Tous les vendredis, samedis et dimanches soirs, Pascale de La Tour du Pin reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 19h30 à 20h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend
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00:00Gabrielle Cluzel, éditorialiste, rédactrice en chef du site Boulevard Voltaire est dans ce studio.
00:07Bonsoir Gabrielle Cluzel et Lou Fritelle, journaliste politique à Paris Match également.
00:13Bonsoir Lou Fritelle.
00:14Bonsoir.
00:15Est-ce que vous voulez qu'on réécoute les mots de Jean-Luc Mélenchon ?
00:17Franchement, c'était il y a quelques minutes, il est en train de prononcer un discours à la Fête de l'Humanité.
00:21Ses premiers mots sont pour la Palestine.
00:24Je voudrais qu'on réécoute Jean-Luc Mélenchon.
00:26C'était il y a quelques instants.
00:28Je dédie notre rassemblement aux martyrs du peuple palestinien.
00:36Un an bientôt et les puissants ont laissé faire un génocide ininterrompu.
00:43Ils ont oublié la leçon, ils ont oublié Guernica parce qu'ils le font eux-mêmes actuellement.
00:51J'ai honte quand je pense que mon pays si puissant, son peuple toujours tellement prêt à se porter à la rescousse des grandes causes,
01:01ne fait rien pendant que le massacre continue.
01:05Alors, c'est quand même incroyable.
01:09On est à la Fête de l'Humanité.
01:11Pardon mais la gauche est un peu divisée.
01:13Pardon il y a quelques frictions entre Jean-Luc Mélenchon et François Ruffin.
01:17Pardon la France va mal.
01:19Les premiers mots de Jean-Luc Mélenchon vont pour la Palestine.
01:24Sans blague, Gabrielle Cluzel.
01:26Alors ça a le mérite de la clarté.
01:28Et d'une certaine façon cela confirme, il vient apporter de l'eau au moulin de François Ruffin
01:33qui expliquait le virage pris par Jean-Luc Mélenchon.
01:36C'est-à-dire que le prolétariat historique ne l'intéresse plus.
01:42Il a changé de cible aujourd'hui.
01:45C'est un prolétariat de substitution qui vient des populations immigrées.
01:49C'est celui-là auquel il essaie de faire les yeux doux.
01:52Donc évidemment le mot Palestine est un mot-clé.
01:54Sinon pourquoi aurait-il dit cela en premier ?
01:56Ce n'est évidemment pas les ouvriers d'Edimbeaumont qui sont intéressés au premier chef par la Palestine.
02:01Eux qui ont du mal à boucler leur fin de mois.
02:03Donc de fait, le signal est très fort.
02:06Mais enfin le ton était donné.
02:08Il y avait une invitation d'Ourya Boutelja, de Rima Hassan sur une conférence Israël-Palestine.
02:15Avec cette interrogation de la colonisation au génocide.
02:19Point d'interrogation.
02:20Le point d'interrogation a été vite balayé.
02:22Elles ne venaient pas évidemment pour parler de la culture du cresson.
02:25Elles avaient un objectif assez précis.
02:28Je veux simplement signaler, parce que je trouve que ce n'est pas assez dit, la fête de l'Huma.
02:31On a l'air de balayer son côté politique.
02:34Vous savez quand on en parle, on parle des concerts formidables.
02:36Le pass culture aujourd'hui offre aux 15-18 ans la possibilité d'aller à la fête de l'Huma.
02:40Voilà ce qu'ils entendent.
02:42Il ne faudra plus s'étonner après dans les grandes écoles d'avoir une passion pour Mélenchon.
02:47Et un combat échevelé pour la Palestine.
02:49Mais pardon, Lou Fritelle, journaliste politique à Paris Match.
02:53Moi je voudrais comprendre quelque chose.
02:55Et certainement peut-être que les auditeurs d'Europe 1 se posent aussi la question.
02:58Qu'est-ce que la population issue de l'immigration, qui serait donc la nouvelle priorité de Jean-Luc Mélenchon.
03:05A dans son quotidien quelque chose à voir avec la Palestine ?
03:12Non, elle n'a pas grand chose à voir avec la Palestine.
03:15Mais c'est vrai que ces dernières années, la façon dont les marqueurs identitaires ont été exacerbés,
03:20notamment par la France insoumise, fait qu'aujourd'hui c'est un sujet à table.
03:24C'est un sujet qui est touché par les populations musulmanes, plutôt de catégorie populaire, issues des quartiers.
03:32C'est tout à fait ce que Jean-Luc Mélenchon vise.
03:34Et d'ailleurs, finalement, de façon très cynique, il a raison.
03:37En 2022, à 400.000 voix près, il arrivait au second tour de la présidentielle.
03:42Aujourd'hui, la stratégie de la France insoumise, c'est peu ou prou la stratégie d'Éric Zemmour.
03:47C'est exacerber les tensions, les passions, de façon à ce que...
03:52Et la haine surtout, non ? Vous ne croyez pas à l'oufritel ?
03:55Restons au moins sur les passions. Peut-être la haine, oui.
03:58Quand on parle de la Palestine, je ne vois pas en quoi ça nous concerne.
04:05La haine fait partie des passions.
04:07Et en l'occurrence, c'est une stratégie qui mise sur le fait que le ventre mou,
04:12les absentionnistes, ceux qui auront été déçus par le centre,
04:15ceux qui sont plutôt issus de la droite molle, de la gauche sociale-démocrate,
04:22se tourneront nécessairement vers les extrêmes.
04:26Et Jean-Luc Mélenchon le refait en 2024 avec les européennes.
04:30C'est vrai que pendant les européennes, la France insoumise était à 6%.
04:32Elle finit à 9% en ne parlant quasiment que de la question palestinienne.
04:35Et en plus, en se votant quand même dans des épisodes antisémites assez délirants.
04:41Mais ça exacerbe l'antisémitisme en France.
04:44C'est ça le pire.
04:46Mais oui, mais il y a une part de responsabilité de la part de Jean-Luc Mélenchon.
04:49Après on nous dit non, chez les filles à gauche, on n'est pas antisémites.
04:52Mais ça exacerbe les tensions, non ?
04:54Mais évidemment, parce que l'antisémitisme et même la haine de la France,
04:59et par extension de l'Occident de façon générale,
05:02parce que c'est un schéma extrêmement simpliste.
05:04C'est-à-dire qu'Israël, c'est la tête de pont de la colonisation,
05:08dans la rhétorique de Jean-Luc Mélenchon.
05:10Donc le palestinien, c'est le colonisé par excellence.
05:14Donc on fait, et Rima Hassan l'a fait très clairement,
05:16on fait des analogies avec ce qui s'est passé en Algérie.
05:18Donc vous voyez, ça permet en plus de faire une acculturation du conflit palestinien en France,
05:25pour que l'immigration en France puisse se sentir concernée.
05:29Donc tout cela est finement réfléchi.
05:32Et c'est une manne sans fin, évidemment,
05:34puisque sur un plan purement cynique, c'est très intelligent.
05:38Puisque dans le même temps, Jean-Luc Mélenchon prône pour une immigration toujours plus grande,
05:43une ouverture des frontières.
05:45Donc c'est fabrique ton électorat toi-même.
05:48Donc de fait, c'est assez malin,
05:51puisque la stratégie électorale répond aux résultats électoraux.
05:56Et puis il y a aussi, pour continuer ce que vous dites,
05:59il y a aussi un pari démographique.
06:01C'est vrai que les populations d'origine populaire immigrées
06:06sont celles qui font le plus d'enfants aujourd'hui.
06:09Continuer de les titiller sur ces questions-là,
06:12je veux dire, regardez dans les années 90,
06:14un musulman ne se définissait pas par le fait qu'il mange à la loupa.
06:18C'est au fur et à mesure, grâce à un travail en profondeur des milieux musulmans extrémistes,
06:24je pense aux frères musulmans, des associations, etc.,
06:26qu'aujourd'hui il y a une identification.
06:29Et alors maintenant que le nouvel électorat, les jeunes,
06:32deviennent beaucoup plus importants dans ces populations-là,
06:36Jean-Luc Mélenchon, il met sur l'avenir.
06:38D'autant plus qu'étant à gauche, et vu le programme qu'il prône,
06:41il attire plus à gauche.
06:42C'est de la stratégie dangereuse.
06:44Mais intelligente.
06:45Dangereuse.
06:46Bougrement intelligente, comme on dit dans le dîner qu'on va envoyer.
06:49C'est malin comme tout.
06:51C'est la stratégie de Jean-Luc Mélenchon à ses risques et périls,
06:54mais en tout cas, ça divise la France.
06:56Je comprends, ça devient électoraliste.
06:59C'est surtout à nos risques et périls.
07:00Mais c'est à nos risques et périls, Gabrielle Cluzel.
07:02Vous avez raison, je voudrais qu'on écoute peut-être les mots de Jean-Luc Mélenchon,
07:05puisque son discours continué, on vous le fait partager,
07:08sur Europe 1.
07:09Jean-Luc Mélenchon qui vient de s'exprimer à propos de Michel Barnier.
07:13Mais M. Barnier, c'est pas un passant dans la rue, c'est un malin.
07:16Il est le chef maintenant, de fait, du parti qui a perdu,
07:20mais c'est lui qui est Premier ministre.
07:22Et il va remplir le gouvernement perdant.
07:25Et M. Macron n'est plus en état de lui dire non.
07:28C'est lui qui choisit le gouvernement.
07:30Vous allez voir.
07:31Donc, votre pays a voté d'une manière,
07:34et vous avez un gouvernement qui est exactement à l'inverse.
07:37C'est-à-dire exactement ce que vous n'avez pas voulu.
07:40Eh bien, ça, c'est une crise politique.
07:45Alors, Lou Fritelle, vous venez d'entendre les mots de Jean-Luc Mélenchon.
07:50Là aussi, il dit qu'Emmanuel Macron n'a plus la main,
07:53que c'était Michel Barnier.
07:54Enfin, il nous dresse un portrait,
07:56un portrait de la situation politique qui est peu reluisant.
08:00Pour faire court, il dit la gauche a gagné,
08:02et on donne le pouvoir à la droite.
08:04Ce qu'on peut ressentir d'une partie des électeurs.
08:06Quand vous regardez l'hémicycle,
08:08personne n'a gagné, personne n'a perdu.
08:10On se retrouve vraiment dans quelque chose de très équilibré.
08:13Donc, de toute façon, ça ne pouvait contenter personne.
08:16Toutefois, je doute sincèrement de ce que dit Jean-Luc Mélenchon
08:21quand il est persuadé que le Président de la République
08:24n'aura rien à redire sur la composition du gouvernement.
08:27J'en parlais avec certains ALR, justement,
08:30certains bien informés.
08:32Ils disaient, oui, pour l'instant, ils laissent les choses se faire.
08:35Ils profitent, on va en parler tout à l'heure,
08:37ils profitent de la fin des JO,
08:39en prenant plaisir aussi à voir quelqu'un d'autre que lui
08:42se dépatouiller avec ses histoires d'alliances.
08:44Mais au moment où il lui sera proposé un gouvernement,
08:47je doute sincèrement qu'il ne mette pas son bateau
08:50ou qu'il ne glisse pas quelques noms.
08:52Gabrielle Cluzel.
08:54Ce qui est certain, c'est que Jean-Luc Mélenchon
08:57tire le fil de l'illégitimité de Michel Barnier
09:01qui serait rentré par effraction.
09:03Et de fait, pour faire une comparaison olympique,
09:08quand Manon Aubry, je me demande si ce n'était pas votre micro,
09:12disait que c'est un peu comme si Léon Marchand
09:15avait été arrivé premier et que c'est le dernier
09:18qui avait récupéré la médaille.
09:20C'est vrai que de ce point de vue-là,
09:22les Républicains paraissent un peu
09:24dans une situation assez étonnante.
09:26Mais ce n'est néanmoins pas le Nouveau Front Populaire
09:28qui a gagné.
09:29Ça, c'est la petite musique.
09:30C'est son espèce de prophétie autoréalisatrice
09:33qui se raconte à lui-même et qui la raconte aux électeurs.
09:36On s'est fait voler l'élection.
09:37Voilà, on s'est fait voler l'élection,
09:38mais ça fonctionne.
09:39Ça fonctionne parce que, en réalité,
09:41c'est un patchwork A.U. et A.D.I.A.
09:43et puis entre l'alliance avec la gauche
09:46puis le Nouveau Front Républicain
09:47qui fait que quand on regarde la portion
09:49de la France Insoumise, c'est assez congru.
09:51Mais néanmoins, ça fonctionne
09:54et c'est vrai qu'on ne peut pas dire,
09:56quand même, soyons honnêtes,
09:57que ce soit le parti qui a gagné
09:58qui soit aujourd'hui en train de former le gouvernement.
10:00Ça, ce serait malhonnête de le dire.
10:02Et puis, je voudrais qu'on parle également
10:03des tensions au sein de la gauche.
10:07Tout est parti ces derniers jours,
10:09parce que des tensions, il n'y avait pas besoin de ça
10:10pour qu'elles existent.
10:12Tout est parti, en fait, des mots de François Ruffin
10:16qui est interviewé sur son livre.
10:19François Ruffin qui s'en est pris
10:22vertement à Jean-Luc Mélenchon
10:24en expliquant comment, effectivement,
10:26Jean-Luc Mélenchon faisait de la politique électoraliste
10:29qu'il choisissait, comme vous l'expliquiez tout à l'heure,
10:32son électorat.
10:33François Ruffin s'est fait siffler
10:36il y a quelques instants
10:38à la Fête de l'Humanité
10:39et il a été pris pour cible
10:41par le député LFI, Raphaël Arnault.
10:44François, récemment, tu es allé sur BFM
10:47et je te le dis avec la plus grande sincérité militante
10:49que je peux avoir.
10:50Tu as blessé énormément de camarades,
10:52notamment la jeunesse qui s'est mobilisée
10:54à la concertation de BFM.
11:09En clair, Raphaël Arnault
11:12traite en substance, François Ruffin, de fasciste.
11:16C'est un peu ça, le message.
11:18On connaît toute la subtilité du langage de Raphaël Arnault
11:21et c'est vrai qu'il se divise entre deux mots
11:25raciste et fasciste.
11:27Il y a nazi aussi.
11:28Mais on voit bien que celui qui dit la vérité
11:31doit être exécuté.
11:32François Ruffin, on lui reproche d'être un apostat,
11:34un renégat.
11:36Je pense qu'ils ne sont pas prêts
11:38à la France Insoumise de lui pardonner.
11:40Ce qui est intéressant, c'est qu'on voit,
11:42à mon avis c'est assez historique,
11:43on voit une scission de la gauche
11:45qui existait déjà,
11:47mais qui là est réellement assumée.