Le poison de l’amour

  • il y a 2 mois
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.

Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1. Aujourd’hui, Pierre Bellemare nous conte l'explosion d'un avion en plein vol en 1949, ainsi que le tragique assassinat d'une femme, crime passionnel maquillé en accident.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

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00:0014h03 sur Europe 1, bon après-midi, vous retrouvez tout de suite les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
00:05Europe 1, 14h-15h, les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
00:11Bel après-midi et bonnes vacances avec Europe 1.
00:14Tout l'été, nous vous proposons d'écouter du vendredi au dimanche de 14h à 15h,
00:19les récits extraordinaires du plus grand conteur radio Pierre Bellemare.
00:24C'est un rendez-vous inédit, réalisé à partir des archives sonores exceptionnelles d'Europe 1.
00:28Deux histoires jusqu'à 15h.
00:31Dans un instant, une affaire cousue de fil blanc, l'explosion d'un avion en plein vol en 1949.
00:37Et d'abord, voici le poison de l'amour.
00:39Pierre Bellemare nous raconte l'histoire d'une femme retrouvée morte dans sa baignoire.
00:43La police constate vite qu'il ne s'agit pas d'un accident et le principal suspect n'a pas d'alibi.
00:49L'homme qui frappe à la porte du pavillon des Skinner est grand, maigre, enveloppé dans une robe de chambre.
00:59Il courbe le dos sous la pluie et hausse la voix.
01:03« Madame Skinner ! Ouvrez ! J'ai besoin de téléphoner ! »
01:09Il est presque minuit et Madame Skinner surgit à sa fenêtre la voix rogue.
01:12« Qu'est-ce que c'est ? Je suis Kenneth Barlow, votre voisin. Pardon de vous déranger.
01:18Pourriez-vous téléphoner à un médecin, s'il vous plaît ? C'est pour ma femme.
01:21Elle est malade ? Je crois qu'elle s'est évanouie. »
01:25Pauvre Kenneth Barlow. Il fait peine à voir.
01:29Son visage long est un blafard trempé de pluie. Il est sinistre à la lueur des réverbères.
01:36« Madame Skinner ! » crie par la fenêtre. « Rentrez chez vous ! J'appelle un médecin ! Ne la laissez pas seule, surtout ! »
01:43Dans ce quartier un peu isolé de Bradford, en Angleterre, les habitants se connaissent peu.
01:49Madame Skinner ne connaît pas son voisin. Que de vu ! Tant dire qu'elle ignore tout de Kenneth Barlow.
01:56En fait, elle n'est pas la seule.
01:59Qui pourrait se vanter de connaître Kenneth Barlow ?
02:03À part Kenneth Barlow lui-même, bien sûr.
02:14Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
02:26Le médecin referme la porte de la salle de bain et l'air soucieux.
02:31« Dites-moi, M. Barlow. Votre femme n'a pas pris de médicaments ? Une drogue quelconque pour les nerfs ? »
02:41« Pas à ma connaissance, docteur. »
02:44« Elle avait l'habitude de prendre des bains chauds ? »
02:48« Je suppose que oui. »
02:52« Il n'y a plus rien à faire, monsieur. Je suis navré. »
02:56« Votre femme est morte. »
02:59« Que s'est-il passé, docteur ? Elle s'est noyée ? Le cœur, peut-être ? »
03:05« Je l'ignore. »
03:08« C'est possible. En tout cas, je ne comprends pas ce qui a pu se passer. »
03:12« Il faudrait un examen plus approfondi. »
03:16« Elle a dû avoir un malaise. Il n'était pas bien cet après-midi. »
03:22Pour un homme à qui l'on vient d'apprendre que sa femme est morte,
03:25Kenneth Barlow tient remarquablement le choc.
03:30Pendant que le médecin met à nouveau à contribution les voisins et demande une ambulance à l'hôpital le plus proche,
03:36Kenneth Barlow s'allonge sur un canapé, ferme les yeux et refuse la tasse de café qu'on lui tend.
03:42« Merci, je n'ai besoin de rien. »
03:45Étrange, Marie.
03:47Mme Skinner, qui s'entretient de l'événement avec le médecin, comprend mal son attitude.
03:52« Il n'a pas l'air de quelqu'un qui vient de perdre sa femme. Qu'en pensez-vous ? »
03:57« Ce n'est pas à moi d'en juger, madame. La police s'en chargera. »
04:01« Vous croyez que la mort n'est pas naturelle ? »
04:03« Je n'ai pas dit cela. »
04:05« Disons que cette jeune femme est morte mystérieusement et que mon devoir est de prévenir la police. »
04:11Ce que découvre le sergent Naylor en arrivant au domicile des Barlows n'a pourtant rien de mystérieux a priori.
04:17Petite maison au rez-de-chaussée, très ordinaire.
04:19Une pièce principale, une chambre à coucher, une cuisine, une salle de bain.
04:23Peu de meubles, pas de désordre.
04:25Sauf dans la salle d'eau.
04:27Elle est inondée.
04:29Ce que raconte Kenneth Barlow n'a rien de mystérieux non plus.
04:32D'un don morne et d'une seule traite.
04:35Il explique au sergent Naylor le détail de sa soirée.
04:41« Ma femme et moi nous sommes rentrés vers 17h.
04:43Nous avons pris le thé ensemble.
04:44Elle est allée se coucher en me disant qu'elle était fatiguée.
04:47Je devais la réveiller avant 8h.
04:48Elle voulait regarder une émission à la télévision.
04:50Je l'ai réveillée.
04:52Nous sommes assis là, sur ce canapé, en regardant l'émission.
04:55Elle s'est sentie mal.
04:57Alors elle est retournée se coucher.
04:59Elle avait des sortes de nausées.
05:01Se plaignait d'avoir chaud, transpirait beaucoup.
05:04J'ai dû changer les draps avant de me coucher.
05:06Je me suis endormie.
05:08Vers 11h du soir, quelque chose m'a réveillé.
05:10Ma femme n'était plus dans le lit et j'ai vu de la lumière dans la salle de bain.
05:14Alors j'ai couru et je l'ai trouvée évanouie dans la baignoire.
05:17Je n'ai pas pu la sortir de l'eau, elle était trop lourde.
05:19Alors j'ai vidé l'eau.
05:21Je l'ai allongée sur le carrelage et j'ai essayé de la ranimer.
05:24Mais je n'y arrivais pas, alors je suis partie demander du secours.
05:28Quand le médecin est arrivé, il a dit qu'elle était morte.
05:34Kenneth Barlow se tient droit debout devant le policier.
05:37Il s'est habillé.
05:39Il a rallumé le poil éteint et il fume.
05:42Et il n'a manifesté aucune surprise en voyant arriver la police presque en même temps que l'ambulance.
05:47Comme s'il s'était attendu à tout cela.
05:49La réaction des gens devant la mort d'autrui est si différente d'un individu à l'autre
05:53qu'il est hors de question pour un policier d'en tenir compte a priori.
05:57Certains pleurent, d'autres hurlent ou s'évanouissent.
06:00Kenneth Barlow fait partie de la race de ceux qui se taisent
06:03et ne manifestent aucune émotion apparente.
06:06Lorsque le sergent Naylor demande à l'inspecter la maison,
06:09Kenneth ne proteste pas.
06:11Au contraire, il l'accompagne, lui ouvre les portes
06:14comme s'il faisait visiter un appartement à vendre.
06:16Ici la cuisine, le placard, la chambre.
06:20Dans la chambre à coucher, bien pliée, sur le lit, un pyjama.
06:26Le policier questionne.
06:28« Le vôtre ? »
06:29Barlow acquiesce d'un signe de tête.
06:32« Je me suis habillé, j'avais froid. »
06:36Le policier ne fait aucune remarque sur le moment mais note en lui-même un détail curieux.
06:40Barlow lui a bien dit qu'il avait tenté de sortir sa femme de la baignoire,
06:44qu'il n'y avait pas réussi,
06:46qu'il avait dû vider l'eau avant de tenter de la réanimer.
06:50Or, à ce moment-là, il était en pyjama.
06:53Et le pyjama en question devrait être mouillé.
06:57Il est sec, parfaitement sec.
07:00Le sol aussi est sec et particulièrement le chemin qui mène de la salle de bain
07:04à la pièce principale, pas de marque de pas.
07:07Pourtant, en traversant la pièce pour aller téléphoner,
07:10Barlow était censé être mouillé.
07:12Il aurait dû laisser des traces.
07:16Tandis que le médecin légiste procède à un examen plus approfondi que le précédent,
07:20le sergent Naylor continue son inspection.
07:23Dans le placard à pharmacie, aucun médicament suspect,
07:26sauf une boîte contenant trois oreilles,
07:30dont une encore humide,
07:32posée sur un tampon de gaz.
07:35« Votre femme suivait un traitement particulier ?
07:38« Non.
07:39« Non, elle avait une excellente santé.
07:41« C'est moi qui me suis fait une piqûre de pénicilline cet après-midi.
07:44« Je souffre d'un furon classé gênant dans le cou.
07:49« Vous vous faites vos piqûres vous-même ?
07:51« Je suis infirmier. J'ai l'habitude.
07:54« Mais vous n'avez pas fait de piqûres à votre femme ces derniers temps ?
07:56« Aujourd'hui ?
07:57« Non. »
08:00Le sergent Naylor prend délicatement les seringues qu'il enveloppe dans un linge.
08:04Barlow l'observe sans bouger.
08:07« Je dois les faire examiner par le laboratoire.
08:11« Quelqu'un d'autre, à la place de Barlow, demanderait pourquoi.
08:14« Protesterait, en tout cas se sentirait suspecté, à tort ou à raison.
08:18« Mais il ne fait rien de tout cela.
08:20« Il demande simplement « Vous voulez voir mon furoncle ? »
08:24Et sans attendre la réponse,
08:26il dégraffe le col de sa chemise,
08:28retire un pansement à la base de la nuque
08:30et penche la tête vers le sergent Naylor.
08:32« Regardez ! »
08:33À peine le sergent a-t-il constaté la présence du furoncle
08:36que Kenneth Barlow enchaîne.
08:38« J'aimerais savoir maintenant ce que pense votre médecin de la mort de ma femme. »
08:43Il a dit cela d'un ton morose,
08:45comme s'il devait accomplir une formalité ennuyeuse mais nécessaire,
08:49et se dirige vers la pièce principale
08:51sans plus se préoccuper du sergent Naylor et de ses seringues.
08:56Le sergent, en notant plus tard cette réaction dans son rapport, précisera
09:00« Barlow est actuellement insoupçonnable.
09:03« Mais son attitude étrange peut avoir deux explications.
09:06« Ou bien cet homme a un caractère extraordinairement calme
09:09« et insensible à toute forme d'émotion.
09:11« Ou bien il sait comment sa femme est morte
09:14« et il joue à un jeu connu de lui seul. »
09:20Nous allons voir effectivement que Barlow est un joueur remarquable,
09:24mais qui n'a peut-être pas toutes les bonnes cartes en main.
09:31Et vous le découvrirez dans un instant,
09:33dans la suite de ce récit extraordinaire
09:35« Le Poison de l'Amour » grâce aux archives d'Europe 1,
09:38à tout de suite avec la voix de Pierre Belmar
09:40qui vous accompagne jusqu'à 15h sur Europe 1.
09:49La voix mythique de Pierre Belmar
09:51vous accompagne jusqu'à 15h sur Europe 1.
09:53Son récit extraordinaire se poursuit.
09:56Une femme a été retrouvée morte dans sa baignoire
09:58et rapidement la police trouve que le mari de cette dernière
10:02se comporte bizarrement.
10:06« Le Poison de l'Amour »
10:12La femme de Kenneth Barlow est donc morte mystérieusement.
10:15Selon les constatations du médecin légiste,
10:17rien d'apparemment discernable à l'autopsie n'a provoqué la mort
10:21et pourtant cette mort n'est pas normale.
10:23Ce qui avait frappé le premier médecin appelé par les voisins de Barlow
10:26reste un mystère.
10:27La jeune femme avait les pupilles largement dilatées.
10:30Ce détail est en général révélateur d'une mort par empoisonnement
10:33ou excès de drogue.
10:34Or les analyses chimiques ne donnent rien,
10:36aucune substance toxique,
10:38aucune trace de piqûres atravéneuses,
10:40rien dans l'estomac.
10:42La jeune femme était enceinte de deux mois environ sans complications.
10:46Quant à la seringue, trouvée dans l'armoire à pharmacie,
10:48elle contenait effectivement des traces de pénicilline.
10:51Barlow n'avait pas menti.
10:53Pendant ce temps, le sergent Naylor enquête sur le passé du jeune veuf
10:57et découvre qu'il a été marié la première fois,
11:01qu'il était déjà veuf,
11:03depuis peu de temps d'ailleurs,
11:05puisque la première madame Barlow est morte en 1956,
11:08un an auparavant,
11:09et dans des circonstances aussi étranges que la seconde.
11:12Le médecin, qui a délivré le permis d'énumer,
11:14a constaté un arrêt cardiaque dû à des causes indéterminées.
11:18Malheureusement, aucune enquête n'a été faite sur la mort de cette femme
11:22et Barlow s'est remarié très peu de temps après,
11:24sans être inquiété.
11:26En même temps qu'il changeait de femme,
11:28il changeait aussi d'employeur, sans raison valable.
11:32Sur le plan professionnel, c'est un excellent infirmier,
11:35consciencieux, dont ses camarades parlent avec sympathie.
11:38L'un d'eux, surtout, qu'il a bien connu en 1955,
11:41avant la mort de sa première femme.
11:43Okenet a beaucoup de qualité.
11:45J'ai toujours pensé qu'il aurait pu faire une bien meilleure carrière.
11:48S'il avait fait les études nécessaires, il aurait pu être médecin.
11:51Il a soigné ici avec dévouement de nombreux malades.
11:54C'est un garçon assez renfermé,
11:55il ne parle pas beaucoup de sa vie privée,
11:57mais il ne manque pas d'humour.
11:59Vous pouvez vous renseigner sur lui.
12:00Certains de nos malades l'ont bien connu.
12:04Dans cet hôpital où travaillait Barlow en 1955,
12:07on soigne notamment de grands diabétiques handicapés
12:10qui ne peuvent assurer eux-mêmes leur traitement.
12:12C'est en parlant avec l'un d'eux que le sergent Naylor
12:15entend cette réflexion surprenante.
12:18« Barlow ? Ah, le grand infirmier May !
12:20Oh, bien sûr que je m'en souviens !
12:22Il me faisait mes piqûres tous les matins !
12:24C'est l'inventeur du crime parfait ! »
12:27« Qu'est-ce que vous dites ? »
12:28« Oh, c'est une plaisanterie, qu'il faisait souvent.
12:31Il disait une dose appropriée d'insuline,
12:34c'est habillé simple pour l'au-delà,
12:36un tout petit peu plus qu'il y en a là-dedans,
12:38et hop, ni vu ni connu !
12:40D'après lui, l'insuline ne laisse aucune trace.
12:42Il disait que c'était sale qu'à une parfaite. »
12:45« Et vous n'aviez pas peur qu'il l'essaye sur vous ? »
12:48« Oh, ben non ! C'était une plaisanterie !
12:51De morbide, je l'avoue, mais vous savez,
12:53nous autres diabétiques, nous savons bien que
12:56nous ne pourrions pas vivre sans insuline.
12:58Nous en parlons souvent entre nous.
13:00C'est vrai que c'est un médicament extraordinaire,
13:02c'est la vie ou la mort, à portée de la main.
13:05Certains malades se sont même suicidés,
13:08il y en a qui ne supportent pas de vivre ainsi
13:10accrochés à une piqûre.
13:12Vous savez, il faut un drôle de moral dans certains cas. »
13:17Muni de ces précieux renseignements,
13:19le sergent Neylor se précipite au laboratoire de la police
13:22pour demander qu'on recherche dans le corps d'Elisabeth Barlow
13:25des traces d'insuline.
13:27Il fallut deux mois d'efforts et de multiples analyses
13:31pour en faire la preuve scientifique.
13:33Mais les spécialistes parvinrent à cette certitude.
13:36La seule explication de la mort d'Elisabeth Barlow,
13:38c'était l'insuline.
13:40Une minuscule trace de piqûre sur la cuisse.
13:43L'examen des tissus, celui du taux de sucre
13:45anormalement élevé, tout concordait.
13:48Kenneth avait injecté à sa femme 84 unités de ce produit,
13:52mortelle pour un nom diabétique.
13:54Le coma hypoglycémique était survenu pendant le sommeil.
13:57Kenneth avait dû ensuite traîner sa femme dans la baignoire
14:01pour simuler un malaise.
14:03Inculpé de meurtre six mois après la mort de sa femme,
14:06Kenneth Barlow, toujours aussi maigre,
14:08toujours aussi morose,
14:10refuse pourtant d'avouer quoi que ce soit.
14:12« Enfin, c'est ridicule.
14:14Cette histoire de piqûre n'a rien à voir avec la mort de ma femme.
14:18Oui, elle m'a demandé effectivement de lui injecter de l'ergotamine,
14:22alors je l'ai fait.
14:24Cela se passait au moins deux semaines avant sa mort.
14:26Ce produit était destiné à supprimer la grossesse.
14:30Elle ne voulait pas de l'enfant.
14:32Et ça n'a pas marché.
14:34Barlow, vous ne pouvez pas nier les résultats du laboratoire.
14:38Votre femme est morte d'une dose d'insuline
14:41et nous avons recueilli sur vous des témoignages accablants.
14:44Le jury ne vous acquittera pas.
14:46Vous feriez mieux d'avouer, de révéler votre mobile.
14:49C'est la seule façon peut-être d'obtenir des circonstances atténuantes.
14:53N'oubliez pas que votre première femme est morte de façon inexplicable.
14:56De là à penser que vous l'avez tuée aussi.
14:58Je connais la loi anglaise.
15:01On ne peut me juger que pour un seul crime.
15:04D'ailleurs, vous n'avez pas de preuves.
15:06Rien ne vous permet d'affirmer que ma première femme n'est pas morte naturellement.
15:09C'est exact.
15:11Ensuite, je n'avais aucune raison de la tuer, pas plus que la deuxième.
15:15C'est à vous de trouver un mobile.
15:17C'est vous qui accusez.
15:21Je ne vous étonnerai pas, M. Barlow, en vous disant que je connais votre mobile.
15:25Oh, c'est impossible. Je n'en ai pas.
15:27La mort de ma femme ne me rapporte rien.
15:30Vous pouvez enquêter autant que vous voudrez depuis ma première rencontre avec elle jusqu'à sa mort.
15:34Nous ne nous sommes jamais disputés.
15:36Interroger sa famille ?
15:37Nous avons fait un mariage d'amour.
15:39Je ne l'ai jamais trompée et elle non plus.
15:41Notre ménage était exemplaire.
15:43Pourtant, elle ne voulait pas d'enfant.
15:46Et elle était enceinte.
15:49Peut-être a-t-elle voulu se suicider pour ne pas en avoir.
15:52C'est curieux que vous ne pensiez pas à cet argument, M. Barlow.
15:55Mais je sais parfaitement.
15:57Vous voulez en venir.
15:59Vous voudriez me faire avouer que quelque chose n'allait pas entre ma femme et moi.
16:02La théorie du suicide est impossible, vous le savez bien.
16:05Pourquoi ça, M. Barlow ?
16:06Qui nous empêche de penser que votre femme s'est faite elle-même une piqûre d'insuline ?
16:10Elle connaissait les dangers de ce produit.
16:12Vous avez dû lui en parler souvent.
16:14Mais elle n'aurait pas pu s'en procurer toute seule.
16:17Alors disons que vous lui avez fourni le produit.
16:20Disons que vous êtes complice, simplement complice.
16:23J'ai bien envie de présenter l'affaire de cette façon au juge d'instruction.
16:26Après tout, on peut penser que vous aimiez tellement votre femme
16:30que vous avez voulu l'aider à mourir.
16:33C'est un mobile comme un autre.
16:35Mais c'est un mobile ridicule.
16:36Mais vous n'avez pas le droit.
16:37Mais je n'ai pas de mobile.
16:40Pour la première fois depuis son inculpation,
16:42Kenneth Barlow semble sortir de ses gants.
16:45Il ne supporte pas la contradiction dès que l'on parle de mobile.
16:50Et le sergent n'est lors sans qu'il tient le bon bout.
16:54Vous tenez beaucoup à ce qu'il n'y ait pas de mobile, Barlow.
16:58Beaucoup trop, à mon avis.
17:01Vous y tenez tellement que vous commettez une erreur grossière.
17:06Dites-moi donc ce que vous pensez du crime parfait.
17:09Ça n'existe pas.
17:12Vous y pensiez souvent, d'après certains témoignages.
17:14Tout le monde peut en parler.
17:16Ce n'est pas pour autant que tout le monde tue, qu'il y a crime.
17:19Mais vous n'êtes pas tout le monde, Barlow.
17:22En tout cas, vous en êtes persuadé.
17:24Répondez-moi précisément.
17:26Que pensez-vous du crime parfait ?
17:30Ben...
17:32Quand un crime peut être qualifié de parfait,
17:34c'est qu'il n'existe pas,
17:36puisque tout le monde ignore que c'est un crime.
17:39À quoi sert le crime parfait, à votre avis ?
17:42À rien.
17:44Puisqu'il n'y a pas de mobile.
17:46Il est entièrement gratuit.
17:49C'est là où vous vous trompez, Barlow.
17:52Vous confondez crime gratuit et crime parfait.
17:57Le vôtre était peut-être gratuit,
17:59mais il est loin d'être parfait.
18:01Reconnaissez-le, puisque je vous inculpe avec des preuves.
18:05En réalité,
18:07vos aveux sont de peu d'importance.
18:12En le poussant à bout, le policier savait ce qu'il faisait.
18:15Finalement, Kenneth Barlow
18:17se voulait plus fort qu'il n'était.
18:20Au bout de quatre séances d'interrogatoire de ce genre,
18:22alors qu'il entamait la cinquième,
18:24c'est lui qui s'aida.
18:27Voici le texte du message qu'il fit parvenir au sergent Naylor.
18:32« J'ai tué ma femme, c'est vrai.
18:34Je l'ai tuée pour vérifier une théorie.
18:37Je me suis trompé.
18:39Je pensais pouvoir réaliser le crime parfait.
18:42J'ai échoué.
18:44Non seulement j'ai été découvert,
18:46mais je dois reconnaître que j'avais un mobile.
18:49En réalité, je déteste les fins.
18:53Cette déclaration intempestive
18:55ne facilita pas le travail de son avocat
18:57qui, toutes les peines du monde,
18:59a sauvé la tête de son client.
19:02Quant au sergent Naylor,
19:04à qui nous devons les détails de ce dossier,
19:06sa conclusion est toute personnelle
19:08et le procès n'en fit pas état.
19:12« Je suis persuadé, écrit-il,
19:14d'avoir eu affaire à l'un de ces fanatiques du crime parfait
19:18et je suis persuadé
19:20que les aveux de Kenneth Barlow
19:22n'étaient destinés qu'à couvrir un premier crime,
19:26celui qu'il considérait vraiment comme parfait
19:29selon son éthique personnelle,
19:31car personne,
19:33personne n'a jamais su vraiment
19:35de quoi et comment était morte sa première femme.
19:38Sur ce point, d'ailleurs,
19:40il est toujours resté muet,
19:42fidèle à son principe.
19:45Un crime ne peut être parfait
19:48que s'il n'existe pas. »
20:19Et dans un instant, juste après le journal permanent,
20:21place à un autre récit,
20:23une affaire cousue de fil blanc,
20:25l'explosion d'un avion en plein vol.
20:27A tout de suite sur Europe 1 sur l'actualité.
20:39Les récits extraordinaires de Pierre Belmar
20:41vous accompagnent tout l'été sur Europe 1
20:43jusqu'à 15h du vendredi au dimanche.
20:45Second récit pour ce vendredi,
20:47nous sommes en 1949,
20:49un avion de Canadienne Pacifique
20:51explose en plein vol.
20:53Mais le responsable faisait-il partie des passagers ?
20:56Serait-ce une affaire cousue de fil blanc ?
21:04« Chers amis, comme cette histoire vous réserve une surprise,
21:08Jacques-Antoine vous demande de l'écouter jusqu'au bout.
21:13La première scène se passe pendant l'été indien,
21:16à Québec, en 1949,
21:19dans cet hôtel étonnant qui surplombe la ville,
21:22de ses murs rouges et de ses toits de bronze.
21:26Dans l'immense hall sombre,
21:28devant le stand de la Canadienne Pacifique
21:30y a roué un homme grand, mince, d'allure timide,
21:32aux cheveux bruns ondulés et au visage juvénile,
21:35essaye de convaincre sa femme
21:37de ne pas décaler son voyage.
21:40Lucille, l'hôtesse de la compagnie,
21:42vêtue d'un élégant tailleur chocolat au lait,
21:44ornée d'une jonquille pour aller avec son petit chapeau,
21:47attend patiemment.
21:48Enfin la femme cède et l'on achète le billet.
21:52Quelques instants plus tard,
21:53l'homme et la femme se séparent,
21:55la femme pour rentrer chez elle,
21:56M. Gay pour rejoindre
21:58une ravissante créature bien connue pour son sex-appeal,
22:02qui travaille au café Le Monte Carlo,
22:04elle s'appelle Marie-Ange Robitaille,
22:07et c'est sa maîtresse.
22:09Un mot sur l'homme.
22:11Oh et puis non.
22:13Si je vous en dis tout de suite plus sur son compte,
22:16vous allez penser qu'il est le coupable dans ce dossier extraordinaire.
22:19Vous ne trouvez pas que ce serait un peu cousu de fil blanc ?
22:22Un peu trop évident.
22:24Le coupable comme ça,
22:25dès le début de l'histoire ?
22:28Deux jours plus tard,
22:29un homme vêtu d'un costume bleu marine,
22:31chemise verte, cravate noire,
22:33tenant sa petite fille par la main,
22:34accompagne sa femme à l'aéroport.
22:37L'homme et la femme s'embrassent,
22:38s'embrassions,
22:39puis la femme embrasse sa petite fille
22:41et s'embagage,
22:42ne portant que son sac à main,
22:44se dirige vers la salle d'embarquement.
22:46Alors l'homme,
22:47tenant toujours sa petite fille par la main,
22:50fait quelques pas vers une machine distributrice d'assurance
22:53et il souscrit une police de 10 000 dollars
22:56sur l'avis de sa femme et à son bénéfice.
22:59On peut voir son nom
23:01sur le papier que lui délivre la machine.
23:03Albert Guay.
23:05Ha ha ha !
23:07Je vous vois venir,
23:08chers amis,
23:09vous pensez ?
23:10L'avion va exploser,
23:11boum !
23:12Et c'est ce monsieur Guay le coupable.
23:14Non mais,
23:15vous ne trouvez pas que ça serait un peu trop cousu de fil blanc ?
23:17Un peu trop facile ?
23:18Un peu trop évident ?
23:20Est-ce que cela mériterait
23:21de figurer dans les dossiers extraordinaires ?
23:41Pendant que monsieur Albert Guay
23:44souscrit une assurance de 10 000 dollars à son profit
23:47sur l'avis de sa femme
23:48qui va décoller de l'aéroport de Québec,
23:50un taxi,
23:51qui fonçait sur l'autoroute,
23:52saute sur un K6.
23:54Dans ce taxi,
23:55une femme d'environ 40 ans
23:56habillée de noir,
23:57à ses pieds,
23:58une grande boîte de carton
24:00de 75 centimètres de haut
24:02sur 40 de large.
24:03« Mais faites attention ! »
24:04dit-elle au chauffeur.
24:06Le chauffeur ralentit sa course,
24:08se souvenant que la cliente
24:09lui a dit que son carton
24:10contenait des œufs.
24:13Arrivé à l'aéroport,
24:14la dame embarrassée par son colis
24:15demande au chauffeur de taxi de l'aider.
24:17C'est ainsi
24:18que monsieur Willy Lamonde,
24:20employé de la Canadienne Pacific Airways,
24:23voit arriver la femme en noir,
24:24très excitée,
24:25portant son colis
24:26qu'elle pose sur la bascule.
24:28L'employé constate que le colis fait 13 kilos.
24:32« C'est trop ! » dit-il.
24:34La femme insiste.
24:35Comme l'avion va décoller,
24:36l'employé appelle un convoyeur
24:37pour faire porter le colis vers l'appareil.
24:39La femme lui dit
24:40« Vous trouverez le nom du destinataire
24:41et de l'expéditeur sur la boîte.
24:42Tout est écrit. »
24:44L'employé jette un coup d'œil et dit
24:46« Expéditeur M. Ursul Bouchon,
24:48destinataire M. Alfred Plouffe. »
24:51Bien sûr, chers amis,
24:54vous pensez que ces noms sont bizarres.
24:57Mais ça existe, les noms bizarres.
24:59Oui, Ursul Bouchon, Alfred Plouffe.
25:02Et s'il fallait trouver louche
25:04tous les colis qui portent des noms bizarres,
25:07le prix de l'expédition s'élève à 2,75 $.
25:11Comme la femme, toujours aussi excitée,
25:13lui a remis un billet de 10 $
25:15et qu'ils n'ont pas de monnaie,
25:16ni les uns ni les autres,
25:17il faut rappeler le chauffeur de taxi
25:19qui obligément change le billet.
25:21Ah, je sais ce que vous pensez,
25:23chers amis.
25:24Vous pensez
25:25« Le colis, c'est une bombe ! »
25:27Allons, voyons.
25:29Vous ne trouvez pas que ce serait
25:30un peu trop cousu de fil blanc,
25:32un peu trop facile,
25:33un peu trop évident ?
25:35D'ailleurs,
25:36si ce colis contenait une bombe,
25:38on aurait pris soin, je présume,
25:39de donner l'expéditeur et au destinataire
25:41des noms passants plus inaperçus,
25:44pas Ursul Bouchon et Alfred Plouffe.
25:49Pourtant,
25:50la suite semblerait vous donner raison.
25:52En effet,
25:5416 minutes
25:56après le décollage,
25:58l'avion,
26:00un DC-3,
26:01après avoir traversé le Saint-Laurent,
26:04explose
26:05et s'écrase
26:06au lieu, dit poétiquement,
26:08« le sceau du cochon ».
26:12M. Victor Duclos,
26:14fermier à Sceau du Cochon,
26:15est la première personne
26:16qui parvient sur les lieux de la catastrophe.
26:19Il remarque
26:21que certains débris sont tombés très loin
26:23du débris principal de l'épave,
26:25presque un kilomètre.
26:27Dans l'épave, ou ce qu'il en reste,
26:29il aperçoit
26:31des membres épars,
26:32des visages sanglants.
26:35Il ramasse une chaussure fendue en plein milieu.
26:37Les vêtements sont brûlés, déchiquetés,
26:39au point
26:41qu'on les dirait mangés par de la vermine.
26:44Au-dessus de tout cela flotte
26:46une odeur
26:48que M. Duclos reconnaît bien,
26:50car il l'a déjà utilisée,
26:52celle
26:54de la dynamite.
26:57C'est aussi ce que reniflent aussitôt
26:58les premiers policiers,
26:59les sauveteurs
27:00et tous les experts
27:01qui vont venir sur les lieux.
27:04On dénombre bientôt 23 cadavres,
27:06aucun rescapé.
27:08Sans aucune difficulté,
27:09les enquêteurs établissent
27:10que la catastrophe a été provoquée
27:12par une explosion dans la soute à bagages.
27:16Pendant ce temps,
27:17à l'aéroport,
27:18il s'appelle Lorette,
27:20les enquêteurs se plongent dans l'étude
27:21de la liste des passagers,
27:22tandis que la compagnie reçoit
27:23les parents et amis de ces derniers
27:25qui accourent affolés
27:26à l'annonce du drame.
27:29Ils sont bientôt une centaine
27:31qui assaillent les responsables.
27:33Ceux-ci, embarrassés,
27:35minute après minute,
27:36bribe par bribe,
27:38pour atténuer le choc,
27:39donnent quelques informations.
27:42« Il y a des victimes, disent-ils.
27:44On ne sait pas encore combien.
27:46Il y a des morts.
27:48On n'a pas encore dénombré les cadavres.
27:51On a compté 22 victimes.
27:54Mais on ne sait pas combien de vivants.
27:56On ne sait pas s'il y a des rescapés.
27:59Il n'y a pas de rescapés.
28:02Mais avant de s'affoler,
28:03il faut connaître la liste des victimes.
28:05Certains passagers ont pu renoncer
28:06à partir au dernier moment,
28:07etc., etc.
28:10Mais Albert Gay et sa fille,
28:11mêlées à la foule silencieuse,
28:13savent qu'il n'y a plus d'espoir,
28:16puisqu'ils ont vu Mme Gay
28:18marcher vers l'avion.
28:21Alors la petite fille se met à crier
28:22dans les bras de son père,
28:24qui s'englotte.
28:26Leur douleur fait peine à voir
28:29Il faut l'arriver d'un prêtre
28:31pour qu'il se calme un peu.
28:33Tous les policiers disponibles à Québec
28:35sont maintenant sur l'affaire
28:37et l'on a vite fait d'établir
28:39que tous les bagages ont été amenés
28:40soit par les victimes elles-mêmes,
28:42soit par un affraiteur très respectable,
28:44dont les envois sont réguliers
28:45et fréquents sur la ligne.
28:47Tous les bagages,
28:48sauf un.
28:52La fameuse boîte en carton.
28:56En écoutant les nouvelles de la radio,
28:58le chauffeur de taxi
28:59qui l'a transportée
29:00commence à douter
29:01qu'elle est réellement contenue
29:02des œufs.
29:04Il se rend à la police
29:05et donne une description exacte
29:06de la dame en noir
29:08et l'adresse
29:09où il l'a chargée.
29:12À l'adresse indiquée,
29:14carrefour extrêmement passant,
29:16personne ne connaît cette dame.
29:18Mais les policiers entreprennent
29:19d'interroger tous les gens du quartier.
29:21De même, ils interrogent
29:22des parents et amis
29:23très proches des victimes,
29:24dont au premier lieu,
29:25Albert Gay.
29:26Cela pour deux raisons évidentes.
29:29D'abord, parce que sa femme
29:30morte d'hémorragie cérébrale
29:31à la suite de multiples fractures
29:33et la seule femme parmi les victimes
29:34dont le visage
29:35n'est pas méconnaissable,
29:37elle a donc été identifiée
29:38la première.
29:39Ensuite,
29:40les policiers ont trouvé
29:41le double de la police d'assurance
29:42qu'Albert Gay
29:43assouscrit à l'aéroport.
29:46Mais dans l'esprit des policiers,
29:47ce dernier détail
29:48plaiderait plutôt en sa faveur.
29:50Car c'est quand même
29:51cousu de fil blanc, non ?
29:53C'est un peu trop facile
29:54pour la police, non ?
29:55Ou un peu trop évident ?
29:57Toutefois,
29:58comme cette forme de crime
29:59à l'assurance
30:00serait la première du genre,
30:01car l'affaire se passe en 1949,
30:04Albert Gay, s'il est coupable,
30:06croyait peut-être,
30:07en la souscrivant,
30:08que personne
30:09ne devinerait jamais la vérité.
30:10D'ailleurs,
30:11si l'avion
30:12s'était abattu
30:13dans l'estuaire du Saint-Laurent,
30:14personne, en effet,
30:15n'aurait jamais connu la vérité.
30:17Et en tout cas,
30:18on n'aurait jamais pu le prouver.
30:23Et la vérité
30:24de cette probable affaire
30:25cousue de fil blanc,
30:26vous la découvrirez
30:27dans un instant
30:28grâce aux archives d'Europe 1,
30:29à tout de suite
30:30avec la voix de Pierre Belmar,
30:31qui vous accompagne
30:32jusqu'à 15h sur Europe 1.
30:38Suite et fin
30:39de ce récit extraordinaire
30:40de Pierre Belmar,
30:42l'histoire du vol
30:43de Canadienne Pacific,
30:44cet avion a explosé
30:45en plein vol
30:46et les premières preuves
30:47trouvées par la police
30:48paraissent trop évidentes.
30:50S'agit-il d'un piège ?
30:51Réponse tout de suite
30:52sur Europe 1
30:53avec la voix mythique
30:54de Pierre Belmar.
31:04Donc, les policiers
31:05vont interroger Albert Guay.
31:07Ils trouvent un homme effondré
31:08qui répond comme il peut
31:09aux questions qu'on lui pose.
31:12Quand ils lui apprennent
31:13que sa femme
31:14et les 22 autres passagers
31:15ont été victimes d'un attentat,
31:16ils palient et disent
31:18« c'est monstrueux ».
31:20Ils demandent ce qu'il peut faire
31:21pour aider la police.
31:23Hélas, il ne peut rien,
31:24rien qu'exhorter les policiers
31:25en les raccompagnant
31:26à la porte
31:27à creuser
31:28jusqu'au fond
31:29de cette affaire.
31:31Bien entendu,
31:32on cherche à Québec
31:33M. Ursul Bouchon
31:34qui serait l'expéditeur
31:35du colis
31:36et à Baie-Comeau
31:37M. Alfred Plouf,
31:38le destinataire.
31:40Et on cherche
31:41sérieusement
31:42car justement
31:44parce que ces noms
31:45sont bizarres,
31:46les policiers
31:47ont peine à croire
31:48qu'on les ait inventés
31:49pour les mettre
31:50sur un carton
31:51contenant une bombe,
31:52ce qui serait le plus sûr moyen
31:53de le se faire remarquer.
31:55Pourtant,
31:56il faut se rendre à l'évidence,
31:57M. Ursul Bouchon
31:59et M. Alfred Plouf
32:00n'existent pas.
32:02Les enquêteurs interrogent
32:03tous les employés
32:04de la Canadienne Pacifique Yahoué
32:05qui ont vendu les billets
32:06pour le vol fatidique.
32:08C'est ainsi
32:09qu'ils ont l'occasion
32:10d'entendre les témoignages
32:11de Lucille,
32:12l'hôtesse
32:13au petit tailleur chocolat au lait
32:15qui a vendu un billet
32:16dans le hall de l'hôtel
32:17deux jours plus tôt.
32:19Elle se souvient très bien,
32:20il y avait un homme
32:21et une femme,
32:22la femme voulait
32:23décaler son voyage
32:24et son mari l'a décidé
32:25à ne rien changer
32:26à ses projets.
32:28Reconnaîtrait-elle
32:29cette femme ?
32:31Peut-être.
32:33On lui montre une photo ?
32:35Oui,
32:36c'est elle !
32:38Elle,
32:39c'est Mme Gué,
32:40et cet homme,
32:41c'est lui !
32:43Lui,
32:44c'est M. Gué.
32:46Et mettez-vous
32:47à la place des policiers,
32:48chers amis.
32:49Il se regarde incrédule.
32:52S'il avait eu l'intention
32:53de piéger l'avion,
32:54il n'aurait pas discuté
32:55avec sa femme
32:56devant la vendeuse
32:57du billet
32:58pour la pousser devant témoin
32:59à prendre un avion
33:00qui va exploser.
33:02Tout de même,
33:03ils enquêtent
33:04sur la vie de M. Gué.
33:06Oh non,
33:07c'est pas vrai,
33:08figurez-vous
33:09que son premier métier
33:10avant d'être joaillier,
33:11c'était
33:12ouvrier
33:13dans une fabrique
33:14de munitions
33:16et sa vie privée.
33:17Voyons un peu
33:18sa vie privée.
33:20Et nouvelle incrédulité
33:21des policiers.
33:22De notoriété publique,
33:23le ménage Gué
33:24n'allait plus du tout.
33:25Il se disputait
33:26sans arrêt
33:27et M. Gué
33:28n'avait caché à personne
33:29son désir
33:30de quitter sa femme
33:31pour vivre
33:32avec la splendide créature
33:33qui travaille
33:34au Monte Carlo,
33:35Marie-Ange Robitaille.
33:37Marie-Ange déclare
33:38aux policiers
33:39qu'il y a longtemps
33:40qu'elle n'aime plus
33:41alberguer.
33:42D'ailleurs,
33:43elle ne le voit plus.
33:44Depuis la dernière fois,
33:45elle ne lui a même
33:46pas téléphoné.
33:47Ben,
33:48hier.
33:50Au demeurant,
33:51alberguer n'est pas fou
33:52ni idiot.
33:53Il a au contraire
33:54la réputation
33:55d'un homme très avisé
33:56dont les affaires marchent
33:57très bien.
33:58Comment admettre
33:59dans ces conditions
34:00qu'il ait pu se livrer
34:01à une entreprise
34:02aussi grossière ?
34:03D'ailleurs,
34:04à l'enterrement,
34:05sa peine paraît sincère
34:06et il aime même
34:07les policiers
34:08qui,
34:09je n'ai pas besoin
34:10de vous le dire,
34:11scrutent discrètement
34:12tous les visages
34:13des parents
34:14et amis des victimes.
34:15Il a apporté
34:17si c'est Dieu
34:18qui l'a voulu,
34:19je l'accepte.
34:22Encore une fois,
34:23chers amis,
34:24mettez-vous à la place
34:25des policiers
34:26et tout cela
34:27serait tellement cousu
34:28de fil blanc,
34:29tellement facile,
34:30tellement évident
34:31qu'ils cherchent
34:32désespérément
34:33un autre coupable.
34:35C'est ainsi
34:36qu'ils finissent
34:37par retrouver
34:38enfin la fameuse
34:39dame en noir.
34:40Hélas,
34:41lorsque les policiers
34:42arrivent chez elle,
34:43c'est pour voir une ambulance
34:44l'emmener à l'hôpital.
34:45Il faut tenter
34:46de s'empoisonner
34:47avec des sommes mi-faites.
34:48Il va donc falloir
34:49attendre 24 heures au moins
34:50avant de pouvoir
34:51l'interroger.
34:52De toute façon,
34:53on sait déjà
34:54qu'elle s'appelle
34:55Mme Pitre,
34:56que c'est une ancienne restauratrice
34:57âgée de 42 ans,
34:58entremetteuse,
34:59criblée de dettes.
35:00Elle devait
35:01d'ailleurs de l'argent
35:02à alberguer.
35:03On s'en aperçoit
35:04en fouillant ses papiers
35:05mais elle doit de l'argent
35:06à la moitié de Québec.
35:08Tiens,
35:09elle connaît
35:10Marie-Ange Robitaille.
35:11Ah oui,
35:12mais maintenant
35:13qu'on l'a identifiée,
35:14elle est au Québec.
35:15Oh,
35:16disent les gens,
35:17c'est la mère Pitre.
35:18Oui,
35:19je la connais.
35:20C'est la femme qui,
35:21c'est la femme que.
35:22Et Mme Pitre a un frère
35:23et ce frère s'appelle
35:24Généreux.
35:25Décidément,
35:26c'est non.
35:27Un policier trouve alors
35:28une explication
35:29qui vaut ce qu'elle vaut
35:30au choix des deux noms
35:31sur le colis en carton.
35:32Pour des gens
35:33ayant des noms aussi bizarres,
35:34Mme Pitre,
35:35M. Généreux,
35:36peut-être que finalement
35:37les noms qui nous paraissent
35:38à nous bizarres
35:39leur semblent à eux
35:40normaux.
35:41D'ailleurs,
35:42ce M. Généreux
35:43va valoir
35:44un nouvel étonnement
35:45des policiers.
35:46D'abord,
35:47il est horlogé.
35:48Ensuite,
35:49il est infirme
35:50et se traîne péniblement
35:51dans le fond
35:52d'une échoppe sombre
35:53sur des béquilles.
35:54On ne peut pas avoir
35:55l'air plus louche
35:56que cet homme-là.
35:57Lorsque les policiers
35:58entrent chez lui,
35:59ils le trouvent
36:00en grande conversation
36:01avec un client,
36:02M. Ovid.
36:03Je vous affirme,
36:04chers amis,
36:05que nous n'inventons pas
36:06les noms,
36:07mais il faut comprendre
36:08que cela se passe
36:09au Québec.
36:10Il faut comprendre
36:11que cela se passe
36:12au Canada français
36:13où les noms sont restés
36:14de vieux noms français,
36:15finalement assez différents
36:16des nôtres.
36:17Or, M. Ovid
36:18déclare avoir rencontré
36:19M. Gay
36:20dans la boutique
36:21où il se trouve
36:22une quinzaine de jours
36:23auparavant.
36:24M. Généreux
36:25lui aurait dit
36:26en lui présentant
36:27un client
36:28« Tenez,
36:29voici un homme
36:30à qui vous pouvez
36:31rendre service. »
36:32Et il a présenté
36:33les deux hommes
36:34l'un à l'autre
36:35sans omettre
36:36de signaler
36:37leur profession.
36:38M. Gay,
36:40que puis-je faire
36:41pour vous
36:42à demander M. Ovid
36:43à M. Gay ?
36:44Je voudrais savoir
36:45à demander M. Gay
36:46à M. Ovid
36:47le plus naturellement
36:48du monde
36:49si une batterie
36:50de 6 volts
36:51est suffisante
36:52pour faire sauter
36:53une charge de dynamite
36:54et s'il faut
36:55un détonateur
36:56pour chaque bâton
36:57d'explosif.
36:58Ah évidemment,
36:59chers amis,
37:00quand on a l'intention
37:01de faire sauter
37:02un avion,
37:03c'est un peu bizarre
37:04d'aller demander
37:05comme ça
37:06des renseignements
37:07aux premiers venus,
37:08les experts chimistes
37:09de la police canadienne.
37:10Or,
37:11c'est comme tel
37:12que M. Ovid
37:13a été présenté
37:14à M. Gay.
37:15Les policiers demandent
37:16quelle a été
37:17la suite
37:18de la conversation.
37:19M. Gay m'a dit
37:20qu'il voulait dynamiter
37:21un lac
37:22pour prendre du boisson
37:23et pour faire sauter aussi
37:24des souches
37:25près d'une ferme.
37:26Je lui ai répondu
37:27que c'était
37:28un moyen dangereux
37:29et qu'il était
37:30beaucoup plus simple
37:31de jeter de la chaux
37:32au fond du lac,
37:33mais il préférait
37:34parler dynamite.
37:35Ajoutant rien,
37:36ça peut toujours servir.
37:37Le regard des policiers
37:38se croise.
37:39Ça a l'air
37:40d'une blague.
37:41On se moquerait d'eux,
37:42qu'on ne s'y prendrait
37:43pas autrement.
37:44En face des plus cousus
37:45de fil blanc,
37:46c'est cousu
37:47de cordes à puits,
37:48rouge.
37:49Alors,
37:50il cherche toujours
37:51un autre coupable
37:52possible.
37:53Mais rien à faire.
37:54Tout,
37:55toujours.
37:56Les ramène
37:57sur Albert Gay.
37:58Par exemple,
37:59ce dénommé Louis Caro
38:00qui vient déclarer
38:01tout simplement
38:02au tribunal
38:03qu'Albert Gay
38:04lui aurait offert
38:05un jour 30 livres
38:06pour empoisonner sa femme
38:07et 18 livres
38:08pour se taire.
38:09Vous avez refusé.
38:10Oui.
38:11D'ailleurs,
38:12Albert Gay
38:13n'avait pas d'argent sur lui.
38:14Lors d'un conseil
38:15de guerre de la police,
38:16deux tendances
38:17se font jour
38:18chez les policiers.
38:19Pour les uns,
38:20on ne peut pas ignorer
38:21les multiples présomptions
38:22qui accablent Albert Gay.
38:23Pour les autres,
38:24ces présomptions
38:25sont si nombreuses
38:26et les fautes si grossières
38:27de la part d'un homme intelligent
38:28qu'elles rendent justement
38:29sa culpabilité
38:30invraisemblable.
38:31Alors,
38:32on décide
38:33d'attendre
38:34le réveil
38:35de Mme Pitre.
38:36Nous sommes
38:37l'après-midi
38:38du quatrième jour.
38:39Deux policiers
38:40entrent sur la pointe
38:41des pieds
38:42dans la chambre
38:43de Mme Pitre
38:44qui vient
38:45de reprendre connaissance.
38:46« Surtout,
38:47ne la fatiguez pas »,
38:48demande le médecin.
38:49Mme Pitre
38:50tourne vers les visiteurs
38:51des yeux lents
38:52et effrayés.
38:53« Madame,
38:54excusez-nous
38:55de venir
38:56si vite
38:57à votre chevet,
38:58mais nous avons
38:59plusieurs questions
39:00à vous poser.
39:01La première,
39:02est-ce que le carton
39:03que vous avez porté
39:04à l'aéroport
39:05contenait
39:06des œufs ? »
39:07« Non.
39:08Que contenait-il ? »
39:09« Je ne sais pas.
39:10»
39:11« Alors,
39:12pourquoi avez-vous dit
39:13que c'était
39:14des œufs ? »
39:15« Parce que la personne
39:16qui m'avait demandé
39:17de porter ce paquet
39:18m'avait dit
39:19qu'il était
39:20très fragile.
39:21»
39:22« Et
39:23quelle était
39:24cette
39:25personne ? »
39:26« Albert
39:27Guay.
39:28»
39:29« Une
39:30fois que
39:31vous avez
39:32parlé
39:33avec
39:34lui,
39:35une fois encore
39:36les regards
39:37des policiers
39:38se croisent.
39:39« Et
39:40pourquoi avez-vous
39:41accepté de porter
39:42ce paquet ? »
39:43« Parce que
39:44je lui devais
39:45de l'argent.
39:46»
39:47« Et
39:48pourquoi avez-vous
39:49tenté de vous
39:50suicider ? »
39:51« Avant
39:52hier soir,
39:53Albert Guay
39:54venu chez moi
39:55quand il a su
39:56qu'on allait
39:57m'identifier.
39:58Il m'a dit
39:59« Prenez
40:00des sommifères
40:01et ouvrez
40:02nos gaz ». »
40:03Le docteur
40:04intervint pour
40:05dire aux policiers
40:06que, raisonnablement,
40:07la visite était
40:08terminée et que
40:09s'ils voulaient
40:10en savoir plus,
40:11il faudrait qu'ils
40:12reviennent le lendemain.
40:13Les policiers
40:14s'en vont sans
40:15protester car ils
40:16n'ont guère besoin
40:17d'en savoir plus.
40:18Le lendemain,
40:19cinq jours
40:20après le début
40:21de l'enquête,
40:22Albert Guay
40:23est inculpé
40:24d'homicide
40:25volontaire avec
40:26préméditation sur
40:27les vingt-trois
40:28passagers de la
40:29Canadienne
40:30Pacifique
40:31On aurait pu
40:32l'inculper d'homicide
40:33volontaire avec
40:34préméditation,
40:35négligence et
40:36stupidité car
40:37l'instruction comme
40:38l'enquête ne posera
40:39aucun problème
40:40étant donné qu'il
40:41sera facilement
40:42établi que
40:43trois semaines
40:44plus tôt,
40:45toujours sans
40:46savoir pourquoi,
40:47Mme Pitre avait
40:48acheté quatre kilos
40:49de dynamite pour
40:50Albert Guay
40:51étant donné que
40:52c'est Mme Pitre
40:53qui avait présenté
40:54Albert Guay à
40:55Marie-Ange Robitaille
40:56et qui leur prêtait
40:57son appartement
40:58lorsqu'ils désiraient
40:59se rencontrer
41:00C'est son frère
41:01généreux,
41:02l'horloger infirme,
41:03qui a fabriqué
41:04avec un vieux réveil
41:05le détonateur de
41:06la bombe,
41:07soi-disant sans
41:08savoir pourquoi
41:09étant donné que
41:10la veille de
41:11l'attentat,
41:12Albert Guay est
41:13venu chez l'horloger
41:14infirme pour
41:15constater qu'il
41:16fonctionnait bien
41:17et l'horaire de
41:18la Canadienne
41:19Pacifique yarouée
41:20à la main,
41:21il l'a réglé
41:22ce mécanisme
41:23pour qu'il explose
41:24un quart d'heure
41:25après le décollage
41:26Pendant l'instruction,
41:27la foule venait
41:28crier sous les
41:29fenêtres,
41:30se rendait
41:31au café
41:32le Monte Carlo
41:33pour admirer
41:34Marie-Ange Robita
41:35qui moyennant finance
41:36publiait des articles
41:37dans la presse
41:38accompagnés de
41:39sa photo en
41:40maillot de bain
41:41Albert Guay,
41:42lui,
41:43jouait aux cartes
41:44avec ses gardiens
41:45décontracté,
41:46souriant
41:47chaque fois
41:48qu'il les battait
41:49et s'exclamant
41:50j'ai encore gagné
41:51j'ai de la chance
41:52à la chance
41:53pourtant
41:54fini par l'abandonner
41:55il avait trop
41:56tiré sur la corde
41:57la corde s'est
41:58elle l'a pendue

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