• il y a 5 mois
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.

En 1707, Clémence fait la rencontre du capitaine Georges de Garand. À seulement 16 ans, la fille unique du président du parlement vit le grand amour pour la toute première fois. Mais avant même que les deux amants soient officiellement unis, Georges est envoyé en mission pour les Indes. Pendant deux ans, Clémence attend le retour de son futur mari, en vain. Elle doit se faire à l’idée, Georges ne reviendra pas. Sous les conseils de son père, la jeune femme se marie alors à un bon parti, M. Bouissieu.

Le 14 octobre 1711, le capitaine Georges de Garand rentre, comme par miracle, de son terrible périple. Une seule idée règne dans la tête de l’homme meurtrie : retrouver sa tendre Clémence. Mais les obsèques de la jeune épouse, désormais mère, ont eu lieu il y a quelques heures. Georges ne peut l’envisager. Il ordonne au fossoyeur de sortir immédiatement le cercueil de terre !

Là, dans la bière au linceul blanc, le corps de Clémence semble comme endormi. Le capitaine Georges pose ses lèvres sur le cadavre froid. Le corps reprend vie…

Pierre Bellemare raconte cette extraordinaire histoire publiée dans la Gazette des tribunaux dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.


Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

Category

🗞
News
Transcription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11Chers amis, c'est véritablement un dossier extraordinaire que nous allons ouvrir devant vous.
00:16Tellement extraordinaire même que, si je ne vous précisez pas qu'il est consigné dans la gazette des tribunaux,
00:25vous pourriez peut-être m'accuser de fabulation.
00:30Écoutez plutôt.
00:50En 1707, Clémence de La Faye est une adorable jeune fille de 16 ans.
00:57Fille unique d'un président au Parlement de Paris, elle est assez riche pour être épousée sans beauté et assez jolie pour être épousée sans dot.
01:05Oui, ça commence comme un conte de fées, vous allez voir.
01:09Monsieur de La Faye, homme intègre, courtois, affable, libéral, a depuis son veuvage reporté sur Clémence toutes ses soins et toute son affection.
01:21Elle en abuse un peu Clémence.
01:23Elle a bien quelques caprices d'enfant gâté mais qui pourrait résister, je vous le demande, à tant de grâces exquises et d'élégance naturelle.
01:31Pas son père en tout cas.
01:33Et pas non plus le beau capitaine Georges de Garon.
01:37À cette époque et dans ce milieu de notables Toulousains, on se rencontre à l'église ou dans les réceptions officielles.
01:44Les premières œillades enflammées entre Clémence et Georges de Garon ont apparemment la bénédiction du Seigneur.
01:50Monsieur de La Faye voyage beaucoup, Clémence suit son père comme son ombre et le beau capitaine obtient de changer de régiment pour suivre Clémence chaque fois qu'elle se déplace.
02:01Visiblement leur amour est partagé et quand Madame de Garon, mère, veuve d'un lieutenant général des armées du roi, vient demander pour son fils la main de Clémence,
02:10Monsieur de La Faye applaudit à ce mariage qui comble tout à la fois le cœur de sa fille et ses désirs de respectabilité sociale.
02:19Tout le monde est heureux.
02:21On discute de la date des fiançages.
02:26Mais le dieu des armées n'agit pas toujours en parfaite concertation avec Cupidon.
02:35Ce matin-là, le capitaine Georges de Garon est convoqué chez son colonel.
02:39Capitaine, vous avez trois jours pour rejoindre votre régiment. Vous partez pour les Indes, sur les navires de l'escadre commandés par l'amiral Comte de Forbin.
02:49Je vous laisse imaginer l'émotion du beau capitaine.
02:53Fou de chagrin, il se précipite à l'hôtel de La Faye.
02:57Je vous en prie, Monsieur le Président, je vous en supplie, faites que l'on nous marie tout de suite, faites que dans ce long voyage j'emporte au moins le titre d'époux.
03:05Mon cher enfant répond doucement Monsieur de La Faye, je crois qu'il faut être raisonnable.
03:12Vous partez deux ans, deux ans sont vite passés, et cette séparation qui vous apparaît cruelle ne pourra que renforcer votre amour.
03:21Acceptez cette épreuve avec sérénité, je réponds de Clémence, ma fille saura vous attendre.
03:28Le capitaine est désespéré, les adieux avec Clémence sont déchirants.
03:34Georges, mon bien-aimé, s'écrit-elle, il me semble que si j'étais morte, vous n'auriez qu'à m'embrasser pour me rendre à la vie.
03:46Deux ans se passent, le capitaine de Garon est aux Indes et rien n'indique qu'il doit rentrer bientôt.
03:54Les mauvaises nouvelles se précisent, on sait maintenant de source quasi-officielle que son régiment a été pratiquement anéanti à la suite de furieux combats
04:03et que lui-même, Georges de Garon, aurait été blessé, fait prisonnier et n'aurait pas survécu à ses blessus.
04:12À l'hôtel de La Faye, c'est le drame.
04:14Clémence se considère comme veuve, elle n'a plus rien à faire dans cette vie futile et supplie son père de la laisser entrer au couvent.
04:24Mon enfant, je comprends ta douleur mais ta vie ne fait que commencer, tu as 18 ans, nous allons sortir recevoir et si dans un an tu persistes dans ta décision, je te jure que je m'inclinerai.
04:39L'année suivante, triste mais digne, Clémence épouse M. Le Boissieux, président à la Cour des Aides, haut fonctionnaire zélé, grand commis de l'État, M. Le Boissieux est ce qu'il est convenu d'appeler un excellent parti.
04:55Il donne son nom à Clémence qui, elle, lui donne une fille.
04:58Il donne son nom à Clémence qui, elle, lui donne une fille.
05:05Et voilà que le 14 octobre 1711, un homme se présente rue Saint-Louis-en-Lille à l'hôtel particulier de Mme de Garand.
05:16Un homme à la mine sombre ave les traits ravagés par la souffrance.
05:21C'est, vous l'avez deviné bien sûr, le capitaine Georges de Garand.
05:26Il prend à peine le temps d'embrasser sa mère, de tracer les grandes lignes de ses tribulations et des dangers auxquels il a miraculeusement échappé et, brusquement, sa voix s'étrangle.
05:36« Mère, en venant ici, je suis passé devant l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
05:41Elle était toute tendue de noir et drapée comme pour un riche enterrement et je me suis soudain senti glacé comme par un présage de malheur.
05:50« Mon fils, dit Mme de Garand, c'était l'enterrement de Mme de Boissieux.
05:57« Mme de Boissieux ?
06:00« Oui.
06:02« Clémence ?
06:04« La fille du président de la fac.
06:08« Georges est anéanti, fou de chagrin, crédule. Mais enfin, c'est impossible. Clémence est ma fiancée. Jamais elle n'aurait épousé un autre homme.
06:16« Ne la condamnez pas, mon fils.
06:20« Pleurez-la et priez pour elle. Elle vous a attendu plus de deux ans et n'a épousé M. de Boissieux qu'à la demande express de son père.
06:28« Vous étiez porté mort. D'ailleurs, vous voyez bien que je porte votre deuil.
06:34« Clémence n'a sans doute jamais cessé de vous aimer et c'est peut-être la douleur de vous avoir perdu à jamais qui l'a fait trépasser.
06:42À la nuit tombée, Georges de Garan remplit ses poches d'or, scint son épée, s'enveloppe jusqu'aux yeux d'un manteau et se dirige d'un pas décidé vers le cimetière attenant à l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
06:58« Le fossoyeur est là, il travaille.
07:01« Fossoyeur !
07:04« Si tu veux devenir riche, réponds.
07:07« Tu as creusé une tombe ce matin.
07:09« Oui, monseigneur.
07:11« Alors tu vas en retirer le cercueil, l'ouvrir devant moi et me laisser regarder la femme qui s'y trouve enterrée.
07:17« Mais monseigneur, c'est un épouvantable sacrilège. Dix mille livres !
07:21« Pour oublier le sacrilège, les voici.
07:24« Tu risques peut-être les galères, mais cet argent te fera perdre la mémoire.
07:29« Le fossoyeur s'exécute en tremblant. On ne résiste pas à un homme aussi déterminé ni à dix mille livres en or.
07:35« Il déterre le cercueil, le hisse péniblement au bord de la fosse.
07:39« Je vous en supplie, monseigneur, finissez vous-même.
07:42« Je ne pourrai même pas toucher le cercueil, j'ai trop peur.
07:45« La pointe de l'épée du capitaine sur la gorge du fossoyeur a raison des dernières résistances.
07:50« L'homme fait sauter le couvercle du cercueil à coups de pioche.
07:54« Un linceul apparaît, dessinant des formes humaines.
07:59« Les jambes coupées par la terre, les yeux éclatés.
08:03« Les jambes coupées par la terreur, le fossoyeur s'est assis au bord de la fosse.
08:08« Georges de Garant, lui, semble soudain pétrifié.
08:11« Et puis, d'un seul coup, il relève le drap.
08:14« Clémence est bien là, qui a l'air de dormir.
08:19« Avec infiniment de douceur, sous les yeux exorbités du fossoyeur, le fiancé de Clémence soulève le cadavre,
08:26« le met sur ses genoux, lui parle de leur bonheur d'autrefois, de leur serment,
08:33« et puis se penche sur le visage inerte et dépose sur les lèvres pâles un long et douloureux baiser.
08:40« Enfin poussant un cri déchirant qui retentit jusqu'au fond du cimetière,
08:44« il s'enfuit comme un fou à travers les tombes, emportant Clémence serrée contre son cœur.
08:49« Le fossoyeur, égaré, se hâte de remettre le couvercle en place,
08:53« comble rapidement la fosse, signe,
08:56« et disparaît avec dix mille livres en or et la plus grande peur de sa vie. »
09:12Le 14 octobre 1716, jour du cinquième anniversaire de la mort de Mme de Boissieu,
09:18M. de Boissieu vient se recueillir sur la tombe de son épouse.
09:24Un léger bruit lui fait lever la tête.
09:28Près de lui, une femme, un voile épais cachant son visage.
09:33Le président de Boissieu croit devenir fou.
09:37« Pourtant il n'y a pas de doute, c'est Clémence !
09:42« Clémence, est-ce possible ?
09:46« C'est toi ?
09:48« Dieu aurait-il fait un miracle ?
09:51La femme se sauve en courant.
09:53Éperdue, M. de Boissieu se lance à sa poursuite,
09:56mais à l'instant précis où il va l'atteindre,
09:58elle s'engouffre dans une somptueuse voiture qui l'emporte au galop de chevaux magnifiques.
10:06M. de Boissieu ne boit pas.
10:09C'est un homme sobre, raisonnable.
10:11Il ne peut pas avoir été victime d'une hallucination.
10:15Ordre de priorité, s'enquérir de l'identité du fossoyeur et de ce qu'il est devenu.
10:21Le fossoyeur ?
10:23Il vit retiré en Normandie depuis cinq ans,
10:25cinq ans justement, à la suite d'un héritage.
10:29Troublé, comme on peut l'imaginer, M. de Boissieu se fait recevoir
10:32par le lieutenant de police voyé d'Argenson.
10:36Il raconte. Il raconte tout.
10:39Et les propos de cet homme raisonnable paraissent incohérents.
10:43D'Argenson, on dissimule un sourire.
10:46Voyons, mon cher président, vous êtes mon ami,
10:49mais je ne vous cache pas que cette histoire me paraît bien romanesque.
10:54Ce n'est pas moi qui vous apprendrai qu'il existe des ressemblances,
10:56des ressemblances tout à fait extraordinaires, j'en demeure d'accord.
11:01Votre grand chagrin, encore tout récent, a pu contribuer à vous faire faire une erreur.
11:05Non, ne dites rien.
11:08Nous savons votre qualité, votre sérieux.
11:11Écoutez, je vais ordonner une enquête, je vous le promets.
11:14Et pour commencer, si vous m'y autorisez bien sûr,
11:18je vous propose l'ouverture et l'inspection de la sépulture.
11:26Dès le lendemain, en effet, d'Argenson lui-même,
11:28assisté de deux conseillers du Châtelet, d'un commissaire et de deux chirurgiens,
11:32se rendent au cimetière de Saint-Germain-des-Prés.
11:36La tombe est dégagée, le cercueil ouvert.
11:40Il est vide.
11:42On constate d'ailleurs qu'il était mal fermé et qu'il portait des traces de coups de pioche.
11:47À pas de doute pour le lieutenant voyé d'Argenson,
11:50l'affaire est moins simple qu'elle n'en avait l'air.
11:55Quelques jours plus tard, il fait parvenir à M. de Boissieu la lettre suivante.
11:59« Mon cher président,
12:01la personne que vous avez rencontrée au cimetière près de la tombe de votre femme
12:06s'appelle Mme de Garon.
12:09Elle est l'épouse de Georges de Garon,
12:12major au régiment d'artillerie de la Faye.
12:16Leur mariage a été contracté aux Indes, à Pondichéry, dont Mme de Garon est originaire,
12:20et les épouses sont arrivées en France il y a un mois.
12:26Deux policiers se présentent en Normandie,
12:28au dernier domicile connu du fossoyeur retiré.
12:32Il est mort depuis deux ans.
12:34Et, d'après sa femme et ses enfants, il n'avait jamais hérité de qui que ce soit.
12:38Ah, bien sûr, on s'était étonnés qu'il ait dix mille livres en or d'économie,
12:42mais il y a des familles généreuses.
12:47M. de Boissieu, de son côté, prend des renseignements sur Georges de Garon.
12:52Il apprend qu'il avait quitté Paris précipitamment le lendemain des obsèques de Clémence,
12:56et sans même revoir sa mère.
12:58Il aurait gagné Brest en compagnie d'une femme voilée et souffrante,
13:03et se serait embarqué sur un navire de commerce,
13:06alors qu'en sa qualité d'officier,
13:08il aurait dû prendre passage à bord d'un bâtiment de l'État.
13:12Décidément, tout concorde.
13:15Le président de Boissieu saisit la justice d'une plainte en enlèvement,
13:19et demande au Parlement de Paris
13:21de prononcer la nullité du second mariage de Mlle Clémence de Lafaye.
13:26Je vous laisse imaginer, chers amis,
13:28à quel point l'opinion publique se passionne pour cette affaire.
13:31Les faits sont en eux-mêmes pour le moins bouleversants,
13:34et les protagonistes se comptent parmi les plus hauts personnages de l'État.
13:38L'Académie de médecine s'agite.
13:40Des controverses s'élèvent sur la possibilité d'un sommeil léthargique,
13:44et la durée limitée de ce sommeil.
13:47On a recours à des confrontations.
13:50Vieilli mais droit comme un nid, le corps moulé dans un abysse sombre,
13:53les yeux embués de larmes,
13:55le président de Lafaye tend les bras vers sa fille.
13:59Mme de Garan ne le reconnaît pas.
14:02Dans le prétoire, l'émotion est vive.
14:06Mme de Garan,
14:08pouvez-vous produire des pièces d'identité,
14:10un acte de baptême, un acte de mariage ?
14:16Ces pièces s'avèrent rigoureusement authentiques.
14:19D'ailleurs, comment supposer qu'un loyel officier du roi,
14:21qu'un homme d'honneur comme le major de Garan,
14:23oserait produire de fausses pièces à un procès ?
14:29Le tribunal s'opère en conjecture.
14:31L'un des avocats les plus éminents du Parlement de Paris
14:33plaide avec chaleur la cause de Mme de Garan,
14:35dont l'attitude sereine, calme, digne,
14:38impressionne autant les jurés que l'éloquence de son avocat.
14:42Aucun doute.
14:44M. de Boissieu a pratiquement perdu son procès.
14:46La cause de Mme de Garan paraît inattaquable.
14:48La cour et le jury délivrent pour la forme,
14:51et la jolie Clémence attend tranquillement le verdict
14:54qui terminera cette affaire.
14:58Un coup de théâtre.
15:01Une petite fille de 5 à 6 ans traverse la salle du tribunal
15:06et se précipite sur Clémence.
15:11« Voulez-vous m'embrasser, maman ? »
15:15Stupéfaction dans la salle.
15:18On entendrait une mouche voler.
15:21Clémence s'effondre, tombe à genoux,
15:24serre sa fille sur son cœur en la couvrant à la fois de baisers et de larmes.
15:29Plus personne ne peut lier l'évidence.
15:33Mme de Boissieu et Mme de Garan ne sont bien qu'une seule et même personne.
15:41Devant une salle très émue, l'avocat de Clémence
15:43fait une dernière tentative pour sauver sa cliente.
15:46Il s'adresse cette fois à M. de Boissieu.
15:49« M. le Président,
15:50l'assistance sait que votre cœur est noble, que vos sentiments sont purs
15:53et votre droiture est reconnue en tout lieu.
15:55En cet instant, solennellement grave,
15:58je vous adjure de ne pas reprendre à la tombe ce que vous lui avez donné.
16:03Laissez cette femme vivante à l'homme avec qui elle doit vivre.
16:07Cette existence, que vous n'avez pas su conserver, lui appartient.
16:11Vous n'avez droit qu'à un cadavre. »
16:15Fantastique plaidoirie.
16:17Fantastique plaidoirie.
16:20Fantastique autant que vaine.
16:22Le verdict tombe.
16:24La cour annule le mariage de Mme de Garan
16:28et enjoint Clémence de Boissieu de regagner le domicile de son époux légitime,
16:32le Président de Boissieu.
16:36Clémence a perdu sa belle sérénité.
16:38Elle est ravagée par la douleur.
16:40Elle supplie. Elle adjure.
16:42Elle adresse une requête au Régent.
16:44Tout plutôt que de redevenir Mme de Boissieu.
16:46Qu'on l'autorise au moins à se retirer dans un monastère de Carmélite.
16:50Vaine tentative.
16:52Derniers intermoins morts.
16:55Le jour du retour de Clémence à l'hôtel de Boissieu est fixé.
16:59Le Président de Boissieu a organisé une grande réception.
17:02Tout le monde est là. Les parents, les amis, le Président de la faille, les membres du Parlement.
17:06Tous se veulent heureux et tous sont tendus, crispés.
17:12Enfin les portes du salon d'apparat s'ouvrent à deux battants.
17:16À la quai annonce.
17:19Madame de Boissieu.
17:21Pâle.
17:23Plus belle que jamais paraît de sa robe de mariée.
17:26Portant ses plus beaux bijoux, Clémence avance lentement vers son mari.
17:31Bouleversé, le Président s'incline.
17:35Clémence.
17:37Je vous retrouve enfin.
17:39J'ai tant souffert.
17:43Dans un grand silence, dans l'émotion générale, la voix de Clémence résonne distincte.
17:50Monsieur.
17:53Mon avocat vous l'a dit.
17:56Vous n'aviez droit qu'à un cadavre.
18:00Je vous rapporte ce que vous avez perdu.
18:05Et elle s'effondre.
18:08Morte.
18:12Le soir même, le Major Georges de Garon succombé dans les bras de sa mère.
18:19Il s'était empoisonné.
18:23Cette incroyable histoire, chers amis, ne va pas s'arrêter là.
18:27Je vous ai prévenu tout à l'heure que son authenticité était cautionnée par la très officielle Gazette des Tribunaux.
18:34Pour être plus précis, par les numéros des 1er et 2 janvier 1843 de la Gazette des Tribunaux.
18:43Si vous avez vibré aujourd'hui en écoutant cette tragédie, vous imaginerez facilement à quel point elle a ému, bouleversé et troublé la France de l'époque.
18:51Oh, coup de théâtre.
18:54Le 16 janvier 1843.
18:57Frédéric Soulier, un romancier populaire du 19e siècle, accuse publiquement la Gazette des Tribunaux de l'avoir plagié.
19:05Il écrit « La Gazette des Tribunaux, qui remplit ses pages sérieuses et sincères du récit de tous les vols et crimes qui se commettent à Paris, a volé en toute conscience. » s'écrit-il.
19:15C'était en 1833.
19:18Le rédacteur en chef de l'Europe littéraire m'écrit « Il me faut une nouvelle pour dimanche prochain. »
19:22Nous étions le vendredi. Il y avait de quoi se gratter le front. Qu'importe. Je gratte, je gratte.
19:27Et je retrouve parmi tous ces rêves de drames et de romans que j'avais entassés depuis dix ans, l'histoire d'une jeune femme enterrée qu'un jeune homme qui l'a aimée retrouve vivante dans son cercueil.
19:36Il emporte celle qu'il croyait morte et l'épouse en un pays lointain, puis, revenue en France, retrouvée par le précédent mari, se voit intentée et perdre un procès car il n'est rien moins qu'un ravisseur.
19:48Je le répète, c'est une histoire née de mon imagination et la Gazette des tribunaux l'a publiée dix ans plus tard en lui apportant sa caution d'authenticité.
19:59Indécidément, c'est un bien extraordinaire dossier.
20:04Clémence de Lafaye s'apprête donc à mourir une troisième fois et la Gazette des tribunaux va devoir publier dans ses colonnes son propre procès, suprême honte, affreuse humiliation.
20:15La Gazette cherche fébrilement à organiser sa défense et au miracle, sauvée.
20:20Ses rédacteurs découvrent dans les archives littéraires une œuvre datant de 1809 et s'intitulant Victorine d'Olmont ou le double mariage.
20:30C'est encore une fois la tragique histoire de Clémence de Lafaye.
20:35La Gazette des tribunaux d'accusé devient accusatrice et Frédéric Soulier, l'auteur populaire de Plagié devient plagiaire.
20:44Le procès n'aura pas lieu faute de plaidaire.
20:48Alors, Clémence de Lafaye n'est-elle qu'un mythe ?
20:53Sera-t-on jamais la véritable origine de cette aventure tragique ?
20:57Dejant est-il que depuis près d'un siècle, le public s'émeut toujours de voir plus vrai que nature,
21:04Georges de Garand, ressuscité par un baiser, la douce et belle Clémence de Lafaye.
21:14Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
21:44Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
21:50Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.