• l’année dernière
Avec Caroline de Bodinat, journaliste et auteure de "Demain dès l'aube" publié aux éditions Flammarion.

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##LE_FACE_A_FACE-2023-10-23##

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News
Transcription
00:00 Sud Radio Bercov dans tous ses états, le face à face.
00:05 13h08 sur Sud Radio, l'heure pour nous de présenter ce face à face où André Bercov reçoit aujourd'hui Caroline de Baudinat,
00:11 la journaliste et auteur de ce nouveau livre "Demain des laubes", c'est aux éditions Flammarion. Bonjour à vous.
00:15 Alfred Demussey disait "on ne baudine pas avec l'amour et nous on ne baudinat pas avec la mort".
00:20 Si, si, on va baudiner avec la mort. Caroline de Baudinat, elle a beaucoup de courage, Caroline de Baudinat.
00:26 Je sais pourquoi elle écrit un bouquin "Demain des laubes". Alors on peut se dire "ça va être un bouquin d'amour,
00:31 demain des laubes, je te rencontrerai, nous irons en parler, les forêts fleurir" et puis pas du tout, pas du tout.
00:36 C'est un livre, un livre en quête, un livre de témoignages tout à fait passionnant sur quelque chose qui nous attend tous, la mort.
00:47 Mais pas seulement la nôtre, celle-là, on la verra pas, mais c'est la mort des proches, la mort de...
00:53 Effectivement, et il se passe quoi à ce moment-là ? Et bien on est obligé de passer, on le sait, voilà, par ce qu'on appelle
01:00 les pompes funèbres, les croque-morts, appelons-le comme vous voulez.
01:06 C'est un métier, c'est un métier qui est exercé depuis des siècles, et plus que des siècles,
01:12 et voilà, soit pour l'incinération, soit surtout pour les enterrements, la tombe, etc., les fleurs, la cérémonie, etc.
01:21 Il y a des hommes et des femmes qui s'occupent de ça, et Caroline de Bodina, vous les avez rencontrés,
01:27 vous en avez... Non seulement vous en avez parlé, vous les avez fait parler,
01:32 et c'est assez passionnant parce que, d'abord, évidemment je vous posais la question bateau, mais
01:37 qu'est-ce qui vous a amené, vous qui avez l'air quand même plutôt vivante, à vous occuper de ça ?
01:44 - Bonjour M. Bercoff. - Bonjour, madame. - Bonjour à vos auditeurs, merci de me recevoir.
01:49 Ce qui m'a amenée à cette rencontre, parce que c'est une rencontre et une aventure humaine avant tout,
01:57 c'est que je suis allée voir des pomponniers qui nous ont beaucoup enterrés,
02:03 et au fil de ces enterrements... - Vous voulez dire votre famille ? - Oui, et des proches. - On vous dit ils nous ont beaucoup enterrés, des proches.
02:10 - Et on avait 13 cercueils en commun,
02:14 mais moi j'étais jamais de leur côté, un cercueil nous séparait à chaque fois,
02:20 et un jour, c'était l'enterrement d'un cousin qui avait mon âge,
02:25 j'ai dit à la personne qui officiait, qui était le fondateur de cette maison de pomponnière indépendante,
02:35 qui s'appelle Caton, qui est dans le centre de la France,
02:39 je lui ai dit "j'aimerais bien étudier votre métier, j'aimerais bien écrire un livre".
02:45 Il m'a regardée, il m'a dit "hum hum, bien sûr, on en reparle".
02:50 Et d'arriver le Covid, beaucoup de gens ont perdu bien entendu des proches, j'ai perdu mon beau-père,
02:59 il était en région parisienne, à l'époque toutes les pompes funèbres étaient débordées,
03:04 on a des images encore en tête où les entrepôts de Rungis,
03:09 un entrepôt, en tous les cas frigorifique, de Rungis avait été réquisitionné.
03:14 Et non seulement on a appris la mort de mon beau-père,
03:17 comme ça un matin, et on nous a dit qu'il avait été directement transféré à Rungis.
03:24 C'était un drame.
03:26 - Mais en plus on ne pouvait pas les voir, on ne pouvait pas...
03:29 - Non seulement on ne pouvait pas les voir, ou alors si on pouvait,
03:31 la mise en bière était immédiate, donc c'était cercueil fermé,
03:37 donc on ne pouvait pas se recueillir devant nos défunts,
03:40 ce qui était un drame pour les gens qui ne pouvaient pas entamer leur deuil.
03:45 Et là j'ai fait comme on faisait un petit peu dans la famille,
03:49 c'est vrai qu'on appelle un peu les pompes funèbres Caton comme on compose le 18.
03:52 Je les ai appelées, je leur ai dit "Pascal", il s'appelle Pascal Caton, celui qui a créé cette maison,
03:58 qui a aujourd'hui 220 employés et 47 agences, dont maintenant certaines à Paris,
04:03 je dis "Est-ce que tu peux m'aider ?"
04:05 Voilà ce qui se passe.
04:07 Et deux heures après, il avait trouvé une société pompes funèbres indépendante,
04:12 et nous avait permis en fait une forme de dignité,
04:16 un, à mon beau-père, et deux, pour la famille, pour qu'on puisse se recueillir,
04:21 même si c'était devant un cercueil fermé.
04:23 Donc ça a commencé comme ça.
04:25 Mais comme aurait dit Desproges,
04:27 un jour j'irai vivre en théorie, car en théorie tout se passe bien.
04:31 Donc en fait ça a commencé, tout se passait bien.
04:33 Et après quand ils m'ont dit "oui",
04:35 une fois que j'avais un éditeur,
04:37 et l'assurance qu'ils me laissaient rentrer chez eux,
04:40 là j'ai...
04:42 là le sol s'est dérobé.
04:45 - Pourquoi ? Parce que vous disiez c'est un territoire trop grand,
04:50 et puis trop... vous savez, je ne sais plus qui disait "la mort ni le soleil ne se peuvent regarder en face".
04:55 C'est un peu ça ?
04:57 - La belle colle, mais c'était pire que ça.
04:59 En fait c'était que j'étais comme tout le monde, j'étais paralysée par la trouille.
05:03 J'avais peur d'affronter,
05:05 j'avais peur de réveiller mes propres absents, mes fantômes,
05:08 et en fait je ne connaissais rien au métier.
05:11 Rien.
05:13 - Ah oui, comme la plupart d'entre nous.
05:15 - Et au début j'ai essayé de...
05:19 j'ai essayé de tenir...
05:21 - Mais quand vous avez eu l'idée de ce livre,
05:23 vous voulez quoi ? Connaître un peu le métier,
05:25 comment fonctionnait le métier, la mécanique,
05:27 et la mécanique qui touche évidemment
05:29 au plus intime de nous,
05:32 qui est quand même la mort.
05:34 Mais c'était quoi votre...
05:36 c'était de faire comprendre quelque chose,
05:38 plutôt le métier, plutôt le mystère,
05:40 plutôt quoi ?
05:42 - J'avais une question qui était en sourdine,
05:44 qui était "qu'est-ce qui se passe
05:46 après notre certificat de décès ?"
05:50 Vous savez, quand on confie des enfants à une baby-sitter,
05:56 on se renseigne sur la baby-sitter,
05:58 sur la nounou, voilà.
06:00 Mais ce qui est très étonnant,
06:02 c'est qu'on occulte
06:04 bien évidemment la mort,
06:06 beaucoup de gens ont du mal à en parler,
06:10 c'est pas dans nos sociétés,
06:12 on l'a vraiment invisibilisé,
06:14 vraiment invisibilisé,
06:16 et les personnes qui s'en occupent,
06:18 d'autant plus.
06:20 Et moi ce qui m'intéressait, c'était de me dire
06:22 "mais qu'est-ce qu'ils font derrière ?"
06:24 C'était ce que j'avais refusé de voir jusqu'alors.
06:26 - Comment ils travaillent,
06:28 qu'ils leurent de l'idée, etc.
06:30 - Comment ils prennent en compte notre peine,
06:32 puisqu'ils sont en premier rang.
06:34 Ils sont en premier rang,
06:36 on vient les voir, on est dans le déni,
06:38 dans la colère, dans l'abattement,
06:40 dans l'assidération,
06:42 on prend notre peine en charge,
06:44 et là où nous on perd pied,
06:46 c'est là où ils prennent le relais.
06:48 - On va en parler, justement, de ce métier,
06:50 comment ils prennent le relais,
06:52 comment ils travaillent juste après cette petite...
06:54 - Avec Caroline de Baudina, et avec vous,
06:56 0826 300 300
06:58 pour toutes vos réactions, à tout de suite.
07:00 - Alors ces gens,
07:02 on dit ça des soldats,
07:04 il y a eu un très très beau livre
07:06 sur la mort et mon métier,
07:08 mais eux, les gens dont vous parlez,
07:10 Caroline de Baudina, votre livre,
07:12 Demain dès l'aube,
07:14 oui, la mort est leur métier,
07:16 la mort des autres, bien sûr, mais en même temps,
07:18 est-ce que c'est
07:20 un métier,
07:22 vous parliez de cette personne,
07:24 vous avez 10 cercueils,
07:26 qui s'occupe de votre famille,
07:28 c'est un métier, c'est une vocation,
07:30 c'est une psychologie,
07:32 c'est quoi ? J'aimerais que vous me disiez
07:34 un peu ce que vous avez senti,
07:36 en les côtoyant,
07:38 en les interrogeant.
07:40 - C'est un métier,
07:42 et c'est une somme de métiers,
07:44 et tous sont reliés,
07:46 c'est-à-dire que
07:48 la première personne
07:50 à laquelle vous êtes confronté,
07:52 c'est le conseiller
07:54 ou l'assistant funéraire,
07:56 cette personne qui vous reçoit.
07:58 Et cette personne,
08:00 en fait,
08:02 elle accueille la peine,
08:04 ou la colère, ou la sidération,
08:06 elle pose des questions
08:08 logistiques,
08:10 parce que c'est elle qui va tout organiser,
08:12 mais, par ces questions,
08:14 elle va obtenir
08:16 des éléments de réponse,
08:18 parce que, elle,
08:20 elle doit savoir, en très peu d'heures,
08:22 quelle est la psychologie
08:24 du défunt,
08:26 qui était cette personne,
08:28 pour aussi connaître
08:30 le rapport avec la famille,
08:32 et le rapport dans la famille.
08:34 Ça se décèle à des petites phrases.
08:36 Oui, alors, avec mon frère, on a vu...
08:38 Oui, mais enfin, avec lui, c'est toujours compliqué.
08:40 Ce sont des toutes petites phrases
08:42 qu'ils perçoivent, et qui leur permettent
08:44 de toujours
08:46 s'exprimer de la même façon.
08:48 - Donc, une bonne dose de psychologie, quand même.
08:50 - Énorme, énorme.
08:52 Et ce métier,
08:54 ils me disent tous, on y vient
08:56 plutôt par hasard, on y reste par vocation.
08:58 C'est-à-dire que, la vocation,
09:00 en tant que telle, elle n'existe pas, forcément.
09:02 Pourquoi ? Parce qu'elle arrive
09:04 au fil des années, cette vocation.
09:06 C'est un métier du sens
09:08 de l'autre.
09:10 Après le...
09:12 le moment,
09:14 avec le conseiller funéraire,
09:16 j'ai assisté...
09:18 C'est important de le dire, j'ai assisté une fois
09:20 à un entretien, ça dure une heure et demie,
09:22 c'est un homme
09:24 d'une soixantaine d'années, qui venait de perdre sa maman,
09:26 et sa mère,
09:28 elle était éternelle. Jusqu'à la veille,
09:30 la veille, elle était éternelle.
09:32 Ce monsieur, il avait un cœur gros comme ça,
09:34 donc j'assiste à
09:36 l'entretien,
09:38 et puis, il me disait, il était perdu,
09:40 il était complètement perdu, et il était
09:42 extrêmement touchant.
09:44 Et sa maman
09:46 était maraîchère, parce qu'il y a
09:48 beaucoup de maraîchers dans la région,
09:50 et je lui dis "oui, ma mère était maraîchère,
09:52 bon, très bien".
09:54 Et à un moment, la conseillère s'en va,
09:56 et puis je lui dis
09:58 "Monsieur", alors il sursaute, parce qu'il y avait
10:00 un silence,
10:02 un an était passé, il y avait un silence
10:04 angoissant dans cette pauvre pièce,
10:06 et "Votre
10:08 maman, elle faisait quoi ?"
10:10 Et là, il commence à énumérer tout ce que
10:12 sa maman faisait avec son père,
10:14 à l'époque de son père,
10:16 des batavias, etc., il m'expliquait tout,
10:18 et je savais que je n'avais pas le droit de parler aux familles.
10:20 J'avais une présence silencieuse.
10:22 Et ce monsieur était
10:24 tellement touchant qu'au bout d'un moment,
10:26 je me suis dit "mais il y a deux mondes qui s'affrontent,
10:28 toujours, d'un côté
10:30 du bureau,
10:32 c'est la peine infinie,
10:34 l'inconsolable, et de l'autre,
10:36 une forme de consolation.
10:38 Mais ce n'est pas évident
10:40 d'accepter... - Consolation ou organisation
10:42 d'abord ? - Consolation d'abord,
10:44 il y a une écoute, et l'écoute est
10:46 capitale, parce que l'écoute va permettre
10:48 en fait,
10:50 de dessiner, dans le sens de dessin,
10:52 la cérémonie à venir.
10:54 Après, il y a toute la logistique.
10:56 S'en suivent
10:58 les autres métiers, qui sont
11:00 premièrement
11:02 les soins apportés aux défunts,
11:04 c'est-à-dire, thanatopracteur,
11:06 très important,
11:08 ou non, enfin,
11:10 voilà, et ensuite le maître de cérémonie,
11:12 qui lui, va orchestrer
11:14 la cérémonie, c'est-à-dire,
11:16 organiser les textes, préparer les musiques,
11:18 voilà. Et après,
11:20 le terrain. Le terrain, c'est ce que la
11:22 famille ne voit pas.
11:24 Le terrain, c'est aller dans les mairies,
11:26 récupérer les papiers, c'est de faire
11:28 les demandes de travaux, d'intervenir
11:30 dans les cimetières. Et là, vous avez
11:32 deux autres métiers très importants,
11:34 un, les marbriers,
11:36 c'est-à-dire, ce qu'on appelait avant les faussoyeurs,
11:38 ils existent, ils sont
11:40 chez Hamlet, les faussoyeurs,
11:42 et eux,
11:44 construisent les dernières demeures,
11:46 et puis, les porteurs
11:48 entrent en scène aussi,
11:50 juste avant
11:52 de préparer,
11:54 d'entrer dans la cérémonie.
11:56 - Les porteurs du cercueil, etc.
11:58 - Les porteurs du cercueil ne font pas que porter
12:00 le cercueil. Et ça, c'est
12:02 tout un travail que j'ai
12:04 découvert, et au bout d'un moment,
12:06 ça ne suffisait pas
12:08 de poser des questions,
12:10 d'essayer de trouver quelque chose
12:12 qui allait vibrer en moi, au bout du stylo.
12:14 Même si j'ai rencontré des dizaines et des
12:16 dizaines de personnes, il fallait que je fasse.
12:18 Il fallait que je passe avec eux sur le terrain.
12:20 Il fallait que j'aille plus loin que ma propre
12:22 peur, parce que j'avais jamais vu un défunt,
12:24 en fait, à part les miens.
12:26 - Mais, alors
12:28 justement, juste un mot par rapport,
12:30 qui choisit le cercueil, etc.,
12:32 le matériel, parce que c'est
12:34 quand même la famille qui dit "nous on voudrait
12:36 un cercueil ceci, un cercueil cela".
12:38 Comment ça se passe ? - Bien sûr.
12:40 Je reviens à cet homme qui avait
12:42 perdu sa maman,
12:44 on lui a proposé, donc,
12:46 de choisir un cercueil,
12:48 sur catalogue, ou dans une pièce,
12:50 dans beaucoup de funérariums, il y a des pièces
12:52 où il y a des cercueils qui sont
12:54 exposés au mur.
12:56 C'est une exposition un peu particulière,
12:58 mais, donc on y va, on choisit un
13:00 cercueil. Et,
13:02 8 fois sur 10, la conseillère me disait que
13:04 si je mets la main sur tel cercueil,
13:06 la personne va le choisir.
13:08 Parce qu'elle est perdue, elle est démunie.
13:10 Alors, évidemment, ce n'est pas une
13:12 enquête représentative
13:14 des statistiques françaises,
13:16 c'est quelque chose du terrain. - Intéressant, c'est intéressant.
13:18 - Et ce monsieur qui était
13:20 fils unique, perdu,
13:22 disait "je ne sais pas,
13:24 comme vous voulez".
13:26 "Non monsieur, ce n'est pas moi qui veux,
13:28 moi je ne suis pas là pour vous orienter,
13:30 je suis là
13:32 pour vous aider".
13:34 Alors, on peut penser que
13:36 tous les choix,
13:38 il y a des choses qui sont obligatoires,
13:40 c'est-à-dire,
13:42 le cercueil est obligatoire en France,
13:44 quel que soit son culte,
13:46 le fond du cercueil
13:48 est aussi obligatoire,
13:50 la plaque d'identification est obligatoire.
13:52 Mais, le reste,
13:54 l'essence du bois,
13:56 c'est vous qui la choisissez.
13:58 Vous pouvez prendre un cercueil très cher,
14:00 et un cercueil beaucoup moins cher, en pain.
14:02 Mais il y a un moment où on sent
14:06 qu'il y a un scotch qui est collé sur le cœur
14:08 des endeuillés.
14:10 Parce que pour leurs proches,
14:12 ils veulent le plus beau.
14:14 Parfois, pourtant, pour moi,
14:16 le plus beau n'est pas forcément le plus honnête.
14:18 - Oui, ça c'est autre chose.
14:20 Et, juste,
14:22 entrons aussi dans le détail, les fleurs,
14:24 qui décide ?
14:26 C'est l'organisateur, vous en parlez ?
14:28 La maison
14:30 qui va organiser
14:32 les funérailles, ou bien c'est
14:34 le client,
14:36 qui demande telle ou telle chose ?
14:38 Quelles exigences sont partagées ?
14:40 Vous avez pu voir ?
14:42 - Il n'y a pas d'exigence sur les fleurs.
14:44 J'ai vu des enterrements
14:46 où il y avait une toute petite
14:48 composition florale.
14:50 Je crois que, encore une fois,
14:52 pour les siens,
14:54 on veut le plus beau, le meilleur.
14:56 Et puis, il y a quand même un regard,
14:58 le poids du regard
15:00 de l'extérieur.
15:02 Et ça, c'est aussi les thanatopracteurs
15:04 qui peuvent le dire.
15:06 Un thanatopracteur, en fait,
15:08 lui, s'occupe du défunt.
15:10 Les gens des pompes funèbres
15:12 s'occupent de la famille.
15:14 Et à un moment, tout converge.
15:16 Mais un thanatopracteur
15:18 me disait...
15:20 Un jour, elle avait
15:24 récupéré d'une famille
15:26 un costume,
15:28 et la veuve apporte un costume
15:30 et elle sentait la thanatopracteur,
15:32 enfin, la practice,
15:34 qui avait comme un petit
15:36 itjen.
15:38 "Mais vous êtes sûr qu'il aimait porter des costumes ?"
15:40 "Non, il détestait ça."
15:42 "Pourquoi vous lui donnez un costume ?"
15:44 "C'est vis-à-vis des gens,
15:46 vis-à-vis des autres."
15:48 Le pauvre monsieur est parti avec son costume
15:50 pour l'éternité,
15:52 effectivement.
15:54 Donc, le poids encore
15:56 du regard des autres est très important.
15:58 Et ces personnes aux pompes funèbres
16:00 essayent de juguler,
16:02 de calmer,
16:04 de pacifier aussi, beaucoup.
16:06 Oui, parce qu'il y a
16:08 souvent la tristesse est telle
16:10 qu'elle peut voisiner, je ne dirais pas l'hystérie,
16:12 mais l'excès,
16:14 l'excès en tout genre, d'ailleurs.
16:16 Je crois que quand on est confronté à la perte,
16:18 je crois même que j'en suis sûre pour l'avoir vécu,
16:20 quand on est confronté à la perte
16:22 d'un être cher, tout est chamboulé.
16:24 On est hors sol. On est hors de nous.
16:26 Et évidemment que
16:30 on...
16:32 Parfois les mots dépassent
16:34 les pensées, parfois...
16:36 Mais parfois on s'engueule, et parfois il y a des familles
16:38 qui se déchirent.
16:40 Donc, eux aussi
16:42 ont un rôle
16:44 de nous rassembler au moment
16:46 de la cérémonie, d'essayer
16:48 de calmer.
16:50 Il y a au crématorium,
16:52 puisque j'ai passé aussi un certain temps au crématorium
16:54 à Taillet,
16:56 qui est dans le Loir-et-Cher,
16:58 le directeur du crématorium
17:00 m'a dit "Mais parfois
17:02 il y a des gens qui s'écharpent,
17:04 qui en viennent aux mains,
17:06 à l'extérieur."
17:08 - Mais aux mains, pourquoi ? - Ils se battent.
17:10 - Ils se battent ? - Parce que
17:12 des tensions sont remontées,
17:14 parce que l'équilibre
17:16 a été bouleversé.
17:18 - Et puis c'est pas ça, c'est au moment
17:20 aussi où sortent les tensions sur l'héritage,
17:22 je dis pas que c'est à cause de ça,
17:24 ça existe aussi, comme vous le savez.
17:26 Et à des moments, même là,
17:28 moi j'ai assisté
17:30 chez des amis, pas proches, mais à des histoires
17:32 hallucinantes, au moment de l'entraînement,
17:34 où les uns se reprochaient
17:36 amèrement des choses, enfin bon, on va pas
17:38 entrer dans le détail, mais enfin
17:40 quelquefois j'ai l'impression que tout
17:42 sort à ce moment-là aussi.
17:44 - Tout ressort à ce moment-là. - Tout ressort, oui.
17:46 - Puisque l'équilibre est totalement bouleversé,
17:48 et que nous-mêmes nous le sommes,
17:50 vraiment, hors sol, hors du
17:52 temps, et ce temps, ils essayent
17:54 ne serait-ce que par les horaires,
17:56 tout est très chronométré, tout est très
17:58 millimétré. Un enterrement,
18:00 ça ne se refera pas.
18:02 Donc chaque
18:04 maillon de la chaîne, que ce soit
18:06 les premières personnes, les
18:08 conseillers assistants, maîtres de cérémonie,
18:10 les porteurs, les marbriers,
18:12 le moindre grain de sable
18:14 peut engendrer
18:18 un défaut.
18:20 La famille ne remarquera que ça. - Peut perturber.
18:22 - Parfois on me dit,
18:24 des porteurs m'ont dit, il y avait un mégot
18:26 qui traînait devant le cimetière.
18:28 Nous on n'avait pas fumé.
18:30 Ils ramassent le mégot parce que les gens vont
18:32 s'accrocher à un détail, parce qu'on
18:34 essaie, pour essayer de masquer
18:36 le chagrin, on essaie de s'accrocher
18:38 à ce qu'il y a, entre guillemets,
18:40 de
18:42 vivant. Et bien si une personne
18:44 est un peu maniaque, ça va ressortir
18:46 encore trois fois plus. Et voilà,
18:48 donc on ramasse les feuilles qui tombent des fleurs,
18:50 on fait très attention,
18:52 je l'ai appris,
18:54 on fait très attention quand on installe
18:56 les corbeilles, vous savez, avec
18:58 les bandeaux funéraires
19:00 à mon tonton,
19:02 à nos tatas Josée,
19:04 on fait très attention à ce que
19:06 ces corbeilles soient placées
19:08 d'une certaine façon
19:10 que toute l'assistance, y compris
19:12 ceux qui ont offert cette corbeille,
19:14 puissent se voir de loin.
19:16 - Oui c'est ça, qu'ils savent que
19:18 leur corbeille est là, leurs fleurs sont là.
19:20 - Exactement, mais c'est très précieux.
19:22 - C'est très intéressant, on va continuer à en parler,
19:24 et ça concerne absolument tout le monde,
19:26 ça nous concerne tous,
19:28 et comment justement,
19:30 ces professions, ces métiers
19:32 réagissent à l'ultime.
19:34 - Et puis on prendra toutes vos réactions
19:36 sur Facebook, sur Youtube et au 0826
19:38 300 300 bien sûr, à tout de suite sur Sud Radio.
19:40 13h34 sur Sud Radio,
19:42 on est toujours dans ce Pas à Face avec
19:44 Caroline de Boudina, la journaliste et auteure
19:46 qui vient nous voir pour ce nouveau livre,
19:48 "Demain dès l'aube", c'est aux éditions Flammarion.
19:50 - Alors Caroline de Boudina, il y a aussi
19:52 enfin, c'est évidemment le même métier
19:54 au niveau des trois quarts
19:56 de ce que vous décrivez, le conseil,
19:58 l'organisation, mais
20:00 il y a aussi quand même deux catégories,
20:02 l'une je pense plus importante que l'autre,
20:04 je vais pas vous demander des chiffres exacts,
20:06 entre ceux qui enterrent,
20:08 enfin ceux qui veulent que leurs parents, leurs amours,
20:10 leur fils, leur fille,
20:12 hélas, le géant, on espère
20:14 que ce sera toujours le plus rarement possible
20:16 parce que quelqu'un qui est plus jeune que vous
20:18 qui meurt avant vous, c'est toujours
20:20 encore plus dramatique, mais
20:22 qui veulent donc enterrer, et les autres qui veulent
20:24 "crématiser", comme vous avez dit, ça veut dire
20:26 voilà, on garde les cendres
20:28 et on
20:30 veut surtout pas que...
20:32 Or il y a eu de très très très beaux romans
20:34 qui ont été écrits là-dessus, etc.
20:36 Comment s'est vécu
20:38 ça par rapport aux gens que vous avez
20:40 avec qui vous avez entendu
20:42 par le métier, disons ?
20:44 - Comment s'est vécu quoi ?
20:46 Pardon, excusez-moi.
20:48 - Si vous voulez, est-ce qu'il y a une différence
20:50 pour eux ou pas du tout,
20:52 entre la crématisation
20:54 et l'enterrement ?
20:56 - Vous avez un point commun
20:58 qui est de toute façon le départ.
21:00 Le départ, c'est-à-dire
21:02 le moment
21:04 où le défin
21:06 va
21:08 disparaître de nos yeux.
21:10 Jusqu'au moment
21:12 où le défunt, même s'il est
21:14 dans son cercueil,
21:16 il est toujours présent.
21:18 Jusqu'à ce moment-là, même parfois
21:20 les pompes cunèbres n'utilisent pas
21:22 ils utilisent toujours le présent,
21:24 le verbe présent. Ils ne disent pas
21:26 "votre papa, votre père était"
21:28 "votre père est".
21:30 C'est quelque chose
21:32 de...
21:34 C'est pas un
21:36 élément de langage, il est là.
21:38 Donc, aujourd'hui,
21:40 effectivement,
21:42 presque 40%
21:46 des enterrements
21:48 font l'objet
21:50 d'une crémation.
21:52 - 40% ?
21:54 - Dans les années 80, en début 80, c'était 1%.
21:56 - C'est fou.
21:58 - Une étude est sortie
22:00 il n'y a pas très très longtemps,
22:02 dans un panorama du funéraire.
22:04 - Vous voulez dire en 40 ans, c'est passé de 1 à 40% ?
22:06 - C'est énorme.
22:08 - La crématisation a été reconnue par
22:10 l'Église catholique en 1963.
22:12 - C'est vrai que...
22:14 - Et il y a
22:16 deux types de départs. C'est départ
22:18 qu'on soit dans un cimetière, c'est-à-dire
22:20 une inhumation. C'est-à-dire que
22:22 le moment où le cercueil
22:24 va descendre en terre
22:26 est aussi déchirant que le moment
22:28 où le cercueil va partir
22:30 dans l'appareil de crémation.
22:32 - On voit les flammes.
22:34 On voit...
22:36 tout dépend de...
22:38 Il y a un peu plus de 200
22:40 crématoriums en France.
22:42 - Parce que moi j'ai assisté au columbarium
22:44 au Père Lachaise.
22:46 Je vous le dis parce que
22:48 j'ai assisté à une inhumée
22:50 et il y avait les personnes
22:52 les plus moches, mais quand on a
22:54 le rideau de fer, on a vu
22:56 les flammes. On a vu le cercueil
22:58 entrer dans les flammes.
23:00 C'était d'ailleurs...
23:02 - Très impressionnant.
23:04 - C'est presque inhumain, je trouve.
23:06 Là où j'étais,
23:08 là où j'étais
23:10 au crématorium de Thayer,
23:12 c'est le moment que l'on appelle
23:16 la visualisation.
23:18 Vous vous demandez, on vous demande,
23:20 le maître de cérémonie vous demande d'arriver au crématorium.
23:22 Voilà.
23:24 Est-ce que vous voulez
23:26 assister au départ
23:28 dans l'appareil de crémation ?
23:30 Ils ne disent pas la mise à la flamme,
23:32 ils disent au départ dans l'appareil
23:34 de crémation. Nous vous prévenons,
23:36 cette image n'est peut-être pas
23:38 la plus belle à garder.
23:40 Elle est dure.
23:42 Il réexplique le fonctionnement,
23:44 c'est-à-dire que c'est un bras mécanique qui pousse
23:46 le cercueil, évidemment,
23:48 dans l'appareil de crémation.
23:50 Et en fait,
23:52 8 fois sur 10, les gens demandent
23:54 cette visualisation.
23:56 Sinon, on ne peut pas...
23:58 On est obligé,
24:00 quand on est dans les pompes funèbres,
24:02 quand on accompagne
24:04 les endeuillés, de leur proposer,
24:06 on ne sait pas, nous, ce qu'ils ont vécu
24:08 avant, avec leur défunt.
24:10 On ne sait pas quelle est l'image la plus dure.
24:12 Parfois, celle que nous, on va considérer
24:14 la plus dure,
24:16 elles ne l'auront pas été pour elles. C'est pas celle-là.
24:18 Donc, peut-être, certains en ont besoin
24:20 pour faire leur deuil.
24:22 Mais qu'il s'agisse... J'ai discuté,
24:24 bien évidemment, il passait du temps avec ce qu'on appelle une personne
24:26 qui est un agent de four. Il me disait
24:28 "Moi, je suis aussi bien porteur,
24:30 donc je fais des mises en terre,
24:32 et agent de four."
24:34 Et les deux sont aussi
24:36 déchirants.
24:38 Et les porteurs, vous diront, dans un cimetière,
24:40 mais c'est horrible. Parfois,
24:42 on se retourne vers nos fleurs,
24:44 c'est terrible d'entendre
24:46 "Au revoir, papa, au revoir,
24:48 maman, adieu, à bientôt, peut-être,
24:50 fais bon voyage."
24:52 C'est... Son écrit,
24:54 parfois, c'est déchirant.
24:56 Moi, je vous assure qu'au début,
24:58 heureusement qu'il y a des
25:00 ailes, parfois, dans les cimetières, parce que
25:02 je me cachais pour pleurer. Je pleurais
25:04 des départs de personnes que je n'avais
25:06 jamais vues. Et ça, il ne
25:08 faut pas le faire. C'était une erreur
25:10 de stagiaire,
25:12 de jeunesse. - Vous ne savez pas
25:14 votre métier, aussi. Enfin, eux... - J'avais pas encore
25:16 un an de pompe. Parce que vous savez, quand on est dans
25:18 les Pompes Unies, ils disent "Moi, j'ai 30 ans de pompe."
25:20 "30 ans de pompe." Mais moi,
25:22 je n'ai qu'un an de pompe. Et encore une fois,
25:24 on peut être autonome, on parvient
25:28 à être autonome, par exemple, quand on est conseiller,
25:30 après 5 ans de pratique.
25:32 - Mais bien sûr, c'est pas...
25:34 - C'est quelque chose...
25:36 C'est un métier, une vocation qui vient.
25:38 Le sens de l'autre vient
25:40 avec les autres. Chaque enterrement est différent,
25:42 chaque famille est différente, chaque défunt
25:44 est différent.
25:46 - Ce qui est extraordinaire, c'est qu'il n'y a pas
25:48 une ville, effectivement, où il n'y a pas pompe funèbre.
25:50 On le sait, on en rappelle.
25:52 Même quand on passe dans une ville,
25:54 pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'enterrement
25:56 ou la mort de quelqu'un,
25:58 et puis vous voyez.
26:00 En tout cas, vous êtes rappelé à l'ordre,
26:02 je tiens, ou au désordre.
26:04 - Oui, alors,
26:06 cette immersion, c'est aussi une série
26:10 de premières fois.
26:12 La première fois, effectivement,
26:14 que j'ai assisté à cette
26:16 rencontre entre l'inconsolable
26:18 et la consolation, c'est-à-dire ce
26:20 pauvre monsieur qui pensait sa maman éternelle
26:22 jusqu'à la veille. Mais
26:24 la première fois que je suis montée dans un corbillard.
26:26 Bon,
26:28 à l'avant, tant mieux.
26:30 Mais la façon dont les gens vous regardent,
26:32 nous,
26:34 on essaye de sourire,
26:36 on sourit aux gens que l'on croise quand on s'arrête
26:38 au feu rouge, mais les gens détournent le regard.
26:40 Nous sommes des porte-poèces.
26:42 Et un jour, on sortait
26:44 d'un...
26:46 d'une exhumation.
26:48 Et on s'est
26:50 arrêtés
26:52 à Mc Donald's.
26:54 J'étais à Bourges.
26:56 On s'est arrêtés avec le porteur.
26:58 - Pour manger ? - Oui, pour aller chercher à déjeuner.
27:00 Parce qu'on avait commencé à 5h56,
27:02 c'est l'heure à laquelle
27:04 je m'étais garée sur le parking.
27:06 On était allés à Isoudun,
27:08 on revenait à Bourges. Enfin bon, on s'est arrêtés,
27:10 mais on avait ce qu'on appelle le transporteur.
27:12 Donc, naïvement, je...
27:14 - Donc vous êtes arrêtés avec le corbillard ?
27:16 - Oui, mais le corbillard, ça marche pour les voitures,
27:18 mais pas très bien pour le corbillard.
27:20 Les pneus avaient un peu fait "tcouc"
27:22 sur leur bord. Bon, je vais chercher
27:24 la commande, et je
27:26 rentre dans le corbillard, et je me dis,
27:28 il y a le parking un peu plus loin, on s'arrête.
27:30 Et là,
27:32 le porteur,
27:34 qui est aussi marbrayé, me regarde
27:36 et me dit "mais t'es bête ou quoi ?"
27:38 "Mais t'es folle !
27:40 Personne ne sait qu'on a personne, justement,
27:42 derrière nous."
27:44 Si les gens nous voient,
27:46 et je reprends son expression "becter un
27:48 McDo dans le corbillard",
27:50 ils sont capables, ils nous détestent les gens,
27:52 ils sont capables d'appeler le patron
27:54 et dire "ben vous savez quoi ? Un jour, on aura besoin
27:56 de vous, ben on appellera la concurrence."
27:58 Donc on a dérivé 12 kilomètres plus loin,
28:00 imaginez la tronche des frites,
28:02 froide, dans un cimetière,
28:04 ce que je raconte, on a
28:06 grignoté notre hamburger froid
28:08 entre le transporteur
28:10 et le mur du cimetière,
28:12 et on est allé se promener dans un des plus jolis cimetières.
28:14 - On ne veut pas vous voir.
28:16 - Sans décès, non.
28:18 - On ne veut pas vous connaître,
28:20 et n'oubliez pas, Philippe Ariès a
28:22 admirablement décrit ça,
28:24 "la mort, on ne veut plus la voir."
28:26 Avant, les gens mouraient dans les maisons,
28:28 ils traversaient,
28:30 quand je finirais de traverser
28:32 les villages,
28:34 depuis 50 ans, finie,
28:36 il n'y a pas de mort, ça n'existe pas.
28:38 - On a peut-être des auditeurs, pour Caroline de Bodylar.
28:40 - Oui, nous avons Jean qui nous appelle depuis Paris.
28:42 Bonjour Jean.
28:44 - Bonjour à vous deux.
28:46 J'appelais juste pour apporter un témoignage.
28:48 Je suis content que ce sujet vienne dans votre émission,
28:50 M. Bercoff,
28:52 parce qu'effectivement,
28:54 en quelques mois,
28:56 j'ai eu affaire
28:58 deux fois aux pompes funèbres,
29:00 une fois les pompes funèbres catholiques
29:02 pour ma vieille maman,
29:04 et une fois,
29:06 beaucoup plus récente,
29:08 pour un ami musulman.
29:10 Dans les deux cas,
29:12 j'ai vraiment trouvé
29:14 que les choses
29:16 ont été extrêmement bien faites,
29:18 surtout sur le plan moral,
29:20 bien sûr, sur le plan de l'organisation,
29:22 mais sur le plan moral.
29:24 Par exemple,
29:26 lors de ces obsèques musulmanes récentes,
29:28 j'étais le seul,
29:30 manifestement,
29:32 qui n'était pas de ces obsèques,
29:34 qui n'était pas de cette communauté.
29:36 J'étais dans un des coins du parking,
29:38 la personne des pompes funèbres
29:40 islamiques est spontanément
29:42 venu me trouver pour
29:44 m'assurer si je faisais bien partie
29:46 de ce groupe, etc.
29:48 Elle s'était extrêmement
29:50 attentionnée, et d'ailleurs, par la suite,
29:52 pratiquement, comme elle avait compris
29:54 que j'étais un très bon ami
29:56 du dessin,
29:58 presque maître au centre
30:00 de cette petite communauté,
30:02 et donc, à la première expérience,
30:04 les pompes funèbres catholiques
30:08 étaient effectivement extrêmement positifs,
30:12 à tel point
30:14 que des amis
30:16 qui étaient avec moi
30:18 pour l'immunisation de ma maman
30:20 ont eu, eux-mêmes, par la suite,
30:22 un décès dans leur famille.
30:24 - Donc, pour vous, ce sont
30:26 des expériences très positives.
30:28 - Alors, très positives,
30:30 et je pense qu'en plus, ces personnes-là,
30:32 ça a été un peu évoqué au début de l'émission,
30:34 prennent beaucoup sur elles, et ont
30:38 particulièrement souffert de la période Covid,
30:40 parce que, justement, la personne
30:42 des pompes funèbres catholiques,
30:44 quand on a dit, "ben, finalement,
30:46 on vient d'avoir un décès, on aimerait bien avoir
30:48 à faire à elle", et je me suis
30:50 rendu compte, comme ça, qu'elle avait fait un
30:52 burn-out à cause de ce qu'elle avait vécu
30:54 pendant le Covid.
30:56 Donc, voilà, je salue
30:58 le fait que vous rendiez hommage à cette profession.
31:00 - Oui, c'est Caroline
31:02 de Bodina qui rend très bien
31:04 hommage à cette profession.
31:06 Je vous conseille de lire le livre, parce que
31:08 il fourmille énormément
31:10 de...
31:12 j'allais dire d'anecdotes, bien sûr,
31:14 que Pam, enfin, d'histoires,
31:16 d'histoires au bon sens du terme,
31:18 et c'est très important.
31:20 Je crois qu'on a Sylvie... - Oui, Sylvie, qu'on va retrouver
31:22 après cette courte pause, qui nous appellera
31:24 depuis Bordeaux, à tout de suite, sur Sud Radio.
31:26 - 48 sur Sud Radio, on continue
31:28 ce Face à Face avec Caroline de Bodina,
31:30 et puis nous accueillons Chantal, qui nous appelle de Prades.
31:32 Bonjour, Chantal. - Oui, bonjour,
31:34 et bienvenue.
31:36 Je comprends tout à fait
31:38 tout ce que l'on vient de dire.
31:40 J'ai vécu des deuils,
31:42 bien sûr, comme tout le monde, mes parents,
31:44 des amis, des gens très chers,
31:46 mais pour moi, tout ça, ça a toujours été
31:48 quelque chose de normal.
31:50 Donc, moi, personnellement,
31:52 je fais dente de mon corps à la médecine.
31:54 Je vais faire une boutade, j'en suis désolée
31:56 pour les autres, mais il faut le prendre comme je le vis.
31:58 C'est un retour sur investissement.
32:00 Je suis quelqu'un qui a été extrêmement malade,
32:02 qui s'est énormément servi de la médecine.
32:04 Donc, je pense que mon corps doit servir
32:06 à autre chose. Maintenant,
32:08 la sacralisation du corps, pour moi, n'existe pas.
32:10 Il y a quelques jours, je l'a menée une amie
32:12 très âgée devant la tombe
32:14 de ses anciens, parce qu'elle va y aller.
32:16 Mais j'étais, comment vous dire,
32:18 dans un endroit impersonnel
32:20 en totalité. Mes grands-parents étaient un peu plus bas,
32:22 mais pour moi, mes grands-parents ne sont plus là.
32:24 Et tout ce que j'ai vécu
32:26 pour des histoires personnelles
32:28 dans ma vie privée,
32:30 où j'ai vu ce que c'était
32:32 un petit peu que le,
32:34 comment vous dire, d'une façon
32:36 très simple, l'abus
32:38 souvent, je ne dis pas que
32:40 c'est général, mais l'abus
32:42 souvent de cette faiblesse dans laquelle
32:44 les gens sont quand ils perdent quelqu'un,
32:46 parce qu'ils ne sont pas préparés.
32:48 Depuis le début de leur vie, on voit mes enfants et mes petits-enfants,
32:50 je les prépare à ça. C'est inévitable.
32:52 Et donc je désacralise
32:54 tout ça, moi, mes enfants, pour se retrouver du caniclou
32:56 au point de bord.
32:58 Mais en même temps, je respecte tout à fait
33:00 et je comprends tout à fait
33:02 le besoin de la sacralisation
33:04 de ce départ.
33:06 Ça, je le conçois absolument.
33:08 - Oui, même si vous ne le partagez pas, mais c'est très bien.
33:10 D'abord, vous êtes ouverte
33:12 et ça, c'est tout important.
33:14 - Que d'autres choses existent.
33:16 - Bien sûr. C'est intéressant, ça,
33:18 le don de son corps à la science,
33:20 c'est-à-dire que, en fait,
33:22 ce n'est pas la négation des
33:24 ponts funèbres et de l'enterrement.
33:26 - Non, non, mais bien sûr.
33:28 - Chantal, mais c'est pour ça que c'est intéressant
33:30 votre intervention.
33:32 C'est-à-dire que vous dites
33:34 "oui, mais bon, d'accord,
33:36 c'est un moment comme un autre, c'est un stade
33:38 comme un autre, et c'est une évolution comme une autre,
33:40 et en fait,
33:42 ça n'existe pas, et enfin,
33:44 en tout cas, c'est un stade d'évolution.
33:46 Caroline de Bodina, ça vous inspire quoi ?
33:48 - Ça m'inspire
33:52 qu'il y a
33:54 dans cette
33:56 démarche, qui est tout à fait noble,
33:58 parce que très peu de gens
34:00 font don de leur corps à la science
34:02 ou le souhaitent.
34:04 Il y a des cérémonies que j'ai vues,
34:06 parce que la famille,
34:08 après que le défunt
34:10 ait fait don de son corps à la science,
34:12 la famille a
34:14 demandé une cérémonie.
34:16 C'était une cérémonie particulière.
34:18 Il n'y avait pas
34:20 évidemment plus l'enveloppe,
34:22 elle célébrait
34:24 l'âme,
34:26 c'est-à-dire la présence
34:28 et le souvenir. Et chaque année,
34:30 au crématorium de Thaïlle où j'ai travaillé,
34:32 il y a ce qu'ils appellent la nuit des étoiles,
34:34 où chacun
34:36 se regroupe, parce que
34:38 c'est important
34:40 de parler de nos défunts,
34:42 parce que
34:44 peut-être ça nous permet
34:46 de les avoir toujours
34:48 au cœur et en vie.
34:50 - Parler de ses défunts,
34:52 c'est un hymne à la vie.
34:54 C'est pas du tout un hymne uniquement
34:56 au regret, à la nostalgie, au passé.
34:58 - Non mais bien sûr, ils sont présents en nous.
35:00 - C'est ça. Tant que vous êtes là,
35:02 ils seront présents en vous.
35:04 - Ecoutez la chanson, je l'ai souvent
35:06 écoutée, de Grand Corps Malade,
35:08 qui s'intitule "Nos Absents". Elle est magnifique
35:10 cette chanson.
35:12 On sait que, de toute façon,
35:14 parfois,
35:16 on est dans un
35:18 réconfort utopiste.
35:20 Mais
35:22 "Nos Absents" forme une présence
35:24 en nous qui nous fait vivre aussi.
35:26 - Bien sûr. Ils vous
35:28 font vivre et vous les fait
35:30 vivre. - Merci beaucoup Chantal.
35:32 Pour votre appel, on accueille Sylvie, qui nous appelle
35:34 depuis Bordeaux. Bonjour Sylvie. - Bonjour Sylvie.
35:36 - Oui, bonjour à tous les deux.
35:38 Je voulais vous faire part d'une expérience
35:40 quelque peu désagréable, pour le moins
35:42 que nous avons vécu.
35:44 En février dernier, ma belle-mère est morte.
35:46 Mon mari était là. Les pompiers ont
35:48 tenté de la ranimer. Bon, elle est décédée.
35:50 Les pompes funèbres sont arrivées.
35:52 Le patron lui-même était là.
35:54 Il a proposé à mon mari de prendre
35:56 des bijoux tout de suite. Il y avait
35:58 un collier, une bague, une alliance. Il n'y avait pas grand-chose.
36:00 Mais enfin, il a proposé de les prendre
36:02 tout de suite, ou de les garder
36:04 dans son coffre
36:06 jusqu'à ce que mon mari puisse passer.
36:08 C'est la solution qu'a choisie mon mari.
36:10 Quelques jours sont passés.
36:12 Elle a été incinérée.
36:14 Et quand mon mari a voulu
36:16 prendre les bijoux,
36:18 on lui a dit "Ah ben non, on n'avait pas
36:20 d'instruction. La personne a été incinérée
36:22 avec."
36:24 Et là, bien sûr, plus personne.
36:26 Ni par mail, ni par téléphone, etc.
36:28 Et on s'est trouvés
36:30 comme fort dépourvus.
36:32 Parce qu'en fait, c'était
36:34 parole contre parole.
36:36 Et nous n'avons pu rien faire.
36:38 - Je comprends.
36:40 Est-ce qu'on ne peut pas dire qu'il y a
36:42 dans tout métier, dans toute profession,
36:44 il y a des gens qui ne se comportent pas ?
36:46 - Tout à fait. Mais maintenant, j'en parle autour de moi.
36:48 Parce que je dis, ça peut arriver.
36:50 C'est quelque chose qu'on ne pensait pas possible.
36:52 Parce que prendre des morts
36:54 sur une personne décédée
36:56 et les garder, mentir
36:58 à la famille, c'était quelque chose
37:00 qu'on ne pouvait pas concevoir.
37:02 C'est possible. Donc, voilà.
37:04 J'avertis les personnes qu'il faut être vigilantes
37:06 même là. Et même
37:08 dans ces moments-là.
37:10 - Je suis désolée pour vous, madame.
37:12 Permettez-moi
37:14 de vous poser
37:16 une question.
37:18 Je suis...
37:22 Il y a
37:24 une série de documents
37:26 que les pompes funèbres
37:28 font signer aux familles
37:30 avant
37:32 la levée de corps,
37:34 lorsqu'ils font un transfert.
37:36 C'est un inventaire.
37:38 Et normalement,
37:40 vous avez
37:42 le double de cet inventaire.
37:44 - On ne l'a pas eu. Parce qu'elle a été
37:46 incinérée dans les Landes, c'est-à-dire
37:48 dans un département proche.
37:50 Mais elle n'a pas été incinérée sur place.
37:52 Et mon mari affirme ne pas avoir eu le document.
37:54 Voilà.
37:56 - Bah non. - Bah oui, on ne peut pas.
37:58 C'est trop tard.
38:00 Mais
38:02 il faut être aussi vigilant.
38:04 C'était l'objet de mon appel.
38:06 - Il faut toujours être vigilant. Et surtout, effectivement.
38:08 Merci, Céline. - Merci.
38:10 - Pour votre appel, on accueille Elisabeth
38:12 de Noisy-le-Grand. Bonjour, Elisabeth.
38:14 - Oui, bonjour à toute l'équipe
38:16 de Cédradio. Et bonjour
38:18 à André Bercoff, pour qui j'ai une énorme
38:20 admiration et que j'écoute tous les midis
38:22 entre midi et deux pendant mon sport.
38:24 - Ah, c'est très bien. Pendant votre sport, ça va vous faire
38:26 un bien fou, ça, c'est clair. - Oui, puis ça me
38:28 met de la rage et ça m'aide.
38:30 [Rires]
38:32 - Mais oui, Elisabeth. - Alors, j'ai eu une question.
38:34 En fait, je me posais la question
38:36 comment font-ils
38:38 tous ces gens qui travaillent au niveau
38:40 funéraire pour rentrer chez eux
38:42 et ne pas avoir toutes ces images,
38:44 toute cette tristesse, toute...
38:46 Je me posais la question, comment font-ils ?
38:48 - Oui, parce qu'ils font ça toute la journée,
38:50 etc. Comment se sent-il ? - Bah, toute la journée,
38:52 et puis ils voient des situations différentes, des enfants,
38:54 enfin, c'est difficile.
38:56 - C'est une très bonne
38:58 question, Elisabeth. C'est vrai, le moral,
39:00 comment alors ? Vous qui avez vécu ça
39:02 un an de pompe, c'est déjà pas mal.
39:04 Alors,
39:06 comment font-ils ? C'est vrai que... - En fait, c'est la question
39:08 que j'ai souvent posée,
39:10 parce que cette
39:12 question me taraudait.
39:14 Comment vous faites pour couper ?
39:16 Euh...
39:18 Ils parlent,
39:20 donc,
39:22 des transferts, des convois,
39:24 on dit, en fait, dans le jargon
39:26 de la profession, on dit "convoi" au lieu de
39:28 "enterrement", en fait, c'est... Voilà.
39:30 Ils parlent énormément entre eux.
39:32 Ils échangent beaucoup.
39:34 Ils sont obligés. Certains...
39:36 Vous savez, en fait, les pompiers
39:38 ne transportent pas les morts en
39:40 France. Les seules habilités
39:42 à transporter nos défunts
39:44 sont les pompes funèbres. - Oui, tout à fait.
39:46 Donc, enfin, ils parlent
39:48 d'autres choses aussi pendant leur...
39:50 Leurs heures de travail, etc.,
39:52 ils ne sont pas... - Ça dépend,
39:54 parce que j'ai un...
39:56 Il y a une des... On parle, quand on est
39:58 ensemble, on parle énormément d'un transfert
40:00 qu'on a fait, on parle d'un convoi,
40:02 on parle de
40:04 la famille, on parle beaucoup,
40:06 beaucoup de ce qu'on a vécu
40:08 dans la journée. Ça permet, parfois,
40:10 de couper. Quand ils sont
40:12 d'astreinte, c'est-à-dire que...
40:14 Euh...
40:16 Une fois... Enfin...
40:18 Un jour par semaine,
40:20 une équipe est d'astreinte
40:22 de jour comme de nuit.
40:24 C'est-à-dire qu'on peut les appeler à n'importe quelle heure.
40:26 Et...
40:28 Ils ont 30 minutes pour arriver,
40:30 prendre le transporteur
40:32 et aller chercher
40:34 le défunt, signer les papiers.
40:36 Voilà. - C'est ça.
40:38 - Quand on revient, on en parle aussi énormément.
40:40 Plus ça a été difficile, plus
40:42 on en parle. - Plus on en parle.
40:44 - Et c'est aussi... Parfois, ils me disent
40:46 "Moi, je coupe parce que j'ai...
40:48 j'ai enlevé mon costume,
40:50 ôté mon costume, pardon,
40:52 pris une douche et j'essaie de rentrer
40:54 dans ma nouvelle vie." - Voilà.
40:56 C'est un métier, en fait,
40:58 comme les autres, on peut dire, quelque part.
41:00 Même s'il est différent, évidemment,
41:02 par la fin. Par la fin, je veux dire
41:04 au sens de l'objectif. En tout cas, lisez
41:06 le livre de Caroline de Bodinat
41:08 parce que...
41:10 Il vous ouvrira. - Merci, Caroline de Bodinat,
41:12 d'avoir été avec nous. - Merci à vous.
41:14 - Je vous rappelle, ce livre, demain, dès l'aube, c'est publié
41:16 aux éditions Flammarion.
41:18 Tout de suite, vous avez rendez-vous avec Brigitte Lehé
41:20 sur Sud Radio. Quant à nous, André Percov revient demain midi,
41:22 comme tous les jours, à demain, sur Sud Radio.

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