• il y a 3 jours
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.


Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

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Transcription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Aujourd'hui, nous allons mener l'enquête nous-mêmes.
00:14C'est un dossier qui nous permet difficilement de faire autrement, car de deux choses l'une.
00:20Ou il s'agit d'un mystère, ou il s'agit d'un crime parfait.
00:25On a dit que le crime parfait n'existait pas pour la simple raison qu'on ne pouvait en avoir connaissance.
00:31Autrement dit, le vrai crime parfait est un crime inconnu.
00:35Eh bien, vous allez voir qu'on peut tout deviner, remonter toutes les pistes, retrouver tous les témoins,
00:42arrêter un assassin, être convaincu qu'il a tué, donc découvrir un crime,
00:49et s'arrêter là pour cause de perfection.
00:53Impossible à prouver, impossible à juger.
00:57Impossible même d'utiliser le véritable nom de notre éventuel assassin, car il est peut-être encore en vie
01:04et bien capable de protester de son innocence comme il l'a toujours fait.
01:09À présent, retournons en 1934.
01:13Nous prenons le départ à Belgrade, en Yougoslavie, et le voyage sera long.
01:20La piste d'Ivan P va jusqu'en Amérique.
01:24Nous prenons le même bateau que le jeune inspecteur Joseph Zagibrovich.
01:30Je vous expliquerai de quoi il s'agit pendant le voyage. Nous avons le temps.
01:51Bien, feuilletons ensemble notre petit dossier de départ.
01:57Il s'agit de retrouver la trace d'un escroc, Ivan P, yougoslave de naissance,
02:03de lui mettre la main au collet et de le faire extrader pour être jugé dans son pays.
02:08Il a escroqué plusieurs femmes riches et il y a lieu de penser qu'il en a assassiné au moins une.
02:15Son procédé est classique. Il utilise le mariage et se débrouille ensuite selon les circonstances.
02:22Jusqu'à présent, aucune police n'a réussi à lui mettre la main dessus,
02:26mais on vient l'apprendre par le service d'immigration qu'il est entré aux États-Unis dans le courant de 1933.
02:33Donc, nous débarquons à New York et nous prenons contact avec nos collègues américains.
02:40Il se déclare prêt à collaborer étroitement, comme on dit, car l'individu recherché aurait épousé ces derniers temps une américaine
02:48juste avant de disparaître avec elle et sans en informer qui que ce soit à l'immigration.
02:53Or, tout le monde sait qu'épouser une américaine, c'est épouser l'Amérique.
02:58Nous avons donc l'Amérique avec nous pour démarrer l'enquête.
03:01Il suffira désormais de dire « Je recherche un yougoslave immigré qui a peut-être tué une américaine »
03:07et nous aurons tous les renseignements possibles.
03:10Premier point, qui est l'américaine en question ?
03:13Oh, ce n'est pas n'importe qui.
03:15Agnes Tuferson, 43 ans, avocat, jolie femme, intelligente, riche et honorablement connue à New York.
03:24Est-il possible qu'une femme comme elle se soit laissée prendre au piège d'un escroc ?
03:29Oui, si l'escroc est un remarquable escroc et c'est le cas.
03:35Yvan est un homme exceptionnellement doué.
03:39Du charme, de la finesse, de la culture et une longue expérience des femmes.
03:45Le genre d'homme qui ne vieillit pas ou presque, sans âge, pouvant avouer 30 ans comme 40.
03:52Voyons tout d'abord les relations d'Agnes Tuferson et ce qu'elles peuvent savoir.
03:58Pas grand-chose, malheureusement.
04:01Résumé par un avocat de ses amis, voici le compte rendu des derniers mois vécus au grand jour par Agnes.
04:08Elle a connu ce garçon, un yougoslave, je crois, en Europe, sur la côte d'Azur, pendant ses vacances.
04:13Elle n'en a parlé que très vaguement.
04:15Agnes est assez solitaire, enfermée.
04:18Elle ne raconte pas sa vie au premier venu.
04:21Elle a simplement dit qu'il était officier retraité, fortune personnelle et qu'il exploitait quelques brevets.
04:27Quand elle est rentrée à New York, elle a été transformée, rajeunie.
04:30C'était un plaisir de la voir se préparer au mariage.
04:33Malheureusement, je l'ai très peu vue quand le fiancé est arrivé.
04:36Il ne se quittait plus et elle semblait tellement heureuse.
04:40Je n'ai aperçu l'homme que deux ou trois fois, beaucoup d'allure et il semblait très amoureux.
04:47Jusqu'ici, scénario classique est parfaitement mené par Yvan.
04:52Le mariage a lieu dans la plus parfaite discrétion le 4 décembre 1934.
04:56Le pasteur de Manhattan s'en souvient vaguement.
04:59J'ai officié, c'est exact, pour le mariage d'un Yougoslave.
05:03Il me semble que les témoins ne connaissaient pas vraiment les époux.
05:06Ils étaient là en tant que membres de ma paroisse, c'est tout.
05:09Un mariage tout simple, vous savez.
05:11Ils sont repartis en voiture et je ne les ai plus revus.
05:15Parfait tout ça.
05:17Piste bien brouillée.
05:20Voyons du côté de la famille d'Agnès.
05:23Inquiétude de ce côté-là.
05:25Plus de nouvelles d'Agnès depuis son départ en voyage de noces.
05:28Le soir même du mariage, Agnès téléphone à papa et maman.
05:32Oh, je suis si heureuse.
05:34Je n'ai pas eu le temps de vous prévenir, tout a été si rapide.
05:36Ce matin, je ne savais même pas que j'allais me marier.
05:39C'est l'homme le plus merveilleux du monde.
05:42Même coup de téléphone à une sœur qui habite Montréal.
05:45Quelques temps plus tard, c'est le mari lui-même qui appelle les parents.
05:50Agnès et lui se passent l'appareil à tour de rôle, complétant les informations.
05:55Yvan.
05:56Nous partons en Angleterre pour une lune de miel aussi longue que possible.
06:00J'emmène Agnès dans ma propriété en Allemagne et nous ferons un saut jusqu'en Yougoslavie.
06:04Je veux qu'elle connaisse mon pays.
06:06Agnès.
06:07Maman, je pars pour au moins six mois.
06:10J'ai des foules de choses à faire.
06:11Le bateau part le 20 décembre.
06:13Je vous verrai à mon retour.
06:15Yvan est un mari merveilleux.
06:18Mis à part ces deux coups de téléphone entre le 4 décembre et le 20 décembre, que fait Agnès ?
06:24C'est Flora, sa domestique, qui aide à reconstituer la piste.
06:30Elle retire 25 000 $ de son compte bancaire en prévision du voyage.
06:35À la banque, elle dit simplement que cette somme est destinée aux frais du voyage.
06:395 000 $ sont expédiés à Londres, les 20 000 autres placés sur un compte commun.
06:46Elle se rend avant le départ le 17 ou le 18 décembre sur le paquebot allemand Hambourg.
06:52Une cabine y est retenue à son nom, à son nom à elle.
06:57Elle y laisse quelques colis en prévision du départ.
07:01D'après la domestique, il semblerait que pour justifier cette unique réservation,
07:05le mari ait déclaré qu'il partirait deux jours plus tard après avoir réglé quelques affaires.
07:11Le mari, le beau, le mystérieux Yvan, fait lui aussi ses préparatifs,
07:15pistes reconstituées grâce à la domestique.
07:18Un magasin de la 3e avenue lui vend une malle, une très grande malle,
07:23une énorme malle, destinée à contenir toutes ses affaires.
07:27M. Yvan n'aime pas les valises.
07:29On livre la malle et on l'entrepose à la cave, dans l'immeuble où habitent Agnès et son mari.
07:35Deux semaines pour retrouver le vendeur de cette malle qui n'a rien d'autre à déclarer, bien sûr.
07:40Le soir même, Yvan pénètre dans un drugstore, 2e avenue.
07:44Trois semaines pour retrouver le propriétaire du drugstore.
07:47Yvan et lui discutent de la situation en Europe et parlent d'Hitler.
07:51Yvan pense qu'Hitler ne restera pas longtemps à la tête de l'Allemagne.
07:55Puis, il achète pour 10 dollars de lames de rasoir, de crème à raser, de somnifère.
08:00Pour le voyage, dit-il, je dors mal en bateau.
08:03Selon la loi new-yorkaise, il signe le registre du drugstore pour l'achat du somnifère.
08:09Enfin, une chose intéressante.
08:12Rentré tard le soir, il retrouve Agnès et la domestique faisant les bagages.
08:16Et un quart d'heure après, on frappe à la porte.
08:19C'est le propriétaire du drugstore.
08:22Excusez-moi, je suis le propriétaire du drugstore.
08:25Vous savez, vous m'avez acheté des somnifères tout à l'heure.
08:28Yvan tient la porte entrebâillé et l'air furieux.
08:30Et alors, qu'est-ce que vous voulez ?
08:31Eh bien, vous m'avez donné un billet de 20 dollars et je vous ai rendu 2 dollars de trop.
08:35Vous voulez vérifier, s'il vous plaît ?
08:37Furieux, Yvan tend l'argent et claque la porte.
08:40Petit grain de sable.
08:43Vite avalé, si c'est le cas.
08:45Grand sourire d'Yvan à l'intention de la domestique.
08:47Mon petit, vous avez travaillé tard pour les un jours de vacances.
08:50Demain, je me charge de tout.
08:55Et voilà.
08:57Le lendemain, on ne voit pas Agnès.
08:59On voit tout juste Yvan transportant sa malle dans l'ascenseur,
09:02la déposant à bord du paquebot olympique.
09:05On l'entend seulement déclarer sur le bateau,
09:07« Ma femme est déjà partie, je la rejoins en Angleterre. »
09:10Et à la domestique revenue,
09:12« Madame est à Philadelphia, je pars dans 4 jours,
09:15elle me rejoindra en Angleterre. »
09:19Il assiste lui-même au transbordement du reste de ses bagages,
09:22surveille l'embarquement,
09:24paraît désagréable au personnel de transport,
09:27évoque la galette.
09:30Fin de notre petit voyage en Amérique.
09:33La piste se perd en mer sur le paquebot.
09:47Jusqu'à présent, dans toute cette histoire,
09:49nous avons fait exactement le même chemin et le même travail
09:52que l'inspecteur de police Joseph Zagiebrovic,
09:55parti de Yougoslavie jusqu'en Amérique,
09:57nous revoilà sur un bateau en partance pour l'Angleterre,
10:00avec quoi ?
10:01Eh bien, avec la conviction intime et ferme
10:04que l'homme recherché, Yvan,
10:06a bel et bien supprimé sa dernière femme, Agnès.
10:10Le jour du départ,
10:12Yvan fait déposer une partie de ses bagages en cale
10:14et garde avec lui la grande malle.
10:18Alors tranquille, comme Baptiste, vous vous dites,
10:20ça y est, le coup de la malle,
10:22simple comme bonjour,
10:24mettons-nous la place d'Yvan, hein ?
10:26Premièrement, il endort Agnès avec les sommes mifées rachetées au drugstore.
10:29Deuxièmement, il la tue pendant son sommeil.
10:31Troisièmement, il la dissimule dans la malle.
10:33Et quatrièmement, une fois sur le bateau,
10:35il fait passer le corps par un hublot.
10:38Oui, un steward qui a fait la traversée
10:41se souvient très bien de lui.
10:43Oh, il est resté enfermé dans sa cabine
10:45pendant les six jours de la traversée.
10:47Je l'ai trouvé agréable.
10:49Il parlait beaucoup et plaisantait souvent.
10:51Il m'a raconté des histoires de paysans serbes.
10:54Il avait le mal du pays.
10:56Une fois, il m'a dit,
10:58« Mon garçon, l'Amérique est un pays trop grand
11:00où chacun ne pense qu'à gagner de l'argent.
11:03La vie y est une lutte permanente.
11:05Ça ne me convient pas. »
11:08Ah oui, une question nous brûle les lèvres.
11:11Le steward a-t-il vu la malle ?
11:13Et l'a-t-il vue ouverte ?
11:17Il l'a vue...
11:19ouverte.
11:21Et alors ?
11:23Alors rien.
11:25Il va en sortir tout simplement une cravate.
11:29Eh oui.
11:31Voilà notre belle théorie par terre.
11:33D'ailleurs, quelques semaines après son départ fictif ou non,
11:36Agnès Tuferson envoyait de Londres un câble à sa sœur.
11:40« Le climat d'ici ne me convient pas.
11:43Partons pour les Indes »,
11:45écrirait plus tard Agnès.
11:47Ah, un câble ne prouve rien, bien entendu.
11:50Mais c'est la seule manifestation d'Agnès depuis son départ,
11:53la seule et la dernière.
11:56« À Londres, pas d'Yvan, lorsque nous y arrivons.
11:59À Paris, malgré un mandat, aucun indice.
12:02À Vienne, une surprise. Il est là.
12:05Il ne se cache pas, il vit avec sa femme au grand jour,
12:08menant joyeuse vie.
12:10Ah, ce n'est pas Agnès, c'est Marguerite,
12:13son épouse légitime depuis cinq ans, une Française.
12:16Mais c'est bien Yvan, c'est bien lui.
12:19Agnès Tuferson, dites-vous.
12:21Mais je la connais, une femme charmante.
12:24J'ai placé un peu d'argent pour elle à Londres.
12:26Comment va-t-elle ?
12:28Pour nous qui courons après lui depuis des semaines,
12:31pour nous qui le tenons pour un assassin,
12:33c'est un peu fort.
12:35Dites donc, cette Agnès Tuferson,
12:37vous ne l'auriez pas un peu épousée
12:39il y a quelque temps à New York ?
12:41Moi ?
12:42Épouser Agnès ? Mais ridicule.
12:45Nous avons passé quelques jours ensemble à Londres,
12:47je l'ai revue à Paris et elle partait pour les Indes.
12:51J'ai ici le témoignage d'un pasteur
12:53qui dit vous avoir mariée.
12:55Ah ben ça, c'est amusant.
12:57Oh, vous savez comment sont les Américains.
13:00La hantise du mariage, l'idée fixe.
13:02Impossible de les inviter pour un week-end
13:04sans penser devant le pasteur.
13:06J'imagine qu'elle a inventé cela pour sa réputation.
13:09Mais vous voulez quoi, au juste ?
13:11Ce que nous voulons.
13:13Ce que veut la police de Belgrade,
13:15c'est le faire extrader.
13:17Le faire extrader, moi ?
13:19Ah, c'est une manœuvre politique.
13:21Mais je suis ici un réfugié.
13:24Je refuse le régime yougoslave.
13:26J'ai obtenu le droit d'asile en Autriche.
13:28Vous ne m'aurez pas.
13:30Yvan est sûr de lui en Autriche.
13:32Il n'y a commis aucun délit.
13:34Et s'il a réellement demandé l'asile politique,
13:37une procédure d'extradition
13:39prendra des mois, des années peut-être.
13:41Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de preuves,
13:43plus de témoignages possibles.
13:45D'ailleurs, légalement,
13:47où sont les preuves de la mort d'Agnès ?
13:49Nulle part.
13:50Il n'y a que le mariage et le pasteur.
13:52Mais l'abigami n'est pas un assassinat.
13:55C'est pourtant un crime aux États-Unis.
13:57Et le seul moyen de récupérer Yvan,
13:59c'est de faire pression sur les Américains.
14:02Une petite combine juridique à trouver.
14:05Et on la trouve.
14:07Yvan est entré aux États-Unis célibataire.
14:10Il la jurait sous serment
14:12à la commission d'immigration.
14:14Or, il était déjà marié.
14:16Donc, il y a par jure.
14:18Cette petite combine juridique
14:20prendra tout de même un an
14:22avant de permettre un procès pour Bigamy
14:24le 14 février 1935 à New York.
14:27Et que croyez-vous qu'il se passe ?
14:30Souriant, détendu, aimable,
14:33Yvan P. affronte le public américain.
14:36Il a en face de lui les parents d'Agnès Jefferson,
14:39toute la famille d'Agnès Jefferson,
14:41toutes les relations d'Agnès Jefferson.
14:44Autant dire qu'il a en face de lui
14:46une partie de la haute société new-yorkaise,
14:48des gens à qui, en principe,
14:50on ne raconte pas d'histoire,
14:52car ils sont pour la plupart avocats,
14:54conseillers juridiques, etc.
14:56Tout cet arsenal n'intimide pas Yvan.
14:59Et il attaque immédiatement
15:01par une déclaration qui fait sensation,
15:04étant donné qu'il avait toujours nié jusque-là.
15:08« Je reconnais avoir épousé, le 4 décembre 1934,
15:13devant M. le pasteur ici présent,
15:16la femme dont vous parlez.
15:19Je reconnais même que je me suis très, très mal conduit avec elle.
15:23Et je m'explique.
15:26D'habitude, les femmes ne me résistent pas.
15:29Agnès m'a résisté en ce sens
15:32qu'elle ne voulait me céder qu'après le mariage.
15:36Alors je me suis piqué au jeu.
15:39Je lui ai laissé croire que j'étais amoureux d'elle
15:42et je l'ai épousée uniquement pour gagner le pari
15:45que j'avais engagé avec moi-même.
15:48Je dois reconnaître que j'ai été fort déçu.
15:51Les femmes américaines ont une haute estime d'elles-mêmes
15:54et elles promettent beaucoup plus qu'elles ne tiennent en réalité.
15:58Je comprends l'ennui conjugal
16:00qui étreint rapidement la plupart des maris américains.
16:03Même si j'avais été réellement amoureux d'Agnès,
16:06mon amour n'aurait pas résisté plus d'une semaine.
16:09Comment peut-on être amoureux éternellement
16:12d'un visage couvert de crème surmonté de bigoudis ?
16:15Comment peut-on aimer une jouvencelle de 40 ans
16:18qui fait la prude jusque sur l'oreiller ?
16:21Bien évidemment, ce langage est fait pour choquer le tribunal.
16:24Très habilement, Yvan détourne l'attention.
16:27Il préfère qu'on l'accuse de rustre plutôt que d'assassin.
16:30Yvan a accusé quelques semaines avec Agnès
16:32jusqu'au jour du départ en voyage de noces.
16:34C'est ce jour-là qu'il lui a tout révélé,
16:37son précédent mariage, le pari qu'il s'était fait, etc.
16:40Toujours d'après lui, la pauvre Agnès, humiliée, mortifiée,
16:43n'osant pas révéler son échec à sa famille ou à son entourage,
16:46a décidé de partir de son côté.
16:49Et l'argument est habile,
16:51car un témoin que notre policier yougoslave
16:54avait réussi à retrouver va tout à coup
16:57se retrouver du côté d'Yvan et non contre lui.
17:00Ce témoin, c'est tout simplement un bagagiste qui accompagnait Agnès
17:03le jour où elle a déposé ses affaires sur le bateau qu'elle devait prendre.
17:07Ce témoin a vu Agnès sur le quai se disputer avec quelqu'un.
17:11Quelqu'un qui pourrait très bien ressembler à Yvan.
17:14Cette dispute avait tout à fait l'air d'une séparation.
17:18Ce qui fait que le témoin qui, à l'origine,
17:21était un témoin à charge en faveur de la thèse du crime,
17:24se retrouve témoin à décharge en faveur d'Yvan.
17:28Tous les espoirs de la police et de la famille d'Agnès s'effondrent d'un coup.
17:32Ce procès pour Bigamy restera un procès pour Bigamy.
17:36Yvan sera condamné pour Bigamy.
17:39Rien ne pourra jamais prouver le meurtre.
17:42Et pourtant, il a bien tué Agnès, c'est évident.
17:46Il l'a tuée pour quelques milliers de dollars.
17:49Mais ces dollars non plus ne sont pas une preuve,
17:52c'est Agnès elle-même qui les a retirés.
17:55Oui, mais alors, comment s'y est-il pris ?
17:58Pour tenter de le savoir, il nous faut abandonner les choses évidentes,
18:01la malle, les réservations de voyage sur des bateaux séparés,
18:04tout ce qui pourrait faire croire au crime classique.
18:08Nous n'allons garder que les sommifères achetés par Yvan.
18:11Oh, il ne les a pas achetés pour lui, il n'est pas homme à en avoir besoin.
18:15Nous garderons aussi le stock de lames de rasoir achetées en même temps.
18:20En rentrant chez lui ce soir-là, Yvan donne congé à la bonne pour le lendemain.
18:25Souvenez-vous bien.
18:27Il endort sa femme avec le sommifère, il la tue d'une manière que nous ne connaissons pas.
18:32Il passe la nuit avec elle dans l'appartement.
18:35Le lendemain, on le voit monter la grande malle de la cave.
18:40C'est bien pour transporter le corps d'Agnès, mais pour un voyage très court,
18:44dans l'ascenseur du cinquième étage au sous-sol, tout simplement.
18:47Là, il découpe le corps au rasoir et le jette dans l'incinérateur.
18:52Il y a des incinérateurs dans tous les sous-sols new-yorkais.
18:56Et voilà.
18:58Tout le reste ne sert qu'à brouiller les pistes.
19:01La malle ne sert ensuite qu'à transporter ses vêtements.
19:04Les mois passent.
19:06Plus aucune trace de cette disparition n'est perceptible.
19:09Ni trace de sang, ni empreinte digitale, ni quoi que ce soit.
19:12Voilà le crime parfait.
19:17Au pénitencier d'Aubrun, Yvan va passer 19 mois de détention.
19:22Il s'entend parfaitement bien avec tous les prisonniers, sauf avec un.
19:26Une bagarre éclate et le bel et séduisant Yvan y perd un œil et huit dents.
19:32Pour des multitudes d'escroqueries et un crime certain, c'est peu de choses.
19:37Il sort de prison en février 1940.
19:40Il achète un monocle et quitte les États-Unis.
19:45La police internationale, qui le surveillait toujours dans l'espoir de découvrir quelque chose,
19:50a perdu sa trace dans la fièvre de la Deuxième Guerre mondiale.
19:54À cette époque, monocle sur l'œil, il était au service de qui, je vous le demande ?
20:00De qui, hein ? De qui ?
20:03Des nazis, bien sûr.
20:06Je vais vous dire une bonne chose.
20:09Avec la chance qu'il a, il s'en est sorti.
20:13Et il est où aujourd'hui ?
20:16Je parierai pour l'Amérique du Sud.
20:20La retraite des criminels de son envergure y est, dit-on, tout à fait confortable.
20:44Vous venez d'écouter Les Récits Extraordinaires de Pierre Bellemare.
20:48Un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
20:53Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
20:57Production, Raphaël Mariat.
21:00Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
21:05Remerciements à Roselyne Bellemare.
21:08Les Récits Extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
21:12Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.

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