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Michel Barnier a décidé de recourir à l'article 49.3, et ainsi d'engager la responsabilité de son gouvernement, pour faire adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), "Ce moment de vérité met chacun devant ses responsabilités. (...) Les Français attendent de la stabilité", estime le Premier ministre. Deux motions de censure déposées par LFI et le RN seront débattus dans le courant de la semaine. Regardez l'analyse de Jean Garrigues, historien, politologue, président du comité d'histoire parlementaire.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 02 décembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Soir. Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03Il est 18h16. Bonsoir Jean Garrigue.
00:05Bonsoir.
00:06Vous êtes historien, politologue, vous présidez le comité d'histoire parlementaire.
00:09Merci de nous rejoindre pour nous éclairer ce soir
00:11puisque le gouvernement est confronté à une future motion de censure.
00:15Bref, il est minoritaire.
00:16Michel Barnier va donc quitter Matignon et si oui, dans quel délai ?
00:19Écoutez, si la motion de censure est votée, ce qui sera inédit,
00:24soit 5e République, parce que soit 5e République,
00:27vous avez vu une motion de censure spontanée qui a été votée le 5 octobre 1962
00:33contre le gouvernement de Georges Pompidou.
00:37Mais une motion de censure comme celle qui suit le 49-3,
00:42ça n'a jamais été voté jusqu'à aujourd'hui.
00:44Donc c'est historique, je vous ai bien compris.
00:46C'est complètement historique.
00:47Et du moment où cette censure est votée, le gouvernement est démissionnaire.
00:53Alors comment tout ça va fonctionner ?
00:55J'ai envie de vous dire, dans les jours, les semaines et les mois à venir.
00:58On va au bout de la logique si je puis dire.
00:59Le président de la République a la possibilité, comme l'avait fait le général de Gaulle,
01:04de renommer Michel Barnier à la tête du gouvernement.
01:08Sauf que lorsque de Gaulle l'a fait le 5 octobre 1962,
01:12c'est parce qu'il pouvait dissoudre l'Assemblée nationale
01:15et donc avoir une nouvelle majorité pour soutenir le gouvernement de Georges Pompidou.
01:20Là, Macron n'a pas ça à sa disposition.
01:23Donc on ne voit pas très bien pourquoi il reconduirait Michel Barnier
01:26qui serait à nouveau bloqué par une nouvelle motion de censure.
01:29Donc ça, cette solution-là, elle est à exclure.
01:32Il y a la possibilité d'avoir, évidemment, un nouveau Premier ministre, un nouveau gouvernement.
01:38Est-ce qu'on l'aura avant le mois de décembre ?
01:40Avant la fin décembre, pardon.
01:42Si on l'a avant la fin décembre, il est susceptible de reprendre
01:46tout le processus législatif pour la loi de finances, la loi sur la sécurité sociale en 70 jours.
01:52Ça, c'est possible à faire.
01:55Et puis si on ne trouve pas un autre Premier ministre d'ici la fin de l'année,
02:02là, il faudra voter une loi spéciale en 2025 qui reconduirait, en fait, le budget précédent.
02:08Et on a déjà connu ça, excusez-moi, mais les questions se répètent
02:12parce que ce soir, on se rend compte qu'on est dans un doute absolu, en fait.
02:14Il y a eu, de mémoire, en 1960, on a eu recours à cette loi spéciale
02:22et en 1983 aussi.
02:24Mais on était dans une situation qui n'était pas une situation de blocage politique
02:27comme ce qu'on connaît parce que c'était des périodes où il y avait des vraies majorités parlementaires.
02:32Le fait que le RN et la FI soient sur la même ligne est-il une nouveauté ?
02:37Ils ont déjà voté ensemble à quelques reprises.
02:41Mais voter comme ça une motion de censure qui renverse le gouvernement,
02:47ça, on ne l'a jamais vu.
02:48Et je dirais que dans l'histoire politique, l'extrême droite et la gauche,
02:55parce que ce n'est pas simplement l'extrême gauche,
02:57main dans la main, comme ça, c'est quelque chose qu'on n'a jamais vu,
03:00qui est totalement historique.
03:02Alors, si ce n'est dans des périodes très anciennes où, par exemple,
03:06sous la Troisième République, on avait vu les radicaux, qui étaient la gauche de l'époque,
03:11et les monarchistes, qui étaient la droite de l'époque, voter ensemble.
03:14Ils avaient renversé Grand-Beta à l'époque, par exemple.
03:17Vous nous emmenez loin, mais c'est passionnant.
03:19Mais ça dit quelque chose de l'incroyable situation dans laquelle on se trouve ce soir.
03:22Dites-moi, j'en profite, le budget 2023...
03:26Euh...
03:28Oui ?
03:2823 ou...
03:29Non.
03:3023.
03:31Il ne va pas être voté.
03:33Ah non, vous parlez du budget 2025.
03:36Qu'est-ce que je vous ai dit, là ?
03:37Oui, 2025, excusez-moi pour que je dise 2023.
03:39On s'y perd, j'avoue, mais...
03:40Oui, non, le budget 2025, non, il ne sera pas voté,
03:44sauf, enfin, il sera voté, peut-être, au mois de janvier,
03:47si le prochain gouvernement arrive,
03:50dans les 70 jours qui lui seront impartis,
03:53et à condition que ce gouvernement soit bientôt mis en place,
03:56que ce gouvernement arrive à le faire voter.
03:59Ce qui me paraît tout à fait hypothétique,
04:02puisque tant que vous avez la même tripartition de l'Assemblée Nationale,
04:07et le même absence de volonté, de compromis,
04:10et moi, je le répète en mantra,
04:12on est dans une situation qui impose une révolution culturelle de nos acteurs politiques.
04:17Il faut du compromis, c'est-à-dire faire des concessions.
04:19On n'a jamais su faire ça en France.
04:21Eh bien, il faut apprendre à le faire.
04:22On est en rapport de force permanent, contrairement à ce que font tous nos pays voisins.
04:25Au passage, il faut quand même reconnaître que Michel Barnier,
04:28il a fait des compromis.
04:30Il a accordé des concessions au Rassemblement National.
04:33Et je pense que, devant les Français, devant les électeurs,
04:36on se souviendra que,
04:38étant donné les concessions qui ont été faites, et qui n'étaient pas rien, malgré tout,
04:42eh bien, le Rassemblement National a refusé la main tendue, j'allais dire, par le Premier ministre.
04:48Donc, vous nous dites ce soir, et vous le dites à tous les acteurs de cette crise,
04:52qu'on est dans un moment historique, au-delà de l'avenir même du gouvernement.
04:56Exactement. On est dans un moment historique.
04:58Ça pourrait se terminer, y compris par le vote des pouvoirs exceptionnels,
05:02ou plutôt la mise en œuvre par Emmanuel Macron
05:06de l'article 16 sur les pouvoirs exceptionnels,
05:08si on arrivait à une impasse budgétaire.
05:10Le président de l'article de lui-même, en quelque sorte.
05:12De lui-même. Donc voilà, il peut y avoir énormément de solutions,
05:18mais qui, toutes pour l'instant, débouchent sur un véritable blocage,
05:21sauf si on a, quelque part, quelques-uns qui commencent un tout petit peu à se dire
05:26« il faut changer nos habitudes ».
05:28Ça s'appelle un gouvernement technique ou une alliance ponctuelle ?
05:30Alors, ça pourrait être, effectivement, appuyer, trouver une sorte de contrat de gouvernance
05:36pour soutenir un gouvernement technique, de hauts fonctionnaires,
05:40M. Villeroy de Gallo ou d'autres,
05:41et essayer, sur des points très précis, qu'ils ne soient pas des réformes essentielles,
05:47essayer de gouverner un peu au jour le jour.
05:49Mais ça, ce sera une solution transitoire, de toute façon.
05:52Le président de la République, parfois, on cherche, notamment,
05:56en période de ce type, où les équipes qui sont au gouvernement
05:59n'ont pas été désignées par lui, en tout cas, fondamentalement,
06:03est-il spectateur d'un scénario qui lui échappe ?
06:06Là, je crois que oui, il n'est pas le maître des horloges.
06:09Alors, j'imagine qu'il y a eu une négociation, des entretiens entre Matignon et l'Elysée
06:15pour essayer de trouver précisément un plan B.
06:18Quel sera-t-il ? Moi, je n'en ai absolument aucune idée, aujourd'hui,
06:22parce que reprendre quelqu'un qui viendrait du socle commun,
06:25comme, c'est-à-dire, un autre Michel Barnier,
06:29je ne vois pas très bien à quoi ça servirait,
06:31parce que, de toute façon, on retrouverait l'hostilité des deux blocs extrêmes,
06:35l'ONFP d'un côté, le Rassemblement National de l'autre.
06:38La solution...
06:39– Ecoute, je me dis vivement, la prochaine dissolution, non ?
06:42– C'est sûr qu'une prochaine dissolution, en principe,
06:46résoudrait un certain nombre de choses, mais elle ne peut pas venir avant l'année prochaine,
06:49vous le savez, avant le mois de juin 2025.
06:53Résoudrait-elle cette équation ?
06:56– C'est évidemment, vous l'avez compris, l'autre question que j'allais vous poser.
06:59– Eh oui, parce qu'il n'y a pas de raison, finalement, étant donné ce qu'est aujourd'hui
07:03la fracturation de la société française, de son opinion,
07:07il n'y a pas de raison que ces trois grands blocs,
07:09qui correspondent à des Frances différentes, en réalité,
07:12il n'y a pas de raison que ces trois grands blocs se transforment,
07:18sauf si, évidemment, très clairement,
07:21tout le monde regarde du côté du Parti Socialiste.
07:23Parce que, si les socialistes venaient à rompre leur alliance avec la France insoumise,
07:29là, il y aurait quelque chose de nouveau qui pourrait se construire
07:32au centre de l'échiquier politique,
07:34une sorte d'arc républicain étendu aux socialistes jusqu'aux républicains.
07:42C'est ce qui s'appelait, par exemple, la Troisième Force sous la Quatrième République,
07:46qui existait aussi sous la Troisième République,
07:48ça a déjà existé dans notre histoire.
07:51– À votre connaissance, est-ce qu'il y a aujourd'hui,
07:53au sein du Parti Socialiste, les hommes et les femmes
07:55qui sont capables de tendre cette main ?
07:58– Ils ne sont pas majoritaires…
07:59– Mais sur ce front, ça n'a pas l'air d'être le cas.
08:00– Mais il y en a certainement, forcément.
08:03– Bien sûr, mais dans l'état actuel des choses,
08:04ils ne sont pas majoritaires au Parti Socialiste.
08:06C'est pour ça que le prochain congrès du Parti Socialiste,
08:09qui changera peut-être la majorité, donc la ligne,
08:13sera cruciale, me semble-t-il,
08:14non seulement pour l'avenir de la cause, j'allais dire,
08:17mais pour l'avenir du pays, de la gouvernance.
08:20Parce que, si on ne change pas, je répète,
08:22si on ne change pas les pratiques, les intentions
08:25et la structuration de notre vie politique,
08:28on risque d'être bloqué, mais encore plus
08:30qu'après la prochaine dissolution.
08:32– Je ne vous ai jamais entendu aussi inquiet
08:35quant à la situation politique du pays.
08:37– Oui, elle est très inquiétante,
08:39parce qu'évidemment, tout ce dont on parle,
08:42c'est-à-dire ces impasses, ces blocages,
08:46qui traduisent un manque, finalement, de sens politique
08:51et un manque de sens de l'État, de la part de nos acteurs politiques,
08:54évidemment, c'est une résonance chez les citoyens.
08:57Ça ne peut conduire qu'à une désaffection renforcée,
09:00qu'à l'abstentionnisme, enfin, il me semble que...
09:03Et puis, il y a des solutions qui sont, malgré tout,
09:05des solutions très souvent populistes.
09:08Alors, on peut discuter, certains peuvent s'y retrouver,
09:12mais malgré tout, le populisme, ce sont des solutions,
09:15en général, très simples, très extrêmes
09:17et qui, souvent, ne peuvent pas être réalisées.
09:19Donc, si vous voulez, si on continue comme ça,
09:22à ne pas essayer de faire avec la situation,
09:26qui, je répète, n'est pas une situation typique de la Ve République,
09:30on va continuer là-dessus et on va continuer à alimenter
09:33l'abstentionnisme et l'extrémisme.
09:35Quelle est la vraie question que vous, spécialiste et historien,
09:38vous vous posez ce soir ?
09:40Ben, la vraie question que...
09:42Une question plus personnelle que d'habitude.
09:44Ah, la vraie question que je me pose,
09:47c'est pourquoi ils ne sont pas capables de comprendre,
09:52un certain nombre d'entre eux sont des hommes et des femmes responsables,
09:55la majorité d'entre eux, que précisément, aujourd'hui,
09:59dans cette crise historique qu'on connaît,
10:01il faut aller vers des changements de pratiques,
10:04il faut faire cette révolution culturelle
10:06par rapport aux pratiques de la Ve République.
10:09L'appel à la révolution culturelle de Jean Garay,
10:12historien et politologue et président du comité d'histoire parlementaire,
10:15ce soir sur RTL.
10:16Dans un instant, toute l'actualité avec notre journal de 18h30,
10:19puis à 18h40, nous revenons sur un événement majeur
10:22dans l'univers de l'industrie automobile,
10:23le départ de Carlos Tavares, le patron de Stellantis,
10:26qui regroupe Peugeot, Fiat et Chrysler.
10:28Notamment, pourquoi s'est-il fait virer ?
10:30Je poserai la question à Dominique Chapatte de M6 Turbo
10:33et à notre spécialiste maison, Christophe Bou.

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