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Cours interactif de philosophie. Échanges inter-lycéens franco-européens diffusés le 14/11/ 2024 sur la plateforme du Projet Europe, Éducation, École :
https://projet-eee.eu/diffusion-en-direct-564/

Dossier pédagogique : https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2024/11/eee.24-25_La_magie_du_vivant_Pigeard_de_Gurbert_G.pdf

Agora européenne des lycées : programme 2024-2025 :
- https://projet-eee.eu/programme-de-lannee-2024-2025-15812/
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Cours en vidéo classés par thèmes :
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E.E.E. sur Dailymotion : http://www.dailymotion.com/projeteee
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Transcription
00:00Bonjour à tous, soyez bienvenus sur la plateforme du projet Europe éducation à l'école pour
00:20une matinée qui nous est proposée par les élèves et leurs professeurs au lycée Guelussac,
00:27Guillaume Pujard de l'Urber, sur la thématique du vivant, plus précisément sur la magie du vivant.
00:35Nous sommes très heureux de voir que des élèves du lycée français international de Pondichéry,
00:43du lycée français liberté de Bamako et de l'école française de Saint-Pétersbourg sont là.
00:52Monsieur le proviseur, je me tourne vers vous à Limoges au lycée Guelussac,
00:57je vous laisse le soin d'accueillir toute l'équipe pédagogique et administrative qui
01:01nous soutient dans cette démarche et je vous cède la parole, n'hésitez pas à prendre le temps qu'il
01:07vous faut, merci d'être avec nous. Merci à vous monsieur le professeur, mesdames messieurs les
01:13professeurs, mesdames messieurs les chefs d'établissement, chers collègues, mesdames
01:19messieurs les étudiants des lycées de Pondichéry, de Saint-Pétersbourg, de Bamako, de Limoges et
01:25certainement d'ailleurs, le lycée Guelussac de Limoges a l'honneur au titre du cycle des
01:33conférences Europe éducation école de vous accueillir ce jeudi 14 novembre pour participer
01:41à une rencontre philosophique autour de la question presque originelle la magie du vivant.
01:47Je tiens à remercier à ce titre monsieur Pijard de Gurbert, professeur de philosophie en classe
01:54préparatoire aux grandes écoles au lycée Guelussac, de nous présenter les contours de cette
01:59question passionnante en conviant à notre table, ici la meilleure des compagnies, celle des
02:06philosophes, que ce soit Kant, Spinoza, Descartes, Leibniz et bien d'autres pour traiter et aborder
02:14cette question. Une véritable matinée enchantée s'annonce à nous. Je tiens aussi à remercier
02:23tous ceux qui dans l'ombre ont permis que nous soyons réunis ce matin, tous ceux qui ont dépassé
02:31les freins de la matière inerte, que sont les proxys, les connexions hasardeuses et j'en passe,
02:38ceux qui ont œuvré au final à cette ambition de réunir une partie de la jeunesse francophone
02:46du monde autour d'une matière ô combien vivante et magique, la connaissance. Je vous remercie.
02:53Merci beaucoup monsieur le proviseur, je voudrais donner également un temps de parole à monsieur
02:59Pradjenkra qui nous soutient depuis maintenant pas mal de temps. Bienvenue, merci, on vous écoute
03:05avec plaisir. Oui, bonjour à tous, bonjour à toutes, nous sommes aussi comme les autres fois
03:13enthousiastes à Bamako, au lycée français Liberté, de participer à ce temps de réflexion. Bien
03:20entendu, je ne serai pas long ce matin puisque les élèves sont impatients pour entendre, non pas la
03:25bonne parole, mais l'introduction que fera bien le professeur et partager la réflexion, bien
03:32entendu dans l'essence du système éducatif français qui est celle d'aider nos jeunes,
03:36d'accompagner nos jeunes à avoir la pensée critique, l'esprit critique et là peut-être
03:41dans une entrée philosophique particulièrement intéressante qui concerne le vivant. Donc ce
03:47matin, nous avons une trentaine d'élèves tout aussi prêts à participer et qui aussi,
03:53à travers ce billet, nous qui sommes au Sahel, un peu loin de tout, à rencontrer par la pensée,
03:59par le partage des réflexions, des intervenants qui viennent d'ailleurs, des jeunes comme eux
04:04qui sont ailleurs et un salut particulier à tous, mais aussi à nos élèves du réseau français de
04:10Pondichéry. Merci. Merci à vous monsieur le professeur et je me tourne maintenant vers
04:17monsieur Wally Brahim au lycée français international de Pondichéry. Est-il avec
04:24vous s'il souhaitait prendre la parole ? Je ne souhaite pas s'il est disponible.
04:29Merci. C'est le cas. On vous écoute rapidement. Merci, merci.
04:35Alors, je vais commencer avec monsieur Gervais, professeur principal en matière de physique,
04:44mon allant, Abraham Rezet, et nous avons Madame Victorine, madame de Québec. Et les élèves et
04:54les élèves, les élèves, les élèves, les élèves, les élèves, les élèves, les élèves, les élèves,
05:01les élèves, les élèves, les élèves, les élèves, les élèves, les élèves, les élèves, les élèves,
05:06les élèves, les élèves, les élèves, les élèves. Merci monsieur Gervais. Je vous salue aussi,
05:17et merci encore pour cette opportunité. Merci. Merci infiniment. Nous sommes très très
05:24heureux d'avoir donc sur notre plateforme et je salue très chaleureusement tous les élèves
05:30élèves français francophones qui se mobilisent pour une matinée de réflexion, d'interrogation,
05:38d'échange sur une question fondamentale en philosophie que je confiais à Guillaume
05:44en vue de son élucidation. Je me tourne juste encore un instant vers Saint-Pétersbourg.
05:55Est-ce que M. Grégory Gell-Mann de l'école française de Saint-Pétersbourg peut activer
06:01sa caméra s'il vous plaît et son micro ? Sinon, tout à l'heure, prenons maintenant le temps de
06:08philosopher, cher Guillaume. Je te cède la parole et on s'abandonne au plaisir de t'écouter. Au bout
06:14d'une vingtaine de minutes, nous poserons des questions qui nous paraîtront importantes.
06:19Merci à tous de votre présence. Le programme d'aujourd'hui est particulièrement ambitieux
06:30puisque je voudrais vous présenter un livre de philosophie, La critique de la faculté de juger
06:34de Kant, qui est un livre passionnant et qui est, à mes yeux, mais je ne pense pas être le seul,
06:41l'un des livres les plus difficiles qui existe. C'est un livre très difficile à lire et cela
06:48pour deux raisons. La première raison, c'est parce que c'est au fond la dernière des trois
06:56critiques qu'écrit Kant, donc il est au sommet de son élaboration conceptuelle et donc il s'appuie
07:02sur ce qu'il a dit dans les deux critiques précédentes, la critique de la raison pure et
07:06la critique de la raison pratique. Et donc, dans La critique de la faculté de juger, il mobilise
07:11les acquis de ces deux précédents livres. Du coup, sans une connaissance familière,
07:19intime et fine des deux premiers livres, il y a déjà ce premier obstacle. Et puis,
07:24il y a le problème, c'est que vous allez voir, il a un objet simple que tout le monde peut voir
07:31et comprendre, mais qui demande pour être élucidé toute une élaboration conceptuelle assez élaborée.
07:37Donc, je vais essayer de vous rendre ça élémentaire parce qu'en dernière analyse,
07:43en philosophie, quand ça paraît confus, c'est qu'on n'a pas bien compris. En fait,
07:48en philosophie, c'est ça qui est particulier. Quand on progresse dans ses études, et y compris
07:51pour un professeur, ça devient de plus en plus élémentaire. Ce qui n'est pas le cas,
07:56j'imagine, en maths. Je pense que quelqu'un qui a Bac plus 7 en maths, ils sont peu à se comprendre.
08:00Nous, c'est vraiment la démarche inverse, c'est-à-dire qu'au départ, c'est obscur parce
08:04qu'on n'a pas bien compris. Et plus on comprend, plus finalement, ça devient élémentaire. Donc,
08:08je vais essayer de rendre ce livre le plus élémentaire possible. Mais mon idée,
08:13vous voyez pourquoi je vous ai dit ça, c'est qu'un cours, finalement, sa finalité,
08:18ce n'est pas de penser à la place des élèves, mais au fond de leur donner l'appétit d'y aller
08:26voir par eux-mêmes. C'est un peu ça l'idée, et d'aller lire par soi-même, et pas de se substituer
08:33à la lecture, ce sera un peu la catastrophe d'une certaine manière. Voilà. Donc, c'est ça l'objectif.
08:38Alors, quel est le problème que pose Kant ? Pour le comprendre, il faut faire un peu
08:43d'histoire des sciences, mais de façon élémentaire, c'est-à-dire que la science moderne, la science
08:50comme une discipline rigoureuse, capable de prévoir de manière certaine les phénomènes de façon
08:56reproductible, etc., elle naît à l'aube du XVIIe siècle. D'abord avec Copernic, qui montre que la
09:06Terre n'est pas, selon la représentation religieuse, au centre de l'univers, ni au centre du système
09:12solaire, mais est un satellite du Soleil. Première révolution, mais qui signe l'acte de naissance de
09:18la science moderne. Et ensuite, Galilée, Descartes. Qu'est-ce qui se passe au XVIIe siècle ? En fait,
09:27c'est qu'on arrive à appliquer les mathématiques, et en particulier la géométrie, au mouvement des
09:33corps de la nature. C'est-à-dire, on est capable de décrire la course des planètes, etc., et de
09:39la prédire. Les éclipses, les comètes suivent des trajectoires géométriques. Donc, il y a,
09:47si vous voulez, une mathématisation de la nature, une géométrisation de la nature. Et ça, ça signe
09:52vraiment l'acte de naissance de la science moderne. C'est un progrès majeur dans l'histoire des
09:56sciences, dans l'histoire du savoir humain. Et cette révolution se fait au détriment des
10:06représentations religieuses. Et notamment, par exemple, on peut prendre cet exemple, parce que
10:10c'est un exemple clé que vous retrouverez dans le Malade imaginaire chez Molière. Si vous regardez,
10:15il y a une référence qui est faite. C'est la question de la circulation du sang. Parce que,
10:21dans la Bible, dans l'Ancien Testament, le sang est un don de Dieu. Et c'est pour ça qu'on peut
10:25manger la chair des animaux, mais pas le sang. C'est divin. Donc, il y a une représentation
10:30mystique, religieuse du sang. Et Harvey, qui est un médecin anglais, étudie le sang comme un liquide,
10:41comme un simple liquide pour liquider le cœur, comme une pompe. C'est de l'hydraulique, en fait.
10:47Comme il y a les fontaines, vous savez, au XVIIe siècle, on invente avec Torricelli les fontaines,
10:51les jets d'eau, etc. Finalement, le sang est un liquide et le cœur est une pompe. Donc,
10:56il démystifie, si vous voulez, la circulation sanguine. Et ça, Descartes le cite. Descartes
11:01s'y réfère dans le Discours de la méthode comme un grand progrès scientifique. On chasse les
11:06représentations religieuses pour mettre à la place des représentations scientifiques. D'accord.
11:12Et le philosophe Gaston Bachelard, qui est en particulier un philosophe des sciences,
11:17mais pas seulement, parle de rendre la représentation géométrique. C'est ça,
11:21la naissance de la science moderne. À une représentation religieuse, comment dire,
11:27floue finalement, et qui se réfère aux volontés de Dieu ou à l'intention de Dieu,
11:35on remplace cela par une représentation géométrique. Et géométrique, c'est-à-dire que le mouvement du
11:42sang dans le cœur est calculable sur une trajectoire, comme le mouvement des planètes,
11:47finalement. Ça, ça signe l'acte de naissance de la science moderne. Et ça, c'est en gros tout le
11:53progrès du XVIIe siècle. Vous le retrouverez par exemple chez Hobbes dans la préface de
11:59l'introduction du Léviathan. Il dit qu'est-ce que c'est que la nature et le corps humain ? C'est
12:03des ressorts, des poulies, etc. Donc, il y a une grande machine de la nature. La nature est une
12:10machine. Tycho Brahe parle, un siècle avant, de la machine du ciel. Donc, le ciel n'est plus le
12:16lieu du divin, mais c'est une machine dont on peut étudier les rouages, les poulies, les ressorts,
12:22etc. Le modèle d'ailleurs de la machine étant l'horloge, puisque c'est une des grandes inventions
12:26du XVIIe, donc on prend cette machine nouvelle comme paradigme, comme modèle d'explication de
12:33la nature. D'accord ? C'est ainsi également que Spinoza présente son éthique. Il dit qu'il faut
12:40l'écrire à la façon des géomètres. Et pourquoi la façon des géomètres ? Alors là, Spinoza,
12:44c'est intéressant parce qu'il permet d'expliciter ce qui se passe avec ce modèle géométrique de
12:50la science, c'est-à-dire qu'on élimine ce qu'on a appelé les causes finales, les intentions de
12:55Dieu. Je vous prends un autre exemple, parce que c'est un exemple qu'on trouve chez Descartes,
12:59l'arc-en-ciel. Dans l'Ancien Testament, si vous voyez la Genèse, c'est au chapitre 9,
13:04si je me souviens bien, il y a eu le déluge, Noé sur son arche, bon, c'est la colère de Dieu. Et
13:10puis, Noé envoie une colombe et qui revient avec un rameau d'olivier dans le bec. Et ça veut donc
13:16dire que les eaux du déluge ont commencé de se retirer, puisqu'il y a bien quelque part un
13:20olivier qui émerge des eaux du déluge. Et à ce moment-là, Dieu fait paraître un arc-en-ciel dans
13:25le ciel. Et l'arc-en-ciel, il relie la terre et le ciel, et c'est un symbole de l'alliance. C'est
13:31comme une alliance de mariage. C'est le mariage renoué, c'est les noces renouées des hommes et de
13:37Dieu, de la terre et du ciel. Or, Descartes, dans ses Météores, il écrit un traité scientifique sur
13:43les météores, c'est-à-dire tous les phénomènes qui se passent dans le ciel, les éclipses, le tonnerre,
13:47les terres, tout ce qui suscite la superstition. Et il fait la science, la géométrie de l'arc-en-ciel.
13:53Donc ce qu'a fait Harvey pour le sang et pour le cœur, Descartes le fait pour l'arc-en-ciel. Et là
13:58où Spinoza est intéressant, c'est qu'en disant qu'il faut étudier la nature à la façon des
14:02géomètres, les géomètres, quand ils étudient une figure, ils ne font pas intervenir la finalité.
14:08Il n'y a pas de finalité, il n'y a pas d'intention. Une figure géométrique, elle est, si vous voulez,
14:13comme dans l'éternité, elle n'a pas de temps. Le triangle n'est pas en train de pousser, c'est pas
14:18qu'il a deux angles et puis en grandissant, il acquiert un troisième angle. C'est des essences,
14:22au sens fort philosophique, des êtres intemporels et qu'on étudie sans dimension de finalité,
14:28d'intention, etc. Donc ça nettoie la science des volontés de Dieu, si vous voulez, des intentions
14:35de Dieu. Il n'y a pas besoin de faire intervenir les intentions de Dieu pour faire de la géométrie.
14:39Ça c'est le premier jalon qu'il faut poser pour comprendre le problème que Kant affronte. Seulement
14:47à la charnière du XVIIe et du XVIIIe siècle, des objections vont se lever contre cette
14:54identification de cette part de la nature qu'on appelle nous aujourd'hui le vivant et qui ne se
15:01laisse pas réduire au mécanisme d'une machine ou d'une horloge. Il y a un texte fameux de Fontenelle
15:06qui dit, contre Descartes et contre l'idée que les animaux seraient des machines, que le vivant
15:12serait une sorte de grande mécanique, qu'il dit si je prends une petite horloge ou une horloge et
15:22que je prends une autre horloge et que je les frotte l'une contre l'autre, il ne va pas venir
15:25une autre petite horloge. Par contre, si je prends la machine d'un chien et la machine d'une chienne
15:31et que je les mets ensemble, il va y avoir une autre petite machine de chiens. Bref, la reproduction.
15:35Une machine ne se reproduit pas. Donc, il va y avoir des tas d'objections de bon sens en fait,
15:39qui sont incontestables, qui mettent en échec toute cette émergence d'un progrès scientifique
15:45majeur, mais aveugle sur un pan majeur de la nature. Lainis par exemple, et Lainis est un
15:54philosophe très intéressant parce qu'il a un pied dans le XVIIe siècle et un pied dans le XVIIIe.
16:01Vraiment, il termine le XVIIe siècle avec cette idée d'une étude rationnelle, de ne pas céder à
16:08la superstition, etc. Mais il a quand même un pied dans le XVIIIe et notamment sur la réhabilitation
16:13du problème du vivant. On a un problème scientifique avec le vivant et du coup, un problème philosophique
16:20avec le vivant, c'est-à-dire que ça tient en échec les explications mécaniques. D'accord,
16:25on peut prendre d'autres exemples qu'on trouve du Pouché-Cante. La cicatrisation, donc,
16:30la cicatrisation. Une horloge ne se répare pas toute seule. On peut considérer que
16:39quand j'ai une blessure, je suis une machine cassée. Oui, mais ça cicatrise, ça cicatrise tout seul.
16:45Vous voyez, la queue du lézard repousse. Quand le ressort de l'horloge est cassé,
16:51il ne se reforme pas. Et ça, c'est ce que Cante appelle, il fait une distinction entre la force
16:57motrice, c'est-à-dire la force motrice, c'est le mouvement qui s'explique géométriquement par
17:03des mécanismes qui décrivent le mouvement des planètes, etc. Le mouvement dans l'espace est
17:07une force formatrice qui explique la cicatrisation, la reproduction, etc. Donc là, on a, si vous voulez,
17:16c'est ça qui est intéressant, c'est qu'on a une élaboration scientifique extrêmement élaborée,
17:21mais qui se horte à des objections de bon sens et qui vont proliférer au XVIIIe siècle. Et on
17:26peut dire de manière schématique que le XVIIIe siècle est une grande contestation théorique,
17:35parfois religieuse, métaphysique, philosophique, contre la géométrisation de la nature au nom
17:41du vivant, et qui a pour soi de nombreuses évidences. D'accord ? Voilà, donc ça c'est
17:48très intéressant. Et donc ce qui est intéressant, c'est que ce à quoi on assiste au XVIIIe siècle,
17:52c'est que tout d'un coup, il y a une part de la nature qui plonge dans l'obscurité.
17:56Les lumières de la science physique et de la géométrie s'éteignent devant quelque chose
18:03d'aussi simple que la vigne qui pousse et qui s'attache au fil, qui vise le fil.
18:11Les stippes des vignes qui s'accrochent, elles ne partent pas dans n'importe quel sens,
18:14elles visent là où s'accrocher. Faites donc l'étude géométrique de ce mouvement-là.
18:19On ne sait pas le faire. Donc, vous voyez, c'est ça qui se passe tout le Xe,
18:25et c'est ça la magie du vivant. On est devant une magie du vivant.
18:30Donc, est-ce qu'on ne retombe pas finalement ? Est-ce que ce n'est pas la porte ouverte
18:33à tout l'imaginaire superstitieux ? Est-ce que ce n'est pas la revanche, au fond,
18:37de l'imaginaire superstitieux sur la raison scientifique ? Est-ce que ce n'est pas la
18:41grande libération du délire interprétatif ? Et on va avoir de nombreux délires interprétatifs
18:46au XVIIIe siècle, notamment chez Bernardin de Saint-Pierre. Bernardin de Saint-Pierre,
18:50par exemple, il vous dit pourquoi les prunes ont cette taille ? Parce que c'est pour aller
18:56avec la bouche humaine. C'est fait pour. C'est que Dieu a fait la nature et il a fait les prunes
19:02pour qu'elles aient parfaitement la taille de la bouche. Pourquoi les vaches n'ont pas
19:08qu'un pied alors qu'elles n'ont qu'un veau à la fois ? C'est pour nourrir le village.
19:12Et les melons, pourquoi la taille des melons ? Ça, c'est pour le manger en famille.
19:16C'est fait pour la famille. Donc, tout d'un coup, tout ce qui est naturel
19:19devient porteur d'une intention divine. C'est une rechute, si vous voulez,
19:25dans une sorte d'imaginaire superstitieux, archaïque. Et du coup, nous voilà devant
19:29ce dilemme. Est-ce qu'on est obligé de limiter la science à la matière inerte ou reconnaître
19:40qu'il y a une magie du vivant ? Et voilà la philosophie, la science muette devant quand même
19:46un pan énorme de la nature. Et c'est ça le problème de Kant en fait. Il se trouve face
19:51à ce problème. Et il y a évidemment, avant Kant, toutes les moqueries qu'on a chez Diderot
19:57ou chez Voltaire. Par exemple, Voltaire, il dit mais bien sûr, tout est fait par les intentions
20:02de Dieu. Par exemple, le nez est fait pour porter les lunettes. Vous voyez qu'à ce compte-là,
20:07vous pouvez sans trop d'efforts développer tout un grand délire qui n'a aucun fondement. Il n'y a
20:15pas d'argument. C'est juste ce que vous imaginez et qui est évidemment, si on y pense, de
20:20l'anthropomorphisme. C'est-à-dire qu'on explique tout, non pas au regard de Dieu soi-disant, parce
20:25que ce grand horloger divin qui aurait tout fait pour nous, ce grand technicien, en fait,
20:29on l'imagine à notre image. Donc en fait, là où on avait un gain de science, on a un repli qui est
20:37quand même catastrophique et pour la science et pour la philosophie qui seraient obligés de rester
20:41muette devant, de laisser la porte ouverte à du délire interprétatif plus ou moins superstitieux.
20:47C'est ça le problème, en fait. D'où la magie du vivant. Et donc, Kant écrit la Critique de la
20:58raison pure. C'est son premier livre. C'est un livre sur la science. C'est une théorie philosophique
21:02de ce que c'est que savoir scientifiquement. C'est ça la Critique de la raison pure. Qu'est-ce qu'il
21:07a montré ? Il a montré que la science porte sur la nature. Et la nature, comment elle s'explique ?
21:16Elle s'explique en particulier par le rapport de cause à effet, le rapport de causalité. C'est-à-dire
21:22que quand vous avez un arc-en-ciel qui se produit, ça c'est un effet observable. L'expliquer, c'est
21:28le ramener à la cause qui l'a produit. Et Descartes, par exemple, dit à propos de l'arc-en-ciel que la
21:33preuve que c'est bien cette cause, c'est qu'on peut en produire à volonté. Je prends un jet d'eau,
21:37j'intercepte un rayon de soleil et je produis à volonté des arcs-en-ciel. Donc ça, ça élimine
21:46l'interprétation religieuse. D'accord ? Guillaume, est-ce que tu pourrais te reculer un peu sur le cadre ?
21:54Parce que là, tu disparais. On ne voit plus même plus ton nez et tes yeux au bout d'un moment.
21:59Ça va ? C'est mieux.
22:01Mets-toi vraiment encore plus parce qu'en parlant, tu t'avances toujours vers ton auditoire et tu
22:09finis par disparaître. C'est une belle pratique pédagogique, on va dire. Ça va là ?
22:15C'est bien.
22:16Encore un petit peu sur ta droite. Mets-toi encore un petit peu sur ta droite.
22:21Donc, le premier livre de Kant, au fond, ce qu'il explique, c'est que vous avez des phénomènes
22:31qui se produisent dans le temps. On observe, on ne sait pas, justement, tout d'un coup un tremblement
22:37de terre, une éclipse, une comète, un arc-en-ciel, etc. Et nous, quand on l'observe naïvement et
22:43passivement, on est devant des choses qui se suivent, mais sans rime ni raison, si vous voulez.
22:50Et donc, Kant explique que la science, elle consiste justement à ramener le cours du temps qui semble
22:57aléatoire, hasardeux, etc. à l'ordre du temps, à l'ordre nécessaire du temps. Il y a nécessairement
23:04la cause qui vient avant les faits, qui produit et qui explique les faits. Donc, on a un ordre du temps,
23:10d'accord ? Et pas simplement un cours hasardeux du temps. Ce qui suppose qu'il y ait, entre la catégorie
23:18de cause et les faits, cette relation causale, un rapport temporel, mais un rapport temporel nécessaire.
23:27La cause vient nécessairement avant les faits, d'accord ? Il n'y a pas de contingence, il n'y a pas de flottement,
23:32il n'y a pas de jeu, il y a nécessairement une cause qui vient avant, qui produit et qui explique les faits.
23:37Et donc, on a cet ordre du temps. Et voilà la critique de la raison de plus grand. Ensuite, il écrit la critique
23:45de la raison pratique. Pratique, chez Kant, veut dire morale. Chez les philosophes, souvent, on a du mal à les comprendre
23:51pour une raison, au départ, qui est souvent assez simple. C'est juste une question de lexique. Il faut savoir que tel mot,
23:56chez tel philosophe, veut dire telle chose. Et ensuite, c'est beaucoup plus facile. Donc, chez Kant, pratique,
24:00ça ne veut pas dire se planter des clous, ça veut dire morale. Ça veut dire rationnellement pur. Vraiment, c'est ce qui
24:06commande absolument. C'est ça, pratique. C'est rationnel, si vous voulez. C'est purement rationnel, c'est-à-dire purement
24:11moral. Ça veut dire pratique chez Kant. Et donc, il étudie cette fois-ci la morale. Et là, on a une autre relation.
24:17On a une relation non pas entre une cause et des effets, mais entre des principes et des conséquences,
24:24c'est-à-dire des fins. Quand j'agis moralement, c'est ma liberté qui agit. La cause, c'est ma liberté.
24:31Ce n'est pas un mot, ce n'est pas le soleil, ce n'est pas les gouttes de pluie qui font l'arc-en-ciel. Non,
24:37c'est ma décision. La cause, c'est moi en tant que sujet libre et qui produit donc qu'il y a une fin.
24:44Je vis une fin et cette fin est la conséquence du principe que j'ai. Donc, on a une relation
24:51principe-conséquence. Et cette relation est une relation morale ou, dans le vocabulaire de Kant,
24:56une relation pratique. Donc, Kant dégage deux catégories de relations. La relation scientifique
25:04de cause à effet et la relation pratique, morale, de principe à conséquence, c'est-à-dire de liberté
25:12à fin. D'une cause libre, moi, je décide à la fin que je vise. J'ai l'intention de faire le bien.
25:19Donc, on a deux types de relations. Est-ce que, Jean-Luc, tu peux mettre l'étape des catégories
25:28là, s'il te plaît ? Et du coup, le grand gain des deux premières critiques, c'est d'avoir fait
25:38deux tables de catégories. Jean-Luc, tu m'entends ? Oui. Est-ce que tu peux mettre l'image des tables
25:47des catégories ? Ma première image, s'il te plaît. Je sais que je ne la vois pas. C'est bon. Vous
25:58la voyez ? Oui. Voilà. Donc, on a deux tables des catégories, une pour la science, une pour la
26:08morale. Mais il faut se concentrer juste sur la relation. La Critique de la faculté de juger est
26:15un livre sur la catégorie de la relation. Ça, déjà, ça rend élémentaire la lecture du livre quand
26:21on sait ça. Il y a encore trois minutes. Donc, il y a deux types de relations. La relation causale
26:33scientifique, une cause qui précède nécessairement un effet et qui produit un effet. Mais vous êtes
26:40d'accord que l'effet est aveugle. Vous voyez, un mouvement de plaque crée un séisme. Mais le séisme,
26:48ce n'est pas la colère de Jupiter. Donc, l'effet n'est pas une fin. Vous comprenez ? L'effet n'est
26:56pas une fin. Donc, dans l'ordre scientifique, il y a des causes qui produisent des effets. Et les
27:03fins que nous mettons, nous les imaginons. D'ailleurs, la Critique de la raison pure termine sur, quand on
27:08veut mettre des fins dans la science. Donc, au fond, Lacan reste héritier de Descartes, de Spinoza,
27:14etc. La science moderne, elle doit naître en se débarrassant du concept de fin, qui n'a rien à
27:19faire ici. Et dans la Critique de la raison pratique sur la morale, à l'inverse, nous ne sommes pas
27:25juste un phénomène naturel. Certes, quand je mange un pain au chocolat, je le digère nécessairement.
27:30Oui, mais je ne suis pas qu'un estomac. Je suis aussi une conscience et une liberté. Et donc, ma causalité
27:36comme être libre doit se penser comme une relation, non pas de cause à effet, mais de liberté à fin.
27:44Je vise des fins, des buts, si vous voulez. Et nous voilà devant deux types de relations, deux catégories
27:51de relations, la relation scientifique de causalité, de cause à effet, et la relation morale de liberté
27:58à fin. D'accord ? Voilà. Je m'arrête là pour la première partie et pour qu'on ait un temps
28:05pour les questions. Merci beaucoup, cher Guillaume. Je me tourne maintenant vers les élèves qui t'ont
28:12suivi attentivement. Est-ce que je peux donner la parole en premier aux élèves de Benjamin Ouedraogo,
28:20lycée français Liberté à Bamako ? En premier, cher Benjamin, y a-t-il des questions dans ta classe ?
28:28Elles peuvent porter aussi bien sur le fond de l'exposé que sur telle ou telle notion,
28:35voire telle ou telle analyse. Cher Benjamin, on t'écoute. Le micro, par là. Bien, merci à notre
28:52conférencier. Mais avant de passer la parole à mes élèves, le temps qu'ils digèrent un peu ce
28:56qui a été dit, j'avais prévenu les élèves que Kant n'était pas d'un accès aisé et qu'on reviendra
29:02dessus. Mais moi, je voudrais commencer par poser une question pour un peu dérider la salle. Est-ce
29:09qu'on peut établir un lien ? En fait, c'est que je veux savoir quel est le lien qu'on peut
29:15établir entre ces trois questions critiques de Kant. Comment on peut passer du « que puis-je
29:22savoir » de la critique de la raison pure à la question « que dois-je faire ? » Justement,
29:29est-ce qu'il y a un lien à la question « que dois-je faire ? » de la raison pratique ?
29:31Ça, c'est ma deuxième partie. C'est la question clé, en fait. C'est la question clé. Donc,
29:40j'aimerais bien réserver ma réponse pour la deuxième partie, parce que c'est l'objet de la
29:44deuxième partie. C'est le problème que rencontre Kant. Est-ce qu'on peut penser un lien entre la
29:49causalité dans la nature et la causalité dans la morale d'une liberté ? Pourquoi ce problème se
29:55pose ? Encore une fois, parce que, par exemple, l'œil qui est fait pour voir, est-ce que c'est
30:01satisfaisant de dire que c'est un effet ? C'est-à-dire que c'est un effet, il n'aurait donc
30:05qu'une cause, une cause physique, une cause matérielle. Comment une cause physique matérielle
30:09peut être si bien faite que, par hasard, elle fasse que l'œil voit ? Je vous rappelle qu'on
30:15est avant Darwin, on est avant la théorie de l'adaptation. Donc, c'est exactement le problème
30:20qu'il rencontre. Est-ce qu'on n'est pas obligé de penser un rapport, c'est-à-dire de
30:28rapatrier la notion de fin qui semble être réservée au sujet humain ? C'est le sujet humain qui agit
30:34selon des fins. Une cause physique, elle n'agit pas, elle produit un effet, mais elle n'agit pas.
30:39Donc, est-ce que ce concept de fin qui est réservé à l'action humaine, on n'est pas obligé de le
30:44rapatrier dans la nature pour expliquer la queue du lézard qui repousse, la reproduction, l'œil
30:51qui est fait pour voir ? C'est le problème. Mais j'essaierai de l'élucider dans la deuxième partie,
30:56si vous voulez bien. Merci beaucoup. Pour l'instant, il n'y a pas de questions. Les élèves sont en
31:04train de réfléchir pour préparer des questions. Merci Benjamin. Je me tourne vers les élèves
31:11très attentifs, très motivés, même s'ils n'ont peut-être pas encore fait tout à fait ce qu'il
31:16fallait en classe de philosophie. Je me tourne vers les élèves de l'école française à Saint-Pétersbourg.
31:22Ils sont accompagnés. Je sais qu'ils ont plein de questions à vous poser sur ce qui les intéresse.
31:28Je vous donne la parole. N'oubliez pas d'activer votre micro. On vous écoute. Activez votre micro,
31:35s'il vous plaît. C'est bon. Allez-y. On ne vous entend pas. Approchez-vous du micro,
31:50s'il vous plaît. Parlez plus fort, si vous voulez. Allez-y.
32:06Allez-y, reprenez un peu votre propos.
32:22Peut-être faut-il vous rapprocher du micro, s'il vous plaît. Monsieur Gallemann peut-il aider les élèves?
32:35Est-ce que vous m'entendez maintenant? C'est bon, allez-y. On a un problème avec le son.
32:45Désolé de ne pas avoir résolu ce problème technique. Merci tout d'abord pour l'exposé
32:54qui était vraiment intéressant et très clair. J'ai eu l'occasion de suivre des cours de
33:06philosophie en classe préparatoire et c'était sur Kant. Ce n'était pas forcément un très bon
33:11souvenir. Et là, j'ai compris beaucoup plus de choses qu'en un an de classe préparatoire.
33:17Merci beaucoup. Je vais laisser la parole aux élèves.
33:22Comment on sait que la volonté n'est pas juste un effet d'une cause? Comment on sait que ce n'est
33:36pas un mécanisme qui contrôle plus ou moins notre volonté et donc notre choix?
33:44Merci. Guillaume?
33:47Oui, c'est une excellente question. C'est effectivement une excellente question. Je
33:52la redis si jamais vous avez bien entendu. La question que pose cet élève, qui est vraiment
34:01très pertinente, c'est comment sait-on que la liberté est une cause différente d'une cause
34:08physique? Pourquoi, quand je crois décider de faire ceci et cela, ce n'est pas tout simplement
34:13l'effet de la chimie, de la biologie, de la neurologie?
34:17Oui, mais là, c'est pareil. Comment je sais que la liberté est une cause différente d'une cause
34:28physique? Comment je sais qu'il y a de la liberté? Pourquoi ce qu'on appelle liberté, ce n'est pas
34:31tout simplement quelque chose qui aurait des causes antécédentes? Et donc, je ne serai
34:36finalement qu'un phénomène. Je crois prendre des décisions et je suis l'objet de vos décisions.
34:43Le problème, c'est qu'on a une réalité, c'est le problème en fait. On a une réalité qui est
34:48là, en fait. C'est-à-dire qu'il y a des lois mécaniques qui peuvent être physiques, mais qui
34:54peuvent être sociaux, culturelles, économiques, etc. C'est ça la question. Comment on sait que
35:00nous sommes libres? En fait, que nous sommes les sujets d'une causalité libre différente des
35:05causes de la nature. Ça, c'est une vraie question que Kant se pose évidemment. Ce qu'il dit,
35:12veut dire de l'esprit, d'un esprit, d'un être qui n'est pas qu'un corps mais qui est un esprit,
35:15et qui est une cause première, c'est-à-dire c'est par moi que ça commence. Et alors comment on le
35:21sait ? Il y a une preuve en fait, il y a une preuve mais qui n'est pas partageable, que chacun peut
35:28faire en soi-même, c'est le remords. Pourquoi je m'en veux ? Sinon parce que je m'accuse et que
35:35je me reconnais comme responsable de ce que j'ai fait. Le tueur, l'assassin qui plaide,
35:41oh mais j'ai tué parce que mon père lui-même était un assassin, j'ai grandi dans la violence,
35:47enfin qui plaide tout un passé et qui se présente lui-même comme un simple phénomène naturel et
35:53donc ce sont des causes qu'il en fait. Est-ce que dans le silence de sa conscience, il n'est pas
35:57rattrapé par une accusation qu'il porte sur lui-même ? Il peut très bien échapper à la justice,
36:03etc. Mais est-ce que lui-même ne s'accusera pas de son propre crime, c'est-à-dire se reconnaîtra
36:09comme la cause responsable de ce qu'il a fait ? Et donc le remords pour Kant est la preuve que ma
36:16conscience se fait à elle-même de ma liberté et du fait que je ne suis pas une cause naturelle.
36:23Et d'ailleurs, tous les alibis pour se déresponsabiliser, pour se disculper, c'est
36:28toujours se faire passer pour un simple effet. Ce que j'ai fait est un effet, mais moi je ne suis
36:33pas la cause. Mais j'ai beau plaider tous les alibis que je veux, encore une fois, est-ce que
36:38dans le silence de ma conscience, je ne suis pas rattrapé par l'accusation que je porte sur moi-même ?
36:43Je me suis responsable, je me juge et je m'en veux. Si je m'en veux, c'est bien que je me reconnais
36:48comme la cause première de cet acte qui n'est donc pas un effet, qui est bien un acte dont je
36:54porte la responsabilité. Ça vous va comme éclaircissement ? Merci beaucoup cher Guillaume,
37:03je pense. Voulez-vous compléter votre question à Saint-Pétersbourg s'il vous plaît ? Je vous
37:12écoute, allez-y, mais le micro n'est pas activé. C'est bon ? J'ai besoin aussi de temps pour penser,
37:27mais à mon avis c'est une explication intéressante, il faut juste que je pense un peu. Merci beaucoup.
37:36Merci à vous. Je reviens donc à Bamako où on demande de prendre la parole. On vous laisse
37:45intervenir s'il vous plaît. Allez-y, vous installez rapidement, activez votre micro.
38:06Bonjour. Vous êtes coupé, reprenez votre... Ma question est la suivante. La science peut-elle un jour expliquer pleinement la conscience humaine
38:31ou y-a-t-il des aspects de l'expérience subjective qui échappent définitivement à l'explication scientifique ?
38:37Merci. Alors ça, c'est une question qui est un peu à la frontière de mon propos d'aujourd'hui,
38:47mais qui l'occupe quand même. En tout cas, c'est une question que pose Kant. Tout à fait, Kant pose cette
38:52question-là et alors il dit deux choses. Il dit deux choses, c'est-à-dire que, sitôt qu'on fait
38:59la science de l'esprit, de la conscience, en fait ce n'est pas la science de l'esprit et de la
39:06conscience qu'on fait, puisqu'on en fait un objet. Et donc, on va traiter la conscience comme un
39:13phénomène naturel. Or, fondamentalement, et c'est ça la vraie réponse de Kant, fondamentalement,
39:19notre statut de conscience ne peut pas être traité, le sujet ne peut pas être traité comme
39:26un objet. On ne peut pas appliquer ce qui permet de transformer les phénomènes de la nature en
39:32objet de science à la conscience. Il y a des textes où il le dit tel quel. Et notamment, il prend
39:38un argument précis, c'est-à-dire c'est l'espace. C'est presque pré-Bersonien, c'est-à-dire qu'on
39:44ne peut pas spatialiser la conscience qui est un phénomène purement interne. Or, la science,
39:49elle traite les phénomènes externes, elle les explique dans l'espace. Un mouvement, c'est un
39:54déplacement dans l'espace, de ici à là. Même le sang, on l'avait vu, ça spatialise, la science
39:59elle spatialise. Et là, la conscience est un phénomène purement interne qui n'est pas spatial
40:04et donc dont on ne peut pas faire un objet de science. Merci Guillaume. Est-ce qu'à Bamako,
40:15il y a une deuxième question parce que j'aimerais ensuite passer la parole à la classe de Pondichéry
40:22si elle souhaite intervenir. Je vous donne encore une minute s'il vous plaît à Bamako, allez-y.
40:28Oui et ensuite, est-il possible de concevoir une théorie scientifique unifiée qui expliquerait à
40:36la fois les mécanismes de la nature et les phénomènes vitaux, y compris la conscience et
40:42les émotions ? Alors, magnifique question. Ça, c'est la question dont je vais parler dans la
40:49deuxième partie parce que c'est le problème de Kant. C'est justement le problème de Kant. Comment
40:53est-ce qu'on peut se satisfaire de dire qu'il y a d'un côté, par exemple, la physique et la
40:58biologie, ce que nous on appelle la biologie, ce serait deux sciences qui seraient séparées. Est-ce
41:03que c'est satisfaisant pour la raison d'avoir cet émiettement du savoir ? Et plus grave encore,
41:08d'avoir comme ça la science de la nature, la morale de l'autre et donc une sorte de vision
41:14de la réalité coupée en deux sans unité, sachant que la raison, c'est le sens de l'un,
41:25c'est le sens de l'unité. Donc la raison ne peut pas se satisfaire d'une division comme ça des
41:30savoirs et des domaines. Donc c'est tout à fait le problème de Kant dont je vais parler dans la
41:34deuxième partie. Merci beaucoup cher Guillaume. Je vous propose peut-être maintenant d'entendre
41:44les questions des élèves qui sont au lycée français de Pondichéry. S'ils souhaitent
41:50intervenir, rapprochez-vous de l'ordinateur, de l'écran. Si vous souhaitez prendre la parole,
41:58on vous écoutera bien volontiers. Allez-y. Je vois des élèves se déplacer. Bienvenue,
42:08n'hésitez pas. On voudrait vous voir, s'il vous plaît, près de la caméra. C'est parfait.
42:21La raison pure, c'est une très bonne question et une excellente question justement parce qu'elle
42:46est élémentaire, c'est-à-dire incontournable et fondamentale. La raison, ça va me permettre de
42:52dire deux choses importantes. La première chose, c'est que Kant, si vous regardez le titre de ses
42:57livres, Critique de la raison pure, Critique de la raison pratique, Critique de la faculté jugée,
43:01son objet philosophique, c'est le sujet humain puisque la raison est une faculté du sujet
43:07humain. Donc il étudie le sujet humain. Déjà, c'est une grosse rupture par rapport aux philosophies,
43:13aux métaphysiques des siècles passés où on étudie, on a des livres qui portent sur Dieu,
43:18sur l'être, sur le réel, sur la nature. Là, voilà que le sujet se met à se dire mais de quel
43:23droit je parle de toutes ces réalités sans savoir si j'ai les moyens, moi, sujet humain, de les
43:29connaître, d'y accéder. Est-ce qu'il ne faudrait pas commencer par faire la philosophie du sujet
43:32plutôt que de s'installer naïvement du côté de l'être et de la réalité ? Ça, c'est une grosse
43:37révolution qui est initiée par Locke, qui fait un essai sur l'entendement humain. La philosophie
43:43change d'objet, c'est-à-dire que le sujet n'est plus ce qui critique, mais il devient l'objet de
43:49la critique. Donc, il y a une théorie de la raison comme faculté humaine chez Kant et il distingue au
43:58départ quatre facultés, la sensibilité par laquelle nous recevons des données, l'imagination par
44:06laquelle nous nous décollons de ces données et nous arrivons à imaginer ce qui est absent, par
44:10exemple, l'entendement qui a ces catégories de causes, etc., qui va passer du cours du temps à
44:15l'ordre du temps, qui va mettre de l'ordre dans ce fouilli de représentation qu'on aurait si on
44:21n'avait qu'une sensibilité ou une imagination, et la raison pure. Alors, la raison pure, pourquoi
44:25elle est pure ? Parce qu'elle est intemporelle. Pure veut dire intemporelle. La raison est pure
44:30en ce sens qu'elle est intemporelle. C'est parce que nous avons une raison que nous avons le sens
44:35de l'intemporel. Si nous n'avions pas de raison, nous serions assignés au temporel. Mais nous avons
44:41une raison pure qui a le sens de l'intemporel. Par exemple, l'idée de Dieu est une idée de
44:46notre raison pure parce que Dieu n'est pas né, il n'a pas de commencement, il n'a pas de fin,
44:50il est intemporel. L'idée d'âme est une idée de la raison pure parce que penser dans sa vérité,
44:56l'idée d'âme, c'est l'idée de quelque chose d'éternel. Est-ce que ça existe ou quoi ? C'est
45:00une autre question. Mais nous avons l'idée d'âme et quand cette idée est pure, c'est l'idée de
45:05notre moi intemporel. Donc quand on imagine que l'âme a un futur, toutes les religions qui promettent
45:11un futur de l'âme, ça en détruit l'idée d'âme. Là, la raison est impure, elle n'est plus pure.
45:16Donc c'est ça la raison pure. La raison pure, c'est le sens de l'unité absolue et de l'être.
45:22C'est parce que nous avons une raison pure que nous avons le sens de l'être, que nous ne sommes
45:26pas purement conditionnés par le temps. Et c'est pour ça que c'est la raison pure qui gouverne,
45:32je vais en parler après, dans la morale. Parce que le respect de la personne humaine, il ne varie pas
45:37avec le temps. Ce n'est pas que je te respecte si tu es adulte, mais les nourrissons, il y en a
45:40trop, on les élimine et les vieillards gâteaux, ça ne sert plus à rien, on les enlève. Non,
45:44le respect de la personne humaine, il est intemporel. Il ne s'occupe pas du temps,
45:48ce n'est pas selon l'âge, selon... Non. Et ça, c'est parce qu'on a une raison pure. On a le sens
45:53de l'intemporel. Merci beaucoup. Est-ce qu'il y a encore une question, mon chéri ? On l'apprend.
46:04Approchez-vous de la caméra, s'il vous plaît. Merci.
46:09Qu'est-ce que c'est, l'ordre du temps ? J'ai pas entendu, excusez-moi ? Qu'est-ce que ça veut dire,
46:25l'ordre du temps ? J'ai pas compris, je suis désolé. Qu'est-ce que ça veut dire, quoi ?
46:31Ça veut dire l'ordre du temps. L'ordre du temps. D'accord, l'ordre du temps. J'espérais l'avoir
46:41fait comprendre. L'ordre du temps, c'est que, par exemple, moi, je ne suis pas scientifique,
46:45je vois une éclipse. Regardez Tintin, c'est quoi, le Temple du Soleil ? Tout d'un coup,
46:50il y a une éclipse, je pars en courant, je suis effrayé. Là, je suis dans le cours du temps,
46:54parce que je suis surpris, je vois de la surprise. C'est un temps surprenant. L'ordre du temps,
46:59c'est le temps connu par la science qui peut prévoir. C'est-à-dire qu'il y a un ordre
47:03nécessaire, il y a une relation nécessaire entre la cause et l'effet. Donc, l'effet,
47:08c'est un temps nécessaire qui est, comment dire, vidé de ses surprises, mais qui ne sont
47:14les surprises, qui ne sont que l'ombre portée de nos ignorances. C'est aussi longtemps que nous
47:19ignorons les causes que le temps semble un simple cours plein d'imprévus et de surprises. Mais pour
47:24l'esprit scientifique qui connaîtrait la totalité des causes, le futur serait un futur nécessaire
47:31qui n'aurait plus rien de surprenant. C'est ça, l'ordre du temps. Et c'est ce à quoi travaille
47:37la science, de rendre le cours du temps rationnel et donc ordonné. Merci beaucoup. Nous arrivons
47:46presque au terme de cette émission. Je me tourne quand même vers Antoine Châtelet qui recueille
47:51en général des questions posées via le chat. Peut-être une minute, s'il vous plaît Antoine,
47:57le micro. Pas de questions pour le moment, mais je sens que ça s'affaire sur le chat. Donc,
48:04on aura peut-être des questions pour la deuxième partie qui va consister effectivement à mettre
48:11en lumière ce que c'est que la faculté, la critique de la faculté de juger, qui juge-t-on
48:17et qu'est-ce qu'on juge ? Peut-être c'est la grande question. On juge des relations, c'est sûr.
48:22N'est-ce pas Guillaume ? Je demande, on se demande, Cécile, si les élèves qui sont ici, à Limoges,
48:33ont des questions. Peuvent intervenir s'ils ont une question, mais nous n'avons qu'une minute ou
48:38deux dans cette première partie. C'est une dernière question à Limoges ? Tout à l'heure,
48:47on est un peu à court. Du coup, pour finir, j'ajoute juste un mot pour compléter ma réponse
48:51de tout à l'heure sur le remords. Ça, c'est un texte de Kant sur la mauvaise conscience dans
48:56la Critique de la raison pratique, dans l'édition presque universitaire de France, page 106-107.
49:01Donc, les élèves pourront retrouver le texte dont j'ai parlé sur le remords, comment je sais que je
49:05suis une cause libre. C'est dans la Critique de la raison pratique, UF, presque universitaire de
49:10France, page 106-107. Comme ça, vous pourrez le lire. C'est un texte assez facile à lire.
49:13Merci beaucoup à vous tous, chers collègues, chers élèves. Nous arrivons au terme de la
49:20première partie de ce programme consacré à Kant et à la critique du jugement en particulier. Merci
49:28à Guillaume Jardugurber d'avoir organisé ces échanges et cette réflexion, en quelque sorte.
49:39Après un bref instant de pause, nous reprendrons la suite. Je vous demande de réactualiser vos
49:46pages si c'est nécessaire. Merci à tous. À très vite.

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