Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
De prime à bord il s’agit d’un suicide. Georges, un producteur de cinéma mondialement connu, est retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel. À côté de son corps se trouve un verre avec des médicaments ainsi que son testament. Mais en interrogeant l’entourage du défunt, le commissaire chargé d’enquête s'aperçoit qu’il s’agirait peut-être d’un crime. Il en est persuadé : sa mort aurait pu être évitée.
Derrière l’image du célèbre producteur se cachait en réalité un autre homme. Sa richesse ne lui a apporté que des problèmes. Ses proches étaient-ils au courant de sa véritable situation ? Quels étaient ses secrets ?
Pierre Bellemare raconte cette mythique histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
De prime à bord il s’agit d’un suicide. Georges, un producteur de cinéma mondialement connu, est retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel. À côté de son corps se trouve un verre avec des médicaments ainsi que son testament. Mais en interrogeant l’entourage du défunt, le commissaire chargé d’enquête s'aperçoit qu’il s’agirait peut-être d’un crime. Il en est persuadé : sa mort aurait pu être évitée.
Derrière l’image du célèbre producteur se cachait en réalité un autre homme. Sa richesse ne lui a apporté que des problèmes. Ses proches étaient-ils au courant de sa véritable situation ? Quels étaient ses secrets ?
Pierre Bellemare raconte cette mythique histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
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NewsTranscription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10Chers amis, les événements décrits dans ces mémoires par un policier que nous appellerons
00:16le commissaire Marquet, si vous le voulez bien, auraient pu se dérouler aussi bien en France
00:20qu'en Angleterre, en Italie ou aux Etats-Unis. Aussi, bien que le héros ait été un personnage
00:29célèbre il y a quelques années, nous avons évité soigneusement les noms de lieux et de personnes.
00:35Car si sur le plan de l'enquête purement policière ce dossier extraordinaire est d'une
00:40grande banalité, on y rencontre un personnage monstrueux, fascinant et très très dangereux
00:48dès qu'on parle de lui.
00:59Le lundi 18 février au matin, le commissaire Marquet qui exerce son activité dans un quartier
01:17résidentiel reçoit un appel d'un commissariat d'une petite ville balnéaire.
01:23Le commissariat de province annonce que la bonne d'un hôtel, en apportant le plateau
01:30du petit-déjeuner dans la chambre d'un client, a trouvé celui-ci en train d'agoniser.
01:36Il s'agit du très célèbre producteur de films Georges X.
01:42Le suicide ne fait aucun doute. On a retrouvé le verre ayant probablement contenu des barbituriques
01:51ainsi qu'une lettre testamentaire adressée à sa femme.
01:55Georges X, sachant sans doute que les médecins auraient des chances de le sauver s'il connaissait
01:59la formule des produits toxiques, a pris soin de faire disparaître les emballages.
02:05Le temps qu'on détermine la nature des médicaments, il est mort.
02:11Georges X était venu deux fois auparavant dans cet hôtel à titre tout à fait privé,
02:16accompagné d'une jeune femme dont on n'a pas encore découvert la véritable identité.
02:21On suppose seulement qu'il ne s'agissait pas de sa faim.
02:24Le fait qu'il ait été seul, cette fois dans cet hôtel hors saison, dans une ville
02:30où aucune affaire ne paraît justifier son séjour, laisse à penser qu'il est venu
02:34là exprès pour mourir.
02:37Comme ses papiers indiquent une adresse officielle dans la circonscription du commissaire marqué,
02:42il incombe à celui-ci d'effectuer les quelques démarches élémentaires.
02:46Pour le commissaire marqué, ce serait de la pure routine si ce matin même un autre
02:54coup de téléphone, mais anonyme, celui-là, ne l'avait déjà alerté.
02:58Georges X, disait le correspondant, a déclaré samedi qu'il se suiciderait dimanche.
03:06Ce matin, son téléphone ne répond pas.
03:09Il faudrait aller voir.
03:12Mais s'il est mort, ce n'est pas un suicide, c'est un crime.
03:19Et le correspondant anonyme a raccroché.
03:23Bizarre, non ? Malgré cela, pour le commissaire marqué, gros homme paisible, au regard clair,
03:32ce serait encore de la pure routine, n'était la personnalité de Georges X, grand producteur
03:36de films cinématographiques mondialement connu, sa disparition va faire la une des
03:41journaux on va chercher à savoir pourquoi il est mort et jusqu'aux plus petits détails
03:45de son suicide.
03:46Le premier geste du commissaire est donc d'appeler au domicile du producteur défunt.
03:53C'est une femme qui répond.
03:54« Monsieur Georges X n'est pas là.
03:57Je m'en doute, mais qui est à l'appareil ? C'est sa secrétaire privée.
04:01Commissaire marqué, vous êtes là depuis quand ? Je viens d'arriver et monsieur est
04:06en voyage.
04:07Est-ce qu'il y a un message ? »
04:09Lorsque le commissaire donne à la secrétaire privée le motif de son appel, il déclenche
04:14une tempête de larmes et des déclarations confuses desquelles il ressort que la secrétaire
04:19privée n'est pas tellement surprise du suicide de son patron.
04:23Pour en savoir le plus possible avant d'être assailli par les journalistes, le commissaire
04:27marqué décide alors d'aller l'interroger lui-même.
04:30Quelques instants plus tard, dès qu'il entre dans l'appartement de Georges X, le commissaire
04:34n'a pas l'intuition, comme il l'explique lui-même dans ses mémoires, que ce fait
04:38divers et affreusement banal recouvre un drame hors du commun.
04:42Vous allez comprendre tout de suite, chers amis, Georges X, je vous l'ai dit, est mondialement
04:49connu.
04:50C'est un producteur de films réputé pour son audace, son sens de la nouveauté, de
04:54la surprise.
04:55Il a lancé une vedette aujourd'hui très célèbre, fait confiance à des réalisateurs
04:59nouveaux, gagné beaucoup d'argent.
05:00Il était célèbre aussi pour ses colères, sa puissance de travail.
05:04On imagine donc une sorte de requin vivant dans l'opulence, gorgé de champagne et de
05:09caviar.
05:10Or, le commissaire découvre un appartement, merveilleusement situé, certes au dernier
05:15étage d'un immeuble, ceinturé par une terrasse, mais tout petit.
05:18La décoration agréable paraît n'avoir jamais été finie.
05:21Les meubles sont de bon goût, mais modestes.
05:24Enfin, le commissaire ne voit pas les bibelots ou les objets d'art qu'il s'attendait à
05:28trouver.
05:29Mais le plus bizarre, c'est peut-être la secrétaire privée.
05:32Comme elle guettait l'arrivée du commissaire sur la terrasse, elle est vêtue d'un manteau
05:36de renard blanc, dont le poil est très largement absent, de bottillons blancs de jeune fille,
05:42et pourtant, elle a environ cinquante ans, mais elle doit refuser son âge, si l'on
05:48en croit.
05:49Une chevelure outrageusement blonde, soigneusement laquée, et des lèvres, mon Dieu, très très
05:53rouges.
05:55— Vous êtes la secrétaire privée de M.
05:57Georges X ?
05:58— Oui, répond la femme qui se met à pleurer.
06:00Le téléphone sonne.
06:02C'est la femme du célèbre producteur.
06:05Ils sont séparés depuis quinze ans, mais à l'annonce du drame, la femme, elle aussi,
06:09s'englotte au téléphone.
06:10Elle s'englotte, mais, là encore, le commissaire a l'impression qu'elle n'est pas tellement
06:16surprise de ce suicide.
06:17D'ailleurs, elle le dit elle-même.
06:19Ça devait arriver.
06:22Le commissaire lui demande si elle veut venir.
06:24Elle accepte.
06:25En raccrochant, le commissaire s'adresse à la secrétaire privée.
06:28— Vous n'avez pas l'air surpris que M.
06:32Georges X se soit suicidé ?
06:33— Oh non !
06:35— Oh non, ça n'allait plus du tout.
06:37— Mais pourquoi ça n'allait pas ?
06:40La secrétaire privée est incapable de le dire.
06:44Elle fait du disparu un portrait bizarre.
06:47Si on l'en croit, Georges X était à la fois un homme odieux et attachant, méchant
06:51et trop bon.
06:52Ce qui lui est arrivé serait à la fois très triste, très injuste, et c'est bien fait
06:57pour lui.
06:58Évidemment, ce portrait n'est pas plausible, mais c'est ainsi que la secrétaire privée
07:02le voit, et vous comprendrez bientôt pourquoi.
07:05— Parlez-moi de sa femme, demande le commissaire.
07:09Alors là, la secrétaire privée ne se fait pas prier.
07:12Sur ce sujet, elle est intarissable.
07:13Georges X s'est séparé de sa femme il y a presque quinze ans.
07:18Peut-être qu'elle était belle au début, mais elle est devenue trop grosse.
07:22Un homme pareil ne pouvait pas rester avec une femme comme ça.
07:25C'est du moins l'avis de la secrétaire privée.
07:27Dès qu'ils se sont séparés, ce pauvre monsieur est devenu une vache allée.
07:30Il n'y a qu'à regarder cet appartement.
07:32Il est simple, tout petit.
07:33Par contre, sa femme vit dans un appartement somptueux, bourré de jolis meubles, de beaux
07:38objets.
07:39Et si elle a quelquefois du mal à boucler ses fins de mois, ça ne l'empêche pas de
07:41mettre les enfants dans les meilleurs collèges, de partir en vacances plusieurs fois par an,
07:45d'avoir un chalet à la montagne, etc., etc.
07:47Ça ne l'empêche pas de nourrir son père et sa mère, une soeur paralysée, deux dalmatiens
07:51et un chat.
07:52Pourtant, lorsqu'elle téléphone à son mari, aujourd'hui encore après quinze ans, c'est
07:58pour lui faire des scènes de jalousie, se plaindre de sa solitude, lui parler de ses
08:02douleurs et maladies diverses et lui demander une augmentation de sa pension.
08:05« Alors vous comprenez, explique la secrétaire privée, ce pauvre monsieur était souvent
08:10odieux avec sa femme.
08:11Lorsqu'elle l'accablait de reproches au téléphone, il se mettait en colère, on l'entendait
08:15hurler jusqu'au rez-de-chaussée de l'immeuble.
08:17»
08:18Mme Georges X, qui arrive peu après ce portrait fâteur, est en effet une très, très opulente
08:26personne brune avec de très beaux yeux clairs.
08:28Elle arrive essoufflée, larmoyante, ayant hâte de jeter sur ses épaules ce qui devait
08:33lui tomber sous la main, c'est-à-dire un manteau d'astracan gris.
08:36« Tout de suite, elle s'emprunt à la secrétaire.
08:39« Je vous avais demandé, dit-elle, s'il avait des sommifères, je vous avais dit de
08:44regarder partout.
08:45Lui laisser tout ce poison, c'était de la folie.
08:47»
08:48La secrétaire privée se défend.
08:50« Mais j'ai cherché, j'ai cherché, il n'y a rien trouvé, sûrement qu'il le
08:53cachait. »
08:54Et la secrétaire privée a un ton de reproche.
08:57« Vous auriez dû venir chercher vous-même.
09:00»
09:01« Sous-entendu, sa femme, ce n'est pas moi, c'est vous.
09:05»
09:07Marquès intervient.
09:08« Si je vous comprends bien, chère madame, vous craignez déjà qu'il se suicide.
09:11»
09:12« Mais oui, il avait plusieurs fois menacé de le faire.
09:15»
09:16Le commissaire observe alors que les deux femmes se mesurent du regard, c'est finalement
09:20la secrétaire privée qui battut, se met à pleurnicher.
09:24« Qu'est-ce que je fais, madame ? »
09:26« Eh bien, vous nous laissez avec le commissaire, vous terminez le ménage et puis, et puis vous
09:31vous cherchez du travail.
09:32»
09:33Comme la secrétaire privée de plus en plus effondrait, la femme ajoute.
09:37« Vous étiez toujours en train de vous plaindre.
09:40Eh bien maintenant, vous voilà libre.
09:42»
09:43Quelques instants plus tard, le commissaire Marquès a l'explication de cette curieuse
09:47scène.
09:48Sous ses grands airs, la secrétaire privée n'est autre qu'une femme de ménage.
09:52D'après madame George X, elle n'est pas prête à retrouver une place pareille, payée
09:56comme une secrétaire à plein temps alors qu'elle n'est qu'une femme de ménage
10:00à mi-temps.
10:01« Mais pourquoi ça ? »
10:03demande le commissaire Marquès.
10:04« Ben ça, c'est tout mon mari, trop bon, trop faible.
10:07Il ne savait pas dire non, il acceptait toujours.
10:09»
10:10Voyez-vous, elle lui avait demandé de la déclarer comme secrétaire parce que ça
10:14l'a vexé de devoir avouer qu'elle était femme de ménage, alors il avait eu pitié.
10:20Mais ça lui coûtait cher, parce qu'avec les lois sociales, il avait fini par être
10:24obligé de la payer comme une secrétaire et il n'avait même pas besoin d'elle
10:28toute la journée.
10:29Le ménage c'est vite fait en fait de secrétaire, c'est une mijaurée stupide même pas capable
10:33de tenir un ménage.
10:34Dix fois, je lui ai dit de s'en débarrasser, mais il n'osait pas la mettre à la porte.
10:40Alors évidemment, cette femme l'a gassée, elle se plaignait tout le temps parce qu'il
10:44était odieux, mais c'est parce qu'elle l'a gassée qu'il était odieux.
10:47Regardez-là avec ses airs de princesse déjue, l'appartement n'est même pas propre.
10:51Je préférais lui apporter des fleurs avec l'argent qu'elle prenait sur la caisse
10:55plutôt que de laver le carrelage de la cuisine.
10:57Vous n'avez qu'à ouvrir le réfrigérateur, je suis à peu près sûr qu'il n'y a rien
10:59dedans.
11:00Quand par hasard mon mari voulait dîner chez lui, il fallait qu'il fasse ses courses et
11:04le samedi matin, tenez, il faisait son lit parce que madame la secrétaire privée ne
11:08voulait pas venir le samedi.
11:09Trop bon, trop faible a dit la femme, va chaler a dit la secrétaire-femme de ménage.
11:17Le commissaire Marquet découvre un portrait totalement inattendu du grand producteur Georges
11:23X.
11:24Comme vous allez le voir, chers amis, il est loin d'être au bout de ses surprises.
11:27La surprise suivante, c'est un nouveau téléphone, cette fois du bureau de Georges X.
11:34C'est une secrétaire qui appelle, mais une vraie secrétaire qui demande une voix inquiète
11:38si Georges est là.
11:40Dès que le commissaire annonce la triste vérité, il sent au bout du fil comme un
11:45vent de panique.
11:46Mais là encore, si c'est la panique, ce n'est pas la stupeur.
11:50Finalement, il entend une voix d'homme, lasse et triste.
11:53« Ça devait arriver, » dit la voix.
11:57« À qui ai-je l'honneur ? » demande le commissaire.
12:00« Je suis un ami et l'associé de Georges.
12:03» « Vous vous doutiez de quelque chose ? » demande le commissaire.
12:06« Il avait plusieurs fois menacé de se suicider.
12:10» « Et pourquoi ? » « Eh bien parce que, » répond la voix, « parce que quoi ? »
12:17« Parce que, parce que… »
12:20Le commissaire comprend que l'homme cherche des mots pour exprimer une évidence, une
12:24fatalité.
12:25Finalement, ces mots arrivent, comme une avalanche.
12:27« Parce qu'il était au bord de la faillite, parce qu'on avait les polyvalents sur les
12:31reins, parce qu'il s'engueulait avec tout le monde, parce qu'il avait fait de grosses
12:35erreurs et que les actionnaires n'étaient pas contents, parce que sa femme est un poulet,
12:38parce qu'il était amoureux d'une fille qu'il traitait, il faut voir comment, parce
12:41qu'il était complètement surmené, parce qu'il pensait son temps dans les avions,
12:44parce qu'il travaillait jusqu'à 11h du soir, allait de la colère au désespoir,
12:47voilà ! C'est pour tout cela qu'il s'est suicidé.
12:50» « Mais vous ? » « Quoi, moi ? » « Ben, comment étiez-vous avec lui ? »
12:56Il y a un long silence.
12:59Au bout du fil, manifestement, l'homme s'interroge et finalement répond lentement
13:04avec un mélange d'hypocrisie, de prudence et de remords.
13:07« Ben moi, qu'est-ce que vous voulez ? J'étais souvent en désaccord avec lui.
13:12Il ne m'écoutait pas, hein ? Je l'ai dit, il a fait de grosses erreurs.
13:16» « Enfin, vous étiez très liés avec lui ? » « Ben bien sûr, nous sommes des
13:20amis d'enfance. » Lorsqu'il raccroche le commissaire épensif, son interlocuteur
13:25a parlé de menaces comme la femme de Georges X.
13:28Selon eux, Georges ne prévenait pas qu'il allait se suicider, ils disent qu'il menaçait
13:34de le faire.
13:35C'est donc qu'inconsciemment, ils admettent l'idée que le malheureux leur en voulait,
13:40qu'il attendait quelque chose d'eux.
13:42Certes, le chantage au suicide est classique, mais dans leur esprit, il est clair que ce
13:46suicide n'était pas seulement pour Georges X une façon d'échapper à ses soucis,
13:51mais qu'il était aussi une forme d'agression, une vengeance peut-être.
13:54Évidemment, la nouvelle du suicide de Georges X se répand comme une tonnée de poudre.
13:59À 11h du matin, la radio en parle, le téléphone n'arrête plus de sonner, amis, artistes,
14:02journalistes, etc.
14:03Parmi ces appels, celui de la bêteresse de Georges.
14:08D'une voix sourde et gênée, elle demande simplement si ce qu'on vient d'annoncer
14:12à la radio est vrai.
14:13Mais elle est tombée sur le commissaire comme on tombe dans un piège.
14:16Lorsqu'il lui demande de venir, elle hésite, elle a peur du scandale.
14:20Elle est mariée, elle a des enfants, mais elle ne peut refuser lorsque le commissaire
14:25lui promet la discrétion.
14:27Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
14:37Je ne sais pas, chers amis, si vous avez deviné où se cache le personnage monstrueux que
14:41je vous annonçais au début du récit.
14:43Sa femme ? Oh non, évidemment pas.
14:45La femme de ménage ? La malheureuse.
14:47Rien ne permet d'imaginer qu'elle soit un monstre.
14:50Pourtant, le monstre est déjà là, bien là, et si vous savez écouter, peut-être
14:54avez-vous déjà entrevu un croc ou le bout de son oreille.
14:57Voici la maîtresse, les yeux noirs, le front bombé, une longue chevelure brune, et la
15:03bouche éblouissante, sa pâleur est extrême.
15:05Elle a le souffle court et les yeux brillants, elle fait un effort pour ne pas s'effondrer.
15:09La conversation avec le commissaire est rapide et pénible.
15:12Non, elle n'est pas surprise par ce suicide.
15:15Il l'en avait souvent menacée.
15:18Elle aussi a employé le mot menacée.
15:21Pourquoi ? Pourquoi ?
15:24C'est parce qu'il lui en voulait, c'est clair.
15:27Il l'aimait à la folie, mais il lui en voulait.
15:30Il lui en voulait parce qu'elle refusait depuis dix ans de venir vivre avec lui.
15:34Et pourquoi ne voulait-elle pas venir avec lui ?
15:37Parce qu'il ne se serait pas entendu, elle en est sûre.
15:40C'était un homme trop coléreux, trop nerveux, amant, délicieux.
15:45Il aurait fait un mari épouvantable.
15:47D'ailleurs, après des scènes particulièrement violentes, elle avait décidé plusieurs fois
15:51de rompre.
15:51C'est toujours lui qui était revenu la chercher.
15:53Et puis, elle a un mari qu'elle estime, des enfants qu'elle élève bien.
15:58Elle ne voulait pas sacrifier tout ça.
16:00Mais alors, leur amour, c'était quoi ?
16:03Eh bien, c'était quelques heures merveilleuses, une ou deux fois par semaine.
16:09Quelques week-ends volés sous un prétexte ou sous un autre, vécus dans des endroits
16:13délicieux.
16:14Quelques voyages pittoresques, car il savait comment la distraire, comment la satisfaire.
16:18Pendant quelques jours, quelques heures, il était tout à la fois à l'amant chaleureux,
16:22le père bienveillant qui la couvre de cadeaux, le compagnon de voyage connaissant tout,
16:26au monologue intarissable et passionnant.
16:28Mais il ne pouvait être ça que quelques jours, quelques heures.
16:31Et ces derniers temps, il était devenu impossible.
16:35Pourquoi ?
16:36À cause de ses affaires, sans doute.
16:38Ces deux derniers films pour lesquels il s'était donné tant de mal,
16:41deux films remarquables d'ailleurs, le public ne les avait pas compris.
16:44Ils n'ont eu aucun succès.
16:45Alors, il en a entrepris un troisième, commercial, celui-là.
16:49Trop.
16:51Il a voulu faire trop commercial.
16:53Le résultat financier a été médiocre.
16:54Par contre, il s'est fait traîner dans la boue par les critiques.
16:57Pendant ce temps, son ami école-laborateur, sous prétexte de l'aider à redresser la barre,
17:01avait fini par obtenir tellement d'avantages qu'il gagnait plus que lui.
17:04Voyant cela, le personnel réclamait des augmentations, alors même qu'on savait la société au bord de la faillite.
17:09Le percepteur épluchait les comptes, cherchant un redressement à tout prix.
17:12Sa femme le harcelait, jusqu'à la femme de ménage qui, sous prétexte qu'elle était secrétaire,
17:19jugeait indigne d'elle de lui laver son linge et de lui recoudre ses boutons,
17:22de sorte qu'il avait des trous à ses chaussettes et des colles élimées.
17:25Lui, un homme pareil, un producteur, dont le nom était inscrit dix fois sur tous les écrans du monde.
17:33Et vous, madame ?
17:35Quoi, moi ?
17:37Ah, qu'est-ce que vous avez fait pour lui ?
17:40La femme a un haut corps.
17:43Elle regarde le commissaire de ses yeux noirs subitement très dur.
17:47Les lèvres se sont serrées.
17:50Moi, mais je ne pouvais rien pour lui.
17:54Ce n'est pas ma faute s'il était trop bon, trop faible.
17:58Ce n'est pas ma faute si ses derniers films n'ont pas eu de succès.
18:02Et puis, je ne suis pas sa femme, après tout.
18:04Mon mari a ses propres soucis, j'ai le souci de mes enfants.
18:08Ce n'est pas de nouveaux soucis que je venais chercher auprès de lui.
18:11Je n'étais pas là pour encaisser ses sautes d'humeur.
18:14Je lui avais bien dit.
18:16Cela a été très clair entre nous.
18:18Mais enfin, vous dites qu'il avait menacé de se suicider.
18:22Oui.
18:24Vous étiez inquiète pour lui.
18:26Oui.
18:28Mais qu'est-ce que vous vouliez que je fasse ?
18:30Je ne sais pas, moi.
18:33Hier, par exemple.
18:35La femme ne le laisse pas finir.
18:36Elle se lève et bien que des larmes jaillissent de ses yeux,
18:39elle parvient à répliquer d'une voix glacée et péremptoire.
18:42Hier.
18:44Hier, j'étais avec mon mari et mes enfants au mariage de ma belle-sœur.
18:48Il n'y a rien à ajouter.
18:51Le commissaire laisse donc repartir la ravissante femme
18:54dans un halo soyeux de parfums et de larmes.
18:58Cette fois, le commissaire a compris le sens de l'appel anonyme.
19:02Si les morts, ce n'est pas un suicide, c'est un crime.
19:07Trois jours plus tard, à l'enterrement, il y a foule.
19:10La foule des parents, des amis, des collaborateurs,
19:13des distributeurs de films, des artistes, des journalistes, des critiques,
19:16même le contrôleur du fisc est venu.
19:19Cette fois, le commissaire en est certain,
19:21cette foule en deuil qui pleure sous les parapluies,
19:23c'est le monstre qui a tué Georges X.
19:27La veille, il a réuni les principaux acteurs du drame,
19:30la femme, la maîtresse, l'associé, la vraie secrétaire et même la fausse,
19:32la secrétaire privée, femme de ménage.
19:34Et il a pu récapituler les faits.
19:38Georges X n'était grand que par son génie inventif.
19:41Hormis cette imagination explosive, c'était un homme plutôt moyen,
19:44peut-être même moins que moyen, moins tenace qu'un petit commerçant
19:48qui s'accroche à sa boutique, moins roublard qu'un petit entrepreneur de plomberie.
19:52Bref, un très mauvais homme d'affaires, beaucoup trop faible pour diriger,
19:55envers et contre tous, une société au milieu d'une crise.
20:00Dans un premier temps, le succès de ses idées lui avait permis de gagner
20:02beaucoup d'argent, de créer une société pour administrer sa réussite.
20:06Mais puisqu'il gagnait de l'argent, il fallait qu'il en donne, n'est-ce pas ?
20:09Alors, au lieu de le soutenir, ses collaborateurs l'avaient petit à petit dévoré.
20:13Il n'était probablement pas meilleur qu'un autre, mais comme il ne savait pas dire non,
20:17il n'était qu'une vache à lait.
20:19Et si l'on dit que les vaches donnent du lait, en réalité, chacun sait qu'on leur prend
20:24sans leur demander.
20:25Alors, petit à petit, on lui prenait tout.
20:27On lui prenait son argent d'autant plus facilement qu'il n'avait jamais le temps
20:30de le dépenser lui-même.
20:31D'ailleurs, même son temps, il l'avait partagé avec sa maîtresse, par exemple.
20:35Elle savait s'organiser.
20:36Après un week-end à Deauville, elle rentrait tranquillement chez elle, retrouver son petit
20:40mari, ses enfants et la chaleur du foyer.
20:42Et puis lui, il rentrait pendant la nuit en voiture, dormait deux heures et prenait
20:46l'avion pour New York.
20:47Mais tous savaient qu'en fin de compte, leur vie dépendait de l'activité et de la
20:51résistance physique et morale d'un seul.
20:53Tout reposait sur les épaules de ce malheureux.
20:56Mais lui aussi le savait.
20:57Alors, il vivait dans un perpétuel état de colère et de frustration qui le rendait
21:01souvent odieux.
21:02Dès que l'insuccès est venu, dès les premiers revers, les rats ont commencé à
21:07quitter le navire.
21:08Sa femme, avec laquelle il était séparé depuis 15 ans, a demandé le divorce pour
21:11ne pas être compromise dans une faillite.
21:13Sa maîtresse a tout avoué à son mari pour avoir la conscience tranquille.
21:17Son associé et ami intime a commencé à lui reprocher de ne pas suivre ses conseils
21:21et à se ranger du côté des ennemis, etc.
21:23etc.
21:24Mais avant de quitter le navire, les rats essaient d'emporter quelque chose.
21:28Sa femme, une pension, l'associé quelques avantages, la femme de ménage
21:32s'assurait qu'elle aurait droit, comme secrétaire, à ses indemnités de
21:36licenciement.
21:39L'avant-veille de son suicide, un employé qui s'estimait mal payé, et c'était
21:43peut-être vrai, lui demandait encore une augmentation.
21:47Même l'État se présentait à la curée, un contrôleur se penchait sur la
21:50comptabilité sous prétexte que Georges X avait gagné beaucoup d'argent, réclamait
21:54sa part.
21:54Sa part de quoi ?
21:56On se le demande puisque Georges, en fait, personnellement, n'avait rien.
22:00Georges, en réalité, n'était qu'un pauvre type, travaillant dix fois plus
22:04que le contrôleur pour profiter dix fois moins de la vie.
22:08Souvent, il avait menacé de se suicider.
22:12Samedi, après s'être disputé avec sa fidèle secrétaire, la vraie, il avait
22:17averti qu'il allait se suicider.
22:20Celle-ci, la colère passée, compris cette fois que ce n'était pas une menace en
22:24l'air, alors elle a téléphoné à tout le monde, la femme de maîtresse, l'associé,
22:29jusqu'à la femme de ménage.
22:31Et qu'est-ce qu'ils ont fait ?
22:33Rien.
22:36Sa vie, pendant longtemps, a été utile à tous.
22:39Mais maintenant ?
22:41Bon, il était aussi bien qu'il disparaisse.
22:46Il avait déjà souvent parlé de son suicide, n'est-ce pas ?
22:51Alors, l'une a été dans son chalet à la montagne, l'autre est allée au
22:54mariage de sa belle-sœur, l'associé, a reçu des amis et le dimanche matin,
23:00l'autobus de la femme de ménage ne passe que toutes les heures.
23:04Quant à la fidèle secrétaire, eh bien, elle avait fait son devoir.
23:09Elle avait averti tout le monde.
23:13Lorsqu'on prévient les gens qu'on va se suicider, c'est évidemment pour
23:15qu'ils vous en empêchent.
23:17C'est un moyen comme un autre de provoquer un mouvement, une marque
23:20d'estime ou d'affection.
23:23Seul, plus seul que jamais, ne voyant personne venir, George a décidé
23:30d'aller se suicider dans cet hôtel désert de la petite station balnéaire
23:33balayée par la pluie, où il avait sans doute connu les rares moments
23:37ensoleillés et heureux d'une triste existence.
23:43Alors, non-assistance à personne en danger ?
23:47Allons donc.
23:48On ne met pas les menottes à un monstre qui a sans bras.
24:09Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
24:13un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
24:18Réalisation et composition musicale, Julien Tarot.
24:22Production, Lisa Soster.
24:25Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
24:30Remerciements à Roselyne Belmar.
24:33Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli
24:36Europe 1.
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