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Première prise de parole de Michel Barnier devant l'Assemblée nationale pour sa déclaration de politique général, avec en principal point "la dette financière colossale" et "notre déficit public". Regardez l'analyse de Martial You, éditorialiste économique à RTL, et Jean-Daniel Levy, directeur délégué chez Harris Interactive.
Regardez L'invité de Yves Calvi avec Yves Calvi du 01 octobre 2024.

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Transcription
00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03Et si vous n'étiez pas aujourd'hui à l'Assemblée Nationale,
00:06nous allons revenir sur ce premier discours de notre nouveau Premier Ministre Michel Barnier.
00:10Discours très perturbé, j'y reviendrai.
00:12Avec nous, Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de l'Institut Harris Interactive.
00:15Bienvenue Jean-Daniel Lévy.
00:16Merci, bonsoir.
00:17Et notre éditorialiste économique Martial You.
00:19Bonsoir Martial.
00:20Bonsoir.
00:21Je vais vous demander à tous les deux la phrase ou l'idée, voire le projet
00:26que vous retenez dans ce discours rituel de politique générale.
00:28Jean-Daniel Lévy.
00:29Je pense qu'on ne va en retenir aucun.
00:31Parce qu'il n'y a pas eu de phrase choc.
00:33Et on sait d'ailleurs que Michel Barnier s'est toujours inscrit dans l'idée de dire
00:36je ne veux pas forcément être dans la petite phrase,
00:39l'allocution qui va marquer les esprits.
00:42Et on ne se dit pas en écoutant le discours,
00:45voire en le relisant après tranquillement,
00:47qu'il y a une phrase qui vise à résumer l'ensemble de ce que peut être sa démarche.
00:51C'est de la platitude que vous êtes en train de dénoncer
00:54ou c'est tout simplement une forme de sobriété à la Barnier ?
00:56Je ne sais pas comment qualifier les choses.
00:57C'est peut-être une sobriété au regard de la situation politique.
01:00Parce qu'on est dans une situation
01:02où jamais l'Assemblée nationale n'a été aussi dispersée
01:06d'un point de vue du nombre de groupes et de la diversité des groupes qui sont présents.
01:09Jamais on n'a eu un Premier ministre qui a été nommé à Matignon
01:13et qui va s'appuyer sur une base parlementaire
01:15qui va être aussi faible à l'Assemblée nationale.
01:17Et forcément, c'est un jeu d'équilibriste
01:20auquel il a dû jouer du début à la fin de son discours
01:25en essayant de faire en sorte d'éteindre potentiellement des fronts
01:28et surtout de n'en ouvrir aucun nouveau.
01:30Marcel You, qu'est-ce que vous retenez de la phrase ?
01:32Un peu comme dit Jean-Daniel Lévy,
01:34on sait que Michel Barnier aime le ski,
01:36donc il est habitué au slalom.
01:38Il n'a pas fait de faute de car,
01:39mais c'est un peu l'homme de la synthèse.
01:41C'est-à-dire qu'il y a du De Gaulle, du Mendes France, du Simone Veil,
01:46il y en a un peu pour tout le monde.
01:47Il y a du Michel Rocard.
01:48Ça n'est pas ultra-moderne,
01:49mais ça fait plaisir à entendre pour les différentes familles politiques.
01:52Il a même sweeté Edouard Philippe, ça va très loin.
01:54Et Gérald Darmanin, qui était content quand même d'être cité.
01:57Mais sans cravate.
01:58Il a ménagé le front possible du côté de l'ex-majorité présidentielle.
02:04Après, oui, c'est la synthèse entre la gauche,
02:07une petite mesure sur le SMIC qui fait plaisir avec deux mois d'avance,
02:10on augmente de 2 %,
02:11une petite rediscussion sur les retraites,
02:13ça ne fait jamais de mal pour la gauche.
02:15Et puis à droite, la sécurité, le logement.
02:17Donc, il a ratissé le plus large possible
02:19pour essayer de passer au milieu des gouttes.
02:21Voilà.
02:22Mais il n'y a pas de mesure phare à retenir à l'issue de cette discussion.
02:25Alors, est-ce que j'exagère ou est-ce que cette prise de parole,
02:28première prise de parole d'un premier ministre qui prend ses fonctions,
02:31a été particulièrement perturbée ?
02:33Evidemment sur les membres des Insoumis.
02:35Martial ?
02:36Alors, il y a eu effectivement, moi je trouve,
02:38beaucoup de brouhaha au long de son discours.
02:41Moi, je suis surpris que lorsque Michel Barnier évoque ces lignes rouges
02:46et qu'il dit non, l'antisémitisme ne passera pas,
02:48on puisse avoir dans les rangs de LFI des gens que ça choque.
02:51Enfin, je veux dire, qui peut être pour l'antisémitisme ?
02:53À la rigueur, aujourd'hui, vous voyez, vous me posez des questions.
02:55Donc, il y avait cette volonté, toujours et en permanence,
02:58d'essayer de perturber ce discours.
03:00Il a été là-dessus impassible.
03:02À un moment donné, il a répondu à la salle juste pour un trait d'humour.
03:06Mais globalement, il a tracé sa route
03:08sans faire attention à ce brouhaha ambiant, oui.
03:10Jean-Daniel Lévy ?
03:11Je pense qu'on ne se rend pas compte
03:13de ce que c'est de prendre la parole à l'Assemblée nationale.
03:16Que ce soit lors des questions au gouvernement
03:18et surtout lors de la déclaration de politique générale,
03:20qu'il y a un brouhaha énorme,
03:22considérable et quasiment perpétuel,
03:24avec des phrases, des attitudes
03:26qui visent justement à déstabiliser l'orateur.
03:29Et de tout temps, ou c'est particulier en ce moment ?
03:31De tout temps, enfin.
03:32Avec une France insoumise, il faudrait bien son nom.
03:34Sous la troisième République, c'était pire.
03:36Oui, j'entends bien.
03:38Mais c'est un peu difficile de se rendre compte
03:40parce qu'on ne sait pas exactement comment sont réglés les micros, etc.
03:42En tout cas, aujourd'hui, on ne peut pas dire
03:44que c'était particulièrement calme
03:45et on a bien entendu, de la part des uns et des autres,
03:47la volonté de vouloir déstabiliser le Premier ministre.
03:50Et d'ailleurs, ce qui n'est pas inintéressant,
03:52c'est que lorsqu'il y avait eu des réflexions à l'Élysée
03:55pour la nomination du Premier ministre,
03:57la question de savoir
03:59est-ce que la personne va être en capacité
04:01à pouvoir prendre la parole à l'Assemblée nationale
04:03dans le cadre notamment des questions au gouvernement
04:05était un aspect qui était important
04:07et qui a joué en défaveur de toutes les personnalités
04:09qui sont issues de la société civile,
04:11dont on a pu parler.
04:12On s'est dit, ils ne tiendront jamais le choc
04:14et ils vont se faire laminer
04:16dans le cadre de leurs prises de parole
04:18à l'Assemblée nationale.
04:19Et d'ailleurs, des prises de parole qui, en général,
04:21sont assez fortement suivies de la part des Français,
04:23notamment les questions au gouvernement
04:24du mardi et du mercredi.
04:25Donc, c'est violent l'Assemblée nationale ?
04:27C'est violent et puis il y a ce petit jeu de déstabilisation
04:29où on va rebondir sur une phrase,
04:31essayer d'avoir une petite pique,
04:33faire du bruit, agiter les pupitres,
04:35faire en sorte qu'il puisse y avoir
04:37un mot qui vise à déstabiliser
04:39le Premier ministre ou éventuellement les ministres
04:41lorsqu'ils prennent la parole.
04:42Mais c'est une vraie foire d'empoigne.
04:43Alors, le Premier ministre a insisté
04:45sur notre endettement très très fortement,
04:473 228 milliards d'euros,
04:48et il décrit quasiment un pays au bord du précipice.
04:50Qui va payer ?
04:52C'est un peu le problème.
04:53C'est-à-dire que le constat, il est sans appel.
04:55Effectivement, on va dépasser les 6% de déficit.
04:57La dette, elle est pratiquement à l'euro près,
04:59comme vous le disiez, à 3 228 milliards.
05:01Il y a 51 milliards.
05:03Il admet que le remboursement de cette dette
05:05devient quasiment le premier budget de la France.
05:07Et de toute façon, on sait que dans les années qui viennent...
05:09Juste derrière l'éducation nationale.
05:11Juste derrière, c'est 51 milliards aujourd'hui,
05:13mais ce sera 70 milliards dans 2-3 ans.
05:15Donc on sera même au niveau du premier budget de la France.
05:17Mais les réponses à ça,
05:19une fois qu'on a fait le constat,
05:21qu'est-ce que le Premier ministre nous propose
05:23comme perspective ?
05:25Il n'y a pas de mesure clé.
05:27Alors si, il y a un truc un peu gadget
05:29qui est on va évaluer
05:31les dépenses publiques, et pourquoi pas
05:33demander à un ministère d'aller s'installer en banlieue
05:35parce que ça coûte moins cher au niveau du mètre carré.
05:37Mais enfin, il faut qu'on trouve
05:391,25 milliards tous les ans d'ici 2029
05:41si on veut revenir à 3% du déficit.
05:43Je ne pense pas qu'en vendant
05:45le mobilier national,
05:47on atteigne ces objectifs-là.
05:49Qu'est-ce que...
05:51Vous répondez à ça parce que...
05:53Ce que je réponds à ça, c'est que je prends
05:55d'un point de vue...
05:57Déjà, l'annonce selon laquelle on va
05:59réduire les déficits, qu'on va
06:01réduire les dépenses, qu'on va avoir
06:03un État qui va être plus efficace,
06:05qu'on va chercher à éviter les doulons. Alors là, vous pouvez prendre
06:07tous les discours du ministre général.
06:09C'est un discours qui est de manière systématique
06:11quasiment depuis 1981.
06:13Donc de manière systématique, cette phrase,
06:15on l'entend, on se rappelle même que François Hollande
06:17avait parlé de la simplification administrative,
06:19ça avait été un axe fort, etc.
06:21Donc ça, c'est le premier aspect. Le deuxième point,
06:23c'est qu'il y a cet aspect-là
06:25dont on vient de parler, mais il y a également
06:27une pression de l'opinion à ce niveau-là qui apparaît
06:29comme étant relativement faible.
06:31Et que quand vous regardez aujourd'hui
06:33la prise de conscience de la part de nos compatriotes
06:35effectivement du poids
06:37de la dette, du poids des déficits
06:39et effectivement des conséquences
06:41potentielles que cela peut avoir, on est
06:43très très éloigné. Ça fait partie
06:45au cours, par exemple, de la dernière élection présidentielle.
06:47Alors, on avait connu la période
06:49Covid, mais c'était devenu la 17ème
06:51motivation de vote des Français à la dernière
06:53élection présidentielle. Et même quand on regarde
06:55par type d'électorat, elle est un peu
06:57plus évoquée aujourd'hui de la part
06:59des électeurs du centre
07:01et de la droite, mais il n'y a pas non plus une pression
07:03forte de la part de nos compatriotes.
07:05Les Français se foutent du déficit qu'ils vont laisser à leurs enfants.
07:07C'est la dette qu'ils vont laisser à leurs enfants.
07:09Votre question est un peu provocatrice.
07:11Ce n'est pas comme ça qu'ils disent les choses.
07:13C'est qu'ils disent globalement, on ne voit pas forcément
07:15les conséquences entre la dette,
07:17les déficits d'un côté et les conséquences
07:19que cela peut avoir pour notre vie quotidienne.
07:21Tant et si bien que lorsqu'il y a eu toute cette période
07:23Covid avec le quoi qu'il en coûte
07:25qui a été porté par Emmanuel Macron,
07:27les Français ont dit, globalement, on a eu
07:29des dépenses qui ont été dépenses massives.
07:31Est-ce que cela a mis en danger la République française ?
07:33A leurs yeux, la réponse est non.
07:35Vous venez de le rappeler, Martial.
07:37Il annonce comme objectif un déficit à 5%.
07:39Alors que cela fait des années qu'on devrait être à 3%.
07:41Exactement.
07:43C'est-à-dire que pour rebondir sur Jean-Daniel,
07:45en réalité, c'est le fruit de notre mauvaise éducation.
07:47Parce que cela fait 40 ans qu'on ne tient pas nos objectifs.
07:49Donc les Français se disent, finalement,
07:51cela n'a pas changé ma vie d'être surendetté,
07:53d'avoir un déficit abyssal.
07:55Je rappelle toujours que Jean-Luc Mélenchon
07:57explique que nous ne paierons jamais notre dette.
07:59Ce qui est probable.
08:01C'est le principe de la dette roulante.
08:03Mais il y a quand même des intérêts,
08:05et on en parlait au tout début, qu'il faut rembourser.
08:07Les intérêts de la dette, c'est tous les ans.
08:09C'est les 51 milliards dont parlait le Premier ministre.
08:11Et puis, effectivement, cette espèce d'impression
08:13que comme on est la deuxième économie de la zone euro,
08:15on est protégé par les Allemands.
08:17Et de toute façon,
08:19c'est la fameuse expression anglaise de
08:21« too big to fail ». On est trop gros pour tomber.
08:23Donc, du coup, on aura toujours un système
08:25qui nous sauvera. Oui, mais il y a un moment
08:27où quand même, il faut prendre ces considérations-là
08:29en compte. Et je pense qu'on est arrivés
08:31à un instant de bascule et de vérité.
08:33Et si on n'a pas des mesures
08:35fortes, fermes, claires
08:37de la part de ce gouvernement-là,
08:39l'addition va arriver beaucoup plus vite qu'on ne le pense.
08:41Comment ?
08:43Si on nous présente l'addition, c'est
08:47qui le fait, quand et dans quelles circonstances ?
08:49Là, de toute façon, vous allez avoir
08:51dans les semaines qui viennent,
08:53les agences de notation qui vont s'exprimer.
08:55Ce sera octobre-novembre. Là, ça va
08:57déjà commencer à être une première sanction.
08:59Parce que si la note se dégrade, ça veut dire que
09:01ces fameux 51 milliards qu'on doit rembourser,
09:03ils vont être beaucoup plus difficiles à trouver,
09:05beaucoup plus chers. Et surtout,
09:07depuis quelques jours, on emprunte
09:09moins facilement que les Grecs ou les Espagnols.
09:11Ça fait mal au niveau de la fierté nationale.
09:13Sachant que les Français parlent pouvoir d'achat,
09:15ils ne parlent pas de dette et déficit.
09:17Et dès que vous leur parlez économie ou comment faire
09:19en sorte pour que le budget d'Etat soit plus à l'équilibre,
09:21ils vont dire « aller chercher de l'argent chez ceux qui sont
09:23les plus riches, parmi ceux qui sont des exilés fiscaux
09:25et ceux qui sont nature à pouvoir
09:27défiscaliser d'une manière générale. » Donc en fait,
09:29une France qui va chercher plutôt tout en haut
09:31du panier économique.
09:33Merci beaucoup Jean-Daniel Lévy, directeur délégué de l'Institut Aris Interactive.
09:35Merci à Liu, éditorialiste économique
09:37de RTL. On vous retrouve demain matin
09:396h50 pour votre bout de temps.
09:41A grand plaisir. Dans un instant,
09:43le journal de 18h30, nous reviendrons sur un triste
09:45record tricolore. Jamais il n'y a eu
09:47autant de personnes dans les prisons françaises.
09:49Nous serons en immersion avec d'anciens détenus
09:51pour mieux comprendre la réalité
09:53de la surpopulation carcérale.

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