Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Le 21 mai 1847, dans la commune de Montdidier dans les Hauts-de-France, un grave incendie se déclare. De nombreuses maisons sont en proie aux flammes. Après plusieurs heures, lorsque le feu parvient enfin à s’éteindre, le bilan est très lourd : quatre familles sont désormais ruinées.
Cet incendie est criminel ! Alors peu de temps après le drame, les officiers de police procèdent aux interrogatoires des témoins. Deux enfants sont alors soupçonnés du crime : Joseph sept ans et Alphonse cinq ans.
Les deux petits garçons sont alors conduits à la maison d’arrêt de Montdidier… mais faut-il attacher une importance absolue aux paroles d'enfants aussi jeunes ?
Pierre Bellemare raconte cette extraordinaire histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
Le 21 mai 1847, dans la commune de Montdidier dans les Hauts-de-France, un grave incendie se déclare. De nombreuses maisons sont en proie aux flammes. Après plusieurs heures, lorsque le feu parvient enfin à s’éteindre, le bilan est très lourd : quatre familles sont désormais ruinées.
Cet incendie est criminel ! Alors peu de temps après le drame, les officiers de police procèdent aux interrogatoires des témoins. Deux enfants sont alors soupçonnés du crime : Joseph sept ans et Alphonse cinq ans.
Les deux petits garçons sont alors conduits à la maison d’arrêt de Montdidier… mais faut-il attacher une importance absolue aux paroles d'enfants aussi jeunes ?
Pierre Bellemare raconte cette extraordinaire histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:31C'est que le diable le possède.
00:35Il ne faudrait pas oublier non plus que, jusqu'à une époque toute récente, les incendies prenaient très souvent une allure de désastre.
00:43Le bois constituait l'essentiel des matériaux de construction et l'on ne disposait que de moyens dérisoires pour lutter contre le feu.
00:51Dans les campagnes, les toits de chaume, les granges remplies de paille ou de foin sec se consumaient en un clin d'œil,
00:57pendant que les paysans désespéraient taper sur des flammes à coups de fourche et faisaient courageusement la chaîne pour jeter quelques misérables seaux d'eau sur des foyers dévastateurs.
01:08Le travail de toute une vie disparaissait ainsi en quelques interminables minutes.
01:12Les meubles, le linge, les outils de travail, les pauvres réserves, mais parfois aussi des bêtes qui trouvaient une mort douloureuse prisonnière de leurs étables ou de leurs bergeries.
01:22Il n'est pas surprenant, quand on y réfléchit, que l'on ait de tout temps sévèrement puni l'incendie volontaire.
01:29On ne peut pas se permettre de laisser les enfants et les grandes personnes jouer étourdiment ou pour faire du mal avec le feu.
01:41Le sous-préfecture de la Somme, Montdinier, est une petite ville située au sud du département, presque à la limite de l'Oise, dans une région essentiellement agricole.
02:06On y trouve aujourd'hui quelques petites industries locales, mais au milieu du siècle dernier, la population de l'arrondissement, assez nombreuse du reste, vivait presque exclusivement du travail de la terre.
02:17Le 21 mai 1847, vers 7 heures du soir, le maréchal des logis Besancenet, appartenant à la brigade de gendarmerie de Montdinier, regagne paisiblement la caserne après une tournée de routine dans les environs, quand une épaisse fumée noire montante à l'horizon le saisit d'inquiétude.
02:38C'est curieux tout de même, un feu de cette importance, une fumée de cette couleur, ce n'est pas normal, il faut aller se rendre compte.
02:46Le maréchal des logis pique des deux et lance son cheval dans la direction de la fumée. On dirait que cela vient de Varzy, un tout petit village situé à trois ou quatre lieux de la sous-préfecture.
02:58Le cheval souffle un peu, son maître ne le force pas trop, il lui faut presque une demi-heure pour atteindre Varzy, mais bien avant, les inquiétudes du gendarme se sont tristement confirmées. Il s'agit bien d'un incendie, et d'un incendie de belle taille. Tout un groupe de maisons et de granges est actuellement la proie des flammes.
03:18Quand le maréchal des logis met pieds à terre, le spectacle est saisissant. Les pompiers d'Arvillers paraissent impuissants à combattre le feu, malgré le concours des villageois et de plusieurs fermiers des alentours venus à la rescousse.
03:31Ce n'est que deux ou trois heures plus tard que le sinistre est maîtrisé, ou plutôt qu'il meurt de lui-même quand il n'a plus rien à dévorer.
03:40On fait un triste bilot, trois maisons, trois granges, cinq écuries ont été réduites en sang. Neuf vaches, un taureau, un porc, un âne et dix-huit moutons sont morts carbonisés, quatre familles, qui n'étaient déjà pas bien riches, sont désormais ruinées.
03:57La maison du maire, Dominique Poquet, fait partie des bâtiments sinistrés. Et comme par excès de précaution il conservait chez lui toutes les archives communales, celles-ci se trouvent du même coup entièrement consumées.
04:11Le lendemain matin, au milieu des décombres fumants et des braises, le maréchal d'ERJ Besancenet accompagne le juge de paix du canton, M. Dumont, pour rassembler les premiers éléments de l'enquête.
04:24Le feu a commencé à prendre un peu avant sept heures du soir dans une meule de fagots qui se dressait le long d'une grange appartenant à Jean-Baptiste Saillat.
04:34Les villageois venaient juste de rentrer chez eux à la fin d'une longue journée de travail. Il a fallu un moment pour qu'un voisin soit alerté par le crépitement du bois enflammé.
04:43Il se précipite, il essaie d'arracher les branches embrasées mais les longues flammes atteignent déjà le toit de chaume qui flambe comme une torche.
04:50Par les toits, voici une maison et deux écuries voisines que l'incendie gagne à leur tour un coup de vent et des poignées de braise traversent la petite rue du village.
05:00Une troisième maison est livrée au feu, on ne l'arrêtera plus, il ira jusqu'au bout de son élan dévastateur.
05:07Mais comment ce feu a-t-il pris ? Pourquoi ces fagots ont-ils soudain jeté des flammes ? Qui se trouvait par là ? Qui a vu quelque chose ? Personne.
05:16Dans toutes les maisons du village, les hommes déchaussaient leurs sabots d'un geste fourbu, les femmes servaient la soupe. Ah oui mais les enfants !
05:24Un gamin de huit ans, Florimond Blanquet, finit par murmurer en rougissant qu'il a vu quelque chose.
05:31Eh bien qu'as-tu vu Florimond ? On n'est pas peur, on fera pas de mal.
05:34Florimond a vu quelques minutes avant les premières flammes deux de ses petits camarades qui jouaient à proximité du bûcher de Jean-Baptiste Saillat.
05:46Les enquêteurs sont désappointés, deux enfants qui jouent près d'une grange avant le repas du soir, ce n'est pas une révélation bien capitale.
05:53Mais Florimond insiste, il jouait avec des allumettes.
05:57Avec des allumettes, tu en es bien sûr ? Oui j'en suis sûr.
06:00Oui j'en suis sûr. Même que Joseph en a gratté plusieurs sur un caillou et qu'elle n'arrivait pas à les faire prendre.
06:06Joseph ? Mais quel Joseph ? Joseph Babaut ? Et l'autre ? Tu l'as vu aussi, tu l'as reconnu bien sûr ? C'est Alphonse Roussel.
06:17Si le maréchal des logis et le juge de paix restent perplexes devant ces révélations, quelqu'un ne cache pas sa stupéfaction.
06:24C'est M. Poquet, le maire du village, qui assiste à cet entretien.
06:28Il y a de quoi être stupéfait car Joseph Babaut est un citoyen de 7 ans et Alphonse Roussel, dit Tiofons, vient de fêter ses 5 ans il y a juste 6 semaines, le 6 avril 1847.
06:43Oui, vous avez bien entendu, ses 5 ans.
06:46Au fond, pas un de ces hommes raisonnables.
06:49N'ajoute foi à cette accusation, on suppose que Florimont a fabule.
06:52On se dit qu'il a fait après coup un rapprochement entre l'image de ses camarades jouant auprès du bûcher et l'incendie qui a éclaté un moment plus tard,
06:59et que ce rapprochement a donné lieu dans son esprit à une relation automatique de cause à effet.
07:03Si bien que le jour même, le maire, M. Poquet, écrit dans son rapport au procureur du roi,
07:08« Bien que des soupçons plaignent sur un enfant bas âge, ils ne se sont jusqu'ici étayés d'aucune preuve. »
07:15Les preuves, on n'en a aucune, il est vrai.
07:17Si l'on entend par là, des éléments matériels objectifs ou des témoignages indiscutables.
07:22Mais on va disposer assez vite de quelque chose de beaucoup plus décisif que des preuves, les aveux des deux coupables eux-mêmes.
07:28Et oui, il faut se rendre à l'évidence, les auteurs de l'incendie criminel de Varzy sont deux petits enfants dont l'un n'est pas encore sorti des jupes de sa mère.
07:38Le juge de paix les interroge pas simplement désarmés devant ces coupables d'un modèle si peu courant.
07:43Comment doit-il s'y prendre ?
07:45Par la douceur, par la sévérité ?
07:48M. Dumont donnerait cher pour se trouver devant une simple et franche canaille.
07:53En fait, il n'a pas beaucoup d'efforts à faire pour obtenir des aveux complets.
07:56C'est Joseph Babot qui a gratté les allumettes et qui en a glissé une sous le tas de fagots.
08:01Ah, des allumettes, il faut vous dire que cet objet de nos jours si banal était en 1847 d'invention toute récente.
08:08Il commençait à se répandre dans les campagnes, jetant la stupéfaction et les merveillements dans les yeux des enfants.
08:12Il s'agissait d'ailleurs de ces grosses allumettes sous frais dont le bout rose s'enflammait quand on le frottait contre n'importe quelle surface ruyeuse.
08:19Sur un caillou, c'était parfait.
08:21Joseph et Théophonse ont dérobé quelques-uns de ces surprenants morceaux de bois.
08:27Ils en ont cassé plusieurs en les grattant maladroitement contre une porte de grange, contre un manche de pioche, contre un soc de charrues.
08:34Au fond, rien ne vaut une bonne pierre.
08:37Mais la flamme de l'allumette ne conduit pas le jeu très loin.
08:39La véritable expérience du feu, c'est le fagot qui l'a fait.
08:43On trouve le fagot, on brise encore trois allumettes, mais la quatrième flamme, livre et blanche.
08:49On la glisse sous les branches sèches, la flamme monte, la preuve du feu est faite.
08:54Les deux petits garçons ne se sont pas montrés très réticents pour raconter leur histoire.
08:58Tout au plus, ont-ils eu quelque mal à rassembler leurs souvenirs.
09:03Pourtant, ils attribuent réciproquement l'initiative de l'incendie.
09:05D'après Joseph, Tiofons lui aurait dit dans son Français patoisant, viens donc faire du feu pour nous jouer.
09:12Pour Tiofons, au contraire, Joseph aurait proposé, viens, on va faire du feu pour brûler des maisons.
09:18Mais on se retrouve au même point.
09:20Tout cela n'a pas beaucoup d'importance, pensez-vous peut-être.
09:23Ils ont fait cette grosse sottise ensemble, on les grondera tous les deux de la même façon et on n'en parlera plus, n'est-ce pas ?
09:31Eh bien, détrompez-vous.
09:33Pour les magistrats du règne de Louis-Philippe, il est fondamental de répartir convenablement les responsabilités entre les deux enfants.
09:43Les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast européen.
09:48C'est une bien curieuse affaire que M. Louis Blériot, juge d'instruction à Montidier dans la Somme, est chargé d'éclaircir en cette fin du mois de mai 1847.
09:58Il s'agit d'un incendie volontaire dont les deux auteurs sont découverts.
10:03Bien sûr, en un temps où la moindre imprudence peut encore avoir des conséquences,
10:06de telles affaires ne sont pas exceptionnelles.
10:09Mais ce qui plonge le juge dans le plus grand embarras, c'est la personnalité des accusés, ou plutôt leur jeunesse.
10:17Car Joseph Babot, je vous le rappelle, n'a que sept ans et Alphonse Roussel, dit Tio Fons, vient de fêter son cinquième anniversaire.
10:27M. Blériot, saisi par le procureur du roi, n'a que sept ans.
10:32M. Blériot, saisi par le procureur du roi, ne manifeste aucun embrassement. Il fait traîner l'enquête, multiplie les formalités.
10:42Au bout de trois semaines, le procureur leur appelle à l'ordre et lui demande de prendre des mesures vigoureuses.
10:50En soupirant, M. Blériot signe un mandat de dépôt et fait conduire les deux petits garçons sous bonne garde à la maison d'arrêt de Montidier.
11:02Convient de préciser ici que Joseph Babot et Tio Fons appartiennent tous les deux à de vraies familles.
11:11Le premier, en feulin, a été recueilli par son grand-père paternel, l'autre est le fils d'un conseiller municipal.
11:18Dans les deux cas, les parents sont pauvres, car le pays n'est pas riche, mais parfaitement capable de s'occuper de leurs enfants et de les tenir, si la loi l'exige finalement à la disposition de la justice.
11:31Mais précisément, la justice de Louis-Philippe n'entre pas dans ces considérations.
11:38Elle tient deux coupables, elle doit les garder en prison jusqu'à ce qu'elle ait décidé de leur sort définitif.
11:45Et la procédure suit paisiblement son petit bonhomme de chemin.
11:50Le procureur du roi, qui a posé sa lourde patte dans cette suite de burlesques décisions, est pris d'une sorte de remords.
11:58Alors il joint au dossier transmis par le juge d'instruction une note manuscrite dans laquelle il dit notamment
12:11Monsieur le procureur du roi hésite à croire, c'est bien aimable à lui.
12:16Il faut dire que selon les déclarations des deux policemens eux-mêmes, le plus jeune Tiofons aurait emporté les derniers scrupules de son camarade en lui affirmant
12:30Cette simple phrase composée de neuf petits mots suffit à jeter le procureur dans un grave cas de conscience.
12:37Faut-il, se demande-t-il dans la même note, faut-il attacher une importance absolue aux paroles d'un enfant de cinq ans, y avoir le même regard que s'il s'agissait d'une personne raisonnable ?
12:51Et bien le 21 juin, cinq personnes très raisonnables, les cinq magistrats cultivés et réfléchis de la cour royale de Montidier répondent au procureur par l'affirmative.
13:02Ils ordonnent la prise de corps des deux délinquants et leur transfert devant la cour d'assises d'Amiens.
13:09Tout de même, avant l'ouverte du procès, le procureur du roi voudrait bien qu'on lui communique des informations supplémentaires.
13:15Il aimerait savoir notamment comment l'idée de mettre le feu à des maisons a pu venir à ces deux jeunes malfaiteurs.
13:21Il n'arrive pas à comprendre, il lui faut des détails.
13:25Pas des détails, on ne peut guère lui en donner naturellement.
13:28S'il ne comprend pas qu'un enfant de cinq ans peut céder la fascination de jouer avec des allumettes, c'est inutile d'entrer dans de longues explications.
13:36Une petite chose pourtant l'inquiète profondément.
13:39L'inquiète tellement qu'il ne résiste pas au triste devoir de l'ajouter soigneusement à son premier apport.
13:46Pendant son séjour à la maison d'arrêt de Montdidier, Tiofonce a confié à la femme du concierge qui lui demandait un peu sottement s'il avait l'intention de recommencer.
13:57« Oui, je mettrai encore le feu après le mois d'août pour faire de belles runeuves. »
14:02Le petit garçon a-t-il déjà vu des maisons reconstruites après un incendie ?
14:07En a-t-il entendu parler ? C'est tout à fait possible.
14:11Il n'y a pas eu de sinistre avarsi depuis longtemps mais, dans deux communes voisines, en geste enceintaire et harvilaire, neuf incendies ont éclaté au cours des sept derniers mois.
14:22Vous pensez peut-être que le désir naïf de voir de belles runeuves dans son village constitue une circonstance largement et mélancoliquement atténuante pour Tiofonce.
14:33Vous ne feriez pas de bon procureur.
14:36Dans le dossier du jeune accusé, ce détail pèse lourd.
14:39Ils font d'une véritable préméditation une intention incontestablement criminelle.
14:46C'est ainsi que, le 11 juillet 1847, qui était un dimanche, la cour d'assises d'Amiens fait comparaître devant elle deux brévenus dont la tête ne parvient pas à dépasser la paroi de leur boxe.
14:59Ne croyez pas que le tribunal, obligé de par sa fonction à respecter les formes de la loi, expédie rapidement une souriante parodie de procès.
15:08Il y a bel et bien un président, deux assesseurs, un jury, un avocat général, deux avocats, un pour chaque accusé.
15:14Il y a aussi deux gendarmes, ou plutôt deux nurses en uniforme de la marée chaussée, puisque les deux représentants de l'ordre ont pris sur leurs genoux, à cause de leur petite taille, les deux dangereux criminels qu'ils ont la charge de surveiller.
15:27Mais ce n'est pas une parodie de procès, non, malgré quelques moments de tragique bouffonnerie.
15:32Par exemple, à la fin de son réquisitoire, maître Damé, avocat général, une des fleurs du barois amiénois, n'hésite pas à requérir, contre Joseph Babaut et Theophos, dix ans d'emprisonnement.
15:47Oui, vous avez bien entendu, l'avocat général demande au tribunal d'infliger dix ans de prison à un enfant de cinq ans.
15:54Mais voyez-vous, il a sans doute tort, il est allé trop loin, il a frappé trop fort.
15:59Une proposition aussi démesurée, aussi monstrueuse, ne peut qu'indisposer le jury.
16:06Les avocats des deux enfants n'ont pas beaucoup de mal à démontrer ce qu'une telle peine aurait d'absurde et d'inutilement cruelle.
16:14Le jury ne fait aucune difficulté pour les suivre et rend un verdict de non-culpabilité.
16:22Le président prononce l'acquittement des deux accusés et ordonne leur libération immédiate.
16:28Remarquez bien, il faut les secouer pour les emmener.
16:31Pendant toute la fin de l'audience, les deux petits garçons se sont paisiblement endormis dans les bras de leur gardien embarrassé.
16:41Ah, ne soyez pas devant une justice aussi primitive.
16:45On n'est plus en prison aujourd'hui les bambins de cinq ans, mais il y a quelques années encore,
16:51on envoyait dans des maisons de correction des enfants guerres plus âgés qui n'avaient mis le feu à aucun village.
16:58Certains d'entre vous se souviennent peut-être de ces établissements sinistres.
17:03Il s'agissait là de véritables prisons avec des grilles, des barreaux, des gardes-churnes, avec des châtiments corporels inacceptables et des journées entières de cachot.
17:12Plutôt que des maisons de redressement, comme on les appelait, c'était de véritables écoles de délinquance.
17:17Les jeunes adultes qui en sortaient y avaient appris une telle haine de la société répressive des hommes qu'ils étaient perdus à tout jamais.
17:26Nous avons fait quelques progrès dans ce domaine, oui depuis cent ans, mais depuis bien peu de temps.
17:33Et il existe encore beaucoup d'enfants qui auraient le droit de demander des comptes un jour ou l'autre à la justice.
18:18Remerciements à Roselyne Belmar
18:22Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
18:27Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.