonienne. Lorsqu'on connait l'aversion non-dissimulée de Beethoven pour Napoléon et son Empire de conquêtes, il n'est guère étonnant que Beethoven ait si farouchement refusé.

Les deux fortes têtes se séparèrent suite à cette querelle, Beethoven perdant un grand mécène, et Carl Alois de Lichnowsky gagnant une réponse écrasant son Ego par un Ego plus grand : "Prince, ce que vous êtes, vous l’êtes par le hasard de la naissance. Ce que je suis, je le suis par moi. Des princes, il y en a et il y en aura encore des milliers. Il n’y a qu’un Beethoven". La sonate Pathétique, composée au temps où les deux hommes s'entendaient à merveille, est composée de trois mouvements très distincts : le premier, sombre et rapide et le troisième, un rondo classique, tous deux en mineur, et un deuxième mouvement, un Adagio cantabile, en majeur. Pièce très connue des mélomanes, cet Adagio est d'une grande délicatesse et d'émotions positives, et la mélodie fait partie des airs les plus représentatifs du lyrisme de Beethoven.