Cavalleria

  • il y a 4 ans
Lorsque la notoriété est à son paroxysme dès le départ d'une carrière, il devient difficile de briller à nouveau, voire d'entretenir la lueur : l'on devient alors son propre frein, son oeuvre d'antan devient la redoutable rivale de ses oeuvres suivantes. Se comparer avec des géants géniaux et reconnus est une chose aussi fréquente que saine, mais lorsque le géant n'est que l'ombre de sa propre réussite passée, il devient bien difficile de surpasser l'attente du public, tout en sachant que ce dernier ne désirera en réalité entendre que l'oeuvre qu'il se sait déjà aimer. Cette situation, bon nombre d'artistes l'ont connu de par l'Histoire humaine. Écrivains, peintres, sculpteurs, architectes, développeurs, interprètes et compositeurs de tout temps, sitôt que le succès est arrivé, voient leurs oeuvres nouvelles sans cesse comparées, minimisées. Et ainsi, de voir le public sans cesse redemander l'oeuvre de départ, dédaignant toutes les créations faites par l'artiste depuis.

Pietro Mascagni, dès ses 27 ans, a réussi à convaincre le monde entier de son talent. Sans certitude il a participé à un concours d'éditeur de musique en quête de nouveaux talents, et soudainement voilà le compositeur propulsé sous les projecteurs, remportant le premier prix pour l'un de ses premières compositions : Cavalleria rusticana. Un opéra en un seul acte, sur le thème de vengeance et d'amour trahi. Dès lors, ce que Mascagni a pu écrire par la suite n'aura injustement jamais autant de succès que cette première oeuvre qui sera jouée et régulièrement réclamée tout au long de sa vie. Tel un "Purple Rain"/"Kiss" de Prince, ou un "Shining" de Stanley Kubrick, cet opéra sera l'oeuvre qui aura ôté la force de toutes les autres, et parachevé ce triste sort d'artiste en restant la rare oeuvre de Mascagni à être encore jouée. On la retrouve aussi en bande originale dans divers ouvrages cinématographiques de Francis Ford Coppola à Martin Scorsese, pour son aspect lyrique et tendu.

Mascagni n'a jamais douté de la qualité de ses créations postérieures, et regrettera amèrement à la fin de sa vie qu'on se soit arrêté à son "Cavalleria rusticana" alors que bien d'autres de ses compositions auraient bien plus mérité de bénéficier de cette notoriété. Il dira d'ailleurs de cette situation, non sans une pointe d'amusement : "J'ai été couronné avant d'être roi". Et afin de ne surtout pas déroger à la règle de ne montrer de Mascagni que cet opéra, voici un Andante dont il est issu, sur un arrangement au piano écrit par l'auteur. De quoi ajouter un petit coup de marteau personnel supplémentaire pour enfoncer davantage le clou dans la planche déjà profondément clouée ...