Tout semble craquer sous la pression sous nos yeux inquiets, incrédules... Ce système politique, cette 5e République, si Française, peut-elle tenir ? Natacha Polony, directrice du journal "Marianne", Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris 2, docteur en Sciences Politiques, auteur de "Le Parlement, temple de la République, de 1789 à nos jours" (éditions Passé composé), Jean-Daniel Levy, directeur délégué Harris interactive-Toluna et Jonathan Bouchet-Petersen, journaliste à "Libération".
Regardez RTL Soir - Edition spéciale avec Anaïs Bouton du 26 juin 2024.
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00:00Bonsoir à toutes et à tous, donc bienvenue dans RTL Bonsoir Édition Spéciale, une dissolution
00:09surprise, une folle campagne pleine de rebondissements et voilà les Français qui se passionnent
00:13pour l'actualité.
00:14Depuis le soir du 9 juin, selon l'étude de la Fondation Jean Jaurès publiée ce matin,
00:18cette campagne est tout simplement l'événement politico-médiatique de la décennie et on
00:23peut le voir à vos têtes à tous, parce que vous avez tous des cernes pas possibles à
00:28force de commenter tout ça.
00:30Tout semble craquer sous la pression, sous nos yeux inquiets, sous nos yeux incrédules.
00:34Les Français voteront les 30 juin et 7 juillet prochains et beaucoup se demandent si avec
00:39Jordane Bardella ou Jean-Luc Mélenchon au pouvoir, la Ve République pourra survivre.
00:44Est-ce que nos institutions résisteront ou est-ce qu'il faudra simplement passer à autre
00:49chose ? Et on repense au film de Claude Lelouch, L'Aventure c'est l'Aventure, il y a 52 ans.
00:54Vous vous souvenez de l'Innoventura ?
00:56Il faut bien que vous compreniez quelque chose, c'est le primordial, il faut qu'on se réveille.
01:00On est au bord du précipice, le capital s'est foutu.
01:04La société de consommation s'est foutue.
01:08Les voitures, les voitures, les voitures s'est foutues.
01:11La cinquième s'est foutue.
01:12Et oui, la cinquième, est-ce que c'est foutu ? Pour en parler avec nous ce soir, Natacha
01:17Polony, directrice du journal Marianne.
01:19Bonsoir Natacha.
01:20Bonsoir.
01:21Jean-Daniel Lévy.
01:22Alors là, vous faites les 3 8 Jean-Daniel sur RTL, c'est merveilleux, merci encore d'être
01:25là.
01:26Directeur délégué d'Aris Interactive Toulouna, Jonathan Boucher-Peterson, vous êtes éditorialiste
01:31à Libération.
01:32Et si tout va bien, si la circulation parisienne le permet, nous aurons aussi Benjamin Morel,
01:39maître de conférence en droit public à Paris 2, docteur en sciences politiques, qui doit
01:43nous rejoindre.
01:44Allez, c'est parti.
01:45La seule souveraineté c'est le peuple et le président de la République fait appel
01:49à lui en cas de conflit, il n'y a pas de méthode plus démocratique et plus libérale
01:55si l'on veut rester dans un régime de liberté.
01:57Voilà, alors ça c'était Michel Debray en 58, c'est donc ce qu'a fait Emmanuel Macron
02:0466 ans après.
02:05Et ce soir, Jean-Daniel Lévy, le Rassemblement National est aux portes du pouvoir.
02:11Pas que ce soir, parce qu'en fait quand on regarde malgré tout l'évolution tendancielle
02:17des comportements électoraux des Français, depuis quasiment que Marine Le Pen d'ailleurs
02:20a pris la direction du Front National à l'époque en 2011, il y a eu une progression
02:26de manière quasi systématique.
02:28On a un peu tendance à l'oublier, mais dès 2014, le Front National était la première
02:33force politique en France et c'était le cas lors d'élections européennes.
02:36Ça a été confirmé lors des élections régionales de 2015 où, à cette période-là, 28% des
02:43Français déjà avaient voté pour le Front National au cours du premier tour et on avait
02:49même vu une progression nette entre le premier tour et le deuxième tour de ces élections
02:54régionales de 2015, sans qu'il y ait un sursaut de mobilisation contre le Front National
02:59à cette époque-là.
03:00Et puis vous prenez les dernières élections législatives, vous avez 89 députés qui
03:06ont été élus dans le cadre d'un scrutin majoritaire et non pas d'un scrutin proportionnel.
03:13Et rappelons que plus de la moitié des députés du Rassemblement National de 2022 sont des
03:19personnes qui ont gagné non pas contre la gauche, non pas contre la droite, mais contre
03:24la majorité présidentielle.
03:26Donc il y avait déjà ces éléments qui étaient des éléments de rupture politique
03:30majeure qui trouvent aujourd'hui de manière nette une évolution dans les comportements
03:34électoraux potentiels.
03:35Peut-être qu'on va être prudent déjà avec les projections vers le deuxième tour,
03:38mais déjà quand on regarde le premier tour, 34% des électeurs qui déclarent qu'ils
03:42ont l'intention de voter pour un candidat ou une candidate du Rassemblement National,
03:46c'est quasiment deux fois plus que le score qu'a obtenu cette formation politique il y
03:51a de cela uniquement deux ans aux élections législatives de 2022.
03:54C'est énorme Natacha !
03:55Bien sûr que c'est énorme, bien sûr, et qu'il faut prendre la mesure de tout cela,
04:00même si, rappelons-le, les projections par siège sont extrêmement hasardeuses puisqu'on
04:06ne sait pas combien il y aura de triangulaires, sachant qu'évidemment le seuil c'est 12,5%
04:13des inscrits, plus vous augmentez la participation, plus le seuil pour se qualifier pour le second
04:18tour va permettre d'avoir des triangulaires, donc en fait on ne maîtrise rien, on verra
04:25bien.
04:26Il faut évidemment en revanche constater que la progression dont parle Jean Daniel Lévy,
04:32elle est constante depuis des décennies et il y a un moment il va falloir se demander
04:37pourquoi ? Qu'est-ce qui fait monter le Rassemblement National ? Parce qu'on est de nouveau là
04:42dans une période de crispation, de tension tout à fait compréhensible après ce choc
04:47de la dissolution, mais où du coup on en revient à des discours réflexes, sans jamais
04:52se demander exactement ce qui incite des électeurs à voter, qu'est-ce qui aurait pu être fait
04:59aussi pour éviter cette situation, qu'est-ce qui va se passer, est-ce que réellement on
05:03peut plaquer un schéma historique sur ce qui pourrait se passer en cas de majorité
05:10absolue du Rassemblement National ? Il faudrait pouvoir se poser un tout petit peu et surtout
05:15éviter l'hystérie parce que je pense que ça nous fait passer à côté du sujet politique
05:20essentiel, c'est-à-dire que veulent les citoyens français.
05:23Ah, ben voilà une question pour vous, posez-vous sans hystérie Jonathan Boucher-Pétersen.
05:27L'hystérie elle est liée aussi au timing qui a été imposé, on a violenté ce qui
05:32aurait pu être des processus évidemment plus longs et par nature plus complexes.
05:35Quand vous dites on a violenté, c'est le Président Macron ?
05:37Oui c'est le Président Macron.
05:38Est-ce que ce n'était pas l'objectif ? Ce n'était pas de retrouver une légitimité perdue ?
05:42Ben si, l'objectif c'était sûrement de créer une sidération face à une autre sidération
05:44mais il y a quelque chose de très inconséquent parce qu'on sait bien que les élections
05:47européennes sont par tradition une élection sur laquelle le RN fait des scores qui sont
05:52importants, ça s'est confirmé avec un score sans précédent et dans la foulée de ça,
05:56alors que c'est un peu en vrac le reste du champ politique, décide d'embrayer vers
06:01une élection absolument majeure donc il y a quelque chose d'inconséquent mais ça
06:04ne se doit pas exonérer des questions que commençait à poser Natacha, c'est des questions
06:08qui sont complexes et qui sont de plus en plus complexes à mesure que l'électorat
06:11du RN se diversifie et s'élargit, c'est que quand on était, j'allais dire, face
06:15à la France des oubliés, ou en tout cas on était assez facilement dans des réponses
06:18en disant les services publics, en disant la capacité des transports, la vie quotidienne
06:23et la capacité à se sentir faire partie du même pays, je pense qu'on pose toujours
06:28la question migratoire.
06:29L'école, l'hôpital ?
06:30Oui l'école, l'hôpital, enfin tout ce qui fait république, tout ce qui fait commun
06:34donc l'accès aussi au lieu de progrès et de ne pas avoir le sentiment de regarder
06:38les trains passer avec cette dualité entre des territoires.
06:41Après je pense que ce qui est compliqué c'est qu'on plaque l'immigration comme étant
06:44l'alpha et l'oméga du vote RN et alors que je pense que...
06:48Ben non vous ne le faites pas là, vous dites la France des oubliés...
06:50On s'inscrit dans un débat public que malheureusement je ne maîtrise pas toujours complètement.
06:53Je pense que derrière l'immigration il y a beaucoup de... l'immigration finit par être
07:00un catalyseur de beaucoup de malaise, de beaucoup d'angoisse et que le discours un peu classique
07:05de dire on va tout régler par ce biais là et on le voit bien que ce soit en termes de
07:08financement où on a l'impression que le RN va trouver tous les milliards qu'il lui faut
07:11là ou même en termes de réaffirmation d'un commun qui transporte un peu les gens, je
07:17pense qu'on est dans l'impasse.
07:18Après voilà je pense que ça Jean Daniel peut nous le dire mais le fait qu'il y ait
07:23aujourd'hui quasiment, enfin quand on dit que c'est un parti qui fait sens pour beaucoup
07:27de catégories de la population et même des catégories où on pensait qu'il y avait
07:30une forme d'antidote, que ce soit les retraités, les cadres supérieurs, pendant longtemps
07:33le critère de diplôme a été une façon de regarder le vote RN, le côté territorial
07:38avec cette France plus rurale, cette France plus géographiquement excentrée de là où
07:43l'activité se développe mais voilà aujourd'hui on est en face à une espèce d'effet boule
07:48de neige et de rouleau compresseur qui est très difficile à identifier et encore plus
07:53à... donc je pense que c'est plus par une contre-offre positive qu'on peut y arriver.
07:56Jean Daniel, c'est toutes les classes d'âge, tous les genres si j'ose dire, toutes les
08:01régions de France maintenant, c'est 93% des communes françaises qui ont placé le RN
08:06en tête aux élections européennes dernières.
08:09C'est toutes les classes d'âge notamment de celles qui sont âgées de moins de 75 ans,
08:13la barrière s'effectue à ce niveau-là alors que jusque par le passé c'était plutôt
08:17la barrière de 50 ans en fait qui œuvrait et notamment lorsqu'on était dans le cadre
08:21des élections européennes pour tout un tas de raisons, c'est vrai que vous prenez même
08:24une carte électorale aujourd'hui, vous demandez à une personne qui a quitté la France et
08:28qui n'a pas regardé vraiment les actualités au cours des trois, quatre dernières années,
08:31vous lui mettez la carte sous les yeux, vous lui demandez de quelle formation politique
08:35s'agit-il, il serait incapable de pouvoir imaginer que c'est la carte du rassemblement
08:39national.
08:40Il n'est qu'à voir par exemple la Bretagne, on en a beaucoup parlé, mais il n'est qu'à
08:42voir également des grands centres urbains et on sait que cette saisure-là fonctionne
08:45mais elle fonctionne moins nettement que par le passé.
08:49C'est vrai que la variable de diplôme fonctionne également moins, c'est vrai que la variable
08:53de genre fonctionne moins parce qu'on sait qu'en général les femmes jusqu'à présent
08:55votaient moins pour l'ORN, là elles votent quasiment au même niveau en fait que les
09:00hommes, donc on a tout un tas de barrières qui ont été amenées à pouvoir évoluer.
09:04Il y a peut-être un aspect, c'est qu'il y a un côté d'inversion de la responsabilité
09:11qui est portée aujourd'hui par le rassemblement national, c'est qu'il rassure plus qu'il
09:15l'inquiète.
09:16Et ça c'est nouveau ?
09:17En tout cas ça a progressé, ça a progressé à travers les évolutions notamment en matière
09:21de prise d'opposition, quand vous prenez en fait ils se sont réappropriés les termes
09:25de la République, ils parlent de la laïcité quitte à eux-mêmes utiliser avec leurs propres
09:29termes, ils parlent de l'égalité, ils parlent de la solidarité et d'une manière générale
09:34ils disent globalement c'était mieux avant, le politique pouvait faire quelque chose,
09:38on vous propose de revenir à une situation qui est celle-ci et vous êtes face à d'autres
09:42projets qui pour le coup apparaissent comme étant inquiétants parce qu'au mieux ils
09:46ne sont pas formulés, au pire ils vous renvoient vers un aspect où il n'y aura pas forcément
09:51des processus qui donnent à voir que les individus, quel que soit leur niveau de vie,
09:55soient sécurisés dans leur parcours individuel ou collectif.
09:57Oui alors justement 47% des français se disent moins sereins depuis la dissolution, vous
10:02vous souvenez de la phrase de Patrick Deveggia en moment de la dissolution de 97 de Jacques
10:06Chirac, il a dit on était dans un appartement avec une fuite de gaz et Jacques Chirac a
10:11craqué une allumette pour y voir plus clair, Natacha c'est un peu ce qu'a fait selon
10:15vous le président Macron ?
10:16Alors ça nous sommes entièrement d'accord, je pense que s'il y a un consensus et un
10:20seul aujourd'hui en France, c'est que la décision de la dissolution est non seulement
10:26irrationnelle mais pose de sérieux problèmes quand on est un peu attaché au bien commun,
10:32au processus de délibération démocratique.
10:34Mais une fois qu'on a dit ça, ce qui me semble important c'est de considérer qu'il
10:41y a des processus qui aboutissent à ça et il ne faut pas négliger l'évolution d'un
10:47parti comme le Rassemblement National qui évidemment a bougé, ce n'est plus le même
10:50qu'il y a 20 ans.
10:51La question qui se pose est de savoir jusqu'à quel point il a bougé, alors là actuellement
10:55il est en train de bouger même à une vitesse qu'on n'imaginait pas sur les questions
10:58économiques, c'est extraordinaire, j'ai rarement vu des retournements de veste de
11:02cette ampleur et ça pose là aussi une question très intéressante, est-ce que ça peut faire
11:07perdre des électeurs au Rassemblement National, d'abandonner aussi rapidement son programme
11:12social, ses promesses pour se normaliser et donner des gages au système économique ?
11:21Deuxième question, est-ce que ce parti mentirait, prétendrait être ce qu'il n'est pas,
11:29en gros le loup déguisé en agneau, ou bien est-ce qu'il a authentiquement changé et
11:34dans ces cas-là il faut réfléchir à la façon dont les institutions vont permettre,
11:40quel que soit le moment où ce parti arriverait au pouvoir, parce que ce n'est pas dit que
11:44ce soit là, on n'en sait rien, mais en tout cas il faut réfléchir au fonctionnement
11:50des institutions puisqu'ils n'ont pas l'air pour l'instant de vouloir remettre en cause
11:54les institutions.
11:55Vous avez l'art de la transition, c'est merveilleux, les institutions de la Ve République peuvent-elles tenir ?
12:05Qui sont les contre-pouvoirs ? On en parle dans un instant sur RTL, à tout de suite.
12:15Et avec moi Natacha Polony, Benjamin Morel qui a fini par traverser Paris, mais ça a réussi de traverser de Paris.
12:23Bonsoir, vous êtes maître de conférences en droit public à Paris et docteur en sciences politiques
12:27et vous avez publié le Parlement Temple de la République de 1789.
12:31A nos jours, autant dire, vous tombez bien.
12:33Édition passée composée et avec toi aussi Jean-Daniel Lévy et Jonathan Boucher-Pétersen.
12:40Monsieur le Premier ministre, on jugeait également que c'était un bon conseil.
12:43Si vous permettez, il y a une conférence de presse.
12:46Bien entendu, Monsieur le Premier ministre est là et il est tout à fait normal qu'il en soit le vu,
12:50mais il n'y a pas deux conférences de presse à la fois.
12:52Donc nous verrons à nous répartir les réponses.
12:54De toute façon, il n'y a pas deux avis différents sur des problèmes de cette nature.
12:59Voilà, ça c'était une conférence de presse Mitterrand-Chirac en 87 à l'aé.
13:03La cohabitation c'est une histoire d'hommes, c'est aussi une histoire d'institutions.
13:07Est-ce qu'un Président peut empêcher un Premier ministre ou un gouvernement de gouverner Benjamin Morel ?
13:13Alors le paradoxe, c'est que le Président de la Ve République a assez peu de pouvoirs en droit.
13:17Il a des pouvoirs d'exception.
13:18L'article 16, l'article 12, on connaît la dissolution maintenant, elle est célèbre depuis quelques semaines.
13:22En revanche, il n'a pas le pouvoir de gouverner.
13:24Mais il a le pouvoir d'empêcher tout de même.
13:26Il a le pouvoir d'enquitiner.
13:27Prenez par exemple la réunion du Parlement durant l'été.
13:29Théoriquement, le Parlement ne se réunirait pas avant le 1er octobre,
13:32sauf si le Président accepte de convoquer ce qu'on appelle une session extraordinaire.
13:37Les ordonnances, Mitterrand s'y est opposé.
13:39Les nominations, y compris d'ailleurs des ministres.
13:41Le Président ne peut pas procéder à des nominations.
13:43Mais sa signature est nécessaire pour nommer.
13:46Donc les cohabitations ont deux ressorts en fait.
13:49Le Premier ministre a l'ensemble du pouvoir, à quelques exceptions près.
13:52Mais il veut éviter d'avoir un Président qui lui mette des bâtons dans les roues,
13:55et donc il fait des concessions.
13:57Le domaine réservé, dont on parle beaucoup, ça n'existe pas en droit.
14:00C'est une invention de Jacques Chaban Delmas au congrès de l'UNR en 1961.
14:03Les domaines réservés, c'est la défense et les affaires étrangères, c'est ça ?
14:06Mais ça n'existe pas.
14:07Le Président est chef des armées, certes, comme les Charles III.
14:10Le seul pouvoir discrétionnaire qu'il a en matière de défense, c'est le feu nucléaire.
14:13Le reste, envoyer des troupes, ça dépend de Matignon.
14:15Envoyer des aides à l'Ukraine, ça dépend de Bercy.
14:17Et donc, ce faisant, vous avez besoin du gouvernement.
14:20Le gouvernement tient la corde, mais comme le Président a un pouvoir d'empêcher,
14:23il faut quand même le ménager par ailleurs.
14:25Par ailleurs, la Ve République est marquée, en période de cohabitation, par un syndrome d'is no good.
14:30Jacques Chirac, il veut devenir calife à la place du calife.
14:32Il veut devenir Président, de même qu'Edouard Balladur, de même que Lionel Jospin.
14:35Et si Jordan Bardella devait devenir Premier ministre, il en rêverait pour lui ou pour Marine Le Pen.
14:40Et donc, ce faisant, vous n'abimez pas trop une fonction que vous visez,
14:43parce que si vous montrez que le Président est impotent,
14:46vous risquez vous-même d'être pris à votre propre jeu.
14:49Donc, on peut avoir une cohabitation conflictuelle,
14:52mais souvent, les acteurs ont plutôt quand même intérêt à ce que ça se passe bien.
14:56Syndrome is no good ? Jonathan Boucher-Péterson ?
14:58Oui, après, je pense qu'on n'a pas connu un type de cohabitation tel qu'on risque de la connaître
15:02s'il y avait Jordan Bardella à l'Elysée.
15:04A Matignon.
15:05A Matignon, pardon. Non, mais justement, c'est parce que c'est la suite de ma phrase.
15:08C'est de dire qu'en fait, comme l'objectif reste l'Elysée,
15:10et qu'il ne voit que l'accession à Matignon que comme, j'allais dire, une étape en plus,
15:14il y a quand même déjà ce petit discours sur « on ne pourra pas tout faire ».
15:17Cette idée de « on va être empêchés » parce qu'il y a un certain nombre d'initiatives quand même
15:21en termes de référendum sur le plan de réforme de la Constitution qui doivent venir du Président
15:25et que donc, il faudra aller à l'étape supérieure et donner les pleins pouvoirs,
15:28sans faire de mauvaises références, à Marine Le Pen.
15:32Donc, je pense qu'on risque d'avoir...
15:33Vous faites des mauvaises références aussi.
15:34Non, mais en tout cas, il y a quand même l'idée que même si le gouvernement gouverne,
15:38il y a comme un fait présidentiel qui existe en France
15:40et que c'est assez facile de vendre en disant « déjà, on n'a pas le temps,
15:43parce que c'est un programme de 5 ans qu'on va te faire en 3 ans ».
15:45C'est comme ça qu'ils habillent beaucoup des renoncements du moment
15:47qui sont plutôt des clins d'œil à des nouvelles parts de leur électorat.
15:51Et je pense que cette espèce de petit refrain qui, du coup,
15:55fera que le désordre dans le pays sera peut-être un peu moins fort
15:58parce qu'ils ne vont pas y aller au gros rouge qui tâche dès le premier jour.
16:01Et cette idée qu'ils sont empêchés parce qu'il faut leur donner l'Élysée,
16:04je pense que c'est quand même globalement ce que Marine Le Pen joue.
16:07On verra si Jordane Bardella jouera cette partition pour elle.
16:09Vous posiez, Natacha, la question de savoir si les institutions allaient résister à ça
16:14ou alors comment elles allaient se transformer ?
16:16Vous avez une réponse ou juste la question ?
16:18Je pense que personne n'a de réponse assurée, simplement.
16:22Il me semble que la question des institutions se pose de différentes manières.
16:29J'ai tendance à penser, comme Benjamin Morel, qu'une cohabitation,
16:33tous les acteurs ont intérêt à ce qu'elle se passe correctement.
16:37En revanche, on voit d'ores et déjà des pétitions de fonctionnaires, de préfets
16:44qui disent « nous n'appliquerions pas les ordres ».
16:46Et là, on bascule dans autre chose, c'est-à-dire des fonctionnaires
16:50qui expliquent qu'au nom de leur conception des valeurs républicaines,
16:55on ne parle pas du cas où il y aurait des ordres illégaux,
16:57mais des ordres contraires aux valeurs de la République ou à l'intérêt commun.
17:03Comment on évalue ça ?
17:05Qu'est-ce qui se passe si des individus décident que c'est à eux
17:09de choisir ce que sont les valeurs de la République ?
17:12Ça rentre en conflit avec la légitimité démocratique du vote,
17:17avec la souveraineté populaire.
17:19Et là, on entre dans l'inconnu total.
17:21Ça devient extrêmement compliqué.
17:23Deuxième point, c'est s'il n'y a pas de majorité absolue pour aucun parti
17:29et que là, on se retrouve avec des blocs dont chacun peut faire tomber
17:33les gouvernements des uns et des autres.
17:34Et là non plus, on ne sait pas comment les institutions résistent.
17:37Parce que le problème de la Ve République, c'est qu'elle a été totalement tordue,
17:41distordue.
17:42Pourquoi tordue ?
17:43Parce que petit à petit, à travers les révisions constitutionnelles,
17:46elle a perdu ce qui faisait l'équilibre de sa construction.
17:51Elle a perdu en contre-pouvoir.
17:53Elle a perdu dans le sens où, par exemple, le calendrier a affaibli
17:58petit à petit le poids du Parlement.
18:01Ce qui a abouti à une pratique, ensuite, et on voit bien qu'Emmanuel Macron
18:05a eu une pratique du pouvoir qui détruisait totalement le Parlement.
18:10Tout cela est quand même excessivement malsain, je pense.
18:13Et ça a abouti à quoi ?
18:15À ce que des gouvernements, un pouvoir qui ne représentait pas
18:21la volonté majoritaire, puissent tenir et n'aient pas besoin
18:27de réformer suffisamment le pays et de se réformer lui-même
18:30pour pouvoir tenir.
18:32Et là, on aboutit au blocage actuel, à la crise.
18:35Donc je pense qu'il faut absolument purger cela, c'est-à-dire retrouver
18:38des institutions qui permettent de faire émerger la volonté majoritaire
18:44dans un climat à peu près apaisé, avec un équilibre entre
18:48volonté du peuple et état de droit.
18:50Mais ça veut dire quoi alors ? Changer de République ?
18:52La cinquième, c'est ce qu'on en fait aussi.
18:54C'est-à-dire que la cinquième, elle a d'abord été tordue par les hommes
18:57qui ont occupé...
18:58Alors attendez, on va voir ce que c'est que la cinquième
19:00et on va le voir tout de suite après une petite pause sur RTL.
19:14C'est dans la légalité que moi-même et mon gouvernement
19:18avons assumé le mandat exceptionnel d'établir un projet
19:23de constitution nouvelle et de le soumettre à la décision du peuple.
19:29Alors c'était le général de Gaulle en 1958.
19:32Benjamin Morel, qu'est-ce qu'il a présenté au peuple ?
19:34C'était quoi cette constitution ?
19:36On fait beaucoup sur la conscience de la Vème République,
19:38mais il faut comprendre d'abord que pour de Gaulle et pour Debré,
19:41la constitution telle qu'on l'a vécue ces dernières années
19:43serait une sorte d'ovni.
19:45C'est ce que disait Natacha, c'est-à-dire que ça a complètement muté.
19:48À la fois pour de Gaulle et pour Debré, il n'y aurait jamais de majorité absolue.
19:51Parce que le mode de scrutin majoritaire à deux tours qu'on connaît,
19:53dont on a l'impression qu'il produit des majorités absolues,
19:55en fait c'était le mode de scrutin de la IIIème République.
19:58Ça ne produisait pas de majorité absolue et ça n'en produira pas avant 1962
20:01quand la constitution est écrite.
20:03Le 49 à l'INA 3, c'est pas une idée de de Gaulle,
20:05c'est une idée de Flimlin et Mollet,
20:07c'est des anciens présidents du conseil de la IVème République
20:09qui se demandaient qu'est-ce qu'il m'aurait fallu pour arriver à gouverner
20:12malgré mes majorités relatives.
20:14On sait faire des majorités relatives.
20:162022-2024, ça n'aurait pas semblé aussi atypique que ça
20:20En revanche, si demain on n'a pas de majorité du tout,
20:22là ça devient plus compliqué.
20:24Et le parallèle de la IVème République est extrêmement intéressant
20:26parce qu'on peut réformer la Vème République,
20:28moi je ne suis pas opposé,
20:30je crois que vraiment il y a des réformes qui sont à faire.
20:32Mais si on revient un petit peu sur la IVème République,
20:34ce n'est pas un régime aussi dysfonctionnel qu'on veut bien le dire,
20:37c'est un régime qui ressemble à l'Espagne, à l'Italie,
20:39en fait à tous les régimes parlementaires européens.
20:41Qu'est-ce qui tue la IVème République ?
20:43Vous avez 30% de communistes.
20:45Je l'ai parce que guerre froide.
20:47Donc les 30% de communistes, vous les écartez.
20:49Vous avez 15 à 20% de gaullistes. Je l'ai parce qu'ils sont contre les institutions
20:52et que De Gaulle ne peut pas rentrer dans des configurations gouvernementales.
20:54Vous avez 50% de votre corps électoral, 45, qui est gelé.
20:57Et donc vous avez des partis centristes qui font alliance.
21:00C'est des alliances de la carpe et du lapin.
21:02Et donc vos gouvernements ne tiennent pas.
21:04C'est ça la malédiction de la IVème République.
21:06Oui, mais est-ce que ce n'est pas, Jonathan Boucher-Pétersen,
21:08une tradition, une malédiction française,
21:10c'est-à-dire celle de ne pas savoir cultiver le compromis ?
21:14L'ordre du compromis de la coalition ?
21:16J'ai dit que le fait présidentiel s'impose dans la culture de la Vème République,
21:19en tout cas dans la perception qu'ont les chefs de l'État.
21:22Déjà, il y avait quand même cette espèce de mécanique quasiment acquise
21:25de dire je gagne la présidentielle, dans la foulée on me donne une majorité.
21:28La dernière dissolution, je rappelle, c'est une dissolution de convenance,
21:31où Chirac avait déjà une majorité et va en chercher une plus grande.
21:34Il se retrouve pris à rebrousse-poil par le choix des Français
21:37et avec la gauche plurielle qui gagne la législative.
21:41Mais fondamentalement, quand je disais que la Vème, c'est ce qu'on en fait,
21:45rien n'obligeait à inverser le calendrier électoral,
21:48rien n'obligeait à passer au quinquennat,
21:50rien n'obligeait à tordre quelque chose qui était aussi un subtil équilibre.
21:53Donc c'est très difficile de distinguer une cause plutôt qu'une autre,
21:56parce que la pratique du pouvoir, la démocratie ou la République,
21:59ce n'est pas que l'équilibre des institutions,
22:01c'est aussi la façon dont on décide.
22:03Dans le même cadre institutionnel, après 2022,
22:06une proportionnelle de faits qui vient se manifester à l'Assemblée Nationale,
22:09on peut toujours chercher à savoir qui est le responsable,
22:11mais celui qui est au pouvoir a une responsabilité particulière.
22:14Et cette culture, elle est totalement absente chez Emmanuel Macron,
22:17pour différentes raisons, et sûrement pas que chez lui,
22:19mais on ne peut pas dire qu'on a tout tenté pour essayer de faire des coalitions.
22:22Emmanuel Macron a été élu par un électorat composite,
22:25qui a décidé de faire barrage,
22:27pour après venir dire, c'est une validation de mon programme, point barre, circulez.
22:31Ça, ça crée des blocages absolument détestables,
22:35qui font deux ans de majorité de projets,
22:38de choses très difficiles à lire en plus pour les Français,
22:41parce qu'on n'a pas, comme en Allemagne, plusieurs semaines de négociations après des législatives,
22:44pour dire, on fait un contrat de coalition.
22:46Voilà ce sur quoi on est d'accord.
22:48Voilà ce sur quoi, au-delà de nos différences,
22:50on considère qu'il y a une urgence à avancer.
22:52Ça peut se faire avec la gauche, ça peut se faire avec la droite,
22:54quand on se revendique du centre,
22:56mais on ne peut pas se dire, j'avance tout seul, avec un narcissisme démesuré,
22:59qui finit par une dissolution inconséquente.
23:02Voilà pour le président Macron, Jean-Daniel Lévy.
23:04Mais il y a une responsabilité majeure d'Emmanuel Macron.
23:06Une responsabilité majeure, mais quand même,
23:08ça ne date pas d'hier, tout ça, Jean-Daniel Lévy.
23:11Il y a quand même eu des alertes,
23:14de nombreuses alertes.
23:16Ah oui, il y a eu de nombreuses alertes.
23:18Oui, c'est pour ça que je faisais référence au fait que
23:21Marine Le Pen a pris la direction du Front National dès 2011,
23:24et que, vous regardez,
23:26on semble s'habituer au fait qu'on ait Marine Le Pen
23:29qui soit au deuxième tour de l'élection présidentielle.
23:31Ça a été le cas en 2017,
23:33avec non seulement une progression nette
23:36entre le premier tour et le deuxième tour,
23:38que ce phénomène s'est reproduit à nouveau en 2022,
23:41et puis avec deux autres points
23:43qui, à mes yeux, ont été assez peu soulignés.
23:45Le premier point, c'est que, pour la première fois depuis 1969,
23:48il y a eu une baisse de la participation entre le premier tour
23:50et le deuxième tour de l'élection présidentielle,
23:52quand bien même Marine Le Pen était présente au deuxième tour.
23:55Et ça a été renouvelé à nouveau en 2022,
23:58baisse de la participation, alors même qu'elle a atteint
24:00les 42% quasiment au deuxième tour.
24:02Et puis le deuxième aspect, c'est que vous avez
24:04un nombre conséquent d'électeurs qui sont déplacés au deuxième tour,
24:06mais qui ont refusé de choisir
24:08entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron
24:11en 2017, comme en 2022.
24:14En 2017, 4 millions de personnes
24:16ont pris un bulletin blanc ou nul
24:18au deuxième tour de l'élection présidentielle.
24:204 millions de personnes, ça veut dire que c'est des personnes
24:22qui prennent le temps de se déplacer dans le bureau de vote
24:24et qui disent, je veux d'une manière ou d'une autre
24:27exercer mon devoir de citoyen,
24:29mais je refuse de choisir
24:31entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen.
24:33Et à cette époque-là,
24:35Emmanuel Macron, d'ailleurs, était plus vu
24:37comme étant une personnalité issue pour faire vite du centre-gauche
24:39qu'actuellement, avec un boycottement
24:41qui est plutôt identifié comme étant du centre-droit.
24:434 millions de personnes, ça veut dire que vous prenez
24:45100 personnes qui prennent le temps de se déplacer,
24:47vous en avez 12 qui refusent de choisir
24:49entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron.
24:51Donc les signaux, indéniablement, sur la montée
24:53du Rassemblement National, étaient nets.
24:55Je ne parle pas uniquement des dimensions d'opinion,
24:57je ne parle pas uniquement des aspects de sondage,
24:59mais je parle déjà des comportements électoraux qu'on a pu voir.
25:01— Natacha Polony, quand les électeurs
25:03ne veulent plus,
25:05font un refus d'obstacle
25:07devant le bureau de vote,
25:09où qu'ils y vont, mais qu'ils disent
25:11« je veux ni de l'un ni de l'autre »,
25:13c'est un vrai problème démocratique.
25:15— Oui, mais c'est un problème démocratique,
25:17encore une fois, qui s'explique.
25:19Il faut se souvenir, quand Jonathan Boucher-Petersen
25:21parlait des différentes décisions
25:23qui ont abîmé la Ve République,
25:25l'inversion du calendrier quinquennat,
25:27mais l'ensemble du monde politico-médiatique
25:29disait, trouvait ça génial, le seul argument,
25:31c'était que c'était moderne. On passait pour un réac
25:33quand on était contre.
25:35— Et Dieu sait, si vous savez !
25:37— Oui, moi je sais ce que c'est que de se faire traiter de réac.
25:39— Pourquoi vous y prenez plaisir, même ?
25:41— Non, aucun. Ah non, sincèrement, aucun.
25:43Justement, c'est bien le problème.
25:45Mais simplement, ça signifie quoi ?
25:47Ça signifie qu'en fait,
25:49on n'a pas
25:51compris qu'il y avait, petit à petit,
25:53une perte
25:55pour les citoyens
25:57du pouvoir
25:59de décider de leur destin.
26:01Et on a eu des alertes,
26:03même des alertes très graves, parce que les Gilets jaunes,
26:05c'était exactement ça.
26:07L'impression qu'ont les citoyens
26:09qu'on ne les entend pas, que leur vote
26:11ne sert plus à rien, que ça ne leur
26:13permet pas de faire entendre
26:15leur volonté sur certains sujets essentiels.
26:17Et c'est pour ça que les institutions,
26:19leur rôle, normalement,
26:21c'est de permettre de traduire
26:23en termes politiques cette volonté du peuple.
26:25Les retraites, pareil ?
26:27J'ajoute, les retraites, alors là, c'est un cas d'école,
26:29dans la mesure où Emmanuel Macron,
26:31évidemment, est à l'inverse absolu
26:33de l'esprit de ce qu'était
26:35la constitution de De Gaulle
26:37et Michel Debré, utilise
26:39le 49-3 pour contourner
26:41la volonté du peuple, plutôt que
26:43pour débloquer une situation entre
26:45des partis et le...
26:47D'habitude, c'est pour répondre au peuple en marchant sur le Parlement.
26:49Bien sûr, c'était fait pour ça.
26:51Ça signifie quoi ? Je pense qu'il faut se poser
26:53extrêmement la question de savoir
26:55comment on redonne à cette notion de
26:57souveraineté populaire
26:59une véritable existence.
27:01Et il y a une dimension qui, moi,
27:03m'inquiète beaucoup, je l'ai abordée tout à l'heure,
27:05mais je voudrais qu'on pose
27:07ce problème-là, c'est l'articulation
27:09entre souveraineté populaire
27:11et état de droit, parce que je pense
27:13que là aussi, c'est un impensé depuis
27:15des années. Je discutais
27:17avec un membre du Conseil constitutionnel
27:19il y a quelques jours, qui me disait,
27:21évidemment que 1971,
27:23le moment où le Conseil constitutionnel
27:25décide de son propre chef
27:27d'intégrer
27:29au bloc de constitutionnalité,
27:31c'est-à-dire à ce sur quoi il peut décider
27:33tout le préambule de la Constitution,
27:35donc la Déclaration des Droits de l'Homme,
27:37qui n'est pas un texte juridique, mais un texte politique
27:39de grands principes, il me disait, évidemment
27:41que c'est un coup d'État juridique.
27:43Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que
27:45c'est une façon, là aussi, d'utiliser
27:47la jurisprudence pour
27:49contourner la demande des citoyens.
27:51Je pense qu'en tant qu'on n'abordera pas ça
27:53vraiment, frontalement, posément
27:55et calmement, on sera dans un blocage.
27:57C'est ce que certains, dont Éric Zemmour, appellent la République
27:59des juges. Heureusement qu'il n'est pas le seul.
28:01Il y a un poids des juridictions
28:03qui, en effet, interrogent, et je rejoins Natacha
28:05sur beaucoup de points. En fait,
28:07on peut toujours s'intéresser à nos
28:09institutions, on peut dire, mais
28:11on s'intéresse à quelque chose qui, à mon avis, n'est pas
28:13le point fondamental. Est-ce que la Vème
28:15République a été modifiée ? Peut-être.
28:17Est-ce que Emmanuel Macron a fait
28:19des bêtises ? Peut-être. Mais vous n'expliquez pas,
28:21en disant ça, pourquoi des États-Unis à la Pologne,
28:23du Portugal à la Suède, il n'y a personne qui va bien,
28:25aujourd'hui, en Occident. Le problème,
28:27il n'est pas d'abord institutionnel. Le problème,
28:29c'est pas d'abord la Vème République, et encore une fois,
28:31je dis ça tout en pensant qu'il faut la réformer.
28:33Mais le problème n'est pas d'abord là.
28:35Tout à l'heure, je finissais sur la IVème République,
28:37je disais, il y avait 30% de communistes
28:39et il y avait 20%
28:41de gaullistes. C'est pour ça que ça tient pas.
28:43Et aujourd'hui, si vous avez un RN à 35%,
28:45et la France insoumise à 15%,
28:47ça ne tiendra pas. C'est pas un problème
28:49d'abord institutionnel, c'est un problème électoral.
28:51Vous ne gouvernez pas contre 50% de la population,
28:53ça ne peut pas marcher à long terme.
28:55Sinon, c'est des alliances de la carpe et du lapin,
28:57et ça finit par tomber.
28:59Il y a deux problèmes, aujourd'hui, en Occident.
29:01C'est, d'un côté, une déstructuration de l'espace public,
29:03avec des informations en silo. Nous ne vivons plus dans le même monde,
29:05selon la manière dont nous nous informons.
29:07Et donc, vous ne faites pas de société,
29:09vous ne faites pas nation, et vous ne faites pas débat public.
29:11La Révolution française, c'est pas d'abord des institutions,
29:13c'est 5000 journaux.
29:15Et tout d'un coup, on débat, on discute.
29:17Le deuxième élément, et là, je rejoins tout à fait Natacha,
29:19c'est le sentiment d'impotence du politique.
29:21Si on a le sentiment
29:23que le politique ne peut pas,
29:25j'ai deux façons d'agir. Soit je considère que
29:27la politique, de toute façon, c'est quelque chose qui ne sert à rien,
29:29et je m'abstiens. Soit je considère
29:31qu'il faut un caudillo, il faut quelqu'un qui renverse
29:33la table, et dans ce cas-là, c'est le populisme
29:35ou c'est la dictature.
29:37Alors, impotence ou impuissance, et on va voir que parfois,
29:39parfois, le politique
29:41trahit le peuple.
29:43Parfois, Natacha. On en voit tout de suite.
29:45Parfois. Sur RTL.
29:47RTL Bonsoir.
29:49Édition spéciale. Anaïs Bouton.
29:51Anaïs Bouton.
29:53RTL Bonsoir. Édition spéciale.
29:55Mais d'où vient donc la crise qui paralyse
29:57lentement, mais sûrement, vous le disiez,
29:59Benjamin Morel, les démocraties,
30:01et qui provoque en retour les
30:03sursauts populistes, un petit
30:05medley politique promesse.
30:07Vous en avez assez, hein ?
30:09Vous avez assez de cette bande de racailles ?
30:11On va vous en débarrasser.
30:13Dans cette bataille qui s'engage,
30:15je vais vous dire qui est mon adversaire.
30:17Il n'a pas de nom, pas de visage,
30:19pas de parti. Il ne présentera
30:21jamais sa candidature. Il ne sera
30:23donc pas élu. Et pourtant,
30:25il gouverne. Cet adversaire,
30:27c'est le monde de la finance.
30:29Ils font tout, disent-ils, pour éviter
30:31une fracture sociale, comme si celle-ci
30:33n'existait pas déjà.
30:35Je vous ai compris !
30:37Voilà. Alors, un petit éventail
30:39de toutes ces promesses non tenues.
30:41Qu'est-ce que ça fait ?
30:43Ça alimente le côté un peu
30:45tous pourris, Jonathan Boucher-Guetterson ?
30:47Oui, ça peut se dire
30:49le côté tous pourris, mais je crois
30:51même pas. Mais en tout cas, ça pose la question de la crise
30:53de confiance, la crise du résultat, en fait.
30:55C'est qu'on a quand même le sentiment
30:57que les campagnes produisent
30:59aujourd'hui de moins en moins d'espérance,
31:01parce que je pense que les gens sont assez lucides, aussi,
31:03sur l'exercice de Steele, qui est une campagne électorale.
31:05Malheureusement, mais surtout,
31:07je pense que c'est l'indifférenciation des alternances,
31:09ce qu'on se disait à l'instant hors antenne.
31:11C'est-à-dire que ce que
31:13Emmanuel Macron s'incrétise comme étant lui-même
31:15le cercle de la raison, donc une fois à gauche, une fois à droite
31:17en même temps, aujourd'hui quand même plutôt à droite
31:19depuis quelques années...
31:21Non, c'est-à-dire que les gens ont voté à droite, puis ils ont voté à gauche, puis ils ont voté à droite...
31:23Après, nous, en tant qu'observateurs,
31:25on peut évidemment observer les différences de valeurs,
31:27les différences dans
31:29quelle histoire ça s'inscrit, mais concrètement, des gens qui
31:31attendent quelque chose de la puissance publique
31:33pour changer leur vie, pour améliorer
31:35leur situation...
31:37Oui, le changement c'est maintenant, ou les promesses de...
31:39Je me souviens que c'était censé être une droite
31:41populaire, celle de Nicolas Sarkozy
31:43à une époque, ou Emmanuel Macron qui était quand même
31:45censé réenchanter la démocratie...
31:47Ah, parce qu'il y a eu gauche-droite, gauche-droite, Emmanuel Macron
31:49étant l'alternance...
31:51En gros, le débat va se faire entre la gauche et la droite,
31:53on ne va même plus le faire, on va le faire à l'intérieur de la Macronie.
31:55Donc c'est vrai, quand on assèche à ce point-là
31:57le débat démocratique, et je trouve que ce qu'il y a de commun
31:59entre l'irruption d'Emmanuel Macron,
32:01ça se fait quand même d'abord sur le délabrement
32:03du champ politique, il y avait un château
32:05de cartes qui était déjà très fragile,
32:07il a jailli au bon moment pour tout faire s'effondrer,
32:09et je pense quand même que ce qu'il saisit
32:11dans cette élection-là,
32:13c'est la force continue qu'a décrit
32:15Jean-Daniel Lévy de progression du
32:17Rassemblement National qui s'est étoffé, qui s'est
32:19musclé au fil des années, et qui arrive quand même
32:21face à des adversaires qui sont en très mauvais état,
32:23même si le Nouveau Front Populaire est sûrement
32:25beaucoup plus haut que ce que beaucoup pouvaient lui
32:27prédire, il n'empêche que...
32:29J'ai l'impression qu'on est dans la deuxième secousse
32:31de quelque chose qui a commencé
32:33et qui s'est accéléré avec Emmanuel Macron.
32:35Et est-ce que ça n'a pas commencé à ce moment-là ?
32:37Les Français rejettent
32:39la constitution européenne, le non, on l'emporte
32:41largement, 55%
32:43Les 27 pays ont
32:45signé officiellement le traité de Lisbonne
32:47aujourd'hui, ils remplacent donc
32:49la constitution repoussée il y a
32:51deux ans et demi par référendum.
32:53Comment ça s'appelle ça ?
32:55Ça, ça s'appelle s'asseoir sur la démocratie,
32:57joyeusement, et je pense
32:59que le monde politique
33:01et le monde médiatique, à ce moment-là
33:03n'ont pas pris conscience de ce qu'ils étaient en train
33:05de faire. Mais, en fait,
33:07c'est déjà un symptôme,
33:09ça. Je crois que ça remonte beaucoup plus loin.
33:11Ça remonte à la fin des années
33:131970, c'est-à-dire
33:15ce moment qu'on a appelé le moment
33:17néolibéral, et c'est pour ça que ça
33:19agit dans l'ensemble du monde occidental,
33:21où Margaret Thatcher en Angleterre,
33:23Ronald Reagan aux Etats-Unis
33:25mettent en place des politiques
33:27dont le but est de déréguler
33:29tout ce qui a été construit
33:31de sécurité
33:33et de protection
33:35au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
33:37Et cette dérégulation, elle s'appuie
33:39sur quoi ? Sur l'idée qu'on va
33:41contourner la démocratie,
33:43la volonté des peuples, par des instances
33:45que ce soit l'OMC,
33:47que ce soit différentes choses qui vont
33:49permettre de faire sortir l'économie
33:51du champ politique.
33:53C'est-à-dire qu'il y a
33:55des pans entiers du réel sur lesquels,
33:57finalement, il n'y a pas débat.
33:59Il n'y a pas d'alternative,
34:01il n'y a qu'une seule politique possible.
34:03Et en Europe,
34:05ça se concrétise par
34:07l'acte unique européen de 1986,
34:09c'est-à-dire la libre circulation des flux
34:11de capitaux, de marchandises, etc., qui est la mise
34:13en action de cette idée-là.
34:15C'est-à-dire que le libre-échange,
34:17ça ne se discute
34:19pas plus que la loi
34:21de gravitation universelle.
34:23La conséquence de cela,
34:25Philippe Séguin disait que droite et gauche
34:27sont des détaillants qui se fournissent
34:29chez le même grossiste, l'Union Européenne.
34:31Pourquoi ? Parce que ça aboutit
34:33à ce que la droite et la gauche
34:35soient entravés dans leurs décisions puisqu'il y a
34:37encore une fois des pans entiers du réel
34:39sur lesquels ils ne peuvent pas agir.
34:41Du coup, les citoyens
34:43ont l'impression que, quel que soit le vote,
34:45ils ont la même politique
34:47puisqu'il y a des blocages.
34:49Il y a aussi, à 2005, le référendum
34:51sur le traité constitutionnel.
34:53Et en effet, le macronisme est
34:55la quintessence
34:57de ça.
34:59Finalement, on prend acte du fait
35:01qu'il n'y a plus besoin d'alterner entre la droite
35:03et la gauche puisque c'est la même politique
35:05et que tout le monde est d'accord.
35:07Sauf que ça veut dire que la seule alternance
35:09possible, elle est
35:11dans ce que, du coup, on considère
35:13comme des extrêmes hors du champ républicain.
35:15C'est quand même un problème démocratique majeur.
35:17Quand on convoque pour clarifier,
35:19comme le président de la République,
35:21il dit qu'il a fait ça pour clarifier.
35:23Que se passe-t-il, Benjamin,
35:25si tout s'obscurcit ?
35:27Eh bien, il est en effet probable que tout s'obscurcisse
35:29parce que si jamais on a une majorité
35:31qui n'est pas une majorité,
35:33si toutes les motions de censure peuvent passer,
35:35on a un pays ingouvernable. Et ce pays ingouvernable,
35:37là, constitutionnellement, on ne sait pas
35:39quoi faire. Et on crée également des frustrations
35:41parce que, que le RN arrive au pouvoir,
35:43il ne pourra pas mener
35:45une grande partie des politiques qu'il a promis. Parce que l'Union Européenne,
35:47sur les sujets économiques, parce que le Conseil Consuel, sur les sujets
35:49migratoires, parce qu'Emmanuel Macron sur les autres sujets.
35:51Vous créez de la frustration.
35:53Si jamais vous n'avez pas de gouvernement,
35:55si jamais vous avez un gouvernement technique pendant un an,
35:57ça peut être une solution institutionnelle intéressante.
35:59Alors, attendez, un gouvernement technique, on va expliquer ce que c'est.
36:01Un gouvernement de hauts fonctionnaires
36:03que les partis ne soutiennent pas
36:05mais s'engagent à ne pas renverser.
36:07C'est l'exemple italien, etc.
36:09Et vous créez de la frustration.
36:11Une anecdote personnelle. Moi, j'avais
36:1316 ans, en 2005.
36:15Et je viens d'un milieu très populaire.
36:17Ma mère a voté La Salle.
36:19Elle vote
36:21de manière, en règle générale,
36:23assez originale.
36:25Et là, je l'ai vue se politiser.
36:27Elle a acheté l'Humanité,
36:29le Figaro, le Monde, les dossiers spéciaux.
36:31Elle savait pourquoi elle votait.
36:33Elle savait réellement, réellement
36:35pourquoi elle votait. Et le lendemain
36:37des élections, le lendemain du référendum,
36:39on lui a dit, vous êtes un peu bébête, en fait.
36:41Vous êtes un peu bébête, vous avez voté par colère.
36:43Elle avait voté Chirac la dernière fois.
36:45Et c'est intéressant d'ailleurs de voir que les codes de popularité
36:47de Jacques Chirac, en novembre
36:49et en mars, ne bougent pas.
36:51C'est pas un vote contre Chirac.
36:53Alors que le oui à la Constitution européenne passe à l'époque
36:55de 65 à 45%.
36:57Et donc, elle n'a pas voté contre Jacques Chirac.
36:59Elle aimait beaucoup Jacques Chirac.
37:01En revanche, elle a voté contre la Constitution européenne
37:03et elle s'était vraiment informée.
37:05Lorsqu'on lui a dit, tu es un peu bébête,
37:07tu t'es vraiment fâchée, maintenant
37:09on va revenir avec des gens sérieux, on va faire passer ça
37:11par la voix du Congrès,
37:13elle l'a très très mal vécue. Et vous avez toute une partie
37:15de la population qui a ressenti, à ce moment-là,
37:17une vraie rupture démocratique.
37:19Et cette rupture démocratique,
37:21aujourd'hui on la ressent dans le vote RN.
37:23C'est non seulement plus un stigmate, mais pour beaucoup une fierté.
37:25Et donc, on ne peut pas expliquer, à mon avis,
37:272024, si on ne comprend pas 2005.
37:29Jean-Daniel,
37:31on voit,
37:33on lit pas mal d'études qui disent que
37:35les Français savent à peu près que
37:37le RN ne fera pas ce qu'il dit.
37:39Et que, de toute façon,
37:41ça ne les empêchera pas de voter.
37:43Il n'y a pas vraiment, il y a plutôt
37:45une sympathie, vraiment.
37:47Comment vous qualifieriez ça ?
37:49Déjà, la perception que
37:51le RN connaît la vie des gens.
37:53Et en fait,
37:55ce qui est assez frappant, c'est que quand vous demandez
37:57de manière globale, ceux qui sont
37:59le plus en capacité de pouvoir restituer
38:01le quotidien des Français,
38:03leurs préoccupations, leurs interrogations,
38:05leur Assemblée nationale, Marine Le Pen,
38:07et pour partie Jordan Bardella, en sont la plus
38:09forte incarnation. Ça c'est le premier aspect. Deuxième aspect,
38:11quand le RN parle, on les comprend.
38:13Et on a le sentiment que
38:15on a entendu un discours,
38:17on est d'accord ou on n'est pas d'accord,
38:19mais au moins, ça apparaît comme étant
38:21relativement clair. Et donc,
38:23en se disant, ils ne vivent pas forcément comme nous,
38:25mais ils nous comprennent.
38:27Quand ils parlent, on les comprend.
38:29Ça veut dire que quand ils vont faire des propositions
38:31par la suite, ils s'appuieront sur
38:33un terreau qui est un terreau qui ne sera pas
38:35complètement éthéré, mais qui sera un terreau
38:37du réel. Et donc, ça veut dire
38:39qu'on est prêt à leur accorder une forme
38:41de confiance. Alors, ce n'est pas une confiance aveugle.
38:43Il n'y a pas un enthousiasme complet de la part
38:45aujourd'hui des électeurs qui ont envie de voter pour le RN.
38:47On retrouve, et c'est assez saisissant,
38:49parfois les mêmes termes que ceux qu'on avait
38:51entendus en 2012, quand François Hollande
38:53avait été élu Président République,
38:55autour de la notion de la maîtrise de la part de la
38:57puissance publique, et autour d'un thème central,
38:59qui est le changement.
39:01Et avec la perception, dans un pays qui reste
39:03un pays très politique, et on le voit à l'heure
39:05actuelle avec une participation qui
39:07probablement sera bien plus importante que ce qu'on a
39:09vu au cours des dernières élections européennes
39:11et surtout législatives,
39:13des électeurs qui disent, au moins, le RN
39:15nous dit que le politique peut faire quelque chose.
39:17Qu'on soit d'accord ou pas d'accord. Mais que
39:19en matière de contrôle de l'immigration,
39:21en matière sociale, en matière économique, en matière
39:23de destinée de la France, il y a
39:25des choix qui apparaissent comme étant relativement
39:27clairs, avec lesquels on peut être en désaccord,
39:29mais sur lesquels ils ne disent pas
39:31qu'ils vont se déresponsabiliser
39:33en disant qu'au nom de telle ou
39:35telle contrainte, ils ne vont pas avoir
39:37la capacité d'agir. Ce qui, parfois, a été
39:39très profondément mis en avant
39:41pour de bonnes ou de mauvaises raisons de la part d'autres
39:43acteurs. C'est ça.
39:45J'en parle souvent quand je crois des
39:47sondages sur la question de la demande d'autorité.
39:49Souvent, c'est caricaturé en disant un régime
39:51quasi militaire. Et en fait, je pense que derrière
39:53la demande d'autorité, l'autorité de l'État,
39:55c'est la capacité à faire valoir l'intérêt
39:57aussi des plus faibles face à des multinationales.
39:59C'est la capacité à rendre plus égalitaire,
40:01à avoir de plus de justice fiscale
40:03entre une PME et un grand groupe.
40:05C'est la capacité à ce que la puissance publique
40:07s'affirme pour le
40:09plus grand nombre. Et cette idée que
40:11beaucoup de champs populistes
40:13ont entonné ces dernières années, c'est quand même beaucoup
40:15la dimension oligarchique,
40:17en tout cas, de dire qu'un petit nombre de personnes
40:19profitaient d'orientations à qui on expliquait
40:21au plus grand nombre, qu'elles n'étaient non seulement pas
40:23négociables, mais que toute autre proposition était
40:25déraisonnable ou absurde. C'est ce que vous écriviez
40:27sur l'idée de votre bébête
40:29ou ce que vous n'avez pas compris,
40:31donc on va rectifier. Donc ça, je pense que ça
40:33crée un ressentiment très fort. On ne peut pas complètement,
40:35même si on peut penser en apesanteur, il y a quand même
40:37des circonstances politiques avec un président
40:39qui suscite un rejet
40:41qui est presque sans précédent.
40:43On a eu des présidents impopulaires, mais là, c'est un président
40:45qui suscite une haine.
40:47Quand on voit les termes dans les calis
40:49chez les sondeurs, on n'est pas dans simplement « il m'a déçu »
40:51ou « il n'est pas au niveau »
40:53ou « il est trop normal », parce qu'il y a quelque chose
40:55vraiment d'un ressentiment, parce qu'il est tellement
40:57narcissique dans sa pratique du pouvoir,
40:59tellement omniprésident, presque encore plus que
41:01hyperprésident, que voilà, on a créé un cocktail
41:03qui est devenu assez détestable.
41:05Natacha Polony.
41:07Jonathan Boucher-Pétersen, quand vous dites
41:09qu'il y a une demande d'égalité de justice sociale,
41:11c'est vrai, mais il n'y a pas que ça
41:13dans la demande
41:15d'action de la puissance publique.
41:17Il y a aussi la demande,
41:19par exemple, sur la capacité
41:21à décider qui est présent
41:23sur le territoire. C'est une dimension importante.
41:25Il y a énormément de Français
41:27qui s'y sont attachés.
41:29C'est vrai, sauf que
41:31je partage totalement.
41:33Mais il est vrai
41:35que quand vous avez, par exemple,
41:37la Cour européenne des droits de l'homme,
41:39qui explique qu'on ne va pas
41:41expulser tel prêcheur islamiste
41:43parce qu'il a droit
41:45à une vie familiale normale,
41:47c'est-à-dire qu'une jurisprudence
41:49fait prévaloir le droit
41:51individuel sur la
41:53protection de la société,
41:55c'est un problème et ça vide
41:57la puissance publique de sa capacité à agir.
41:59Alors justement, est-ce que la cinquième
42:01s'est foutue ? On en parle après la pause.
42:19Jean-Daniel Lévy, directeur délégué
42:21à Aris Interactif Touluna et
42:23Jonathan Boucher-Pétersel, éditorialiste
42:25à Libération.
42:27Jean-Daniel, est-ce que les Français
42:29tiennent à la cinquième ou est-ce que maintenant
42:31ils s'en foutent ?
42:33Ils ne sont pas forcément
42:35à se lever tous les matins en disant « vive la cinquième République »,
42:37mais pas moins maintenant aujourd'hui
42:39que par le passé. Aujourd'hui, la perception
42:41c'est plutôt un enjeu à caractère politique
42:43et pas forcément un enjeu à caractère institutionnel.
42:45On voit bien qu'il y a peu de débats
42:47d'ailleurs sur aujourd'hui
42:49comment fonctionnent nos institutions.