• il y a 2 mois
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.


Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

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Transcription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
00:07Un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Oliver !
00:12Oh bonjour Oliver !
00:14Oh qu'il est mignon !
00:16Eh bien Oliver, dis bonjour à la dame !
00:18Bonjour madame.
00:20Quel âge as-tu Oliver ?
00:22Tu es un grand garçon maintenant, hein ?
00:24Eh bien réponds Oliver ! Tu sais dire ton âge quand même !
00:27Oui maman, douze ans.
00:29Oh mais c'est bien ça douze ans !
00:31Il est presque aussi grand que son frère !
00:33Et toi Corée, quel âge as-tu maintenant ?
00:36Eh bien Corée, la dame te parle !
00:38Réponds ! Dis ton âge à la dame !
00:40Treize ans madame.
00:42Qu'ils sont gentils !
00:44Oh vous en avez de la chance madame Wills !
00:46Deux beaux petits garçons comme ça !
00:48Et qu'est-ce qu'ils vont faire plus tard, hein ?
00:50Ils seront marins ! Comme leur papa, hein c'est ça !
00:52Gna gna gna gna gna gna !
00:54Pendant que maman et la dame bétifient sur leur bonne mine,
00:58leur sagesse, leur centimètre et leur avenir,
01:02Corée et Oliver Wills patientent.
01:05Gravement.
01:07L'école est finie et l'apprentissage les attend.
01:09Au début du siècle, on ne badine pas avec la rentabilité de deux petits garçons.
01:14Comme dit papa, à votre âge on est un homme,
01:17et un homme, ça ne coûte pas, ça rapporte !
01:20Il est marin papa.
01:22Enfin, pas tout à fait.
01:25Il est cuisinier sur un bateau.
01:27On ne le voit pas souvent.
01:29Pour l'instant, Corée et Oliver, tout beaux, tout propres,
01:33vont se présenter chez le boutiquier Griggs.
01:37M. Griggs vend du thé, des épices, du riz, des haricots, des noix, de l'huile,
01:41des tas de choses qui sentent bon.
01:43Il a besoin d'apprentis.
01:45Un pour grimper sur l'échelle qui glisse le long des rayons,
01:48un autre pour surveiller l'étalage.
01:50Oliver le plus petit grimpera sur l'échelle.
01:53Corée le plus grand surveillera l'étalage.
01:56Et s'ils ne font pas bien leur travail,
01:59Rufus le grand commis se chargera de leur bottes et les fesses avec sagacité.
02:04Eh bien, on est contents les enfants !
02:06On va travailler !
02:08On va rapporter de l'argent à sa maman, c'est bien ça, hein ?
02:27La scène que je viens de vous rapporter est bien entendu authentique.
02:32La dame anglaise qui bavardait avec la maman de Corée et Oliver
02:37est venue la raconter au juge d'instruction de Kennington à Londres
02:41en 1895, un jour de juillet.
02:44Alors pourquoi consigner dans un dossier extraordinaire
02:47une rencontre aussi futile, des propos aussi plats ?
02:51Une rencontre aussi futile, des propos aussi plats.
02:55Parce que la dame anglaise, Miss Petticord, était le dernier témoin.
03:01La dernière personne à avoir vu la victime vivante.
03:06Parce que ce dossier maigre, mince, si horrible et si simple
03:11rendait malade le juge d'instruction.
03:14Et qu'il allait rendre malade aussi le président du tribunal.
03:19Je vous préviens, l'histoire est courte.
03:21Tout s'est passé en quatre jours et en un seul lieu.
03:26Les personnages, vous les connaissez déjà.
03:28Nous n'y ajouterons qu'une vieille tante, Esther, à titre de témoin.
03:344 juillet 1895, 6 heures du soir.
03:39Le père, le marin cuisinier sur un bateau, a fait son sac le matin même à l'aube.
03:44Il a embrassé sa femme et ébouriffé les cheveux de ses deux fils comme d'habitude.
03:48Il a passé deux semaines en famille et disparaît pour six mois, peut-être un an.
03:54Manifestement, sa vie est ailleurs.
03:57Corey et Oliver, à 7 heures, ont rejoint la boutique de M. Griggs.
04:02Ils ont compté les sacs de noisettes, pesé les sachets de thé,
04:06déménagé des rayons entiers de boîtes de toutes les couleurs.
04:09Rien à dire sur cette journée.
04:11Corey et Oliver, par rapport à leurs apprentis confrères du même âge,
04:15sont plutôt privilégiés.
04:17Si on leur botte les fesses, on ne les bat pas jusqu'au sang.
04:20Et si on les paie une misère en pénis, du moins sont-ils nourris correctement.
04:24Ceci est loin d'être le cas pour des milliers d'enfants
04:28qui, en cette fin du XIXe siècle en Europe,
04:31représentent un tiers de la main-d'œuvre la plus mal considérée qui soit.
04:36Donc, Corey et Oliver, bien habillés, propres, convenablement nourris,
04:41bien élevés, dit-on, rentrent chez eux.
04:45Mettons immédiatement les choses au point.
04:48Ni l'un ni l'autre ne sont de mauvais garnements,
04:51ils ne volent pas, ils ne se battent pas,
04:54ils ne font de misère à personne,
04:56ils ne prononcent jamais de gros mots, bien au contraire.
04:59Ce sont des enfants qui s'expriment remarquablement bien pour leur âge
05:04étant donné l'éducation qu'ils ont reçue,
05:06éducation assez succincte, administrée à coups de baguettes
05:09et de formules religieuses par un pasteur bienveillant,
05:12mais relativement borné.
05:14La seule inquiétude qu'une mère attentive pourrait se faire à leur sujet,
05:20c'est justement qu'ils parlent trop bien, bien que très peu.
05:24Je vous en ai donné un exemple au début de ce dossier.
05:27Lorsqu'ils se trouvent en société,
05:28il faut littéralement leur arracher les réponses les plus simples
05:32et les obliger à respecter une politesse conformiste
05:35dont l'intérêt, semble-t-il, leur échappe totalement.
05:38Précisons également que Corey n'a aucun ascendant sur Oliver
05:43et Oliver aucune autorité sur Corey.
05:46Ils se considèrent d'égal à égal, sans prétention d'âge, de taille,
05:50de favoritisme ou de droit d'aînesse quelconque.
05:53Autrement dit, ils ne s'imposent rien l'un à l'autre
05:56et vivent apparemment dans une excellente harmonie.
05:59Physiquement d'ailleurs, ils se ressemblent assez curieusement.
06:02Il faut, pour les distinguer, faire attention à des nuances délicates.
06:06La même silhouette plutôt maigre, les mêmes épaules un peu étroites,
06:10les deux mêmes petites têtes d'oiseaux très aigus.
06:13C'est à peine si les yeux de Corey sont un peu plus noirs
06:16et un peu plus plissés que ceux de son frère.
06:19C'est à peine si le teint d'Oliver est un peu moins mat que celui de son frère.
06:23Ces petites nuances sont noyées dans la même expression du visage,
06:26une expression difficile à rendre avec des mots.
06:29Je dirais qu'ils sont à la fois attentifs, ironiques, muets, gênants, sages et intimidants.
06:36Que deux petits garçons de 12 et 13 ans arrivent à intimider les grandes personnes à ce point,
06:42c'est déjà extraordinaire.
06:45Mais c'est maintenant en 1977 que nous nous y attardons.
06:50En 1895, quelqu'un même de très attentif aurait simplement conclu
06:54« ils sont un peu bizarres ».
06:56Et encore.
07:00Rentrés chez eux, Corey et Oliver, sur l'injonction de leur mère,
07:04vont se laver les mains, changer de vêtements et aider à la cuisine.
07:10Considérons tout de même, car il faut être précis et honnête,
07:14que la vie de ces deux enfants n'est quand même pas des plus drôles.
07:19Prenez par exemple deux petits garçons bien de notre époque,
07:22blue jeans, pullover et basket de 12 ans et 13 ans, et essayez, premièrement,
07:26de les retirer de l'école, ça vous y arriverez sûrement,
07:30Deuxièmement, de les faire se lever à 6h du matin, ça c'est déjà plus dur.
07:34Troisièmement, de les envoyer travailler toute la journée chez un boutiquier grincheux,
07:38s'y faire nourrir de soupes aux haricots, botter les fesses
07:41et renvoyer chez eux à 6h du soir.
07:44Quatrièmement, accordez-leur 10 minutes de trajet
07:48et remettez-les immédiatement aux travaux domestiques.
07:52Et vous aurez droit à quoi aujourd'hui ?
07:54À une manif ?
07:56C'est apparté pour que vous compreniez que si Corey et Oliver, en 1895,
08:01sont considérés comme bien traités,
08:04le traitement en question n'est pas du tout adapté à la fragilité enfantine.
08:10La maison dans laquelle ils vivent est des plus simples,
08:13une grande pièce qui sert à la fois de cuisine, de salon, de salle à manger
08:16et deux chambres à coucher minuscules, une pour la mère, une pour les enfants.
08:21Là aussi, considérons que pour l'époque, des enfants qui disposent
08:24d'une chambre à part sont favorisés, car dans le milieu pauvre où ils évoluent,
08:29dans la plupart des cas, les familles entassent pêle-mêle, parents, frères, soeurs et grand-mères,
08:33s'il y en a dans un même périmètre.
08:37Corey met la table et Oliver, grimpé sur une chaise,
08:41se prépare à soulever la marmite de potage qui fume sur la vieille cuisinière enfante.
08:47La petite scène qui va suivre va vous paraître extrêmement alaudine.
08:52Elle est pourtant le point de départ ou le point d'arrivée,
08:56peut-être même le point de non-retour de ce dossier extraordinaire.
09:04Imaginez bien un petit garçon de 13 ans, Corey,
09:07qui dispose des assiettes sur une table de cuisine.
09:11Un autre petit garçon, debout, en équilibre sur une chaise,
09:15qui saisit à bras le corps une soupière.
09:21La mère est assise sur une chaise.
09:24Elle coupe du pain.
09:27Il va se passer quelque chose de ridicule et de très important.
09:33Gardez bien cette image figée dans votre esprit.
09:38Au moment où Oliver dépose avec précaution la soupière sur la table,
09:43le couvercle se déplace légèrement et une buée s'échappe du liquide brûlant.
09:49Intéressé par ce petit événement,
09:51Oliver se met à jouer avec le couvercle de la soupière.
09:55Il le soulève.
09:57Le rabaisse.
09:59Disons qu'il joue à la cheminée.
10:03« Oliver, arrête de faire ça ! »
10:06Oliver ne répond pas.
10:09Il continue son petit jeu.
10:13« Enfin, Oliver, tu m'entends ? Arrête ! Mais réponds ! »
10:17« Oui, maman. »
10:20Et Oliver continue son petit jeu.
10:24Son frère s'intéresse à la chose et, voulant jouer à son tour,
10:29fait basculer définitivement le couvercle de la soupière
10:33et l'affaillant s'écrase sur le sol.
10:38La mère se lève et une gifle s'abat presque aussitôt sur la joue de Corée.
10:44Voilà.
10:46Depuis la nuit des temps, ceci s'est déjà reproduit des milliards de fois
10:49dans toutes les familles du monde.
10:51Des milliards de gosses ont cassé des milliards de soupières
10:54au équivalent et reçu des milliards de gifles.
10:59Corée et Oliver ne pleurent pas.
11:02Ils ramassent les débris ballés sous le regard réprobateur de leur mère,
11:06mangent leur soupe, leur pain, leur fromage et vont se coucher.
11:13Une heure après eux, la mère fait de même.
11:16C'est une petite famille réprochable dont tout le monde a toujours dit du bien
11:21et qui élève très bien ses enfants.
11:23Malgré les absences prolongées de son mari,
11:25elle n'a jamais commis aucun écart de conduite
11:27et se consacre exclusivement à son travail de blanquisseuse et à son intérieur.
11:43Le lendemain matin, 5 juillet 1895,
11:47Corée et Oliver ne se lèvent pas à six heures du matin.
11:51Ils dorment jusqu'aux environs de dix heures
11:55et à dix heures surgit inopinément la tante Esther.
12:02« Vous êtes tout seul ?
12:04Où est maman ?
12:06Elle est allée à Liverpool, notre oncle est mort.
12:09Maman est partie pour l'héritage.
12:12Qu'est-ce que vous faites tout seul ?
12:15On joue aux cartes.
12:17Vous n'allez pas travailler ?
12:19Maman préfère qu'on reste à la maison pendant qu'elle n'est pas là. »
12:246 juillet, rien.
12:27Corée et Oliver ne sortent pas de la maison.
12:317 juillet, rien.
12:33Rien sauf une petite sortie.
12:36Corée est allée rendre visite à un petit voisin qui passe pour l'idiot du quartier
12:40et l'a invité à venir jouer avec eux à la maison.
12:43De son côté, Oliver est allé faire quelques courses.
12:488 juillet.
12:50Vers midi, nouvelle visite de la tante Esther.
12:55« Maman n'est pas revenue ?
12:57Non, pas encore.
12:59Et elle n'a pas écrit ?
13:02La tante Esther est pour le moins inquiète.
13:05Il n'y a jamais eu d'oncle à Liverpool.
13:09Il est possible que les enfants ne le sachent pas et que leur mère ait inventé ce prétexte.
13:13Mais la situation est si inhabituelle
13:17que la tante Esther décide de faire le tour de la maison histoire de vérifier.
13:23Première surprise, la chambre des enfants ressemble plus à une salle de cabaret qu'à une nurserie.
13:29Atmosphère enfumée,
13:31whisky sur la table,
13:33un tapis, des cartes, des jetons.
13:36Complètement sidérée et furieuse,
13:38la tante Esther jaillit dans la pièce principale
13:41avec la ferme intention de régler la question manu militari.
13:45Tout en se répandant en imprécations diverses et en courant derrière Corey et Oliver qui se dérobent,
13:49la tante Esther ouvre la porte de la chambre maternelle.
13:52Elle n'a que l'intention de vérifier s'il y règne le même désordre que dans l'autre pièce.
13:58Corey et Oliver se précipitent sur elle, referment la porte et s'y adossent.
14:02Menaçants.
14:04Fous le camp. T'as pas le droit d'entrer ici.
14:08Une courte lutte s'engage au cours de laquelle la vieille tante naguère le dessus
14:12et à bout d'arguments elle jette en l'air une phrase stupide dans l'intention de leur faire peur.
14:16Arrêtez tout de suite ou je vais chercher la police.
14:20La tante Esther n'avait bien évidemment pas l'intention d'aller chercher la police.
14:24Mais à ce moment les deux enfants abandonnent la lutte et s'enfuient au dehors en courant comme des lapins.
14:31Et là tout va très vite.
14:33La tante ouvre la porte, hurle et se précipite à la poursuite de ses petits-neveux
14:40qu'elle va d'ailleurs ramener sans peine car ils se sont tout bonnement installés à Califourchon sur le mur voisin.
14:47Leur mère est morte depuis plusieurs jours.
14:51Exactement dans la nuit du 5 au 6 juillet à 4 heures du matin.
14:58On lui a percé le cœur d'un coup de couteau.
15:02D'un seul et unique coup de couteau.
15:06La lame a traversé le thorax jusqu'à l'épine dorsale.
15:14Monsieur le juge d'instruction en est malade. Mettez-vous à sa place.
15:19Voilà qu'on traîne devant lui deux petits criminels d'un mètre cinquante,
15:23bien polis, bien propres, bien habillés,
15:26qui racontent calmement comment ils ont décidé la mise à mort de leur mère.
15:32Car ils l'ont décidé après mûre réflexion.
15:36Prenant la parole à tour de rôle, Corey et Oliver racontent.
15:41Oliver d'abord.
15:44Le jour du départ de papa pendant le dîner, maman a giflé Corey pour une pécadille.
15:51Il avait cassé le couvercle de la soupière maladroitement.
15:55Alors, nous sommes allés nous coucher, mais au lieu de dormir, on a tenu conseil.
16:02Il s'agissait de juger notre mère.
16:05Et la discussion a été longue.
16:08Enfin, on s'est mis d'accord sur une condamnation à mort.
16:15À Corey maintenant.
16:18Nous n'avions pas beaucoup de moyens à notre disposition pour l'exécution.
16:22Nous avons pensé que le plus simple était d'aller prendre un couteau dans la cuisine, le plus grand possible.
16:28Ensuite, nous nous avons attendu jusqu'à quatre heures du matin pour être sûr que maman dorme profondément.
16:34Comme nous n'avons pas beaucoup de force, nous avons fait la chose suivante.
16:39Nous sommes entrés dans la chambre de maman sur la pointe des pieds.
16:42Nous avons déboutonné très doucement sa chemise de nuit de façon à dégager l'endroit du coeur
16:47et nous avons pris tous les deux ensemble le couteau avec nos quatre mains de façon à pouvoir peser de toutes nos forces.
16:53Nous avons enfoncé la lame toute entière.
16:55Elle n'a fait qu'un petit mouvement et elle est morte tout de suite sans même se réveiller.
17:03Corey et Olivier racontent ensuite comment ils se sont recouchés.
17:06Ils ont dormi.
17:08Le lendemain, ils n'ont rien fait de spécial, joué aux cartes, reçu la visite de la tante Esther.
17:14Comment le surlendemain, ils ont pris les bijoux et l'argent et Olivier s'est chargé d'aller les engager chez un prêteur.
17:22Jusqu'à la nouvelle visite de la tante Esther, ils ont passé leur temps à jouer aux cartes, à boire du whisky.
17:27Ils ont même invité le petit voisin idiot pour leur tenir compagnie.
17:33Ce qui a frappé toutes les personnes qui les ont interrogées, c'est le calme et l'indifférence de ces deux enfants.
17:39Leur détachement incroyable devant la monstruosité de leurs gestes.
17:44Comment deux gamins de 12 et 13 ans ont-ils pu accomplir ce crime effarant ?
17:50D'une part tuer leur mère et d'autre part réussir à tuer leur mère car la précision de l'unique coup qu'ils lui ont porté est exceptionnelle.
17:57Oui, comment ont-ils pu faire cela s'ils ne sont pas fous, débiles ou arriérés ?
18:05Car ils ne le sont pas.
18:08Le président du tribunal s'en rendra compte.
18:11Il se posera même le problème de leur trouver un avocat.
18:15A cette époque, entreprendre la défense de deux assassins de cet âge n'était pas chose simple, surtout sur cette base.
18:23Question ? Pourquoi avez-vous fait ça ?
18:28Réponse ? Parce que maman a giflé Corée pour une pécadille.
18:33Que faire avec ça ? Quoi penser ? Comment défendre ? Comment juger ?
18:39La justice de l'époque s'est heurtée là à un problème qu'il a dépassé totalement et qui la dépasse toujours peut-être.
18:46Son seul refuge a consisté à demander l'examen médical des deux jeunes criminels.
18:51Lequel examen a posé au psychiatre de l'époque un problème qui le dépassait également ?
18:56Qu'a-t-il dit ? Il a dit responsable, il a dit intelligent, il a dit démoniaque.
19:02Un dernier mot qui ne veut pas dire grand-chose.
19:06Quelques années plus tard, en 1918, un dénommé Freud écrivait quelque part dans Totem et Tabou
19:12« La mort d'un parent procure une satisfaction d'un désir inconscient.
19:17Une pareille hostilité peut se dissimuler derrière un amour tendre
19:21et dans presque tous les cas c'est une fixation intense du sentiment sur une personne déterminée.
19:26C'est le prototype de l'ambivalence de l'affectivité. »
19:30Merci monsieur Freud.
19:32Plus récemment, on nous dit dans de gros livres que l'idée de la mort dans notre civilisation
19:37est l'idée que les enfants acquièrent le plus difficilement.
19:40Cela tient sans doute au fait que, proches des sources de la vie,
19:43ils ne peuvent concevoir la négation de cette vie.
19:46On considère également que, jusqu'à l'âge de 10 ans, un enfant n'imagine pas la mort comme irréversible
19:51et, dans la plupart des cas, ne l'imagine pas du tout.
19:56En 1895, tous ces gros livres n'existaient pas.
20:00Aurait-il existé que le jugement, la punition de Corée à l'hiver,
20:06n'en aurait pas été plus simple ?
20:09À l'âge de 13 et 12 ans, deux petits garçons anglais ont été condamnés à la détention à vie.
20:20Personne ne sait ce qu'ils sont devenus.
20:26L'histoire de Pierre Belmar
20:42Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar.
20:46Un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
20:51Réalisation et composition musicale, Julien Tharaud.
20:54Production, Raphaël Mariat.
20:57Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
21:02Remerciements à Roselyne Belmar.
21:05Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
21:10Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.