0rganisé par le Lycée Français de Tananarive, ouvert par Madame Mylène ZOU-BIETH, Proviseure - Adjointe, ce programme proposé par Hans LIMON, Professeur de philosophie, Enseignant-formateur de la Zone Océan Indien, a été suivi en présentiel par les élèves du lycéede Tananarive et en visioconférence par des élèves du Lycée Français Alexandre Dumas de Moscou et de École Française de Saint-Pétersbourg.
Dossier pédagogique :
https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2024/12/eee.24-25_Etre_citoyen_au_21e_siecle_Hans_Limon_V02.pdf
Agora européenne des lycées : programme 2024-2025 :
- https://projet-eee.eu/programme-de-lannee-2024-2025-15812/
- https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2024/11/Agora_europeenne_des_lycees_Programme_2024-2025.pdf
Cours en vidéo classés par thèmes :
https://projet-eee.eu/cours-classes-par-themes/
E.E.E. sur Dailymotion : http://www.dailymotion.com/projeteee
Podcast du Projet EEE :
https://soundcloud.com/podcastprojeteee
https://www.deezer.com/fr/show/634442
Dossier pédagogique :
https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2024/12/eee.24-25_Etre_citoyen_au_21e_siecle_Hans_Limon_V02.pdf
Agora européenne des lycées : programme 2024-2025 :
- https://projet-eee.eu/programme-de-lannee-2024-2025-15812/
- https://projet-eee.eu/wp-content/uploads/2024/11/Agora_europeenne_des_lycees_Programme_2024-2025.pdf
Cours en vidéo classés par thèmes :
https://projet-eee.eu/cours-classes-par-themes/
E.E.E. sur Dailymotion : http://www.dailymotion.com/projeteee
Podcast du Projet EEE :
https://soundcloud.com/podcastprojeteee
https://www.deezer.com/fr/show/634442
Category
📚
ÉducationTranscription
00:00Bonjour à tous, soyez les bienvenus sur la plateforme du projet Europe éducation à l'école
00:19pour une matinée consacrée à la question de savoir ce que c'est qu'être citoyen au XXIe
00:26siècle. Question proposée par Hans Limon, professeur de philosophie qui diffuse ce
00:33programme entouré de ses élèves depuis le lycée français de Tananarive en Madagascar et nous
00:39avons une chance d'accueillir dans ce même programme des élèves de l'école française
00:45de Saint-Pétersbourg et du lycée français Alexandre Dumas de Moscou où je salue au
00:50passage monsieur Jean-Paul Schultz qui est avec les élèves. Cher Hans, si c'était possible,
00:58allons-y pour une brève reprise de votre propos et puis ensuite laisser un peu de place aux
01:07questions parce qu'elles sont vraiment pertinentes et je remercie infiniment les élèves qui se sont
01:11exprimés et ont préparé leur participation. Merci. On va dire qu'on part sur dix minutes,
01:19c'est mon grand oral. Tesla vous ne cessez de m'appeler par mon prénom et vous êtes l'un des
01:24seuls à bien le prononcer, Hans. Je repars là-dessus pour la troisième partie de mon exposé
01:28parce que je m'appelle Hans, j'ai des origines allemandes, j'ai vécu en France, j'ai habité au
01:33Congo Brazzaville à Madagascar aux Émirats Arabes Unis et j'ai des élèves ici qui sont nés à
01:39Madagascar ou qui viennent d'autres pays. Ma mission ici consiste à former des professeurs
01:43qui sont à Madagascar, au Comore, au Seychelles et à l'île Maurice. Quel citoyen suis-je dans
01:49ces conditions ? Suis-je un citoyen éclaté ou suis-je, et c'est ce que tout à l'heure Alice de
01:56Saint-Pétersbourg avait évoqué, en parlant de cosmopolitisme. Du coup, j'ai envie dans cette
02:01troisième partie de vous parler de cosmopolitisme. Est-ce que ce n'est pas ça finalement l'horizon
02:04de la citoyenneté au XXIe siècle ? Est-ce que ce n'est pas le cosmopolitisme dont les réseaux
02:09sociaux dont on a tant parlé tout à l'heure ne sont qu'une forme d'écho ? Le cosmopolitisme,
02:15on ne l'a pas inventé au XXIe siècle. Kant en parle déjà dans un très beau texte, dans deux
02:20très beaux textes, dont l'idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique,
02:25le premier, et vers la paix perpétuelle, le deuxième. C'est le vieux Kant qui écrit des
02:30petits opuscules qui sont plus facilement lisibles que la critique de la raison pure,
02:33auquel on a tous désespéré de devoir se frotter quand on était étudiant en philosophie. Alors
02:42qu'est-ce que dit Kant ? Qu'est-ce que propose Kant ? Il propose une fédération d'États libres
02:47pour garantir la paix mondiale. En fait, Kant crédit plus ou moins ce qui va devenir l'Union
02:52européenne de siècles plus tard. Et il propose aussi la création d'un droit cosmopolite qui soit
02:59basé sur la coopération internationale et l'hospitalité universelle. Tout à l'heure,
03:04quand les élèves sont intervenus ici, on a parlé de bienveillance, on a parlé de tolérance et
03:11la notion que Kant met en avant, notamment dans le droit de la guerre, c'est la notion
03:17d'hospitalité universelle. Et moi, face à ce qui a été dit tout à l'heure par rapport aux
03:25informations qu'on peut avoir sur les réseaux sociaux, etc., il y a un concept anglo-saxon que
03:29j'aime bien qui est celui d'hospitality of mind, c'est-à-dire d'hospitalité d'esprit. Grosso modo,
03:36puisqu'on a accès par ces nouvelles communications à tant de cultures et à tant de formes d'expression
03:41différentes, ça requiert de nous non seulement un esprit critique, mais une hospitalité d'esprit
03:45qui nous permette de mieux accueillir la diversité. C'est Lévi-Strauss, dans Races et histoires,
03:50il commence son texte qui a été commandé par l'UNESCO, il commence son texte en disant
03:54qui n'a jamais réagi de manière un petit peu excessive devant une photo ou un documentaire,
04:00en montrant un individu d'une société primitive à moitié nue, en disant mais c'est barbare,
04:06ça ne se fait pas. Donc voilà, il y a déjà l'horizon du cosmopolitisme, ça c'est la première
04:12des choses et il faut aller voir ce bon vieux Kant dans l'idée d'une histoire universelle
04:15d'un point de vue cosmopolitique et vers la paix perpétuelle. Kant a de très bons commentateurs
04:20en la matière, c'est pas très compliqué de le voir avec des élèves et ce sont des textes qui
04:24sont d'ailleurs parfois étudiés en terminale parce qu'ils sont assez petits et les opuscules sur
04:29l'histoire aussi sont pas mal en ce sens où Kant voit dans l'histoire le fils directeur en fait
04:35d'une raison qui se développerait et qui irait vers une constitution de plus en plus parfaite.
04:39Donc pour Kant finalement à l'aboutissement de la vie politique ce serait d'avoir une
04:42constitution mondiale, on va dire ça comme ça, qui permettrait de fédérer les différents états
04:48et finalement d'abolir les situations de guerre. On ne va pas parler du droit de la guerre en ce
04:53moment, c'est un peu on dit sensitive topic, mais l'idée pour Kant c'est vraiment que la notion de
04:59citoyenneté n'a de sens que si elle est élargie à un cosmopolitisme. C'est un idéal, mais on ne peut
05:07pas négliger le fait que dans le sillage de Kant sont nées des institutions telles que l'Union
05:12Européenne, l'OTAN, l'ONU, la Société des Nations, etc. Aujourd'hui on a le G20 par exemple. Ensuite,
05:19tout à l'heure j'avais pointé l'urgence écologique. On n'est pas forcément obligé d'adhérer à la
05:25thèse d'Antionas qui voudrait établir une dictature bienveillante. Il a été interrogé
05:29à Antionas après l'écriture de ce texte où il a dit oui effectivement c'est un peu radical de
05:35proposer une dictature bienveillante, c'est-à-dire que comme on ne peut pas compter sur les états ou
05:41sur les individus pour réguler leur utilisation de la technologie, on va imposer une dictature
05:45très centralisée. Il a dit effectivement c'est un peu c'est un peu excessif, mais quelle autre
05:51solution ? C'est la raison pour laquelle tout à l'heure j'avais proposé le texte de Joël Zasque sur
05:57l'écologie et la démocratie qui elle propose justement un modèle écologique qui soit en
06:00dehors de la simple restriction et finalement de la dureté légale ou l'égolégale. Ensuite,
06:07est-ce qu'il ne faudrait pas aller vers de plus en plus ce qu'on pourrait appeler un humanisme
06:12écologique ? Qui défend ça ? Un anthropologue, ethnologue du XXe siècle qui est mort à plus de
06:18100 ans, l'un des plus grands intellectuels du XXe siècle, beaucoup passionné lors de mes
06:22études de philosophie, qui est Claude Lévi-Strauss, que les élèves doivent absolument lire. Ils vont
06:28comprendre beaucoup de choses sur le monde actuel s'ils lisent du Claude Lévi-Strauss,
06:30commencée par Tristruc tropique par exemple, qui peut être pas mal, après il y a les structures
06:37élémentaires de l'apparenté qui sont plus techniques. Lévi-Strauss critique les droits
06:43de l'homme en disant que finalement les droits de l'homme, tels qu'ils ont été présentés dans
06:48le sillage de la Révolution française, sont abstraits et sont centrés uniquement sur l'homme
06:52et l'homme dans sa forme virile masculine. Pour Claude Lévi-Strauss, il y a une critique
06:59radicale de l'anthropocentrisme occidental à réaliser. Lévi-Strauss défend une citoyenneté
07:05élargie qui inclut la reconnaissance des droits des animaux et des écosystèmes,
07:11notamment Lévi-Strauss sur la fin de sa vie a écrit sur la maladie de la vache folle,
07:16donc Crossfeld-Jacob, il a écrit un très beau texte dans lequel il explique que finalement ça
07:22devrait nous forcer à repenser notre rapport au vivant et Lévi-Strauss n'était plus là pour la
07:29crise du Covid à éclater. Je pense que sa pensée aurait encore évolué face à cette pandémie qui
07:34était liée au départ à une infection d'origine animale. Lévi-Strauss milite finalement, si on le
07:43comprend bien, si on le lit bien, notamment dans le regard éloigné, très très beau texte, contre
07:48ce qu'on pourrait appeler être citoyen du monde. Pour lui c'est un danger absolu de se dire citoyen
07:53du monde parce que ça nie les particularismes culturels et les modes de vie alternatifs.
07:58Grosso modo, le danger de la mondialisation et le danger des réseaux, pour reparler de ça,
08:03c'est que ça crée une sorte d'uniformisation culturelle et de plus en plus de langues
08:08disparaissent et on a l'impression qu'il y a deux ou trois modes de vie qui sont véhiculés par
08:15ces moyens de communication. Quand je lance à mes élèves parfois, pour m'amuser, je lance des
08:20répliques que j'ai entendues sur Instagram ou TikTok, ils percutent tout de suite, c'est-à-dire
08:25qu'ils comprennent les références, ils ont la référence forcément. En revanche, quand je leur
08:29parle de peuplades en Chine, quand je leur parle des sociétés primitives, etc., ils sont un peu
08:35plus dans le dur. Est-ce que, finalement, cette excroissance totale que sont devenues les réseaux
08:42et cette notion de citoyen cosmopolite, elle n'est pas en contradiction avec le respect de
08:50la diversité ? Le respect de la diversité qui est de plus en plus remis en cause d'un point de
08:55vue politique, d'un point de vue idéologique aussi. Quand j'étais étudiant, j'avais travaillé sur le
09:01concept de guerre dans la pensée philosophique d'un auteur allemand qui s'appelle Karl Schmitt,
09:05qui a été premier juriste du parti nazi, mais qui a sauvé un petit peu sa peau parce qu'il a été
09:10plus ou moins remercié avant la fuite de régime nazi. Et Karl Schmitt voit dans la naissance du
09:16terrorisme, en fait, la conséquence d'une dépolitisation du monde. C'est-à-dire que plus
09:21on veut dépolitiser les rapports sociaux des gens via la mondialisation, la consommation excessive,
09:26etc., on crée des formes politiques alternatives et violentes. Donc le terrorisme, l'extrémisme,
09:31etc. C'est-à-dire que pour Karl Schmitt, la politique, ce n'est pas être citoyen. C'est,
09:37à partir du moment où une relation met aux prises un ami et un ennemi, ça devient une relation
09:42politique. Donc ici, à Madagascar, si la TSTMG1 s'oppose à la TSTMG2, c'est une relation politique.
09:50Et on est dans la pure politique. Donc pour Schmitt, la politique, ça n'est pas une fonction.
09:56Donc je réponds tout à l'heure à la question, quand on ne vote pas, on reste un citoyen,
09:59on est dans la politique. Mais la politique, c'est la constitution de deux camps opposés.
10:03Et l'horizon de la politique, c'est toujours plus ou moins la guerre. Donc peut-être que l'évolution
10:08du droit contemporain, c'est d'éviter, de se donner les moyens d'éviter la guerre,
10:11surtout avec les moyens nucléaires dont on dispose. Enfin, j'en viendrai à des penseurs
10:15contemporains, je terminerai là-dessus. Une formidable philosophe contemporaine qui s'appelle
10:21Chlorine Pelluchon, dans un très beau livre qui s'appelle « L'éthique de la considération »,
10:25elle en appelle à ce qu'elle appelle la convivence. Pour elle, être citoyen, finalement,
10:30et on devrait inoculer ça aux élèves des plus jeunes âges, c'est apprendre à vivre ensemble
10:35dans un monde interdépendant. Qu'est-ce qui fait qu'on a du mal à vivre les uns avec les autres ?
10:39C'est qu'on ne nous apprend pas à vivre les uns avec les autres. À l'école, on met les enfants,
10:44on les a à côté des autres. On ne leur apprend pas à vivre les uns avec les autres,
10:50ce que Pelluchon appelle la convivence. Donc, elle dit qu'il faudrait dans l'idéal passer du vivre
10:54d'eux, c'est-à-dire l'exploitation de la nature et des autres, au vivre avec, ce qu'on appelle
11:00le vivre ensemble, et in fine, au vivre pour, c'est-à-dire dans le respect et l'engagement,
11:06non seulement des autres personnes humaines, mais de toutes les formes de vie. Donc,
11:13être citoyen au XXIe siècle, c'est se sentir appartenir à un ensemble qui déborde l'humanité,
11:18en fait, qui déborde de loin les frontières d'une région, d'un pays, d'une classe, d'un lycée,
11:24je ne sais, mais qui est le sentiment d'appartenance, et c'est ce que Pelluchon
11:31appelle la transdescendance. C'est ce sentiment de liaison à quelque chose qui nous dépasse et
11:38dont on est partie prenante, comme un maillon de la chaîne. Donc, les nouveaux horizons de la
11:42citoyenneté, il y en a trois, finalement. L'inclusion des non-humains, les animaux,
11:48les écosystèmes. En France, il n'y a pas de droit des animaux, en revanche, il y a des devoirs des
11:54propriétaires, il y a des devoirs des citoyens envers les animaux, il n'y a pas de droit des
11:57animaux. Il y a des droits des animaux, mais c'est ce qu'on appelle de la soft law, c'est du droit
12:01mou, ça n'a aucune valeur juridique. Ensuite, une réflexion sur ce que serait qu'une citoyenneté
12:07élargie à d'autres formes que la vie humaine. Le jeune Kant, dans un texte assez drôle qui
12:11s'appelle la théorie du ciel, imagine des formes de vie différentes sur des planètes différentes.
12:15Donc, sa théorie, c'est que selon l'éloignement d'une planète avec le Soleil, ça crée des formes
12:21de citoyenneté et de personnages différents. Donc, plus on est éloigné du Soleil, finalement,
12:27plus on est éthéré et plus la raison domine. Donc, Kant, c'est est-ce qu'on ne peut pas
12:34s'identifier à des formes de vie qui ne sont pas les nôtres ? Est-ce qu'on n'est pas cloîtré dans
12:37une citoyenneté qui s'essouffle justement parce qu'elle mène à un mode de vie qui est très
12:41anthropocentré et qui est en train d'épuiser nos ressources ? Quand on ne parlait pas de ça,
12:45Jonas l'a fait. Et je termine. Conclusion, la citoyenneté contemporaine doit relever
12:51les défis complexes, des défis complexes, tout en s'appuyant sur ses principes fondateurs. Je
12:55pense qu'on est tous d'accord que les principes fondateurs de la citoyenneté restent l'égalité,
12:59la liberté, la propriété, la résistance à l'oppression, la participation active. Mais,
13:05il y a la nécessité de la repenser dans une perspective élargie, incluant la nature. Et
13:10pour Jonas, les générations futures. Pour Jonas, comme les effets de l'utilisation de la technique
13:15par l'homme ont un impact sur les générations qui viennent, les générations qui ne sont pas
13:19encore nées sont déjà citoyennes. C'est pour ça qu'on vous éduque au développement durable dans
13:25vos lycées respectifs. Et enfin, question, ouverture, comment on transmet ces valeurs aux
13:30jeunes générations ? Comment on les initie à ça ? Est-ce que ce n'est pas contradictoire de vouloir
13:35faire d'eux des citoyens éclairés et leur donner des valeurs toutes faites qui leur préexistent ?
13:40Et enfin, question explorée, est-ce qu'on ne va pas avoir dans les dizaines d'années qui viennent
13:52des formes de vie hybrides entre l'homme et la main ? On aura l'interplanétaire de la politique
13:58quand dans 50-100 ans, on va découvrir d'autres formes de vie ? Et quel rôle pour les institutions
14:06mondiales dans cette transition-là ? La question que j'ai envie de poser aux élèves,
14:10mais ils n'ont peut-être pas réfléchi, c'est quel rôle ont les institutions internationales
14:13dans la redéfinition de la citoyenneté ? Est-ce qu'aujourd'hui, elles ont encore un impact à ce
14:19défi ? Voilà, cher Hans, vous aviez donc une question dans la partie finale de votre exposé,
14:26est-ce que vous pourriez reformuler cette question que vous adressez à tout le public
14:31en deux-trois mots ? Et puis ensuite, on donnera la parole aux élèves.
14:35Alors, j'en avais deux, finalement, deux qui m'intéressent beaucoup. Je suis féru de lecture
14:41de science-fiction et je me dis toujours quid de la notion de citoyenneté quand on découvrira
14:47des formes de vie qui ne sont pas spécifiquement humaines ? Ou alors, quand sur Terre, on aura
14:51créé des formes de vie hybrides qui ne correspondront plus au type d'individus
14:56citoyens auxquels on donne des droits ? Comment envisager ce bouleversement ? Et enfin,
15:00puisque les solutions qu'on a envisagées sont finalement l'extension, l'élargissement de la
15:06citoyenneté à d'autres formes de vie, notamment aux animaux, puisqu'on a vu que les réseaux sociaux
15:11ont créé des moyens de communication plus élargis entre populations qui vivent aux antipodes,
15:17est-ce qu'on peut dire que les instances internationales, vous parliez de l'ONU tout
15:22à l'heure, est-ce qu'elles ont encore un impact sur la citoyenneté, sur la définition de la
15:26citoyenneté, sur l'orientation des droits dans le monde finalement ? C'est plus une question
15:32historique et prospective que philosophique proprement dit. Merci beaucoup. Je me permets
15:40de revenir très rapidement vers le lycée Alexandre Dumas en Moscou. Si vous pouviez
15:50reprendre la parole, ça nous ferait plaisir d'entendre vos questions, en tout cas vos remarques,
15:54vos commentaires. Allez-y, la parole sera à vous dans quelques instants, si vous avez bien activé
16:00votre micro. Bonjour, je m'appelle Dina. Dans un premier temps, j'aimerais vous remercier pour
16:11cette conférence qui est très enrichissante et très intéressante. Donc, citoyens et État sont
16:19des termes très reliés et à mon avis, pour le moment, il est très difficile d'imaginer la
16:28citoyenneté sans avoir un État, même si on parle souvent de la citoyenneté. Donc, ma question,
16:35c'est ne pensez-vous que la notion de citoyenneté est un peu tirée par les cheveux ? Ou un peu
16:42exagérée ? Tu dis qu'on identifie la notion de citoyenneté à celle d'État. Quel est le lien
16:51avec la capilotraction ? En fait, on nous l'a demandé que, pour le moment, juridiquement,
17:02si je ne me trompe pas, les notions de la citoyenneté et la notion de l'État sont
17:07très reliées. Et donc, pour le moment, par exemple, pour moi, il est assez difficile d'imaginer
17:14la citoyenneté européenne, même si on en parle beaucoup, et aussi la citoyenneté du monde. Pour
17:22le moment, ça me paraît assez exagéré, en quelque sorte. Là, je comprends mieux la capilotraction.
17:32Du coup, pour toi, tu as un cas intellectuellement à la notion classique de citoyenneté, qui fait
17:40qu'un citoyen, c'est un membre d'un État clairement délimité. En fait, ce que tu appelles un État,
17:44c'est une nation. C'est-à-dire, c'est un territoire délimité, avec un peuple qui partage les mêmes
17:50valeurs, qui obéit aux mêmes lois, etc. Donc, pour toi, il n'y a pas, par exemple, de citoyenneté
17:54européenne ? Pour moi, non. On affiche le drapeau européen, par exemple, à côté du drapeau français,
18:12dans quasiment tous les bâtiments publics, et même dans les écoles, en fait. Comment tu expliques ?
18:18C'est aussi une question politique. Donc, déjà, c'est une organisation qui est occupée de la
18:38sécurité et d'autres questions politiques. Mais je pense que si l'État, c'était vraiment… ça existe,
18:51par exemple juridiquement, un État tel que la France, ça existe. Mais l'Europe, comme un État,
18:56ça n'existe pas. Il n'y a pas d'État qui s'appelle l'Europe. Mais par rapport au drapeau,
19:05l'hymne européen, c'est la symbolique, c'est le symbole de l'Union. Mais c'était fait exprès
19:18par des humains, pour pouvoir faire la citoyenneté européenne pour qu'elle existe. Mais pour le
19:33moment, je ne pense pas que c'est très bien réussi. Ça fait 70 ans, bientôt qu'on échoue.
19:43Il serait temps de repenser le modèle. Alors, je pense que toi, ce que tu identifies à la
19:51citoyenneté, c'est le sentiment d'appartenance. Donc, effectivement, quel est le lien entre un
19:57Français et un Espagnol ? On partage des frontières communes entre un Français et un Allemand. On
20:00partage une monnaie commune dans la plupart de ces pays. Évidemment, on ne parle pas d'État
20:05européen, mais on parle d'Union européenne. Donc, si on ne parle pas d'État, c'est quand même un
20:09ensemble d'États qui sont greffés avec un conseil commun, avec des instances communes et qui
20:16fonctionnent comme une communauté élargie. C'est un peu comme les communautés de communes en France
20:20maintenant. Si j'habite à Limoges en France et que je fais partie d'une communauté de communes,
20:28je reste à Limoges et je ne me définis pas comme habitant dans une communauté de communes.
20:34En fait, il faut savoir faire la distinction entre le fait de se sentir relié aux autres
20:40formes d'humains, de nationalités, même de formes de vie dans le monde, ce qui serait une notion un
20:47peu métaphorique de la citoyenneté, aux formes de citoyenneté élargie, et se dire qu'on est
20:54citoyen européen, on a un espace Schengen, qui a été un peu mis à mal suite à certains incidents,
21:01puis surtout à la pandémie de Covid. Mais le fait de pouvoir passer d'une frontière à une
21:05autre librement dans l'Union européenne, parce qu'il ne faut pas confondre Europe et Union
21:09européenne, c'est aussi le signe finalement d'un partage de lois communes, de valeurs communes,
21:13et puis d'une facilitation des échanges. Donc, effectivement, les limites que tu poses là sont
21:20aussi liées à la grandeur. Il y a un pays en Afrique centrale qui s'appelle la République
21:27démocratique du Congo et qui fait la taille de l'Union européenne. Est-ce qu'on peut se dire
21:35citoyen de RDC alors que c'est un pays qui fait la taille de l'Union européenne ? En fait,
21:40c'est la problématique de l'amplitude de la communauté dans laquelle tu te situes et des
21:46lois qui ont été mises en place pour pouvoir soit faciliter les échanges, soit les réguler,
21:51etc. Il y a des conventions. Donc, être citoyen, ce n'est pas forcément être relié à un État,
21:57même si sur ton passeport tu as ton État d'origine. En tout cas, c'est ce vers quoi
22:03Kant voulait nous amener. Je pense que vraiment c'est une question d'appartenance, mais pas de
22:11la grandeur d'un État. Par exemple, nous, la Russie, c'est très grand, mais ça ne nous empêche
22:17pas d'appartenir à cet État. Je pense que ce n'est pas une question de la grandeur.
22:24Oui, j'ai bien compris.
22:31Merci. Merci à Sofia Salikova pour cette précision. Est-ce que je peux maintenant
22:44me tourner vers les élèves de Saint-Pétersbourg ? Si vous souhaitez intervenir, allez-y,
22:49c'est un plaisir de vous écouter également. Prenez le micro.
22:53J'ai plein de questions, mais je voudrais surtout faire le point sur l'école. Malheureusement,
23:05d'un côté, j'ai un point de vue très positif, mais de l'autre côté, ce que je vais maintenant
23:13présenter, c'est justement l'idée, il y a une idée très importante de l'uniformisation. Par
23:21exemple, si on voit les cours de français, on ne travaille pratiquement pas sur la littérature
23:28étrangère. Ensuite, pareil, pour les exemples de métaphores, souvent, pour les élèves,
23:42on n'essaie pas de les adapter à des connaissances qu'ils ont déjà, des fois. On leur apprend
23:49quelque chose qu'ils auraient des fois totalement inconnu. Mais d'un côté, bien sûr, c'est bien
23:58puisqu'ils apprennent de nouvelles choses, mais de l'autre côté, il y a une uniformisation puisque
24:04on adapte tous les mêmes textes, on perd sa personnalité. Pareil pour l'utilisation de
24:12l'argot dans les rédactions. On peut comprendre qu'il y a des argots très vulgaires et que
24:20ce n'est pas vraiment bien de l'utiliser, mais de l'autre côté, c'est aussi une partie de la
24:33culture française et de la culture de l'élève. C'est comme demander de l'abandonner à une partie.
24:47Pareil pour la formulation, on ne demande pas aux élèves de trouver une manière personnelle de
24:54formuler une idée, de formuler une réponse à une question, de formuler une question. On leur
25:02donne justement une réponse pratiquement toute faite, où il faut juste rajouter sa partie de
25:13réflexion, ce que je trouve assez dommage puisqu'il y a vraiment la possibilité de le changer. La
25:25question c'est comment on peut justement faire cette initiation en gardant le partage de la
25:37connaissance, mais sans brimer une personnalité à naître de l'élève. C'est dense comme question,
25:50ça m'embarrasse un peu d'ailleurs. Il nous reste juste deux ou trois minutes là,
25:54donc j'essaie de faire rapide. Après, je pourrais laisser la parole à un dernier élève pour clore
26:01la session. Je vois deux choses dans ce qui a été dit très intelligemment là. La première,
26:08c'est que l'intervention... J'ai oublié le nom, c'est Alice ? Oui, est-ce que vous m'entendez ?
26:21Est-ce que vous m'entendez ? L'intervention était assez Lévi-Straussienne sur la première
26:31partie. C'est finalement comment on peut étendre la citoyenneté sans se perdre soi-même, sans
26:36perdre la raison de sa propre particularité, de sa diversité à soi. Ça, on l'a vu tout à l'heure
26:44avec Lévi-Strauss. Pour la deuxième réponse, c'est Antoine ? Oui, on a perdu Hans. Oui,
27:00prendrais-tu la relève un peu pour la question sur l'école ? La question sur l'école ? Est-ce
27:11que vous pouvez la reformuler s'il vous plaît ? Je vais essayer. Donc, si je reformule,
27:23je voudrais en fait demander comment... Non, je ne sais pas comment reformuler.
27:30Le partage des connaissances ne doit pas supprimer la particularité d'une personnalité.
27:39Est-ce que vous m'entendez de nouveau ? Ok, c'est bon. On revient à la source. Hans,
27:46on vous écoute. Pour finir, parce que là, on a pris un peu de retard, finalement,
27:52je disais que l'intervention de cette très intéressante élève me faisait repenser à
27:56Lévi-Strauss qui explique dans « Récit-Histoire » qu'il y a un seuil d'effacement des cultures
28:00au-delà duquel il ne faut pas aller parce que c'est dangereux. En gros, si j'ai bien compris
28:04l'intervention, c'est comment on peut avoir accès à une citoyenneté élargie sans se perdre soi-même,
28:10au niveau étatique, au niveau politique, au niveau citoyen et au niveau de l'individu aussi. Après,
28:15effectivement, je proposais d'aller prendre les réflexions de cette élève et d'aller les
28:19porter à la ministre de l'Éducation nationale pour qu'elle refasse les programmes et qu'elle,
28:25notamment de philosophie, pour apprendre aux élèves à encore plus penser par eux-mêmes
28:29et à développer leur esprit critique. C'est très intéressant cette intervention parce qu'elle me
28:35fait dire que, finalement, il y a quand même cet esprit critique-là qui est chez les élèves,
28:39des notions aussi abstraites, idéalistes que les citoyens du moment de cosmopolitisme. Ils ne
28:44le prennent pas de manière totalement affirmative, positive, mais ils les remettent en question et
28:51se demandent quelle est mon identité là-dedans. Et peut-être que la crise de la citoyenneté au
28:55XXIe siècle, c'est aussi une crise de l'identité du point de vue de l'individu mais du point de
28:59vue des pays aussi. Est-ce qu'on a un instant pour entendre vos élèves à Madagascar, s'il vous
29:08plaît ? Une dernière intervention parce qu'on a vraiment pris du retard, mais qui voulait
29:14intervenir tout à l'heure. Et puis, entre-temps, pour répondre à la question de l'école, si je
29:38peux me permettre de vous répondre, j'ai coutume de dire souvent à mes élèves que je les apprends,
29:46que je leur apprends à désobéir, qu'il faut peut-être apprendre à désobéir et que c'est ça
29:51l'idée, et que l'apprentissage ce n'est pas une forme de pouvoir, c'est une sorte de manière de
29:58se déprendre du pouvoir et en particulier du maître et du pouvoir du maître, au sens où les
30:04professeurs est un maître sans esclaves et presque sans disciples. Donc, vous donner la capacité
30:10d'apprendre à désobéir, c'est tout l'enjeu, je pense, des cours en général et du cours de
30:16philosophie en particulier, si je peux me permettre de répondre très rapidement à votre question,
30:19mais je pourrais m'étendre des heures là-dessus. En tout cas, j'entre dans ma salle de cours avec
30:26cette volonté de reformuler et de distribuer la place de la parole ailleurs que celle qui émane du
30:38bureau du maître. C'est même un sujet qu'on pose parfois aux élèves, Antoine, est-ce libre le pouvoir
30:45de dire non, c'est-à-dire dans la citoyenneté, est-ce qu'on n'est pas parfois meilleur citoyen
30:51en désobéissant à l'État qu'en y obéissant ? Est-ce que désobéir, ça ne fait pas partie du
30:59devoir d'un citoyen parfois ? La désobéissance civile ? Pour moi, être un bon citoyen, c'est de
31:11désobéir parfois parce qu'il y a des lois qui ne sont pas forcément correctes et en désobéissant,
31:21peut-être qu'il y a des règles, mais on agit comme ça par rapport aux autres citoyens, je ne sais pas si
31:28c'est le cas. Alors bonjour, moi je m'appelle Giovanni, comme l'a dit Diédenne auparavant,
31:35je pense que cette question est aussi plutôt subjective et qu'elle dépend de chaque personne,
31:39de comment elle réagit face à la société et aux règles qu'on a tous les jours par rapport aux lois,
31:44etc. Et déjà oui, je pense aussi comme Sarah que parfois il est bon de désobéir car
31:51il y a certaines lois comme par exemple lors des lois par rapport au travail, etc. Par rapport au
32:05travail, je ne sais plus s'il y a encore vraiment d'actualité aujourd'hui par rapport au salaire,
32:09etc. Mais en ce moment, il y a beaucoup de doutes pour les femmes par rapport aux lois,
32:15notamment déjà par rapport aux violences faites aux femmes et où il y a beaucoup de
32:22manifestations et du coup je pense que ce n'est pas non plus tout en haut de s'autoriser de vouloir
32:33faire des règles, etc. Mais il y a aussi le droit à la parole et donc forcément parfois le fait de
32:38parler ou en tout cas juste de faire des manifestations, ça change quand même peut-être
32:41quelque chose par rapport aussi aux idéaux des gens. Merci cher Hans, un mot pour terminer ?
33:00Non, on a débordé un tout petit peu, mais on est très heureux d'avoir participé. J'espère
33:10aussi que malgré le fait que je n'ai pas pu préparer mes élèves comme je le voulais et
33:15qu'avec Antoine d'autres défis, d'autres perspectives ont été posées, notamment la
33:20désobéissance que je n'ai pas voulu ni pu aborder aujourd'hui. L'idée c'était vraiment de poser des
33:26germes, de pouvoir discuter avec les élèves. C'est réussi et j'en suis très content. Je suis très
33:30content pour eux aussi. Merci infiniment cher Hans pour cette matinée si riche qui a suscité
33:38des questions vraiment pertinentes que nos élèves nous ont posées mais en même temps en quelque
33:45sorte imposées aussi pour nous autres. L'avenir se dessine avec une certaine confiance. J'espère
33:53que nous aurons le plaisir de nous retrouver prochainement pour élaborer ces autres dimensions
33:59que tu as évoquées. En tout cas, ces documents seront à votre disposition donc en différé d'ici
34:07quelques jours aussi bien en vidéo qu'en podcast. Merci à Jean-Luc Gaffard, merci à Antoine Châtelet,
34:15merci à tous les chefs d'établissement qui nous soutiennent aussi bien au lycée français de
34:20Moscou qu'au lycée international de Tannanarive. Je salue tout particulièrement monsieur Ali
34:29qui je dois beaucoup pour la poursuite de ce programme qu'il a vu naître, c'est Jean-Pierre
34:35Vernanceur et je tiens à le dire publiquement. Merci également à la direction de l'école
34:43française de Saint-Pétersbourg et à tous ceux qui nous suivent de manière anonyme.