Prix lycéen du livre de philosophie 2024 :
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Rencontres et échanges inter-lycéens franco-européens diffusés le 04/04/ 2024 sur la plateforme du Projet Europe, Éducation, École :
https://projet-eee.eu/diffusion-en-direct-564/
Dossier pédagogique : https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2024/03/eee.23-24_Prix_lyceen_du_livre_de_philosophie_2024.pdf
Agora européenne des lycées : programme 2023-2024 :
- https://projet-eee.eu/programme-de-lannee-2023-2024-11419/
- https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2023/10/EEE_Agora_europeenne_des_lycees_2023-2024_Presentation.pdf
Cours en vidéo classés par thèmes :
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ÉducationTranscription
00:00 [Musique]
00:20 Bonjour à tous, soyez les bienvenus sur la plateforme du Projet Europe Éducation et École
00:25 qui a vraiment l'honneur et le plaisir d'accueillir ce matin, pendant cet après-midi,
00:31 Monsieur Guillaume Durand, auteur d'un livre sur la médecine des désirs paru chez Vrin l'année dernière,
00:38 livre sur lequel de très nombreux lycées ont travaillé tout au long de l'année,
00:45 portant sur la médecine des désirs.
00:48 Plein de questions, merci d'avoir accepté d'être avec nous, Monsieur Durand.
00:53 Merci aussi à tous les collègues des lycées en France et même en Europe d'être avec nous.
00:59 Je passe rapidement la parole à Didier Bréjon, qui présente ce magnifique projet
01:04 de l'Association des professeurs d'enseignement public.
01:07 Cher Didier, la parole est à toi.
01:10 Merci à tous d'être présents pour cette neuvième édition du Prix Lycéen du livre de philosophie,
01:20 qui, je vous le rappelle, est ouvert à tous les lycées de France et aussi les lycées français à l'étranger,
01:29 qu'ils soient publics ou privés.
01:32 Ce prix est organisé par l'APEP, l'Association des professeurs de philosophie de l'enseignement public.
01:39 Et je vous rappelle que chaque élève votera, au plus tard le 31 mai, pour le livre qu'il aura préféré.
01:53 Donc, après avoir écouté Anne Hallenberg au sujet de schizophrénie numérique,
01:59 nous allons maintenant écouter Guillaume Durand pour la médecine des désirs,
02:06 pour une médecine minimaliste.
02:09 Merci beaucoup.
02:10 Bonjour, d'abord merci de votre invitation.
02:15 Merci aux lycéens et aux lycéennes d'avoir lu, bien voulu lire mon ouvrage,
02:21 La médecine des désirs.
02:23 Je vais simplement commencer par me présenter.
02:25 Je suis Guillaume Durand, maître de conférence en bioéthique, en philosophie,
02:30 éthique médicale, philosophie de la médecine à Nantes Université.
02:34 Depuis une quinzaine d'années, je participe à des consultations d'éthique clinique à l'hôpital.
02:39 Et depuis 2019, je dirige la consultation d'éthique clinique à la Cité sanitaire de Saint-Nazaire.
02:46 Une consultation d'éthique clinique, même si ce n'est pas l'objet aujourd'hui,
02:50 fonctionne de la manière suivante.
02:53 Nous sommes saisis par une équipe médicale, paramédicale, ou par les patients eux-mêmes, leurs familles,
03:01 pour réagir à une situation qu'ils jugent problématique, complexe, difficile sur le plan éthique.
03:09 Et nous allons rencontrer tous les acteurs de la situation et leur proposer un éclairage éthique
03:17 pour les aider à prendre une décision.
03:19 C'est un éclairage collégial, pluridisciplinaire.
03:23 Et dans l'ouvrage "La médecine des désirs", j'ai voulu parler de consultations très particulières
03:31 que j'ai rencontrées sur le terrain médical et que j'ai proposées dans ce livre
03:36 nommé "La médecine des désirs".
03:39 Alors, qu'est-ce que c'est ?
03:41 Dans le livre, j'ai distingué deux grandes caractéristiques.
03:46 La première, c'est que c'est une réponse médicale à des désirs que je dis, que j'appelle non médicaux,
03:54 c'est-à-dire des désirs qui ne sont pas liés à une maladie physique ou psychique.
04:00 Par exemple, désirer conserver une apparence jeune, vouloir améliorer ses capacités mémorielles,
04:09 le jour d'un examen, en consommant, en prenant une substance particulière.
04:16 Choisir le sexe de son enfant, mais aussi, comme le proposent certaines sociétés aujourd'hui,
04:23 sa taille, sa future taille à l'âge adulte.
04:26 Avoir recours à l'assistance médicale à la procréation pour des raisons, par exemple,
04:34 alors qu'on est abstinent sexuel. Donc, pour une question d'orientation sexuelle,
04:39 de choix, on pourrait dire, d'existence, ici l'abstinence, lorsqu'elle relève d'un choix,
04:45 on se tourne vers les biologistes de la reproduction, les médecins,
04:49 les centres d'assistance médicale afin de répondre à ce désir de procréation.
04:55 Donc, vous voyez, la première caractéristique, c'est que la médecine des désirs constitue
05:00 une demande qui n'est pas liée, comme les autres demandent le sont,
05:06 mais de manière traditionnelle, j'y reviendrai, à des maladies, à des pathologies particulières,
05:11 mais simplement à des volontés, des désirs personnels.
05:15 Une deuxième caractéristique, c'est que de telles demandes, à mes yeux, vont venir transformer
05:23 ce qu'on appelle la relation de soins, mais aussi la médecine elle-même.
05:29 Vous voyez, dans la médecine traditionnelle, il s'agit souvent, vous avez une douleur,
05:34 vous avez une souffrance, et peut-être que vous ne comprenez pas toujours,
05:39 et vous tournez vers les sciences et les techniques médicales,
05:43 tout d'abord afin d'avoir un diagnostic, et puis enfin un traitement,
05:47 lorsque ce traitement existe, afin évidemment de trouver la guérison,
05:52 un rétablissement ou un maintien, en tout cas, de notre état de santé le meilleur possible.
05:57 Dans ce modèle, le consentement, la proposition va émaner,
06:03 le savoir va émaner du médecin, et le consentement va être du côté du patient
06:08 qui va lui consentir ou non au traitement proposé.
06:11 Dans la médecine des désirs, le patient vient avec sa demande vers le médecin,
06:18 il sait ce qu'il veut, il sait ce qu'il désire,
06:21 et le consentement, vous voyez, la relation de soins est transformée,
06:25 parce que c'est au médecin de consentir ou non de répondre à la demande qui est faite,
06:32 et donc plutôt que d'un consentement, on est plutôt dans une relation contractuelle,
06:39 c'est donc la relation de soins qui est transformée.
06:42 Alors des exemples de demandes non médicales, je vous en ai donné déjà quelques-unes,
06:47 c'est par exemple encore les demandes de bébés sur mesure,
06:52 je vous l'ai dit, mais sélectionnées très tôt à un niveau embryonnaire,
06:57 par exemple le sexe, le futur sexe de l'enfant, la couleur des yeux, etc.
07:03 Mais c'est aussi un autre exemple des césariennes sur demande,
07:07 vous voyez la plupart des césariennes sont faites pour des raisons médicales,
07:12 mais on voit augmenter, on a vu d'ailleurs, ça fait assez longtemps qu'on connaît
07:16 ces demandes de césariennes qui sont faites quasiment dès le début de la grossesse
07:21 pour des raisons personnelles, souvent effectivement c'est la peur de l'accouchement,
07:26 mais aussi peut-être pour des raisons d'agenda, pour des raisons de contrôle,
07:30 vous voyez, de son agenda, mais aussi de sa manière de vouloir progrérer.
07:36 Alors la question est, faut-il répondre à de telles demandes ?
07:41 Alors dans mon livre, j'ai essayé de dresser et de répondre,
07:44 de dresser une liste d'objections possibles.
07:48 Je vous en donne quelques-unes, mais ces objections,
07:51 je ne vais pas évidemment les traiter toutes dans cette synthèse de mon ouvrage,
07:56 mais la première d'entre elles, c'est celle selon laquelle la médecine
08:00 devrait lutter contre les maladies.
08:02 Il y aurait une définition, une essence de la médecine,
08:06 et c'est cette lutte contre les maladies.
08:10 La deuxième objection, autre exemple d'objection,
08:14 c'était très importante aussi celle-ci,
08:17 les usagers de la médecine des désirs ne sont pas autonomes.
08:21 Les désirs sont des symptômes de pathologies psychiques en particulier,
08:27 mais vous voyez, les patients seraient dépourvus de véritable autonomie,
08:31 de véritable liberté.
08:34 Il y a la question des risques, la médecine des désirs,
08:36 comme certaines opérations de chirurgie esthétique, seraient trop risquées.
08:40 Il y aurait d'autres valeurs plus essentielles que le respect de l'autonomie,
08:46 la dignité, la bienfaisance.
08:49 Enfin, la médecine des désirs serait coûteuse et serait injuste.
08:53 Alors dans cet ouvrage, pour terminer, la médecine des désirs,
08:58 j'ai essayé de défendre deux thèses essentielles.
09:01 Alors la première, elle est marquée dans le...
09:04 je pense, oui, peut-être la plus importante,
09:07 c'est celle qui est marquée vers le sous-titre de l'ouvrage
09:10 pour une médecine minimaliste.
09:13 J'essaie de défendre une éthique minimaliste
09:17 qui repose en particulier sur un seul principe,
09:20 qui est le respect de l'autonomie décisionnelle,
09:23 le respect de l'autonomie individuelle.
09:25 Plus simplement, c'est-à-dire dès lors que les patients,
09:30 mais aussi les soignants,
09:33 pourraient être reconnus comme suffisamment autonomes,
09:38 parlés simplement, libres et éclairés dans leur demande
09:42 et dans leur réponse à leur demande,
09:44 alors il conviendrait de répondre favorablement à ces désirs.
09:49 Ça, c'est une thèse que j'ai essayé de développer,
09:52 de défendre et qui va m'amener dans mon ouvrage
09:55 à tenter aussi, vous voyez, de répondre, par exemple,
09:59 à l'objection des autres valeurs, des autres principes,
10:03 en essayant par exemple, dans un chapitre, de réexprimer,
10:06 c'est un chapitre un peu plus technique peut-être,
10:08 de réexprimer les autres principes,
10:10 comme le principe de bienfaisance,
10:12 selon lequel on doit apporter un bien au patient,
10:16 on doit être bénéfique au patient,
10:18 par exemple, j'essaie de défendre qu'on peut le réexprimer,
10:21 qu'on doit le réexprimer en termes de l'autonomie,
10:24 en fait, quand on respecte l'autonomie de la personne,
10:26 eh bien, on va lui apporter effectivement un bénéfice,
10:29 et c'est un exemple de cette éthique minimaliste
10:33 que je défends.
10:34 La deuxième thèse essentielle,
10:36 et qui n'est pas évidemment sans poser de problème,
10:39 la deuxième thèse essentielle,
10:41 c'est, elle est la suivante,
10:44 c'est une réponse à l'objection,
10:46 c'est le premier chapitre qui est consacré
10:48 sur l'essence de la médecine.
10:49 En fait, une des premières objections à la médecine des désirs,
10:53 c'est de dire que ce n'est pas de la médecine,
10:55 que cela consiste, la médecine des désirs,
10:58 serait une dérive de la médecine
11:00 qui devrait se cantonner à lutter contre les maladies,
11:05 à vouloir vaincre les maladies.
11:07 Or, j'essaie de montrer dans mon livre
11:09 que cette définition, certes traditionnelle, classique,
11:13 de la médecine peut être remise en question,
11:16 qu'il y a une multiplicité d'actes médicaux,
11:21 d'actes de soins qui sont reconnus comme tels
11:24 et qui ne visent pas à préserver,
11:28 voire même uniquement à lutter contre des maladies.
11:32 Je peux prendre l'exemple de l'IVG,
11:35 de l'interruption volontaire de grossesse,
11:37 mais bien sûr aussi de la chirurgie esthétique,
11:40 d'actes de chirurgie esthétique.
11:41 Il y a des actes déjà dans la médecine
11:43 qui ne sont pas en tant que tels des moyens de guérison,
11:49 uniquement des moyens de guérison,
11:50 et je défends finalement que la médecine,
11:53 et là on rejoint ma première thèse,
11:55 est un ensemble de moyens au service
11:59 de l'accomplissement des individus,
12:01 au service de l'autonomie des individus.
12:05 Voilà, alors cette thèse, ces deux thèses,
12:08 vous voyez qui s'articulent,
12:10 ne sont pas sans poser problème,
12:12 et je pense qu'une des principales objections
12:16 qui restent, qui demeurent,
12:17 et sur laquelle d'ailleurs je termine mon ouvrage,
12:19 pour terminer,
12:20 c'est celle du principe de justice.
12:22 C'est-à-dire dans un état ou un système
12:26 où les ressources de santé en particulier sont rares,
12:29 où il est difficile dans certaines régions,
12:32 dans ce qu'on appelle les déserts médicaux,
12:35 de trouver ne serait-ce qu'un dentiste,
12:38 de trouver un dermatologue,
12:39 de trouver un chirurgien, etc.
12:42 Eh bien, peut-on, vous voyez,
12:45 répondre de manière égale
12:48 à une demande de chirurgie esthétique,
12:50 ou à une demande qui relève,
12:53 on va dire, de la maladie
12:55 et de ce que je pourrais qualifier de vital,
12:59 d'urgence vitale.
13:00 Donc, dans mon livre,
13:01 j'essaie de pondérer ma thèse générale
13:04 en montrant,
13:05 et là encore au nom du principe d'autonomie,
13:07 qu'on devrait pouvoir, vous voyez,
13:09 distribuer ces ressources de santé
13:12 en fonction du principe d'autonomie
13:15 qui peut être plus ou moins atteint
13:17 par exemple, par la maladie.
13:21 Voilà, j'espère que j'ai été suffisamment clair
13:25 en si peu de temps,
13:27 et encore une fois,
13:28 je remercie tous les enseignants,
13:30 les enseignantes, les lycéens, les lycéennes,
13:32 d'avoir participé au prix,
13:33 d'avoir bien voulu lire mon ouvrage,
13:35 ce qui me fait énormément plaisir.
13:38 Voilà.
13:39 Merci à vous, cher Guillaume.
13:40 Nous allons passer la parole maintenant aux élèves
13:43 qui ont plein de questions à vous poser.
13:45 Bonne continuation avec eux.
13:47 Merci.
13:48 Je voulais vous remercier
13:49 de venir nous parler aujourd'hui.
13:51 Votre livre a eu beaucoup de succès à Rome.
13:54 Nous avons particulièrement aimé,
13:57 d'une part,
13:58 le fait que vous commencez chacun de vos chapitres
14:00 avec un exemple précis,
14:02 et qu'à partir de celui-ci,
14:03 vous développez ensuite,
14:04 et aussi le fait que cet ouvrage
14:06 s'adresse à tout esprit qui veuille le lire,
14:08 sans besoin de connaissances particulières
14:11 en biologie ou en philosophie.
14:14 Nous étions un peu plus perplexes
14:16 quant à la première découverture.
14:18 Ma question portait vraiment sur
14:22 l'une des objections à cette médecine minimaliste
14:26 que nous trouvions
14:29 et à laquelle nous voulions une réponse,
14:31 qui était sur la tyrannie du désir.
14:33 Le fait que le désir puisse ne pas toujours être
14:37 l'expression d'un consentement,
14:39 mais plutôt une constrainte,
14:41 et qu'au fond, ce désir auquel tente de répondre
14:45 cette médecine,
14:47 ne serait pas l'expression de la volonté de l'individu,
14:51 mais plutôt un poids qu'on pose sur elle.
14:57 Merci.
14:59 Est-ce que je peux ajouter à la question
15:01 qui vient d'être posée ?
15:03 Une autre qui nous vient du lycée des Arènes,
15:06 à Toulouse.
15:07 Les élèves se demandent
15:09 comment s'est opéré le choix
15:11 de la photo de première découverture ?
15:13 Est-ce que c'est un choix de votre éditeur ?
15:16 Est-ce que vous avez participé à ce choix ?
15:19 Et finalement, quelle interprétation vous en donneriez ?
15:23 Je réponds à la couverture,
15:25 c'est la question la plus facile.
15:27 Je ne l'ai pas choisie,
15:29 elle n'est pas de moi.
15:31 Bien sûr, j'ai donné mon consentement libre
15:33 et éclairé aux éditions Vrin,
15:36 mais ils ont axé la photo sur la médecine esthétique.
15:44 On a plutôt une photo qui nous fait penser
15:47 à la chirurgie esthétique,
15:50 ou en tout cas à la médecine esthétique.
15:53 Je la trouve plutôt pas mal cette photo.
15:56 Elle est peut-être un peu racoleuse,
15:58 je m'adresse aux lycéens de Rome.
16:02 On trouvait qu'elle était un peu aguicheuse,
16:07 plutôt pour captiver le lecteur.
16:11 Oui, tout à fait.
16:13 C'est sûr, c'est vrai.
16:15 Après, ça fait partie du jeu de l'édition,
16:19 y compris chez Vrin,
16:21 qui est un vieil éditeur philosophique de renom.
16:26 C'est vrai.
16:28 Le titre est aussi un peu aguicheur,
16:30 on peut le reconnaître,
16:32 la médecine des désirs.
16:34 Je reviens à votre première question.
16:36 J'ai beaucoup réfléchi au titre,
16:38 parce que je ne voulais pas vraiment parler des désirs.
16:41 L'objet de ce livre,
16:43 à un moment je le dis dans l'introduction,
16:46 j'aurais dû l'appeler la médecine des demandes non médicales,
16:50 ou la médecine des demandes qui ne sont pas liées à des maladies,
16:53 mais ça, ça ne faisait pas un titre.
16:55 J'ai choisi la médecine des désirs,
16:58 parce que je pense que c'est plutôt,
17:01 en parlant de médecine des désirs,
17:03 tout de suite, quand on regarde l'histoire de la philosophie,
17:06 on a plutôt tendance,
17:08 ou même la manière dont nous pensons tous,
17:11 le désir, on le dévalorise,
17:14 on porte un jugement de valeur plutôt négatif.
17:17 Ça, c'est un premier élément.
17:19 Je pense que beaucoup de demandes
17:21 de type médecine des désirs
17:23 ne relèvent pas de ce qu'on entend par désir,
17:25 c'est-à-dire une sorte d'impulsion,
17:27 des lances spontanées, non réfléchies, etc.
17:30 Un deuxième élément de réponse,
17:32 c'est ce que j'essaie de montrer,
17:35 notamment dans le chapitre sur la chirurgie esthétique.
17:38 Alors toujours, comme dans chaque partie,
17:40 vous avez raison,
17:41 et ça me fait plaisir ce que j'entends,
17:43 c'est-à-dire, oui, j'ai toujours voulu partir d'histoires concrètes
17:47 que j'avais vécues sur le terrain médical.
17:50 Parce que, oui, en éthique clinique,
17:52 en philosophie pratique,
17:53 en philosophe de terrain,
17:55 on apprend que chaque cas est unique,
18:01 chaque cas est singulier,
18:03 et on apprend beaucoup à l'écoute
18:05 des personnes qu'on rencontre.
18:07 Et ça aide, vous voyez, de partir du concret,
18:10 ça aide d'aller à l'encontre des préjugés.
18:14 Ça force la remise en question,
18:16 ça force le doute philosophique.
18:18 C'est comme ça que je vis la philosophie,
18:21 c'est-à-dire dans cette rencontre du terrain,
18:24 du concret,
18:25 qui m'aide à douter
18:27 et donc à faire l'exercice philosophique en tant que tel.
18:30 Alors, pour répondre bien à votre question,
18:33 je crois que, en fait, d'abord, encore une fois,
18:37 le terme de médecine des désirs,
18:39 je pense qu'il n'est pas forcément très bien adapté,
18:44 si on entend par désir la définition que je vous ai donnée tout à l'heure.
18:47 Mais j'essaie de montrer au contraire que,
18:49 notamment dans le chapitre sur la chirurgie esthétique,
18:52 que ces personnes,
18:54 et en m'appuyant donc sur des études scientifiques,
18:57 ne sont pas dans ce qu'on appelle un désir insatiable,
19:00 toujours insatisfait.
19:02 Vous savez, la critique que fait Platon dans le Gorgias,
19:04 les tonneaux qui sont percés de l'homme intempérant
19:07 et qui doit toujours les remplir, etc.
19:09 En fait, on a, quand on regarde les personnes qui se rendent
19:13 ou qui font des demandes de ce qu'on appelle la médecine des désirs,
19:17 ce sont des personnes souvent réfléchies,
19:20 en tout cas qui peuvent être autant autonomes que les autres,
19:24 que lorsqu'un patient par exemple demande une chimiothérapie
19:27 pour le cancer du poumon qu'on vient de lui diagnostiquer,
19:30 ou qui consent à une chimiothérapie,
19:32 il n'y a pas finalement, à priori,
19:36 moins d'autonomie les uns chez les autres.
19:39 Puis un deuxième élément de réponse,
19:41 c'est que je ne suis pas sûr que les désirs soient uniquement irrationnels.
19:46 On peut avoir des désirs réfléchis,
19:49 on peut avoir des désirs dans lesquels il y a une rationalité,
19:55 il y a un recul critique.
19:57 C'est par exemple le philosophe américain Harry Frankfurt
20:00 qui distingue les désirs primaires des désirs secondaires.
20:04 Donc, je pense qu'on peut désirer sans être nécessairement sous l'emprise
20:13 d'une contrainte, une contrainte interne, psychique,
20:16 ou une contrainte externe.
20:18 Le désir serait le produit d'un groupe social
20:21 ou d'une influence extérieure.
20:23 Voilà, des éléments de réponse.
20:26 C'est une très belle question.
20:28 Merci beaucoup.
20:30 Merci.
20:31 Je me tourne maintenant vers le lycée La Nativité à Aix-en-Provence.
20:36 Est-ce que vous souhaitez intervenir en direct ?
20:42 Bonjour.
20:44 Bonjour.
20:45 Allez-y, on vous donne la parole.
20:47 Activez votre micro.
20:49 Allez-y.
20:50 Vous m'entendez ?
20:51 Très bien.
20:52 Super.
20:53 Tout d'abord, merci pour cette opportunité
20:55 de pouvoir vous adresser nos questions aujourd'hui.
20:58 Alors, dans votre livre, vous défendez une éthique minimaliste
21:01 qui respecte l'autonomie individuelle.
21:03 Et notre classe est engagée dans un projet d'éthique
21:07 autour de la question du consentement.
21:09 Et nous avons choisi d'étudier plus particulièrement
21:11 le domaine médical et le sujet de la mort assistée.
21:15 Nous nous demandons donc si le respect permanent
21:18 que vous défendez ne peut-il pas porter préjudice
21:21 à l'individu dont le choix est maître
21:23 et intient entraîner vers un potentiel danger
21:26 plutôt que finalement lui rendre service ?
21:31 Oui.
21:36 Alors, un danger, oui, si.
21:39 C'est facile votre question.
21:41 Je comprends la crainte qu'on peut avoir
21:43 concernant la mort assistée.
21:45 Je pense que chaque situation, je le disais tout à l'heure,
21:48 est à examiner au cas par cas et complexe.
21:55 Mais en même temps, en éthique,
22:01 est-ce que vous avez travaillé sur ce qu'on appelle
22:03 l'argument de la pente fatale ?
22:05 La pente sauvonneuse, non ?
22:07 C'est l'argument, vous savez, des questions
22:09 de légaliser ou non un événement A,
22:12 par exemple ici la mort assistée à des personnes
22:14 qui le demandent.
22:16 Et puis on va dire, si on acceptait ça,
22:18 le risque c'est qu'un jour on en vienne
22:21 à donner la mort à des personnes
22:24 qui ne l'ont pas demandé, voyez,
22:27 mais qui seraient très malades.
22:29 Et puis encore pire, donner à des personnes
22:31 qui ne sont pas malades, mais pour des raisons,
22:33 et d'ailleurs qu'on a connues dans l'histoire,
22:35 je pense à l'Allemagne nazie,
22:37 qui a euthanasié des personnes,
22:42 des détenus, évidemment des Juifs,
22:46 des camps de concentration, etc.
22:49 Mais vous voyez, c'est un argument
22:51 sur le terrain médical, dans un État de droit
22:54 et dans notre démocratie.
22:56 Bien sûr qu'il pourrait y avoir des dérives,
22:58 mais lorsque c'est le point de vue de la loi
23:02 qui va sans doute être adopté,
23:04 lorsque ces décisions sont prises toujours,
23:07 évidemment, à la demande,
23:09 l'aide active à mourir,
23:11 c'est la demande doit émaner du patient,
23:13 de la patiente, d'accord ?
23:15 Elle ne devra pas être,
23:17 elle devra être maître
23:19 de ses facultés cognitives.
23:21 Il n'est pas question, vous voyez,
23:23 de donner l'accès à l'aide active à mourir
23:27 à des personnes en stade avancé,
23:29 par exemple de maladie d'Alzheimer,
23:31 ou atteinte de schizophrénie,
23:35 ou dépressive sévère,
23:37 ou encore à des mineurs, etc.
23:39 Vous voyez que, en fait, la loi,
23:41 elle est capable de donner un cadre
23:44 très restreint, très contraint
23:47 à effectivement une ouverture,
23:49 à une ouverture, à une possibilité.
23:52 Et d'ailleurs, quand on est sur le terrain,
23:54 on voit que cette demande d'aide à mourir,
23:57 elle est rare,
23:59 elle est très peu fréquente, d'accord ?
24:02 Et on voit aussi d'ailleurs dans beaucoup de pays
24:04 que lorsqu'elle existe, lorsqu'elle est proposée,
24:07 les gens ne vont pas nécessairement
24:09 envoyer la demander, c'est-à-dire que c'est…
24:11 mais ça peut permettre de les apaiser,
24:13 de savoir que si un jour ils veulent le demander,
24:15 ils pourront le faire.
24:17 Bref, donc moi je pense
24:19 que sur l'aide active à mourir,
24:21 comme pour de nombreux autres débats
24:25 de sociétés importants bioéthiques,
24:27 il s'agit d'être rigoureux,
24:29 il s'agit de donner un cadre, d'accord ?
24:32 qui va réguler et très strict
24:36 sur cette ouverture.
24:37 Mais je crois que ça peut servir les individus,
24:40 ça peut au contraire les émanciper,
24:42 les libérer.
24:43 Je finirai là-dessus.
24:44 Cette question, c'est vraiment une question épineuse.
24:46 Et si un jour vous voulez, dans votre lycée,
24:49 que je vienne en discuter avec vous,
24:51 ce sera avec plaisir,
24:52 et il faut prendre le temps,
24:53 il faut prendre le temps de faire la question en 5 minutes.
24:55 Mais je vois des personnes
24:58 qui sont au seuil de leur mort
25:04 et qui demandent une aide à mourir,
25:08 et on ne peut pas leur donner,
25:10 alors on peut leur proposer, vous savez,
25:12 de les endormir, de les sédater,
25:14 c'est la sédation profonde et continue,
25:16 mais ça ne correspond pas à ce qu'ils demandent.
25:20 Et là, ça peut être aussi extrêmement aliénant comme situation,
25:26 extrêmement contraint,
25:28 ça peut être perdurer l'agonie de la personne.
25:30 Donc vous voyez, il y a des risques, tout à fait,
25:35 mais il y a aussi un espoir d'améliorer les conditions de fin de vie
25:43 de certaines et certains d'entre nous.
25:46 Voilà, vous aurez compris que je suis plutôt,
25:48 quand même complètement favorable à une aide active à mourir,
25:52 donc dans le projet de loi qui est proposé actuellement.
25:55 Merci beaucoup.
25:57 Je me tourne maintenant vers le lycée Ernest-Renan à Saint-Brieuc.
26:06 Souhaitez-vous prendre la parole pour poser vos questions, s'il vous plaît ?
26:13 A Saint-Brieuc, activez votre caméra et votre micro,
26:18 si vous êtes avec nous, ou alors vous prendrez la parole.
26:22 Allons-y, je vous écoute.
26:24 Votre question ?
26:26 A Saint-Brieuc ?
26:29 Bonjour, qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ce livre ?
26:39 Alors, écoutez, je pense que c'est vraiment, voyez,
26:45 la rencontre de patients et de patientes
26:50 qui avaient des demandes particulières,
26:54 qui sortaient un petit peu de l'ordinaire,
26:57 et ces demandes ne sont pas connues souvent du grand public.
27:05 Et ces demandes, à chaque fois,
27:08 et nous ont, parce que je travaille toujours en équipe,
27:10 je travaille avec des médecins de différentes spécialités,
27:12 des infirmiers, des infirmières, des aides-soignants, des travailleurs sociaux, etc.
27:16 Et ces demandes, à chaque fois, vraiment nous interpellent,
27:20 remettent en question nos valeurs, nos croyances aussi,
27:27 et aussi certains de nos savoirs et des certitudes.
27:33 Et voilà, pour moi, c'était essentiel d'en faire un livre,
27:38 à la fois parce que je pense que c'est vraiment intéressant
27:42 sur le plan philosophique, sur le plan moral, sur le plan politique,
27:46 et puis aussi, oui, parce que moi, je vis une manière de faire de la philosophie
27:54 comme aussi un engagement, voyez, à la fois auprès des autres,
27:58 c'est-à-dire dans un hôpital, dans un EHPAD.
28:01 Hier, j'étais dans un EHPAD,
28:04 demain, ce sera dans un service de réadaptation, etc.
28:09 C'est un engagement auprès des citoyens, citoyennes, des patients,
28:12 des patientes qui sont malades, mais c'est aussi un engagement auprès de la cité,
28:15 auprès de notre démocratie, pour faire entendre les questions qui viennent,
28:22 vous voyez, du terrain, et que les citoyens et citoyennes puissent participer
28:27 véritablement et donc pervivre la démocratie autour de ces questions.
28:31 Je pense à la Convention citoyenne sur la fin de vie, puisqu'on a parlé de fin de vie,
28:35 je ne pensais pas du tout parler de ça, mais c'est votre question qui m'y a fait penser.
28:38 Mais oui, ça a été un très beau moment, cette Convention citoyenne,
28:43 avec un rapport extrêmement intéressant, extrême, pluriel, voyez,
28:47 un vrai pluralisme moral dans ce rapport.
28:50 Et vous voyez, là, on fait véritablement œuvre de démocratie, je trouve,
28:55 dans cette idée d'une démocratie participative, et à moi, modestement,
29:01 à ma petite position dans un hôpital, j'essaie de participer à cela.
29:07 Et le philosophe, il écrit.
29:10 De ses modes d'action, c'est l'écriture.
29:13 Merci beaucoup.
29:16 Je me tourne encore vers les élèves de l'ICEAMIO.
29:21 Si vous souhaitiez intervenir, vous pouvez prendre la parole maintenant.
29:25 Je crois que votre micro est activé.
29:30 Donc, avant tout, merci de nous accorder de votre temps.
29:34 Notre classe est particulièrement intéressée à la question de la gestation pour autrui.
29:39 Ainsi, vous semblez défendre la GTA à partir du moment où elle repose
29:43 sur l'autonomie des sujets et encore sur la légalisation.
29:47 Mais ne peut-il pas y avoir un problème éthique si la mère porteuse
29:51 est dans une situation de précarité financière et d'isolement social ?
29:55 Est-elle aussi autonome que les demandeurs ?
29:58 Très bonne question.
30:02 Très, très bonne question.
30:04 Et vous avez bien compris que mes propos, c'est-à-dire sur le fait que j'ai défendu,
30:10 je défendais une…
30:12 Je ne vais pas le dire comme ça parce que je pourrais être poursuivi sur le plan pénal,
30:15 pour inciter à la gestation pour autrui, ou en tout cas défendre quelque chose
30:19 qui est interdit par la loi.
30:21 Donc, en tout cas, j'interroge les raisons d'interdire la gestation pour autrui
30:26 et ces raisons sont-elles bien, effectivement, légitimes ?
30:29 Alors, juste une remarque.
30:31 Vous parlez de mère porteuse.
30:32 Effectivement, je préfère qu'on parle de gestatrice.
30:35 Mère porteuse, vous voyez, d'emblée, quand on parle de mère porteuse,
30:39 et moi, ça m'arrive aussi, ne vous inquiétez pas,
30:41 mais souvent, on entend le mot mère, et donc on entend le mot, et l'idée,
30:47 abandon de l'enfant à la naissance, et aussi attachement, évidemment,
30:51 de celle qui va porter la gestatrice.
30:54 Alors, on préfère le terme de gestatrice, un peu comme la grève de visage.
30:58 Vous voyez, en bioéthique, on ne parle pas de grève de visage,
31:00 on parle de grève de tissu de la face parce que c'est moins chargé symboliquement
31:05 et on essaie objectivement…
31:06 Bon, voilà, c'est juste une remarque, mais c'est assez important.
31:10 Effectivement, moi, ça, c'est une vraie question,
31:12 et c'est peut-être la limite essentielle.
31:14 Vous mettez le doigt sur, pour moi, c'est mon questionnement majeur,
31:17 c'est-à-dire l'inégalité qu'il y aurait et qu'il y a, sans aucun doute,
31:25 dans certains pays, entre les gestatrices et les couples qui font appel à des gestatrices.
31:31 Quand on regarde, tout de même, je pense en Amérique du Nord,
31:36 les catégories socio-professionnelles des gestatrices,
31:39 on voit que ces femmes sont issues des classes moyennes
31:42 et non pas des classes les plus défavorisées.
31:45 La raison en est, je pense, la première raison,
31:48 c'est qu'on recrute des gestatrices par le biais d'agences
31:53 et les couples les choisissent sur des catalogues, si vous voulez,
31:58 et on va chercher des gestatrices qui nous ressemblent,
32:02 avec lesquelles on va pouvoir partager puisqu'on va, d'une certaine manière,
32:06 déjà penser les intégrer dans notre famille.
32:08 Elles pourront être au repas de Noël, aux anniversaires de l'enfant.
32:14 Elles vont garder une place, très souvent, dans les pays démocratiques.
32:19 Je pense en Amérique du Nord, où la GPA est légale,
32:23 enfin souvent légalisée, avec des différences.
32:26 Bref, ça veut dire qu'elles ne sont pas toutes, dans ces pays-là,
32:36 issues des catégories sociales les plus précaires.
32:41 Si maintenant on parle de la GPA, effectivement, en Europe de l'Est,
32:46 en Asie, alors là, effectivement, on est sur des gestatrices
32:52 qui sont dans des situations de précarité et qui viennent porter des enfants
32:57 pour des couples, souvent riches, je pense par exemple en Ukraine.
33:00 Il y avait un très beau documentaire sur Arte sur la GPA en Ukraine,
33:04 avant la guerre.
33:06 Vous voyez un couple d'Allemands dans ce reportage,
33:08 un couple d'Allemands d'un certain niveau économique,
33:14 avec des capacités financières.
33:16 Et puis de l'autre côté, la gestatrice ukrainienne,
33:20 qui vivait dans une ferme au beau milieu de la campagne,
33:23 et pour laquelle c'était un des seuls moyens, elle avait un enfant,
33:28 le seul moyen d'agrandir sa maison, de rénover un petit peu la maison.
33:32 Mais vous voyez, c'est une vraie question.
33:38 Certains ont proposé d'ouvrir la GPA uniquement sans rapport d'argent,
33:46 sans échange d'argent.
33:47 Ça peut être une solution.
33:49 Je pense que c'est le cas au Royaume-Uni,
33:51 en plus on est en Belgique, c'est-à-dire une GPA uniquement pour raison médicale.
33:56 On ne parle pas de GPA societal, qui serait par exemple proposée
33:59 aux couples gays, aux couples hétéros mais sans problème d'infertilité,
34:04 aux femmes seules, uniquement par choix.
34:08 GPA médicale et GPA sociétale, il faut distinguer.
34:11 Mais dans certains pays, on refuse l'échange d'argent.
34:14 Ça peut être une manière de répondre aux problèmes,
34:18 de recruter uniquement des femmes qui ont besoin d'argent,
34:21 un peu comme dans la prostitution.
34:23 Vous voyez, 99% des femmes ou des hommes,
34:28 il y a beaucoup plus de femmes que d'hommes qui travaillent dans la prostitution,
34:32 lorsqu'en plus ils sont libres, c'est rarement le cas.
34:35 La plupart sont esclaves de proxénètes, mais sont issus, évidemment,
34:42 sans argent, sans travail.
34:45 Évidemment, ça va inciter, quand elles ont encore une fois le choix,
34:49 ce recrutement.
34:51 C'est un vrai problème, mais je pense que, un,
34:55 il y a des réponses possibles à cette question.
34:58 On peut refuser, on peut encadrer sur le plan légal
35:01 et empêcher qu'il y ait même un dédommagement financier,
35:06 une indemnisation.
35:09 Et deux, quand même, j'ajouterais, mais là encore,
35:12 dans une discussion comme ça rapide, c'est compliqué,
35:14 mais j'ajouterais que l'argent n'est pas non plus à lui seul,
35:20 vous voyez, une contrainte.
35:21 Je veux dire, ce n'est pas parce que je n'ai pas d'argent
35:25 que je vais faire nécessairement, je souligne nécessairement,
35:30 quelque chose que je ne veux pas faire.
35:33 J'ai encore une question, mais très rapidement,
35:36 puisque nous arrivons au terme de cette deuxième séquence,
35:40 une question qui nous vient du lycée,
35:44 si ma mémoire est bonne,
35:47 cet aspect de Adela,
35:50 est-ce que vous pourriez formuler votre question
35:53 qui m'est parvenue par le chat ?
35:56 J'aimerais mieux qu'elle soit dite de visuel,
35:59 et puis de parole.
36:01 Coupez vos parleurs, on vous écoute.
36:04 Activez votre micro.
36:07 C'est bon, on peut se révéler.
36:09 Allez-y.
36:14 Amélin.
36:16 Activez votre micro, s'il vous plaît.
36:22 Sinon, en attendant que cet aspect s'organise,
36:29 je vous propose une deuxième question
36:33 de la Cité scolaire internationale de Ferney Voltaire.
36:38 Au moins cette question-là.
36:40 Vous avez souligné le débat qui questionne la légitimité
36:43 de l'amélioration génétique pour faire naître des enfants
36:47 aux capacités d'écoute couplée.
36:50 On peut comparer cette situation au monde du sport,
36:53 même si certains athlètes sont naturellement favorisés,
36:56 le dopage reste interdit,
36:58 d'autant qu'il existe même aujourd'hui une forme de dopage génétique.
37:02 Ces logiques et ces règles devraient-elles être,
37:05 selon vous, appliquées en médecine ?
37:08 Oui.
37:13 Je ne sais pas si on peut comparer le sport
37:17 avec l'assistance médicale à la procréation.
37:21 Dans le fait d'avoir un enfant,
37:25 dans la vie quotidienne,
37:27 on n'est pas dans la course à l'armement,
37:30 on n'est pas dans la compétition, pour le dire simplement.
37:34 Mais en permettant aux futurs parents
37:38 d'avoir accès à certaines techniques génétiques,
37:42 pour l'instant on n'y est pas dans l'amélioration génétique,
37:46 on est dans de la thérapie génique,
37:49 mais qui ne marche pas bien,
37:52 donc on n'est pas encore dans l'amélioration
37:55 de certaines caractéristiques,
37:58 les capacités mémorielles,
38:00 les quotients intellectuels.
38:02 Il faut aussi relativiser la réussite de ce type de technique
38:06 que nous promettent certains chercheurs,
38:10 et pire, certains transhumanistes,
38:13 qui vont plus loin,
38:15 on pourrait être plus résistants, etc.
38:18 Est-ce qu'il faut l'interdire ?
38:21 Si jamais, un jour, on a accès à ces techniques,
38:24 est-ce qu'il faudra l'interdire, et au nom de quoi ?
38:27 C'est une question qui est complexe,
38:30 vous répondre en une minute, c'est compliqué.
38:34 En tout cas, dans mon livre,
38:37 j'essaie d'interroger les raisons
38:41 pour lesquelles on devrait soit interdire,
38:44 soit limiter,
38:46 soit légaliser sans aucune limite.
38:50 Je crois, là aussi, je défends,
38:54 ma réponse va peut-être être pas très satisfaisante,
38:58 en quelques secondes,
39:00 mais peut-être du cas par cas.
39:02 On n'est pas dans le sport,
39:04 dans l'assistance médicale à la procréation.
39:07 C'est vrai qu'il y a quand même la question du vivre ensemble,
39:10 ça me fait penser à Bostrom,
39:12 qui dit qu'on devrait pouvoir laisser la liberté
39:15 aux futurs parents de choisir les caractéristiques de leur enfant,
39:18 je simplifie un petit peu,
39:20 mais on devrait taxer les demandes de modifications génétiques
39:25 qui donneraient un avantage à nos enfants sur les autres.
39:28 Je ne sais plus comment il appelle ça,
39:30 ce type de caractéristiques.
39:32 Et oui, ce n'est pas la même chose que de retirer une maladie,
39:35 une future maladie à mon enfant,
39:37 que de le rendre, par exemple, plus grand physiquement,
39:40 de le rendre plus fort physiquement.
39:42 Là, il y aura une sorte de désavantage,
39:45 et une injustice un petit peu,
39:47 que les parents les plus riches pourraient donner à leur enfant.
39:51 Et donc, si je suis bien Bostrom,
39:54 et je vous dis ça de mémoire dans cet article,
39:57 il faudrait taxer ce type de demande
40:02 pour pouvoir là aussi redistribuer peut-être l'argent issu de ces taxes
40:08 vers les personnes les plus défavorisées
40:10 et leur permettre d'avoir accès à cela.
40:13 Bien sûr, et dernier élément,
40:15 il y a plein de problèmes sur cette question des améliorations génétiques.
40:19 D'abord, est-ce qu'on n'est pas dans la fabulation, dans l'illusion ?
40:22 Il y a une différence entre thérapie et amélioration,
40:26 il y a beaucoup de questions autour de cela.
40:29 Il y a des questions sur l'efficacité,
40:33 lorsqu'elles auront lieu, leur véritable efficience.
40:36 Il y a beaucoup de questionnements aussi là-dessus.
40:39 Et puis enfin, évidemment, question de l'eugénisme.
40:43 Est-ce qu'on n'en reviendrait pas à aider les futurs parents
40:49 à sélectionner au nom de normes qui sont issues de la société,
40:55 des normes sociales, leurs futurs enfants ?
40:58 Est-ce que ça, ce n'est pas intolérable ?
41:00 Bref, je ne peux pas vous répondre comme ça.
41:03 Ce serait dangereux de vous répondre par oui ou par non,
41:06 mais effectivement, ça suscite beaucoup de questionnements.
41:11 Merci. Et pour terminer, allez, Saint-Aspect à Melun,
41:15 votre question très courte, je crois,
41:17 d'après ce que j'ai vu sur ma page de tchat. Allez-y.
41:21 Oui, bonjour à tous.
41:23 Merci de nous accorder du temps pour vous poser notre question.
41:27 Nous voulions savoir comment vous aviez eu l'idée
41:31 d'illustrer vos propos avec des cas concrets
41:34 et sans de réels cas où les avez-vous imaginés ?
41:38 D'abord, ce sont des réels cas,
41:43 ce sont des cas réels que j'ai rencontrés sur le terrain.
41:46 J'ai changé des éléments afin de les anonymiser.
41:50 Je suis tenu aussi par le respect du secret médical.
41:54 Quelques fois, j'ai changé le sexe, j'ai changé évidemment les prénoms.
41:59 C'est la première donnée qu'on change afin qu'on ne puisse pas les identifier.
42:03 J'ai changé quelques fois l'âge, etc.
42:07 Pourquoi illustrer ces cas réels ?
42:11 Parce que, encore une fois, c'est vraiment ma manière de travailler en philosophie
42:16 depuis maintenant 15 ans, c'est de partir du réel et de toujours y revenir.
42:22 De ne plus uniquement faire ce travail d'enquête philosophique
42:28 à partir de ma réflexion, de l'histoire de la philosophie, de mes livres,
42:35 mais d'aller à la rencontre du terrain des hommes, des femmes, des enfants
42:39 qui font l'expérience de leur maladie, de leurs désirs, de leurs projets parentaux
42:50 alors qu'ils sont abstinents sexuels, de leur demande de chirurgie esthétique, etc.
42:54 Merci beaucoup.
42:56 Merci à vous.
42:58 Nous arrivons donc au terme de cette deuxième séquence de notre programme.
43:03 Merci de votre attention.
43:05 Ce programme sera disponible en vidéoconférence, en vidéo et en podcast d'ici quelques jours.
43:12 A tout de suite pour la troisième partie où nous recevrons Mme Valentin Renaud
43:17 pour son livre sur la question « Y a-t-il de tueurs ? »
43:22 Mais à tout de suite. Merci.
43:24 Merci.
43:26 [SILENCE]