• hier
Le besoin et l'envie de coproduire se sont imposés pour cette pièce, afin de partager les enjeux financiers, compte tenu de la présence de six personnages et d'une mise en scène ambitieuse. Les producteurs, Fanny Jourdan et Pierre Boiteux, expliquent la répartition des responsabilités financières et artistiques, les critères essentiels d’une coproduction réussie et les secrets de leur succès.

Category

🗞
News
Transcription
00:00Notre deuxième interview se déroule avec les coproducteurs Fanny Jourdain de la
00:09Maison de production Tcholélé et Pierre Boiteux de la Maison de production qui
00:12même me suivent. Bonjour et bienvenue et merci d'être avec nous Fanny et Pierre.
00:18Et donc est-ce que vous voulez bien Fanny Jourdain nous expliquer en quelques mots
00:23votre parcours s'il vous plaît, un petit peu nous raconter.
00:26J'adore me raconter. Bonjour Marie-Laure. Et bien très très brièvement je suis à la
00:33tête de ma société depuis 12 ans. Je l'ai créée au départ pour vraiment me spécialiser dans
00:40l'humour et le théâtre depuis le Covid est venu à moi et je suis très heureuse d'avoir une
00:47pluridiscipline dans ma société que ce soit l'humour et le théâtre. Et puis que vous dire
00:55de plus ça fait 20 ans que je suis dans le monde du spectacle et je prends chaque année un peu
01:00plus de plaisir à travailler dans cet univers. C'est formidable. Vous êtes la première
01:04productrice parisienne non ? J'ai cru lire ça quelque part. En humour j'étais la première
01:08femme à monter ma société effectivement. Dans toutes les sociétés du spectacle non,
01:13mais en humour effectivement j'étais la première femme à monter ma boîte toute seule. Voilà donc
01:19c'était un chapeau. Je ne le savais pas à l'époque mais c'est devenu quelque chose de très
01:26challengeant et surtout l'idée c'était aussi d'ouvrir les mentalités et de permettre à tout
01:32ce qui a suivi derrière d'arriver et notamment plein de femmes qui se sont dit que c'était
01:35possible potentiellement. Non pas que je sois un modèle, je n'ai pas cette... comment dire...
01:40Mais vous avez lancé le mouvement. Voilà exactement, j'ai lancé le mouvement. Et Pierre
01:47est-ce que vous pouvez nous dire, nous expliquer votre parcours aussi ? Moi pour le coup j'ai
01:53commencé d'abord dans les médias, en radio pour être exact. Je m'occupais de tout ce qui
01:57était les partenariats culturels pour plusieurs radios en commençant par Oui FM et après j'ai
02:02travaillé pour Radio FG. Et en parallèle je me suis lancé dans le spectacle vivant reprenant un
02:07tout petit théâtre avec ma sœur à la base qui s'appelle Procenium à Paris. Et puis ce genre
02:13de métier, une fois qu'on met le doigt dedans, après ça s'arrête plus. Et du théâtre on est
02:18passé à une société de production et en parallèle des collaborations avec des artistes, différentes
02:25compagnies qui ont fait qu'on a continué. Comment je suis arrivé après c'est qu'ils
02:28m'aiment me suivre. Parce que qui m'aiment me suivre c'est Pascal Guillaume qui a créé cette
02:32entreprise et moi j'interviens en direction de production dessus. D'accord, d'accord. Et là
02:39vous êtes en coproduction pour la pièce de théâtre La nuit où Laurier Gaudreau s'est
02:43réveillé qui se joue au Tristan Bernard. Et Fanny expliquez-nous pourquoi vous avez fait
02:50une coproduction avec Pierre, comment ça s'est passé ? Avec grand plaisir, il y a deux ans en
02:55arrière Didier Brangard et Gaëlle Biaudano m'ont contacté comme beaucoup de producteurs,
03:00ça se passe beaucoup comme ça, pour assister à ce qu'on appelle une lecture de présentation
03:05avec les comédiens. Et j'ai eu un réel coup de cœur pour cette pièce, l'écriture, les comédiens,
03:13tout. J'ai aimé l'enjeu, j'ai aimé ce qu'il y avait et ce qui se jouait dans cette pièce. Et
03:19nous avons été deux à aimer cet enjeu-là. Donc il y avait Pascal Guillaume qui m'aime me suivre
03:25et voilà moi je me lançais un peu dans le théâtre. Donc Pascal, on n'était pas du tout en compétition
03:31mais j'aime beaucoup dire, a gagné le challenge au départ. Et en fait, de par ailleurs avec Pierre,
03:40on travaille aussi ensemble avec sa société de production puisqu'on a aussi un spectacle avec
03:45un artiste avec lequel on travaille, on collabore sur deux spectacles d'ailleurs, pas un seul mais
03:49deux spectacles. Et on s'est rencontrés, vraiment ça a été une réelle rencontre de travail et de
03:56collaboration positive avec Pierre. Et quand il était en train de monter le projet de la
04:01nuit où Gloria Godreau s'est réveillée, il a proposé à Pascal une ouverture avec moi, en tout
04:07cas en co-production, en support. C'est toujours ça, une collaboration, c'est ce dont on peut
04:14s'apporter mutuellement. Il y a des forces que nous n'avons pas toutes, il y a des faiblesses que nous
04:18avons aussi et souvent l'idée c'est de pouvoir bien jongler entre les deux. Et grâce à Pierre,
04:25je suis rentrée en co-production, un peu la petite dernière, mais je suis rentrée en
04:30co-production avec grand plaisir dans ce projet. Et c'est vrai que ça a été tout de suite une
04:39validation totale de ma part puisque j'avais adoré la pièce. Génial. Et Pierre, racontez-nous,
04:45comment se répartissent les responsabilités financières, artistiques en co-production comme
04:50ça ? Oui, alors justement, le principe, il faut savoir qu'on est même trois en réalité à
04:56co-produire le spectacle puisqu'il y a Tcholélé, il y a Qui m'aime me suive et le théâtre Tristan
05:02Bernard qui est en co-production sur le spectacle. L'intérêt de la co-production, il y en a
05:07plusieurs, il y en a une qui est assez évidente, c'est qu'on est quand même dans un métier qui est
05:10de plus en plus risqué financièrement puisqu'on n'est jamais très sûr de comment le public va
05:16accueillir le spectacle, alors que généralement, c'est des spectacles qui coûtent assez cher à
05:20produire. C'est des assez gros budgets quand même. Donc, l'intérêt déjà, c'est de diluer un peu le
05:25risque, de contrer cette espèce de volatilité du risque qu'il y a dans le spectacle vivant puisqu'on
05:34est, je crois, sur une chaîne business. Mais après, il y a aussi, c'est là-dessus aussi que je
05:40trouve l'intérêt d'une co-production, c'est de pouvoir, ce que commençait à expliquer Fanny,
05:46compléter les compétences de chacun. Quand on regarde un peu l'ensemble des structures de
05:51production qu'il y a actuellement, certaines vont avoir, vont développer des compétences sur la
05:58communication, certaines plus sur la gestion des budgets de production justement, d'autres vont
06:03avoir chacune en gros leur force. Il y a un gros intérêt sur la commercialisation de billetterie,
06:07ce genre de choses. Et je trouvais intéressant justement de l'expérience qu'on a de
06:11collaboration avec Fanny et, apprenant par hasard qu'elle avait été aussi une des prétendantes à
06:18la production du projet, je trouvais qu'il y avait pas mal de choses qui se complétaient
06:22justement dans les compétences de Kim M'aime, du Tristan et de Tcholélé. Donc c'est comme ça que
06:29ça s'est mis en place en fait. Oui, d'accord. Et comment articulez-vous les souhaits créatifs
06:35de la mise en scène des comédiens avec les limites des enjeux financiers ? Comment la
06:43mayonnaise prend en fait ? Comment ça s'organise ? Avec beaucoup de diplomatie. Voilà. En fait,
06:54c'est une discussion qui se passe aussi beaucoup avec le metteur en scène qui est vraiment le
06:58chef d'orchestre artistique et qui va aussi lui amener sa volonté, ses envies, ses désidératats.
07:05Et nous, à côté de ça, et c'est un peu le rôle aussi qu'a Pierre, c'est de préparer un budget,
07:11monter un budget, définir on va dire une enveloppe budgétaire. Et de là, notre créatif, qui est
07:20notre metteur en scène Didier Brangart, va faire en sorte de rentrer dans l'enveloppe et c'est tout
07:27bingo s'il arrive en dessous. En général, ce n'est pas le cas, mais on est quand même pas
07:32mal avec Didier. Donc après, c'est une feuille de route budgétaire et puis on va se rendre compte,
07:37par exemple, spécifiquement sur ce projet-là. On s'est rendu compte, ça ne va peut-être pas
07:43vendre du rêve tout de suite de parler de ça, mais il y a un cadavre qui est un vrai. Non,
07:49c'est-à-dire que ce n'est pas simplement une poupée qu'on a mise. Vraiment, on a travaillé avec
07:55un studio de cinéma. Elle est magnifique. Oui, l'idée, c'était de faire du réel vraiment pour
08:02pas que ce soit cheap non plus. Vraiment, c'était très, très bien. Elle est en continu pendant toute
08:06la pièce. En fait, ça ne peut pas être quelque chose de cheap, ça ne peut pas être un vrai
08:10personnage supplémentaire. C'est un personnage qui ne parle pas, mais c'est quand même un des
08:14personnages principaux de la pièce. Et il se trouve que le budget rien que du cadavre a été
08:22un peu plus important que ce qui était prévu à la base. C'est énormément de travail. En fait,
08:26on ne s'en rend pas forcément compte. Ce n'est pas forcément les mêmes budgets à la base entre
08:30le théâtre et le cinéma de production. Donc, il a fallu trouver un moyen de s'adapter. Généralement,
08:35après, il va y avoir des arbitrages qui vont se faire au fur et à mesure. C'est pour ça que je
08:39parlais de diplomatie. C'est que forcément, on arrive par moment à des discussions où il faut
08:46augmenter le budget à un endroit. On ne peut pas l'augmenter indéfiniment. Donc, il y a d'autres
08:51endroits où il faut que le créatif arrive soit à trouver d'autres idées, soit à trouver une
08:56autre solution pour qu'on puisse se rentrer dans une enveloppe globale qu'il ne faut pas trop dépasser.
09:00Parce que la mise en scène est assez époustouflante, j'ai trouvé, avec les effets vidéo
09:04remarquables, la musique. On dit « waouh » parce que c'est le but. Sans se rendre compte de tout
09:14ce qu'il y a derrière aussi. Oui, bien sûr. Mais chapeau parce que c'est vrai que le budget a dû
09:19être important avec les six personnages, sept même, sur scène. Et ça ne doit pas être facile.
09:25Non, c'est assez... Moi, ce que j'aime beaucoup sur cette pièce-là, et je trouve que là, Didier,
09:32avec ses équipes, parce qu'il y a une assistante mise en scène, il y a Stéphanie, il y a tous les
09:36gens avec qui ils ont travaillé sur la construction des décors, sur les lumières aussi. Enfin, je
09:42trouve que tout est très, très beau là-dedans, les costumes. Et ce que je trouve assez fort,
09:47sur ce spectacle-là, où on est sur des budgets qui sont assez importants, ça se compte en centaines
09:53de milliers d'euros, un budget de production dans le théâtre pour ce type de spectacle-là,
09:57ils ont réussi à rendre ça en même temps très simple. C'est-à-dire qu'on n'est pas dans du
10:04show-off. On est vraiment dans quelque chose de très, très beau visuellement, mais qui reste
10:10simple. Le tout, avec une créativité derrière, effectivement, ils ont amené de la vidéo,
10:15ils ont amené ce genre de choses, qui se marient bien avec les comédiens. La vidéo ne vient pas
10:20étouffer les comédiens. Les comédiens ont chacun un rôle qui est hyper bien campé. Enfin, aussi
10:26parce que ce sont des bons comédiens. Ils ont réussi à avoir une alchimie au global qui est
10:32importante. Et puis, c'est important de faire des beaux spectacles parce que c'est comme ça que le
10:36public vient les voir. Complètement. Et si jamais la pièce a bien marché, est-ce qu'elle va être
10:40prolongée ? Comment ça se passe dans ces cas-là ? C'est des possibilités. Généralement, on part
10:45toujours sur un nombre de 2-3 mois de programmation. Et puis après, on voit comment ça fonctionne au
10:51fur et à mesure. Après, comme les programmations se font souvent très à l'avance, par exemple,
10:56si ça venait à prolonger, ça ne serait pas Autristan-Bernard, puisqu'il y a déjà deux
11:00productions qui arrivent au Tristan en janvier, qui sont des très belles productions. Pareil,
11:05il faudrait venir les voir. Mais on peut très bien aller dans un autre cadre parisien. Généralement,
11:10le succès, on trouve de la place pour aller y jouer. Et des beaux spectacles comme ça,
11:14il n'y a pas trop de... La place se libère. Après, il y a une tournée aussi. Oui, bien sûr,
11:19il y a des tournées aussi. Bien sûr, bien sûr. Et est-ce que vous avez envie de passer des messages
11:25aussi dans les productions que vous financez ? Est-ce qu'il y a quelque chose derrière ? Parce
11:30que là, il y a des vrais messages dans la pièce. C'est fort. C'est très fort pour moi. En tout cas,
11:34et sans vouloir parler évidemment pour Pierre, mais on se ressemble aussi beaucoup. Je crois
11:39qu'on n'arrive pas à faire quelque chose d'à peu près. Et moi, j'ai besoin de sens quand je
11:42développe un spectacle, un artiste, un projet artistique tel qu'il soit. J'ai besoin d'avoir
11:48un sens, un enjeu sans que ce soit nécessairement sociétal, sans que ce soit nécessairement trop
11:55engagé ou autre. Mais j'ai besoin que les gens puissent sortir. Je crois qu'on est encore dans
12:02ce monde où les mentalités sont fatiguées par rapport à tout ce qu'on vit au quotidien. De se
12:07dire que si on vient au théâtre, c'est pour un peu voir autre chose, se libérer ou s'aérer avec
12:13autre chose et pas étouffant. Alors bon, vous allez me dire qu'au départ, on a quand même
12:17parlé de cadeau, donc c'est peut-être un peu bizarre de dire que ce n'est pas étouffant. Non,
12:21non, il y a beaucoup d'humour malgré tout dans ce projet. Il y a beaucoup d'humour, beaucoup de
12:25messages, beaucoup de tendresse aussi. Il y a une qualité du texte qui est extraordinaire. C'est la
12:30première chose qui m'a marquée sur ce texte, c'est la qualité. On peut nous dire ce qu'on veut
12:35sur ce spectacle parce qu'on est OK sur le fait que les gens n'aiment pas. On peut ne pas plaire
12:39à tout le monde. Enfin, voilà, c'est comme ça. Mais il y a une chose qui est sûre, c'est que le
12:43texte est extraordinaire. Il n'y a rien à dire sur le texte et il a été écrit, mené en tout cas
12:50dans quelque chose dont on ne s'attend pas. Donc, on est en tant que public en haleine tout le long
12:56de la pièce. Et effectivement, si chacun peut avoir les messages, en plus dans La nuit où le
13:02lauréat Gaudreau s'est réveillé, on peut entendre plusieurs messages différents. Donc, j'aime bien
13:06que le public reparte avec son information qu'il a choisie, qu'il a attrapée et que ça reste. C'est
13:12une pièce qui, en tout cas, marque tellement les esprits qu'on ne peut pas dire en sortant,
13:16tiens, j'ai envie de faire autre chose. Il y a quelque chose qui reste. On a eu des gens qui
13:21nous ont dit à quel point ils avaient été retournés par cette pièce et qui nous en parlent peut-être
13:25deux ou trois jours après encore en nous disant que ça nous a imprégnés sur quelque chose qu'on
13:33ne pensait pas. Et j'aime ça dans les programmes que je choisis, dans les projets que je choisis.
13:38J'aime quand on est bousculé positivement ou même pas toujours positivement, mais j'aime bien quand
13:45on réveille certaines. C'est une très, très belle pièce, vraiment. Voilà, on s'en souvient,
13:51on n'oublie pas. Merci à vous. Merci à vous, Fanny. Merci beaucoup, Pierre, pour votre présence.
13:56Merci infiniment et merci à vous tous de nous avoir suivis et au mois prochain pour la prochaine
14:01émission de Scènes en lumière.

Recommandations