SMART BOURSE - Macro, politique et banques centrales

  • il y a 3 mois
Jeudi 11 juillet 2024, SMART BOURSE reçoit Gilles Moëc (Chef économiste, Groupe Axa)

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Transcription
00:00Le dernier quart d'heure de Smart Bourse ce soir, le quart d'heure thématique qui a pour sujet la macroéconomie, la politique et les banques centrales.
00:18Quelques questions à poser à Gilles Mouet qui est avec nous par téléphone, chef économiste du groupe AXA.
00:22Bonjour et bienvenue Gilles, merci beaucoup d'être avec nous.
00:26Commençons par la macro américaine, on a eu le rapport mensuel sur l'inflation et les détails de l'inflation américaine sont toujours passionnants.
00:32J'ai noté que le prix sur un mois des sous-vêtements masculins avait reculé de plus d'un pour cent, Gilles,
00:39et la légende nous dit que c'était un des indicateurs privilégiés par Alan Grissman pour mesurer l'état de santé de l'économie américaine.
00:47Au-delà de l'anecdote, quand vous regardez notamment les dernières données sur le marché du travail américain, ce rapport mensuel sur l'inflation,
00:54est-ce que tous les obstacles sont levés pour la Fed pour une baisse de taux ?
00:58Et est-ce que le calendrier des meetings de la Fed devant nous permet d'imaginer encore l'idée d'un soft lending américain ?
01:05Une Fed qui resterait dans le bon timing et dans le bon tempo et qui ne serait pas trop en retard ?
01:11Alors si c'est vrai pour Grissman, ça explique beaucoup de la suggestion de la politique monétaire sur l'inflation,
01:18en particulier sa préparation de la crise financière de 2008, mais passons à non,
01:23les indicateurs sont effectivement en train de tourner au vert sur l'inflation américaine.
01:28Moi ce que j'ai retenu en fait du chiffre d'aujourd'hui, c'est le fait qu'on a une accalmie, plus qu'une accalmie,
01:34une stabilisation des prix à la conso très large sur la plupart des grandes composantes qui étaient importantes pour la Fed.
01:43Il y avait un point en particulier qui devenait de plus en plus problématique, c'est le fait que le prix des loyers ne décélérait pas.
01:49En moyenne, au cours des 14-20 mois, on a fait à peu près 0,5 points par mois, et là on a fait 0,2.
01:56Donc c'était un peu le dernier arbre à la bâcle de la soirée inflationniste et de l'indicance curieuse des loyers qui est en train de se corriger.
02:06Donc oui, je pense que c'était déjà plus ou moins présent dans les dernières déclarations de J. Powell,
02:11on peut vraiment s'attendre à une baisse des taux en septembre.
02:15La question du calendrier, je pense qu'idéalement, à l'arion qui aura dû être l'extrême fin de ce mois,
02:24on aura la préparation des esprits à la baisse des taux qui interviendra effectivement au mois de septembre.
02:29Est-ce que ça viendra trop tard ? J'ai envie de dire que ça vient toujours trop tard.
02:33L'expérience qu'on peut avoir de la politique monétaire, c'est qu'en général on baisse les taux toujours un peu trop tard,
02:38et qu'on y remonte aussi souvent un peu trop tard.
02:41Mais voilà, si on rate le train de deux ou trois mois, c'est probablement parfaitement gérable,
02:49d'autant plus que sur les indicateurs de l'économie réelle, il y a quelques points un peu alarmants,
02:55au parti de la fameuse règle de Sam sur le taux de chômage,
02:58mais le reste de l'économie reste quand même plutôt bien tenu.
03:04Donc voilà, si la Fed arrive à baisser les taux en septembre,
03:07en sachant qu'en plus les taux longs, eux, vont commencer à être déjà corrigés,
03:10donc on a déjà un expliquement des conditions financières globales,
03:15on devrait tous voir, continuer à avoir un matériel de sajour douceur,
03:20d'autant plus que si Trump gagne les élections au mois de novembre,
03:25on aura probablement une expansion budgétaire supplémentaire en 2025.
03:29Ce ne sera pas très bon pour l'inflation, mais ça aiderait probablement à soutenir un peu la croissance.
03:33Justement, qu'est-ce qu'on peut imaginer, puisque c'est quand même la probabilité montante d'avoir une vague Trump,
03:38et quand je dis vague, c'est la Maison-Blanche et l'ensemble du Congrès, Gilles,
03:43parce que sur la publication de l'inflation cet après-midi,
03:46on voit tout de suite que se renforcent également les probabilités de baisse de taux pour 2025.
03:50Dans le cas d'une présidence Trump avec des pouvoirs également à l'ensemble du Congrès,
03:57Gilles, quelle dose de conflictualité il faut imaginer entre la politique monétaire
04:03et une politique budgétaire et tarifaire commerciale telle que signalée par Trump et ses équipes aujourd'hui ?
04:09Autant je suis de plus en plus confiant sur la baisse des taux du mois de septembre
04:15et probablement du mois de décembre, ça me paraît atteindre un très très haut niveau de probabilité,
04:20autant je suis de moins en moins confiant sur la possibilité d'avoir une poursuite de la baisse des taux en 2025,
04:26parce que si je prends les trois premiers éléments de la plateforme électorale de Donald Trump
04:32qui est beaucoup plus précise qu'elle ne l'était en 2016.
04:37Les trois éléments principaux, c'est un arrêt brutal de l'immigration,
04:42deux politiques budgétaires encore plus incommodantes avec la prolongation des baisses d'impôts de 2017
04:47qui étaient censées expérimenter en 2025,
04:50trois bières commerciales, en tout cas durcissement très net des tarifs loigniers.
04:56Les trois sont éminemment pessimistes.
04:58Sur l'immigration, on a eu l'année dernière un peu plus de 3 millions d'entrées de personnes en âge de travail sur le territoire américain,
05:05donc plus de 1% de population active résidente.
05:08Sans cela, on n'aurait jamais eu le début de décélération des salaires auxquels on a assisté.
05:14Donc s'il y a effectivement un arrêt brutal de l'immigration, c'est plutôt un message à France Unie.
05:19Sur le budgétaire, c'est la même chose,
05:21c'est-à-dire qu'on devait normalement avoir des déficits en résorption légère en 2025,
05:27si on prolonge les baisses d'impôts, on n'y aura pas.
05:30Troisième élément, sur la bière commerciale,
05:33c'est par nature, c'est par construction, une mesure qui sera impassionnante.
05:38Donc si on se met à la place de Powell en 2025,
05:45est-ce qu'il aura envie d'aller tellement plus loin dans la baisse des taux ?
05:49Probablement pas.
05:50Et je pense que ça, c'est un élément qui ferait comprendre
05:53pourquoi il y a sans doute une espèce de seuil de résistance sur les taux lourds américains.
05:57C'est-à-dire que là, on reste survu entre 4, 15 et 85.
06:02Je pense qu'on aura du mal à passer la barre des 4,
06:04précisément parce que le marché va être de plus en plus localisé
06:08sur la possibilité qu'on ait une espèce de deuxième vague impassionnante en 2025.
06:14L'Europe et la France avant tout.
06:17Gilles, il y a la politique, l'arithmétique.
06:22Je ne sais pas si l'arithmétique nous aide à y voir plus clair
06:25sur une gouvernance prochaine à l'Assemblée nationale et pour l'exécutif français.
06:33Mais on peut toujours miser sur l'intelligence collective, Gilles, bien sûr.
06:37Mais il y a aussi l'idée qu'il y a des garde-fous disciplinaires peut-être autour de nous
06:41qui peuvent permettre d'encadrer la France dans un chemin qui resterait compatible
06:46avec celui de nos partenaires européens.
06:49Est-ce que ces garde-fous, ça va de la constitution au marché,
06:52bien sûr en passant par les agences de notation, les procédures de déficit excessif,
06:55est-ce que tout ça paraît solide et rassurant pour un investisseur global
06:59qui commence à avoir l'habitude de ces sujets européens
07:04ou est-ce qu'il y a un vrai risque spécifique du fait du poids de la France
07:09et de l'éclatement du paysage politique aujourd'hui ?
07:12On aura peut-être 13 groupes à l'Assemblée nationale demain, c'est un premier point.
07:18Et puis la question conjoncturelle également qui se pose derrière,
07:22c'est combien de temps est-ce qu'on perd dans l'idée d'un décollage ou d'un redécollage
07:26de la France aujourd'hui sur le plan de l'activité économique, Gilles ?
07:30L'arithmétique parlementaire plus la constitution, ça permet quand même d'éliminer du radar
07:37les solutions qui seraient probablement les plus toxiques du point de vue du marché.
07:42Je pense que tu expliques d'ailleurs pourquoi le marché reste relativement calme,
07:46le marché obligataire reste relativement calme devant effectivement
07:50l'atomisation du paysage politique français.
07:52Pourquoi ? Parce que ce qui a été exclu après les premiers et les deuxièmes tours,
07:58c'est l'hypothèse application complète du programme du gouvernement national
08:02et application complète du programme du Front populaire.
08:06On peut jouer à qui fera la pression la plus forte pour obtenir de la part du gouvernement républicain
08:14ou de la nomination d'un premier ministre.
08:16Mais un, la constitution est très claire, c'est le président de la République
08:20qui va être le premier ministre et ce premier ministre ne lui est pas imposé.
08:23Deuxièmement, arithmétiquement, les solutions extrêmes seraient renversées
08:28en l'espace de quelques jours parce que les autres blocs parviendraient à les juguler.
08:33Donc ça je pense que ça explique en grande partie la certaine patience du marché
08:38depuis quelques jours.
08:40Maintenant, la difficulté pour moi, ça devient une difficulté presque logistique.
08:45C'est-à-dire qu'il faut présenter une autre finance initiale au plus tard début octobre
08:53et normalement le 20 septembre, la France est normalement obligée
08:57de transmettre aux autorités européennes son plan structurel sur quatre ans.
09:02Ça laisse très peu de temps aux équipes qui seront effectivement constituées
09:06une fois qu'on aura fait le tour des solutions impossibles
09:09et qu'on arrivera aux solutions possibles, ça laissera très peu de temps aux équipes
09:13pour arriver à quelque chose de complètement cohérent.
09:18Alors, moi je compte sur quand même une certaine flexibilité
09:22de la part des Européens en la matière.
09:27Je pense que personne n'a envie d'aller immédiatement à la collision frontale
09:31entre un gouvernement français qui respecterait globalement
09:36l'épure du pacte de solidarité de croissance,
09:39s'il manque quelques dizaines de points de pile
09:42et si l'affaire ne paraît pas complètement bordée,
09:46je pense qu'on trouvera de la flexibilité.
09:48Mais encore une fois, la vraie difficulté maintenant de plus en plus pressante,
09:52c'est une difficulté logistique.
09:54Il faut que les équipes soient en place, il faut qu'elles soient en place avant la fin de l'été
09:58parce que même si les équipes du ministère des Finances travaillent aujourd'hui
10:02et prennent plein d'arrache-pied, il faut des instructions, il faut des cadrages.
10:07Les cadrages qui ont été envoyés hier par le ministre actuel des Finances
10:11n'ont pas en soi de validité qui excéderait la durée de vie du gouvernement actuel.
10:16Donc c'est ça plutôt qui me pose question.
10:20Mais je comprends assez bien en fait pourquoi on a cette patience du marché.
10:25Oui effectivement, la question c'est jusqu'à quand est-ce qu'effectivement les marchés pourront être patients.
10:30Je crois à l'information de Bloomberg aujourd'hui qui montre quand même la base de négociation
10:34entre Bruxelles et une future gouvernance politique en France.
10:39Bruxelles nous dit plutôt que de revenir sous les 3% en 4 ans, faites-le en 7 ans.
10:44C'est 15 milliards d'euros de correction de l'exécution budgétaire chaque année.
10:49Ça montre quand même ce que vous défendiez, Gilles.
10:52Une approche quand même flexible de Bruxelles par rapport à la situation française spécifique.
10:57Cette flexibilité, elle existe dans les textes. Elle existe dans le nouveau budgétaire.
11:06Donc ce qui était sur Bloomberg, c'était purement la lecture des textes.
11:12Ce n'est pas une information en soi.
11:14Mais il y a des conditions pour que justement au lieu de mettre 4 ans, on y passe 7.
11:21Il faut que la trajectoire d'ensemble et l'engagement sur des références structurelles en particulier soient quand même là.
11:30C'est-à-dire que 7 ans, ce n'est pas deux droits. Il faut le gagner.
11:33Il faut quand même avoir une crédibilité minimum pour que la Commission européenne l'offre.
11:38Mais voilà, c'est quand même notre base.
11:41Notre base, c'est qu'on arrive à trouver une combinaison gouvernementale.
11:43Alors est-ce que c'est un gouvernement technique ? Est-ce que c'est une coalition d'argent ? Je n'en sais rien.
11:47Mais en tout cas, une solution gouvernementale suffisamment correcte, entre guillemets,
11:51qui soit en tout cas intégrée dans le logiciel européen habituel,
11:57et avec ce minimum présent à Paris, on puisse trouver effectivement les marges de flexibilité des textes.
12:06Encore une fois, c'est ce qui était prévu.
12:08On l'a oublié, mais ce qui a été négocié dans ce nouveau système sur le budgétaire européen
12:13offre plus de flexibilité que le système précédent.
12:16Merci beaucoup Gilles, merci pour votre éclairage sur ces situations américaines et françaises.
12:21Gilles Mouek, chef économiste du groupe AXA, était avec nous par téléphone dans Smartbours ce soir.

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