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Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.


Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

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Transcription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Le lundi 7 septembre 1959, un fonctionnaire du commissariat central de Saint-Étienne dans la Loire téléphone à M. Jean-Louis Herrmann
00:24pour lui demander de venir reconnaître sa voiture volée l'avant-veille et que des gardiens de la paix ont retrouvé dans un quartier périphérique.
00:33M. Herrmann se présente. C'est bien ça, 403 en effet.
00:37Elle a été un peu malmenée. L'aile avant droite est cabossée, le pare-choc tordu.
00:42Bien plus, la malle arrière présente des marques d'effraction.
00:47M. Herrmann parvient à l'ouvrir. Les voleurs ont fait également main basse sur ce qu'elle contenait.
00:53Oh, pas grand-chose, une toile de tente, un vieux blouson de toile kaki et un couteau de scout.
01:00M. Herrmann signale les dégâts causés à son véhicule et les objets manquants, puis il rentre chez lui.
01:06Ah, elle n'est pas bien jolie, sa voiture.
01:08Ses emprunteurs l'ont laissée dans un triste état, carrosserie boueuse, coussin sali, tapis jonché de mégots, d'allumettes, de papier.
01:16Le soir même, M. Herrmann branche le tuyau d'arrosage de son jardin et se met à l'ouvrage.
01:22Il est méticuleux, M. Herrmann.
01:25En nettoyant l'intérieur de son coffre avec une balayette, deux larges taches brunes éveillent son attention.
01:34C'est tout de même bizarre, se dit-il. Qu'est-ce qu'ils ont bien pu transporter, ces gaillards-là ?
01:42Il est tellement intrigué, M. Herrmann, qu'il ferme le robinet du jardin, remet son veston et retourne au commissariat de police.
01:51Alors là, non seulement on l'écoute avec le plus grand intérêt, mais on le prie de laisser son véhicule à la disposition de l'Institut Médico-Légal pour un examen plus approfondi.
02:03Quelques jours plus tard, la réponse est formelle.
02:06Les taches découvertes dans la voiture de M. Herrmann ont été faites par du sang humain.
02:13Un être humain saigné dans ce coffre.
02:17Mais dans quel état se trouvait-il ? Mort ou vivant ?
02:32Les policiers d'une grande ville ne peuvent guère entreprendre une enquête pour chaque véhicule volé.
02:46Tout leur temps n'y suffirait pas.
02:48Mais quand on retrouve un tel véhicule, maculé de taches de sang, alors la machine policière se met en route.
02:57La première idée qui vient aux enquêteurs de Saint-Etienne, c'est d'aller rendre une visite aux habitués des vols de voitures.
03:04Ils consultent leurs fichiers et se répartissent la tâche.
03:08Les inspecteurs Reynaud et Coudère reçoivent leur petite liste et commencent leur tournée.
03:14Ils vont voir bien sûr de vieilles connaissances, des habitués en quelque sorte.
03:19Ils posent quelques questions prudentes, contrôlent les emplois du temps.
03:24Le 15 septembre, vers la fin de la matinée, ils se présentent chez Maurice Laforêt.
03:30Un drôle de type, Laforêt, un ancien CRS cassé pour indiscipline et qui s'est reconverti dans le banditisme minable.
03:40Il vit dans une chambre de bon exigu avec sa femme, une sorte de mégère, et quatre enfants, dont deux jeunes filles déjà délurées.
03:50Laforêt, qui approche de la cinquantaine, s'est acoquiné avec trois jeunes voyous.
03:55Il a ainsi l'impression d'être devenu chef de bande.
03:58C'est sans doute son goût pour l'autorité qui reparaît.
04:01Ses compagnons campent parfois dans le misérable taudis familial, lui donnant ainsi des allures de taniers.
04:09Quand les deux policiers frappent à la porte, c'est Yvonne, la femme de Laforêt, qui ouvre.
04:16Vieillie avant l'âge, alourdie par les grossesses successives, les privations, les mauvais traitements, elle est échevelée, à peine vêtue.
04:26« Mon mari n'est pas là », dit-elle.
04:28« Où est-il ? »
04:30« Je ne sais pas. Il a disparu depuis huit ou dix jours. »
04:35« Vous ne pouvez pas préciser ? »
04:38« Attendez, je crois que c'est le 5 qui n'est pas rentré. »
04:43« Et vous n'avez aucune idée de l'endroit où il peut se trouver ? »
04:46« Aucune. Je n'ai pas de nouvelles. »
04:49« Mais pourquoi vous cherchez après lui ? »
04:53« Une simple formalité, ne vous inquiétez pas. »
04:57Les deux inspecteurs sont restés sur la porte jusqu'ici.
05:01L'un d'eux écarte Yvonne Laforêt.
05:04« On peut jeter un coup d'œil chez vous ? »
05:06« Pourquoi mon ménage n'est pas fait ? » dit-elle.
05:09Pourtant, elle ne retient pas le bâton de la porte quand l'inspecteur Reynaud le pousse.
05:15En effet, Maurice Laforêt ne se trouve pas chez lui.
05:18En revanche, il s'y trouve quelqu'un que les deux policiers ne sont pas mécontents de rencontrer.
05:23C'est un des membres de la tribu.
05:26C'est même le lieutenant.
05:29Il s'appelle Pierre Taronni.
05:32Et il existe un mandat d'amenée contre lui.
05:36« Donne-nous ton arme, dit l'inspecteur Reynaud, et viens avec nous. »
05:39« Je ne suis pas armé ? » proteste Taronni.
05:42On trouve pourtant un pistolet dans sa veste qui est pendu contre le mur. On l'emmène.
05:47Un autre complice de Laforêt, Daniel Mottet, habite chez sa grand-mère, une vieille femme pauvre et souvent malade.
05:53Les policiers la trouvent très inquiète, au bord des larmes.
05:56Son petit-fils a disparu lui aussi depuis une semaine.
06:00« Il avait l'habitude de s'en aller comme ça, sans prévenir, demandent les inspecteurs ? »
06:04La vieille dame hésite.
06:07« Oh, plus ou moins. Il ne me disait pas toujours ce qu'il faisait.
06:12Mais il n'est jamais resté absent aussi longtemps. »
06:17Bien entendu, une idée vient tout de suite à l'esprit.
06:21Et si c'était Mottet le mort ?
06:25Celui dont le cadavre a laissé des traces de sang dans la voiture de M. Herman ?
06:31Parce que ce n'est pas un bandit ordinaire, Daniel Mottet.
06:33C'est un garçon intelligent qui aurait pu poursuivre de véritables études s'il avait eu un peu plus de courage et d'obstination.
06:39Mais qui s'est laissé glisser dans l'illégalité à moitié par goût de l'aventure, à moitié par paresse.
06:44Mais il a conservé une certaine curiosité pour les travaux intellectuels.
06:49Dans sa chambre, on trouve des livres, des revues scientifiques.
06:52D'ailleurs, les autres membres de la bande à Laforêt ne l'aiment pas beaucoup.
06:56Ils doivent sentir qu'il est d'une autre nature que la leur.
07:00Un soir, après un médiocre cambriolage, ils ont fait semblant de se disputer pour le partage du butin et ils lui ont flanqué une volée qui l'a laissé pratiquement inanimé.
07:10Les policiers se demandent si Daniel Mottet n'a pas été victime, et d'une manière définitive cette fois, d'une correction du même genre.
07:18Ils ont une troisième visite à faire puisque Laforêt compte un quatrième complice.
07:23C'est un autre triste individu.
07:27Marc Bordery s'est toujours plus ou moins livré, dans son adolescence, à de menus larcins.
07:33Il s'agirait beaucoup plus naturellement de chapardage que de véritable délit.
07:38Quand il épouse une jeune Stéphanoise en 1956, il promet de s'amender.
07:43Mais que valent les promesses d'un jeune Vaurien ?
07:45Trois ans plus tard, il a fait trois enfants à sa femme et il déserte l'armée pour rejoindre Francine, la fille aînée de Laforêt.
07:53C'est ainsi qu'il s'installe dans le taudis de la tribu, abandonnant, sans aucun geste de regret, une femme et trois enfants qui se débattent dans la plus extrême misère.
08:04Bordery a disparu lui aussi.
08:07C'est quand même curieux tous ces hommes qui disparaissent juste au moment où l'on a besoin d'eux.
08:13En fait, il ne faut pas très longtemps pour qu'on le retrouve.
08:16La tribu Laforêt est une bande de gagne-petits, de marginaux.
08:20Elle n'appartient pas aux gratins de la pègre.
08:22Ses membres ne peuvent pas bénéficier d'un vaste réseau de complicités et ils n'ont aucune chance de passer longtemps inaperçus.
08:29Le 16 septembre, la police de Rannes l'arrête dans un hôtel meublé où il se cachait.
08:35Comme il est toujours considéré comme déserteur, on le remet immédiatement entre les mains de l'autorité militaire.
08:42Le 18 septembre, les policiers retournent chez Laforêt.
08:46Cette fois, ils sont munis d'un mandat de perquisition en bonne et due forme.
08:50Leur idée, c'est que Daniel Motet a été assassiné peut-être accidentellement par ses complices
08:55et que Maurice Laforêt, auteur ou directement responsable du meurtre, s'est enfui pour échapper aux recherches.
09:02Le plus urgent, par conséquent, c'est de mettre la main sur lui.
09:05On trouvera certainement sa trace dans son logis ou en insistant auprès de sa femme.
09:11Yvonne Laforêt s'en tient pourtant à sa première version.
09:14Son mari n'est pas rentré depuis le 5 septembre.
09:18« Et son absence ne vous inquiète pas ? » demande l'inspecteur Reynaud.
09:22« M'inquiéter d'un pareil Vaurien qui me laisse sans un sou avec mes enfants ? »
09:27« Enfin, vous avez vos filles au moins qui vous aident. »
09:29« Mes filles ? Heureusement que je compte pas sur elles. »
09:32« Elles pensent qu'à couvert le guigdou, oh pour ça ! »
09:35« Elles ont l'œil vif et la jambe leste. »
09:37« Mais pour ramener un peu d'argent à la maison, c'est une autre histoire. »
09:41Tout en bavardant, les deux inspecteurs furettent dans le misérable taudis
09:45et soulèvent les paillasses, ouvrent les placards et cartent des vêtements.
09:49« Tiens, qu'est-ce que c'est que ce chiffon ? »
09:52« Roulé en boule sous une pile de linge sale. »
09:56« On déplait le chiffon ? »
10:00« C'est un blouson de toile de couleur kaki, d'allure militaire. »
10:05« Avec des taches brunates sur le devant et sur la manche droite. »
10:11« Madame Laforêt, vous pouvez nous dire d'où vient ce vêtement ? »
10:18« Ce vêtement ? C'est un blouson de mon mari, bien sûr, un vieux blouson. »
10:22« Qu'est-ce que vous allez chercher ? »
10:25« Et ces taches, là ? »
10:28« Sur la manche et près de la poche. »
10:30« Parce que je sais, moi ! »
10:32« Je vous répète que mon mari ne me racontait rien de ces affaires. »
10:36Yvonne Laforêt est conduite au commissariat central pour être plus longuement interrogée.
10:41On est maintenant certain qu'il existe un lien direct entre la voiture volée,
10:45la tribu Laforêt et un assassinat.
10:48Mais quel lien ?
10:50Les principaux acteurs du drame se sont envolés.
10:52Les deux qui restent ne paraissent pas disposés à parler.
10:55Il va falloir réfléchir et adopter une autre méthode.
11:06Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
11:10Pour arriver à comprendre l'atmosphère sinistre et les circonstances pitoyables de ce drame,
11:17il faut saisir la mentalité de ses protagonistes.
11:20Et la misère n'explique pas tout.
11:23Ceux qui se révoltent contre l'ordre et la morale,
11:26qui se mettent délibérément hors la loi pour se venger d'une société qui n'a pas voulu les admettre,
11:32cela tente de vivre finalement une grande aventure.
11:36Ils attaquent les banques et ventrent les coffres forts,
11:39pillent les maisons des riches, ce sont des fauves,
11:41mais de grands fauves, des lions, des tigres, des léopards.
11:45Ce n'est pas ça du tout la bande à Laforêt.
11:48Il s'agit là seulement de tristes voyous, sans cervelle.
11:53Leurs victimes préférées sont les retraités solitaires,
11:57les boutiquiers besogneux des quartiers pauvres,
12:00leur plus beau coup dans le genre « c'est au dépens d'un vieillard à demi aveugle qu'ils l'ont commis »,
12:06ils se sont mis à trois pour la sommer,
12:09ils ont apporté ces économies, l'équivalent de trois ou quatre cents francs d'aujourd'hui.
12:15Oh non, non, elles ne réunit pas de grands fauves l'équipe à Laforêt,
12:22tout juste de petits carnassiers,
12:25avec autant d'intelligence et de générosité que des hyènes ou des chacals.
12:30Oui, une tribu de chacals qui s'entassent à sept ou huit
12:34dans une misérable tanière, qui vivent de médiocres rapines
12:38et qui, de temps à autre, règlent leur compte entre eux,
12:41sans raison apparente, à coups de griffes, à coups de dents.
12:46Dans cette tribu, ce n'est pas Maurice Laforêt, le soi-disant chef,
12:50qui détient la véritable autorité, c'est Yvonne, sa femme.
12:54Je ne me suis pas attardé jusqu'ici sur cet étrange personnage,
12:57mais il faut vous en parler un peu maintenant.
13:00Yvonne est issue d'une famille modeste mais honorable.
13:03À 19 ans, elle a épousé Maurice sur un coup de tête.
13:05C'était pourtant déjà un raté, brutal, borné,
13:07incapable de gagner convenablement sa vie et familier des injures et des coups.
13:11Il a rapidement fait quatre enfants à sa femme,
13:14deux filles, Francine et Michel, qui ont 19 et 21 ans aujourd'hui,
13:17et deux garçons, qui en ont 12 et 15.
13:20En passant de la jeunesse à la maturité,
13:23Maurice ne s'est pas amélioré, bien au contraire.
13:25À ses défauts précédents, il a ajouté l'ivrognerie.
13:29À 46 ans, il a pratiquement atteint le dernier stade de l'éthylisme.
13:33C'est une loque.
13:35Son caractère n'a pas changé non plus.
13:37Il cogne plus souvent, mais moins fort.
13:39C'est toute la différence.
13:41Une telle existence ne pouvait qu'endurcir Yvonne,
13:45aigrir ses rares bons sentiments,
13:47exaspérer son manque de cœur, sa rapacité.
13:51On a beaucoup parlé de son penchant pour la débauche aussi,
13:54personnellement, je crois qu'on a beaucoup exagéré.
13:57C'est vrai que lorsque Pierre Taroni est devenu son amant,
14:00il avait 17 ans à peine.
14:02Mais ils vivaient tous les deux dans un milieu
14:04où l'on attache guère d'importance à la chasteté des garçons.
14:07Et il semble bien que pendant tout ce temps-là,
14:09elle lui est restée fidèle.
14:11Il est probable qu'elle trouvait auprès de ce jeune voyou
14:13une gentillesse, une tendresse même,
14:15que son ivrogne de mari lui refusait depuis longtemps.
14:19On ne sait pas très bien, en revanche,
14:21si Maurice Laforêt soupçonnait la liaison de sa femme et de son complice.
14:24Si l'on considère son caractère violent et borné,
14:27on a du mal à croire qu'il aurait supporté une telle situation.
14:31Mais d'autre part, on a autant de mal à imaginer
14:34que le maître de maison ignorait ce qui se passait
14:36sous son propre toit depuis plusieurs années.
14:39Bien entendu, les deux filles marchent sur les traces de leur mère.
14:42Elles ne semblent pas vraiment menayer leur charme,
14:44mais cela ne vaut guère mieux.
14:46L'aînée Francine vit plus ou moins en ménage
14:48avec Marc Bordery, la seconde, Michèle,
14:50après avoir quelque peu disputé Pierre Taroni à sa mère,
14:53fait le bonheur éphémère du premier venu.
14:55Restent les deux garçons, à peine sortis de l'enfance,
14:58et qui ont pris depuis longtemps l'habitude
15:00de défendre leur portion de haricots secs
15:02à coups de dents et de griffes.
15:04Mais aussi vivent, ou plutôt survivent,
15:06de rapines et de chapardages.
15:08On leur a préparé, dès leur premier jour,
15:10une existence bien difficile.
15:14Yvonne n'a rien dit aux policiers.
15:17Et ceux-ci n'ont pas insisté trop longtemps.
15:19Surtout, il arrive souvent que les femmes
15:21ne soient pas au courant des expéditions des hommes,
15:23surtout quand ces dernières se terminent mal.
15:26Mais quelqu'un doit savoir la vérité.
15:29On en est presque sûr, maintenant.
15:31C'est Pierre Taroni,
15:33le complice numéro un, le lieutenant du patron.
15:36Le commissaire Marqueuil rend visite aux prisonniers dans sa cellule.
15:39Oh, c'est juste une petite visite d'amitié, simplement,
15:43pour faire un peu mieux connaissance
15:45et pour préciser quelques détails obscurs.
15:48Effectivement, les deux hommes parlent de tout et de rien.
15:51Le commissaire donne des nouvelles de la tribu, d'Yvonne,
15:53et puis de Jacqueline, pour qui, c'est certain,
15:56Taroni a gardé quelques penchants.
15:59Enfin...
16:02Vous voyez, Taroni, j'avais bien compris
16:04comment vous pouviez vivre à sept ou huit dans ce trou,
16:06dit le commissaire.
16:08Taroni hausse les épaules.
16:10Au début, il faut s'y habituer, bien sûr.
16:12Après, on n'y fait plus attention.
16:15Tout de même, ça devait pas être drôle tous les jours.
16:19Pas tous les jours, non, reconnaît Taroni.
16:22Puis surtout avec la forêt, hein.
16:25Violents, brutales, autoritaires.
16:27Et puis ils posent toujours sous,
16:29disent n'importe quoi, capables de tout,
16:32dans un mouvement de colère.
16:34De tuer quelqu'un, même, je parie, hein ?
16:38Taroni ne répond pas.
16:41Le commissaire continue paisiblement.
16:43C'est comme Moté.
16:45Il avait son caractère, lui aussi, le petit Daniel.
16:48Ça devait pas marcher tous les jours, tout seul,
16:50entre le petit Daniel et le père la forêt.
16:52Moi, tu vois, j'ai comme une temps l'idée
16:54qu'il s'est passé quelque chose entre eux,
16:56quelque chose que personne ne soupçonne,
16:58et qu'il s'est mal terminé.
17:02Oui, dit soudain Pierre Taroni.
17:06Oui, ça s'est mal terminé pour Maurice.
17:11Mais c'est pas cette lavette de Daniel
17:13qui s'en est occupée, c'est moi.
17:15Qu'est-ce que tu dis ?
17:16Ben oui.
17:18C'est moi qui ai fait son affaire au vieux.
17:20Je vous le dis parce que je suis sûr
17:22qu'il y a quelqu'un qui vous cassera le morceau,
17:24alors autant que je m'en charge moi-même.
17:26Et pourquoi ?
17:28Vous vous êtes disputés ?
17:30Oh...
17:32Il y a longtemps que la vie était devenue insupportable avec lui.
17:35Tout le monde en avait par-dessus la tête
17:37de ses histoires, de ses hurlements, de ses crises.
17:40Il avait des colères folles.
17:42Quand il attrapait un gosse, il fallait lui enlever des mains,
17:44sinon il l'aurait semé.
17:46Avec ses filles c'était pareil, avec Yvonne aussi.
17:48Alors on a décidé qu'on allait en finir.
17:51Qui a décidé ?
17:53Taroni n'hésite pas une seconde.
17:55Ben, marquez-moi !
17:57Mais c'est moi qui l'ai descendu, n'accusez personne d'autre !
18:02La décision prise.
18:04Il n'a pas fallu attendre longtemps pour la mettre à exécution.
18:07Dans la nuit du 4 septembre, Pierre Taroni vole la voiture de M. Herman.
18:10Le lendemain soir, les deux jeunes gens annoncent à La Forêt
18:13qu'ils ont repéré, à une dizaine de kilomètres de la ville,
18:16sur la route de Rouen, dans un vaste chantier de construction,
18:19un entrepôt de géricanes.
18:21Certains sont pleins d'essence, d'autres sont vides,
18:23mais pourront toujours servir à entreposer
18:25le carburant soutiré des réservoirs des voitures volées.
18:28La Forêt donne son accord.
18:30Avec le sens de l'autorité qu'il caractérise,
18:32il décide même que l'on y va tout de suite.
18:35Yvonne aide l'expédition.
18:36C'est Taroni qui conduit.
18:38Il garde la 403 près du chantier de construction.
18:41Puis, les trois hommes se glissent entre les planches branlantes
18:44qui servent de palissades.
18:46C'est alors que Taroni fait feu à trois reprises.
18:49La Forêt tombe.
18:51Il a cessé de vivre.
18:53On le ramasse rapidement, on le glisse dans le coffre de la voiture
18:56et on l'emporte.
18:58On emporte des pelles par la même occasion,
19:00car on a prévu ce que l'on va faire du corps.
19:03On s'enterre rapidement dans un bois désert à vingt kilomètres de là
19:06et l'on recouvre à la tombe improvisée de branches et de feuilles mortes.
19:11À aucun moment, Yvonne n'est descendue de la voiture,
19:14mais elle n'a pas eu un geste ni un regard
19:17pour celui qui avait été son mari pendant plus de vingt ans.
19:23Quelques jours après les aveux de Pierre Taroni,
19:25on retrouve la trace de Daniel Mottet.
19:27Effectivement, le jeune homme s'était récemment brouillé
19:30avec ses anciens amis et son absence n'avait aucun rapport
19:33avec la mort de Maurice Laforêt.
19:35Cependant, la justice n'est pas mécontente de remettre la main sur lui
19:38qui a tout de même quelques comptes à lui rendre.
19:41Assez curieusement, dans une affaire aussi claire,
19:43l'instruction dure très longtemps.
19:45Ce n'est pas moins de trois ans plus tard, au mois d'octobre 1962,
19:48que le meurtrier et ses complices comparaissent devant la cour d'assises.
19:53Le jury se montre assez indulgent à l'égard de Pierre Taroni
19:56qui sauve sa tête, mais assez sévère pour Yvonne
19:59puisqu'ils sont tous deux condamnés à la réclusion perpétuelle.
20:03Borderie a quinze ans de prison,
20:05Daniel Mottet qui semble vivement regretter son expérience
20:08de petit truand a cinq ans.
20:12Francine et Michel, les deux filles d'Yvonne,
20:14sont venus témoigner avec réticence les dents serrées.
20:17Elles n'ont pas eu un seul regard pour leur mère.
20:20On dit qu'elles ont pu changer de vie et de milieu
20:23et que ces années de misère ne sont plus pour elles aujourd'hui
20:26qu'un mauvais souvenir, tant mieux.
20:28Elles font ainsi la preuve que l'on peut se libérer parfois
20:31de l'emprise de sa tribu.
20:34Il est vrai que l'on peut se demander avec une certaine tristesse
20:37comment elles s'en seraient délivrées
20:40si le drame n'avait pas éclaté.
20:44Aussi cruelle que cela puisse paraître,
20:47il est probable que ces deux jeunes femmes
20:49doivent leur liberté à un assassinat.
21:11Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
21:15Un podcast issu des archives d'Europe 1
21:18et produit par Europe 1 Studio.
21:20Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
21:24Production, Raphaël Mariat.
21:27Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
21:32Remerciements à Roselyne Bellemare.
21:35Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
21:40Écoutez aussi le prochain épisode
21:42en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.