SMART IMPACT - Le débat du lundi 14 octobre 2024

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Lundi 14 octobre 2024, SMART IMPACT reçoit Guillaume Balas (Délégué général, Fédération Envie) et Julien Sylvain (Fondateur, Tediber)

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Transcription
00:00La réparabilité, c'est le thème du débat de ce Smart Impact avec Julien Sylvain, bonjour.
00:12Bonjour.
00:13Bienvenue, vous êtes le cofondateur de Télibert, Guillaume Balazs, bonjour.
00:16Bonjour.
00:17Délégué général du réseau Envie, on va commencer par des questions toutes simples de présentation.
00:21Télibert, votre philosophie c'est quoi ? Le luxe durable, j'ai lu ça.
00:24Alors Télibert d'abord, on a un acteur incontournable maintenant du matelas en France.
00:28On a 10 ans en 2025 et on reste une jeune société, mais on a vraiment changé la manière de vendre le matelas.
00:35Il faut imaginer qu'avant, le matelas c'était vraiment des très grandes boutiques avec plein de matelas, des promos partout.
00:41Un choix qui est très compliqué, on a toujours l'impression de se faire avoir quand on achète un matelas.
00:46Et nous, on a simplifié tout ça avec une offre extrêmement courte.
00:49On a commencé avec un seul matelas, une marque plutôt bienveillante, avec le prix juste toute l'année, une technologie qui est simple à aborder.
00:56Et on a développé comme ça la société, donc aujourd'hui on est vraiment incontournable.
01:00On a vendu un peu plus de 300 000 matelas.
01:02Donc on a une grosse part de marché, on fait 50 millions d'euros de chiffre d'affaires.
01:06Et on vient effectivement de lancer un produit plus haut de gamme qui est réparable.
01:11Luxe durable, on y reviendra dans un instant. Le réseau Envie en quelques mots ?
01:16Alors nous, on fait du reconditionnement électroménager.
01:19Nous sommes des entreprises d'insertion par l'activité économique.
01:22Donc on s'adresse à les publics éloignés de l'emploi qui nous permet de reprendre pied dans la vie économique.
01:29Et on est économie sociale et solidaire.
01:31Voilà, c'est 3 800 salariés aujourd'hui et plus de 100 points d'entrée dans le territoire.
01:36La rénovation, la réparabilité, c'est au cœur de votre activité ?
01:40Oui, parce que si jamais nous ne pouvons pas réparer, parce que notamment la fabrication des appareils l'interdit,
01:48ce qui est parfois le cas ou parfois la volonté, avec l'idée du fabricant de se dire,
01:53il n'y a que moi qui aurait la main sur la réparation qui pourrait autoriser les pièces détachées
01:57ou même le dépeçage de l'appareil, on ne peut plus faire notre travail.
02:02Donc évidemment, il y a un enjeu absolument majeur.
02:04Mais enfin, beaucoup de fabricants aujourd'hui comprennent cet enjeu. Il ne faut pas être pessimiste.
02:07Oui, alors on essaye de ne jamais être pessimiste dans cette émission.
02:10On va évaluer justement cette mutation en cours.
02:14Vous lancez donc un nouveau matelas qui s'appelle Grandours.
02:17Il est réparable à vie. Ça, c'est la promesse marketing, on va dire ça comme ça.
02:21Mais comment vous la tenez, la promesse ?
02:23Je pense qu'on partage une vision qui est celle que le meilleur produit à mettre sur le marché,
02:28c'est le produit qui ne pollue pas, évidemment.
02:31Donc du coup, si on peut réparer un ancien produit, on réduit vraiment.
02:35Dans le cas du matelas, un matelas en moyenne, c'est 300 kg de CO2.
02:38Donc c'est quand même un produit qui est assez polluant et assez important dans notre vie aussi.
02:43Donc du coup, on a beaucoup réfléchi en interne sur ce qui permet de réparer un matelas.
02:48On a par exemple, nous, notre matelas principal, c'est un matelas qui est entièrement déhoussable
02:51et on peut laver la houche du produit.
02:53Ça paraît bête, mais en fait, il y a moins de 5 % des matelas qui ont une houche qui est lavable,
02:57alors que c'est le premier problème d'un matelas, c'est la houche qui est tachée.
03:00Et c'est dommage de se débarrasser d'un produit uniquement pour ce détail-là.
03:04Mais on allait plus loin pour ce produit plus haut de gamme,
03:06où on avait, comme on vise un confort plus sophistiqué,
03:11on veut vraiment un produit qui plaise à une gamme de clients,
03:15qui est prête à mettre plus que d'un grand dans le matelas.
03:17Parce qu'il coûte combien ce matelas ?
03:18Il coûte 2 690 euros.
03:19Oui, effectivement.
03:20Ça paraît cher par rapport à notre gamme.
03:21Ce n'est pas très cher par rapport au prix moyen du matelas vendu chez les spécialistes.
03:24Et par contre, du coup, on s'est dit que c'est l'opportunité de vraiment innover,
03:27de mettre ce qu'on sait faire dans le matelas.
03:29Et donc du coup, on a non seulement la houche qui est remplaçable,
03:32mais on a aussi le matériau d'accueil, qui est le deuxième problème le plus fréquent.
03:36Matériau d'accueil, c'est-à-dire ?
03:38C'est la couche sur laquelle on va dormir directement,
03:40qui elle, mécaniquement, avec l'effet du temps et de la transpiration,
03:43évidemment, et du poids du dormeur, va s'affaicher.
03:46Mais par contre, l'âme du matelas, c'est-à-dire l'intérieur, les ressorts,
03:49il y en a 1 600 dans le cas de ce matelas,
03:51elle, elle ne va pas bouger pendant 30 ans.
03:53Et en fait, c'est tellement dommage de se débarrasser d'un produit
03:56alors que le moteur du matelas, lui, est intact.
03:59Donc on a vraiment imaginé notre produit pour qu'il soit réparable.
04:02Donc le client va pouvoir nous solliciter,
04:04on va lui renvoyer les pièces d'usure du produit
04:06pour que son produit puisse durer 30, 50, 40 ans.
04:09Oui. Vous fêtez, là, au mois de novembre,
04:11les 40 ans du réseau Envie.
04:14Alors justement, pour rebondir sur ce que vous disiez tout à l'heure,
04:17sur l'évolution, c'est-à-dire,
04:20vous sentez la mutation depuis quoi, une petite dizaine d'années ?
04:23Vous commencez à voir des constructeurs, des marques,
04:26qui se disent, oui, mais il faut quand même qu'on lâche un peu
04:28et que nos produits soient plus réparables ?
04:30Alors, oui, on le voit de manière extrêmement nette,
04:34notamment, j'ai des fabricants qui sont aujourd'hui en Europe,
04:37alors qu'ils fabriquent en Europe ou qu'ils fabriquent ailleurs,
04:40mais dont les sièges sociaux, l'intelligence, j'allais dire,
04:43de conception est en Europe.
04:46Le problème et le risque, c'est qu'on voit,
04:49depuis à peu près maintenant une année et demie,
04:52les flux d'électroménagers
04:55en provenance d'Asie de l'Est, de Chine,
04:58pour tout dire, à très bas prix,
05:01qui correspond à une stratégie industrielle chinoise,
05:04on le sait dans d'autres domaines,
05:07arriver en Europe de façon forte. Or, ça, ça peut tout casser,
05:10parce que les fabricants vont se dire, là,
05:13il y a du low cost qui est en train de nous concurrencer,
05:16on ne va pas se faire des efforts à construire des appareils réparables,
05:19un peu plus chers, qui risquent, etc.
05:22Et c'est dommage, parce que nous, on vient de faire une analyse
05:25de cycle de vie de l'électroménager reconditionné.
05:28Les chiffres ne sont pas encore officiels, je ne vais pas vous les donner,
05:31mais on va les donner très bientôt. C'est impressionnant.
05:34On est sur des multiples qui sont à deux chiffres
05:37d'impact en moins sur l'environnement
05:40et notamment sur les gaz à effet de serre
05:43de la part des appareils reconditionnés.
05:46Mais entre une machine à laver qui est reconditionnable ou pas,
05:49c'est quoi, c'est 20-30% ?
05:52Non, pas 20-30%, c'est x30.
05:55On va être sur des échelles extrêmement impressionnantes.
05:58On rendra ça public bientôt avec nos 40 ans.
06:01Mais il y a donc aujourd'hui un enjeu fondamental
06:04qui fait qu'on peut changer les choses.
06:07On peut tout à fait aujourd'hui, en faisant autrement d'un point de vue industriel,
06:10avec des produits qui durent beaucoup plus longtemps,
06:13et c'est possible de vous le montrer aussi, changer la donne en termes climatiques.
06:16Il y a d'autres leviers d'action ?
06:19Il y a par exemple le recyclage, pas seulement le matelas,
06:22mais il y a aussi l'économie de ce qui l'entoure.
06:25Là aussi, vous travaillez là-dessus ?
06:28On travaille sur plusieurs choses.
06:31Déjà, évidemment, on a un éco-organisme, un écomobilier qui fait un super travail.
06:34Aujourd'hui, pour les gens sérieux comme nous, ce n'est pas le cas de tous les acteurs,
06:37mais quand on livre un matelas, on est obligé de proposer au client
06:40de reprendre son ancienne litterie pour pouvoir massifier le flux
06:43de produits collectés et pouvoir les transmettre en bon état aux recycleurs.
06:46C'est un travail formidable qui a été fait.
06:49On participe à cette tâche avec grand plaisir.
06:52Ça s'appelle l'écomobilier, c'est ça l'éco-organisme ?
06:55L'éco-organisme s'occupe de ça.
06:58Maintenant que la filière de matières recyclées s'améliore
07:01et améliore la qualité de ses produits, on essaie d'intégrer un maximum
07:04de matières recyclées dans nos produits.
07:07Ce n'est pas toujours possible, mais par exemple dans nos matelas,
07:10l'intégralité des ressorts sont faits en acier recyclé.
07:13Pour la majorité de nos produits, les textiles aussi sont des textiles
07:16en coton recyclé, donc on intègre ces matières-là.
07:19Là où je vous rejoins, c'est que l'impact de la matière recyclée
07:22par rapport au prolongement de la durée de vie du produit
07:25à la réparation, il est infime.
07:28En fait, en réparant le matelas Grand Ours,
07:31avec quelques pourcentages de poids carbone du produit,
07:34on va rajouter 10 ans ou 15 ans de durée de vie.
07:37C'est vraiment un acte prioritaire de travail pour nous.
07:40On a pour objectif que l'intégralité de nos produits soit réparable d'ici 2 ans.
07:43Il faudrait que ce soit le cas pour tous les metteurs sur le marché
07:46de produits de grande consommation, en tout cas pour l'équipement de la maison.
07:49Et le levier du prix, on y revient.
07:52Si vous faites face à une concurrence étrangère,
07:55le mot est facile, mais c'est souvent ça,
07:58à très bas prix,
08:01votre modèle économique est-il en souffrance ?
08:04A quel point il est fragile ?
08:07Une bonne manière de démontrer l'intérêt d'investir
08:10dans des produits de qualité,
08:13c'est évidemment le plaisir qu'on va prendre à utiliser le produit au quotidien,
08:16mais c'est ce qu'on fait depuis très longtemps.
08:19Mais c'est aussi de pouvoir rationaliser le rapport qualité-prix
08:22sur une durée longue.
08:25On explique aux clients qu'acheter un matelas qui est fait en Chine
08:28à 400 euros, c'est tout à fait possible.
08:31Par contre, ils vont le garder pendant 3 ans,
08:34parce que très vite, il va se dégrader.
08:38On en est un peu sortis,
08:41mais quand on est dans une période de forte inflation,
08:44c'est très difficile de faire passer ce discours-là.
08:47Vous avez commandé un sondage
08:50à l'Institut Opinion West sur le rapport des Français
08:53aux reconditionnés.
08:56Est-ce qu'on est un peu dans cette schizophrénie ?
08:59On en veut beaucoup, mais est-ce qu'on est prêts à mettre l'argent pour ?
09:02Ce que dit le sondage,
09:05c'est d'abord une première leçon qui est inquiétante,
09:08c'est que la motivation écologique par rapport à il y a quelques années
09:11est en très forte baisse.
09:14La motivation pour aller le reconditionner est liée à la période d'inflation
09:17qu'on a vécue ces deux dernières années.
09:20C'est d'abord et avant tout le prix.
09:23Ce qui fait que pour nous, en vie, ce n'est pas trop dérangeant,
09:26puisque nos appareils reconditionnés sont moins chers que le prix moyen du neuf,
09:29de 30 à 60 %.
09:32En termes d'allongement de la durée de vie de produit,
09:35et notamment d'avoir des produits qu'on achète plus cher,
09:38mais avec des services qui nous accompagnent pendant très longtemps,
09:41il faut découper le prix par le nombre d'années.
09:44Ce n'est pas simplement voir l'investissement dans l'appareil
09:47ou dans le produit sur le moment.
09:50Faire ça sur long terme, c'est ce que faisaient nos anciens.
09:53C'est ça qui est drôle,
09:56c'est qu'on revient à des conceptions économiques qui existaient,
09:59liées avec la surconsommation sans régulation qu'on a vécu ces dernières années.
10:04Est-ce qu'il y a un effet pervers de l'économie circulaire ?
10:10Au sens où, pour les vêtements par exemple,
10:13on se dit « Tiens, je peux m'acheter des T-shirts qui ne valent pas cher,
10:16parce que je sais bien que je pollue la planète,
10:19mais ce n'est pas grave, je vais les revendre sur tel et tel site. »
10:22Évidemment, je vois très bien ce que vous voulez dire.
10:25Sur le textile, oui, il y a un problème.
10:28Notamment chez les jeunes consommateurs.
10:31C'est les produits pas chers.
10:34Il y a des circuits de vente individuels qui se remettent en place.
10:37On est consommateur et commerçant.
10:40Alors qu'on achète des produits de la seconde main qui ont déjà été portés,
10:47on va en acheter de plus en plus, ce qui annule l'effet écologique.
10:50C'est pour ça que, et c'est un point très important,
10:53l'économie circulaire ne suffit pas.
10:56Il faut aussi de la sobriété dans la production et de la sobriété dans la consommation.
11:00Si on n'a pas les deux, ça ne marche pas.
11:03On en revient au modèle économique commercial.
11:06C'est-à-dire que le modèle économique commercial, c'est quand même, au départ,
11:09de vendre le plus de produits au plus grand nombre de personnes.
11:12Vous l'avez abandonné en partie, ce modèle ?
11:14On est devenu entreprise à mission en 2021,
11:17avec cette analyse qui est parfaite,
11:19qui est qu'on a, nous, un rôle à jouer dans la sobriété des consommateurs
11:23autant que dans la performance écologique de notre production.
11:26Donc, on essaye de réduire, évidemment, l'empreinte carbone de nos produits,
11:29mais aussi de déclencher ou d'enclencher, on va dire,
11:32une dynamique vertueuse dans notre industrie.
11:34C'est notre grande mission au Cerne Teddy Bear.
11:36Donc, on a beaucoup travaillé sur les matériaux.
11:38Notamment, on en revient toujours au gantien, mais notamment sur la laine,
11:40qu'on a intégrée dans nos produits.
11:42Donc, on utilise la laine qui est extrêmement vertueuse,
11:44qui est jetée aujourd'hui pour l'intégrer dans nos produits.
11:46Et on travaille sur des grands jeux comme la réparabilité
11:49pour allonger la durée de vie des produits.
11:51Merci beaucoup. Merci à tous les deux.
11:53Et à bientôt sur BeSmart for Change.
11:55On passe à notre rubrique consacrée aux startups éco-responsables.

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