• il y a 9 mois
Cours et échanges inter-lycéens franco-européens diffusés le 14/03/ 2024 sur la plateforme du Projet Europe, Éducation, École :
https://projet-eee.eu/diffusion-en-direct-564/

Dossier pédagogique : https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2024/03/eee.23-24_Ecriture_de_soi_Oleon_Evelyne.pdf

Agora européenne des lycées : programme 2023-2024 :
- https://projet-eee.eu/programme-de-lannee-2023-2024-11419/
- https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2023/10/EEE_Agora_europeenne_des_lycees_2023-2024_Presentation.pdf

Cours en vidéo classés par thèmes :
https://projet-eee.eu/cours-classes-par-themes/
E.E.E. sur Dailymotion : http://www.dailymotion.com/projeteee
Podcast du Projet EEE :
https://soundcloud.com/podcastprojeteee
https://www.deezer.com/fr/show/634442
Transcription
00:00 [Musique]
00:13 Bonjour à tous les internautes qui nous suivent donc en direct ce matin
00:19 dans ce programme proposé par madame Evelyne Ollion,
00:23 professeure de philosophie au lycée Châteaubriand à Rome.
00:26 Elle est entourée de ses élèves très actifs, très dynamiques,
00:30 pour nous proposer une réflexion sur l'écriture de soi.
00:34 Nous sommes dans la deuxième partie de ce programme,
00:38 proposé donc depuis Rome, mais suivi également par des lycéens,
00:44 lycée Giulio Curia Varna, par le lycée français de Varsovie,
00:49 et probablement une bonne demi-douzaine d'autres lycées
00:53 qui suivent notre programme sur la chaîne Twitch et Dailymotion
00:56 du projet Europe Éducation École.
00:58 Soyez les bienvenus dans cette matinée de réflexion.
01:01 Merci chère Evelyne d'avoir accepté de travailler autant pour nous.
01:05 Nous sommes tout à votre écoute, je vous cède la parole avec plaisir.
01:11 Bien, merci Serge Chesson.
01:13 Alors la seconde partie, ce sera l'écriture de soi du journal intime
01:17 au web contemporain.
01:19 Deux formes d'écriture qui semblent diamétralement opposées,
01:22 puisque le journal intime repose sur un processus d'intériorisation,
01:26 alors que l'exposition de soi sur le web correspondrait à un processus,
01:32 j'emploie le terme d'extimité, c'est un terme utilisé par Lacan,
01:37 par Michel Tournier qui écrit son journal d'extimité,
01:41 mais surtout par Serge Tisseron qui est un psychanalyste,
01:45 et qui entend par extimité le mouvement qui pousse chacun
01:48 à mettre en avant, à faire voir, à faire connaître sa vie intime.
01:53 Alors les élèves de la spécialité humanité ont réalisé un sondage
01:59 auprès des autres élèves de Terminal sur un sondage qui portait
02:02 une partie sur le journal intime, y a-t-il encore des pratiques
02:06 de journal intime, et une seconde partie sur les pratiques
02:10 des réseaux sociaux.
02:11 C'est Gabriel qui va nous parler de ce sondage pour la partie
02:16 journal intime.
02:18 Effectivement, tout d'abord on a remarqué d'après les réponses
02:22 que nous ont données les différents élèves, que le journal intime
02:25 est une forme qui subsiste, en effet la moitié de ceux qui ont répondu
02:29 affirment qu'ils tiennent encore en journal intime.
02:32 A ce pourcentage se rajoute aussi un cinquième des élèves qui disent
02:35 qu'ils écrivent tout de même quelques notes sur leurs émotions,
02:40 sur leurs sensations, mais qu'ils ne le considèrent pas
02:42 comme un journal intime, faute de constance et de rigueur.
02:46 Pour ce qui est du support, on retrouve une très forte majorité
02:51 sur les supports traditionnels, plus que la moitié, à savoir
02:56 les feuilles volantes ou les cahiers, avec tout de même une influence
02:59 des commodités du téléphone portable, car un tiers des élèves l'utilisent
03:03 comme support.
03:04 Au contraire, on a un échec complet des supports digitaux, seulement
03:08 1,5% des élèves utilisent ordinateur ou autre application.
03:13 On a eu une très grande richesse dans les réponses à pourquoi
03:17 les élèves tenaient des journaux intimes, et trois idées principales
03:22 se retrouvent un peu partout.
03:23 Tout d'abord, on a l'idée de fixer des pensées originales
03:27 qui viennent dans des moments d'inspiration, au contraire de difficultés.
03:31 Il y a là la possibilité de pouvoir un jour retracer son adolescence,
03:37 le souci du futur lorsqu'on écrit.
03:40 On peut se rappeler des choses, des événements, des personnes,
03:43 mais aussi de la mentalité avec laquelle on vivait.
03:46 Certains élèves parlaient d'immortaliser leur adolescence.
03:50 Une autre idée assez commune était celle d'éclaircir ses pensées
03:56 pour pouvoir y voir plus clair au sein de nous-mêmes.
03:59 Il y a donc l'idée d'une meilleure compréhension par la mise à l'écrit
04:04 de nos sensations pour ensuite se sentir mieux.
04:08 Il y a donc un côté aussi thérapeutique et cathartique.
04:11 Enfin, il y a un aspect de bilan à l'intérieur, une mise à distance de soi
04:16 et de son ressenti pour pouvoir l'apprécier.
04:19 Certains élèves parlaient justement de pouvoir mettre des mots
04:22 sur leurs émotions, de pouvoir les canaliser.
04:24 Et enfin, certains élèves parlaient également du fait d'avoir
04:30 un interlocuteur unique dans leur journal intime.
04:33 D'avoir un ami en ce dernier qui les écoutera aussi longtemps
04:38 que cela sera nécessaire, auquel ils pourront tout avouer
04:42 et qu'ils écouteront sans discontinuer.
04:45 Bien, merci.
04:47 Alors, on va retrouver tout ça dans l'analyse du journal intime.
04:50 Le journal intime, c'est une écriture de soi comme acte
04:53 et non pas comme œuvre, même si, on verra au XIXe siècle,
04:56 les journaux intimes ensuite sont publiés.
04:59 Le journal est une performance.
05:01 On s'écrit soi-même, mais une performance qui laisse une trace.
05:05 Quand on cherche l'origine du journal intime, il faut le retrouver
05:08 dans les livres de raison, les livres de comptes,
05:11 les registres de comptabilité domestique,
05:13 qui étaient tenus par le père de famille,
05:15 qui constituaient d'abord un aide-mémoire et puis qui ensuite
05:18 pouvaient se transmettre et renseigner les héritiers
05:21 et qui se transmettaient de génération en génération.
05:24 Ancêtre du journal intime, on trouve aussi les chroniques de fées,
05:28 le journal de bord, le journal de voyage,
05:31 journal, c'est-à-dire ce qui est relatif au jour.
05:34 Le terme diariste, celui qui tient son journal intime,
05:37 s'imposera à partir de 1952.
05:41 Deux inventions au Moyen-Âge ont été décisives
05:45 dans l'arrivée du journal intime,
05:48 le développement du papier et l'horloge.
05:51 Les journaux intimes commencent à apparaître,
05:54 les journaux, on ne disait pas intime encore,
05:56 à apparaître au XVe siècle, au XVIe siècle,
05:58 en Italie, en Europe, ils se développent au milieu du XIXe
06:01 et ils vont devenir un genre littéraire, je le disais,
06:03 au XIXe, Stendhal, Légoncourt, Ramiel, etc.
06:06 Alors, ce qui caractérise le journal intime
06:10 par rapport aux autres écritures de soi,
06:12 c'est une identité entre l'auteur, le personnage et le destinateur,
06:17 puisqu'on écrit d'abord pour soi-même.
06:20 Le journal est là, nous le disait Gabriel,
06:22 et comme trace pour immortaliser le présent
06:25 et il y a, semble-t-il, deux finalités.
06:28 Première finalité dans le présent,
06:30 on écrit pour le soi présent, pour fixer le vécu,
06:33 pour y voir plus clair,
06:35 mais aussi on écrit pour le futur,
06:37 puisque souvent on pense en écrivant au soi futur
06:41 qui reliera le journal intime.
06:43 On voit la différence avec l'autobiographie,
06:45 l'autobiographie est rétrospective,
06:47 alors que le journal intime est prospective,
06:50 il est toujours tourné vers l'avenir.
06:53 Le journal est discontinu,
06:55 on note au jour le jour des faits, des idées, des impressions,
06:58 souvent sans retouche.
07:00 Philippe Lejeune, qui s'est intéressé aussi au journal intime,
07:03 dit qu'il est à l'autobiographie ce que l'aquarelle est à la peinture à huile,
07:07 c'est-à-dire l'impossibilité d'une retouche,
07:10 et il définit Lejeune, le journal intime,
07:12 comme une série de traces datées.
07:15 Enfin, le journal intime présente une vérité d'humeur,
07:19 une vérité révocable le lendemain.
07:21 Kafka disait dans son journal, le 23 décembre 1911,
07:25 l'un des avantages qu'il y a à tenir un journal,
07:27 c'est que l'on prend conscience, avec une clarté rassurante,
07:30 des changements auxquels on est continuellement soumis,
07:33 auxquels on croit bien entendu d'une manière générale,
07:35 que l'on pressent, que l'on avoue,
07:37 mais que l'on nie toujours inconsciemment plus tard.
07:40 On peut aussi écrire différents journaux,
07:45 avec différentes entrées,
07:47 un journal de jardinage, un journal de philosophie,
07:50 etc.
07:51 Mais ce qui est important, c'est que le journal,
07:53 écrit au jour le jour,
07:55 est écrit dans l'ignorance de sa fin.
07:57 On écrit en ignorant quelle sera la suite du jour.
08:02 On peut penser au journal d'Alfranc, bien évidemment.
08:06 Il y a donc de ce point de vue-là une grande différence
08:09 entre l'autobiographie et le journal.
08:11 Dans le journal intime, on n'est pas le maître du jeu.
08:14 Il n'y a pas de position de surplomb de l'auteur
08:17 par rapport à ce qu'il vit.
08:19 Et voilà pourquoi on s'écrit soi-même
08:21 plus que l'on écrit sur soi-même.
08:24 Enfin, Gabriel est parlé du cahier comme confident.
08:29 Le cahier sert de substitution au dialogue.
08:34 On pense à Robinson Crusoé,
08:36 qui se sauve dans sa survie en entreprenant
08:38 l'écriture d'un journal.
08:40 Je voulais juste évoquer ce texte de Maurice de Guérin,
08:44 qui était un romantique français,
08:46 qui a vécu très peu, de 1810 à 1839,
08:51 et qui disait dans son cahier,
08:54 « Oh mon cahier, tu n'es pas pour moi un amas de papiers,
08:56 quelque chose d'insensible, d'inanimé.
08:58 Non, tu es vivant.
08:59 Tu as une âme, une intelligence, de l'amour,
09:01 de la bonté, de la compassion.
09:04 Tu es pour moi ce que je n'ai pas trouvé parmi les hommes,
09:07 cet être tendre et dévoué
09:09 qui s'attache à une âme faible et maladive,
09:11 qui l'enveloppe de son affection,
09:13 qui seul comprend son langage. »
09:16 Alors, je vais aller vite,
09:18 parce qu'on n'a pas le temps
09:20 de lire les rêveries du promeneur solitaire de Rousseau
09:25 comme un type de modalité de journal,
09:28 même si on n'a pas affaire à des traces datées,
09:30 on ne peut pas parler véritablement de journal intime,
09:33 mais l'entreprise, six ans après les confessions,
09:36 on est ici dans la première rêverie en 1776,
09:40 six ans après, l'entreprise montre tout à fait
09:43 la différence entre l'esprit des confessions
09:47 et ici les rêveries du promeneur solitaire.
09:50 Ces rêveries, vous trouverez ça dans le texte
09:53 qui est dans le dossier pédagogique,
09:54 s'adressent à moi-même.
09:56 « Seul pour le reste de ma vie »,
09:57 commence par dire ici Rousseau.
09:59 C'est donc un être qui s'est retiré du monde.
10:03 « Je n'écris mes rêveries que pour moi-même. »
10:06 Dans ce dialogue, le scripteur s'adresse donc à soi-même
10:09 comme à un futur lecteur,
10:11 comme dans le journal justement.
10:13 Et la dimension du passé apparaît
10:15 quand le scripteur se projette comme futur lecteur.
10:17 Donc le passé affecte le soi de l'énonciation
10:20 et non pas, comme dans l'autobiographie,
10:22 le soi de l'énoncé.
10:24 « Je serai un jour cet homme du passé ».
10:27 Il y a des passages qui sont vraiment très...
10:31 « Si dans mes plus vieux jours, aux approches du départ,
10:34 je reste, comme je l'espère, dans la même disposition où je suis,
10:37 leur lecture me rappellera la douceur que je goûte à les écrire. »
10:40 « Et faisant renaître ainsi pour moi le temps passé,
10:43 doublera pour ainsi dire mon existence. »
10:46 Enfin, il s'agit de feuilles.
10:51 « C'est un journal informe, nous dit Rousseau,
10:53 qui échappe à l'ordre et à la méthode.
10:56 Pour le faire avec succès, dit-il,
10:58 il faudrait procéder avec ordre et méthode,
11:00 mais j'en suis incapable.
11:01 Et ce travail m'écarterait de mon but,
11:03 qui est de me rendre compte des modifications
11:05 de mon âme dans leur succession. »
11:09 Il s'agit juste donc de fixer, d'enregistrer le vécu.
11:13 « Je dirai ce que j'ai pensé, tout comme il m'est venu,
11:16 et avec aussi peu de liaisons que les idées de veille
11:19 qui ont d'ordinance par rapport à celles du lendemain. »
11:22 On ne connaît plus du tout dans cette position d'auteur
11:25 qui est celle des confessions.
11:27 Et c'est d'ailleurs, nous dit Rousseau ici,
11:30 en refusant de recomposer, de réordonner,
11:33 que l'on peut faire une météorologie de l'âme,
11:36 une météorologie intime.
11:39 Rousseau dit dans cette première promenade,
11:41 « Il faut appliquer le baromètre à mon âme.
11:44 Je ferai sur moi-même à quel qu'égard
11:49 les opérations que font les physiciens sur l'air
11:51 pour en connaître l'état journalier.
11:53 J'appliquerai le baromètre à mon âme,
11:55 et ces opérations bien dirigées et longtemps répétées
11:58 me pourraient fournir des résultats aussi sûrs
12:01 que les leurs. »
12:04 Donc les confessions, ici on le voit,
12:06 n'ont pas du tout la prétention de révéler un moi central
12:10 ou de révéler un moi déjà là,
12:13 mais de rendre compte de ce moi fuyant,
12:16 du flux des sensations pourrait-on dire,
12:18 de cette pensée qui laisse place aux sensations.
12:21 Il n'y a plus ici de fixité, de centralité du moi.
12:25 Et enfin bien sûr, par opposition aux confessions,
12:28 ce n'est plus un voyage à l'intérieur,
12:30 mais c'est une promenade, une promenade dans le paysage,
12:33 où le moi résonne dans le paysage extérieur
12:36 et où le paysage extérieur résonne en soi.
12:38 On n'est pas très loin justement du rapport romantique
12:42 où l'âme et le monde se répondent l'un et l'autre
12:45 à travers ce que les romantiques allemands appellent l'« achtimung ».
12:49 Voilà donc une façon d'envisager les rêveries du promeneur solitaire
12:55 sur la modalité plutôt d'un journal que des confessions.
12:59 Alors pour revenir au journal intime,
13:02 le support, disait Gabriel, est un support important.
13:05 Et il posait la question, est-ce qu'on peut écrire sur l'ordinateur ?
13:09 Il semble que l'ordinateur ne soit plus beaucoup sollicité aujourd'hui.
13:15 On appelait « cyberdiariste » celui qui écrivait son journal sur l'ordinateur.
13:21 Et à l'époque, dans les années 90,
13:24 il y avait quelques sites qui étaient destinés à héberger des journaux intimes.
13:30 Sans doute l'arrivée de Facebook, de Twitter,
13:33 l'arrivée des différents réseaux sociaux a quelque peu éclipsé les cyberdiaristes.
13:38 Mais la nouveauté, puisque ça date de début 2024,
13:43 c'est une intelligence artificielle au service du journal intime.
13:48 Cette intelligence s'appelle MIND et c'est Anna qui va nous parler
13:53 de cette nouvelle utilisation de l'intelligence artificielle
13:57 quelque peu assurément révolutionnaire et inquiétante.
14:01 Donc MIND est une application de journal intime qui se définit comme révolutionnaire.
14:06 En effet, ce n'est pas une simple application pour écrire son journal intime,
14:10 mais elle utilise l'intelligence artificielle pour lire notre journal
14:14 et nous renseigner sur nos habitudes et nos sentiments.
14:17 Basée sur une intelligence artificielle très sophistiquée,
14:21 elle analyse rapidement nos entrées de journal
14:24 pour identifier les thèmes qui sont récurrents,
14:27 les émotions dominantes et les schémas de pensée.
14:30 Elle analyse l'évolution de nos pensées au fil du temps
14:33 et nous permet donc théoriquement de mieux comprendre
14:37 notre propre croissance personnelle.
14:39 L'application nous offre même une représentation visuelle
14:43 de l'évolution de nos pensées sur une période donnée.
14:46 MIND donc simplifie le processus de réflexion sur nos anciennes entrées de journal
14:51 et nous permet de tirer rapidement des aperçus sur nous-mêmes.
14:55 Stork, le répertoire des outils de l'intelligence artificielle,
15:00 dans son article sur cette application,
15:02 fait une liste des avantages et des inconvénients de celle-ci.
15:06 Donc il reconnaît cette apparente aide à suivre la croissance personnelle
15:12 de la personne qui écrit,
15:15 mais il admet aussi que l'application tend aussi à simplifier
15:19 le processus de réflexion sur les entrées de journal
15:22 et donc néglige les subtilités qu'un esprit humain peut percevoir.
15:26 Effectivement, un algorithme ne peut jamais saisir pleinement
15:31 la complexité des émotions,
15:33 il ne peut que les simplifier et donc les généraliser.
15:36 Les modèles donc pré-établis ne peuvent pas prendre en compte
15:40 la variabilité individuelle présente chez les humains.
15:44 Merci Anna.
15:46 Alors cette nouvelle application, moi, me fait penser au livre
15:51 de Pierre Cassou-Noguez, qui était l'année passée
15:54 au Prix Lycéen de Philosophie.
15:57 Et nous avons le livre ici qui s'appelle
15:59 "La bienveillance des machines".
16:01 Cassou-Noguez dit que nous sommes passés à l'époque
16:04 où les machines nous bienveillent, c'est-à-dire veillent
16:07 sur notre bien-être.
16:09 Ce sont ces machines qui nous permettent de mieux lire en nous,
16:12 qui savent mieux que nous qu'elle est en réalité peut-être
16:15 notre candidat aux futures élections.
16:17 Toutes ces machines qui, sous prétexte de bienveillance
16:20 et de confort, ne sont rien d'autre que des dépossessions
16:23 de notre subjectivité.
16:25 Et je crois qu'ici nous en avons une belle application.
16:28 En tous les cas, nous allons passer à l'écriture justement
16:32 sur le web et à la question de cette identité narrative
16:35 dont on a vu l'importance avec Ricœur.
16:38 Est-ce qu'on peut parler d'une identité narrative sur le web ?
16:41 Qu'est-ce que devient cette identité narrative ?
16:43 Anna va nous rendre compte du sondage,
16:46 donc de la partie du sondage réalisé sur la pratique
16:49 des élèves de terminal en ce qui concerne les réseaux sociaux.
16:52 Oui, donc le sondage révèle des informations très intéressantes
16:57 sur l'utilisation des réseaux sociaux par les élèves
17:00 qui ont répondu.
17:01 En ce qui concerne l'âge d'initiation aux réseaux sociaux,
17:04 la plupart des personnes, le plus du 60 %,
17:07 ont commencé entre les 11 et les 13 ans,
17:10 avec une majorité à 13 ans.
17:12 En ce qui concerne les plateformes utilisées,
17:14 la majorité des élèves sont actifs sur des réseaux les plus connus
17:18 comme Instagram, TikTok, Snapchat, etc.
17:21 Et il y a une faible utilisation de Facebook ou de Twitter,
17:25 tandis que d'autres réseaux plus particuliers
17:28 comme par exemple Pinterest ou Letterboxd
17:32 sont quelques fois, mais rarement utilisés.
17:35 En ce qui concerne le temps passé sur les réseaux sociaux
17:38 par chaque jour, plus de 30 % d'entre nous
17:43 passent plus de deux heures par jour sur ces plateformes,
17:47 suivi par ceux qui passent entre une et deux heures par jour.
17:50 Et seuls quelques-uns passent moins d'une heure par jour
17:53 sur les réseaux sociaux.
17:55 Seulement quelques élèves refusent d'être totalement sur les réseaux sociaux.
17:59 La question est de savoir si les réseaux sociaux
18:02 permettent réellement d'exprimer notre personnalité.
18:05 À ce sujet, des réponses très intéressantes,
18:08 barrières et parfois surprenantes.
18:10 En effet, les utilisateurs des réseaux sociaux
18:14 se montrent très critiques à l'égard de ces plateformes
18:18 en reconnaissant totalement la superficialité qui en découle.
18:22 Une partie des personnes interrogées admet que les réseaux sociaux
18:25 offrent une tribune pour partager leurs passions,
18:29 leurs opinions et des fragments de leur vie quotidienne.
18:32 Mais la plupart des personnes s'accordent pour dire
18:36 qu'il est très rare d'exprimer sa vraie identité sur ces plateformes.
18:41 Certaines écritures sur les réseaux sociaux sont spontanées,
18:45 donc sans filtre ni préparation,
18:48 tandis que d'autres sont soigneusement réfléchies et élaborées
18:51 avant leur publication.
18:54 Par exemple, les plateformes comme Snapchat privilégient
18:57 une communication instantanée et éphémère,
19:00 où les messages disparaissent après leur visualisation.
19:04 Tandis que d'autres, comme par exemple Spotify,
19:07 ont un contenu plus durable qui est accessible
19:11 pendant une période prolongée, même indéfiniment.
19:16 C'est pour cet aspect réfléchi des réseaux sociaux
19:19 que la majorité des participants affirment que ces derniers
19:22 ne représentent pas fidèlement notre vraie personnalité.
19:27 En effet, ils ont tendance à favoriser la création d'un personnage,
19:31 d'une identité idéalisée, où l'on montre seulement
19:34 les aspects de nous-mêmes qu'on préfère ou qui sont socialement acceptables.
19:37 Par exemple, sur Instagram, plateforme offrant une combinaison
19:41 de contenu instantané et de contenu durable,
19:45 les publications sont souvent modifiées et réfléchies,
19:48 et la présence sociale peut conduire à un contenu moins authentique
19:51 et plus formaté.
19:53 C'est pour cela que certains utilisateurs créent des profils privés,
19:56 seulement accessibles à des amis les plus proches,
20:00 où l'écriture est moins travaillée et plus authentique.
20:03 La différence entre la vie virtuelle projetée sur les réseaux sociaux
20:08 et notre vie réelle crée une dissonance qui peut constituer
20:12 une barrière à l'expression de notre vraie personnalité.
20:17 Dans certains cas, les élèves ont même comparé les réseaux sociaux
20:20 à un mur fictif, où l'on peut modéler et modifier notre vie
20:24 selon le désir, mais qui ne reflète pas la réalité
20:28 de ce qui nous sommes réellement.
20:31 Dans les réseaux sociaux, nous attendons écrits tout est faux
20:34 et rien n'est réellement vrai, rien n'est réellement réel.
20:37 Merci Anna.
20:39 Quelques clés pour comprendre le web contemporain en termes d'écriture,
20:44 puisqu'on en était sur la question de l'écriture de soi.
20:46 Je voudrais me référer à un livre qui date un peu,
20:49 il est de 2016, de Gomez Mejia, qui s'appelle
20:52 "Les fabriques de soi" avec un point d'interrogation.
20:55 Gomez Mejia, pour penser les réseaux sociaux en termes d'écriture,
20:59 s'intéresse à trois notions, que sont l'auteur, le père et le client.
21:06 L'auteur, c'est celui qui écrit et qui manifeste ce désir
21:11 d'extériorisation de soi, cette visibilité de soi,
21:15 ce que j'appelais l'extimité, avec bien sûr les brouillages possibles
21:19 entre les frontières de l'intime, du privé et du public,
21:23 et tous les problèmes que ça peut poser.
21:25 Et une forme qu'on pourrait qualifier de cyber-narcissisme,
21:29 c'est-à-dire la création d'une image de soi idéalisée,
21:34 et tel narciss, la jouissance de cette image,
21:37 l'écran devenant une espèce de nouvelle forme du stade du miroir,
21:42 stade du miroir lacanien, où le corps prend une figure idéalisée
21:47 et où l'enfant joue et se délecte de cette figure de soi.
21:52 Il y a bien sûr là un potentiel processus d'aliénation,
21:56 au sens hégélien du terme, lorsque l'image se retourne contre son concepteur,
22:01 lorsque l'image devient tyrannique, exigeante,
22:04 lorsqu'on ne vit plus que pour son image,
22:06 et lorsqu'on devient l'objet de sa propre image.
22:09 Et puis l'autre problème, vous le savez bien,
22:12 c'est le continuum entre le soi d'irréel et le soi virtuel,
22:16 entre le soi online et le soi, dit-on parfois, on-life.
22:22 Lorsque le sujet agit et fait passer la représentation,
22:27 la documentation de soi,
22:29 ou l'information sur soi, l'écriture de soi avant même la vie,
22:36 et où l'expérience n'est vécue que pour être immédiatement retranscrite.
22:42 C'est Sartre qui faisait dire à Roquentin dans La nausée,
22:45 « entre vivre et raconter, il faut choisir ».
22:48 Je crois que cette phrase est parfois, elle est assez parlante.
22:53 L'identité numérique est-elle une identité narrative ?
22:58 Alors l'identité numérique, c'est ce qu'on appelle l'ensemble des traces numériques
23:02 qu'une personne laisse sur Internet.
23:05 Les spécialistes de la communication analysent cette identité numérique,
23:09 distinguent au sein de cette identité numérique trois types d'identités.
23:13 L'identité déclarative, l'identité agissante et l'identité calculée.
23:18 Je vais en dire quelques mots.
23:19 L'identité déclarative, elle correspond à ce que vous déclarez de vous-même
23:23 à titre d'information, lorsque vous remplissez les formulaires des réseaux sociaux,
23:28 centres d'intérêt, goûts, les amis, etc.
23:31 S'agit-il d'une identité narrative ou s'agit-il d'une identité personnelle ?
23:36 Vous le savez, la formalisation informaticienne,
23:39 bien évidemment, éminemment standardisée, donne l'impression que c'est ma page,
23:45 mon pseudo, mes amis, mais c'est bien souvent un soi purement standardisé.
23:52 L'identité agissante, elle est déterminée par les différentes actions
23:57 que vous laissez sur le web.
24:00 Ces traces que je laisse et qui me révèlent à mon insu et qui constituent,
24:04 pour le dire avec Lacan, une nouvelle forme du "ça parle".
24:07 Ça parle même si ça parle en moi, à travers moi, indépendamment même
24:11 de ce que je voudrais laisser dire de moi.
24:14 Quant à l'identité calculée, c'est l'identité qui est calculée par les algorithmes
24:19 à partir de l'identité agissante et qui va permettre d'établir un profil de l'individu.
24:24 Profil de l'individu auquel on va proposer des nouveaux livres,
24:29 des nouvelles marques, etc.
24:33 Donc une identité calculée dans une logique commerciale,
24:37 et c'est là que l'auteur retrouve bien sûr le client,
24:41 une identité qui fabrique des attentes,
24:44 une identité qui n'exprime pas la subjectivité,
24:47 mais qui fabrique une subjectivité désirante.
24:50 Or cette identité calculée est d'une certaine manière la négation
24:56 de l'action dans ses paramètres humains.
24:59 Pour penser l'action, je voudrais me référer à Hannah Arendt,
25:02 dans La condition de l'homme moderne.
25:04 Hannah Arendt nous dit "Une action, c'est ce qui innove,
25:08 deuxièmement, une action, c'est ce qui se produit dans le registre de la pluralité."
25:14 Alors une action, c'est ce qui innove, c'est la capacité à débuter, à faire du nouveau.
25:18 Je cite Arendt "Auquel on ne peut pas s'attendre d'après ce qui s'est passé auparavant."
25:23 C'est exactement le contraire avec justement cette identité calculée.
25:29 Elle dit encore "Contre les chances écrasantes des lois statistiques et de leur probabilité."
25:34 Voilà.
25:37 L'impossibilité peut-être sur le web de commencer par soi-même une action,
25:42 au sens kantien, c'est-à-dire d'être libre, d'être une cause non causée,
25:46 puisque tout ça est calculé et répond à des algorithmes.
25:49 Deuxième caractère de l'action, dit Arendt, c'est la pluralité,
25:53 ce qu'elle appelle l'inter hominacé, c'est être parmi les hommes.
25:57 Cette pluralité, c'est le propre du domaine public et de la communauté politique.
26:02 Je cite Arendt encore une fois "L'action serait un luxe superflu,
26:06 une intervention capricieuse dans les lois générales du comportement
26:09 si les hommes étaient des répétitions reproduisibles à l'infini d'un seul et unique modèle,
26:14 si leur nature ou essence était toujours la même."
26:17 La pluralité est la condition de l'action humaine parce que nous sommes tous pareils,
26:22 c'est-à-dire humains, sans que jamais personne soit identique à aucun autre,
26:26 ayant vécu, vivant ou encore à naître.
26:29 Et bien sûr, cette pluralité, elle est rendue possible par l'altérité,
26:33 c'est parce qu'il y a des autres qu'il y a de l'autre,
26:36 que nous sommes tous autres que nous pouvons vivre dans un monde pluriel,
26:41 où il y a réellement de la pluralité.
26:43 Alors cela nous amènerait à interroger la troisième notion, la notion de paire.
26:48 Que sont les paires sur les réseaux sociaux ?
26:51 Ce sont des égaux et des semblables.
26:53 Ce sont ceux qui vont être dans la même liste que moi,
26:59 ce sont ceux auxquels on s'identifie et que l'on identifie à soi,
27:03 ce sont ceux dont on attend la validité.
27:06 Certains psychanalystes disent que l'oral est plutôt maternel,
27:11 l'écrit est plutôt paternel, c'est le surmoi,
27:14 c'est l'écrit corrigé à l'encre rouge, c'est la figure de l'autorité,
27:20 alors que l'écriture sur le web est chapeau surmoi,
27:24 elle est non surmoïque.
27:26 C'est l'écriture avec mes égaux,
27:29 c'est l'écriture dans laquelle on joue de façon jubilatoire
27:31 avec les fautes d'orthographe ou les transcriptions phonétiques.
27:34 Et c'est l'écriture que l'on adresse à ses paires.
27:38 Sauf que ces paires qui vont répondre par des likes,
27:41 mes amis, par définition ne représentent aucune altérité,
27:45 puisqu'ils n'ont d'ailleurs même pas la possibilité de s'opposer,
27:48 ils ont la possibilité de valider, de donner des likes,
27:51 plus que d'exprimer une véritable différence.
27:55 On peut penser que l'écriture sur le web,
27:58 qui approuve sans discordance,
28:01 est une certaine forme de novlangue au sens d'Orwell,
28:06 c'est-à-dire qu'à défaut de...
28:09 On va enlever les mots qui vont permettre d'exprimer toute dissonance,
28:13 toute autre pensée.
28:15 De la même façon ici, il s'agit de recevoir l'approbation
28:19 sans désapprobation possible.
28:22 Alors est-ce que les paires sont susceptibles de constituer
28:25 une reconnaissance de la subjectivité ?
28:28 Je vais y aller très vite, mais que ce soit Aristote,
28:30 lorsqu'il nous parle de la philia, que ce soit Platon,
28:33 lorsqu'il nous parle d'Eros en disant que nous,
28:36 nous découvrons comme sujet agissant quand nous nous voyons
28:39 dans la pupille de l'autre.
28:41 Dans tous les cas, il s'agit bien d'un autre.
28:44 Aristote ne cesse de le dire.
28:46 L'ami, c'est un autre moi-même,
28:48 ou même un moi qui est radicalement autre,
28:51 et c'est cette dimension d'altérité qui semble complètement gommée
28:55 quand il s'agit justement de paire, de semblable, d'uniformité.
29:00 Pour aller encore plus loin dans cette idée d'identité,
29:04 on pourrait évoquer le "shedboat replica",
29:08 qui est, j'ai découvert, une intelligence artificielle
29:11 qui devient notre meilleur ami, puisqu'il s'élabore
29:14 à partir de nos propres données.
29:16 Donc "replica", c'est comme son nom l'indique,
29:18 exactement notre réplique.
29:21 C'est un moi-même sans altérité,
29:24 c'est-à-dire que nous nous retrouvons,
29:26 c'est un retour d'une certaine manière au mythe de Narcisse,
29:29 dont le malheur est de ne pas réussir à être aimé
29:32 par un autre différent de soi, différent que soi.
29:35 C'est peut-être le malheur du web.
29:38 Alors pour finir, deux courtes références.
29:42 Une première référence à Bernard Harcourt,
29:45 puisque nous avons beaucoup parlé de Foucault
29:48 dans cette conférence.
29:50 Harcourt est lui aussi un Foucaulien
29:52 qui analyse la société d'exposition.
29:54 Et ce qu'explique Harcourt, c'est que,
29:56 après avoir connu des sociétés de discipline,
29:59 comme on parle Foucault, c'est-à-dire des sociétés
30:01 qui réunissent pour exercer, ou l'institution
30:04 exerce son pouvoir en réunissant, en rassemblant des hommes,
30:07 dans des prisons, dans des écoles,
30:10 il n'y a pas d'analogie, dans des cliniques.
30:14 Nous sommes passés ensuite aux sociétés de contrôle,
30:17 où on n'a plus besoin de rassembler des hommes,
30:19 il suffira d'une petite caméra qui soit là pour contrôler,
30:21 ou d'une webcam pour nous contrôler.
30:23 Et nous en sommes désormais, dit Harcourt,
30:25 à des sociétés d'exposition, où nous n'avons plus besoin
30:28 ni de prison, ni de bracelets électroniques,
30:31 puisque les téléphones portables ou les montres connectées
30:34 sont des outils permanents de surveillance.
30:37 Nous vivons, dit Harcourt, dans un espace libre
30:39 où les dispositifs de contrôle qui étaient autrefois coercitifs
30:43 sont désormais tissés dans la trame même
30:46 de nos plaisirs et de nos fantasmes,
30:48 et où nous sommes ravis et heureux de nous exposer.
30:52 La dernière référence est un clin d'œil à ce qui se passera
30:55 dans 15 jours pour le prix Lycéen de philosophie,
30:59 la rencontre avec les philosophes qui ont écrit,
31:03 qui ont été retenus pour le prix.
31:05 Je vais faire référence au livre de Anne Hallombert,
31:08 qui traite sur la schizophrénie numérique,
31:11 et ce sera un peu une dernière touche d'espoir
31:14 dans cette écriture sur le web.
31:17 Elle fait une analogie entre les techniques d'écriture
31:20 qu'on vous apprend à l'école et qui sont là aussi
31:22 pour vous rendre un peu plus critique,
31:24 pour apprendre à lire un texte d'une manière critique,
31:27 de même que la lecture de l'image, je pense,
31:31 à Barthes est aussi libératrice,
31:33 elle nous apprend à voir ce qu'il peut y avoir
31:35 dans une image et les connotations,
31:37 la rhétorique de l'image,
31:38 et bien, dit-elle, de la même façon,
31:40 il faudrait dans les écoles pouvoir enseigner
31:42 ces techniques justement d'écriture sur le web
31:45 pour apprendre à avoir un regard critique.
31:48 Et donc, c'est toujours l'analogie avec l'écriture
31:50 qui permet de penser cela.
31:52 Je cite Anne Hallombert, elle dit de même
31:55 que la pratique des techniques de l'écriture,
31:57 de la grammaire et de l'argumentation
31:59 au cours de l'éducation aident à lire un texte
32:02 de manière critique, de même la pratique des techniques
32:05 de production audiovisuelle et numérique
32:07 pourrait aider à recevoir une vidéo ou une image
32:11 de manière critique.
32:13 Voilà, nous arrêtons, nous, en ce qui concerne
32:17 le contenu de cette leçon.
32:19 Merci beaucoup, merci beaucoup, Madame Olléan.
32:23 Au moment même où j'allais passer l'antenne
32:26 aux élèves de Varna, ils se sont éclipsés
32:30 devant leur caméra.
32:33 S'il vous plaît, pouvez-vous vous reconnecter
32:35 un instant ?
32:37 Sinon, je me tourne vers le lycée français de Varsovie
32:41 qui vous présente une question, cher Évelyne Olléan,
32:45 question de Julia.
32:48 Si vous m'entendez, quel procédé utiliser
32:52 dans l'écriture de soi pour rendre
32:57 le caractère mobile, changeant, de notre identité ?
33:04 Si j'ai bien compris, l'écriture étant quelque chose
33:07 qui fige les choses, quel procédé pourrait rendre compte
33:14 de cette mobilité caractéristique de notre identité ?
33:18 Je me tourne vers vous si vous voulez relever cette question.
33:22 Oui, c'est une très belle question,
33:25 mais je répondrai avec beaucoup d'humilité.
33:29 C'est vrai qu'on peut le voir d'une manière
33:32 assez bergsonienne.
33:34 Il me semble que Stendhal, d'une certaine manière,
33:37 répond à cela quand il adopte ce style d'écriture
33:40 et la volonté d'avoir une écriture sans retouches,
33:44 une écriture qui soit une trace de soi-même,
33:47 sans intervenir le dessin, le schéma.
33:50 Cela peut répondre à une écriture de la vie qui se vit.
33:55 Il me semble qu'on voit aussi cette différence
33:58 entre le Rousseau des Confessions,
34:00 où on a une position d'auteur très construite,
34:03 avec un Jean-Jacques central,
34:06 et par opposition au Rêverie du Promeneur solitaire,
34:10 où le Promeneur solitaire laisse des touches,
34:12 laisse des traces, pour pouvoir rendre compte
34:15 de la théorologie de l'âme, c'est-à-dire de sensations
34:18 qui sont toujours fluctuantes.
34:21 Je ne sais pas si mes élèves veulent ajouter quelque chose.
34:24 C'est intéressant que les élèves disent aussi un petit mot là-dessus.
34:27 Alors camarades, je me tombe vers Varna, qui est là.
34:36 Merci de votre présence, de votre écoute, de votre fidélité.
34:39 Si vous souhaitiez intervenir pour faire une remarque
34:42 sur ce sujet ou poser une question,
34:44 la parole est à vous.
34:47 On vous écoute.
34:50 Souhaitez-vous intervenir ?
34:54 Votre micro n'est pas activé.
34:58 À Varna, lycée Joliot-Curie.
35:02 Voulez-vous activer votre micro, si vous avez une remarque à faire ?
35:06 Oui, nous n'avons pas de questions, nous n'avons rien à vous demander.
35:11 Je suis assez riche et nous sommes très ravis d'être ici,
35:16 d'être en direct.
35:19 Merci.
35:22 Merci beaucoup Varna.
35:25 C'est vrai que la richesse de tout ce que vous avez évoqué
35:31 est absolument prodigieuse.
35:33 Nous aurons du travail à faire dans les jours qui viennent.
35:37 Est-ce que je peux passer encore une question qui me vient de Varsovie,
35:44 s'il vous plaît, de la part de Sophie ?
35:50 Peut-on faire complètement abstraction du jugement des autres
35:55 lorsque l'on écrit sur soi ?
36:03 Sans doute que les différents procédés d'écriture donnent une place différente à l'autre.
36:09 Je vais essayer de le dire, sur le web l'autre est omniprésent,
36:15 puisqu'on forge avec les pairs ce qu'on appelle la réputation.
36:20 Je ne sais même pas comment on dit tout ça.
36:22 Il y a un processus sans doute davantage d'intimité dans le journal intime.
36:27 Est-ce qu'on écrit son journal intime en pensant à un autre lecteur que soi-même ?
36:31 Je crois que cette question a été envisagée par des élèves qui disent
36:36 que plus tard, mes enfants retrouveront mon journal intime.
36:39 Donc, sans doute, le regard extérieur, ou au moins de soi comme un autre, est présent.
36:45 Juste parce qu'on a été amené à tailler et à laisser deux directions sur l'autobiographie
36:51 qui pourtant nous tenait à cœur,
36:54 je n'ai pas parlé de la sociotobiographie avec Annie Ernaud,
37:00 mais je sais que parler de soi, c'est aussi de parler d'un nous.
37:03 On peut retrouver une autobiographie qui est vraiment aux antipodes de l'ego,
37:07 où il s'agit par contre de cet écrit de La Place,
37:10 où retrouver les autres et rendre compte du nous,
37:14 d'une autobiographie impersonnelle.
37:16 Le livre est ici, j'aurais souhaité parler de Pierron,
37:20 qui était au Prix Lycéen de Philosophie il y a deux ans,
37:22 qui a écrit cet ouvrage sur l'éco-biographie,
37:26 et l'idée que dans notre autobiographie joue aussi un rôle l'environnement dans lequel on a grandi,
37:34 les sensations qui nous ont nourris dans notre enfance,
37:36 grandir au bord de la mer, grandir à la montagne,
37:38 grandir auprès d'une rivière, grandir dans une ville,
37:40 tout ça vient aussi nourrir un moi sensible,
37:43 et une expression qui est peut-être de soi, là aussi,
37:48 beaucoup moins construite et beaucoup moins réfléchie.
37:50 Merci beaucoup, madame Olléon.
37:53 Je pense que nous arrivons au terme maintenant de cette matinée si riche,
37:58 si passionnante sur l'écriture de soi.
38:01 Merci infiniment pour tout ce travail de préparation
38:04 qui a impliqué le concours de vos élèves absolument exemplaire.
38:08 Je tiens à adresser aussi un mot tout spécial de remerciement
38:12 à la direction de votre établissement,
38:14 qui nous permet de travailler si bien.
38:16 Je ne sais pas si monsieur Pistoré est encore là.
38:19 C'est ici, mon cher.
38:21 C'est un plaisir de l'écouter peut-être pour conclure cette matinée
38:26 avec beaucoup de respect.
38:28 Merci beaucoup.
38:31 Avec mon collègue Christophe Chad, on a assisté à toute la conférence
38:35 et on a été passionnés par ce sujet, bien sûr,
38:38 et très heureux aussi de voir l'implication des élèves,
38:41 leur attention, leur engagement.
38:43 C'est très positif de voir ces élèves engagés
38:47 dans la réflexion philosophique.
38:50 Merci à vous et à bientôt.
38:52 Merci beaucoup.
38:53 Je remercie également tous ceux qui nous ont suivis
39:01 en simple réception du programme Une bonne dizaine de lycées.
39:05 Merci aux élèves, c'est joli au curia, Varna.
39:09 Cette matinée sera disponible en vidéo d'ici quelques jours
39:15 sur notre site Internet et en podcast
39:18 sur pratiquement toutes les plateformes SoundCloud, Spotify, etc.
39:23 Merci à la Pégi, cher Jean-Luc Gaffard et Antoine Chepet
39:28 qui nous ont aidés à diffuser ce programme.
39:31 Merci.
39:33 Sous-titrage ST' 501
39:36 Sous-titrage ST' 501
39:38 Sous-titrage ST' 501
39:40 Sous-titrage ST' 501
39:42 Sous-titrage ST' 501
39:44 Sous-titrage ST' 501
39:46 Sous-titrage ST' 501
39:48 Sous-titrage ST' 501
39:50 Sous-titrage ST' 501
39:52 Sous-titrage ST' 501
39:54 Merci d'avoir regardé cette vidéo !

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