Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
En 1835 Louis Vilhardin de Marcellange épouse Théodora de La Roche-Négly de Chamblas. Cette union permet ainsi au jeune marié de s’élever dans une famille plus fortunée que la sienne. Mais après la naissance de leurs deux enfants, Théodora demande une séparation de biens. Louis refuse d’être chassé du terrain de Chamblas. Ce qui installe une grande tension entre lui et sa belle-famille.
Finalement, en 1840, il décide de quitter le domaine. Mais la veille de son départ, il est assassiné par un coup de fusil… Quatre procès s’ouvrent alors pour condamner le mystérieux coupable. Un responsable est enfin trouvé et cet homme est condamné à mort.
Ces 19 mois d’instruction auront-ils servi à cerner le véritable assassin ?
Pierre Bellemare raconte cette triste histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
En 1835 Louis Vilhardin de Marcellange épouse Théodora de La Roche-Négly de Chamblas. Cette union permet ainsi au jeune marié de s’élever dans une famille plus fortunée que la sienne. Mais après la naissance de leurs deux enfants, Théodora demande une séparation de biens. Louis refuse d’être chassé du terrain de Chamblas. Ce qui installe une grande tension entre lui et sa belle-famille.
Finalement, en 1840, il décide de quitter le domaine. Mais la veille de son départ, il est assassiné par un coup de fusil… Quatre procès s’ouvrent alors pour condamner le mystérieux coupable. Un responsable est enfin trouvé et cet homme est condamné à mort.
Ces 19 mois d’instruction auront-ils servi à cerner le véritable assassin ?
Pierre Bellemare raconte cette triste histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
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NewsTranscription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11De toutes les raisons qu'ont les hommes de supprimer leurs semblables, une des plus difficiles à établir est certainement la haine.
00:21Car on peut toujours parvenir à démontrer l'existence de l'intérêt, de la passion, de la peur, de la vengeance.
00:29Ce sont là des mobiles qui laissent des traces, mais la haine est généralement impalpable.
00:37Il arrive pourtant qu'elle devienne si lourde qu'on croirait la toucher.
00:43On a le sentiment qu'elle épaissit jusqu'à l'air que l'on respire.
00:48Rien d'étonnant alors si elle arme les fusils de chasse, si un soir de malheur des coups de feu éclatent dans la nuit des campagnes.
00:56Reste à savoir pourquoi les coups de feu, pourquoi les fusils, pourquoi la haine ?
01:02La réponse, là aussi, varie d'un drame à l'autre.
01:07Nous connaissons tous des êtres qui, par leur discours ou leur comportement, ont fait naître des haines profondes et fatales.
01:15Dans le cas du châtelain de Chamblain, on a du mal à comprendre.
01:19Rien dans son caractère ni dans sa conduite ne semblait devoir déterminer un tragique destin.
01:24Et pourtant, un soir, des coups de feu ont bel et bien déchiré la nuit.
01:30En 1835, au puits dans la Haute-Loire, Louis Villardin de Marcellange épouse Théodora de Laroche-Néglis de Chamblain.
01:59Le jeune marié âgé de 28 ans appartient à une famille honorable mais pas très aristocratique de Moulins.
02:06En revanche, la jeune épouse porte à des noms les plus glorieux d'Auvergne.
02:10S'agit-il vraiment d'une mésalliance ? Peut-être, on ne sait pas grand-chose.
02:15Sur Théodora de Chamblain, la chronique rapporte seulement qu'elle n'est plus jeune et, je cite,
02:22qu'elle n'a point reçu de la nature les grâces, même les plus vulgaires, de son sexe.
02:30Plus jeune en 1835, pour qualifier une jeune mariée, cela ne signifie pas grand-chose.
02:36Elle peut fort bien avoir 25 ans, par exemple. Elle peut aussi, bien sûr, être un peu plus âgée que son mari.
02:41Quant aux grâces qu'elle n'a point reçues de la nature, que veut dire le chroniqueur anonyme en ajoutant même les plus vulgaires ?
02:49Retenons simplement que Louis de Marcelange a probablement passé sur l'absence de charme de sa future épouse
02:54pour entrer dans une famille plus reluisante et plus fortunée que la sienne.
02:59M. Chamblain, le beau-père, a de la sympathie pour son gendre.
03:03Il est décidé à aider les jeunes ménages. Il lui loue le château et le beau domaine de Chamblain,
03:07situé à quelques kilomètres du puits, pour une somme tout à fait modeste.
03:12Voilà Louis de Marcelange devenu châtelain.
03:15Il prend son rôle très au sérieux et assure effectivement la direction du domaine.
03:19Il n'a pas de mal à se faire accepter par tous. Il est courtois, actif.
03:23Il n'a pas l'attitude hautaine d'un jeune aristocrate élevé dans la morgue et l'oisiveté.
03:27Bien au contraire, avant son mariage, il a occupé pendant un temps un emploi aux contributions directes
03:32et en a retiré des notions assez précises de droit de gestion et de comptabilité.
03:36Ainsi, tout le monde, son beau-père en tête, se félicite de sa présence à Chamblain.
03:42Enfin, quand je dis tout le monde, c'est pas tout à fait vrai.
03:47Un homme déteste Louis de Marcelange. Il s'appelle Jacques Besson.
03:51Ancien valet de ferme, habile, rusé, ambitieux, il a su gagner la confiance des propriétaires.
03:56Monsieur Chamblain est un homme charmant, mais faible et peu actif.
04:00Il n'a pas beaucoup de goût pour les travaux agricoles.
04:04Petit à petit, il a confié la gestion de ses propriétés à Besson.
04:07Voici l'ancien valet de ferme, intendant du domaine.
04:10Il faudrait presque dire, étant donné son caractère, dominateur, maître absolu du domaine.
04:16Absolu, mais fragile.
04:18L'arrivée de Louis de Marcelange, aux bras de la fille des propriétaires, remet tout en question.
04:23Décidé à s'occuper personnellement du domaine, Louis renvoie Besson à des occupations plus modestes.
04:29Il déclenche ainsi une haine qui ne se démentira plus jamais.
04:34Sur ses entrefaites, monsieur de Chamblain rend le dernier soupir, après une brève mais cruelle maladie.
04:39Louis de Marcelange propose à sa belle-mère de venir vivre à Chamblain.
04:43Elle accepte.
04:45Elle accepte, mais il est clair qu'elle n'y restera pas.
04:48Madame de Chamblain, jusqu'à la mort de son mari, habitait Lyon,
04:51où elle fréquentait la société la plus huppée de la ville, vivait dans le luxe et les fêtes.
04:56L'installation à Chamblain d'une femme aussi mondaine est un véritable enterrement.
05:01Mais ce n'est pas tout.
05:03Madame de Chamblain n'a jamais aimé son genre.
05:06Elle lui reproche la modestie de sa noblesse.
05:09Elle n'a que mépris pour un jeune homme qui a gratté du papier dans un bureau des contributions.
05:14Elle n'aurait jamais accepté le mariage de sa fille,
05:17si monsieur de Chamblain ne lui avait démontré qu'il s'agissait là d'un parti inespéré.
05:22Où Theodora épouse Louis de Marcelange, où elle n'épousera personne, cher ami.
05:28N'épouser personne pour une laroche néglige de Chamblain, c'était évidemment inacceptable.
05:34Mais au fond, maintenant que ce petit jeune homme a joué son rôle,
05:37maintenant que Theodora n'est plus une laissée pour compte,
05:41pourquoi ne pas se débarrasser d'un gendre détesté ?
05:46C'est vrai.
05:48Theodora a conquis ses galons de femme respectable.
05:51Elle a pondu un petit garçon.
05:53Un second est en route.
05:55Il est temps d'écarter le mari encombrant.
05:58Madame de Chamblain va s'installer au puits.
06:01Bien entendu, elle emmène sa fille, son gendre vient lui aussi,
06:04mais on lui fait vite comprendre qu'il est de trop dans cette maison.
06:07On le relègue dans une petite chambre à l'écart.
06:10On refuse la présence de ses domestiques.
06:12Mieux, voici que Theodora introduit une demande en séparation de biens.
06:17Louis de Marcelange quitte le puits.
06:19Il revient à Chamblain où il se sent chez lui.
06:21Il revient seul, naturellement.
06:23Un second petit garçon naît chez les dames de Chamblain.
06:26Louis ne le connaîtra pratiquement pas.
06:29Après avoir quitté le champ de bataille, il cède le terrain.
06:32Mais il ne cède pas Chamblain.
06:34Il s'oppose à la séparation de biens qui le chasserait de ces lieux
06:37auxquels il est désormais si fortement attaché.
06:40Il plaide, obtient gain de cause en juin 1839.
06:44Cette bataille, les dames de Chamblain l'ont perdue.
06:47Elles ne renoncent pas pour autant, bien au contraire.
06:50Le premier des deux fils meurt.
06:53Le chagrin ne modifie pas l'attitude des deux femmes.
06:56Aucun geste de réconciliation n'est à espérer.
06:58Bien plus, quelques mois plus tard,
07:00quand le deuxième enfant meurt à son tour,
07:03elles ne préviennent même pas son père.
07:07La situation paraît définitivement bloquée.
07:09Pourtant, il n'en est rien.
07:12Il a beau aimer Chamblain, Louis a du mal à supporter
07:14l'atmosphère de tristesse et de tension qui pèse sur sa vie quotidienne.
07:18Il a une soeur et un frère qui habitent toujours Moulins.
07:21Alors il décide de les rejoindre,
07:23de regagner sa ville natale, de retrouver ses parents, ses amis de jeunesse.
07:27Il met ses affaires en ordre, prépare ses bagages,
07:29fixe le jour de son départ.
07:32Le 2 septembre 1840, il prendra la route
07:35et dira un adieu peut-être définitif
07:38à cette maison où il a connu quelques moments d'enthousiasme
07:42et de longues heures de découragement.
07:45La veille de son départ, la soirée se déroule comme à l'accoutumée.
07:48On mène une vie patriarcale à Chamblain.
07:51Pour le souper, le maître, les valets de ferme et les domestiques
07:54veillent en commun dans la grande salle du rez-de-chaussée.
07:57Comme un vent froid descend des hauteurs du velay,
07:59on a mis une grosse souche dans l'âtre et l'on a soufflé sur les braises.
08:03Louis de Marcellange s'est assis à sa place habituelle,
08:06le dos tourné vers la fenêtre.
08:09Oui, la soirée pourrait se dérouler comme à l'accoutumée,
08:12seulement voilée par la mélancolie du départ proche.
08:15Mais quelque chose se produit tout d'un coup
08:18qu'il a fait basculer dans le drame.
08:21Brusquement, une grande lueur illumine la fenêtre
08:24devant laquelle Louis de Marcellange est assis.
08:26Des carreaux volent en éclats, une explosion fait trembler les murs.
08:29Le maître de maison tombe, la tête en avant, parmi les bûches du foyer.
08:34On se précipite vers lui, on le relève.
08:36Du sang coule de sa bouche, il est déjà trop tard.
08:39Louis de Marcellange a été tué net d'un seul coup de fusil.
08:45Dès le lendemain, la justice commence son enquête.
08:48Une enquête qui durera longtemps,
08:51qui fera comparaître plus de 500 témoins,
08:54qui arrêtera successivement 6 suspects
08:56qui aura beaucoup de mal à obtenir les informations les plus élémentaires.
08:59Dans cette région encore reculée, les gens sont méfiants,
09:02se créent, ils ne savent rien, ils n'ont rien vu, ils ne veulent rien dire.
09:06Un des rares points positifs marqués par l'enquête
09:09concerne l'étrange silence du chien de garde le soir du crime.
09:13Il conviendra sans doute de concentrer les recherches
09:16sur les familiers du domaine de Chamblat.
09:19Soudain, une piste nouvelle semble se faire jour.
09:22La sœur de Louis de Marcellange, madame de Tarade,
09:25celle qu'il devait rejoindre à Moulins le 2 septembre,
09:28connaît fort bien le préfet de l'Allier.
09:31Bien avant d'apprendre le crime, car les nouvelles ne vont pas vite en 1840 dans le Massif Central,
09:35elle s'inquiète de ne pas voir arriver son frère
09:38et fait part de ses craintes au préfet.
09:40Elle est parfaitement au courant de la haine témoignée aux jeunes châtelains
09:43par sa femme et sa belle-mère.
09:45Louis lui aurait confié, un jour de désespoir,
09:48« Si je meurs assassiné, ne cherchez pas trop loin les coupables et vengez-moi. »
09:55Quand l'enquête semble s'enliser dans d'obscures histoires de jalousie locale,
09:59le préfet de l'Allier fait part des révélations de madame de Tarade au procureur du roi.
10:03Il n'oublie pas d'attirer son attention
10:05sur le fait que la victime avait l'intention de quitter Chamblat
10:08le lendemain du crime
10:10et que l'on semble avoir profité pour l'assassiner
10:12de ses derniers moments de solitude campagnarde.
10:15Pendant ce temps, la gendarmerie recueille d'autres éléments.
10:19Par exemple, elle apprend que depuis plusieurs mois,
10:22un jeune berger de Chamblat, André Arzac,
10:26a prédit à différentes reprises le meurtre de Louis de Marcellange,
10:31que depuis le soir du crime, le même André Arzac,
10:35décidément trop bavard, déclare volontiers
10:41Ce qui ne l'empêche pas d'ajouter vertueusement,
10:43dès qu'on lui réclame des détails,
10:49Mais il en a déjà trop dit.
10:51Un domestique du domaine observe qu'André Arzac
10:54connaît bien les chiens de la maison.
10:56Il ne lui était pas difficile d'écarter le plus dangereux
10:59ou de lui faire garder le silence.
11:02Peu ou prou, tout de même, les différentes pistes conduisent à Jacques Bessant,
11:08l'ancien régisseur du domaine évincé par l'arrivée
11:11du jeune époux de Théodore de Chamblat.
11:13On le met en état d'arrestation.
11:16Presque immédiatement, toute une série de témoignages concordent pour l'accabler.
11:20Les uns affirment qu'il s'est vanté d'avoir la peau de son nouveau maître,
11:24d'autres prétendent l'avoir vu rôder le soir du crime
11:27dans les environs de Chamblat,
11:28un fusil mal dissimulé sous sa longue blouse.
11:32L'instruction commence, elle durera longtemps.
11:45A première vue, les choses paraissent simples.
11:47La plupart des témoignages s'accordent avoir en Bessant,
11:49l'ancien régisseur du domaine de Chamblat,
11:51un personnage des plus suspects.
11:53Ce qui complique la tâche des magistrats,
11:55c'est que ce suspect a un alibi, et un alibi des plus solides.
11:58Le jour du meurtre, je relevais à peine d'une variole,
12:01j'étais bien incapable de faire appuyer les sept kilomètres
12:03qui séparent le puits du domaine de Chamblat.
12:06D'ailleurs, je suis lingé par mesdames de Chamblat,
12:08et celles-ci témoigneront de ma présence chez elles au moment du crime.
12:13Effectivement, la justice enregistre ces témoignages.
12:18Ils émèneraient de deux personnes quelconques,
12:20on ne manquerait pas de les tenir pour douteux,
12:22on y verrait peut-être même le signe d'une complicité.
12:24Mais ces témoignages sont apportés par la femme et la belle-mère de la victime.
12:29On sait bien que ces dames n'avaient aucune sorte d'affection pour Louis de Marcellange,
12:33mais de là à les soupçonner de complicité avec son assassin,
12:37il y a un pas que le magistrat le plus pointilleux hésite à franchir.
12:42Si bien que l'instruction de l'affaire s'éternise.
12:44Il faut dix-neuf mois pour qu'elle soit close.
12:48Enfin, le juge envoie Jacques Besson devant la cour d'assises du puits.
12:52Le meurtre de Louis de Marcellange donne lieu à quatre procès successifs, rassurez-vous.
12:57Je ne vous les raconterai pas en détail, d'ailleurs ce serait inutile,
13:00car leur examen attentif révèle d'innombrables redites.
13:03Le premier procès s'ouvre le 4 mars 1842 au Puy-en-Velay.
13:07Il faut en retenir seulement trois éléments.
13:09Primo, André Arzac, l'ami de Jacques Besson et peut-être son complice,
13:13cités comme témoins, se montrent à la fois d'une telle insolence et d'une telle mauvaise foi
13:17que la cour s'en émeut.
13:19Convaincu de mensonges, il est arrêté pour faux témoignages.
13:22De son côté, Besson récuse les juges du Puy en suspicion légitime.
13:27Vous savez sans doute ce que cela signifie.
13:29Un accusé a le droit de refuser d'être jugé par un tribunal et un jury de sa propre région
13:34dès l'instant qu'il estime que ses juges risquent d'être influencés par leurs proches
13:38ou même tout simplement par une opinion publique plus passionnée.
13:42On renvoie donc Besson devant une autre cour.
13:45Deuxième procès, celui d'André Arzac.
13:47Le berger comparé devant la cour d'assises du Puy,
13:49non seulement l'accusation de faux témoignages que l'on a porté contre lui est confirmée,
13:53mais encore sa complicité avec Besson dans le meurtre de Louis de Marcellange
13:56ne fait désormais plus aucun doute.
13:58Il est finalement condamné à dix ans de réclusion criminelle.
14:02Ce deuxième procès a tout de même apporté un fait nouveau.
14:05On apprend que Théodora de Marcellange, la propre femme de la victime,
14:09a eu d'étranges attentions pour Arzac et Besson.
14:13Elle a hébergé l'un chez elle alors même que la justice le poursuivait.
14:17Elle a fait apporter à l'autre dans sa prison une literie confortable
14:21et des repas plus délicats que ceux de l'administration pénitentiaire.
14:26On commence à trouver curieux le comportement de ces six grandes dames
14:30qui n'avaient que mépris pour la petite noblesse de Louis de Marcellange
14:34et qui n'hésitent pas à entourer de soin son assassin présumé.
14:40Si bien que le troisième procès s'ouvre dans une atmosphère de fièvre le 22 août 1842.
14:45Jacques Besson combaré devant la cour d'assises de Rion dans le 8 dôme
14:48ont refait avec lui son emploi du temps.
14:51L'accusé prétend s'être promené avec un ami dans l'après-midi du jour fatal
14:55puis être rentré chez les dames de Chamblas vers quatre ou cinq heures
14:58et n'être plus sorti.
15:00Cette affirmation est de nouveau contredite par un témoin, Louis Reynaud,
15:03qui déclare qu'il a rencontré Besson le même après-midi
15:06dans les bois qui entouraient Chamblas et avec un fusil à la main.
15:11Quelqu'un tranchera-t-il entre ces deux affirmations contradictoires ?
15:15Peut-être car cette fois les dames de Chamblas sont appelées à témoigner.
15:19Effectivement elles appuient les dires de Besson mais avec prudence.
15:23Il s'est couché à huit heures ce soir-là.
15:25Mais l'avez-vous vu ?
15:27Non, nous étions sortis chez l'une de nos connaissances
15:30et nous ne sommes rentrés nous-mêmes que vers neuf heures.
15:34D'autre part, des voisins affirment qu'ils ont entendu
15:37quelqu'un rentrer précipitamment chez les dames de Chamblas vers minuit.
15:41Bien entendu, celles-ci dormaient, elles ne se sont aperçues de rien.
15:46Mais on pourrait peut-être obtenir le témoignage d'une nouvelle personne,
15:50celle qui a dû ouvrir la porte, Marie Boudon, la femme de Chambres.
15:55Ah oui, mais personne ne sait où se trouve Marie Boudon.
15:58Peu de temps auparavant, madame de Chamblas l'a emmenée avec elle au zoo, à Aix,
16:03et il voyait comme les choses sont bizarres, elle l'a laissée là-bas.
16:06Elle saurait dire pourquoi.
16:10La vieille dame de Chamblas vient de perdre la partie.
16:13L'ambiguïté de son attitude retombe sur la tête de l'accusé.
16:16Le 27 août 1842, Jacques Besson est condamné à mort.
16:20Il se pourvoit en cassation et obtient d'être à nouveau jugé.
16:23Le 14 décembre 1842, le rideau se lève devant la cour d'assises de Lyon
16:27pour le quatrième acte de cette sinistre affaite.
16:31Au banc de la défense se trouve un jeune avocat qui vient de faire brillamment parler de lui
16:35en défendant madame Lafarge dans une affaire que je vous ai contée voici quelques semaines.
16:40La show a convoqué 48 nouveaux témoins.
16:4348 nouvelles personnes vont essayer de se souvenir d'événements qui se sont passés voici 27 mois.
16:49Parmi ces nouveaux témoins se trouve naturellement Marie Boudon, la femme de Chambres,
16:54que l'on avait pu entendre précédemment.
16:57Et voici que la première audience s'ouvre sur un coup de théâtre.
17:00Les dames de Chamblas et Marie Boudon ne se présenteront pas devant la cour.
17:05Le président donne lecture d'une lettre qu'il vient de recevoir
17:08et où madame de Barcelange déclare, je la cite,
17:12que brisée de douleur, craignant la calomnie et l'aveugle fureur de la populace,
17:17elles ont décidé de ne pas se présenter.
17:21Il est facile d'imaginer que maître Lachaud n'est pas étranger à cette défection.
17:25Le seul moyen dont il dispose pour essayer de défendre son client
17:29c'est de rejeter sur l'épouse et la belle-mère de la victime une part de responsabilité.
17:35Mais il aura du mal à le faire si ces deux personnes sont présentes à l'audience,
17:38si elles risquent d'être directement prises à partie par le tribunal.
17:42En leur absence en revanche, il peut les charger tout à loisir.
17:47Eh bien ce calcul ne lui réussit pas.
17:50Laisser planer le doute sur la complicité éventuelle des dames de Chamblas,
17:55c'est avouer du même coup la culpabilité de Jacques Besson.
17:59Le 27 décembre 1842, à la suite de débats qui n'apportent rien de nouveau,
18:04Besson est condamné à mort pour la seconde fois.
18:08Ce sera d'ailleurs la bonne, car le 28 février 1843, il est exécuté au puits.
18:15Et les dames de Chamblas ?
18:18Eh bien, on n'en a plus jamais eu de nouvelles.
18:23On n'a jamais revu ni la mère, ni la fille, ni la femme de Chambres.
18:27On peut espérer qu'elles se sont retirées en quelques lieux solitaires
18:30pour y méditer sur leur complaisance criminelle.
18:34On peut également espérer que la poussière du temps et peut-être quelques remords tardifs
18:38ont fini par avoir raison de cette folie de haine qui les a si longtemps tenus prisonniers.
18:44135 ans plus tard, nous pouvons encore rêver sur cette haine.
18:48Louis de Marcellange était un homme paisible, bien élevé.
18:51Qu'a-t-il pu faire pour susciter une telle violence, des sentiments aussi dévastateurs,
18:56pour conduire deux très grandes bourgeoises à un meurtre aussi vulgaire, aussi répugnant ?
19:01Il est évident que le sentiment de mésalliance sur lequel on s'est beaucoup étendu
19:05constitue un mobile absurde.
19:07D'abord, parce que cette mésalliance, personne ne leur a imposée.
19:11Elles l'ont acceptée de fort bonne grâce quand Théodora cherchait un mari.
19:14Ensuite, et surtout parce que l'on n'efface pas la honte d'une mésalliance
19:19en endossant la culpabilité ou la complicité d'un assassinat.
19:23Il est certain qu'un autre élément a jeté ces femmes dans la folie et le désespoir, mais lequel ?
19:29Dix-neuf mois d'instructions et quatre procès successifs n'ont pas pu le mettre en lumière.
19:35Il est raisonnable de supposer que nous ne le saurons jamais.
19:50Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
19:56Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Bellemare.
20:00Un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
20:05Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
20:09Production, Lisa Soster.
20:12Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
20:17Remerciements à Roselyne Bellemare.
20:19Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appui Europe 1.
20:24Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.