Vendredi 1 novembre 2024, SMART IMPACT reçoit Myriam Merad (Directrice de recherche, CNRS) et Simon Blaquière (Directeur de la réassurance et des risques naturels, Generali)
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00:00Le débat de ce Smart Impact, on parle des défis de l'assurance face au réchauffement climatique avec Myriam Mehrad. Bonjour, bienvenue, vous êtes directrice de recherche au CNRS et vous avez été mandatée par le gouvernement pour mener une mission sur l'assurabilité des risques climatiques, rapport rendu public au printemps dernier.
00:24Bonjour, bienvenue à vous, vous êtes directeur de la réassurance et les risques naturels chez Générali, la France qui est confrontée à une succession d'épisodes climatiques extrêmes, Myriam Mehrad, l'exceptionnel devient la norme, est-ce qu'on peut dire ça, est-ce que c'est exagéré de dire ça ?
00:40En fait, tout à fait, l'exceptionnel devient la norme, mais depuis longtemps, on note une accélération de la probabilité d'occurrence de ces phénomènes et de leur sévérité, et comme on a pu le constater ensemble ces dernières années, ces événements-là augmentent et se répartissent de manière importante sur le territoire, du coup, on ne peut plus parler de risques rares, on parle de risques usuels.
01:08Et ça pose la question du modèle de l'assurance, la caisse centrale de réassurance estime que la hausse de sinistralité du fait, du seul fait du climat serait comprise, évidemment la fourchette, elle est vaste, puisqu'on se projette en 2050, elle serait comprise entre 27 et 62% en moyenne à cet horizon 2050, est-ce que ça veut dire qu'il faut réinventer le modèle, Simon Blakéa, est-ce que ces risques qui deviennent récurrents deviennent impossibles à assurer, d'une certaine façon ?
01:34– Alors l'assurabilité, c'est la raison d'être des assureurs, donc collectivement, on a un enjeu à maintenir cette assurabilité, alors cela a été dit, c'est vrai que les événements climatiques récents mettent en tension le modèle,
01:47aujourd'hui on parle d'une moyenne de sinistralité annuelle de 4,7 milliards d'euros d'ici 2050, c'est beaucoup, c'est plus de deux fois plus si on regarde la moyenne 1990-2010, donc le système est en tension, mais il n'y a pas de fatalité,
02:01je pense qu'il y a un régime public-privé qui a été cité avec la CCR, et chacun prend sa part dans le régime, chacun prend sa part pour maintenir l'assurabilité des périls naturels.
02:13– On le voit peut-être pas en France, mais peut-être plus aux États-Unis, il y a des risques qui sont moins assurés ou plus assurés du tout, des compagnies qui décident de ne pas y aller parce qu'elles considèrent que c'est juste impossible de payer chaque année pour un événement récurrent,
02:29est-ce qu'on en est à ce niveau de tension ?
02:32– Vous voyez ce que je veux dire Simon Bleker ?
02:33– Aujourd'hui on pense qu'il n'y a pas encore de problématique d'assurabilité, il y a encore une offre assurancielle qui permet à tous de s'assurer,
02:41mais effectivement il y a un risque avec l'augmentation des catastrophes naturelles, chacun doit prendre sa part,
02:46effectivement on a cité le régime public-privé avec le réassureur CCR, les assureurs prennent leur part, nous on prend notre part dans la prévention, dans la mise en avant des risques,
02:56dans l'affirmation et l'instruction finalement à tous des risques naturels, il doit avoir des efforts de prévention au niveau individuel également,
03:06si chacun prend sa part, public, privé et individu, on pourra maintenir l'assurabilité.
03:12– Sans avoir des primes ou un coût de l'assurance pour les individus ou les entreprises d'ailleurs qui deviennent insupportables, vous voyez ce que je veux dire ?
03:22– Oui, prenons par exemple un exemple très concret, une des conclusions du rapport qui a été citée, c'est l'augmentation de la surprime Catenat,
03:31elle va passer en 2025… – Le régime catastrophe naturelle.
03:34– Le régime des catastrophes naturelles de 1982, cette surprime catastrophe naturelle va passer en moyenne en 2025 de 25 euros aujourd'hui à 41 euros par an par bien assuré,
03:48et cette augmentation va permettre d'équilibrer le régime, va permettre de poursuivre l'assurabilité,
03:54c'est quand même une force qu'on a dans ce régime catastrophe naturelle,
03:57et cette augmentation finalement de 12 euros par an très modérés, 16 euros par an très modérés permet de poursuivre l'assurabilité.
04:06– Alors justement ce dispositif, il y a le dispositif catastrophe naturelle,
04:09il y a le fonds de prévention des risques naturels majeurs qu'on appelle aussi le fonds Barnier puisque c'était à l'époque,
04:15ou de mémoire je crois qu'il était ministre de l'écologie Michel Barnier quand ça a été lancé,
04:20est-ce qu'ils sont inadaptés, est-ce qu'ils sont caducs, voilà à quel point il faut les réinventer ces systèmes ?
04:28– Pour le comprendre il faut revenir à l'essence du système, il fonctionne sur la solidarité,
04:34et il fonctionne aussi sur un mécanisme d'indemnisation, de prévention et d'adaptation,
04:40et donc ces systèmes-là font que sur la partie solidarité,
04:44il a été prévu sur les primes d'assurance d'avoir une petite surprime 4 Nats,
04:49cette surprime aussi elle fonctionne sur un partenariat public-privé,
04:53c'est les assurances avec le système de la CCR, c'est-à-dire l'assureur public ou réassureur public,
05:01si on veut maintenir ce système de solidarité et au vu de ce que l'on vient de décrire,
05:06c'est-à-dire l'augmentation de la récurrence des événements,
05:09alors il faut que cette surprime permette de la maintenir sur du long terme,
05:14il se trouve que si elle augmente, ça peut créer deux mécanismes un peu pervers,
05:21ça peut exclure et ça peut ne plus être portable par un certain nombre d'acteurs,
05:26du coup soit on continue mécaniquement, et là une des solutions qui avait été proposée,
05:31en tout cas sur ce court-moyen terme, c'est d'augmenter la surprime,
05:36soit on se dit qu'on réforme le régime,
05:38on se dit que ce qui est devenu maintenant récurrent, peut-être qu'il faut le gérer différemment.
05:43– Vous proposiez notamment dans le rapport un système de bonus-malus,
05:47je veux bien que vous nous expliquiez comment ça marche et comment ça marcherait.
05:50– Tout à fait, si on accepte que la catastrophe n'est pas que induit par le climat,
05:57c'est aussi la vulnérabilité de nos constructions,
06:00c'est aussi nos impréparations,
06:02c'est-à-dire nos manques de connaissances sur à quel guichet s'adresser
06:08pour construire, pour réduire notre vulnérabilité.
06:10Mais c'est aussi des dispositifs de prévention qui ont porté leurs fruits ou non.
06:16Alors l'idée c'est de montrer que si certains arrivent,
06:20certains que ce soit au niveau des collectivités ou des particuliers ou des entreprises,
06:24arrivent à réduire à la source leur vulnérabilité
06:27et à agir sur la prévention et l'adaptation,
06:31eh bien ça veut dire qu'ils peuvent réduire cet appel à solidarité
06:35et donc aller vers ce, comme pour les voitures, un gain.
06:39– Oui ce qui serait une façon d'inciter à faire de la prévention,
06:43à évaluer sa vulnérabilité face au risque et à prendre les décisions nécessaires, c'est ça ?
06:48– C'est ça, on devient tous acteurs au lieu de se retrouver dans la situation de victime.
06:52– C'est une bonne idée, vous y êtes favorable, Simon Blacker ?
06:55– Oui complètement, je vais prendre deux exemples concrets
06:57pour étayer le propos qui vient d'être donné.
07:00Le premier c'est la connaissance du risque,
07:03aujourd'hui encore trop peu de Français sont au courant de leur exposition au risque naturel.
07:08– C'est vrai pour les entreprises aussi ?
07:09– C'est vrai aussi pour les entreprises,
07:11aujourd'hui on a développé un système à Gennerly Ensemble Face au Risque
07:14qui permet à tout un chacun, vous rentrez votre adresse
07:17et vous avez votre exposition au risque naturel,
07:21inondations, sécheresses, feux de forêt, tempêtes, grêles.
07:24La connaissance du risque aujourd'hui c'est le premier pilier de la prévention, je vais y venir.
07:29Le deuxième exemple concret c'est que nous sommes convaincus
07:31qu'il faut de la prévention à l'échelle individuelle,
07:34il faut que les individus s'emparent des moyens qui sont mis à disposition,
07:39notamment via le fond Barnier qui a été cité,
07:42pour mener des efforts de résilience climatique.
07:45Si on prend par exemple l'exemple de l'incendie,
07:47on a individuellement des moyens pour se protéger,
07:50on a depuis 2010 l'obligation de mettre un système d'alerte incendie.
07:54L'idée ce serait de transposer ces mécanismes à l'échelle individuelle
07:58face au péril naturel pour mieux se prémunir,
08:01pour mieux atténuer les conséquences du changement climatique.
08:04Le fond Barnier permet de financer une grande partie des travaux
08:08à l'échelle individuelle pour améliorer sa résilience.
08:11Et sur la prévention, les assurances,
08:14c'est dans l'ADN des assureurs de faire de la prévention,
08:18est-ce qu'il faut changer la façon de faire pour que les messages passent mieux ?
08:23Oui, on a cité connaître son risque, connaître son exposition,
08:26vous citiez l'exemple des entreprises.
08:28C'est très intéressant, sur le risque incendie,
08:30les assureurs font de la prévention depuis des décennies
08:33pour mettre en place des systèmes d'alerte incendie,
08:36des sprinklers pour étouffer les incendies.
08:39À nous de transposer cela sur les risques climatiques,
08:42tant au niveau individuel, maisons, particuliers,
08:45qu'au niveau entreprise et à une appétence de nos clients
08:48pour les guider, pour mieux atténuer, modérer les risques naturels.
08:53Est-ce que ça marche aussi sur le phénomène de retrait gonflement des sols argileux ?
08:57Parce que ça, ça concerne des millions de Français,
09:01un peu partout en France d'ailleurs, c'est quasiment dans toutes les régions.
09:04Et là aussi, sur le modèle de l'assurabilité, ça pose une vraie question.
09:09Oui, tout à fait, surtout qu'on estime, via France Assureurs,
09:12à plus de 12 millions de personnes, de maisons, de pavillons,
09:16exposées au risque de gonflement et de retrait des argiles.
09:20De part, le changement climatique, c'est un péril qui va croissant
09:23du fait de la hausse des températures.
09:26Il n'y a pas de fatalité, encore une fois,
09:27la première chose, c'est de comprendre et de connaître son risque.
09:30Savoir son exposition au terrain argileux, c'est la première chose.
09:34La deuxième, qu'on pourrait citer, c'est l'initiative Secheresse,
09:38qui est menée avec France Assureurs, avec la mission des risques naturels,
09:42avec l'ACCR, et dont l'objectif, c'est de trouver des moyens,
09:46un, de remédiation, comment est-ce qu'on répare mieux,
09:49moins cher les maisons qui sont fissurées du fait de la sécheresse,
09:52et deux, de prévenir, quels sont les moyens de prévention
09:55qui permettront, avant le dommage, d'améliorer les fondations,
09:59d'améliorer le bâti.
10:00– Il y a un message qu'on peut faire passer, Myriam Merad,
10:01c'est que tout ce qu'on fait avant, c'est-à-dire en prévention,
10:05en anticipation, en modification, pour mieux s'adapter,
10:10coûte moins cher que ce qu'on devra faire après, c'est ça ?
10:12– Tout à fait, et l'exemple de… – S'il y a une catastrophe.
10:14– Tout à fait, et l'exemple du retrait gonflement des argiles,
10:17en est un exemple intéressant, parce que c'est un phénomène,
10:21le retrait gonflement des argiles, c'est un phénomène
10:24que l'on voit venir au fur et à mesure du temps,
10:26mais dont les effets sur les structures peuvent apparaître de manière brutale,
10:31mais il est là, il est chronique.
10:33– Donc on peut le déceler le plus tôt possible, c'est ça ?
10:35– Et oui, et l'idée, c'est d'y travailler en amont,
10:38c'est déceler les petits éléments qui viennent être perturbés
10:42dans nos structures, et nous sommes les observateurs,
10:44nous sommes les propriétaires de nos structures,
10:46donc on peut agir sur de la prévention,
10:49mais faut-il connaître les bons guichets et avoir les bonnes informations.
10:53– Connaître les bons guichets, et peut-être les outils,
10:55est-ce que les modèles prédictifs s'améliorent,
10:57notamment avec l'intelligence artificielle aujourd'hui ?
11:00– Alors, la question de la donnée, il y a plein de données,
11:05on parlait du modèle Générali pour localiser un certain nombre d'informations,
11:09mais depuis très longtemps, le secteur public s'est organisé
11:14pour partager de la donnée publique.
11:15Alors, il y a une plateforme qui est gérée par le ministère de l'Environnement
11:19qui s'appelle Géorisques, où plein d'opérateurs d'État
11:22partagent ces données publiques, et il y a aussi des initiatives
11:26de partage du secteur privé, notamment du secteur de l'assurance.
11:29Avec ces données, on peut faire beaucoup de choses,
11:33mais il faut que ces données soient précises.
11:35Donc, l'intelligence artificielle est un moyen d'accélérer son analyse,
11:40cependant, si la donnée est pauvre, et quand je dis de la donnée pauvre,
11:44si elle est agrégée à la maille communale, avec les meilleurs modèles,
11:48il y a une donnée pauvre, c'est-à-dire trop agrégée,
11:51et on ne peut rien y faire.
11:52Donc, je dirais que le défi, c'est plutôt de trouver une solution
11:58pour le partage de données.
11:59– Merci, beaucoup, merci à tous les deux, Yaa.
12:01Et à bientôt sur BeSmart for Change, on passe à notre rubrique Start-up, tout de suite.