La chute d’une famille parfaite

  • il y a 3 heures
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.


Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

Category

🗞
News
Transcription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10Les Martins sont l'image même du bonheur. Un bonheur familial d'abord. C'est un couple uni
00:18depuis trente ans de mariage. La grande fille, juste majeure, vient de se fiancer avec un jeune
00:25homme plein d'avenir. Un bonheur bourgeois aussi. Les Martins sont le type même de la réussite
00:32sociale. M. Martin a gravi tous les échelons dans sa profession. D'abord petit employé de banque,
00:38il a maintenant un poste de premier plan. Les Martins habitent un coquet pavillon dans une
00:44grande ville de province. Bref, quand commence notre dossier en 1955, les Martins sont heureux.
00:52Et pourtant, vous le devinez bien mes chers amis, puisqu'il s'agit d'un dossier extraordinaire,
00:57le bonheur des Martins ne va pas durer. Il va se passer quelque chose. Oui, oui c'est vrai,
01:03il va se passer quelque chose, mais ce n'est pas ce que vous pensez sans doute. Non, non, non,
01:09le mari ne va pas tirer de coups de révolver sur sa femme. Non, la femme ne va pas empoisonner son
01:14mari. Ah non, non, la fille ne va pas tuer ses parents qui s'opposeraient à son mariage. Voyez-vous
01:21ce qui va se passer est beaucoup plus simple et beaucoup plus effrayant aussi. Car c'est une
01:28chose si banale qu'elle pourrait se passer dans n'importe quelle famille qui, comme celle des
01:35Martins, donne depuis trente ans l'image même du bonheur.
01:52Une ville de province comme les autres. Oh, il n'est pas nécessaire de préciser laquelle,
02:04ce qui va suivre aurait pu se passer n'importe où. La ville a de jolis pavillons et c'est là
02:11que vit la famille Martin. Le père, Charles Martin, la cinquantaine, a de bonnes raisons
02:17d'être fier de sa réussite. À vingt ans qu'était-il ? Un petit, un tout petit employé de banque.
02:23Françoise l'a épousée dans les années trente et on ne peut pas dire que c'est par intérêt,
02:29c'était vraiment un mariage d'amour. Charles Martin est obstiné travailleur. À sa banque,
02:34sa ponctualité, sa scrupuleuse honnêteté en même temps que son dynamisme et son sens des
02:40responsabilités le font vite remarquer puis apprécier de ses supérieurs. Petit à petit,
02:44à force de travail, il gravit tous les échelons. Il a bientôt sous ses ordres des gens qui ont des
02:50diplômes que lui n'a jamais eus. Mais Martin n'a pas besoin de diplôme, il a quelque chose qu'il
02:56s'est acquis peu à peu et qui vaut bien plus. La confiance, la confiance absolue de ses chefs.
03:02Charles Martin est l'homme de confiance. Tous les jours en tant que caissier fondé de pouvoir,
03:08il a entre ses mains et sous son entière responsabilité plus de 20 millions actuels,
03:14oui plus de 2 milliards d'anciens francs. Les directeurs n'exercent aucun contrôle sur ses
03:20sommes, seul Martin en a la garde. Cet employé modèle est même tellement apprécié que depuis
03:27quelques mois sa fille Sylvie a été engagée à son tour dans la même banque. C'est elle qui,
03:32quand pour une raison ou pour une autre son père est absent, le remplace et qui a donc en main les
03:36deux milliards quotidiens. De plus le fiancé de Sylvie est lui aussi employé de la banque. C'est
03:43là qu'ils ont fait connaissance. Bref, tout se passe dans la plus parfaite harmonie et il est
03:48évident que les fiançailles avec ce jeune garçon plein d'avenir qui sera peut-être lui aussi
03:52l'homme de confiance comme son futur beau-père ne peuvent que ravir tout le monde. La date du
03:58mariage est fixée pour le mois de juin 1955 et nous sommes en mars. Le jeune Henri, car c'est
04:05son prénom, est souvent reçu dans le pavillon des Martins. Il fait presque déjà partie de la
04:09famille. Pour lui, madame Martin prépare de bons petits plats. Quant au père, il parle travail.
04:14Henri écoute attentivement les conseils de son futur beau-père. Il n'y a aucun doute, il a
04:20toutes les qualités pour faire lui aussi une brillante carrière. Mais c'est alors qu'un jour
04:28d'avril, un jour de printemps, quelque chose se produit, quelque chose d'insignifiant en
04:34apparence. Un simple sourire. Si Jocelyne, la secrétaire de M. Martin, père, a souri à son
04:45directeur, c'est tout simplement qu'elle était de bonne humeur et ce n'est d'ailleurs pas la
04:49première fois. Mais jusque-là, Charles Martin n'avait jamais fait attention à sa secrétaire,
04:55si ce n'est pour le travail. Et voilà que brusquement, sans raison véritable, il se met à
05:01la regarder. Il découvre qu'elle est jeune, jolie, bien faite et qu'elle lui sourit. Il y aura
05:11d'autres sourires dans les jours et les semaines qui suivent. Cette fois, Charles Martin les remarque,
05:17puis les espère, puis les provoque. Cela lui apporte, comment dire, une impression de renouveau.
05:28Et insensiblement, sans qu'il s'en rende compte, Charles Martin se transforme. Il se met à devenir
05:39élégant, coquet. Lui qui n'avait jamais porté jusque-là que des costumes stricts et des
05:44cravates sombres. Voilà qu'il va chez les chemises et les taillères. Il achète des choses à la mode.
05:50Quoi de plus naturel quand on a 50 ans que de chercher à se rajeunir. Madame Martin en est
05:56ravie. Depuis le temps qu'elle essaye de traîner son mari chez le tailleur, qu'elle lui dit de faire
06:00un peu attention à sa présentation, de ne pas s'habiller comme un petit fonctionnaire, puisqu'il
06:05a les moyens. Voilà qu'il s'y met tout seul. C'est parfait. Et puis, il semble plus gai depuis
06:10quelques temps. Il chantonne, il plaisante. En un mot, il rajeunit. C'est charmant pour tout le monde.
06:16Au bureau, Charles Martin est encore plus gai, encore plus jeune, surtout avec Jocelyne. Ce sont
06:23des plaisanteries, des bons mots, sans vulgarité. Jocelyne trouve que ce monsieur important, l'homme
06:28de confiance du patron, est décidément très gentil avec elle et elle rit de bon coeur. En rentrant
06:34chez lui, M. Martin parle de son travail, ce qui n'a rien d'étonnant. Il parle toujours de son
06:39travail, mais depuis quelques temps, il parle surtout de sa secrétaire. Oh, une perle, une
06:44perfection. Elle a toutes les qualités. Il va la pousser. Elle mérite de faire une brillante carrière.
06:48Cela irrite un peu Mme Martin, mais après tout, ce n'est pas méchant d'apprécier sa secrétaire,
06:54même s'il en parle un peu trop. Pour le reste, Mme Martin est sûre d'elle. Charles est le plus fidèle
07:00des maris. Cela fait trente ans qu'elle le sait. Et puis, la petite a dix-neuf ans. Non, tout cela
07:05n'est pas sérieux. Tout cela ne va pas durer. Et pourtant, si, ça dure. Quelque chose de violent,
07:14d'imprévisible vient de frapper Charles Martin tout comme une maladie. Et d'ailleurs, n'est-ce pas
07:21un peu d'une maladie qu'il s'agit ? Une maladie mystérieuse qui atteint les hommes entre cinquante
07:26et soixante ans. Ceux principalement dont la vie privée a toujours été irréprochable. Une maladie
07:32qu'on appelle le démon de midi. Car cinquante ans, voyez-vous, c'est une période critique. Les enfants
07:39vont se marier, on va se retrouver seul, seul, avec l'autre, comme à vingt ans. Mais on n'a plus
07:44vingt ans, justement. L'amour et ses mystères, l'attrait du partenaire, l'envie de plaire, tout
07:50cela s'en est allé peu à peu, sans qu'on s'en aperçoive, en même temps que la jeunesse elle-même.
07:54Et brusquement, comme malgré soi, on fait le point. On dresse le bilan de ces trente années de vie
08:01commune, de ces trente années d'habitude, d'anniversaire, de fidélité quotidienne. Allons, il faut bien
08:09en prendre son parti. Il faut se préparer à vieillir tout doucement jusqu'à la fin. Et c'est alors que
08:16survient quelque chose d'inattendu, d'imprévisible, comme un miracle. Un sourire jeune, frais, pur, et qui
08:23vous est destiné. Et l'on s'examine d'une autre manière. Les cheveux gris sont peut-être séduisants,
08:30la calvitie naissante a peut-être un charme. Charmer, séduire, ce sont des mots dont on avait
08:37presque oublié le sens. C'est comme un souffle nouveau, irrésistible. C'est quelque chose qui
08:43vient de très loin, du plus profond de la nature, de l'instinct de vivre. Et dès ce moment c'est
08:48fini. On est prêt à tout, à se rendre ridicule, grotesque, à faire son malheur et celui des autres.
08:53Qu'importe, pourvu qu'on profite de la vie, une dernière fois, avec rage, avec désespoir.
09:02Jocelyne, si j'osais, je vous demanderais votre avis sur ma nouvelle cravate. Elle me plaît beaucoup,
09:12monsieur. J'aime bien ses couleurs vives et puis ça vous rajeunit. Voilà, ce sont des banalités,
09:21des puérilités de ce genre que Charles Martin échange désormais avec sa secrétaire. Mais
09:27pour lui ces banalités sont toutes neuves, elles sont merveilleuses. Il a 20 ans, même pas,
09:31il a 13 ans, il a l'impression de vivre son premier amour. Un amour de collégien, un amour fou, oui,
09:36fou. Il a oublié la raison, les habitudes, les contraintes, la respectabilité, la réalité. Il
09:41vit un rêve. En rentrant chez lui, monsieur Martin chantonne dans sa voiture. Oh non, il n'est plus le
09:47même, même sa façon de conduire a changé. Maintenant, il démarre le premier, il veut
09:51doubler tout le monde, il lui arrive même de brûler les feux rouges et de faire de petits
09:54signes moqueurs aux agents. Mais qu'importe, puisque Jocelyne a trouvé que sa cravate le
10:00rajeunissait. Demain, il s'en rachètera d'autres et puis une autre voiture, une voiture de sport. Il
10:06a les moyens après tout. Monsieur Martin chantonne en faisant des excès de vitesse. Jocelyne l'a
10:12trouvé rajeuni. A la maison aussi, les choses évoluent. Les réflexions, les confidences trop
10:20fréquentes sur Jocelyne, la coquetterie nouvelle de monsieur Martin, les dizaines de minutes qu'il
10:24passe devant sa glace et puis ses sourires sans raison apparente, ses longues rêveries béates
10:30qui surviennent à tout moment, même en plein milieu d'une conversation. Tout cela crée un
10:34climat de gêne et bientôt de malaise. Oh, ce n'est pourtant pas madame Martin qui s'en aperçoit la
10:40première. C'est sa fille. Peut-être madame Martin est-elle décidée à fermer les yeux,
10:45sentant obscurément qu'elle n'a rien d'autre à faire. Peut-être Sylvie est-elle plus jalouse que
10:52sa mère, plus exclusive vis-à-vis de son père. Elle, elle est jeune entière et elle ne veut pas
10:59le partager avec une fille de son âge. Mais il y a aussi une raison plus simple à l'attitude de
11:04Sylvie. Sylvie travaille à la banque avec son père. Elle le voit à chaque jour se donner en
11:08spectacle et jouer ce rôle ridicule avec Jocelyne. Elle a surpris des sourires, des réflexions des
11:14employés. Et puis il ne faut pas l'oublier, il y a Henri, son fiancé, qui lui aussi travaille à
11:18la banque. Si Henri se rendait compte de quelque chose, qu'est-ce qu'il dirait ? Sylvie se sent
11:23profondément blessée dans son amour pour son père et en plus elle a honte pour elle-même et pour son
11:29fiancé. Alors un soir ça éclate. Ils sont tous les trois, monsieur, madame Martin et leur fille.
11:35Sylvie a posé une question banale à son père mais comme il arrive fréquemment depuis plusieurs
11:39semaines, son père ne répond pas. Il est perdu dans son rêve avec son sourire intérieur.
11:44Papa, je t'ai posé une question. Oui, c'est vrai, excuse-moi Sylvie. Oh, ne t'excuses pas.
11:51Mes questions à moi, elles ne t'intéressent pas. Il n'y a que ce que dit Jocelyne qui t'intéresse.
11:58Oh, voyons Sylvie. Est-ce qu'elle t'a dit que ta nouvelle cravate t'aura jeunissée par hasard ?
12:02Elle est affreuse ta cravate. Tu t'habilles comme un petit jeune à ton âge. Tu es ridicule,
12:11papa. Cette fille te rend ridicule. J'ai honte de toi. Et Sylvie éclate en sanglots et quitte la
12:24pièce. À partir de ce moment, quelque chose s'est brisé dans la famille Martin. Les scènes
12:31succèdent aux scènes. Mme Martin s'englobe, Sylvie hurle et le fiancé qui est là parfois se fait
12:37aussi petit que possible. M. Martin, lui, s'enferme dans un silence buté, prend des airs de martyre.
12:43Mais vous ne comprenez rien à ce qui se passe entre nous. Personne ne peut comprendre. Jocelyne
12:49est une fille formidable. Non, ils ne peuvent rien comprendre. M. Martin se remet à sourire
12:56tandis que Sylvie se déchaîne. Tout ce qu'il y a entre eux est si pur, si innocent, si simple.
13:04Quand M. Martin plus tard revient à la maison avec une voiture de sport, Sylvie éclate. En
13:12présence de son fiancé Henri, elle menace son père d'aller trouver le patron de la banque et
13:17de lui dire sa façon de penser. M. Martin est devenu brusquement très pâle. Ah, c'est comme ça.
13:26Ah, c'est comme ça. Eh bien, on va voir. On va voir en effet. Et ce que va faire M. Martin est si calculé,
13:38si minutieux, si impitoyable, qu'on a peine à y croire.
13:46Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen. Le lendemain qui est un vendredi,
13:59M. Martin, après la dictée du courrier, s'approche de sa secrétaire. Il a l'air embarrassé. Écoutez
14:09Jocelyne, des amis qui ont une villa sur la côte d'Azur me l'ont laissée pour le week-end. Alors,
14:14je pensais que nous pourrions peut-être y aller ensemble. Oh, en tout bien tout honneur, cela va
14:20sans dire. Jocelyne ne réfléchit pas trop longtemps. Elle a confiance en M. Martin. D'ailleurs, à dix-neuf
14:27ans, elle n'a pas froid aux yeux et elle est sûre de pouvoir se défendre le cas échéant. Et puis,
14:31la perspective de quelques jours dans le luxe sur la côte d'Azur ne lui déplait pas. Au fond,
14:37elle l'aime bien, M. Martin, même s'il est un peu ridicule avec ses cravates de jeune homme.
14:41Et le vendredi soir, M. Martin et Jocelyne partent pour la côte d'Azur dans la belle voiture de sport
14:48toute neuve. Vous pensez sans doute que c'est cela la vengeance du père et de l'époux, drager et
14:53partir avec Jocelyne. Oh, non. C'est tellement plus extraordinaire, tellement plus machiavélique.
15:00Avant de s'en aller et de fermer soigneusement, comme chaque soir, son bureau à clé, M. Martin
15:06fait quelque chose d'inouï. Il a volé. Oui, lui qui avait chaque jour depuis près de vingt ans deux
15:14milliards d'anciens francs entre les mains, lui qui avait la confiance entière, aveugle du grand
15:18patron, il a volé. Il a volé exactement cent millions d'anciens francs. Mais pourquoi cette
15:25somme, alors qu'il aurait pu prendre beaucoup plus, un milliard ou même deux milliards ? Tout
15:32simplement parce que M. Martin a fait ses comptes. Il a évalué sa fortune. Ces cent millions
15:38représentent exactement la totalité de son avoir en comptant le pavillon et les actions diverses
15:45qu'il possède. Ces cent millions, il ne va pas les dépenser avec Jocelyne. Non, non, ce n'est
15:50pas un voleur, M. Martin. Il va les brûler. Oui, les brûler. Car ce qu'il veut, c'est qu'on l'arrête,
16:00qu'on l'oblige à rembourser. Et alors, il sera ruiné. Ou plutôt, sa famille sera ruinée. Sa femme,
16:09Sylvie, son futur gendre, n'auront plus un sou. Mais ce n'est pas tout. La vengeance de M. Martin
16:18est bien plus raffinée encore. Il a vu beaucoup plus loin. Le lendemain, c'est samedi, les bureaux
16:25de la banque travaillent. Et ce jour-là, c'est sa fille Sylvie qui le remplace à son poste. Demain,
16:30Sylvie, en ouvrant la caisse fermée à clé par lui, va découvrir le vol des cent millions. Et elle
16:37va se trouver devant un choix terrible, inhumain. Ou bien elle fait son devoir. Elle va dénoncer
16:45au patron un vol qui n'a pu être commis que par son père. Ou bien pour le protéger, elle ne
16:52dit rien. Et elle se rend elle-même complice du vol. Oui, voilà la vengeance de M. Martin. Il ruine
17:05sa famille, il la déshonore et il oblige sa fille, soit à dénoncer son père comme voleur, soit à
17:11devenir voleuse elle-même. Deux cents liasses de 10 billets de 500 francs partent donc en fumée,
17:19dans la cheminée d'une villa de la Côte d'Azur, tandis que Jocelyne est allée faire des courses.
17:23M. Martin est comme fou. Il les regarde brûler en riant. C'est bien fait ! C'est bien fait ! Ah, on a
17:33voulu l'empêcher de vivre sa vie. Eh bien, c'est raté. On n'a rien empêché du tout. Et lui, il les a
17:39tous ruinés. Ce week-end, c'est l'apogée de sa vie. Il a donné un sens à sa vie. Il ne vieillira
17:45pas comme un médiocre avec sa femme et ses pantoufles. Voilà ! C'est fini. Il n'y a plus
17:55que descendre. Tout est parti en flamme. Et puis après. Après, c'est le lendemain matin, la fièvre,
18:06l'ivresse sont tombées et M. Martin comprend l'étendue du désastre. Non, ce n'est pas un
18:11cauchemar. Brusquement, la raison lui revient et avec elle, toute la conscience de son acte. Il a
18:16tout détruit des années d'efforts de travail, toute une vie, tout ! Jocelyne, à ses côtés, dans le lit,
18:21le dégoûte. Il étouffe de rage, de désespoir. Il pense à sa femme, à sa fille qui est peut-être
18:26arrêtée comme voleuse. À toute allure, dans la voiture de sport, M. Martin revient chez lui. Jocelyne,
18:32à qui il n'a pas donné un mot d'explication, ne comprend pas. M. Martin n'ose pas rentrer à la
18:37maison. Il se précipite au commissariat. Vous devinez la stupeur des policiers quand il leur
18:42déclare « Je suis un misérable. J'ai volé 100 millions dans la banque où je travaille. Mais je n'ai
18:47pas fait ça pour voler. 100 millions, c'est tout ce que je possède. Il faut tout vendre. La banque
18:53sera remboursée. J'avais fait ça pour ruiner ma famille. » Enfin, ce qui surprend les policiers,
19:00c'est le mobile. Car pour le vol, ils sont au courant. Sylvie s'était résignée à prévenir le patron
19:07et à dénoncer son père. Devant le juge d'instruction se déroulent des confrontations dramatiques
19:14complètement effondrées. Charles Martin revoit son patron. Il implore son pardon en pleurant. Il jure
19:21qu'il pourra rembourser, que la totalité de ses biens représente la valeur de la somme volée.
19:24Devant sa femme et sa fille, ce sont des scènes plus dramatiques encore. Le malheureux se roule
19:29par terre, s'accroche à leurs pieds, hurle son remords et son impuissance à réparer le mal qu'il
19:34a fait. La femme et la fille pardonnent. Elles se jettent dans les bras de Charles et tous trois
19:40pleurent ensemble amèrement leur vie brisée. Le procès eut lieu sans tarder. On avait vendu tous
19:49les biens des Martins qui représentaient exactement la somme volée. Mais les jurés ne voulurent pas
19:55croire l'accusé sur ses mobiles. Charles Martin fut condamné au maximum de la peine, cinq ans de
20:01prison ferme. Et, comble d'ironie dans cette histoire qui a été totalement lamentable de
20:07bout en bout, Jocelyne produisit au tribunal un certificat attestant sa virginité. Quand il sortit
20:16de prison, Charles Martin retrouva sa femme qui vivait misérablement dans un petit studio d'un
20:22quartier pauvre. Pour subsister, elle faisait des ménages. Charles obtint un petit emploi de
20:28comptable dans lequel il n'y avait pas d'argent à manipuler. Sylvie et Henri, maintenant mariés,
20:34leur rendaient visite de temps en temps. La famille Martin s'était remise à vivre dans la misère en
20:42essayant de faire comme si rien ne s'était passé, comme si aucun démon n'avait frappé à sa porte.
20:49Il n'y avait hélas rien d'autre à faire.
20:58Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives
21:19d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio. Réalisation et composition musicale, Julien
21:25Tarot. Production, Raphaël Mariat. Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova,
21:32Antoine Reclus. Remerciements à Roselyne Belmar. Les récits extraordinaires sont disponibles sur
21:39le site et l'appli Europe 1. Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement
21:45sur votre plateforme d'écoute préférée.

Recommandations