• il y a 10 mois
Avec Jean-Robert Raviot, professeur en études russes à l’université Paris-Nanterre, auteur de "Le logiciel impérial russe" publié aux éditions de l'Artilleur.

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##LE_FACE_A_FACE-2024-02-27##

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Transcription
00:00 Sud Radio Berkhoff dans tous ses états, le face à face.
00:05 Et dans le face à face aujourd'hui André Berkhoff, vous recevez Jean-Robert Raviot,
00:10 professeur en études russes à l'université de Paris-Nanterre et surtout, auteur de ce nouveau livre
00:15 "Russie, le logiciel impérial" aux éditions de l'Artier.
00:18 Alors bonjour Jean-Robert Raviot.
00:20 Bonjour.
00:21 Oui alors Jean-Robert Raviot, je suis ravi de vous recevoir.
00:25 Surtout que nous avons commencé toute la première partie de l'émission, vous savez, à parler de la Russie
00:30 avec Caroline Galacteros, avec Éric Dénessé.
00:32 Ce qui se passe en ce moment, effectivement, la Russie ne doit pas gagner, c'est une guerre européenne,
00:37 la guerre Russie-Ukraine, c'est l'Europe qui est en jeu, etc.
00:41 Et vous, vous venez remettre les pendules à l'heure et je dirais l'église, allez, on ne va pas dire l'église orthodoxe,
00:47 seulement mais l'église au milieu du village.
00:49 "Le logiciel impérial russe", paru aux éditions de l'Artier, c'est un livre d'historien, c'est un livre qui marque le temps long
00:57 et c'est un livre qui explique, on va en parler longuement, ce qu'est la Russie.
01:03 En attendant, juste, Jules, je crois que nous avons des auditeurs, par rapport justement à ce sujet,
01:09 qui ont envie de réagir.
01:11 Oui, avant de passer à cet entretien, on a Stéphane qui nous appelle depuis Marseille pour réagir.
01:15 Bonjour Stéphane.
01:16 Oui, bonjour Stéphane.
01:18 Bonjour André.
01:20 Je voulais réagir à ce qui avait été dit avec Éric Dénessé et Karoline Galactéros très rapidement,
01:25 puisque déjà, je remercie Karoline Galactéros parce qu'on a failli ne pas avoir une conférence avec elle à Marseille,
01:30 on parlait de Marseille et de Pagnol, il faut savoir qu'il y a des enjeux assez énormes
01:36 pour qu'une certaine partie ne puisse pas dire certaines choses.
01:40 Moi, à mon avis, il faut regarder Macron, tout ce qu'il raconte sur le prisme de l'économie.
01:46 On a vu qu'avec, si on prend Alstom, si on prend d'autres éléments,
01:50 il y a toujours un rapport.
01:51 Si on prend le Covid-19, si on prend la guerre en Ukraine,
01:55 il y a, à mon avis, un regard.
01:58 Moi, je regarde toujours Macron avec un prisme de l'économie et je comprends un peu mieux les choses.
02:02 Et je pense pas que ça soit, il y ait une philosophie de défense,
02:05 il y a surtout une vue économique des choses.
02:09 Et voilà, je voulais rajouter ça.
02:11 Et aussi, il ne faut pas oublier la liaison entre OTAN et défense européenne,
02:15 puisque, à l'époque où Sarkozy a mis en place, a fait réintégrer la France dans le mouvement OTAN,
02:21 c'était principalement, c'était un des buts, c'était pour faire accepter la création d'une défense européenne
02:27 qui était mal vue parce qu'on n'était pas encore dans l'OTAN.
02:30 En tout cas, elle n'existe pas encore, cette défense européenne, jusqu'à aujourd'hui.
02:35 Mais il y a une relation très dure entre l'OTAN et la défense européenne, on essaye de faire.
02:39 Merci, merci.
02:41 Jules, un autre litteur parce qu'après, nous allons parler un peu du fond et du logiciel impérial.
02:46 Oui, alors André, je m'appelle toujours Esteban, si jamais...
02:50 Pardon !
02:51 Qu'est-ce que j'ai dit ?
02:53 On embrasse Jules qui était avec vous hier, qui m'a remplacé.
02:55 Ben ça, tu vois, c'est les réflexes conditionnés.
02:58 Excuse-moi Esteban.
02:59 On accueille Ratislav qui nous appelle depuis la Gironde. Bonjour Ratislav.
03:04 Bonjour.
03:06 Bonjour, bonjour, merci de m'accueillir.
03:09 Bon, c'est difficile de résumer en maigrissement.
03:13 Ah, il faut résumer, il faut résumer Ratislav, parce qu'on a beaucoup de...
03:17 La Russie a beaucoup de défauts. La Russie, je sais, elle a ses intérêts, mais est-ce qu'elle n'a pas le droit d'avoir des intérêts économiques ?
03:27 Et sur le fond, c'est ça, les Américains...
03:33 Vous savez, l'impérialisme américain, c'est le dollar, c'est réticulaire.
03:37 Vous acceptez les conditions, donc bon, malheureusement, le monde a changé depuis 1945.
03:45 Donc tout ça, mais il faut continuer à dire, les Russes ont leurs défauts, mais il faut s'entendre.
03:54 Bien sûr, il faut s'entendre.
03:56 Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, il est méchant, il a du sang sur ses mains, comme d'autres présidents, mais je pense qu'il est raisonnable.
04:05 On peut s'entendre avec lui. Et il ne voulait pas, à la base, ni entrer en Ukraine. La Russie aurait préféré une Ukraine neutre.
04:14 Ça aurait été mieux pour l'Ukraine.
04:17 Alors Zarozlav, je vais vous dire, vous allez écouter maintenant, justement, on va avoir le temps, parce que les réponses, enfin, ce que vous dites,
04:25 est tout à fait, comment je vais dire, c'est le fond du livre de Jean-Robert Raviot, "Le logiciel impérial russe".
04:32 Et il explique très très bien, et on va tout de suite aborder ce livre, que je vous recommande, vraiment, parce que c'est bien,
04:42 on peut être pour, on peut être contre, on peut avoir toutes les émotions, les dilections, les rejets qu'on veut.
04:49 Enfin, si on ne regarde pas un peu le réel, comme je le dis toujours, j'ai presque l'air de radoter, le réel frappe à la porte,
04:56 et quand il frappe à la porte, ce n'est pas la peine de se boucher, oeil, yeux et oreilles, porte et fenêtres.
05:01 Alors, Jean-Robert Raviot, je rappelle que vous êtes professeur en études russes et post-soviétiques à l'Université Paris-Nanterre,
05:09 et que vous êtes ancien directeur des collèges universitaires français de Moscou et de Saint-Pétersbourg,
05:14 et vous avez écrit plusieurs ouvrages, d'ailleurs, sur la Russie notamment.
05:19 Et vous commencez votre livre, et c'est très intéressant, je voudrais qu'on parle de cela.
05:24 Au fond, c'est quoi la Russie ? Vous commencez d'ailleurs au 15ème siècle, vous dites qu'il y a deux, je dirais, deux lignes de force,
05:33 et il faut comprendre, parce que même si c'est votre adversaire le plus résolutif, vous ne comprenez pas votre adversaire,
05:39 comment voulez-vous comprendre la réalité ? Vous parlez d'une dynamique mosco-politique, mosco-polite, pardon, mosco-polite,
05:47 posco-politique aussi, et vous parlez de la puissance continentale ensuite.
05:51 Alors, expliquez-nous cette dynamique mosco-polite qui dirige la Russie depuis des siècles, en tout cas.
05:58 Voilà, merci André Berkhoff pour votre invitation, et j'apprécie que vous ayez lu mon livre attentivement.
06:06 Alors, le mosco-politisme, effectivement, c'est une notion peut-être un peu ésotérique, mais je m'efforce de la rendre très claire.
06:14 En fait, pour bien comprendre la fédération de Russie aujourd'hui, il faut comprendre qu'elle est l'héritière de l'URSS,
06:21 dont elle est un état successeur, puisque la fédération de Russie, après la chute de l'URSS, a hérité des obligations internationales de l'URSS.
06:29 Donc, elle est à la fois un état successeur et en même temps en rupture avec l'URSS.
06:34 Ça, c'est déjà un premier paradoxe. Il y a beaucoup de paradoxes dans l'histoire russe.
06:39 Oui, il faudra en parler, justement. Bien sûr. On est là pour ça.
06:42 Et cette URSS, elle est née sur les décombres d'un empire de Russie qui a éclaté en 1917.
06:47 Et moi, je suis remonté... Pour bien comprendre la dynamique politique contemporaine de la Russie, il faut absolument remonter aux origines.
06:55 Et je place les origines, d'ailleurs je ne suis pas le seul, à un état qui s'est formé à la fin du 15e siècle, aux alentours de 1481,
07:03 qui ne s'appelait pas encore la Russie, qui s'appelait la Grand-Principauté de Moscou.
07:08 C'est pour ça que j'ai choisi... Moscou est véritablement le centre de cette dynamique politique qui va se mettre en place à la fin du 15e.
07:16 Oui, Jean-Robert Aviot, vous assistez absolument, et c'est tout à fait intéressant de vous dire l'omniprésence de Moscou.
07:22 Ça reste le centre, ça reste vraiment le nerf, la seule capitale en Russie, le nerf.
07:29 C'est le début de cette aventure qui aboutit à la constitution d'un état qui va être l'empire de Russie.
07:35 Alors comment... Je ne vais pas détailler siècle par siècle, ça vous pouvez aller dans mon livre.
07:40 Mais la dynamique mosco-politique, c'est tout simplement une dynamique de rassemblement de territoires sous la souveraineté de Moscou.
07:48 D'abord des territoires slaves de l'Est, orthodoxes autour de Moscou, les anciennes principautés, éparpillées après le joug mongol.
07:56 Donc à partir du 15e, 16e, et puis à partir du 16e siècle, se met en place une dynamique impériale, avec le couronnement du tsar Ivan IV dit le terrible.
08:06 Et cette dynamique impériale va conduire cet état moscovite à devenir la Russie, l'empire de Russie, un état moderne,
08:14 qui va se constituer par l'expansion territoriale, d'abord vers la Sibérie, donc on va constituer un état continent,
08:23 d'où j'appelle la Russie est essentiellement une puissance continentale.
08:26 Puis ensuite, une expansion vers l'Ouest, qui d'ailleurs, à partir du 17e, 18e, qui est très intéressante à revenir là-dessus,
08:34 parce que la guerre en Ukraine actuellement se déroule sur ces terres,
08:39 qui ont fait l'objet déjà de beaucoup de rivalités avec la Pologne-Lithuanie au 16e, 17e,
08:46 et puis ensuite vers le Sud, Caucase, puis Asie centrale, pour former au 19e siècle cet empire de Russie,
08:52 qui est le plus vaste état du monde, mais qui est devenu une puissance globale.
08:56 - Oui, un superficie.
08:57 - Voilà, en rivalité, enfin, une puissance à la fois européenne, moyenne orientale par le Caucase,
09:04 asiatique ou eurasiatique avec sa proximité, enfin sa frontière commune avec la Chine,
09:10 puis son débouché sur le Pacifique, arctique vers le Nord, faut pas l'oublier,
09:14 et puis globale, parce qu'à partir de la fin du 19e, la Russie entre dans ce qu'on appelle le Grand Jeu,
09:19 elle est frontalière d'un autre empire, d'un autre empire, du grand empire global de l'époque,
09:24 l'empire britannique, par les Indes.
09:26 Donc là, la poussée russe vers l'Asie centrale, mais la Russie en contact avec l'empire britannique en Inde.
09:32 - Alors justement, on va continuer d'en parler, et on va parler un peu, là vous avez,
09:38 enfin, évidemment, rapidement, encore une fois, il faut renvoyer au bouquin,
09:42 mais qu'est-ce que c'est que cette Russie d'aujourd'hui, cette Russie, encore une fois,
09:46 qui est aujourd'hui, cette fédération de Russie, héritière de l'URSS, où on en est aujourd'hui ?
09:52 Parce que, justement, ce qui est tout à fait passionnant, et hélas, quelquefois tristement passionnant,
09:58 c'est qu'on parle beaucoup de la Russie sans savoir ce qu'elle est, ce qui est quand même un peu fâcheux.
10:03 Après cette toute petite pause, on entre dans le vif du sujet.
10:07 - Et 13h13 sur Sud Radio, on est ensemble jusqu'à 14h avec Jean-Robert Raviot,
10:11 et vous, au 0826 300 328.
10:14 - Sud Radio, votre avis fait la différence.
10:17 - Je remercie Sud Radio de pouvoir donner la parole aux Français, sans les couper, en ayant d'autres avis,
10:23 et ça, vraiment, c'est la seule radio en France qui puisse le faire, donc je tiens à le souligner.
10:27 - Sud Radio, parlons vrai.
10:29 - Ici Sud Radio.
10:32 Les Français parlent au français.
10:37 Je n'aime pas la blanquette de veau.
10:40 Je n'aime pas la blanquette de veau.
10:43 - Sud Radio Berkhoff, dans tous ses états.
10:46 - Oui, il est grand temps, il est grand temps de connaître, d'inventorier ce logiciel impérial russe.
10:56 Et justement, on ne peut pas, évidemment, aborder tout, encore une fois, je renvoie à votre livre,
11:01 et je le recommande vraiment, votre livre, Jean-Christophe Raviot.
11:04 Je voudrais savoir, sur les rapports Russie-Occident, justement,
11:08 ça a été toujours un "je t'aime, moi non plus" ou pas du tout ?
11:12 Parce que vous en parlez très très bien, vous dites "attention, ça n'a jamais été contre l'Occident ou par l'Occident,
11:18 mais avec l'Occident". Alors expliquez-nous.
11:21 - Avec l'Occident, avec je dirais aussi l'Asie, la Russie, en fait, ce qu'il faut bien comprendre,
11:26 c'est que la Russie est un état qui s'est formé par une expansion territoriale, historiquement, très grande,
11:31 qui est devenu un état à la fois continental, la taille d'un continent, et multi-ethnique,
11:36 c'est-à-dire qui comprend des territoires très variés sur le plan ethnique, religieux, confessionnel.
11:42 Et l'état est donc à la fois, c'est un atout, cette continentalité, cette vastitude,
11:48 qui donne à la Russie un avantage militaire par un très fort "interland" interne,
11:53 on l'a vu pendant la Seconde Guerre Mondiale, où l'URSS a pu déplacer des usines entières vers son Est
11:58 et sauvegarder ainsi son économie, enfin en partie. Mais c'est aussi beaucoup de faiblesse.
12:03 Parce que quand on a un état à la fois continental et multi-ethnique, il faut en quelque sorte maintenir l'unité
12:10 et la souveraineté de l'état sur l'ensemble du territoire.
12:13 - Alors qui le maintient ?
12:15 - L'état, justement. L'état, Moscou, le chef de l'état, l'administration fédérale aujourd'hui.
12:22 Et vraiment, la dynamique mosco-politique, ce n'est pas une dynamique de domination absolue,
12:28 c'est une dynamique politique qui vise à mettre Moscou toujours au centre
12:33 et essayer de maintenir l'unité et l'intégrité de cet état.
12:36 Cette souveraineté, cette obsession du discours politique russe aujourd'hui pour la souveraineté,
12:41 elle est liée à la prise de conscience par les élites de la faiblesse de cet état.
12:46 Pourquoi ? Parce qu'un état continental et multi-ethnique, il faut d'abord le développer économiquement,
12:50 ce qui n'est pas du tout simple, et ce qui suppose d'abord de maîtriser la sécurité sur l'ensemble du territoire.
12:56 On parle de territoires qui vont de l'Alaska à la Suède, en passant par la Chine, l'Afghanistan, l'Iran, etc.
13:08 Je parle des pays frontaliers de l'URSS ou de l'Empire de Russie à l'époque.
13:12 Et donc, ça suppose d'abord cette vastitude continentale de la peupler.
13:16 Et pour la peupler, il faut avoir une démographie dynamique, ce qu'on n'a pas à la Russie,
13:21 ce qu'on n'a jamais eu véritablement à la Russie, à part à certaines époques, fin 19e, et puis un peu dans les années post-guerre.
13:28 - Mais qu'elle n'a plus aujourd'hui, vous vous en parlez. - Ah ben non, il n'y en a plus aujourd'hui.
13:32 Il y a tout un discours koutinien et des élites politiques qui visent à relancer la natalité.
13:38 Il y a aussi une politique, le fameux capital maternel, qui vise à donner des allocations aux femmes, aux familles qui veulent plus de deux enfants.
13:47 Tout ça fonctionne à une utilité, ce n'est pas complètement inutile, mais ça n'a pas complètement inversé la tendance.
13:55 Aujourd'hui, je crois que le taux de fécondité est de 1,5 enfants par femme, ce n'est pas suffisant.
14:03 - Vous dites que pratiquement il y a 40% de retraités, ou pas loin, ou 30% ?
14:08 - A peu près, non, pas 40%, pas encore, mais on est presque à 30%. Dans certaines régions, on dépasse ces 40% effectivement.
14:16 Et ce que je dis également, c'est une réalité, c'est qu'il y a un très très grand nombre de gens en Russie qui vivent de la redistribution de l'Etat,
14:25 puisque les retraites en Russie sont payées par l'Etat, c'est l'Etat qui garantit les retraites.
14:31 Et il y a aussi des gens qui dépendent du budget de l'Etat en quelque sorte.
14:35 J'essaie de quantifier le nombre de personnes qui dépendent de l'Etat.
14:39 Soit par payer leur retraite, leur salaire, donc il y a tous les fonctionnaires de l'appareil fédéral, de l'appareil régional,
14:45 soit des vastes secteurs économiques qui sont soit d'Etat, soit du secteur public, si on peut dire,
14:52 soit dépendent de la commande publique, qui sont des entreprises privées mais qui vivent sur la commande publique,
14:57 typiquement du secteur de l'Etat russie.
15:00 - Alors justement Jean-Robert Raviau, c'est très intéressant, parce que dans votre livre, vous expliquez que l'Etat étant la colonne vertébrale,
15:07 je veux dire, puisqu'il n'y en a pas d'autres, et qui permet de rassembler, en tout cas malgré les faiblesses,
15:13 toute cette espèce de mosaïque culturelle, ethnique et autre.
15:18 Vous parlez aussi qu'il faut faire attention par rapport aux visions de l'Occident par rapport à la Russie,
15:25 où un certain nombre d'élites occidentales disent "oui, en fait, il faut qu'ils s'occidentalisent, qu'ils se décentralisent, etc."
15:32 Vous dites qu'il y a un patriotisme d'Etat qui...
15:37 Alors, est-ce...
15:42 Je ne dis pas que vous allez "coller" à cet Etat.
15:48 - Alors, excusez-moi, je n'ai pas entendu la totalité de votre question, parce qu'il y avait un petit brouillage,
15:53 mais ce n'est pas grave, je crois que j'ai compris le sens général.
15:57 Donc, effectivement, le patriotisme d'Etat, c'est l'idéologie d'aujourd'hui, dans la Russie d'aujourd'hui.
16:04 C'est l'ensemble des idées et des pratiques qui sont mises en oeuvre par le pouvoir pour, disons, favoriser l'unité entre le peuple et les dirigeants.
16:15 Ce qui ne va pas de soi, parce que, je l'explique dans le livre, la Russie est un pays très inégalitaire,
16:21 socialement et territorialement. C'est-à-dire que les inégalités sociales et les inégalités territoriales,
16:27 sociales entre les territoires, sont bien plus marquées, par exemple, qu'en France.
16:31 Donc, ça ne va pas de soi. Mais ce patriotisme d'Etat, il est très vivant,
16:35 et il a pour socle une success story, qui est la success story de la victoire de 1945.
16:42 Je pense que, évidemment, on peut dire qu'il y a toute une mythologie autour de cette victoire.
16:48 Enfin, la victoire n'est pas un mythe, mais je veux dire, il y a tout un ensemble, disons, c'est presque une religion,
16:54 je dirais, avec ses cultes, ses pratiques, etc., que l'on cherche d'ailleurs à renouveler.
16:58 Et c'est un socle qui est très solide. C'est un socle qui est très solide,
17:02 et le patriotisme russe contemporain s'appuie essentiellement sur cette victoire.
17:07 Pourquoi ? Parce que la victoire de 1945, c'est un des rares épisodes.
17:10 Alors, c'est un épisode, je montre dans le livre, qui est un succès.
17:14 Et c'est aussi un épisode qui montre un aspect très important des représentations que la Russie,
17:22 ou que les Russes font de leur propre histoire, et que j'ai nommé la résilience.
17:26 Alors, je n'aime pas beaucoup ce mot-là, parce que c'est un peu psycho, et je ne suis pas un psychologue,
17:30 mais néanmoins, c'est quelque chose d'important en Russie.
17:33 C'est-à-dire cette capacité que les gens, enfin, la plupart des gens pensent qu'ils ont une capacité collective
17:39 à endurer des épreuves très très difficiles. Et au cours du XXe siècle, l'État, en fait, russe,
17:47 alors l'Empire de Russie, puis l'URSS, etc., se sont effondrés deux fois.
17:53 L'État s'est effondré en 1917, puis s'est effondré en 1991 avec l'achat de l'URSS.
17:57 Et puis en 1941, au moment de l'invasion allemande, il n'était pas loin de s'effondrer, on l'oublie souvent.
18:02 Mais l'invasion allemande en juin 1941 a presque fait s'effondrer l'URSS.
18:06 La victoire, c'est une espèce de, presque, comment dire, elle est un signe de fierté.
18:13 Pourquoi ? Parce que le peuple soviétique à l'époque, le peuple russe, a renversé la vapeur d'une manière extraordinaire
18:19 et a gagné alors que, contre toute attente, tout le monde s'attendait à ce qu'il s'écroulait, le peuple lui-même.
18:26 En 1941, beaucoup de gens étaient désespérés, en réalité.
18:30 Donc, c'est quelque chose de très fort, sur lequel s'appuie, qui constitue encore aujourd'hui le socle.
18:35 On a un exemple intéressant, c'est qu'à partir des années 2010, le répertoire de la seconde guerre mondiale,
18:42 enfin de la grande guerre patriotique, les survivants commencent à disparaître peu à peu,
18:49 par effet de la démographie, de la biologie, si on peut dire.
18:52 Donc, on va renouveler ça par le fameux régiment immortel, où les jeunes générations vont utiliser Internet,
18:59 vont aller chercher, vont numériser des photos de leurs ancêtres,
19:03 les mettre sur des pancartes et défiler avec le jour du 9 mai, le jour de la victoire, pour commémorer cette victoire.
19:11 Et ça, ça montre bien que cette victoire reste le socle, même dans les jeunes générations aujourd'hui en Russie.
19:18 C'est très très fort. Et encore une fois, c'est lié à la nature de l'État, c'est-à-dire à la fois très grand, très puissant,
19:25 avec une puissance célébrée, mais en même temps faible, fragile, et dont on a parfaitement conscience de ses faiblesses.
19:32 Et j'ajouterais, pour répondre à votre question sur l'Occident, ce que l'Occident ne comprend pas dans la Russie,
19:39 ou a du mal à saisir, c'est que les démonstrations de force de la Russie,
19:44 voire démonstrations de force du type "invasion de l'Ukraine" en 2022,
19:49 sont fortement liées à une conscience ou une intériorisation de la faiblesse de l'État.
19:57 Chez Poutine d'ailleurs, ça revient très souvent. Pour la Russie, on mène une guerre défensive contre l'Occident.
20:06 - Mais, Jean-Robert Raviot, excusez-moi, est-ce que c'est quelque part une mentalité d'assiégé, malgré l'immensité du territoire ?
20:15 Est-ce qu'il y a un côté "oui mais on est entouré, que ce soit l'OTAN, que ce soit autre, ça joue cela ?"
20:22 - "Assiégé", c'est un terme qui revient souvent. Oui, l'idée est là.
20:29 C'est-à-dire que la Russie, les dirigeants russes ont conscience d'être entourés d'États ou de puissances qui ne sont pas des amis,
20:39 qui sont des ennemis potentiels. Il faut quand même dire que du côté européen, et donc de l'Ouest,
20:45 il y a eu plusieurs assauts, et notamment deux principaux, 1812, l'invasion française de Napoléon, les armées de Napoléon,
20:53 et 1941, l'invasion allemande des armées de Hitler. Donc, ce n'est pas un mythe. Il y a la perception d'un danger venu de l'Ouest.
21:03 Mais cette perception d'une fragilité de l'État, c'est aussi la perception d'une fragilité des confins, et de la nécessité pour sauvegarder l'État,
21:15 Moscou, le moscopolitisme, c'est aussi l'impératif de consolider les confins, et d'avoir, non pas forcément des confins très étendus,
21:29 alors à l'époque de l'URSS, de la guerre froide, on avait des confins, l'URSS avait sanctuarisé ses confins dans le bloc de l'Est,
21:36 donc les États comme la Pologne, la Tchécoslovaquie, etc. avaient été occupés, et en fait, contraints à devenir des espèces de forteresses de protection de l'URSS,
21:47 aujourd'hui ce n'est plus ça, je pense que l'objectif de la Russie, c'est d'avoir des États voisins qui ne soient pas hostiles.
21:53 - On va tout de suite en reparler, et continuer à inventorier les forces et les faiblesses de la Russie, et surtout par rapport à la perception qu'en a l'Occident,
22:09 avec Jean-Robert Raviot, à tout de suite après une toute petite pause.
22:14 - Et avec vous au 0826 300 300, vous aurez la parole pour réagir, pour poser toutes vos questions, ou pour tout simplement intervenir dans notre émission.
22:22 - On est ensemble jusqu'à 14h, ne bougez pas !
22:48 - Jean-Robert Raviot, le logiciel impérial russe, passionnant à inventorier et à décrypter.
22:55 Alors, on a parlé de la dynamique mosco-politique, effectivement, de l'État, etc.
23:00 Parlons maintenant de une seconde partie de votre livre, "La puissance continentale".
23:05 Alors aujourd'hui, incontestablement, puissance continentale, la Russie, on ne peut pas le nier.
23:12 Et je voudrais savoir en quoi ça agit, parce qu'on a parlé par rapport à l'Occident,
23:16 mais justement, on voit la montée des BRICS, on voit la montée des pays dits émergents qui ont déjà émergé.
23:24 Est-ce que la Russie, aujourd'hui, ambitionne, ou est en train de, justement, cette puissance continentale,
23:32 en train de voir du côté de ces pays-là, et on voit très très bien les alliances qui se font,
23:38 sans parler de la dédollarisation du monde, est-ce que ça joue un rôle très important, aujourd'hui, dans la stratégie de la Russie ?
23:47 Ah, bien sûr, ça joue un rôle essentiel. Je dirais que la Russie est un État eurasiatique,
23:52 un pied en Europe, un pied en Asie, mais aussi un pied vers le Sud.
23:57 C'est très important, au Moyen-Orient, et donc le Sud, l'Orient tout court, l'Inde, etc.
24:05 Donc, ce continent, cet État-continent qu'est la Russie, a effectivement, je dirais, plusieurs interfaces,
24:15 une interface européenne, une interface Moyen-Orientale, une interface asiatique, une interface pacifique et une interface arctique.
24:22 Aujourd'hui, historiquement, si vous voulez, depuis au moins le 18ème siècle, mais je dirais même avant,
24:31 ça commence au 16ème, 17ème, l'objectif principal des dirigeants russes, c'était de se rattacher à l'Europe,
24:41 de privilégier, en fait, le lien avec l'Europe.
24:45 Ah oui, c'était vraiment le rattachement de l'Europe qui était, oui.
24:46 Oui, pour des raisons d'abord culturelles. La Russie se présente comme un empire,
24:50 et dès le départ, l'empire de Russie va aller chercher sa symbolique à Byzance.
24:55 Je vous rappelle Moscou, 3ème Rome. Au 16ème siècle, l'objectif, la théologie orthodoxe du patriarcat de Moscou,
25:04 c'est de considérer que Moscou est le successeur de Rome et puis de Byzance.
25:10 On est en Europe, on est dans une situation chrétienne.
25:12 Tout ça fait que la Russie cherche à se rapprocher de l'Europe, et ça va être une constante pendant des siècles et des siècles.
25:19 Et donc, effectivement, aujourd'hui, le sentiment qui prédomine, c'est que l'Europe tourne le dos à la Russie, en fait.
25:28 La Russie se sent, en quelque sorte, rejetée.
25:31 C'est vrai que cette invasion de l'Ukraine n'a pas aidé, c'est le moins qu'on puisse dire, à accrocher.
25:38 Néanmoins, effectivement, la Russie a aussi une dimension, une autre, d'autres dimensions.
25:47 C'est une dimension. Alors, impérial, c'est une chose, on peut en parler, mais on va parler des voisinages et des interfaces religieuses.
25:54 La Russie, c'est aussi un état avec 15% de musulmans.
25:57 La Russie est un membre de l'OCI, Organisation de la Conférence Islamique.
26:01 La Russie est membre de l'OCI, c'est vrai ?
26:05 Absolument, elle est membre de l'OCI, donc elle est présente.
26:08 Récemment, il y a eu un discours de Lavrov.
26:10 Il y a cette dimension, il y a une proximité, on va dire, historique avec l'Iran, qui ne date pas d'ailleurs des Molas,
26:17 qui ne date pas récemment de l'entrée de l'Iran dans les Brix, mais qui date de bien avant.
26:23 Un des premiers ambassadeurs qui arrive à Moscou, dès la fin du XVIe siècle, c'est l'ambassadeur de Perse.
26:28 Parce que la Perse et l'Empire de Russie sont voisins.
26:32 Ensuite, évidemment, il y a aujourd'hui une puissance qui compte peut-être davantage, c'est la Chine,
26:38 qui est à la fois un voisin et une grande puissance, beaucoup plus puissante que la Russie aujourd'hui,
26:44 d'un point de vue économique, pas encore militaire, mais économique.
26:48 Et puis, on voit des graphiques, c'est évident.
26:51 Et donc, c'est évident qu'aujourd'hui, on a tendance à voir un basculement, même certains disent, dans le camp chinois.
27:00 Donc, on pourrait imaginer que la Russie forme avec la Chine une sorte d'alliance, puis plus qu'une alliance, un bloc.
27:08 - Ils ont tourné le doigt à l'Europe et s'occupent de l'Asie.
27:14 - Oui, alors, il faut relativiser tout ça, parce que d'abord, les choses sont en train de se faire.
27:19 Les relations internationales, les mutations qui interviennent, ça ne se fait pas en 15 jours, c'est des décennies et des décennies.
27:26 Certains parlent de basculement vers l'Est, de la diplomatie russe, c'est tout à fait exact,
27:31 mais ce basculement vers l'Est ne commence pas avec la guerre en Ukraine, il commence bien avant.
27:36 Dès les années 90 d'ailleurs, au moment où la Russie est en train de se transformer et en train de devenir une économie de marché,
27:42 où la relation avec l'Occident est vraiment privilégiée, aussi pour des raisons financières, parce que c'est là qu'il y a des capitaux,
27:48 on se tourne aussi vers la Chine, pourquoi ? Le premier motif n'est pas politique, mais économique.
27:53 On a dans la Chine le potentiel de développement économique, et on se dit qu'il faut qu'on en soit,
27:58 il ne faut pas qu'on soit complètement absent de ce pays, ou des relations avec un pays qui devient une grande puissance,
28:04 qui devient un moteur de croissance mondial, qui est notre voisin, et avec lequel nous avons rompu quasiment tout lien à partir de 1961.
28:13 Donc, le rapprochement avec la Chine va se faire progressivement, jusqu'à devenir une alliance,
28:19 et cette alliance aujourd'hui, on le voit clairement ces dernières semaines, on a vu que la Chine se positionnait maintenant en allié de la Russie dans le conflit en Ukraine.
28:28 On ne livre pas encore des armes, mais enfin on soutient la technologie.
28:32 Alors ça c'est très intéressant, parce qu'on peut y voir, beaucoup aux Etats-Unis, d'un pays où on réfléchit beaucoup à ça,
28:39 déplore qu'en fait, les sanctions occidentales, et puis la conflictualité avec l'Occident, et le choix de l'Occident de soutenir l'Ukraine en 2014,
28:51 et de ne pas favoriser la paix, on va dire les choses comme ça, de pousser dans le sens de la guerre,
28:56 va en fait rapprocher la Russie et la Chine, alors que les Etats-Unis auraient eu tout intérêt à mettre la Russie dans leur camp.
29:04 Alors ça c'est quelque chose qu'on trouve sous la plume d'analystes américains, comme John Mershimer, mais pas seulement, beaucoup,
29:10 ils disent en fait, cette politique d'hostilité occidentale à l'égard de la Russie, a poussé la Russie dans les bras de la Chine.
29:18 Alors est-ce que c'est exact ? Est-ce qu'il y a une alliance chinoise en formation ?
29:22 Alors j'ai un chapitre dessus, alors il faut attendre pour voir, il faut relativiser, il faut être très très prudent,
29:29 parce que cette relation sino-russe, elle ne date pas encore elle-même d'aujourd'hui, elle date au moins du 17ème siècle, 1654,
29:37 signature du traité de Neertschins, qui est le premier traité frontalier entre la Russie et la Chine,
29:43 relation qui sont caractérisées par un voisinage méfiant, et par une très grande défiance mutuelle.
29:51 Alors, aujourd'hui, bien sûr, en voyant les embrassades de Xi Jinping et de Poutine, on a l'impression, embrassons ouf le vil,
30:00 mais les choses ne sont pas aussi claires, et je pense que c'est un...
30:03 Effectivement, ce qui est clair, c'est que la Russie cherche à rééquilibrer ses interfaces, et à devenir...
30:10 En fait, ce qui est très important de comprendre, moi j'ai quand même une approche, vous avez dit, j'ai historien,
30:14 je ne suis pas tout à fait historien, je suis plutôt politiste, peu importe, mais j'ai une approche plutôt géopolitique,
30:19 en fait, je dirais que la politique à long terme de la Russie, c'est comment devenir, comment faire de cette continentalité un atout,
30:27 et donc comment faire que cet état-continent devienne un territoire, non pas simplement de forteresse, de bastion, de défense,
30:37 comme vous avez dit à Sieger, mais aussi un espace de connectivité, et un espace par lequel transite et marchandise les biens, les personnes,
30:45 entre l'Europe et l'Asie.
30:47 Alors justement, justement, vous dites, et c'est très intéressant, la dernière page de votre livre, votre conclusion est très intéressante,
30:56 parce que vous dites, vous citez Pierre Le Gendre, et vous dites, alors vous dites "nous faisons le pari de la pérennité du logiciel impérial russe",
31:05 ce que vous venez de décrire, hein, mais que vous racontez évidemment beaucoup plus longuement, et beaucoup plus,
31:10 et c'est normal, avec beaucoup plus en détail dans votre livre, mais vous dites ceci, vous dites, ça c'est très intéressant Jean-Robert Raviau,
31:17 vous dites "l'état russe n'est pas frappé, du moins dans la même mesure, par le délitement symbolique qui frappe l'état en Occident,
31:25 un délitement de ce qui fait le collage de la foi et de la loi". Effectivement, il faut rappeler ce que Poutine a beaucoup prou,
31:33 le retour de l'orthodoxie à Russie, qui mériterait une émission à elle seule, mais je continue, vous dites ceci, vous dites "la vigueur du patriotisme russe,
31:45 sa défense par les élites dirigeantes, et pour l'heure, la croyance de ces dernières, et d'une grande partie de l'opinion russe, en une certaine sacralité symbolique de la Russie",
31:54 on revient au sacré et à la religion, "la croyance en la persistance d'un capital fiduciaire fort de l'état russe, d'un sens à l'existence de la Russie,
32:04 et à sa persistance historique en tant qu'état et que grande puissance, contraste vivement", et je crois que c'est vraiment assez fondamental ça,
32:12 en tout cas ce que vous dites, "contraste vivement avec l'état d'esprit qui règne en Europe occidentale, où les dirigeants politiques,
32:20 soutenus par l'immense majorité des élites sociales, considèrent vivre le temps de la disparition de leurs nations,
32:28 et du recul nécessaire de leur propre fonction étatique et souveraine, au profit de l'Europe", ou pour laisser la place à une gouvernance mondiale à venir.
32:37 Et vous concluez, "en Russie, une certaine foi continue à coller avec la loi, en dépit des vicissitudes qui ont marqué son histoire récente,
32:47 l'état russe n'est pas devenu, à l'instar de la France, un fantôme". Donc la France est devenue un fantôme, Jean-Robert Raviot, ça y est, c'est crié.
32:56 - Oui, merci André Bercoff, et je m'excuse, on m'a fait remarquer, mes lecteurs m'ont fait remarquer que c'était une phrase extrêmement longue,
33:03 et sans doute la phrase la plus longue du livre, à mon insu. - Oui, mais elle est très importante.
33:09 - Alors, tout d'abord, la moitié de ce que vous avez lu, c'est pas moi qui l'ai écrit, c'est Pierre Le Gendre, qui est un auteur qui m'inspire beaucoup,
33:15 parce que c'est un historien du droit et des institutions, et bien plus que cela, et qui est quelqu'un qui montre la continuité, à travers des pratiques et des droits,
33:27 d'une certaine conception de l'état et du droit, et qui montre aussi la fragilité et le discrédit jeté sur ces institutions, en Occident, et en particulier en Europe occidentale.
33:39 Et donc c'est lui qui dit, en France, nous vivons dans des fantômes de l'état. Alors ce qu'il veut dire, c'est qu'il y a partout des survivances de la monarchie, par exemple,
33:50 parlement, etc., mais qui sont fantomatiques, pourquoi ? Parce que les élites sociales, et les dirigeantes, dans leur grande majorité, sont passées à autre chose,
33:59 et non seulement ne connaissent pas cet héritage, mais n'ont pas envie de continuer, en quelque sorte.
34:06 Regardez tout le discours sur l'Union Européenne, qui est censé être notre avenir, le président Mitterrand disait "l'Europe, c'est l'avenir",
34:13 c'est quelque chose de très profond en Europe occidentale. En Russie, par contre, et c'est pour cela que je voulais souligner la différence,
34:21 c'est que la plupart des gens, personne ne pense que la Russie a vocation, par exemple, à entrer dans l'Union Européenne, et à devenir le Xème état de l'Union Européenne,
34:31 au même titre que la Croatie, l'Estonie ou la Belgique. Ça n'a vraiment aucun sens.
34:36 La Russie a une sorte de part de sa continentalité, en partie, elle a une sorte d'existence, elle existe ou elle n'existe pas,
34:46 mais si elle existe, elle ne peut pas s'encastrer dans d'autres choses. Donc, il n'y a pas de possibilité pour...
34:52 Si l'état russe existe, il doit continuer la route qu'il a entreprise.
34:57 Et c'est la foi qui fait ça, on va en parler.
35:01 La foi, peut-être pas forcément religieuse, Pierre Legende parle de la foi, il parle de tout un corpus théologique et politique,
35:09 qui comprend la religion, mais qui comprend aussi la politique, les idées politiques, etc.
35:14 Donc là, c'est ça que je veux dire. Par exemple, ce patriotisme dont on parlait tout à l'heure,
35:18 ce culte de la seconde guerre mondiale, de la grande guerre patriotique, ça fait partie de cette croyance dans un état russe
35:29 qui a une identité, une fonction, un destin, et au fond, une existence réelle et une pertinence réelle.
35:39 Et on peut se poser des questions, effectivement, hélas, hélas, mais je crois que les élites peuvent se remplacer aussi,
35:46 sur ce qui se passe en France. On continue juste après une petite pause et on prend les auditeurs de Sud Radio.
35:53 Vous êtes beaucoup à nous appeler aujourd'hui, 0826 300 300, on marque une courte pause, et on est là jusqu'à 14h, à tout de suite.
36:00 Sud Radio Bercov, dans tous ses états, appelez maintenant pour réagir 0826 300 300.
36:08 Ici Sud Radio, les Français parlent au français, je n'aime pas la blanquette de veau, je n'aime pas la blanquette de veau.
36:23 Sud Radio Bercov, dans tous ses états.
36:28 On est toujours dans Bercov, dans tous ses états, à 13h46, avec André Bercov et Jean-Robert Raviau.
36:34 Et on a un premier auditeur qui nous appelle, c'est Emmanuel qui nous appelle depuis Pessac, en Gironde. Bonjour Emmanuel.
36:40 Bonjour Emmanuel.
36:41 Bonjour André, bonjour, j'espère que vous êtes bien remis, petit à petit.
36:45 Oui, tout à fait, tout à fait, merci.
36:47 Bonjour à votre invité, à toute l'équipe.
36:49 Voilà, moi, ce que je voulais dire simplement, c'est que, bonjour monsieur, c'est que les guerres, en fait, ont toujours été faites pour masquer les faillites.
36:55 Ça a toujours été le cas depuis les guerres napoléoniennes, après les assignats, jusqu'à 39.
36:59 On n'est pas très loin des faillites de 2008. En fait, les plans de démantèlement de la Russie, ils existent depuis le 18ème siècle dans les cartons.
37:06 C'est toujours le même conflit séculaire entre thalassocratie, empire thalassocratique, donc plutôt anglo-saxon, et tellurocratique, c'est-à-dire la terre, plutôt les empires russes.
37:15 Enfin, en tout cas, l'empire européen, ou ce qui pourrait le devenir, parce qu'on parle d'empire, mais en fait, les USA, c'est pas un empire, c'est un hégémon.
37:23 Parce que la différence avec un empire, c'est qu'il intègre ses colonies. On a même vu, lors des Romains, des empereurs qui venaient des colonies.
37:30 Les USA, c'est un hégémon, c'est-à-dire que lui, il pille ses colonies. C'est pas du tout pareil.
37:35 À son profit, bien sûr. Et en fait, les guerres sont toujours faites par des gens qui se connaissent, mais qui se tapent jamais dessus.
37:41 Ils envoient des gens qui se connaissent pas à leur profit, qui vont s'entretuer.
37:44 - Oui, c'est une citation cérébrale. - Parce que c'est quand même les USA qui en 800 bases,
37:47 - Oui, bien sûr, et qui est toujours d'actualité, mais c'est un conflit séculaire. C'est quand même les USA qui en 800 bases partout dans le monde,
37:53 et encore, on connaît pas les secrètes. On commence à en découvrir en Ukraine, notamment.
37:56 Mais c'est quand même eux qui en 800 bases un peu partout, et quand on grade la plantation, on peut pas reprocher à Poutine de se demander,
38:02 ou même à la Chine, de se dire "qu'est-ce que tout cet encerclement a pour but ?"
38:06 - D'accord. Alors, j'ai un bon ravio. - ...de votre invité.
38:10 - Oui. - Alors, je vous reçuis tout à fait, Emmanuel, sur la distinction entre hégémones et empire.
38:17 La Russie est un empire au sens historique du terme, c'est-à-dire ce que j'appelle moi un "empire archaïque",
38:22 c'est-à-dire un ensemble de territoires qui se forment à partir d'un centre, par agrégation de territoires, qui sont dans la continuité territoriale.
38:29 Ce qui fait que dans les empires archaïques, du type Russie, Chine, empire assyrien,
38:33 il y a une très difficile distinction, au bout d'un certain temps, entre ce qu'on appelle la métropole et les espaces conquis.
38:41 Dans les hégémones, ou dans les empires ultramarins, comme l'empire britannique, ou espagnol, ou français,
38:46 il y a d'un côté la métropole européenne, et puis les territoires conquis, outre-mer.
38:51 Et donc, c'est tout à fait un autre type d'État. On a tendance à mettre ça sous le nom d'empire,
38:57 mais en fait, moi je distingue empire archaïque, empire ultramarin, vous le faites, empire hégémone,
39:03 c'est tout à fait, je vous suis tout à fait.
39:05 Quant aux bases américaines, en Ukraine, de la CIA, qui ont été révélées, c'était un peu un secret de Polychinelle, mais ça a été révélé par les empires.
39:13 - Les douze bases sur la frontière ukrainiennes.
39:16 - Alors c'est tout à fait, bon, c'est pas une vraie surprise.
39:19 Effectivement, je pense que l'installation militaire et du renseignement américain et britannique en Ukraine, à partir de 2014,
39:30 est un des motifs de l'invasion de l'Ukraine en 2022.
39:35 C'est-à-dire que cet investissement américano-britannique en Ukraine est tout à fait réel,
39:42 est jugé à Moscou, est perçu à Moscou comme vidant la Russie et visant à affaiblir la sécurité de la Russie.
39:51 Je parle des dirigeants russes, leur perception.
39:54 - On remercie Emmanuel.
39:56 - Merci Emmanuel. On a Frédéric qui nous appelle depuis Bergerac. Bonjour Frédéric.
40:00 - Bonjour Frédéric.
40:02 - Bonjour à votre équipe, bonjour à Edith Haunter depuis la Dordogne.
40:06 - Moi ce que je voulais, je voulais juste dire que, on n'a pas fait assez allusion à l'interview de monsieur Poutine.
40:15 Tout le monde a pris ça comme une fanfare honnête, alors que je suis désolé, il a parlé pendant deux heures, de façon pauvée.
40:21 Bon, il était interviewé, soit dit donc, par un journaliste, complotiste, pro-Trump, enfin tout ce qu'on a pu dire.
40:28 - On le dit toujours ça, oui.
40:30 - Le complot est russe, les agriculteurs qui ont fichu le peu de bazar au salon étaient les russes.
40:37 Aujourd'hui, tout le monde est russe, les élections truquées seront les russes.
40:40 Et moi je dis bien aux gens, revenez au moins sur des résumés de cette interview de monsieur Poutine,
40:46 qui précise bien qu'il n'a pas forcément ni l'intérêt d'envahir des pays comme ça à côté.
40:53 Ce n'est pas les moyens, puisque comme l'a bien dit votre invité de toute façon, et également madame Calakéros et l'intervenant d'avance,
41:01 - Et rien n'est laissé, oui.
41:03 - Voilà, de toute façon, la Russie ne s'en prétend pas en 50 millions.
41:07 Donc ce qu'a dit notre président hier soir, il va nous faire passer, on sait très bien la différence entre le discours du président,
41:17 et d'ailleurs en suivant le fil du teur, en écoutant votre émission en même temps, je viens de voir que déjà monsieur Scholz vient déjà de se mettre en arrière de monsieur Macron,
41:29 - Il n'est pas le seul, il n'est pas le seul.
41:31 - Et d'autres également. Donc voilà, c'est tout ce que je voulais dire.
41:35 - Merci.
41:36 - Et puis voilà.
41:38 - Merci beaucoup Frédéric.
41:40 - Merci.
41:41 - Juste un mot avant de prendre un auditeur. Il y a une chose, effectivement, parce que tout ce qu'on entend aujourd'hui c'est de dire,
41:51 et justement je voudrais avoir un peu votre ressenti, enfin votre opinion Jean-Robert Raviot.
41:58 On dit que la Russie, oui mais là, Poutine il veut aller beaucoup plus loin, pas seulement Kiev, mais les Pays Baltes, et pourquoi pas, et plus si affinités, etc.
42:08 Est-ce que la Russie, cette propension conquérante de la Russie a existé, existe, ou c'est un fantasme ?
42:22 - Bah écoutez, si on regarde l'histoire, les invasions russes n'ont jamais dépassé le plus loin qu'on soit allé.
42:31 Si tant est qu'on puisse considérer ça comme une invasion, parce que les soviétiques sont entrés en Europe de l'Est avec accord des alliés, donc jusqu'à Berlin.
42:41 Bon, c'était pas vraiment une invasion, hein.
42:44 Mais il n'y a pas, moi je pense que, cherchons dans l'histoire un moment où la Russie a voulu envahir, ou avoir un territoire ouest européen, situé au-delà des mers, aucun, aucun moment.
43:00 Donc moi j'explique que le logiciel impérial russe est la sécurisation des confins, parce que par la sécurisation des confins, on sécurise Moscou, le centre politique.
43:10 Et qu'on a toujours peur que Moscou soit déstabilisé par ses confins.
43:14 Bon, c'est tout. Et je pense pas, effectivement, qu'il y ait de plans d'invasion de la Pologne, de l'Estonie, ou de la Suède, voire de l'Allemagne ou de la France, tout ça c'est du fantasme.
43:24 Mais c'est un fantasme qui a bien fonctionné pendant la guerre froide, parce que ça a alimenté les budgets militaires, et donc ça permettait aussi à l'OTAN et à l'Occident de motiver, on va dire, les parlementaires pour voter des gros budgets.
43:38 Non pas qu'il n'y ait pas de menace soviétique, mais elle était largement exagérée, de même que la menace occidentale était très largement exagérée en USSR.
43:45 Tout ça pour dire, et pour rebondir un peu sur ce que disait votre auditeur, que non, ces déclarations de Macron, elles sont totalement...
43:55 Alors, soit elles sont fondées sur des informations que nous n'avons pas, et en quel cas, ben voilà, soit elles sont une pure rhétorique qui vise à faire de l'agiotage,
44:07 dont l'objectif n'est pas tant d'aider l'Ukraine, que plutôt de promouvoir sa future candidature dans des instances transnationales ou internationales européennes.
44:16 - Européennes ou autres. - Ou autres, voilà. Je suis assez cynique, mais je pense que beaucoup de gens tireront la même conclusion.
44:22 Quant au discours de Poutine, enfin pardon, l'interview de Poutine, vous avez raison de le mentionner, votre auditeur avait raison de la mentionner, elle est très intéressante.
44:30 C'est une interview qui avait pour objectif... Alors, il s'est adressé à Tucker Carlson, qui est un journaliste engagé, disons, républicain pour autre chose, pour simplifier.
44:39 Tout à fait sympathisant de Poutine, hein. Et donc l'objectif n'était pas d'être interviewé par un journaliste occidental qui lui aurait posé des questions gênantes,
44:49 il s'en est bien gardé d'ailleurs, monsieur Carlson, mais plutôt de s'adresser à un journaliste qui va être le porte-voix, disons,
44:58 traduire en mots occidentaux la manière dont... L'objectif de Poutine, c'était que les électeurs américains qui vont regarder cette émission comprennent mieux la position de la Russie.
45:10 Et j'en profite pour dire que si vous regardez cette interview qui est très longue, 2h et quelques, 2h18 je crois, les 45 premières minutes, c'est un cours d'histoire sur la Russie.
45:20 Cette interview, elle est sortie le même jour que mon livre. - Il a fait son logiciel impérial russe.
45:26 - Voilà, moi je me suis dit que j'avais pas eu totalement tort d'insister beaucoup sur l'histoire parce que c'est vraiment, non seulement important, mais aussi très utilisé par les dirigeants russes pour expliquer leur politique.
45:37 - On va remercier Frédéric. - Alors, je vais juste tourner. - Et on a Philippe qui nous... - Alors, nous avons un dernier auditeur. - Oui, si. Nous avons Philippe qui nous appelle depuis Narbonne. Bonjour Philippe, rapidement.
45:45 - Bonjour Philippe de Narbonne, voilà. Moi je voulais intervenir un petit peu pour dire ce que tout le monde pense tout bas. C'est-à-dire qu'il faut vite qu'on arrête Macron dans sa folie guerrière et belliciste.
46:02 Je pense que tous les auditeurs, quels qu'ils soient, qui se sont exprimés aujourd'hui ont remis un petit peu les points sur les i par rapport à la Russie, qui était la Russie.
46:14 Et voilà, il faut pas oublier quand même qu'on est toujours sous le coup de la dissuasion nucléaire et que de parler d'envoyer des soldats en Ukraine, c'est un pas vers un conflit de ce type-là.
46:29 C'est scandaleux, c'est tout simplement scandaleux. Il faut arrêter. C'est un vant en guerre, comment dire. Il est en train de mettre à plat la France, en train de mettre à plat les relations internationales.
46:44 Comment on va faire après avec la Russie ? C'est absolument incroyable. En tout cas, je remercie la qualité de vos intervenants et de vous-même pour remettre un peu d'ordre dans ces médias et dans ces...
47:03 Merci à vous. Merci beaucoup, Philippe. Mais je vais... C'est ça. Écoutez, on en a connu d'autres et j'espère que ça ne va pas déraper dans n'importe quoi.
47:14 Je voudrais dire aussi que le livre de Jean-Robert Raviot, en tout cas, met les points sur les i, sur un certain nombre de choses. C'est pour ça qu'il faut le lire.
47:23 Et je dirais qu'on n'a pas eu le temps de développer Jean-Robert Raviot, le centre et la périphérie, mais vous l'avez décrit quelque part.
47:30 Et on en reparlera de tout cela. Je crois que ce qui est très important, vraiment, c'est de raison garder et de bon sens garder.
47:39 Et peut-être aussi de connaissances garder. En tout cas, vous en avez fait preuve, Jean-Robert Raviot, et je vous remercie.
47:44 Merci à tous de nous avoir écoutés. On rappelle ce livre Jean-Robert Raviot, Russie, le logiciel impérial aux éditions de l'Artilleur.
47:53 Merci à tous d'avoir été avec nous. Merci André Bercoff. Merci à tous les auditeurs. Tout de suite, c'est Brigitte Lahaye sur Sud Radio.
47:59 Sud Radio, parlons vrai est aussi à Lyon et Le Grand Lyon sur 105.8 FM, le DAB+ et l'application Sud Radio.
48:05 Sud Radio, parlons vrai.

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