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Mardi 5 novembre 2024, SMART BOURSE reçoit Gilles Moëc (Chef économiste, Groupe Axa)

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00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourse, le quart d'heure thématique, le thème ce
00:13soir, c'est comment est-ce que le monde, le reste du monde, se prépare à accueillir
00:17le résultat de l'élection américaine et le potentiel risque Trump, comme on l'appelle,
00:22nous en parlons avec Gilles Mouet, chef économiste du groupe AXA, avec nous en visioconférence.
00:26Bonsoir Gilles, bienvenue.
00:27Merci beaucoup d'être avec nous.
00:29Je sais que vous avez passé beaucoup de temps, Gilles, à travailler la question politique
00:34à travers la dynamique des sondages aux Etats-Unis, c'est soit une passion, soit une nécessité
00:41dans les deux cas, c'est en tout cas le travail que vous avez effectué, Gilles.
00:45Quelles sont les dernières observations que vous faites sur cette question de politique
00:51immédiate à travers notamment la dynamique des sondages, qui a connu quand même un mouvement
00:55de renversement depuis quinze jours, trois semaines ?
00:58Oui, en fait, ce qui était assez frappant, c'est qu'on a eu une longue période de stabilité
01:04de l'avance de Kamala Harris, quand on prend les grands agrégateurs de sondage, 538, au
01:11Real Clear Politics, au Nacy River, on était en gros entre 2,5 et 3,1, ça pendant tout
01:17le mois de septembre et la première moitié d'octobre, ce qui était d'ailleurs déjà
01:22une avance un peu faible pour Kamala Harris, quand on se souvient des huit points d'avance
01:28qu'avait Biden à la même étape de la course en 2001.
01:31Et puis après, le premier jour, c'était le 19 octobre, l'avance de Kamala Harris est
01:37tombée en dessous de 2 % et elle a continué graduellement et marginalement à s'effriter
01:42jusqu'à arriver à 1 %, et ce qui s'est passé au même moment, c'est un renversement
01:48des avances dans beaucoup d'états pivots.
01:52On a toujours une certaine résistance de Kamala Harris dans les états des Grands Lacs,
01:59en revanche, une poussée assez claire de Trump dans les états du Sud et dans les états
02:03de l'Ouest, ce qui aboutissait au résultat tout simple et qui, à mon avis, expliquait
02:09la réaction de marché depuis une quinzaine de jours, qui était que sur la base des
02:14sondages, la probabilité la plus nette, c'était celle d'une victoire de Donald Trump, s'accentuant
02:20du fait que la plupart des acteurs de marché intègrent le fait que Biden avait une avance
02:27de huit points dans les sondages, plan national, l'avance de huit points le 3 novembre 2020
02:33et qu'il a gagné par simplement quatre points.
02:35– Dix, les par deux, c'est ça.
02:37– Donc voilà, peut-être qu'entre temps, la qualité des sondages s'est nettement
02:40améliorée, mais tout cela constitue un faisceau d'indice qui explique, à mon avis,
02:47la réaction de marché.
02:48La réalité, c'est que personne n'en sait rien, il y a eu une interview très intéressante
02:53à la Harvard Gazette de l'un des grands patrons des descendeurs américains qui avait
02:59été président de la commission, justement, qui s'était penché sur l'erreur de prédiction
03:03de 2020 et qui, en gros, concluait par « je n'en sais rien, moi, pas plus que vous ».
03:09Donc voilà, on est dans cet état d'incertitude assez complet.
03:14– Est-ce qu'on a un peu plus de certitude sur l'autre bataille qui est une bataille
03:19décisive aussi, qui est celle du Sénat, Gilles ?
03:22– Alors le Sénat, si on prend par exemple les prévisions de 538, qui est plutôt un
03:30bon « track record », pas parfait, mais plutôt un bon « track record » dans la matière,
03:34pour eux, la messe est dite, 90% de probabilité d'une victoire sénatoriale.
03:39Pour les Républicains.
03:41Et ça, on le sait depuis un moment que tout avantage les Républicains en la matière.
03:47D'abord parce qu'on part déjà d'une majorité extrêmement fine, d'un siège
03:51pour les démocrates.
03:52Deuxièmement parce que l'un de ces démocrates, Manchin, était élu de Virginie Occidental,
04:00c'était un peu une anomalie, c'est-à-dire que c'était un sénateur démocrate, avec
04:04d'ailleurs des vues parfois assez étranges pour son parti, mais élu par un État fonctionnel,
04:09entièrement républicain, Manchin, prenant sa retraite, il était presque évident, il
04:12est presque évident que la Virginie Occidentale repasse du côté républicain.
04:16Et puis, dans d'autres « anomalies », par exemple dans des États montagneux de l'Ouest,
04:25et fondamentalement le simple fait arithmétique que, puisque le Sénat n'est pas renouvelé
04:30dans son ensemble, cette fois-ci, ce sont surtout des sièges démocrates qui sont remis
04:36en jeu, et donc, arithmétiquement, la probabilité de perte démocrate est plus importante que
04:42la probabilité de perte républicaine.
04:44Donc que le Sénat passe du côté des républicains, c'est probablement assez écrit.
04:49La question peut-être plus fondamentale, c'est celle de la Chambre, en tout cas d'un
04:55point de vue marché, parce que la Chambre de représentants, elle est vraiment centrale
05:00pour tout ce qui concerne les négociations budgétaires, qui à mon avis vont être un
05:03des grands éléments de différenciation entre une présidence Harris et une présidence
05:09Trump.
05:10Il y a eu un très très bon calcul fait par la Penn-Wilson qui arrive au résultat suivant.
05:16Si c'est Trump et qu'il a les moyens d'appliquer sa politique, ce qui voudrait dire qu'il
05:20a une majorité à la Chambre de représentants, c'est deux points de déficit budgétaire
05:24en plus tous les ans pendant 10 ans.
05:25Si c'est Harris, c'est seulement 0,5 point en plus.
05:28Dans aucun des cas, le déficit s'améliore, mais l'écart va de 1 à 4 entre les deux
05:32sur la question du déficit.
05:33Et pour ça, il faut vraiment que le président puisse contrôler la Chambre, et ça c'est
05:40moins évident.
05:41C'est moins évident parce que la course est plus ouverte, il n'y a pas cet écart
05:47arithmétique entre sortant républicain et sortant démocrate.
05:51Il y a eu par ailleurs des redécoupages électoraux dans des États qui sont déjà assez féroces
05:56aux démocrates, par exemple dans l'État de New York.
05:59Donc même si Trump est élu, il n'est pas totalement évident qu'il puisse gagner la
06:03Chambre.
06:04Est-ce que le risque Trump est plus encadré qu'en 2016 quand il est arrivé par surprise ?
06:13Vous dites évidemment, la question est de savoir jusqu'où il aura les mains libres
06:18avec le Congrès.
06:19Même si l'ensemble du Congrès était rouge, vous dites que Trump n'a pas forcément la
06:25main sur l'ensemble du caucus républicain aujourd'hui et qu'il y a peut-être encore
06:29des gens dans la pièce républicaine qui resteraient des adultes, de ce point de vue-là,
06:35Gilles.
06:36Et puis il y a quand même toujours la dimension commerciale et tarifaire.
06:39Où est-ce que le risque Trump peut être encadré selon vous et où est-ce qu'il peut
06:44être un peu plus débridé en revanche que par rapport à 2016 ?
06:48Sur la question budgétaire, là, la résistance du Congrès peut être très forte parce qu'effectivement
06:55on va trouver dans ce qu'on appelle le caucus républicain des gens qui sont des républicains
07:00traditionnels, des républicains canales historiques, entre guillemets, donc qui sont plutôt prudents
07:04en matière de finances publiques.
07:05On part déjà d'un déficit tendanciel entre 6 et 7 % d'après le CBO, ça c'est la base.
07:13Donc si on rajoute deux points de plus, on est quand même là dans des choses qui sont
07:17quand même très irsutes en termes de soutenabilité de la dette.
07:19Donc on peut s'attendre à la résistance côté républicain, d'autant plus si Trump
07:24n'a pas la main, n'a pas de majorité républicaine à la chambre.
07:28En revanche, il y a des éléments sur lesquels il a une capacité d'action quasiment totale,
07:34et c'est la question de la guerre commerciale, puisqu'on l'a vu déjà lors de son premier mandat.
07:40Il peut le faire par ce qu'on appelle des executive orders, donc il peut utiliser un arsenal
07:44qui lui est propre pour mettre en place cet arrif.
07:47Même chose sur l'immigration, qui est un sujet qui est sous-discuté en Europe, mais
07:51qui est absolument central, à mon avis, pour toute la mécanique macroéconomique
07:56américaine qui va en venir.
07:58L'année dernière, on a probablement eu environ 3 millions d'arrivants aux États-Unis.
08:03Ça représente deux points de main-d'œuvre en plus.
08:05On n'aurait jamais eu le ralentissement de l'inflation que l'on a connu depuis maintenant
08:10un an, un an et demi, sans cet apport des migrants.
08:13Trump, aujourd'hui, sa position officielle, c'est non pas simplement l'arrêt des flux,
08:18c'est le renvoi, c'est l'exclusion massive des immigrants illégaux.
08:23Et là-dessus, il peut le faire, en grande partie en tout cas, par executive orders.
08:28Donc même s'il y a la résistance du côté du caucus républicain, sur ce type d'éléments,
08:33ça serait plus compliqué à mettre en œuvre, sauf à faire imaginer un système d'arbitrage,
08:39un système d'échange entre une chambre potentiellement républicaine et Trump.
08:46Parce que vous avez beaucoup de gens chez les Républicains qui vont être très inquiets
08:50d'une politique de renvoi massif des immigrants illégaux, parce qu'ils sentent que certains
08:53secteurs de l'économie américaine ne peuvent pas fonctionner sans ces immigrants illégaux.
08:57Et donc, essaierait en fait de...
09:02Petite déconnexion avec Gilles.
09:06On va voir si on peut retrouver Gilles.
09:08Il nous reste quelques minutes sur cette élection américaine, bien sûr.
09:14Et la politique migratoire de Donald Trump, si elle était appliquée, qui poserait évidemment
09:20un certain nombre de questions pour la macroéconomie américaine spécifiquement, puisque 3 millions
09:26de migrants sont arrivés dans l'économie américaine l'an dernier et ont largement
09:32participé à augmenter l'offre de travail, à faire baisser l'inflation et à augmenter
09:37également une partie de la demande dans l'économie américaine.
09:41Gilles, on a été coupé sur la politique migratoire, le risque d'exécution de la
09:45politique migratoire telle que la doctrine Trump la conçoit aujourd'hui.
09:51Le système des executive orders lui donne quand même un certain nombre de marges de
09:58manœuvres sur cette politique-là.
10:00Je voulais qu'on dise un mot aussi de la politique commerciale, Gilles.
10:03Votre point étant de dire que pour l'Europe, le plus grand risque, c'est la politique
10:09tarifaire des Etats-Unis vis-à-vis de la Chine, pas forcément vis-à-vis de l'Europe
10:13elle-même.
10:14Parce que les 10% de droits de douane, honnêtement, s'ils sont appliqués sur tout le monde,
10:19l'impact est assez limité parce que vous n'êtes pas en état de désavantage vis-à-vis
10:26de vos compétiteurs des pays tiers.
10:29Vous ne rentrez pas en compétition avec les Syds coréens ou avec les Mexicains sur le
10:34marché américain.
10:35La souffrance viendrait simplement du fait qu'il pourrait y avoir substitution par des
10:40producteurs domestiques américains, ce qui est difficile à mettre en œuvre à très
10:43court terme.
10:44Par ailleurs, on pourrait imaginer que 10 points de droits de douane, ça s'absorbe
10:47assez facilement par une dépréciation, elle aussi, finalement, assez mesurée du change.
10:53Par contre, 10% sur l'euro dollar, c'est gérable.
10:59En revanche, 60% de droits de douane sur la Chine, le risque, c'est une baisse très
11:06forte de la demande chinoise avec un effet en retour sur les exportateurs européens,
11:10notamment allemands.
11:11L'autre risque, c'est que la réponse de Pékin, ce soit une dépréciation très forte
11:15de sa devise.
11:16Et donc là, un vrai désavantage compétitif entre nos producteurs et les producteurs
11:20chinois.
11:21Dans une situation comme celle-là, est-ce qu'on peut imaginer une Fed qui aurait la
11:27nécessité d'avoir un réglage peut-être plus dur de sa politique monétaire, et face
11:31à cela, une BCE qui devrait se pousser à aller beaucoup plus loin peut-être dans l'accommodation,
11:37c'est quelque chose de possible ?
11:39Je ne suis pas sûr qu'on ait la réponse de Gilles Mouecq, c'est l'interview maudite.
11:47Bon, ben, c'est pas grave, je crois qu'on va s'arrêter là avec Gilles pour ce soir.
11:51En attendant, de toute façon, le résultat de cette élection américaine, on aura largement
11:55l'occasion d'y revenir avec toutes les conséquences que ça implique, notamment pour les banques
11:59centrales.
12:00Je vous rappelle que la Fed sera l'une des premières banques centrales à réagir, en
12:03tout cas à devoir prendre une décision de politique monétaire dans le sillage de cette
12:07élection.
12:08La Fed qui rendra cette décision ce jeudi 7 novembre, quel que soit le résultat ou
12:12l'absence de résultat d'ailleurs de cette élection présidentielle américaine.
12:17C'était quand même Gilles Mouecq avec nous, je le rappelle, chef économiste du groupe
12:20AXA, invité de ce dernier quart d'heure de Smart Bourse ce soir sur Be Smart For Change.

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