Mardi 21 janvier 2025, SMART BOURSE reçoit Alain Bokobza (Responsable de la stratégie d'allocation d'actifs mondiale, Société Générale CIB)
Catégorie
🗞
NewsTranscription
00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourg, chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13Le thème ce soir, c'est celui de la stratégie 2025 pour naviguer dans les marchés globaux.
00:18C'est Alain Bocopza qui est à mes côtés en plateau, le responsable monde de la stratégie
00:22d'allocation d'actifs de Société Générale.
00:24CIB Alain, bonsoir, bienvenue, merci beaucoup d'être avec nous.
00:29Pour évoquer les enjeux de 2025, comment on raisonne en matière de construction de
00:33portefeuille, de construction de l'allocation globale d'actifs pour cette année 2025 ?
00:38Vous avez identifié, vous et vos équipes, quatre nouveaux chapitres dans cette histoire
00:432025 qui sont autant de potentiels game changers ou en tout cas des événements ou des logiques
00:51qui pourraient modifier profondément la course ou les dynamiques de marché qu'on observe
00:56et qu'on a pu observer à travers l'année 2024 par exemple.
00:59Alain, j'imagine qu'un des chapitres au moins et peut-être même le premier est consacré
01:04à l'arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, est-ce que ça pourrait changer de la conduite
01:09de la politique aux Etats-Unis ?
01:11Bien évidemment la réponse est oui, maintenant on ne va pas jouer l'arrivée de Donald Trump
01:19deux fois.
01:20Fin septembre, les marchés ont pris un pari sur les actions américaines, sur le dollar
01:26américain qui a bien monté depuis, on ne va pas le faire deux fois.
01:29Il est là, il a été investi hier, à partir de maintenant on va essayer de sortir des
01:35suppositions qui étaient échangées via des réseaux sociaux, tout son casting, son
01:41équipe est connue, maintenant ça arrive, c'est l'exécution du programme et il va
01:46y avoir certaines mesures qui ont été débattues qui seront implémentées ou pas, d'autres
01:50qui vont l'être, avec un horizon temporel qui sera ce qui sera.
01:53Donc le travail qui doit être fait par les marchés aujourd'hui, par nous tous, c'est
01:57de connect the dots, c'est-à-dire d'imaginer le déroulé, il y a eu un discours hier qui
02:04était très sociétal, ce n'est pas nécessairement un discours qui a beaucoup d'impact sur les
02:09cours de bourse, et maintenant on va s'ouvrir une séquence qui va être sur la politique
02:14commerciale, dans les tarifs, qui va être sur le vote nécessaire au Congrès, sur le
02:21maintien des niveaux très bas d'imposition des entreprises, à 21%, ça coûte 4300
02:26milliards sur 10 ans, c'est un vote très très lourd au Congrès, il n'est pas du tout
02:30évident qu'ils l'obtiennent sans lobbying intense, Paycent a déjà commencé, il va
02:35y avoir d'autres mesures sur l'arrêt violent de la décarbonation de l'économie, drill
02:42baby drill, ça c'est clairement pas très positif sur le prix du baril, il y a différents
02:48chapitres, et semble-t-il sur le premier chapitre qui est de loin le plus important
02:53à mon avis pour le pricing de marché, global, pour les Etats-Unis, pour le reste du monde
02:57qui est la politique commerciale et la politique de tarifs, les dernières indications qui
03:02restent à confirmer sont l'exécution progressive des tarifs utilisés comme argument de négociation,
03:09je n'ai pas dit de marchand de tapis, mais je te mets des tarifs à X%, éventuellement
03:15si tu me donnes en échange ceci, je ne te les mets pas, et donc il va y avoir des relations
03:19bilatérales, toute l'organisation du commerce mondial est multilatérale depuis la fin de
03:24la seconde guerre mondiale, et il attaque en bilatéral, donc là on a écouté sur
03:28le Mexique, sur le Canada, on n'a pas écouté grand chose sur le contre la Chine à l'exception
03:34d'un chiffre de 60%, il n'y a aucun détail sur l'exécution, c'est ça que vont vivre
03:37les marchés, et s'il y avait une variable sur laquelle j'essaierais de faire la synthèse
03:43pour les progrès des marchés, c'est qu'il y a beaucoup d'anticipations très consensuelles
03:49comme quoi les politiques de M.Trump seraient inflationnistes pour les Etats-Unis, je mets
03:54le joker en disant, il a fait toute sa campagne électorale à agresser le camp adverse, des
04:02démocrates, en disant vous avez raté un cycle d'inflation, le peuple américain a
04:05souffert d'un cycle d'inflation, je trouverais ça pour le moins irraisonné, irrationnel
04:13que de mener une politique qui soit inflationniste compte tenu de la campagne qu'il a faite
04:17et quel brio dans cette campagne, ça ne correspondrait pas à l'animal politique extraordinaire
04:22qu'est Trump, et ses priorités politiques, donc s'il devait y avoir certaines mesures
04:26inflationnistes, il se peut qu'il y en ait d'autres dont le drill baby drill, c'est-à-dire
04:30de provoquer à partir des 80 dollars qu'on a aujourd'hui, une baisse du prix du baril
04:34de façon à générer au total des régimes d'inflation qui resteraient raisonnables.
04:39Mais pour comprendre la manière dont les marchés pourraient fonctionner, au regard
04:42de ce qui a déjà été intégré de Trump, comme vous le disiez, depuis septembre, avant
04:47même la victoire officielle de Trump à l'élection présidentielle, à travers le dollar par exemple
04:53ou les marchés obligataires, Trump va plutôt délivrer ou est-ce qu'il va décevoir à
04:57un moment ce qui a été intégré ?
04:59Je pense qu'à ce stade, sur quelques-unes des très grandes mesures, on a évoqué une
05:08entrée progressive d'une nouvelle politique commerciale, on a évoqué la reconduction
05:15des niveaux d'imposition très faibles sur 10 ans, ça, ça peut être voté pour autant
05:22qu'il y ait, donc ça coûte très cher, la pérennisation des niveaux d'imposition très
05:27bas des entreprises, on a évoqué un chiffre supérieur à 4000 milliards de dollars sur
05:31les 10 prochaines années, ça peut être en matière de déficit budgétaire, partiellement
05:38compensé par le DOJ, c'est-à-dire le cost-cutting qu'ils veulent faire, les coupes dans les
05:46administrations, dans les hautes autorités sectorielles par-ci par-là qui coûtent cher
05:51en matière des réglementations, la réglementation, il faut des troupes pour l'animer, donc on
05:56n'a aucune idée à ce stade, on connaît le casting avec monsieur Musk, on ne connaît
06:03pas du tout le contenant, il n'y a pas une demi-mesure qu'on connaît pour l'instant,
06:06donc il va y avoir dans les semaines qui viennent, le fait qu'il prenne son temps
06:12et plutôt de bonne augure sur la qualité de l'ensemble de la politique économique
06:16avec cette fois-ci une administration américaine qui est dans son camp, qui est préparée
06:21pour un certain nombre de mesures qui seront annoncées, donc à ce jour, la progressivité
06:27ou le brutal, c'est un peu un des enjeux, semble-t-il sur les mesures économiques phares
06:34qui impactent sur les actifs, que ce soit la monnaie, le dollar, les taux d'intérêt
06:40obligataires et le taux de financement d'un état très endetté et ou les marchés d'action,
06:45semble-t-il, il semble vouloir avancer progressivement, à ce stade, c'est très tôt, c'est très
06:52tôt, mais on découvre sa gouvernance au fur et à mesure qu'elle se déroule et les
06:57premières décisions sur ce qui va bouger, donc les régimes de volatilité, semble-t-il,
07:04ils avancent pour l'instant avec précaution.
07:06Concernant l'Europe, est-ce qu'il est possible de bâtir un scénario et une stratégie d'investissement
07:13autre qu'un scénario prudent voire négatif ? Qui est-ce qui a l'impression, a un peu
07:22le consensus toujours autour de l'Europe ? C'est médiocre, ça ne va pas aller mieux.
07:29Il y a déjà un premier constat qu'on peut faire qui consiste à dire que si je vous
07:37avais dit deuxième année consécutive de récession en Allemagne, fragilisation politique
07:45de certains très grands pays d'Europe, qui peut comprendre aussi le Royaume-Uni, mais
07:50pas que, avec un taux de croissance largement en dessous de 1 quand les Etats-Unis sont
07:58proches de 3, et que je vous avais dit en début 2024 les actions européennes feront
08:04ce qu'elles ont fait, c'est-à-dire un nombre supérieur à 2 chiffres, vous m'auriez rigolé
08:08au nez.
08:09Peut-être pas.
08:10Donc on se plaint, en comparaison de ce qu'ont fait les Etats-Unis, c'est pour les épargnants,
08:15que ce soit des particuliers, que ce soit pour des institutionnels, des taux de rendement
08:19plus dividendes qui sont très significatifs.
08:22Si vous faisiez ça tous les ans dans les dix prochaines années, ça fait des taux
08:25de rendement annualisés qui sont exceptionnellement élevés.
08:27Donc arrêtons de nous tirer une balle dans la tête, c'est surtout la sous-performance
08:32des actions européennes par rapport à l'exceptionnalisme des actions américaines plus la variation
08:36du dollar, c'est ça qui nous frustre.
08:38C'est pas en tant que tel, compte tenu des conditions économico-politiques, quelque
08:43chose, heureusement évidemment qu'on a eu la Banque Centrale avec nous, la Banque Centrale
08:47européenne et aussi la Réserve Fédérale qui ont enclenché un rythme d'assouplissement
08:51qui n'est pas terminé, ça, ça a aidé.
08:53Mais au total, c'est pas comme si on assistait à un désastre de la performance des marchés
08:59d'actions, c'est mon premier point.
09:01Deuxièmement, il est évident, tout le monde le dit, tout le monde le calcule, les actifs
09:08européens, que ce soit l'euro lui-même ou que ce soit les actions européennes, sont
09:13vraiment pas chers.
09:14Je n'ai pas dit Bradé, mais je le pense.
09:18Quand on fait de la finance comportementale et quand on observe par le biais d'évaluation
09:25un actif, la sous-évaluation d'un actif n'est jamais suffisante pour allouer, c'est
09:31le responsable de l'allocation d'actifs qui parle, il faut un déclencheur, un trigger
09:35on dirait en anglais.
09:36L'un sans l'autre ne suffit pas.
09:38Ça fait plusieurs années que les actions européennes ne sont pas très chères, elles
09:42montent, moins vite que les actions américaines, pour que l'écart change, il faut un trigger.
09:48Et idem pour l'exceptionnalisme de la performance des actifs américains, entre le dollar et
09:53les actions américaines, il faut un trigger, ça peut être la déception des profits des
09:57Magnificent Seven, ça peut être un discours du président Trump qui dit, pour la compétitivité
10:03il me faut un dollar baissier, celui-là on ne verra pas le dollar monter, voilà il
10:06faut des triggers.
10:07Alors parmi ces triggers, c'est ceux qu'on va fouiller, on est value, c'est pas cher.
10:12Dans les triggers, il y a le soutien de la Banque Centrale Européenne, il est bien installé,
10:20elle va continuer, sans être nécessairement aussi agressive que certaines anticipations
10:26de marché veulent bien le dire, mais elle est là pour donner un soutien, ça va aider
10:30au marché obligataire pour maintenir des taux de financement courts et longs qui soient
10:34raisonnablement bas, ça va aider le marché immobilier, ça va aider la confiance, il
10:38y a tout un écosystème au niveau du régime de taux qui va un peu s'améliorer, vertueux
10:43qui est progressif mais qui a des vertus sur la remise en place du crédit bancaire vis-à-vis
10:49du marché immobilier qui est en train de se produire, il y a un effet vertueux sur l'effet
10:52confiance qui est là, ça c'est un premier point.
10:57Deuxièmement, on a une élection en Allemagne le 23 février prochain qui est sujette à
11:04beaucoup de débats sur les conséquences de cette élection et au-delà de la quasi-certitude
11:09de la fragmentation du Bundestag, donc du Parlement allemand, en même titre qu'on a
11:13une fragmentation en France, il y a un autre débat qui est extrêmement important qui est
11:18la tenue de la politique économique de l'Allemagne qui connaît une accumulation de défaites
11:25et de problèmes et qui ne sont pas que conjoncturelles avec une nécessaire mise en cause de ce qu'on
11:31appelle la règle d'or, c'est-à-dire dans la constitution allemande, l'interdiction
11:35de faire des déficits, donc là c'est ce qui est en jeu dans cette élection parmi
11:39les grands facteurs, une Allemagne qui pourrait utiliser ses excédents qui sont gigantesques
11:45entre 5 et 6% du PIB à des fins non pas de remboursement de la dette comme ils l'ont
11:50fait depuis 15 ans mais à des fins d'investissement, de croire en eux pour le futur et d'entraîner
11:55l'Europe et le reste de l'Europe dans un cercle vertueux d'investissement, d'innovation
12:01et de compétitivité.
12:02Et ça c'est possible d'ores et déjà à l'issue de ces élections fédérales avancées,
12:09je passe le temps qu'il pourrait se dérouler pour la formation d'une coalition mais vous
12:14dites ce que vous décrivez là, changement de modèle allemand, c'est possible à l'issue
12:20de ces élections ?
12:21C'est l'enjeu de l'élection allemande pour nous sur les marchés, sincèrement
12:25s'il va y avoir une coalition, le système politique allemand est fondé sur les coalitions,
12:30aucun parti ne peut gouverner tout seul, comme on dit à l'IFO, il faut des coalitions.
12:35Mais est-ce qu'on aménage ou est-ce qu'on va plus loin que ça ? Est-ce qu'on donne
12:38un peu de flexibilité ou est-ce qu'on...
12:41La constitution ne permet pas de souplesse et c'est là l'enjeu de la règle d'or qui
12:45a été votée en 2009, qui a été mise en exécution pour la première fois en 2011,
12:50ça fait donc presque 15 ans maintenant que la direction de l'Allemagne n'est que l'utilisation
12:56des excédents externes à des fins de remboursement de la dette à un moment où ils ont des centaines
13:01de milliards d'euros nécessaires d'investissement dans la défense, l'énergie, le digital, l'innovation
13:08et la restructuration de leur industrie, notamment automobile.
13:11Il y a du boulot et ça va coûter cher et pour ça il y a besoin d'aide publique.
13:15Donc là il y a un gros consensus qui est en train de se dessiner en Allemagne, la vitesse
13:21avec laquelle ils vont y aller c'est le fameux trigger, l'effet signal qui peut venir autour
13:25de l'élection, ce n'est pas nécessairement le jour de l'élection mais sur l'inflexion
13:29de politiques économiques à terme et d'entraîner ainsi le reste de l'Europe dans un modèle
13:35économique qui soit différent.
13:37Deuxièmement, dans les triggers, et là on a une impulsion de part de la nouvelle administration
13:43américaine qui ressemble étrangement à l'impulsion qu'on a connue au début des années 80 avec
13:49Ronald Reagan, qui est une impulsion de dérèglementation, ce n'est pas du cost-cutting, c'est de la
13:54déréglementation qui dit son nom et qui peut donner un boost en matière de compétitivité
14:00et de rentabilité très important.
14:01Et c'est un des enjeux de la politique européenne, il n'y a pas qu'en Allemagne, est-ce qu'on
14:05va décider d'arrêter, de continuer à tout réglementer, ce qui est bien en matière
14:10de précaution et mauvais en matière de croissance.
14:13Il faut réallouer sur l'Europe, on est au bout Alain, je le précise, mais tout ce que
14:17vous dites là, ça veut dire qu'on a déjà quand même un niveau de confiance suffisant
14:20pour se dire qu'il est temps peut-être de réallouer sur l'Europe ?
14:24En tout cas, dans l'exercice 2025, ce qu'on peut constater, c'est que personne ne paye
14:29pour voir en Europe.
14:30Autant aux Etats-Unis, le marché a monté avant l'élection, on fait crédit aux Etats-Unis
14:35en disant que le dollar et les actions américaines ont monté avant l'élection de Trump, le
14:40marché a joué cette élection et cette victoire qui est étonnante à bien des égards.
14:45En Europe, on ne paye pas pour voir.
14:48Donc il faut des faits, il faut des faits sur éventuellement la fin de la guerre en
14:52Afrique, il faut des faits sur la fin de la règle d'or, il faut des faits sur un engagement
14:55sur moins de réglementation, ces trois facteurs peuvent enclencher un cycle plus vertueux
15:01sur les actifs européens.
15:02Bon, approche un rendez-vous dans un mois, le 23 février, ça va vite venir, c'est donc
15:07la nouvelle élection la plus importante du monde, les élections fédérales en Allemagne.
15:10Merci beaucoup Alain.
15:11Alain Bocobzar, responsable de la stratégie d'allocation d'actifs de Société Générale
15:14CIP.