La Victoire est en Elles - Lorette Charpy

  • il y a 2 mois
Cette semaine, Alexandre Delpérier reçoit la gymnaste Lorette Charpy, 20 ans, médaillée de bronze aux barres asymétriques lors des derniers championnats d'Europe.

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00:00...
00:18-"Parce qu'il y a les femmes, parce qu'il y a le sport",
00:21bienvenue dans votre rendez-vous dédié aux femmes dans le sport.
00:25Je suis ravi de vous retrouver, comme toutes les semaines.
00:28Voici une femme exceptionnelle.
00:30Une gymnaste pleine de résilience avec nous aujourd'hui,
00:33Laurette Charpy, 20 ans seulement,
00:35qui n'a pas été épargnée par les blessures,
00:37mais elle a toujours su relever la tête pour revenir au plus haut niveau.
00:40Son but, être aux Jeux de Paris en 2024,
00:44c'est-à-dire grosso modo après-demain.
00:46Bonjour, ma chère Laurette. Bienvenue dans La victoire est en elle.
00:50Bonjour, merci beaucoup.
00:52Je suis ravi de t'accueillir. Tu es où ? Explique-moi tout.
00:55Je suis actuellement à Saint-Etienne,
00:57où je commence ma rééducation suite à ma dernière blessure
01:02et où je suis... où d'habitude, je m'entraîne.
01:05Oui, parce qu'il faut quand même savoir
01:08que Laurette est à la fois une sportive exceptionnelle,
01:10à la fois une sportive comme les autres,
01:12c'est-à-dire qu'on peut se blesser, ça arrive.
01:14Malheureusement, explique-nous ce qui t'est arrivé fin août.
01:18Au moment de la réception de ma finale au Varasymétrique,
01:22j'ai senti un peu une mauvaise sensation dans mon genou
01:26et du coup, j'ai passé l'IRM
01:28et en fait, mon ligament croisé a été touché pour la deuxième fois
01:33et j'ai dû me refaire opérer là, au cours de septembre.
01:37Donc le même genou, il y avait déjà souffert ?
01:41Oui, exactement la même chose.
01:43Donc là, ça fait quelques semaines.
01:44On en est où moralement, physiquement ?
01:49Physiquement, c'est une opération assez lourde,
01:51plus lourde que les précédentes,
01:53parce que j'ai un peu de mal à m'en remettre.
01:55C'est beaucoup de douleur.
01:57Après, moralement, forcément, ça pourrait aller mieux,
02:00mais j'essaie d'avancer, de me projeter sur les prochains objectifs.
02:04T'en es où, là, dans le processus de cicatrisation, de rééducation ?
02:10Alors, j'ai commencé la rééducation directement
02:13quelques jours après l'opération.
02:15Donc pour l'instant, c'est surtout des soins
02:17et petit à petit, je vais réintégrer
02:20de la marche, de la course, des mouvements gymniques
02:23et ça, ça sera sur plusieurs mois.
02:26Pour l'instant, je n'ai pas de date exacte
02:28pour le retour à la compétition.
02:30Oui, et puis il y aura ce très long processus
02:32pour retrouver la souplesse et la force,
02:35mais la souplesse, c'est peut-être ce qu'il y a de plus difficile, non ?
02:39Non, je dirais peut-être la force,
02:41parce que la souplesse, c'est surtout sur les premiers jours
02:44après l'opération, il faut faire très attention
02:47de ne pas garder le genou trop plié
02:49pour bien avoir l'extension et la flexion.
02:52Et ça, ça a été fait, donc là, tout va bien sur ce côté-là.
02:55Puis dans les prochains mois, il faudra retrouver le tonus musculaire.
02:59Alors, il faut savoir que Laurette a déjà,
03:01malgré qu'elle n'ait que 20 ans, un palmarès exceptionnel.
03:03Elle est vice-championne d'Europe par équipe en 2018,
03:06médaillée de bronze européenne à la poutre en 2019
03:08et au bar en 2022,
03:10vice-championne du concours général des Jeux européens en 2019,
03:13vainqueur du mémorial Arthur Gander en 2019.
03:16Bref, c'est déjà un super palmarès.
03:18J'imagine que ça aide et on s'accroche à ça
03:21quand on voit tes péripéties actuelles
03:23et cette blessure, je parle, évidemment.
03:26Oui, forcément, tous ces résultats,
03:28ça donne un peu de confiance
03:31et c'est important pour pouvoir revenir après ce genre de blessure
03:36parce que rien ne vaut des moments sur des podiums,
03:39donc c'est aussi à ça qu'on s'attache.
03:42Alors, je voudrais qu'on revienne déjà sur ton parcours,
03:44parce qu'il est chouette, ton parcours, Laurette.
03:46Toi, tu viens d'Hannonay, en Ardèche.
03:47Tu découvres la gym très jeune,
03:49grâce à ta maman qui coache.
03:51Tes sœurs expliquent-nous.
03:53Oui, donc ma maman entraînait dans un club
03:55et mes deux grandes sœurs faisaient de la gym.
03:58Donc c'est vrai qu'au début, j'ai toujours été dans les gymnases
04:01et au début, je les ai un peu suivies.
04:04Puis j'ai fait aussi d'autres sports,
04:06mais j'ai toujours gardé la gym
04:07et au moment, il fallait choisir lequel choisir, justement.
04:12J'hésitais entre le judo et la gym,
04:15mais j'ai choisi la gym et sans regret.
04:18Qu'est-ce qui a fait, justement, que tu as préféré la gym ?
04:22Je pense que de suivre les grandes sœurs,
04:24ça m'a beaucoup aidée et peut-être l'instinct.
04:30Tes sœurs avaient combien de plus que toi et elles avaient quel niveau ?
04:34Elles ont toutes les deux intégré le Pôle France de Saint-Étienne aussi,
04:38avant moi, et elles ont 2 ans et 4, 5 ans de plus que moi.
04:46Donc ça veut dire qu'il y avait une belle locomotive
04:48et un bon train familial lancé.
04:51Tu as commencé à performer et à gagner des compètes
04:54quand tu avais quel âge ?
04:57C'est difficile à dire,
04:59mais après, j'ai fait des podiums au niveau national
05:04dès mon entrée au Pôle France,
05:06donc je pense que c'est monté petit à petit.
05:10Est-ce que tu penses que tu as des facilités ?
05:13Parce que j'ai l'impression que ça arrivait assez vite.
05:15Alors évidemment, je ne suis pas en train de dire
05:16qu'il n'y a pas de boulot derrière,
05:18mais est-ce que tu penses que tu as des facilités ?
05:20Et si oui, lesquelles ?
05:22Je pense que oui, sinon je ne serais pas là aujourd'hui,
05:25mais c'est vrai que pour moi, c'est plus du travail
05:28que des choses naturelles.
05:35Qu'est-ce qui te plaisait, justement ?
05:36Et quand tu dis qu'il y avait du travail, c'était quoi ?
05:38C'était les efforts, la souplesse, le rebond, l'équilibre,
05:42la vision, c'est quoi ?
05:45Je pense que c'est surtout le dépassement de soi,
05:48chercher à faire mieux que ce qu'on a fait hier,
05:51et toujours progresser, toujours faire de nouveaux éléments.
05:55C'est vraiment ça qui me plaisait, qui me plaît d'ailleurs.
05:58Le Pôle France à Saint-Étienne, tu y arrives, t'as quel âge ?
06:02J'ai presque neuf ans, pas encore neuf ans.
06:05C'est ouf, ça. Neuf ans au Pôle France.
06:10Attends, une question importante.
06:12Il n'y aurait pas eu tes sœurs, t'y serais allée à neuf ans ?
06:18Je ne sais pas, peut-être que oui, peut-être que non,
06:23mais en tout cas, sans regret d'y être allée.
06:27Ça fait quoi de quitter la maison et de se retrouver au Pôle France à dix ans ?
06:31Alors heureusement, une fois de plus, il y a tes grandes sœurs.
06:33Oui, il y a mes grandes sœurs,
06:35et il y avait surtout aussi mes grands-parents vers Saint-Étienne,
06:38donc ça, ça a beaucoup aidé.
06:40Et je pense qu'à ce stage-là, on a juste envie de faire ce qu'on aime,
06:46poursuivre ses rêves, aller à l'entraînement,
06:49et tout paraît plus facile à ce stage-là.
06:52Laurette, j'ai besoin de comprendre une chose.
06:53D'abord, tes sœurs sont restées jusqu'à quel âge ?
06:56Qui encore n'y est plus au Pôle France ?
06:59Alors ma plus grande sœur fait encore de la gym,
07:01mais n'est plus au Pôle France,
07:03et la deuxième a arrêté la gym, donc voilà.
07:08Mais j'ai été, pendant beaucoup d'années,
07:12je dirais sept ans peut-être, avec ma grande sœur au Pôle,
07:17donc ça aussi, ça aide.
07:20À quel moment, Laurette, tu t'es dit, je suis faite pour ça,
07:23je vais faire ma carrière là-dedans,
07:25je vais me construire un palmarès là-dedans ?
07:29Je crois que je ne me suis jamais dit ça.
07:31C'est vraiment naturel, je fais ce que j'aime,
07:35même si parfois c'est dur.
07:38Je continue de travailler pour vraiment avoir zéro regret,
07:42et c'est plutôt comme ça que j'avance,
07:44qu'en me disant, je suis faite pour ça, tout ça.
07:47Parfois c'est dur, ça veut dire quoi ?
07:49C'est les répétitions, les horaires, la souffrance, les blessures, c'est quoi ?
07:53C'est les blessures physiques, mentales aussi,
07:56parce que ce n'est pas tous les jours facile avec la pression,
08:00rester au plus haut niveau,
08:01mais je me raccroche à mes objectifs,
08:06je me raccroche aux médailles que j'ai déjà eues,
08:09et ça en vaut la peine.
08:11Tu es senior depuis 2017, Laurette,
08:13et tu es championne de France au bar et à la poutre,
08:16c'était véritablement tes deux spécialités ?
08:19Oui, je m'entraîne sur les quatre agrès,
08:21parce que j'aime faire les quatre agrès,
08:23pour moi la gym c'est le saut, les bars, la poutre et le sol,
08:27mais c'est vrai que mes spécialités,
08:29c'est plutôt les bars asymétriques et la poutre.
08:31Pourtant c'est très différent,
08:33est-ce qu'il y a des choses, des points communs
08:35que le commun des mortels et moines ne pouvant pas discerner ?
08:40Non, pas spécialement,
08:43je pense que c'est vraiment une question de sensation,
08:45je me sens plus à l'aise sur ces agrès-là,
08:49donc c'est plutôt là-dessus que je me raccroche,
08:55mais pas forcément de points communs.
08:58Mais pour performer au bar et à la poutre,
09:00qui sont, tout le monde l'aura compris, extrêmement différents,
09:03qu'est-ce qu'il faut comme qualité pour l'un et pour l'autre ?
09:06Qui sont donc différentes ?
09:10Pour les bars, j'irais avoir de bonnes sensations dans les airs,
09:13parce qu'on fait des lâchers de bar, tout ça,
09:16avoir le rythme dans la peau pour pouvoir faire tous nos mouvements,
09:22et pour la poutre, c'est trouver une sérénité,
09:25ça c'est plutôt un point commun entre les bars et la poutre,
09:27avoir la sérénité sur l'engin pour tout le long du mouvement,
09:32et sur la poutre, oui, c'est de l'élégance,
09:36c'est de la sérénité, c'est de la précision aussi.
09:40Mais de l'élégance, j'ai l'impression qu'ils n'en font pas plus autant.
09:44Oui, c'est vrai qu'il y a toujours un petit point commun sur tous les agrès,
09:47mais il y a des points clés sur chaque agrès.
09:512018, tu remportes la médaille d'argent au championnat d'Europe par équipe,
09:54et là, tu vas connaître un accident impressionnant,
09:58une chute impressionnante avec six fractures au visage.
10:01On va voir les images, c'est…
10:03Waouh ! Alors, c'est 2018, donc c'est déjà un peu loin,
10:06mais est-ce que c'est vraiment loin ou est-ce que ce n'est pas si loin ?
10:10C'est vraiment loin parce que pour moi,
10:13la lorette d'avant cette blessure et la lorette d'après,
10:17c'est quelqu'un de différent, donc pour moi, c'est assez loin.
10:23Raconte-nous comment ça s'est passé, ça.
10:26C'était au cours d'un entraînement,
10:28je faisais des sorties au bar asymétrique
10:32et j'ai une main qui n'a pas lâché dans le bon temps,
10:35donc ce qui a fait que je suis revenue sur la barre
10:37et que ma tête a cogné la barre asymétrique.
10:41Donc, il y a eu quelques secondes d'inconscience
10:44et puis après, je me suis fait opérer deux jours après l'accident
10:49pour remettre toutes ces fractures en place
10:52et puis finalement, c'est un peu bizarre à dire,
10:57souvent les gens ne comprennent pas vraiment,
10:59mais j'ai vraiment bien vécu cette blessure
11:01parce que tout s'est remis dans l'ordre rapidement.
11:04Je suis allée aux Jeux de championnats du monde
11:07même pas deux mois après cette blessure
11:09et c'est vrai que c'était une bonne période.
11:13C'est de la quincaillerie ?
11:17Non, c'est vraiment une blessure différente de mes genoux.
11:22Je comprends, je comprends.
11:24Quand tu dis que tu n'es pas ressortie
11:26ou que tu n'étais pas la même en ressortant,
11:28ça veut dire que tu as appris quoi de cette blessure,
11:30qui était ta première grosse blessure ?
11:32Alors après, j'ai l'impression, et tu vas peut-être me contredire,
11:34mais que c'est plus spectaculaire qu'autre chose.
11:39Non, c'était quand même quelque chose d'assez marquant
11:42et d'assez douloureux.
11:44Je ne dirais pas que ça en a plus l'air que ça l'était,
11:48surtout sur ces images qui sont les moins pires.
11:52Ah oui, voilà.
11:54Si tu ne nous montres pas tout aussi.
11:56Non, je ne voudrais pas faire peur aux enfants.
12:00Qu'est-ce que j'en ai appris ?
12:04J'ai appris que vraiment, en fait, tout le monde s'est dit,
12:08tout le monde était choqué par le fait que je revienne,
12:11que je revienne aussi vite, et pour moi, en fait,
12:13je ne me suis même pas, mais même pas un millième de seconde dit,
12:16j'arrête la gym.
12:18En fait, je pense que j'ai pris conscience
12:19que vraiment, j'aimais ce sport, j'aimais ce que je faisais
12:22et que je vivais pour ça, clairement.
12:26Donc, oui, j'ai changé un peu mon état d'esprit
12:28en revenant de cette blessure.
12:30Et puis, il y a ces mondiaux juste après,
12:31et puis en 2019, l'année suivante,
12:33tu fais troisième au championnat d'Europe à la poutre,
12:36cinquième des mondiaux par équipe.
12:39Ça conforte, tout ça, c'est ce que tu viens de dire,
12:42ça nourrit et on est dans le processus de,
12:45un, je ne suis pas là par hasard,
12:47deux, je fais le boulot qu'il faut,
12:49et puis trois, je performe.
12:51Oui, oui, après, c'est vrai que j'ai bien, comme je disais,
12:54j'ai bien vécu cette blessure à la tête,
12:56mais quelques mois après les championnats du monde,
12:58ça a été, en fait, ça a été un retardement.
13:00Là, ça avait été une période assez compliquée
13:03pour les entraînements et même pour refaire ma sortie de barre,
13:06que j'avais refaite facilement pour les mondiaux, justement.
13:10Donc, c'était ces mois-là qui étaient plus difficiles
13:13et d'avoir la sélection pour le championnat d'Europe,
13:16puis la médaille, puis tout ce qui suivait.
13:19Après, avec la médaille aux Jeux européens,
13:22les championnats du monde, oui, ça conforte
13:25et ça encourage à continuer les efforts.
13:30Et puis, il y a les fameux Jeux olympiques de Tokyo,
13:32qui sont ceux qui ont précédé Paris, sauf que t'es blessée.
13:35Raconte-nous cette blessure.
13:37C'était ça, la première blessure à ton genou,
13:39là où tu viens de te faire réopérer ?
13:42Oui, c'était ça.
13:43Et celle-ci, elle a été très difficile
13:46parce que jamais j'aurais imaginé
13:50ne pas donner mon maximum pour me qualifier,
13:53parce que je n'étais pas qualifiée officiellement.
13:57Mais j'aurais voulu faire les tests de sélection,
14:00aller jusqu'au bout pour avoir toutes les chances d'y aller.
14:04Et ça faisait plus de dix ans que je travaillais pour ça,
14:09tous les jours, que je ne m'autorisais pas grand-chose
14:11à l'extérieur de la gym.
14:13Et du coup, ça a été vraiment très compliqué.
14:17Et j'ai appris
14:19que mon ligament était très abîmé
14:23depuis plusieurs années déjà,
14:25et que je faisais là-dessus sans m'en rendre compte,
14:28et que ça a juste fini de casser à ce moment-là.
14:32Tu te souviens de ce moment-là ?
14:33Qu'est-ce que tu te dis ?
14:34Qu'est-ce qui se passe quand tu comprends
14:35que ça va t'empêcher d'aller faire les Jeux, notamment ?
14:39Alors, directement, je ne me suis pas dit ça.
14:42J'ai été à un entraînement à la poutre,
14:45et j'ai fait une réception un peu tordue,
14:49et j'ai entendu mon genou craquer.
14:51Tu l'as entendu craquer ?
14:53Oui, je l'ai entendu.
14:54Et j'ai eu mal, mais je résiste plutôt bien la douleur,
14:58donc je me suis relevée, hop, un peu de cloche-pied,
15:00j'ai dit, ça va, je vais aller voir le kiné, mais ça va.
15:04Et je pense que j'étais sur une période un peu de déni au début,
15:08pendant un peu plus d'une semaine.
15:10Donc là, il n'était pas question de rater les Jeux.
15:14Et quand j'ai pris conscience de ça,
15:18il fallait rebondir tout de suite pour ne pas me perdre.
15:22Donc je me suis tout de suite donnée de nouveaux objectifs.
15:26Je me suis dit que, déjà, que Paris 2024, c'était possible.
15:30Attends, une chose, pardon, pardon, excuse-moi, Laurette.
15:32Quand il y a cette première blessure à ce genou,
15:34il y a une opération ?
15:36Oui.
15:36OK.
15:38Combien de temps après ?
15:40Alors oui, je comprends, pardon, j'étais interrompu,
15:42mais il faut que ce soit bien clair dans l'esprit de tout le monde.
15:43Il y a cette première opération,
15:44mais là, tu retrouves les objectifs en te disant,
15:46ma cocotte, tu vas te bouger,
15:47il y a Paris et les Jeux olympiques qui arrivent à plein pot derrière,
15:50c'est ça ?
15:52Oui, mais j'ai pensé à Paris en premier,
15:55mais avant, il y a des championnats de Lyon,
15:57il y a des championnats d'Europe, il y a des Jeux de Lyon.
15:59Et c'était à tout ça que je me suis rattachée.
16:03Et donc j'ai fait ma première compétition
16:06neuf mois après cette opération, ce qui était plutôt court.
16:09Et ça s'est très bien passé aussi.
16:12Et pareil, c'est après cette première compétition
16:16qui était vraiment bien,
16:18je me sentais bien de revenir, tout ça,
16:20il y a eu des mois difficiles,
16:23donc c'était encore un retardement.
16:25Puis j'ai fait mon retour sur la scène internationale
16:28avec la Coupe du Monde en avril,
16:31où j'ai eu mes premières médailles en Coupe du Monde
16:33et ma première Marseillaise surtout.
16:35Et ça, ça fait du bien, vraiment.
16:38Et puis la saison s'est déroulée,
16:41j'ai eu aussi la médaille en équipe aux Jeux méditerranéens en juin,
16:46où là aussi, j'ai commencé à me faire mal aux genoux,
16:49donc je n'ai pas pu participer à mes finales individuelles,
16:52mais c'était déjà une très belle compétition,
16:54on avait eu la médaille d'argent, c'était l'objectif.
16:56Et...
16:58Attends, tu dis là, j'ai recommencé à me faire mal aux genoux,
17:01ça veut dire quoi ?
17:02Parce que j'ai envie de dire, maintenant,
17:03tu as l'expérience des douleurs, du ressenti,
17:06il y avait déjà eu ce premier ligament qui avait lâché,
17:08ça veut dire qu'à ce moment-là, on est quoi ?
17:09On est au début de l'été, c'est ça ?
17:12On est fin juin,
17:14et je fais, pendant la compétition,
17:16une très mauvaise réception au sol.
17:19Je n'entends pas craquer,
17:21donc ce qui me rassure, entre guillemets,
17:24mais c'était vraiment...
17:27Si on voit cette vidéo, on se dit que c'est la définition
17:30de ce rompre-les-ligaments-croisés.
17:33Mais je fais des examens,
17:35ils ne voient rien là-dessus, donc j'ai un arrachement au sœur,
17:37j'ai quand même des choses,
17:39mais ce qui ne m'empêche pas de participer aux championnats d'Europe.
17:43Donc on a fait les soins nécessaires,
17:45j'ai fait du renforcement musculaire, tout ça.
17:47J'ai été obligée de faire seulement les bars à ces championnats d'Europe,
17:50ce qui était frustrant,
17:52mais j'ai essayé de me rattacher quand même.
17:54La réception que tu as faite,
17:55c'est déjà très bien de faire les championnats d'Europe.
17:58Et puis, je fais les championnats d'Europe,
18:01trois mouvements de bar,
18:03puisqu'il y a les qualifications, la finale équipe
18:05et la finale où, justement, j'ai eu ma médaille.
18:07Et en fait, c'est sur cette réception-là que ça lâche.
18:12Et je me dis que ce n'est pas un hasard,
18:14ça aurait pu lâcher à l'échauffement,
18:16ça aurait pu lâcher au passage d'avant.
18:19Donc je pense que le mental joue là-dedans quand même,
18:23parce que ça ne peut pas être que du hasard.
18:27Là, on est quand, là, quand il y a cette réception ?
18:30Au mois d'août, aux championnats d'Europe.
18:32OK. Là, tu sens, tu te dis mince ?
18:40Non, toujours pas.
18:42Toujours pas parce que je sens le mauvais mouvement,
18:47mais je n'entends pas craquer.
18:48Et la première fois, vraiment, j'ai entendu craquer.
18:51Donc je me dis, OK, tu as recassé l'arrachement au chieu.
18:55Enfin, tu t'es fait mal, mais ce n'est pas dramatique.
19:00Sauf que je laisse une semaine passer.
19:02Déjà, mon genou pribe de volume, je dois marcher avec des béquilles,
19:06alors que je ne marche jamais avec des béquilles.
19:09Donc ça, c'est un peu suspect, mais je continue.
19:12C'était une semaine de repos après les championnats d'Europe,
19:15donc j'ai laissé mon genou au repos.
19:17Puis après, je fais un examen, une IRM.
19:20Et la première compte-rendue, les croisés vont bien.
19:25L'arrachement au chieu, tout ça, c'était un peu plus compliqué.
19:30Et une heure après ce compte-rendu,
19:33je vois le médecin, il me fait les tests,
19:36et je comprends directement que le croisé n'est plus là,
19:39il ne fait plus son travail.
19:41Donc là, je m'effondre.
19:44Et...
19:47J'ai vraiment cette sensation de vide.
19:50Je n'ai plus d'émotion, je suis vraiment vide.
19:54Et c'est compliqué, j'ai envie de parler à personne.
19:58Et oui, c'était très dur.
20:01Vide parce que tu as peur ?
20:05Vide parce que j'ai peur,
20:07parce que je n'ai pas envie que ça recommence,
20:09parce que je sais que je vais rater des compétitions majeures.
20:11Alors je sais que le temps, il est assez long avant les Jeux de Paris.
20:16Donc ça, c'est le point positif.
20:18Mais oui, vide parce que l'histoire se répète,
20:22le sort sa charme.
20:24Et oui, c'est vraiment compliqué dans ces moments-là.
20:27Lorette, j'ai besoin de comprendre une chose.
20:29C'est le même genou, deux fois,
20:30ou c'est le même ligament du même genou qui a cédé à chaque fois ?
20:33Oui.
20:34Les médecins, ils disent quoi ?
20:36Ils disent qu'il y a une faiblesse là, il faut changer des choses ?
20:39Je ne sais pas.
20:41Non, ça vient vraiment de la mauvaise réception que j'avais faite en juin,
20:45qui était vraiment très, très, très traumatisante.
20:48Donc c'est vraiment la faute à pas de chance ?
20:51Oui.
20:52On ne peut pas dire, tu vois, souvent chez des footballeurs,
20:56il y a des problèmes qui reviennent à des chevilles
20:58et on dit que de toute façon,
21:00on ne se remet jamais complètement d'une grosse entorse et ainsi de suite.
21:02Là, on ne peut pas dire ça.
21:03Ce n'est pas la même chose.
21:05Forcément, le genou, on se rompt les ligaments croisés.
21:10Forcément, ce n'est pas la même chose que l'autre genou.
21:13Mais là, c'est vraiment lié à cette réception.
21:16Donc là, il y a eu l'opération il y a quelques semaines, fin septembre.
21:21Là, tu l'as dit, on est déjà dans le processus de retour,
21:25même si ça sera extrêmement long.
21:27Toi, dans ta tête, la première fois, tu m'as dit que tu as mis
21:29combien de temps, neuf mois, pour revenir à 100% ?
21:32Oui, c'est ça.
21:33Connaissant un peu l'animal, là, tu t'es dit quoi ?
21:35Il faut qu'à huit mois, je sois là ?
21:37Moi, je me suis dit ça, les médecins m'ont très vite freinée
21:41et m'ont dit de penser vraiment à mon objectif principal,
21:45qui sont les Jeux, et ils m'ont dit de prendre mon temps,
21:48de prendre peut-être plus le temps que la première fois
21:51pour faire les choses correctement.
21:54Mais c'est vrai que moi, je m'étais dit
21:57que c'était possible de revenir avant,
22:00mais il faut rester raisonnable.
22:04Oui, alors après, il y a plusieurs paramètres.
22:06Il y a le processus de cicatrisation, de guérison,
22:09de retour musculaire, de la souplesse, et puis il y a la tête.
22:12Elle va comment, la tête, là ?
22:14La tête, je ne peux pas dire qu'elle va bien,
22:18parce que je ne peux pas faire ce que j'aime,
22:20je ne peux pas me préparer pour les championnats du monde,
22:23mais la première blessure au genou,
22:27c'est faire les croisés trois mois avant les Jeux olympiques,
22:31c'est pire que maintenant.
22:32Je ne peux pas dire que ça va, ce serait mentir,
22:36mais voilà, j'ai vécu pire.
22:39Est-ce que dans ce processus de cicatrisation,
22:42il y a des...
22:45Je veux parler de l'alimentation, de la nutrition,
22:47est-ce qu'il y a des procédés à suivre très, très pointus ?
22:54Très pointus, non, il faut rester sérieux,
22:57il faut avoir une bonne hygiène de vie,
22:59c'est comme quand on pratique le sport normalement,
23:01il faut être sérieux, il faut bien faire les soins.
23:05Là, actuellement, je passe quatre heures dans le cabinet de mon kiné.
23:10Par jour ?
23:11Oui, par jour.
23:12Attends, Laurette, tu passes quatre heures par jour avec le kiné,
23:17déjà, là ?
23:18Oui, déjà, là.
23:19On travaille quoi ? Explique-nous, c'est passionnant, ça.
23:22Là, c'est surtout des soins, de la présothérapie, du froid,
23:27et puis j'ai quelques exercices,
23:29et plus les semaines avanceront,
23:31plus j'aurai des exercices un peu plus concrets,
23:33qui se rapprocheront un peu de la gym,
23:35mais pour l'instant, oui, le travail, c'est kiné et préparation mentale.
23:41Ah ouais, on y est, là.
23:43Donc, toi, tu te dis quoi ?
23:44Les mondes, c'est quand ? Donc, que tu rattraves,
23:46c'est quand et c'est où ?
23:48C'est à Liverpool, fin octobre, début novembre.
23:51OK, bon, ça, tout ça, c'est fini, évidemment, malheureusement.
23:53Et il se passe quoi sur la première partie de l'année 2023 ?
23:57Il y a des Jambonades d'Europe.
23:59Qui ont lieu quand et où ?
24:02En avril, je ne sais plus exactement où.
24:04Bon, de toute façon, malheureusement, et tu le sais déjà,
24:08les miracles, on ne croit plus au Père Noël à nos âges,
24:10tu ne pourras pas y aller en tant que compétitrice.
24:14Néanmoins, est-ce que tu as envie d'aller voir des compètes,
24:16comme ça, de voir les copines, les copains,
24:18ou est-ce que c'est trop dur, ou tu ne sais pas ?
24:20Non, si, si, quelques jours après mon opération,
24:24je suis allée voir la Coupe du Monde à Bercy.
24:26Donc, je pense qu'en fait, j'y vais parce que j'aime ça,
24:32ça me fait plaisir de voir mes coéquipières
24:35et j'aime garder quand même un pied dedans.
24:39Donc, voilà, c'est comme ça que je vois les choses.
24:41Même si je ne dis pas que c'est facile,
24:44j'aimerais être sur le plateau de compétition,
24:46mais pareil, pour ma première blessure, d'ailleurs,
24:49tout le monde m'a dit,
24:51je pense que tu devrais ne pas regarder les JO, tout ça,
24:55mais je n'ai pas réussi.
24:57À ne pas les regarder ?
24:59Oui.
25:00Les JO de Paris, c'est dans 22 mois,
25:02il y aura un processus de qualification ?
25:06Oui, oui, forcément.
25:07Donc, ils vont regarder toutes les compétitions
25:10qui précèdent les mois avant les JO
25:13et tous les résultats qui ont été faits sur l'Olympiade.
25:17Donc, il va falloir oublier cette saison 2022-2023,
25:23mais je compte faire mes preuves sur les prochaines années.
25:26En tout cas, je vais tout donner pour…
25:28La gym se passera où pendant les JO de Paris ?
25:32À Bercy.
25:33Ah oui, génial.
25:34Oui, vraiment.
25:36J'ai bien compris, l'objectif, c'est d'y être.
25:38Tu fais une licence TAPS en même temps, ça consiste en quoi ?
25:41Tu prépares la suite, la précarrière ?
25:43Je ne dis pas que tu n'iras pas à Paris,
25:45mais il se trouve que tu le fais, donc on peut en parler,
25:47mais ce n'est pas un élément de pression.
25:49Tu te vois faire quoi et quand, sachant que tu n'as que 20 ans ?
25:54Pour moi, c'est important de garder un pied dans les études
25:57parce qu'hélas, on ne vit pas de la gym.
26:00Et voilà, je fais une licence par correspondance.
26:03Dès que je suis pas à l'entraînement, j'essaie de travailler au niveau scolaire.
26:07Et je fais cette licence parce que, déjà, c'est par correspondance,
26:12comme je l'ai dit, donc c'est plus facile avec les entraînements, tout ça.
26:15Et puis après, pourquoi pas m'orienter dans la psychologie ?
26:20Donc, j'aurai des équivalences grâce à cette licence.
26:25Oui, et puis le psycho, le mental, ça te connaît.
26:28Oui, ça me connaît et ça m'intéresse.
26:30Alors, il y a cette photo également avec Simon Biles,
26:34l'immense star américaine aux sept titres olympiques
26:37qui a craqué à Tokyo.
26:39Et quand je dis craqué, c'est avec un immense respect.
26:42On sait ce dont elle a été victime de tous ces abus pendant des années,
26:46comme des dizaines, des centaines d'autres athlètes américaines.
26:49Ça représentait quoi quand tu as vu cette...
26:53cette status écroulée ?
26:56Beaucoup de tristesse, beaucoup de peine pour elle parce que...
27:02Parce que, déjà, j'ose imaginer toute la pression qu'elle a,
27:06toute la pression qu'elle avait,
27:08médiatique, les attentes des équipes américaines.
27:12Et...
27:14Et je me suis permise, on va dire, de me mettre à sa place
27:18et de prendre cette décision de se retirer,
27:21tout d'abord pour se protéger, elle,
27:24parce que quand on est perdu dans ces figures,
27:27c'est dangereux, même pour sa vie, de se lancer là-dedans.
27:31Donc, elle a eu beaucoup de courage à se retirer
27:33et à, justement, revenir pour la finale poutre,
27:37où elle se sentait capable de le faire, où elle a eu la médaille de bronze.
27:40Donc, oui, c'était beaucoup de tristesse
27:43et j'avais vraiment envie de lui apporter tout mon courage
27:46pour surmonter cette épreuve.
27:48Donc, il y avait une vraie solidarité ?
27:50Oui.
27:53Parfait.
27:54Juste pour terminer, quand tu dis se perdre dans les figures,
27:58ça veut dire quoi ?
27:59Parce que, pour nous, qui touchons le sol,
28:01évidemment, on ne fait pas des pirouettes à quelques mètres de haut
28:04en enchaînant les différentes figures.
28:06Ça veut dire quoi ?
28:08Ça veut dire qu'à un moment, le mental prend le dessus
28:10et que, finalement, toutes ces sensations que vous devez avoir,
28:12qui sont exceptionnelles, on les perd, c'est ça ?
28:15Oui, en fait, avant de faire nos mouvements,
28:18on arrive à le visualiser,
28:21on sait qu'on sait le faire.
28:23Après, qu'on le réussisse ou non,
28:24ça dépend des problèmes techniques, mais ce n'est pas la question.
28:28En fait, on sait qu'on sait faire l'élément
28:32et, dans ces moments de perte de figure,
28:34on est là, on va dire, au bout de la piste de saut, par exemple,
28:38et c'est impossible de s'imaginer faire l'élément.
28:43En fait, c'est hyper dangereux, c'est une sensation horrible,
28:47ça prend le cœur, c'est vraiment...
28:49J'ai déjà vécu ça, c'est vraiment horrible.
28:52Alors que ce sont des gestes qu'on a répétés des milliers de fois
28:55et qu'on exécute à perfection.
28:56Oui, donc on essaie de se dire, tu sais faire,
29:01au fond de toi, ton cerveau sait le faire,
29:02tu l'as répété des centaines de fois.
29:04Et quand on le sent et quand ça prend dans le ventre,
29:07c'est impossible.
29:09C'est un peu comme moi, quand on borde une piscine,
29:10je veux faire le saut de l'ange et je fais un plat.
29:14Certainement.
29:15Sauf que pour vous, ce n'est pas de l'eau à la réception.
29:18Oui, oui.
29:20Merci mille fois, Laurette, d'avoir été avec nous.
29:22C'était passionnant.
29:23Bon courage, parce que je sais que ça va être long
29:25et que je sens déjà que ça va…
29:29Oui, merci beaucoup en tout cas.
29:31On a hâte de te retrouver.
29:32Merci encore et bravo.
29:35Merci à vous pour votre confiance et pour votre fidélité.
29:37Puis je vous dis, rendez-vous à très bientôt
29:39avec encore des championnes,
29:41des femmes passionnantes et inspirantes.
29:42Salut.
29:55Sous-titrage ST' 501

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